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Décisions | Chambre civile

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C/13460/2022

ACJC/362/2025 du 11.03.2025 sur JTPI/6699/2024 ( OS ) , CONFIRME

Normes : CC.134.al2; CC.286.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13460/2022 ACJC/362/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 MARS 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Madame B______, ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 31 mai 2024, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, Djaziri & Nuzzo, rue Leschot 2, 1205 Genève,

et

Madame C______, Madame D______, domiciliées ______ [GE], intimées, représentées par Me Pascal JUNOD, avocat, rue de la Rôtisserie 6, case postale 3763, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 31 mai 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ des fins de sa demande en modification du jugement de divorce (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 960 fr. et mis ceux-ci à la charge du précité, et dit qu'ils seront provisoirement supportés par l'Etat, le précité étant au bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 5 juillet 2024 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais, à son annulation ainsi qu'à l'annulation des ch. 8 et 9 du dispositif du jugement JTPI/8757/2016 rendu le 30 juin 2016 par le Tribunal et à ce qu'il soit constaté qu'il ne verserait aucune contribution en faveur de ses filles (majeures) C______ et D______ dès le
1er juillet 2022.

b. C______ et D______ ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Les parties ont été informées par la Cour le 12 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a.a A______, né le ______ 1970 à E______ (Algérie), de nationalité algérienne, et F______, née le ______ 1978 à Genève, originaire de G______ (BE) ont contracté mariage le ______ 2004 à Genève.

a.b De leur union sont issus les enfants:

-     D______, née le ______ 2003 à Genève, majeure;

-     C______, née le ______ 2004 à Genève, majeure;

-     H______, né le ______ 2006 à Genève, mineur.

a.c F______ est également mère de quatre autres enfants, issus d'autres unions.

b. Par jugement JTPI/8661/2009 du 17 septembre 2009, le Tribunal a dissout par le divorce le mariage de A______ et F______, et attribué l'autorité parentale et la garde sur les enfants à la mère.

Il a condamné A______ à verser en mains de F______, à titre de contribution à l'entretien de leurs trois enfants, par mois et d'avance, et par enfant, allocations familiales non comprises, le montant de 240 fr. au-delà de cinq ans, jusqu'à la majorité.

c. Par jugement JTPI/590/2011 du 19 janvier 2011, le Tribunal, sur demande de modification déposée par A______, a supprimé les contributions dues à l'entretien de ses enfants, la situation de A______ s’étant modifiée puisqu’il était au chômage et qu’il ne bénéficiait plus des ressources suffisantes pour faire face aux contributions d'entretien prévues initialement, et confirmé le jugement JTPI/8661/2009 pour le surplus.

d. Par jugement JTPI/8757/2016 du 30 juin 2016, le Tribunal a modifié le jugement de divorce, prononçant, notamment, l'attribution de l'autorité parentale conjointe sur les enfants et condamnant A______ au versement de contributions d'entretien en faveur de ses trois enfants à hauteur de 470 fr. par enfant et par mois, allocations familiales non comprises, jusqu’à leur majorité, voire au-delà en cas d’études sérieuses et suivies mais au plus tard jusqu’à l’âge de 25 ans.

Dans le cadre de l'instruction de ladite procédure, A______ a déclaré percevoir un revenu mensuel net de 2'500 fr. comme chauffeur taxi en travaillant, par manque de clientèle, durant les soirées uniquement. Le Tribunal de première instance a toutefois retenu qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. pouvait lui être imputé, conformément à la jurisprudence en matière de rémunération des chauffeurs de taxi, dans la mesure où il était en mesure d'augmenter son activité.

Dans son jugement, le Tribunal a constaté que F______ n'exerçait plus d'activité lucrative depuis le mariage et qu'elle était au bénéfice d'une rente de l'Hospice général.

Les charges de chaque enfant ont été arrêtées à 470 fr., après déduction des allocations familiales, comprenant leur minimum vital OP, les frais de participation au logement de leur mère, leurs primes d'assurance-maladie et leurs frais de transport.

e. Par requête de conciliation déposée le 27 juin 2022, non conciliée à l'audience du 13 février 2023, puis introduite devant le Tribunal le 22 mai 2023, A______ a sollicité la suppression des contributions dues à l'entretien de ses filles majeures C______ et D______ à compter du 1er juillet 2022.

A l'appui de sa demande, il a soutenu que, malgré la reprise de son activité indépendante de chauffeur de taxi dès le 1er juillet 2022, il ne parvenait pas à dégager le salaire mensuel de 4'500 fr. retenu dans le jugement JTPI/8757/2016 rendu six ans plus tôt.

A______ a allégué qu'il avait bénéficié de l'aide sociale depuis avril 2020 et que son droit aux prestations financières de l'Hospice général – né et prolongé dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 – avait pris fin au mois de juin 2022, de sorte que ses revenus seraient désormais uniquement constitués des gains de son activité de chauffeur indépendant ne lui permettant pas de couvrir ses propres charges incompressibles. De plus, sa fille D______ résidait en réalité chez ses grands-parents maternels, ces derniers s'acquittant de ses frais de scolarité. Ni D______, ni C______ ne faisaient d'études suivies et sérieuses.

f. Dans leur réponse du 15 septembre 2023, C______ et D______ ont conclu au rejet de la demande formée par A______ et à la confirmation du jugement JTPI/8757/2016 du 30 juin 2016.

Elles ont contesté toute dégradation de la situation financière de leur père et réfuté un changement de circonstances justifiant la modification, respectivement la diminution des contributions d'entretien fixées dans le jugement précité.

g. La situation personnelle financière des parties est la suivante :

g.a A______ est célibataire et a déclaré vivre seul.

En 2009, il gagnait un salaire mensuel net de 3'834 fr. 75 comme chauffeur de limousines pour une société de location de véhicules et d'exploitation de services d'autos-taxis.

En 2016, après une période de chômage, il a travaillé comme chauffeur de taxi. Il avait alors allégué percevoir un salaire mensuel de 2'500 fr. et présenté une situation personnelle déficitaire, ses charges s'élevant à 3'027 fr. Le Tribunal avait cependant considéré qu'il ne travaillait pas autant qu'il le pourrait et qu'il pouvait être exigé de lui qu'il augmente son activité lucrative, de sorte qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. avait été imputé à A______.

Depuis 2018, A______ a fait l'objet de nombreuses poursuites et en février 2023, il faisait l'objet de 61 actes de défaut de biens pour un total de près de 128'000 fr.

A compter du mois d'avril 2020, A______ a bénéficié de prestations d'aide financière de l'Hospice général en tant que personne exerçant une activité lucrative indépendante. Il n'a toutefois pas présenté de décompte de l'Hospice général permettant de rendre compte des prestations perçues et de la période concernée.

Il ressort de ses déclarations fiscales 2021 que A______ n'a jamais cessé son activité indépendante durant cette période. En 2021, il a déclaré un bénéfice net de 1'265 fr. et avoir perçu 46'469 fr. d'aide sociale de l'Hospice général.

Selon les pièces comptables établies à titre intermédiaire au 15 novembre 2022, les revenus mensuels nets de A______, en 2022, peuvent être arrêtés à tout le moins à 2'198 fr. 90 (9'895 fr. ÷ 4.5 mois). Le compte d'exploitation annuel 2023 de son activité indique un résultat, avant le paiement des charges sociales, de 28'259 fr. 30. Après déduction des cotisations 2023 (1'050 fr. 65), le bénéfice net de son exercice annuel est de 27'208 fr. 65, soit des revenus nets mensualisés de 2'267 fr. 40 (27'208 fr. 65 ÷ 12 mois).

Pour l'année 2022, alors qu'il allègue avoir "repris son activité indépendante de chauffeur de taxi à 100% dès le 1er juillet 2022", A______ a déclaré à l'Administration fiscale un bénéfice net de 29'442 fr., dont à déduire 1'059 fr. de cotisations sociales, soit un résultat équivalent à celui présenté dans son bilan comptable 2023, année durant laquelle il déclare avoir travaillé à temps plein. Il ressort de l'avis de taxation y afférent qu'il a perçu 15'395 fr. de prestations d'aide sociale de l'Hospice général.

A______ paye mensuellement la somme de 1'320 fr. à titre de loyer et charges de son appartement. Ses primes d'assurance-maladie s'élèvent à 631 fr. 30, dont doivent être déduits les subsides, à hauteur de 300 fr. Ses frais de santé s'élevaient en 2022 à 33 fr. 90 en moyenne par mois (406 fr. 60 ÷ 12).

En outre, A______ doit acquitter mensuellement une contribution d'entretien de 470 fr. en mains de F______ aux fins de couvrir les besoins financiers de leur frère encore mineur, H______.

g.b D______ est scolarisée au I______, à Genève. Elle est en classe de terminale, soit la dernière année du lycée. Une fois obtenu son baccalauréat, elle entend poursuivre ses études, à l'université ou dans une haute école.

Ses grands-parents prennent en charge ses frais de formation, étant relevé qu'elle bénéficie d'une bourse.

Elle déclare ne pas percevoir de revenus, sous réserve de son allocation de formation en 415 fr. par mois.

Les décomptes de l'Hospice général qu'elle présente confirment que le nombre de personnes "aidées" dans le foyer de sa mère est de huit, soit F______ et ses sept enfants, parmi lesquels figure notamment D______, qui est ainsi réputée vivre avec sa mère.

g.c C______ est âgée de 20 ans. Elle est inscrite à l'Ecole de culture générale J______, Genève. Dans ce cadre, elle prépare une maturité spécialisée dans le domaine de la santé qui, en cas de réussite, lui donnera accès à la procédure d'admission en première année bachelor des différentes filières d'une Haute école de santé. Elle ne sait pas encore ce qu'elle fera une fois qu'elle aura obtenu son certificat de maturité.

Ses grands-parents prennent en charge ses frais de formation, étant relevé qu'elle bénéficie d'une bourse.

Elle déclare ne pas percevoir de revenus, sous réserve de son allocation de formation en 415 fr. par mois.

Les décomptes de l'Hospice général confirmant que le nombre de personnes "aidées" dans le foyer de sa mère est de huit, C______ est réputée vivre avec sa mère.

h. La cause a été gardée à juger par le Tribunal au terme de l'audience de plaidoiries du 27 mars 2024.

i. Dans son jugement du 31 mai 2024, le Tribunal a relevé que le bien-fondé de l'assertion de A______ selon laquelle il ne parvenait pas à atteindre le niveau de rémunération lui permettant d'acquitter les contributions fixées pour l'entretien de ses enfants était discutable, dans la mesure où la demande de suppression des contributions d'entretien avait été déposée en juin 2022, soit avant-même que l'intéressé ait effectivement repris son activité d'indépendant. Celui-ci avait ainsi escompté d'avance sur son incapacité financière à subvenir aux besoins de ses enfants au moment-même de recommencer à travailler.

Le compte de pertes et profits présenté le 22 mai 2023 à l'appui de la demande était limité au 15 novembre 2022. Il affichait un bénéfice de 9'895 fr. (après déductions des cotisations sociales) en quatre mois et demi d'activité, soit du 1er juillet à ladite date de clôture intermédiaire, permettant de déduire des revenus mensuels nets d'au moins 2'198 fr. 90. A______, qui alléguait avoir obtenu en 2023 des revenus nets mensualisés de 2'267 fr. 40, ne présentait par ailleurs pas de documents bancaires afférents à son activité professionnelle. Il ne démontrait pas travailler à un taux d'occupation permettant d'en déduire un épuisement de sa capacité maximale de travail et rien n'indiquait qu'il serait entravé durablement dans sa capacité de travail. De plus, A______ ne prétendait pas avoir envisagé de travailler comme salarié et/ou dans un autre secteur, accessible aux personnes sans formation, ou respectivement avoir recherché activement à travailler comme salarié dans son secteur professionnel et s'assurer à tout le moins un revenu fixe minimum. Enfin, les charges incompressibles de A______ s'élevaient à 2'885 fr. 20 (1'200 fr. de minimum vital OP, 1'320 fr. de loyer, 331 fr. 30 de prime d'assurance-maladie, subside déduit, 33 fr. 90 de frais médicaux non remboursés, à l'exclusion de 70 fr. de frais de transports publics ainsi que 470 fr. pour son fils cadet, H______).

Il résultait dès lors de la procédure, en définitive, que les circonstances étaient assimilables à celles sur lesquelles s'était fondé le Tribunal pour fixer le montant des contributions contestées dans le cadre de la présente cause. A______ n'établissait pas un fait nouveau susceptible de constituer un élément notable et durable qui n'aurait pas été prévu dans le jugement de modification du jugement de divorce. Il échouait à démontrer un motif constituant une entrave objective à atteindre les revenus pouvant être raisonnablement attendus de lui selon la jurisprudence constante, conformément au jugement du Tribunal dont il requérait la révision. Il ne se justifiait dès lors pas d’entrer en matière sur sa demande de modification.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes patrimoniales dont la valeur, au dernier état des conclusions de première instance, est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel est dirigé contre une décision finale en modification du jugement de divorce (art. 308 al. 1 let. a CPC).

L'appel, qui porte sur la contribution à l'entretien d'enfants majeurs, est de nature patrimoniale. Compte tenu de la quotité des pensions contestées, la valeur litigieuse, capitalisée selon l'art. 92 al. 2 CPC, est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 L'appel, écrit et motivé, a été interjeté dans le délai utile (art. 130, 131, 142
al. 1, et 311 al. 1 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

1.4 Les maximes des débats et de disposition sont applicables aux prétentions d'entretien concernant des enfants majeurs (arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 3.1 in fine et les références citées; Haldy, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 10 ad art. 58 CPC).

2. L'appelant fait grief au Tribunal de lui avoir imputé un revenu hypothétique et, sur cette base, de l'avoir débouté de ses conclusions en suppression de la pension alimentaire fixée par le jugement de divorce.

2.1
2.1.1
En matière de contribution due pour l'entretien d'un enfant, l'art. 286
al. 2 CC, applicable par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant. Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente.

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; 138 III 289
consid. 11.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1).

Le caractère notable de la modification se détermine concrètement, en fonction de chaque cas particulier. Des comparaisons en pourcentages des revenus peuvent représenter un indice utile, mais ne dispensent pas le juge d'une analyse concrète du cas d'espèce. Ainsi, la modification d'un revenu de 10 à 15% peut se révéler suffisante lorsque la capacité économique des parties est restreinte, tandis qu'une modification de revenu de 15 à 20% est nécessaire lorsque la situation économique des parties est bonne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2011 du
13 septembre 2011 consid. 6.1; 5C.197/2003 du 30 avril 2004 consid. 3, spéc. 3.3; Pichonnaz, Commentaire romand CC I, 2010, n. 33 ad art. 129 CC).

La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020
consid. 6.1). Afin d'établir si on est en présence d'une situation qui s'est modifiée de manière durable et importante une comparaison doit être effectuée entre les constatations de fait et le pronostic effectués dans le jugement de divorce, d'une part, et les circonstances existant à la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, d'autre part. Un état de fait futur incertain et hypothétique ne constitue pas une cause de modification. Des éléments concrets relatifs à une modification prochaine des circonstances peuvent par contre être pris en considération, afin d'éviter autant que possible une nouvelle procédure ultérieure en modification (ATF 120 II 285 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 7; 5A_487/2010 du 3 mars 2011
consid. 2.1.1, 2.2 et 2.3).

2.1.2 Il a été admis par la Cour, dès 1998 et constamment depuis lors, qu'un chauffeur de taxi travaillant normalement et sérieusement disposait de revenus nets d'au moins 3'500 fr. par mois, la moyenne se situant autour de 4'000 fr., montant qui doit être actualisé à 4'500 fr. en raison de l'augmentation des tarifs de taxis depuis lors. Depuis l'arrivée de K______ [service de taxis privés géré en ligne] à Genève, les centrales de taxis n'ont rendu vraisemblables ni une perte d'abonnés ni une diminution des appels ou du chiffre d'affaires (ACJC/730/2024 du 5 juin 2024, consid. 3.1.3; ACJC/1124/2022 du 30 août 2022, consid. 2.1.2; ACJC/969/2022 du 15 juillet 2022, consid. 5.1.2; ACJC/1188/2018 du 31 août 2018 consid. 4.1.3; ACJC/313/2018 du 13 mars 2018 consid. 6.2.1).

Selon les chiffres émanant du Secrétariat d'Etat à l'économie, le salaire brut médian pour un homme actif dans le transport dans la région lémanique s'élevait à 4'490 fr. (activité de transport terrestre, 40 heures de travail par semaine, sans formation professionnelle complète, sans fonction de cadre, sans année de services; https://entsendung.admin.ch/Lohnrechner/lohnberechnung).

A teneur des statistiques officielles du canton de Genève, le salaire mensuel brut standardisé et médian réalisé en 2022 se montait à 6'683 fr. pour un homme actif dans le transport de personnes (OCSTAT; tableau T 03.04.1.01-2022).

2.1.3 L'imputation d'un revenu hypothétique entraîne l'examen successif de deux conditions. Le juge doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger de la personne concernée qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Il doit ensuite établir si cette personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 147 III 308 consid. 4;
143 III 233 précité consid. 3.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (ATF 147 III 308 consid. 5.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_257/2023 précité consid. 7.2 et les références).

2.1.4 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

2.2 En l'espèce, le Tribunal avait retenu dans son jugement JTPI/8757/2016 du
30 juin 2016 dont la modification est demandée qu'un revenu hypothétique net de 4'500 fr. pouvait être imputé à l'appelant. Ce dernier soutient qu'il a repris en juillet 2022 son activité de chauffeur de taxi, laquelle ne lui permettrait cependant pas de réaliser un tel revenu.

Il convient dès lors de se demander si les circonstances se sont modifiées depuis 2016.

Tout d'abord, il ressort du jugement dont la modification a été demandée que l'appelant avait allégué percevoir des revenus de 2'500 fr. et supporter des charges de 3'027 fr., alors qu'il soutient percevoir désormais des revenus de 2'267 fr. pour des charges de 2'885 fr., ce qui ne représente pas une modification notable des circonstances.

Cela étant, la contribution d'entretien a été fixée sur la base d'un revenu hypothétique, de sorte qu'il convient de se demander si les circonstances se sont modifiées de telle sorte qu'un tel revenu ne pourrait plus être imputé à l'appelant.

Il ressort des pièces produites par l'appelant qu'il n'a effectivement pas perçu un tel revenu. Aucun élément ne permet cependant de retenir que les considérations selon lesquelles un chauffeur de taxi serait en mesure d'obtenir les revenus sur lesquels le Tribunal s'était fondé en 2016 pour fixer les contributions d'entretien se seraient modifiées.

L'appelant a déposé sa demande de modification du jugement de divorce avant même qu'il reprenne son activité de chauffeur de taxi, de sorte qu'il est difficile de savoir comment il pouvait affirmer qu'il ne serait pas en mesure de percevoir le montant de 4'500 fr. imputé à titre de revenu hypothétique en exerçant cette activité. L'appelant soutient qu'il ne serait en mesure de percevoir des revenus que de 2'267 fr., voire 2'850 fr. seulement en se fondant sur une enquête dont les résultats ont été publiés dans le magazine L'Illustré. Ce dernier montant correspond toutefois au salaire d'un chauffeur de taxi zurichois, et non genevois et les bases sur lesquelles ce revenu a été fixé ne sont pas connues. L'article de magazine cité ne constitue donc pas une base suffisante pour retenir que la situation des chauffeurs de taxi s'est modifiée depuis 2016 et que la jurisprudence de la Cour selon laquelle un chauffeur de taxi est en mesure de percevoir à Genève des revenus de 4'500 fr. serait dépassée. Il ressort par ailleurs des statistiques qu'un chauffeur de taxi est en mesure de gagner par mois un salaire brut compris entre 4'490 fr. (salaire médian) selon le Secrétariat d'État à l'Economie et 6'683 fr. selon les statistiques officielles genevoises.

L’appelant n’a pas allégué souffrir de problèmes de santé l’empêchant de travailler et ses considérations toutes générales sur l’arrivée de K______ ou le changement des habitudes des clients ne permet pas de retenir que les conditions sur le marché du transport de personnes se seraient dégradées depuis 2016.

Il doit dès lors être considéré qu'au moment du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, les circonstances ne s'étaient pas modifiées de manière notable, de telle sorte qu'un revenu hypothétique de 4'500 fr. ne pouvait pas être imputé à l'appelant.

Il doit par ailleurs être relevé qu'il appartenait à l'appelant de rechercher un autre emploi si celui qu'il exerce à titre indépendant n'est pas susceptible de lui procurer des revenus supérieurs à ceux allégués, correspondant à ceux fixés par le Tribunal. L'appelant, qui ne conteste pas être capable de travailler à plein temps, soutient ne pas être en mesure de trouver un emploi plus rémunérateur compte tenu de son âge et de son absence de formation professionnelle. Il n'a toutefois pas démontré qu'il aurait cherché, en vain, un travail plus rémunérateur et que les éléments invoqués constitueraient un obstacle pour en trouver un.

Enfin, quant à l'argument selon lequel la situation des enfants majeurs de l'appelant aurait changé de manière notable et durable du fait qu'elles percevraient des bourses d'étude qui leur permettraient, avec les allocations familiales, de couvrir leurs charges, l'appelant ne l'avait pas invoqué comme circonstance nouvelle justifiant sa demande de modification du jugement de divorce. Il est cependant rappelé que pour admettre un changement de circonstance, il faut se placer au moment du dépôt de la demande en modification, soit en l'espèce, en mai 2022. L'appelant soutient, sans d'ailleurs l'établir, que les enfants percevraient des bourses d'études depuis à tout le moins l'année scolaire 2022-2023, soit postérieurement au dépôt de sa demande. Il ne s'agit donc pas d'une circonstance dont il peut être tenu compte pour examiner si les contributions d'entretien devraient être recalculées.

En définitive, il résulte de ce qui précède, que le Tribunal a retenu à juste titre que la situation de l'appelant n'avait pas notablement changé depuis que le jugement dont la modification est sollicitée a été rendu.

L'appel n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. L'appelant, qui succombe, supportera les frais judiciaires de la procédure d'appel (art. 95 al. 1 let. 1 et al. 2, 104 al. 1 et 106 al. 1 CPC), qui seront fixés à 800 fr. (art. 17 et 35 RTFMC [RS/GE E 1 05.10]) L'appelant plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, sa part des frais sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi (art. 122 et 123 CPC; art. 19 RAJ).

Il versera par ailleurs des dépens aux intimées, créancières solidaires, à hauteur de 1'000 fr. (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 96, 104 al. 1, 106 al. 1 et 111 al. 2 CPC;
20 et 23 LaCC; 85 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/6699/2024 rendu le 31 mai 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13460/2022.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge de A______.

Laisse provisoirement la part de A______ à la charge de l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision contraire de l'assistance judiciaire.

Condamne A______ à verser 1'000 fr. à C______ et D______, créancières solidaires, au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.