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Décisions | Chambre civile

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C/11381/2021

ACJC/412/2024 du 26.03.2024 sur JTPI/7795/2023 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 06.05.2024, rendu le 29.05.2024, IRRECEVABLE, 4a_250/2024, 4A_250/2024
Normes : CC.959
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11381/2021 ACJC/412/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 MARS 2024

Entre

1) Madame A______, domiciliée ______,

2) Monsieur B______, domicilié ______,

3) C______ SA, sise ______,

appelants d'un jugement rendu par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 juin 2023, représentés tous trois par Me Boris LACHAT, avocat, Lachat Marconi Muller Avocats, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219,
1211 Genève 8,

et

FONDATION POUR LES TERRAINS INDUSTRIELS DE GENEVE (FTI), sise avenue de la Praille 50, case postale 1145, 1211 Genève 26, intimée, représentée par Me Andreas FABJAN, avocat, Muller & Fabjan, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7795/2023 rendu le 28 juin 2023, notifié à A______, B______ et C______ SA le 3 juillet 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, statuant sur incident, dit que la cession du droit d'emption portant sur le DDP n° 1______ [recte 2______] de la commune de D______ [GE] par l'Etat de Genève à la FONDATION POUR LES TERRAINS INDUSTRIELS DE GENEVE (FTI) était valable (chiffre 1 du dispositif) et que la FTI disposait de la légitimation active (ch. 2), renvoyé le sort des frais à la décision finale (ch. 3) et réservé la suite de la procédure (ch. 4).

B. a. Par acte unique expédié le 4 septembre 2023 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______, B______ et C______ SA ont formé appel de ce jugement et sollicité son annulation. Cela fait, ils ont conclu à ce que la Cour dise que la cession susmentionnée n'était pas valable, que la FTI ne disposait pas de la légitimation active et déboute celle-ci de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. La FTI a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 17 janvier 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. La FTI est une entreprise de droit public dont le but est notamment de devenir propriétaire ou superficiaire d'immeubles bâtis ou non, situés dans les zones industrielles de la Praille et des Acacias, ainsi que dans toutes autres zones industrielles qui lui sont assignées par l'Etat de Genève, d'aménager lesdits immeubles, de les exploiter et de les gérer.

b. La parcelle n° 3______ de la commune de D______ est grevée d'un droit de superficie distinct et permanent n° 2______ (ci-après le "DDP") inscrit au Registre foncier en 1996 pour une durée échéant en 2046, initialement propriété de E______ SA.

c. E______ SA est devenue par la suite F______ SA.

d. Les 10 juin et 24 août 2010, l'Etat de Genève, alors propriétaire de la parcelle n° 3______ et agissant en qualité de bénéficiaire, et E______ SA, agissant en qualité de propriétaire du DDP, ont signé, par-devant notaire, un pacte d'emption en la forme authentique, portant sur le DDP.

Ledit pacte d'emption comporte une clause intitulée "cessibilité – faculté de substitution", aux termes de laquelle : "Le bénéficiaire n'aura la faculté de substituer que la Fondation pour les terrains industriels (FTI) pour acquérir avec lui, ou en ses lieu et place, le droit de superficie objet des présentes, en tout ou partie, avec l'accord du propriétaire qui ne pourra refuser que pour de justes motifs".

Le droit d'emption a été annoté au Registre foncier.

e. Le 25 août 2015, E______ SA, d'une part, et A______ et B______ (ci-après, ensemble : les époux A______/B______), d'autre part, ainsi que l'Etat de Genève, en sa qualité de propriétaire du fond, ont signé, par-devant notaire, sous la forme authentique, un acte de vente portant sur la copropriété pour moitié du DDP.

Les époux A______/B______ sont ainsi devenus copropriétaires pour moitié dudit DDP.

L'acte de vente précise que les acquéreurs déclarent bien connaître le contrat de droit de superficie concédé par l'Etat de Genève, en sa qualité de propriétaire de la parcelle n° 3______ de la commune de D______, dont ils reprenaient tous les droits et obligations, de nature réelle et personnelle, à l'entière décharge du vendeur, en proportion de ses droits, soit à raison de 50%.

Les acquéreurs reprenaient également tous les droits et obligations de nature réelle et personnelle contenus dans l'acte d'acquisition du droit de superficie dont ils déclaraient avoir reçu une copie, en proportion de leurs droits, soit à raison de 50%.

Le droit d'emption susévoqué est expressément mentionné dans l'acte de vente.

f. En date du 21 décembre 2015, l'Etat de Genève et la FTI ont conclu par-devant notaire, un acte authentique de vente et d'achat, par lequel, notamment, l'Etat de Genève a cédé à la FTI la parcelle n° 3______ de la commune de D______.

Ledit acte de vente stipule que "Le vendeur déclare également céder, à l'acquéreur, qui accepte, tous les droits et obligations attachés à ces biens immobiliers, et notamment le bénéfice de droits d'emption annotés sur certains des droits de superficie (cf, le cas échéant notamment, DDP 2______ de D______, sur la parcelle 3______ de la même commune. Les consentements, sous seing privé, au transfert de ce droit d'emption, demeurent ci-annexés)".

g. Auparavant, par pli du 15 octobre 2015, l'Etat de Genève, soit pour lui l'Office cantonal du logement et de la planification foncière, se référant au caractère cessible en faveur de la FTI du droit d'emption, avait invité E______ SA à lui retourner, en cas d'accord, un consentement écrit à la cession par l'Etat de Genève à la FTI du bénéfice du droit d'emption annoté sur le DDP.

E______ SA a retourné ledit consentement, dûment signé, en date du 30 octobre 2015.

Les époux A______/B______ ont signé un consentement identique en date du 12 novembre 2015.

h. Le 29 novembre 2017, F______ SA, a transféré des actifs et des passifs, dont le DDP, à C______ SA.

i. La FTI allègue, ce qui est contesté par E______ SA et les époux A______/B______, qu'en l'absence de démarches de ceux-ci en vue de densifier la zone conformément aux engagements qu'ils avaient souscrits, puis en raison de l'échec de négociations tendant à la constitution d'un nouveau droit d'emption, elle avait décidé de lever l'option.

Elle allègue ainsi, ce qui est aussi contesté, qu'elle a valablement exercé le droit d'emption par courriers du 25 août 2020.

Par courrier du 15 avril 2021, les époux A______/B______ ainsi que C______ SA ont persisté dans leur contestation de la validité de l'exercice du droit d'emption et ont refusé de signer l'acte translatif de propriété.

j. Par acte expédié au greffe du Tribunal le 26 novembre 2021, la FTI a formé une action en exécution à l'encontre des époux A______/B______ et de C______ SA, par laquelle elle a conclu, sous suite de frais, à ce que le Tribunal condamne les époux A______/B______ ainsi que C______ SA à faire inscrire au Registre foncier le transfert à son profit de la propriété du droit distinct et permanent n° 2______ portant sur la parcelle n° 3______ de la commune de D______ faisant l'objet du pacte d'emption du 24 août 2010, donne acte aux époux A______/B______ et à C______ SA que l'inscription interviendrait contre le paiement trait pour trait par la FTI de 690'000 fr. en leur faveur, et, dès que le jugement serait exécutoire, donne les instructions nécessaires au Conservateur du Registre foncier relatives à l'inscription de FTI en tant que propriétaire du DDP.

k. Par mémoire-réponse du 14 avril 2022, les époux A______/B______ et C______ SA ont conclu, sous suite de frais, au déboutement de la FTI de ses conclusions ; subsidiairement, ils ont conclu à ce que le Tribunal condamne la FTI à leur verser la somme de 730'932 fr., ordonne une expertise pour déterminer le montant des travaux à plus-value effectués par eux sur l'immeuble litigieux jusqu'à l'exercice du droit d'emption, ainsi que celui des frais de notaires et droits de mutation déboursés par eux dans le cadre des ventes du droit de superficie, et condamne la FTI à leur verser l'intégralité des montants ainsi déterminés.

A l'appui de leurs conclusions, ils ont notamment fait valoir que, faute de respect de la forme authentique, le droit d'emption litigieux n'avait pas été valablement cédé à la FTI, laquelle n'était dès lors pas légitimée à l'exercer.

l. Dans sa réplique du 24 juin 2022, la FTI a notamment contesté que le droit d'emption ne lui ait pas été valablement cédé par l'Etat de Genève.

m. Dans le cadre de leur duplique du 25 août 2022, les époux A______/B______ et C______ SA ont persisté dans leur argumentation.

n. Lors de l'audience de débats d'instruction du 8 novembre 2022, les époux A______/B______ et C______ SA ont sollicité la limitation de la procédure à la question de la validité de la cession du droit d'emption à FTI, en précisant que "cette question [pouvait] être tranchée à la lumière du dossier du Tribunal, sans autre mesure d'instruction".

Le Tribunal a limité la procédure par ordonnance du 9 février 2023 à la question de la validité de la cession, par l'Etat de Genève à la FTI, du droit d'emption n° DDP 1______, imparti aux parties un délai pour le dépôt de leurs déterminations écrites à cet égard, et dit que la cause serait gardée à juger dans un délai de quinze jours dès communication des écritures aux parties.

o. Dans ses déterminations écrites du 13 mars 2023, et sa réplique du 30 mars 2023, la FTI a conclu à ce que le Tribunal constate que la cession par l'Etat de Genève à la FTI du DDP était valable, et condamne les époux A______/B______ et C______ SA en tous les frais de l'incident.

p. Dans leurs déterminations écrites du 13 mars 2023, ainsi que leur réplique du 28 mars 2023, les époux A______/B______ et C______ SA ont persisté dans leurs conclusions.

q. Les parties ayant renoncé à se déterminer plus avant, la cause a été gardée à juger le 20 avril 2023.

D. Dans son jugement, le Tribunal a d'abord constaté que l'éventuelle cession du droit d'emption en faveur de la FTI avait été prévue dans l'acte authentique constitutif de celui-ci. La clause correspondante était opposable aux époux A______/B______. Le consentement de ceux-ci et de C______ SA à la cession ne devait pas revêtir la forme authentique, dès lors que l'acte instituant la possibilité de céder avait été passé en la forme authentique. Le consentement écrit subséquent ne visait qu'à confirmer l'absence de justes motifs s'opposant à la cession. Ainsi, les formes requises à la cession du droit d'emption avaient été respectées, de sorte que la FTI disposait de la légitimation active.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance, à condition, dans les affaires patrimoniales, que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions soit supérieure à 10'000 fr. (art. 308 CPC).

Le tribunal peut rendre une décision incidente lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable. La décision incidente est sujette à recours immédiat (art. 237 CPC).

1.2 En l'espèce, la décision querellée, qui concerne la légitimation active, est une décision incidente et porte sur un litige dont la valeur litigieuse excède 10'000 fr. au vu de la valeur du droit distinct et permanent invoqué.

L'appel a par ailleurs été formé dans le délai et la forme prescrit (art. 142 al. 3, 145 al. 1 let. b CPC et 311 CPC). Il est dès lors recevable.

2. Les appelants contestent la légitimation active de la FTI.

2.1
2.1.1
La qualité pour agir (légitimation active) et la qualité pour défendre (légitimation passive) sont des questions de droit matériel, de sorte qu'elles ressortissent au droit privé fédéral s'agissant des actions soumises à ce droit (ATF 
133 III 180 consid. 3.4, JdT 2010 I 239, SJ 2007 I 387; 130 III 417 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_127/2022 du 28 juin 2022 consid. 3.3; 4A_1/2014 du 26 mars 2014 consid. 2.3). Elles se déterminent selon le droit au fond et leur défaut conduit au rejet de l'action qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention litigieuse (ATF 138 III 537 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_212/2020 du 26 janvier 2022 consid. 4).

La légitimation active doit être examinée d'office par le juge (ATF 126 III 59 consid. 1a). Lorsque la maxime des débats s'applique (art. 55 CPC), cet examen ne peut se faire que sur la base des faits allégués et prouvés (ATF 130 III 550 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2021 du 21 décembre 2023 consid. 4).

2.1.2 A teneur de l'art. 655 al. 3 CC, une servitude sur un immeuble peut être immatriculée comme droit distinct et permanent aux conditions suivantes : elle n'est établie ni en faveur d'un fonds dominant ni exclusivement en faveur d'une personne déterminée (ch. 1); elle est établie pour 30 ans au moins ou pour une durée indéterminée (ch. 2).

Le droit distinct et permanent est un immeuble au sens de l'art. 655 al. 2 ch. 2 CC.

Le droit de superficie est réglé à l'art. 675 CC, lequel prévoit que les constructions et autres ouvrages établis au-dessus ou au-dessous d'un fonds, ou unis avec lui de quelque autre manière durable, peuvent avoir un propriétaire distinct, à la condition d'être inscrits comme servitudes au registre foncier (al. 1).

2.1.3 Le droit d'emption est la faculté en vertu de laquelle une personne (l'empteur) peut se porter acquéreur d'une chose par une simple déclaration unilatérale de volonté et exiger ainsi d'une autre personne (le promettant ou le concédant) le transfert de la propriété de la chose moyennant le paiement du prix. Ce droit est défini comme un droit d'acquisition conditionnel subordonné à une condition suspensive potestative, la déclaration d'exercice du droit; il s'analyse comme une vente conditionnelle (ATF 129 III 264, consid. 3.2.1 et les références citées).

Le pacte d'emption - à savoir le droit d'emption volontaire constitué par contrat - doit contenir tous les éléments nécessaires pour que, par la suite, la seule déclaration unilatérale de levée de l'option soit suffisante pour qu'existe un contrat de vente parfait. Ces éléments essentiels sont, outre la volonté de constituer un droit d'emption, la désignation du promettant et de l'empteur, la désignation de l'objet du droit, l'indication du prix de vente et la fixation de la durée du droit (Steinauer, Les droits réels - Tome II, 5ème éd. 2020, n. 2390 et suivantes).

2.1.4 En principe, le droit d'emption est transmissible aux héritiers de l'empteur, mais n'est pas cessible (art. 216b al. 1 CO). Toutefois, la cessibilité du droit peut être prévue dans le pacte d'emption (selon l'art. 216b al. 1 CO : "Sauf convention contraire [...]"). Cette convention contraire interviendra entre le promettant et le titulaire du droit. En d'autres termes, la cession d'un droit d'acquisition conditionnel suppose non seulement l'accord du cédant et du cessionnaire, mais également celui du débiteur cédé; ce consentement est en principe donné par avance dans la convention instituant la cessibilité du droit. On peut y voir la confirmation de ce que la cession d'un droit d'acquisition conditionnel n'est pas une simple cession de créance, mais un transfert de contrat (Foëx / Martin-Rivara, Commentaire Romand CO I, 3ème éd. 2021, n. 5 et suivantes ad art. 216b CO).

Si la cession du droit d'emption est permise par le pacte, elle doit revêtir la même forme que celle fixée pour la constitution du droit (art. 216b al. 2 CO), soit la forme authentique pour un immeuble (Ibid., n. 7 ad art. 216b CO).

2.1.5 Lorsque l'empteur a déclaré exercer son droit au propriétaire de l'immeuble, la condition à laquelle la vente était subordonnée est avenue. La vente conditionnelle que constitue le pacte d'emption, devenue parfaite à la suite de l'exercice du droit par son titulaire, produit alors ses effets : l'acheteur a droit au transfert de la propriété de la chose et le vendeur au paiement du prix. Le titulaire qui a exercé valablement son droit d'emption et qui s'est, par cet acte formateur, porté unilatéralement acheteur de l'immeuble se trouve dans une situation identique à celle où il serait placé dans le cas de la conclusion d'un contrat de vente pur et simple (arrêt du Tribunal fédéral 5A_651/2010 du 17 janvier 2011 consid. 5.1.1). Il ne devient toutefois pas propriétaire de l'immeuble ipso facto, puisqu'il faut encore que le promettant requière l'inscription au registre foncier du transfert de propriété (ATF 129 III 264 consid. 3.2.1).

L'empteur exerce son droit (levée de l'option) par simple manifestation unilatérale de volonté sujette à réception. La déclaration d'exercice du droit d'emption est un acte formateur, qui doit être claire et univoque, et ne peut comporter ni conditions, ni réserves. Elle n'est, en soi, soumise à aucune forme. A l'exception de la stipulation d'un terme à partir duquel le droit peut être exercé ou d'une condition suspensive, l'empteur peut exercer son droit à n'importe quel moment pendant la durée de validité du droit - soit dix ans au plus (art. 216a CO; Steinauer, op. cit., n. 2411 et suivantes).

2.1.6 A teneur de l'art 959 CC, les droits personnels, tels que les droits de préemption, d'emption et de réméré, les baux à ferme et à loyer, peuvent être annotés au registre foncier dans les cas expressément prévus par la loi (al. 1). Ils deviennent ainsi opposables à tout droit postérieurement acquis sur l'immeuble (al. 2).

Si le propriétaire aliène l'immeuble grevé, le droit annoté est opposable au nouveau propriétaire (Mooser, Commentaire Romand - CC II, 2ème éd. 2016, n. 15 ad art. 959 CC).

2.1.7 L'interprétation d'un acte authentique doit être faite conformément à l'art. 18 CO (ATF 127 III 248 consid. 3c).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).

Dans un premier temps, le juge doit donc rechercher, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, que, dans un deuxième temps, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_502/2022; 4A_504/2022 du 12 septembre 2023 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, les appelants, par une première branche de griefs, remettent en cause l'interprétation effectuée par le premier juge du pacte d'emption conclu entre l'Etat de Genève et E______ SA : selon eux, il ne pouvait être retenu que la cessibilité du pacte d'emption à la FTI avait été prévue.

Les appelants invoquent ainsi que la cession du droit d'emption n'avait pas été envisagée, mais que seule une substitution avait été convenue. Outre que les appelants se gardent d'expliquer quel sens, autre que celui de céder le droit d'emption, les parties auraient voulu donner au terme de "substitution", leur affirmation est inexacte dans la mesure où le mot "cessibilité" figure textuellement dans le titre du paragraphe topique du pacte d'emption. Cet argument des appelants est d'ailleurs en contradiction avec d'autres passages de leurs écritures. Ainsi, les appelants soulignent, au début de leur exposé juridique, que la cession d'un droit d'emption tiendrait davantage du transfert de contrat que de la simple cession de créance. Il s'ensuit qu'il est malvenu de reprocher aux parties au pacte d'emption d'avoir choisi le terme de "substitution" en sus du terme "cessibilité" pour prévoir que l'intimée pourrait exercer le droit d'emption à la place de l'empteur initial, en d'autres termes se substituer à lui.

En tout état, le texte du pacte d'emption est suffisamment clair pour retenir, à l'instar du Tribunal, que les parties avaient entendu prévoir la cessibilité du pacte d'emption à une entité précise, l'intimée. L'argumentation des appelants confine à la témérité en ce qu'ils soutiennent que les parties au pacte d'emption, assistées d'un notaire, auraient intégré cette clause qui n'aurait en réalité aucun sens puisque, selon les appelants, malgré l'intégration d'un paragraphe intitulé "cessibilité" aucune cession n'aurait été prévue. Aucun allégué, ni aucune preuve ne sont apportés par les appelants qui tendraient à démontrer que les parties auraient voulu autre chose que de prévoir la possibilité pour l'Etat de Genève de céder à l'intimée, et à elle seule, le droit d'emption comme cela résulte de manière claire de la lecture de cette disposition contractuelle.

Une interprétation objective ne donnerait pas un résultat différent.

Ainsi, ces griefs seront rejetés.

2.3 Les appelants soutiennent ensuite que leur consentement à la cession aurait dû intervenir en la forme authentique.

Ici encore, leur argumentation ne peut être suivie. Comme il vient d'être vu, la possibilité de céder le droit d'emption a été prévue dans le pacte d'emption, passé en la forme authentique : l'accord - nécessaire - du propriétaire à une telle cession a donc été donné, dans son principe, à ce moment-là (cf. consid. 2.1.4). Le droit d'emption a ensuite été annoté au Registre foncier : il était donc opposable à tout acquéreur postérieur. Les appelants ont acquis soit par contrat de vente en la forme authentique, soit par un transfert des actifs et passifs inscrit au Registre du commerce la propriété du droit distinct permanent objet du pacte d'emption. Enfin, l'intimée a acquis la parcelle, y compris le droit d'emption, par acte passé, ici encore, en la forme authentique. Ainsi, l'existence du droit d'emption et de son caractère cessible est opposable aux appelants.

La possibilité réservée au propriétaire par le pacte d'emption de "refuser" son accord "pour de justes motifs" ne change rien à ce qui précède, en ce sens que l'accord nécessaire du propriétaire a été donné lors de la constitution du droit : la possibilité pour lui de revenir ensuite sur cet accord n'était en effet pas potestative, mais liée à l'existence de "justes motifs", soit des circonstances exceptionnelles qu'il lui aurait incombé d'alléguer puis d'établir.

Dans ce contexte, l'"accord" du propriétaire requis par le pacte d'emption consistait en réalité en une confirmation de ce qu'il n'entendait pas faire valoir de justes motifs pour revenir sur l'accord de principe donné à l'occasion de l'octroi du droit d'emption. Comme l'a retenu le premier juge, aucune disposition légale et aucun motif convaincant n'auraient exigé que cette confirmation soit soumise à la forme authentique. On ne voit pas en particulier quel motif justifierait que soient soumis à la forme authentique non seulement l'accord lui-même à la cession du droit d'emption mais également la confirmation qu'aucune circonstance permettant de revenir sur cet accord n'étaient invoquées.

Ainsi, le consentement à la cession du droit d'emption a été valablement donné par écrit.

Les griefs des appelants seront ici encore rejetés.

2.4 Enfin, les appelants se prononcent sur certains allégués de l'intimée et requièrent l'administration de preuves supplémentaires.

En ce que ces griefs portent sur la légalisation des signatures figurant sur les consentements signés par les appelants, ils sont sans pertinence au vu du raisonnement exposé ci-dessus. Il en va de même de l'annotation du droit d'emption au Registre foncier, dont les appelants discutent le rapport avec le pacte d'emption, sans pour autant alléguer que cette annotation ne leur serait pas opposable. Enfin, les griefs en rapport avec l'abus de droit, plaidé par l'intimée mais sans pertinence au vu des motifs développés, n'a pas à être examiné.

Finalement, les appelants requièrent leur audition, voire celle de témoins par le Tribunal. Ils perdent cependant de vue qu'ils n'ont jamais requis une telle audition en première instance pour les questions présentement litigieuses et qu'ils ont, au contraire, renoncé expressément à toute mesure d'instruction supplémentaire, de sorte que cette conclusion nouvelle est irrecevable (art. 317 al. 2 CPC).

2.5 L'appel sera donc intégralement rejeté.

3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 36 RTFMC), en raison de la complexité du litige et de la valeur litigieuse relativement importante, et mis à la charge solidairement des appelants, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais de 1'000 fr. fournie par les appelants, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC), les appelants étant condamnés à verser le solde à l'Etat de Genève.

Les appelants seront, en outre, condamnés solidairement à verser à l'intimée, 3'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC), débours compris (art. 25 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 septembre 2023 par A______, B______ et C______ SA contre JTPI/7795/2023 rendu le 28 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11381/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr., les met à la charge de A______, B______ et C______ SA, solidairement entre eux, et les compense avec l'avance versée qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______, B______ et C______ SA, solidairement entre eux, à verser à l'Etat de Genève 1'000 fr. à titre de solde des frais judiciaires d'appel.

Condamne A______, B______ et C______ SA, solidairement entre eux, à verser à la FONDATION POUR LES TERRAINS INDUSTRIELS DE GENEVE (FTI) 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.