Décisions | Chambre civile
ACJC/483/2025 du 03.04.2025 sur JTPI/10030/2024 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/17217/2023 ACJC/483/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 3 AVRIL 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE] appelante d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 août 2024, représentée par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477, 1211 Genève 12,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [VD], intimé, représenté par Me Wana CATTO, avocate, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12.
A. Par jugement JTPI/10030/2024 du 27 août 2024, reçu le 2 septembre 2024 par A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a dissous par le divorce le mariage contracté le ______ 2016 à C______ (Genève) par A______, née [A______] et B______ (chiffre 1 du dispositif), attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, sis avenue 1______ no. ______, [code postal] Genève, avec tous les droits et obligations découlant du contrat de bail relatif à ce logement (ch. 2), dit qu’aucune contribution d’entretien post-divorce n’était due par B______ à A______ (ch. 3), ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les époux durant le mariage (ch. 4), ordonné en conséquence à la Caisse de retraite du D______ de prélever sur la rente mensuelle de B______ une part de 1'086 fr. 95 à convertir en rente viagère à verser sur le compte de libre passage de A______ et à la Fondation de prévoyance complémentaire du D______ de prélever la somme de 108'417 fr. 82 des avoirs de prévoyance professionnelle de B______ et de la verser sur le compte de libre passage de A______ (ch. 5 et 6), déclaré la conclusion de B______ relative au remboursement par A______ de 17’685 fr. 35 irrecevable (ch. 7), condamné A______ à rembourser à B______ la somme de 23'767 fr. 35 au titre de règlement des dettes entre époux (ch. 8), donné acte à A______ et B______ de ce qu’ils sont convenus que la propriété de tous les meubles garnissant l’ancien domicile conjugal est acquise à A______ (ch. 9), dit et constaté que moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, les parties ont liquidé l’intégralité de leurs rapports patrimoniaux et n’ont plus aucune prétention à faire valoir l’une contre l’autre à ce titre (ch. 10), condamné, en tant que de besoin, les parties à exécuter les dispositions du jugement (ch. 11), arrêté les frais judiciaires à 3'000 fr., compensés par l'avance de frais fournie par B______ et mis à la charge des parties pour moitié chacune, de sorte que A______ a été condamnée à verser 1'500 fr. à B______ (ch. 12), n'a pas alloué de dépens (ch. 13) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 19 [recte : 14]).
B. a. Par acte expédié le 2 octobre 2024, A______ a formé appel auprès de la Cour de justice (ci-après : la Cour) contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation des chiffres 8 et 19 (recte : 14) du dispositif. Elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle ne doit pas rembourser la somme de 23'767 fr. 35 à B______ et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.
b. Dans sa réponse, B______ a conclu, avec suite de frais et dépens, à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.
d. Elles ont été informées par plis du greffe du 29 janvier 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______, né le ______ 1959 à Genève, originaire de Genève, et A______, née le ______ 1970 à E______ (France), de nationalité française, se sont mariés le ______ 2016 à C______ (Genève).
b. Ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
L'article 2 de leur contrat de mariage prévoyait notamment que chaque époux avait l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens, dans les limites de la loi, et que les dispositions sur le règlement des dettes entre les époux étaient réservées. L'article 5 précisait notamment que le régime n'avait pas d'effet sur l'exigibilité des dettes entre époux.
c. Aucun enfant n’est issu de cette union.
B______ et A______ ont toutefois chacun deux enfants majeurs issus d’unions précédentes.
d. B______ a quitté le domicile conjugal le 1er février 2021.
e. Durant la vie commune, B______ a notamment travaillé comme gérant de portefeuilles au sein de la banque D______ (ci-après : la banque D______), avant de prendre sa retraite anticipée le 1er janvier 2022. Devant le Tribunal, il a expliqué avoir été analyste financier auprès de la banque D______; il détenait auparavant une société, qu'il avait liquidée.
A______ n'a exercé aucune activité lucrative pendant la durée de la vie commune.
f. Du 21 février 2020 au 20 novembre 2020, B______ s'est acquitté mensuellement auprès de l'administration fiscale de la somme de 5'028 fr. 20 au titre des acomptes cantonaux et communaux de l'année 2020.
f.a Dans son décompte final du 19 janvier 2022 envoyé à A______ et B______ à l'adresse de ce dernier, l'administration fiscale (ci-après : l'AFC) a fait état d'un solde en faveur des précités de 47'534 fr. 70. Le décompte final précisait, au recto, que "[l]e solde en votre faveur sera versé, dans les 30 jours, sur le compte bancaire ou postal mentionné au verso ou porté au crédit d'une autre créance". Le verso de ce décompte indiquait que le solde serait versé sur le compte bancaire de B______ auprès de la Banque D______.
Il est acquis que le solde dû par l'AFC a toutefois été versé à hauteur de
23'767 fr. 35 sur le compte bancaire respectif de chacun des époux, à une date indéterminée, que A______ situe au plus tard au 18 février 2022.
f.b A______ allègue qu'il était convenu que chacun des époux conserve la moitié de tout éventuel remboursement provenant de l'administration fiscale, ce que B______ conteste. Dans la mesure où il s'était acquitté seul du paiement des impôts, il n'avait jamais accepté que ceux-ci soient remboursés à A______.
f.c Devant le Tribunal, B______ a déclaré avoir contesté la répartition effectuée par l'AFC par le biais d'une réclamation, sans produire aucune pièce. L'administration fiscale n'avait pas répondu favorablement à sa requête et il n'avait pas entrepris d'autres démarches.
g. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 août 2023, B______ a déposé une demande unilatérale en divorce.
Il a notamment conclu, sur le seul point encore litigieux en appel, à ce que A______ soit condamnée à lui verser 23'767 fr. 35 au titre du règlement des dettes entre époux.
h. Dans sa réponse, A______ a conclu à ce qu'il soit dit et constaté que les rapports patrimoniaux entre les parties étaient liquidés et que celles-ci n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre, à quelque titre que ce soit.
i. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 5 juin 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions, à l'issue de quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. Plusieurs procédures, pouvant être résumées comme suit, ont opposé les parties antérieurement à la procédure de divorce :
a. Le 29 octobre 2020, A______ a déposé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale.
Par jugement JTPI/6261/2021 du 17 mai 2021, le Tribunal a notamment attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal et condamné B______ à lui verser une contribution d’entretien mensuelle de 9'700 fr. du 1er février 2021 jusqu'au 31 décembre 2021, puis de 1'900 fr. à compter du 1er janvier 2022.
B______ a formé appel contre ce jugement, tout en s'acquittant de la contribution d'entretien prévue dès le mois de février 2021.
Par arrêt ACJC/1302/2021 du 12 octobre 2021, la Cour a réduit les contributions d’entretien dues par B______ à A______ à 8'500 fr. par mois du 1er février 2021 jusqu'au 31 décembre 2021, puis à 1'400 fr. dès le 1er février 2022.
b. Par courrier du 11 juin 2021, B______ a listé les montants de différentes factures (notamment loyer et primes d'assurance maladie) qu'il avait payées pour A______ entre février et juin 2021, en sus de la contribution d'entretien fixée par le jugement du 17 mai 2021, et dont la somme totale s'élevait à 25'239 fr. 08. Il a invoqué la compensation de la somme en question avec le montant des contributions dues selon jugement du 17 mai 2021.
A______ s'est opposée à cette prétention par courrier du 15 juin 2021.
Par courrier du 16 septembre 2021, B______ a mis en demeure A______ de lui restituer 25'239 fr. 08 et lui a fait notifier un commandement de payer (poursuite n. 2______) en date du 18 décembre 2021, auquel elle a formé opposition.
Par demande déposée le 3 octobre 2022 devant le Tribunal, B______ a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui payer les sommes de 23'065 fr. 81 et de 3'000 euros avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021. Il a notamment soutenu avoir payé plusieurs factures de A______ afin de lui éviter de se retrouver dans une situation financière difficile, pensant que celle-ci accepterait ensuite le principe de la compensation ou lui rembourserait lesdits montants une fois la procédure de mesures protectrices terminée.
Par jugement JTPI/6133/2023 du 26 mai 2023, le Tribunal a rejeté la demande en paiement formée par B______. Il a notamment considéré que ce dernier n'avait pas fait valoir ses prétentions dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, de sorte qu'il ne pouvait plus réclamer le montant litigieux à A______.
c. Durant l'automne 2019 et alors que le couple faisait encore ménage commun, B______ a vendu l'ancien domicile conjugal, situé à F______ [GE], dont il était l'unique propriétaire, pour un montant de 2'300'000 fr. Le 7 octobre 2020, il a versé à A______ la somme de 100'000 fr. à la suite de la signature d'un document intitulé "reconnaissance de dette".
Par demande expédiée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2021, B______ a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui payer la somme de 100'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021. Il a soutenu que ladite somme avait été versée afin que A______ donne son accord à la vente de l'ancien domicile conjugal et mette fin aux procédures judiciaires qu'elle avait intentées à son encontre, ou à tout le moins afin que cette somme l'induise à réduire les prétentions qu'elle pourrait faire valoir à son égard. Il estimait avoir ainsi effectué ce paiement sous l'emprise d'un dol.
Par jugement JTPI/6782/2023 du 12 juin 2023, le Tribunal a rejeté la demande en paiement formulée par B______. Il a notamment considéré qu'il ne faisait aucun doute que A______ avait monnayé son concours à la vente de l'ancien domicile conjugal, la thèse de cette dernière, selon laquelle B______, généreux de nature, aurait spontanément et unilatéralement choisi de lui donner 100'000 fr. n'emportant pas conviction. Sous l'angle de l'enrichissement illégitime, le Tribunal a toutefois estimé que le versement de la somme de 100'000 fr. n'était pas intervenu sans cause, A______ s'étant engagée à concourir à la vente de l'ancien domicile conjugal; l'existence d'un engagement supplémentaire de A______ portant sur sa renonciation à entreprendre toute autre procédure judiciaire n'était pas prouvé.
E. a. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que B______ avait versé la totalité des acomptes provisionnels de l'année 2020, de sorte qu'il était légitimé à obtenir le remboursement du trop-versé dans sa totalité. A______ n'était pas parvenue à apporter la preuve d'une donation en sa faveur, cela d'autant moins que le remboursement litigieux était intervenu après la séparation des époux et que les acomptes provisionnels concernés avaient été versés pour une année durant laquelle seul B______ avait exercé une activité lucrative. Le simple fait que celui-ci ait attendu le début de la procédure de divorce pour réclamer le remboursement de cette somme n'était, en tant que tel, pas suffisant pour considérer qu'il y avait renoncé.
b. Devant la Cour, l'appelante a fait grief au Tribunal d'avoir arbitrairement constaté les faits en ne retenant pas l'existence d'une donation, alors que l'intimé avait déjà effectué des donations en sa faveur par le passé en payant ses factures lors de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ou encore en lui versant 100'000 fr. après la vente de l'ancien domicile conjugal. Il n'avait formulé aucune réclamation auprès de l'AFC, alors même qu'il disposait de connaissances spécifiques en matière fiscale, de sorte qu'il avait accepté la répartition par moitié du trop versé. Il s'agissait d'une libéralité sans réserve ni conditions, sur laquelle l'intimé ne pouvait revenir, ce dont le Tribunal n'avait, à tort, pas tenu compte.
1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
1.2 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours (art. 311 al. 1 CPC), et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).
1.3 La procédure est soumise à la maxime des débats (art. 55 et 277 al. 1 CPC) et au principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).
1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen, en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2).
2. Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC). Les faits résultant de décisions rendues dans des procédures précédentes entre les mêmes parties sont des faits notoires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_180/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4.3).
En l'espèce, l'état de fait a été complété en tant que de besoin avec les faits résultant de décisions rendues dans des procédures précédentes ayant opposé les mêmes parties.
3. 3.1.1 Lorsque l'union des époux est soumise au régime de la séparation de biens (art. 247 et ss CC), le régime n'a pas d'effet sur l'exigibilité des dettes entre époux (art. 250 al. 1 CC).
S'il y a divorce, séparation de corps, nullité de mariage ou séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande (art. 204
al. 2 CC). Les époux règlent leurs dettes réciproques (art. 205 al. 3 CC).
Sous le régime de la séparation de biens, il n'y a pas à proprement parler de liquidation de ce régime en cas de divorce, puisque les patrimoines des époux sont par définition déjà séparés. Un règlement des comptes entre époux peut cependant être nécessaire en raison de créances et de dettes qui ont pu prendre naissance durant la vie commune en faveur ou à la charge de l'un ou de l'autre, ce règlement pouvant au demeurant être renvoyé ad separatum (arrêt du Tribunal fédéral 5A_501/2015 du 12 janvier 2016 consid. 3.3; Deschenaux et al., Les effets du mariage, 3ème éd., Berne 2017, p. 911, n. 1626). Cependant, conformément au principe de l'unité du jugement de divorce consacré à l'art. 283 CPC, l'autorité de première instance, ou de recours, qui prononce le divorce, de même que l'autorité de recours appelée à régler certains effets accessoires alors que le principe du divorce n'est plus litigieux, ne peuvent pas mettre fin à la procédure sans avoir réglé tous les effets accessoires du divorce (ATF 144 III 298 consid. 6.3.1; 137 III 49 consid. 3.5). Cette règle, dont l'objectif est d'assurer un règlement uniforme et cohérent de toutes les questions relatives au divorce, s'applique aussi aux créances entre conjoints qui ne résultent pas du régime matrimonial, pourvu qu'elles soient en rapport avec l'union conjugale et avec l'obligation d'assistance mutuelle qui en résulte. Elle s'étend ainsi également aux époux soumis au régime de la séparation de biens, lequel ne prévoit pas de biens matrimoniaux et de liquidation des biens (art. 247 CC; ATF 111 II 401; arrêt du Tribunal fédéral 5A_182/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.2).
Les dettes entre époux trouvent leur source dans les règles ordinaires du droit, particulièrement celui des obligations. Les époux peuvent faire tous actes juridiques entre eux (art. 168 CC) et, donc, conclure des contrats (vente, bail, prêt, travail, mandat, etc.). Un époux peut, par ailleurs, être débiteur de l'autre en raison d'un acte illicite, d'enrichissement illégitime et de gestion d'affaires (en particulier lorsqu'un époux paie une dette de son conjoint) (Piller, Commentaire romand du Code civil, CC I, 2ème éd., 2023, n. 3 ad art. 250 CC).
3.1.2 La donation est la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contre-prestation correspondante (art. 239 al. 1 CO). Il s'agit d'un contrat, qui suppose un accord des parties sur un transfert patrimonial à titre gratuit (art. 1 al. 1 CO) et donc une acceptation de la part du donataire. L'acceptation peut intervenir par actes concluants (art. 1 al. 2 CO) et, comme la donation ne présente que des avantages pour le donataire, elle peut être tacite (art. 6 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.1.2; 136 III 142 consid. 3.3).
La gratuité est la caractéristique essentielle de la donation : l'attribution est faite dans le but immédiat d'enrichir le donataire, sans contre-partie, du moins sans contre-partie équivalente. Elle n'exclut cependant pas toute espèce de prestation ou de service promis en même temps par le donataire (ATF 144 III 93 consid. 5.1.2; Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5e éd., 2016, n. 1497).
3.1.3 Si l'un des époux prétend avoir obtenu de son conjoint une donation, il doit l'établir; la donation ne se présume pas, même entre époux (ATF 141 III 53 consid. 5.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_636/2016 du 3 juillet 2017 consid. 3.1; 5A_87/2010 du 5 mai 2010 consid. 3.1 et les arrêts cités). Ainsi, à défaut de démonstration certaine d'une attribution à titre gratuit (donati causa), les fonds sont considérés comme remis à titre de prêt. Cette solution est fondée sur l'expérience générale de la vie, au terme de laquelle celui qui fait un acte d'attribution n'a pas la volonté d'appauvrissement. Si cette solution est parfaitement justifiée entre commerçants sans lien de parenté ou d'amitié, la situation est différente entre époux où la portée de la présomption d'absence de volonté d'appauvrissement doit être réduite (Chaix, La donation entre époux et par les époux in : La planification du patrimoine, 2009, pp. 75 ss, pp 79-81).
3.1.4 Pour qualifier un contrat, le juge doit interpréter les manifestations de volonté (ATF 131 III 606 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3; 4A_145/2016 du 19 juillet 2016 consid. 5.2.1).
Conformément à l'art. 18 al. 1 CO, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si sa recherche aboutit à un résultat positif, le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3 et 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2.1, non publié aux ATF 143 III 348).
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 143 III 157 consid. 1.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_155/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.3 et 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2.2, non publié aux ATF 143 III 348).
3.1.5 Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution (art. 62 al. 1 CO).
L'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans à compter de la naissance de ce droit (art. 67 al. 1 CO).
3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimé a procédé au paiement des acomptes relatifs aux impôts cantonaux et communaux de l'année 2020, année durant laquelle les époux faisaient encore ménage commun et où il était le seul à percevoir des revenus. L'appelante n'ayant ni établi, ni même allégué qu'une partie des acomptes provisionnels provenait de ses propres deniers et les parties ayant adopté le régime de la séparation de biens, il y a lieu de considérer que le trop-perçu par l'AFC aurait dû intégralement revenir à l'intimé, conformément aux indications qui figuraient sur le décompte de l'AFC. Il reste toutefois à déterminer si les parties étaient convenues de ce que l'appelante pourrait conserver par devers elle le montant reçu de l'AFC, correspondant à la moitié de la somme due.
Le contrat de mariage ne traite pas de la question des éventuelles créances fiscales entre les parties, mais se contente de renvoyer aux dispositions sur le règlement des dettes entre époux, de sorte qu'il ne permet pas de déterminer une volonté réelle et commune sur ce point. L'allégation de l'appelante selon laquelle les parties étaient convenues de ce que chacune d'entre elles conserverait la moitié de tout éventuel remboursement d'impôts ne trouve aucune assise dans le dossier. L'appelante n'a en particulier produit aucun document faisant état de précédents remboursements d'impôts durant la vie commune qui auraient été répartis par moitié entre les parties, ce qui aurait permis d'asseoir sa position.
Il convient dès lors de déterminer si l'appelante pouvait, de bonne foi, interpréter le comportement de l'intimé comme une manifestation de sa volonté de lui donner la somme 23'767 fr. 35.
L'intimé a appris durant le mois de janvier 2022 que l'AFC était redevable d'un trop-perçu de 47'534 fr. 70. Selon les indications figurant sur le décompte du 19 janvier 2022 de l'AFC, ce montant aurait dû être intégralement versé sur le compte de l'intimé auprès de la Banque D______. A réception de ce décompte, l'intimé n'avait par conséquent aucune raison de le contester, puisqu'il pouvait légitimement partir du principe qu'il allait récupérer la totalité du trop-versé. A une date indéterminée, que l'appelante situe dans le courant du mois de février 2022, l'AFC a toutefois procédé au versement de la somme due à parts égales entre les parties, l'appelante ayant ainsi reçu la somme de 23'767 fr. 35. L'intimé a certes allégué, sans toutefois l'établir, être intervenu sans succès auprès de l'AFC afin de contester le versement dudit montant sur le compte bancaire de son épouse. Il n'a toutefois pas réclamé à cette dernière le versement de la somme reçue et a attendu le dépôt de la demande de divorce, le 17 août 2023, pour formuler des conclusions dans ce sens.
Cet élément, favorable à la thèse soutenue par l'appelante, est toutefois contrebalancé par d'autres éléments qui la mettent à mal.
Il est en effet établi qu'au moment du versement opéré par l'AFC, les relations entre les parties étaient conflictuelles, la vie commune ayant par ailleurs cessé au mois de février 2021. En 2021, l'intimé avait ainsi appelé du jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, en contestant le montant des contributions d'entretien mises à sa charge. Au mois de juin 2021, il avait réclamé la prise en compte de factures qu'il avait payées pour le compte de l'appelante, en 25'239 fr. 08, allant jusqu'à lui faire notifier un commandement de payer à la fin de l'année 2021 et en procédant au dépôt, en octobre 2022, d'une demande en paiement. A la fin de l'année 2021 également, soit peu de temps avant le versement par l'AFC à l'appelante de la somme litigieuse, l'intimé avait en outre cherché à récupérer une somme de 100'000 fr. qu'il lui avait versée en octobre 2020, alors que les parties faisaient encore ménage commun. Au vu de ce qui précède, l'appelante ne pouvait considérer, de bonne foi, que l'intimé entendait renoncer à lui réclamer le versement de la somme de 23'767 fr. 35 qu'elle avait reçue de l'AFC, alors qu'elle savait que les acomptes provisionnels versés en trop provenaient exclusivement des deniers de l'intimé et que les parties étaient par ailleurs soumises au régime de la séparation de biens, ce qui excluait la constitution d'acquêts auxquels elle aurait pu prétendre.
Il sera enfin relevé que si l'intimé a attendu l'introduction de la demande en divorce pour faire valoir ses prétentions en versement de la somme de
23'767 fr. 35, il n'était pas pour autant forclos sous l'angle de l'enrichissement illégitime, puisque le délai de l'art. 67 al. 1 CO était largement respecté.
Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.
4. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront arrêtés à 1'500 fr. (art. 30 al. 1 et 35 RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de frais fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'état de Genève. L'appelante ayant succombé, les frais judiciaires seront mis à sa charge (art. 106 al. 1 CPC), de sorte qu'elle sera condamnée à verser le solde, en 500 fr.
Pour le même motif, elle sera condamnée à verser à l'intimé des dépens à hauteur de 1'500 fr., TVA et débours compris.
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/10030/2024 rendu le 27 août 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17217/2023.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'500 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Condamne en conséquence A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 500 fr.
Condamne A______ à verser à B______ la somme de 1'500 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.