Décisions | Chambre civile
ACJC/1243/2023 du 26.09.2023 sur JTPI/7051/2023 ( SDF ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/18410/2022 ACJC/1243/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 juin 2023, comparant par Me Sandy ZAECH, avocate, TerrAvocats Genève, rue Saint-Joseph 29, case postale 1748, 1227 Carouge, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,
et
Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Claudio FEDELE, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.
A. Par jugement JTPI/7051/2023 du 19 juin 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire sur requête de modification des mesures protectrices de l'union conjugale, a modifié l'arrêt de la Cour de justice du 5 avril 2022 (ACJC/485/2022) en tant qu'il condamnait B______ à payer à A______ à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, la somme de 2'100 fr. dès le 1er juillet 2022 (ch. 1 du dispositif) et statuant à nouveau, a dit qu'aucune contribution n'était due par B______ à l'entretien de son épouse, avec effet au 26 septembre 2022 (ch. 2). Les frais judiciaires ont été arrêtés à 900 fr., répartis entre les parties par moitié chacune, laissés à la charge de l'Etat (ch. 3). Le Tribunal a dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
En substance, le premier juge a considéré que B______ avait démontré par titre être en incapacité de travailler depuis octobre 2022, pour une durée indéterminée. Compte tenu de ce changement durable, il se justifiait de "reconsidérer" la question de la contribution à l'entretien de l'épouse. Dès lors que le précité ne réalisait plus de revenus, il n'était plus en mesure de verser la contribution fixée par arrêt de la Cour de justice, et ce avec effet à octobre 2022.
B. a. Par acte expédié le 30 juin 2023 à la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais des deux instances, à ce que la Cour déclare irrecevable la requête en modification du jugement de divorce (recte : de mesures protectrices de l'union conjugale) formée par B______ le 26 septembre 2022.
Elle a produit des pièces faisant partie de la procédure de première instance.
b. Par arrêt ACJC/969/2023 du 17 juillet 2023, la Cour a admis la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement précité en tant qu'il porte sur la période du 26 septembre 2022 au 19 juin 2023 et l'a rejetée pour le surplus.
c. Dans sa réponse du 21 juillet 2023, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, les frais judiciaires devant être mis à la charge de cette dernière, aucun dépens ne devant être alloué.
Il a versé de nouvelles pièces.
d. Par réplique du 4 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.
e. B______ a renoncé à dupliquer.
f. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 9 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______, né le ______ 1961 à C______ en Italie, vit en Suisse depuis 1984.
b. En janvier 2019, A______, qui vivait avec ses parents au Maroc, est venue en Suisse et s’est installée dans l’appartement dont B______ est locataire depuis 2007.
c. Les parties se sont mariées le ______ 2019 à D______ [GE] et ont décidé de se soumettre au régime de la séparation de bien par contrat de mariage du 1er octobre 2019.
d. La relation entre les parties s’est toutefois rapidement détériorée.
e. Le 18 novembre 2019, B______ a formé une demande en annulation de mariage par devant le Tribunal de première instance invoquant la cause absolue d’annulation prévue par l’article 105 ch. 4 CC.
Par jugement JTPI/346/2021 du 15 janvier 2021, le Tribunal a débouté B______ des fins de sa demande.
f. Le 11 mai 2021, B______ a requis le prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale, concluant à ce que le Tribunal autorise les époux à vivre séparés, lui attribue la jouissance exclusive du domicile conjugal, un délai devant être imparti à A______ pour quitter le domicile, et constate qu’aucune contribution d’entretien n’était due.
Lors de l’audience du Tribunal du 14 octobre 2021, A______ s’est rapportée à justice sur le principe de la vie séparée. En revanche, elle a sollicité l’attribution en sa faveur du domicile conjugal et le versement d’une contribution à son entretien de 2'280 fr. par mois.
g. Par jugement JTPI/15324/2021 du 6 décembre 2021, le Tribunal a autorisé les époux à vivre séparés, attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal et ordonné à A______ de quitter le domicile conjugal au 28 février 2022, B______ étant autorisé à faire appel à la force publique pour en obtenir l’exécution.
h. Par arrêt ACJC/485/2022 du 5 avril 2022, la Cour annulé le jugement précité et cela fait, a attribué à A______ la jouissance exclusive du domicile conjugal, a ordonné à B______ de quitter ledit domicile au plus tard le 30 juin 2022 et a condamné B______ à payer à A______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d’avance, 2'100 fr. dès le 1er juillet 2022.
La Cour a notamment imputé à B______ un revenu de 5'900 fr. par mois comme employé de bureau. Elle a retenu que B______, âgé de 60 ans, était sans emploi depuis 2018 et au bénéfice de l’aide sociale, ayant épuisé ses droits à des prestations de l’assurance chômage. Toutefois contrairement à A______, il bénéficiait d’un titre de séjour stable, qui l’autorisait à exercer une activité lucrative. Il possédait une quinzaine d’années d’expérience dans le domaine de l’assurance et ne connaissait pas de problème de santé. On pouvait ainsi raisonnablement attendre de lui qu’il reprenne un emploi.
i. Par arrêt 5A_344/2022 du 31 août 2022, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par B______ contre l'arrêt de la Cour suscité.
j. Par acte déposé au Tribunal le 26 septembre 2022, B______ a formé une requête en modification des mesures protectrices de l’union conjugale, concluant à l’attribution en sa faveur de la jouissance du domicile conjugal et du mobilier le garnissant ainsi que la suppression avec effet rétroactif de la contribution due en faveur de A______, aucune contribution n’étant également due à compter du dépôt de la demande.
Il a fait valoir que depuis l'arrêt rendu par la Cour, la situation avait changé, A______ ayant déménagé et trouvé un nouveau logement alors que lui-même ne savait pas où se loger. En outre, il souffrait d'une dépression et était en incapacité de travail depuis le 1er octobre 2022. Il n'était ainsi pas en mesure de trouver un emploi et de contribuer à l'entretien de son épouse.
k. Le 26 septembre 2022 également, A______ a formé une requête en exécution assortie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles visant à l’expulsion immédiate de B______ du domicile conjugal (cause C/1______/2022-24).
l. Par ordonnance du même jour, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté la requête de A______ faute d’urgence, relevant que l’octroi des mesures s'apparentait à une exécution anticipée.
m. Par ordonnance du 21 octobre 2022, le Tribunal statuant sur mesures superprovisionnelles requises le 20 octobre 2022 par B______ dans le cadre de la présente procédure, a rejeté ladite requête, faute d’urgence.
n. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du Tribunal du 16 novembre 2022, A______ a conclu, sur mesures provisionnelles et sur le fond, à l’irrecevabilité de la demande, subsidiairement au déboutement de B______ de sa demande.
A______ a déclaré avoir quitté le domicile conjugal le 28 février 2022 et vivre "de-ci de-là" chez des connaissances qui l’envoyaient chez d’autres gens qu’ils connaissaient. Elle n’était pas régularisée car B______ avait déposé une action en annulation de mariage qui n’avait pas abouti mais qui avait eu pour effet de compliquer sa situation administrative. Elle vivait actuellement grâce au versement par le SCARPA de 833 fr. par mois. Elle travaillait en outre comme nettoyeuse à 30 % pour un revenu de 600 fr., qu’elle pouvait augmenter par des remplacements. Elle avait toutefois été licenciée de l’entreprise de nettoyage et se trouvait sans revenus depuis le 31 octobre 2022.
B______ a indiqué être en arrêt de travail depuis le 1er octobre 2022 pour une durée indéterminée.
o. Dans son écriture sur faits complémentaires du 1er décembre 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.
p. Dans ses déterminations sur faits complémentaires du 5 décembre 2022, B______ a persisté dans ses conclusions.
q. Lors de l’audience de plaidoiries finales du 1er février 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.
r. Par requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles déposée le 7 mars 2023, B______ a conclu à ce que le domicile conjugal lui soit attribué. Il avait reçu une sommation d'un huissier lui donnant un délai au 10 mars 2023 pour évacuer son logement. Il a produit un certificat de son psychiatre indiquant qu'il ne pouvait pas répondre à une sollicitation de police ou d'huissier ni quitter son logement actuellement pour une période indéterminée probablement au-delà du 31 mars 2023 en raison de problèmes de santé psychique importants, au risque de créer des séquelles traumatiques irréversibles.
s. Le 28 mars 2023, B______ a informé le Tribunal qu'il avait libéré le domicile conjugal et qu'il retirait sa requête du 7 mars 2023.
Le 4 avril 2023, A______ a confirmé le départ de B______ du domicile conjugal, qu'elle avait pu réintégrer.
t. Les parties se sont encore exprimées les 2 mai, 22 mai et 1er juin 2023, B______ produisant encore à cette occasion un chargé de pièces complémentaires.
D. Il résulte encore du dossier ce qui suit :
a. Le 21 septembre 2022, le Docteur E______ a certifié une incapacité de travail de 100% de B______ du 21 septembre au 23 octobre 2022.
Le 3 octobre 2022, le Docteur F______, psychiatre, en charge du suivi de B______, a établi un certificat attestant d'une incapacité de travail de 100% du précité du 1er au 30 octobre 2022. Il en a fait de même par certificat du 31 novembre 2022 (recte vraisemblablement 31 octobre 2022) relatif à une incapacité totale de travailler du 1er au 30 novembre 2022.
Par courriers au conseil de B______ des 14 novembre, 25 novembre et 27 décembre 2022, le Docteur F______ a indiqué que l'intéressé souffrait d'un épisode anxio-dépressif d'intensité sévère avec des symptômes cognitifs importants ainsi qu'une désorganisation de la pensée au moindre stress. Sa capacité de travail et de gestion administrative était de 0%.
Le 14 janvier 2023, le Docteur F______ a souligné que son patient ne pouvait pas quitter son logement pour une durée indéterminée, probablement au-delà du 31 janvier 2023 en raison de problèmes de santé psychique et physique. Il ne pouvait soulever aucune charge.
Par attestations des 23 janvier et 27 février 2023, le Docteur F______ a certifié que B______ ne pouvait pas répondre à des sollicitations de police ou d'huissier judiciaire, ni quitter son logement, pour une période indéterminée mais probablement au-delà du 31 mars 2023 en raison de problèmes de santé psychique importants. Il a réaffirmé que l'intéressé ne pouvait soulever aucune charge.
La Clinique G______ a établi le 27 janvier 2023 un certificat médical faisant état d'une incapacité totale de travail de B______ dès le 26 janvier 2023 pour une durée indéterminée.
Par certificats des 8 mai, 29 mai, 3 juin et 3 juillet 2023, le Docteur F______ a attesté d'une incapacité de travail de 100% de B______, respectivement du 1er au 31 mai, du 1er au 30 juin, et du 1er au 31 juillet 2023.
Par courrier adressé le 18 juillet 2023 au conseil de B______, H______, psychologue et psychothérapeute, mandaté par le Docteur F______ pour procéder à une évaluation du précité, a fait état d'une capacité actuelle de B______ de 0%, pour une durée indéterminée, motif pris d'un épisode dépressif d'intensité moyenne. Il a indiqué que l'intéressé avait probablement été en proie à un épisode dépressif d'intensité sévère sans symptômes psychotiques en septembre 2022, lorsqu'il avait été placé en incapacité de travail par deux médecins différents. Le patient n'était pas en l'état en mesure de répondre aux exigences d'une activité professionnelle, indépendamment du taux et du type de tâches proposées. Des réévaluations régulières de sa capacité de travail devraient être effectuées. Le pronostic à long terme était réservé et une demande auprès de l'assurance invalidité pourrait être prochainement envisagée.
b. Le 12 juillet 2023, l'Hospice général a confirmé accompagner B______ dans sa demande AI.
c. Depuis le 1er mai 2021, B______ bénéficie de prestations d'aide financière de l'Hospice général.
1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 142 al. 1 et 3, 271 let. a, 276 al. 1 et 314 al. 1 CPC), suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision rendue sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, statuant sur des conclusions de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2, 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.
1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
Sa cognition est cependant limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve (art. 271 CPC; ATF 138 III 97; arrêt du Tribunal fédéral 5A_466/2019 du 25 septembre 2019 consid. 4.2). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_334/2019 du 31 janvier 2019 consid. 4.1), l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2019 du 4 septembre 2019 consid. 3.4).
Les mesures protectrices de l'union conjugale sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Il suffit donc que les faits soient rendus plausibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2011 du 21 novembre 2011 consid. 1.3; ATF 127 III 474 consid. 2b/bb). Il incombe à chaque époux de communiquer tous les renseignements relatifs à sa situation personnelle et économique, accompagnés des justificatifs utiles, permettant ensuite d'arrêter la contribution en faveur de la famille (Bräm/Hasenböhler, Commentaire zurichois, n. 8-10 ad art. 180 CC).
1.3 La fixation de la contribution d'entretien du conjoint est soumise à la maxime de disposition (art. 58 CPC; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_751/2019 du 25 février 2020 consid. 1.1) et à la maxime inquisitoire (art. 272 CPC; ATF 129 III 417 précité ibid). L'art. 272 CPC prévoit une maxime inquisitoire dite sociale ou limitée, qui n'oblige pas le tribunal à rechercher lui-même l'état de fait pertinent. La maxime inquisitoire sociale ne dispense en effet pas les parties de collaborer activement à la procédure. Il leur incombe de renseigner le tribunal sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2 et références citées).
1.4 En procédure sommaire, la motivation peut être plus succincte qu'en procédure ordinaire (Mazan, Commentaire bâlois, 2013, n. 6 et 7 ad art. 256 CPC).
2. L'appelant a déposé des pièces nouvelles en appel.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).
2.2 En l'espèce, les pièces produites ont été établies après que le Tribunal ait gardé la cause à juger. Elles sont dès lors recevables, ainsi que les faits s'y rapportant.
3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimé avait démontré subir une incapacité totale de travailler et partant de son incapacité de contribuer à son entretien.
3.1.1 Selon l'art. 179 al. 1 CC, le juge ordonne les modifications commandées par les faits nouveaux.
La modification des mesures protectrices de l'union conjugale ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévu, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_64/2018 du 14 août 2018 consid. 3.1).
Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement précédent. Il n'est donc pas décisif qu'il ait été imprévisible à ce moment-là. On présume que les aliments ont été fixés en tenant compte des modifications prévisibles, soit celles qui, bien que futures, sont déjà certaines ou fort probables. En d'autres termes, ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures. En revanche, les parties ne peuvent pas invoquer une mauvaise appréciation des circonstances initiales, que le motif relève du droit ou de l'établissement des faits allégués sur la base des preuves déjà offertes. Pour faire valoir de tels motifs, seules les voies de recours sont ouvertes, car la procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1 ;
137 III 604 consid. 4.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_64/2018 précité consid. 3.1). Le critère décisif est de savoir si une décision nouvelle sur mesures provisoires revêt un caractère nécessaire, étant précisé que le juge des mesures provisoires n'est pas en droit de procéder à la réévaluation du jugement précédent sur la seule base de son appréciation différente de la situation (ATF 129 III 60, SJ 2003 I p. 273; Leuenberger, in Schwenzer, Scheidung, Berne 2005, n. 8 ad art. 137 aCC et n. 3 ad art. 179 aCC).
Ce sont donc les constatations de fait et le pronostic effectués dans le jugement de divorce (ou de mesures protectrices de l'union conjugale), d'une part, et les circonstances actuelles et futures prévisibles, d'autre part, qui servent de fondement pour décider si on est en présence d'une situation qui s'est modifiée de manière durable et importante. Un état de fait futur incertain et hypothétique ne constitue pas une cause de modification. Des éléments concrets relatifs à une modification prochaine des circonstances peuvent par contre être pris en considération, afin d'éviter autant que possible une nouvelle procédure ultérieure en modification. Le moment déterminant pour apprécier si des circonstances nouvelles se sont produites est ainsi la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce. C'est donc à ce moment-là qu'il y a lieu de se placer pour déterminer le revenu et son évolution prévisible (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_42/2022 du 19 mai 2022 consid. 4.1; 5A_253/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1.1; 5A_1001/2017 du 22 mai 2018 consid. 3 et les arrêts cités; 5A_186/2012 du 28 juin 2012 consid. 5.2.2 et les références citées).
Le changement essentiel et durable peut notamment affecter la capacité de gain de l’un des époux (maladie ou invalidité, perte d’emploi) ou son budget (augmentation des charges). L'intérêt des enfants peut aussi imposer une modification des mesures (changement du mode de garde, début d’une activité rémunérée). En revanche, des modifications mineures ne sont pas suffisantes (augmentation de quelques pourcents du salaire, augmentation usuelle des primes d’assurance-maladie) (Chaix, CR, 2010, n. 4 ad art. 179 CC).
Le caractère durable du changement est admis dès que l'on ignore sa durée future. Il y a toutefois lieu de tenir compte du fait que les mesures protectrices sont prononcées pour un laps de temps plus limité qu'en divorce. Les exigences relatives au caractère essentiel et durable du changement de situation sont donc moins strictes qu'en cas de divorce (Hausheer/Reusser/Geiser, Berner Kommentar, 1999, n. 10 ad art. 179 CC).
Si le tribunal a imputé à une partie un revenu hypothétique, mais que la personne concernée ne trouve pas d'emploi rémunéré en conséquence, elle peut obtenir une adaptation de la contribution d'entretien si elle rend vraisemblables des efforts de recherche sérieux demeurés infructueux et si elle expose, sur la base des valeurs empiriques acquises, que les attentes du tribunal ne peuvent pas être réalisées et pourquoi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_928/2016 du 22 juin 2017 consid. 3.3; Meier, Résumé de jurisprudence filiation et protection de l'adulte - Constitution fédérale et CEDH (septembre à décembre 2020), RMA 2021 pp. 24 ss, p. 47).
3.1.2 Lorsqu'il admet que les circonstances ayant prévalu lors du prononcé de mesures provisoires se sont modifiées durablement et de manière significative, le juge doit fixer à nouveau la contribution d'entretien, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent et litigieux devant lui (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_689/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1).
La survenance de faits nouveaux importants et durables n'entraîne pas automatiquement une modification du montant de la contribution d'entretien. Celle-ci ne se justifie que lorsque la différence entre le montant de la contribution d'entretien nouvellement calculée sur la base de tels faits et celle initialement fixée est d'une ampleur suffisante (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_64/2018 précité consid. 3.1).
3.1.3 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_484/2020 du 16 février 2021 consid. 5.1; 5A_433/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1; 5A_600/2019 du 9 décembre 2020 consid. 5.1.1 et les références). Le juge doit ainsi examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé; il s'agit d'une question de droit. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail; il s'agit là d'une question de fait (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Afin de déterminer si un revenu hypothétique doit être imputé, les circonstances concrètes de chaque cas sont déterminantes. Les critères dont il faut tenir compte sont notamment l'âge, l'état de santé, les connaissances linguistiques, la formation (passée et continue), l'expérience professionnelle, la flexibilité sur les plans personnel et géographique, la situation sur le marché du travail, etc. (arrêts du Tribunal fédéral 5A_754/2020 du 10 août 2021consid. 4.3.2; 5A_645/2020 du 19 mai 2021 consid. 5.2.1; 5A_104/2018 du 2 février 2021 consid. 5.6, destiné à la publication).
3.1.4 Selon la jurisprudence, le dépôt de n'importe quel certificat médical ne suffit pas à rendre vraisemblable l'incapacité de travail alléguée. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine ni sa désignation, mais son contenu. Il importe notamment que la description des interférences médicales soit claire et que les conclusions du médecin soient bien motivées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_266/2017 du 29 novembre 2017 consid. 6.3; 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 6.2; 4A_481/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4.1). Une attestation médicale qui relève l'existence d'une incapacité de travail sans autres explications n'a ainsi pas une grande force probante (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1040/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1.2; 5A_239/2017 du 14 septembre 2017 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a précisé que le dépôt de n'importe quel certificat médical ne suffit pas à rendre vraisemblable l'incapacité de travail alléguée. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine ni sa désignation, mais son contenu. Il importe notamment que la description des interférences médicales soit claire et que les conclusions du médecin soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1;
125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_799/2021 du 12 avril 2022 consid. 3.2.2; 5A_826/2020 du 30 mars 2022 consid. 9.3; 5A_1040/2020 du 8 juin 2021 consid. 3.1.2; 5A_266/2017 du 29 novembre 2017 consid. 6.3; 5A_239/2017 du 14 septembre 2017 consid. 2.4; 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 6.2; 4A_481/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4.1).
3.2 Dans le présent cas, la situation des parties était régie par l'arrêt de la Cour du 5 avril 2022, lequel a condamné l'intimé à verser à l'appelante, à titre de contribution à son entretien, une somme mensuelle de 2'100 fr. dès le 1er juillet 2022. La Cour avait imputé un revenu hypothétique de 5'900 fr. par mois à l'intimé.
Le Tribunal a considéré que l'incapacité totale de travailler de l'intimé l'empêchait de réaliser des revenus durablement, ce qui constituait une modification durable de la situation de l'intéressé.
L'appelante soutient que le raisonnement, somme toute sommaire, du Tribunal selon lequel l'intimé était en incapacité de travail depuis octobre 2022 pour une durée indéterminée, était en contradiction avec les pièces du dossier. Elle en veut pour preuve que les certificats médicaux versés par l'intimé à la procédure ne font état que de l'incapacité de travailler, sans en expliciter les raisons.
Ce grief ne résiste pas à l'examen. En effet, s'il est exact que le premier certificat établi par le médecin traitant de l'intimé en septembre 2022 ne mentionne pas les causes de l'incapacité de travail du précité, et que les certificats d'incapacité de travail rédigés par le psychiatre de l'intéressé ne font état d'aucun détail s'agissant d'interférences médicales, ces pièces doivent toutefois être mises en lien avec les courriers rédigés par ledit médecin psychiatre les 14 novembre, 25 novembre et 27 décembre 2022. Dans lesdites correspondances, lesquelles peuvent être assimilées à des attestations médicales, le Docteur F______ a indiqué que son patient souffrait d'un épisode anxio-dépressif d'intensité sévère avec des symptômes cognitifs importants, ainsi qu'une désorganisation de la pensée au moindre stress. Il a précisé que la capacité de travail de l'intéressé, de même que la gestion administrative, étaient nulles. Si, certes, dans le cadre dans ses attestations des 14 janvier, 23 janvier et 27 février 2023, vraisemblablement établies en relation avec un potentiel déménagement de l'intimé, ce même médecin a fait état de ce que son patient ne pouvait soulever aucune charge, il a également certifié que le précité souffrait de problèmes de santé psychique importants.
Par ailleurs, dans son attestation médicale du 18 juillet 2023, le psychologue chargé d'évaluer l'état de l'intimé a également fait état d'une incapacité totale de travail de l'intéressé pour une durée indéterminée. Il n'était pas en l'état en mesure de répondre aux exigences d'une activité professionnelle, indépendamment du taux et du type de tâches proposées. Le patient avait été probablement en proie à un épisode dépressif d'intensité sévère en septembre 2022, lorsqu'il avait été placé en incapacité de travail par deux médecins différents. Ce médecin a pour le surplus évoqué le possible dépôt d'une demande de mise au bénéfice d'une rente d'assurance invalidité.
Il résulte enfin d'une attestation de l'Hospice général du mois de juillet 2023 que cette institution accompagne l'intimé dans ses démarches en vue du dépôt d'une demande AI.
Par conséquent, les attestations susmentionnées décrivent clairement les interférences médicales de l'intimé et concluent de manière motivée à une incapacité totale de travail de l'intéressé. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré que l'intimé avait rendu vraisemblable être totalement incapable de travailler depuis le mois d'octobre 2022 et ce pour une durée indéterminée. C'est ainsi également à juste titre qu'il a retenu que l'intimé n'était plus en mesure de trouver un emploi lui permettant de réaliser un revenu, de sorte qu'il ne pouvait verser la contribution d'entretien à l'appelante, fait qui constituait un changement notable et durable de la situation financière de l'intimé.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, et compte tenu de l'avérée incapacité de travail de l'intimé, aucun revenu hypothétique ne peut lui être imputé. L'on ne discerne dès lors aucune violation de l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC.
Compte tenu des éléments qui précèdent, il n'est pas nécessaire d'examiner la violation alléguée de l'art. 106 CPC, la requête formée par l'intimé en première instance n'étant pas irrecevable.
3.3 L'appel est ainsi entièrement infondé et le jugement entrepris sera confirmé.
4. Les frais de la procédure d'appel, y compris la décision sur effet suspensif, arrêtés à 1'200 fr. seront mis à la charge de l'appelante qui succombe entièrement (art. 106 al.1 CPC), et provisoirement supportés par l'Etat de Genève vu l'octroi de l'assistance judiciaire, sous réserve d'une décision de l'assistance juridique (art. 123 al. 1 CPC).
Vu la nature de la cause, les dépens seront supportés par chacune des parties (art. 107 al.1 lit. c CPC).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 30 juin 2023 par A______ contre le jugement JTPI/7051/2023 rendu le 19 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18410/2022.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de l'appel à 1'200 fr. et les met à la charge de A______.
Dit que ces frais sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, sous réserve d'une décision de l'assistance juridique (art. 123 al. 1 CPC).
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.