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Décisions | Chambre civile

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C/6445/2020

ACJC/108/2023 du 19.01.2023 sur JTPI/4564/2022 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CC.125
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6445/2020 ACJC/108/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 19 JANVIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 avril 2022 et intimé, comparant par Me Marie BERGER, avocate, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [BE], intimée et appelante, comparant en personne.

 

 

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4564/2022 rendu le 8 avril 2022, notifié aux parties le 11 avril 2022, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dissous par le divorce le mariage contracté par A______ et B______ (chiffre 1 du dispositif), dit que les époux ne se devaient aucune contribution d'entretien (ch. 2), ordonné à C______, caisse de prévoyance, de prélever chaque mois, dès l'entrée en force du jugement, une somme de 330 fr. à imputer sur le versement de la rente servie à A______ et de verser à B______ une rente viagère à déterminer lors de l'entrée en force dudit jugement (ch. 3), réservé la liquidation du régime matrimonial des époux (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 9'000 fr., compensés à due concurrence avec les avances effectuées par les parties (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 11 mai 2022, B______ a formé appel de ce jugement et conclu à ce que la Cour condamne A______ à lui verser une contribution d'entretien mensuelle de 2'500 fr. indexée et sans limite de temps, constate qu'il n'avait pas été possible de fixer une rente permettant son entretien, réserve son droit de demander, dans les cinq ans à compter du divorce, une augmentation de "la rente fixée dans le jugement de divorce", ordonne une évaluation des biens en possession de A______ depuis 2015 à la suite du décès de son père et lui en octroie 20% conformément à l'engagement pris le 26 janvier 1995, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. A______ a conclu à l'irrecevabilité des conclusions de B______, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a conclu à son déboutement.

c. Dans sa réplique, B______ a modifié ses conclusions.

Elle a désormais préalablement conclu à ce que la Cour ordonne à A______ de produire la déclaration de succession de sa mère, décédée le ______ 2022 et suspende la procédure dans l'attente de la production de ce document. Principalement, elle a conclu à ce que la Cour condamne A______ à lui verser une contribution d'entretien mensuelle de 3'500 fr., indexée et sans limite de temps, ordonne une évaluation des biens en possession de A______ depuis 2015 à la suite du décès de son père et lui en octroie 20% conformément à l'engagement pris le 26 janvier 1995, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles.

d. A______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

Il a produit des pièces nouvelles.

e. Par avis du 14 novembre 2022, la Cour informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 24 mai 2022, A______ a également formé appel de ce jugement et sollicité l'annulation du ch. 4 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour constate que le régime matrimonial des parties était liquidé et que les parties n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. B______ a conclu au rejet de l'appel.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 14 novembre 2022, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

D. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, né le ______ 1956 et B______, née le ______ 1957, ont contracté mariage le ______ 1989 à Genève.

b. A______ est le fils de D______ décédé le ______ 2015 et de E______, décédée le ______ 2022. Il a un frère.

c. De l'union des parties est né F______ le ______ 1993, aujourd'hui majeur.

d. Pendant l'union conjugale, soit le 26 janvier 1995, A______ a pris l'engagement suivant vis-à-vis de son épouse :

"Je soussigné A______ reconnaît par la présente que mon épouse, B______, pourvoit dans une large mesure aux besoins du ménage depuis notre mariage. A titre de compensation et d'expression de ma gratitude, quels que soient nos liens à cette date, je m'engage par la présente à lui verser une indemnité dès que mes moyens me le permettront, mais au plus tard au décès de mes parents, E______ et/ou D______, définie comme suit : 20 % de ma part d'héritage de mes parents ou Fr. 200'000.- au minimum.

Si mon épouse devait décéder avant ce règlement, je m'engage à verser à la même échéance Fr 50'000.- à son fils, G______."

e. Par acte notarié du 19 juillet 2010, les époux ont liquidé le régime matrimonial de la communauté de biens et adopté le régime de la séparation de biens. Cet acte contient notamment les clauses suivantes :

"Monsieur A______ s'engage à verser les TROIS MILLE FRANCS (Fr. 3'000.-) par mois à son épouse tant qu'ils seront mariés et même sa vie durant, au-delà de leur mariage, sauf décision contraire. Madame B______ déclare accepter cet engagement".

[ ]

"Monsieur A______ relève qu'il a actuellement des espérances successorales qui, après le décès de ses deux parents, devraient représenter au moins cinq cent mille francs (Fr. 500'000.-).

Il promet dès lors de donner à son épouse, Madame B______, qui accepte, un montant en titres et espèces de DEUX CENT CINQUANTE MILLE FRANCS (Fr. 250'000.-), quelle que soit la valeur exacte de son héritage, et ce dans l'année suivant le décès du second de ses parents.

Ce montant de DEUX CENT CINQUANTE MILLE FRANCS (Fr. 250'000.-) est indexé dès ce jour à l'indice suisse des prix à la consommation (base juin 2010 : 104.2)" [ ]

f. Par requête commune de divorce du 27 mars 2013, A______ et B______ ont requis du Tribunal qu'il ratifie leur convention, conclue le 12 mars 2013.

Ainsi, par jugement du 13 septembre 2013, le Tribunal a, notamment, dissous par le divorce le mariage contracté par A______ et B______, donné acte à A______ de ce qu'il s'engageait à verser à B______, par mois et d'avance, 2'500 fr. à titre de contribution post divorce à son entretien et ce jusqu'à la fin des études de leur fils F______, puis 3'500 fr. par la suite, ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par A______ pendant la durée de l'union conjugale, ordonné en conséquence à la Caisse de pensions C______, de transférer 288'373 fr. du compte de A______ sur le compte de libre passage de B______, donné acte aux parties de ce que, moyennant respect et exécution du chiffre 5 [qui portait sur un bien immobilier copropriété des époux, qui a été liquidé] de leur convention du 12 mars 2013, elles avaient liquidé leur régime matrimonial et leurs rapports patrimoniaux et n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une à l'égard de l'autre.

La contribution de 3'500 fr. par mois due à B______ a été versée jusqu'en février 2021.

g. Le ______ 2016, les parties se sont remariées.


 

h. A______ a signé, sous seing privé, un document intitulé "contrat de mariage" daté du ______ 2016 [soit une semaine auparavant] et dont la teneur est la suivante :

"Par la présente, A______ et B______, dont le mariage aura lieu le ______ 2016, à Genève, conviennent ce qui suit :

A______ continuera de verser à sa future épouse B______ le montant de CHF 3'500.00 par mois qu'il lui verse actuellement pendant la durée de leur mariage tant qu'il touche son revenu actuel. Ce montant sera revu à l'âge de la retraite.

B______ s'engage à sous-louer son appartement no. ______, rue 2______ à partir du mois de février 2017 au plus tôt et à s'installer chez A______, no. ______, rue 1______, à partir de la date de la sous-location de l'appartement no. ______, rue 2______.

A______ et B______ conviennent que cette dernière sera en charge de l'aménagement et de la décoration de l'appartement sis no. ______ rue 1______ dès qu'ils décideront de faire ménage commun."

i. Les parties n'ont pas refait ménage commun, mais A______ rendait visite un week-end sur deux à B______ à O______ dans le Jura, où elle avait acheté une maison et résidait.

j. Le 12 novembre 2018, A______ a déposé une demande unilatérale de divorce auprès du Tribunal de première instance, qu'il a retirée le 12 avril 2019.

k. Le 1er avril 2020, A______ a déposé une nouvelle requête unilatérale en divorce.

Il a notamment conclu à ce que le Tribunal dise que les parties ne se devaient aucune contribution d'entretien, à ce qu’il renonce au partage des avoirs de prévoyance professionnelle et ordonne la liquidation du régime matrimonial.

l. Par courrier du 29 septembre 2020, B______ a indiqué vouloir défendre ses droits sans l'assistance d'un avocat et a conclu à l'exécution de l'engagement pris par A______ à son égard en 1995. Elle a en outre écrit : "La contribution d'entretien ne doit pas être réduite, mais au contraire augmentée et adaptée à nos situations financières respectives".

Elle a produit en annexe un budget dans lequel elle exposait que le versement d'une contribution d'entretien mensuelle de 3'500 fr., couplée à ses revenus de traductrice (environ 35'000 fr. par an), la laissait en situation de déficit en raison de charges calculées à hauteur de 6'310 fr. par mois.

m. A l'audience du Tribunal du 27 novembre 2020, B______, non assistée d'un avocat, ne s'est pas opposée au principe du divorce, mais a persisté à réclamer l'exécution de l'engagement pris par A______ en 1995, "confirmé que [sa] contribution d'entretien [devait] être augmentée et adaptée aux situations financières respectives des parties" et demandé le partage LPP.

Le Tribunal a ouvert les débats principaux et donné l'occasion aux parties de plaider.

n. Par écriture du 18 mars 2021, B______, désormais assistée d'un avocat, a requis des mesures provisionnelles et précisé ses conclusions au fond. Elle a ainsi notamment conclu à ce que A______ lui verse une contribution d'entretien après divorce [mensuelle] de 3'500 fr. et ordonne à A______, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, de lui verser 20% de sa part d'héritage reçue de ses parents, "telle qu'établie par les titres à produire par ses soins".

o. Le 8 juin 2021, A______ s'est déterminé sur l'écriture susmentionnée.

Il a notamment conclu à l'irrecevabilité des nouvelles conclusions prises par B______.

p. Le 22 juillet 2021, le Tribunal a rendu une ordonnance de mesures provisionnelles condamnant A______ à payer à B______, par mois et d'avance, 1'000 fr. dès le 1er février 2021, à titre de contribution d'entretien.

Les deux parties ont recouru contre ce prononcé, confirmé par arrêt de la Cour du 17 décembre 2021.

p.a. Selon cet arrêt, A______ travaillait, jusqu'à sa retraite, à plein temps au sein de H______. En 2019, il avait perçu un salaire mensuel total de 14'591 fr., comprenant son salaire principal de 13'451 fr., prime de prestation comprise, auquel s’étaient ajoutés 233 fr. pour son activité en faveur de l'Association I______ et 907 fr. pour son activité en tant que ______ au Tribunal des Prud'hommes et ______ à la Chambre des relations collectives de travail, étant précisé que ce dernier revenu s'est établi à 721 fr. en 2020.

Depuis sa retraite, survenue le 1er février 2021, A______ a perçu, par mois, une rente AVS de 2'390 fr. et une rente LPP de 3'576 fr. 25. Selon une décision de la Caisse de compensation J______, sa rente AVS a été réduite à 1'793 fr. par mois dès le 1er novembre 2021, en raison du fait que B______ pouvait elle aussi, dès cette date, bénéficier d'une rente.

Toujours selon cet arrêt, A______ est propriétaire ou copropriétaire d'un immeuble à L______ dans le canton d'Argovie. Selon lui, les loyers encaissés, à hauteur de 350 fr. par mois, conformément à sa déclaration fiscale 2019, sont laissés à sa mère.

Il est également propriétaire d'un immeuble à N______ (Vaud), dont sa mère serait usufruitière.

A teneur de sa déclaration fiscale, sa fortune mobilière et immobilière brute s'élevait, en 2019, à 174'309 fr.

Ses charges mensuelles représentaient quelque 4'200 fr.

p.b. Selon l'arrêt susmentionnée, B______ est ______ indépendante. Selon ses comptes d'exploitation et avis de taxation, elle a réalisé un revenu annuel net de 30'159 fr. en 2018, 41'529 fr. en 2019 et 30'172 fr. 75 en 2020, soit 2'987 fr. 57 en moyenne par mois sur les deux dernières années.

Elle a déclaré, en 2020, d'autres revenus pour 3'337 fr., soit 278 fr. par mois.

B______ a atteint l'âge légal de la retraite au mois d'octobre 2021. Le montant de ses revenus à la suite de sa retraite n'a pas pu être établi.

B______ a acquis, le 28 juillet 2014, un immeuble à O______ (Jura) pour le prix de 250'000 fr., qu'elle a revendu le 9 décembre 2019 pour le prix de 430'000 fr.

Sa fortune brute s'élevait à 281'946 fr. en 2020.

Elle a exposé avoir déménagé à P______ (Berne) en cours de procédure pour des questions financières et sous-louer son appartement de la rue 2______ avec un profit de 250 fr. par mois. A terme, elle souhaitait toutefois revenir à Genève.

Ses charges mensuelles ont été arrêtées à 4'020 fr. dès le 1er novembre 2021.

q. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 7 décembre 2021, A______ a persisté dans ses conclusions.

B______ a, elle aussi, persisté dans ses conclusions. S'agissant du régime matrimonial, elle a conclu à sa liquidation partielle, soit que le Tribunal constate la validité des engagements pris par A______, qu'il réserve les droits de B______ de ce chef et que A______ soit condamné à lui verser, à titre de liquidation partielle du régime matrimonial, un montant de 200'000 fr.

A______ a répliqué et conclu à l'irrecevabilité des conclusions en liquidation du régime matrimonial, telles que reprises ci-dessus, formulées par B______, dans lesquelles cette dernière a persisté.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

r. S'agissant de la situation financière et personnelle des parties, il y a lieu de relever ce qui suit, en sus des éléments constatés précédemment en lien avec la procédure de mesures provisionnelles :

r.a. Depuis sa retraite, B______ a continué à pratiquer son activité professionnelle de ______ [indépendante], afin de compléter sa rente AVS. Celle-ci constitue son seul revenu en raison du retrait partiel de ses avoirs de prévoyance professionnelle pour l'acquisition du bien immobilier sis dans le Jura, qui a été revendu entretemps, et du retrait du solde desdits avoirs pour, selon elle, assurer son entretien quotidien.

B______ a retiré un bénéfice de la vente de l'immeuble jurassien évalué à 200'000 fr. environ par le Tribunal et a en outre hérité d'un bien immobilier en Valais revendu pour 300'000 fr., montant dont elle aurait fait en partie donation à son fils F______.

r.b. S'agissant de A______, il possède des expectatives successorales dans la succession de ses parents, qui s'élèvent à plusieurs millions de francs de biens mobiliers et immobiliers.

Il est en outre propriétaire d'un bâtiment locatif à N______ [VD], dans lequel il a investi 3'200'000 fr.

D. Dans le jugement entrepris, s'agissant des points litigieux en appel, soit l'entretien de B______ et la liquidation du régime matrimonial, le Tribunal, sans statuer sur la recevabilité des conclusions de B______, a considéré que le mariage n'avait pas eu d'influence sur sa capacité de gain. Il a estimé qu'il ne fallait prendre en considération à ce titre que la durée du second mariage et faire abstraction du premier. B______ avait souhaité se prémunir de cette issue en faisant signer un document à A______, par lequel il s'était engagé à poursuivre le versement de l'entretien. Or, le prénommé étant désormais à la retraite et sa fortune ne devant pas servir à l'entretien de B______, le Tribunal a décidé que l'octroi d'une contribution d'entretien ne se "justifiait" pas. B______ devait avoir recours à ses ressources résultant du partage de la prévoyance professionnelle. Quant au régime matrimonial, la question de la validité des conclusions de B______ a été laissée ouverte. Le "contrat de mariage" du ______ 2016 n'était pas valable quant à la forme, de même que le document de 1995. Par contre, le contrat du 19 juillet 2010 était valide et contenait un engagement de A______ de donner 250'000 fr. à B______ après le décès de ses parents. Etant donné que B______ fondait ses prétentions sur le contrat de séparation de biens de 2010, elle devait être déboutée de ses conclusions, car le premier divorce avait conduit à la liquidation de leur régime matrimonial d'alors, la question de la validité de la promesse de donner pouvant être laissée ouverte. Les écritures des parties étant muettes sur la question des acquêts, le Tribunal ne pouvait pas statuer sur la liquidation du régime matrimonial et devait la renvoyer à une procédure complémentaire, si les parties le jugeaient utile.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, le litige porte sur la liquidation du régime matrimonial et sur la contribution d'entretien post-divorce, dans une mesure supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjetés dans le délai prescrit par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), les appels croisés des parties sont recevables sous cet angle.

1.3 Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC) et, par souci de simplification, B______ sera désignée comme l'appelante et A______ comme l'intimé.

2. Les deux parties ont produits des pièces nouvelles.

2.1 A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_436/2020 du 5 février 2021 consid. 4.3).

2.2 En l'espèce, l'appelante a produit, à l'appui de son appel, quatre pièces nouvelles : deux d'entre elles, soit une facture de primes d'assurance-maladie du 26 mars 2022 et une lettre de résiliation d'un box à N______ [VD] du 13 avril 2022, sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal et donc recevables, ainsi que les faits qui s'y rapportent. Il n'en va pas de même des deux autres, dont la production tardive n'est pas justifiée.

Est aussi recevable l'annonce du décès de la mère de l'intimé, intervenu le 28 juin 2022, ce qui n'est pas contesté.

Quant aux allégués de l'appel de l'appelante que l'intimé désigne comme nouveaux, étant donné qu'ils sont dénués de pertinence pour l'issue du litige - plus particulièrement les passages en lien avec la prétendue violation des obligations d'entretien par l'intimé et le droit à l'égalité de traitement - et que l'intimé ne prend pas la peine de désigner clairement lesquels sont nouveaux et lesquels avaient déjà été formulés en première instance, la question de leur recevabilité sera laissée ouverte.

Les pièces produites par l'intimé tant dans le cadre de son appel que de celui de l'appelante, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont postérieures à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal et donc recevables.

3. L'intimé remet en cause la recevabilité des conclusions d'appel de l'appelante.

3.1
3.1.1
Selon l'art. 317 al. 2 CPC la demande ne peut être modifiée en appel que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et que la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b).

Le juge procède à l'interprétation objective des conclusions; il lui incombe de les interpréter selon les règles de la bonne foi, en particulier à la lumière de la motivation qui leur est donnée (ATF 105 II 149 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_312/2019 du 12 mai 2020 consid. 3.2).

3.1.2 A teneur de l'art. 84 al. 2 CPC, l'action tendant au paiement d'une somme d'argent doit être chiffrée.

Pour être recevables, les conclusions des parties doivent être déterminées avec suffisamment de précision; ainsi, celles qui portent sur une somme d'argent doivent être chiffrées. Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 1.2; ATF 134 III 235 consid. 2).

La conclusion du demandeur tendant au paiement d'un montant à fixer par le Tribunal, mais d'au moins tant, n'est recevable que pour le montant minimum indiqué (ATF 119 II 333 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 6.1.1; 5A_514/2009 du 25 janvier 2011 consid. 1.2).

3.1.3 Dans les procès soumis à la maxime de disposition, tels que les procès ayant pour objet l'entretien entre époux ou la liquidation du régime matrimonial, le juge ne peut pas accorder plus ou autre chose que ce qui est demandé (art. 58 al. 1 CPC), de sorte que les parties sont tenues de prendre des conclusions claires, nettes et suffisamment déterminées (ATF 116 II 215 consid. 4a, in JT 1991 I 34). Les conclusions doivent être formulées de telle sorte qu'en cas d'admission de la demande, elles puissent être reprises dans le dispositif de la décision. Dans une demande en paiement, elles doivent dès lors être chiffrées (art. 84 al. 2 CPC; ATF 142 III 102 consid. 5.3.1; 134 III 235; arrêt du Tribunal fédéral 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3; Bohnet, Commentaire romand - CPC, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 2 ad art. 85 CPC).

Toutefois, si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée, il peut intenter une action non chiffrée; il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire (art. 85 al. 1 CPC). Une fois les preuves administrées, le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu'il est en état de le faire (art. 85 al. 2 CPC).

Le demandeur doit préciser ses conclusions après l'administration des preuves ou la délivrance par le défendeur des informations requises. Cas échéant, il pourra introduire de nouvelles allégations en fonction des éléments découverts grâce à l'administration des preuves (art. 229 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_63/2016 du 10 octobre 2016 consid. 2.2).

3.1.4 Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues; sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 141 II 113 consid. 1.7; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 1.2).

3.2 En l'espèce, dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l'appelante avait formulé des conclusions tendant au versement de 3'500 fr. par mois à titre d'entretien.

Selon l'intimé, l'appelante n'avait pas valablement pris de conclusions en entretien avant l'ouverture des débats principaux de première instance, de sorte qu'elle était forclose à requérir un quelconque montant à ce titre en première instance et en appel.

L'intimé ne peut cependant être suivi : en effet, dans sa réponse à la demande en divorce, l'appelante, qui comparaissait alors en personne, a demandé à ce que sa contribution d'entretien ne soit pas réduite et même augmentée. Or, elle percevait depuis plusieurs années de l'intimé une contribution de 3'500 fr. par mois, montant qu'elle a repris dans le budget annexé à sa réponse. L'intimé peut donc difficilement soutenir de bonne foi que le Tribunal ou lui-même n'ont pas compris ce que demandait l'appelante.

Il s'ensuit que l'interprétation des conclusions initiales de l'appelante en première instance conduit à retenir qu'elle a formulé une conclusion minimale en paiement de 3'500 fr. par mois pour son entretien.

Néanmoins, l'appelante a limité à 2'500 fr. par mois ses prétentions en entretien dans son appel, puis les a augmentées à 3'500 fr. par mois dans sa réplique, en estimant que l'ouverture de la succession de sa mère permettait à l'intimé de verser une contribution d'entretien.

Fondée sur un fait nouveau, cette modification des conclusions d'appel formulée dans la réplique est recevable (art. 317 al. 2 CC).

3.3 La conclusion de l'appelante tendant à constater qu'il n'est pas possible de fixer "une rente" permettant d'assurer son entretien et à réserver son droit à une modification, est irrecevable. Il s'agit en effet d'une conclusion constatatoire portant sur un aspect de la cause déjà visé par une conclusion condamnatoire, dans la mesure où l'appelante a conclu au versement d'un montant pour son entretien ainsi que cela vient d’être exposé.

Il en va de même de sa conclusion en réserve de ses droits, qui n'a qu'un caractère constatatoire et n’est d’aucune utilité : soit le droit dont une partie se prévaut existe et il n’est pas besoin de le réserver, soit il n’existe pas et ne peut donc être réservé.

3.4 La conclusion de l'appelante, qui porte ensuite sur la répartition à raison de 20% des biens échus à l'intimé par héritage n'est pas chiffrée, puisqu'il ne ressort pas d'autres parties des écritures de l'appelante à combien pourrait s'élever l'héritage pertinent.

Se pose donc la question de savoir, si au stade de l'appel, les conclusions non chiffrées de l'appelante sont encore admissibles.

Tel n'est pas le cas. Certes, l'appelante a, dès le début de la procédure, demandé le respect d'un engagement de l'intimé pris envers elle en 1995 et par lequel il s'engageait à lui remettre 20% de la valeur de biens reçus en héritage. Puis, la procédure de première instance a donné lieu à plusieurs audiences et à des actes d'instruction. Or, l'appelante n'a jamais précisé, encore moins en appel, ses conclusions, qui sont demeurées non chiffrées et indéterminées. Elle n'expose ainsi pas pourquoi elle ne serait pas en mesure de les chiffrer à ce stade de la procédure, alors que les parties ont produit des nombreuses pièces et ont été entendues à plusieurs reprises. Elle ne motive pas davantage quelles seraient les actes d'instruction à ordonner qui lui permettraient de chiffrer ses conclusions.

Les réquisits de l'art. 85 CPC ne sont ainsi pas réalisés, l'appelante ne motivant pas suffisamment, au sens de l'art. 311 CPC, la raison pour laquelle elle n'aurait pas été en mesures de chiffrer ses prétentions avant la fin de la procédure de première instance ou au stade de l’appel et ne proposant aucun acte d'instruction concret.

Ainsi, sa conclusion d'appel en liquidation du régime matrimonial sera déclarée irrecevable.

Cela ne préjuge cependant pas de la recevabilité des conclusions prises en liquidation du régime devant le premier juge, plus particulièrement eu égard au renvoi de la cause à celui-ci pour procéder à la liquidation du régime matrimonial.

3.5 Seules sont donc litigieuses en appel les questions portant sur l'entretien de l'appelante, résultant de son appel, et sur la liquidation du régime matrimonial, résultant de l'appel de l'intimé.

4. L'appelante demande le versement de 3'500 fr. par mois pour son entretien.

4.1
4.1.1
Lorsque l'union conjugale a durablement marqué de son empreinte la situation de l'époux bénéficiaire ("lebensprägende Ehe"), le principe est que le standard de vie choisi d'un commun accord durant la vie commune doit être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet (art. 125 al. 2 ch. 3 CC; ATF 141 III 465 consid. 3.1 ; 137 III 102 consid. 4.2.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_78/2020 du 5 février 2021 consid. 4.1). Dans cette hypothèse, on admet en effet que la confiance placée par l'époux créancier dans la continuité du mariage et dans le maintien de la répartition des rôles, convenue librement par les conjoints, mérite objectivement d'être protégée (ATF 135 III 59 consid. 4.4 ; 132 III 593 consid. 3.2). En l'absence d'une influence concrète sur les conditions de vie des époux, il convient en revanche de s'en tenir à la situation qui prévalait avant le mariage (arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2019 du 13 septembre 2021 consid. 3.1 ; 5A_446/2012 du 20 décembre 2012 consid. 3.2.3.1).

Un mariage peut notamment avoir une influence concrète s'il a duré au moins dix ans - période qui se calcule jusqu'à la date de la séparation (ATF 132 III 598 consid. 9.2) - ou, indépendamment de sa durée, si les conjoints ont des enfants communs. A l'inverse, s'il a duré moins de cinq ans, on présume qu'une telle influence n'a pas eu lieu (ATF 141 III 465 consid. 3.1 ; 135 III 59 consid. 4.1 et la jurisprudence citée). Pour les mariages entre cinq et dix ans, il n'existe aucune présomption; il faut alors examiner, de cas en cas, si les circonstances de fait ont marqué de manière durable, ou non, les conditions de vie des conjoints (arrêts 5A_361/2018 du 26 juin 2018 consid. 3 ; 5A_479/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.4.1 et les références). Un concubinage antérieur au mariage, même stable, ne peut être pris en considération dans la fixation de la contribution après divorce que dans des cas exceptionnels étroitement limités et qualifiés. Il faut impérativement que le concubinage ait influencé durablement la vie des partenaires, au point que la conclusion du mariage soit la confirmation de la responsabilité assumée et de la confiance existante. Tel peut être le cas lorsque l'un des partenaires a renoncé à se réaliser personnellement hors du ménage pour se mettre au service de l'autre et favoriser, voire permettre de façon décisive sa réussite sur le plan matériel, ou encore pour s'occuper d'enfants communs issus du concubinage, respectivement d'enfants de son partenaire (ATF 135 III 59 consid. 4.4 ; 132 III 598 consid. 9.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2019 précité consid. 5.2; 5A_980/2018 du 5 juin 2019 consid. 4.3.2).

Dans un ATF 147 III 249, le Tribunal fédéral est revenu sur la notion de mariage ayant un impact décisif sur la vie ("lebensprägend "), précisant en particulier que ce ne sont pas les présomptions de durée abstraites posées par la jurisprudence, mais les circonstances du cas particulier, qui sont à cet égard déterminantes (consid. 3.4).

4.1.2 Sauf convention contraire, l'obligation d'entretien entre ex-époux s'éteint lors du remariage du créancier (art. 130 al. 2 CC).

Les parties peuvent non seulement prévoir d'autres causes d'extinction, mais aussi exclure l'application de l'art. 130 al. 2 CC par convention et prévoir que la contribution ne s'éteindra pas en dépit de la survenance d'une des causes d'exclusion de l'art. 130 al. 2 CC. La forme d'une telle convention dépend du moment de sa conclusion. Conclue en vue d'une procédure de divorce, la convention est soumise à la ratification du juge. Si elle est conclue plus tard, elle n'est soumise à aucune exigence de forme (Pichonnaz, Commentaire Romand - CC I, 2010, n. 19 et 22 ad art. 130 CC).

4.2 En l'espèce, le premier juge s'est fondé, pour déterminer si le mariage avait eu une influence sur la capacité de gain de l'appelante, uniquement sur la (courte) seconde union conclue par les parties. Trop brève, cette union ne fondait pas de prétention à l'entretien de l'appelante. Par ailleurs, les parties avaient conclu une convention devant faire obstacle à l'art. 130 al. 2 CC, mais avaient réservé la retraite de l'intimé comme facteur de modification de la contribution d'entretien. Or, la situation financière des parties s'était modifiée, car l'intimé avait vu ses revenus drastiquement diminuer, alors que l'appelante avait conservé une activité professionnelle. La fortune de l'intimé ne devait toutefois pas être mise à contribution, car elle avait été héritée, respectivement n'était détenue qu'en nue-propriété. Le déficit de l'appelante (évalué par le Tribunal à 500 fr. environ par mois en référence au dernier arrêt de la Cour sur mesures provisionnelles) serait comblé par le biais du partage de la prévoyance professionnelle. Le Tribunal n'a toutefois pas procédé à l'établissement des revenus et charges de chacune des parties.

L'appelante fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte la durée intégrale de sa relation avec l'intimé, soit depuis leur rencontre en 1977 et leur premier mariage en 1987. En outre, la situation patrimoniale de l'intimé était particulièrement favorable au regard des biens immobiliers qu'il détenait et lui permettait d'assurer ses obligations à son égard.

L'intimé se réfère pour sa part à la durée très courte de sa seconde union avec l'appelante et considère qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte la durée du premier mariage.

Le raisonnement du premier juge n'est pas aisé à suivre, puisqu'il ne permet pas de distinguer quel motif a joué un rôle prépondérant dans sa décision de ne pas allouer de contribution d'entretien à l'appelante. Quoi qu'il en soit, au vu de ce qui va suivre, sa décision doit être annulée sur ce point.

En effet et en premier lieu, s'agissant de la durée du mariage et de son influence sur la situation personnelle et financière de l'appelante, il apparaît inéquitable de faire abstraction de la première union des parties. Comme cela ressort du premier jugement de divorce, l'intimé avait admis, en concluant une convention prévoyant le versement d’une contribution d'entretien pour l'appelante sans limite de temps, que celle-ci avait besoin, pour assurer sa subsistance, d'une contribution d'entretien, après une union ayant duré près de 25 ans, et que le premier mariage avait donc été lebensprägend. Puis, pendant la période ayant suivi le premier divorce en 2013, l'intimé a continué de verser cette contribution, avant que les parties ne se remarient en 2016. Cette contribution a continué d’être versée durant le second mariage et jusqu'après l'introduction de la présente procédure de divorce, soit jusqu'en février 2021. L'union avec l'intimé a par conséquent eu une influence déterminante, pendant plus de 30 ans, sur la situation financière de l'appelante et ce quelles qu’aient été les vicissitudes de sa relation avec l’intimé, lequel l’a soutenue financièrement, étant précisé que les revenus de l’intimé étaient plus importants que les siens. Il serait dès lors inéquitable de la priver désormais de ce soutien, sur le maintien duquel elle pouvait légitimement compter.

L'application de l'art. 130 al. 2 CC ne permet pas non plus d'exclure tout droit de l'appelante à une contribution d'entretien, puisque le législateur avait manifestement pour but de régler les situations où l'ex-conjoint se remarie avec un tiers, mais non avec son précédent conjoint. En outre, concomitamment à leur remariage, les parties ont conclu une convention qui obligeait l'intimé à continuer le versement de la contribution d'entretien due en vertu du divorce, faisant ainsi obstacle à l'application de l'art. 130 al. 2 CC. Le premier juge a procédé à une interprétation erronée de cette convention en retenant qu'elle prévoyait la suppression du versement de la contribution à la retraite de l'intimé, puisque la convention prévoit uniquement que la contribution devrait être "revue". Il ne peut donc être retenu que l'art. 130 al. 2 CC a mis fin à toutes les prétentions de l'appelante envers l'intimé.

Le fait que la situation financière des parties se modifie lorsqu'elles atteignent l'âge de la retraite est une circonstance prévisible et courante. Le premier juge ne pouvait donc pas se prévaloir de ce motif pour refuser toute contribution à l'appelante. Ayant pourtant constaté que cette dernière souffrait d'un déficit mensuel, même après le partage de la prévoyance professionnelle, point sur lequel il ne sera pas revenu faute de griefs pertinents, et que l'intimé bénéficiait pour sa part d'un excédent, le Tribunal a pourtant fait l'économie d'établir de manière concrète la situation financière des parties. En outre, il a en quelques lignes exclu de mettre à contribution la fortune de l'intimé pour assurer l'entretien de l'appelante, alors qu'il n'est pas contesté que celui-ci a hérité de nombreux biens immobiliers et semble avoir renoncé à une partie de ses droits en faveur de sa mère, maintenant décédée. Il s'ensuit que des revenus locatifs doivent être vraisemblablement établis et pris en compte. Il apparaît donc envisageable que l'intimé bénéficie d'une fortune suffisante pour lui permettre d'assumer ses obligations de droit de la famille envers l'appelante, soit en entamant sa substance, soit en utilisant ses fruits.

Par conséquent, la décision du premier juge de ne pas allouer, par principe, de contribution à l'entretien de l'appelante n'est pas fondée.

Certes, le premier juge a formulé de brèves considérations sur les revenus des parties, mais sans établir ceux-ci, ni d'ailleurs les charges des intéressés, ainsi que sur la question de la prise en compte de la fortune. Le Tribunal s'est essentiellement référé aux faits résultant de la procédure de mesures provisionnelles, ce qui n'est pas suffisant.

En l'absence de décision motivée sur les revenus et charges des parties, ainsi que sur l'éventualité de mettre à contribution les éléments de fortune des parties, il y a lieu de retourner la cause au Tribunal afin qu'il complète l'état de fait et rende une nouvelle décision sur ce point, car un pan essentiel de la cause n'a pas été instruit (art. 318 al. 1 let. c CPC).

5. L'intimé reproche au premier juge d'avoir renvoyé la liquidation du régime matrimonial à une procédure séparée.

5.1 En vertu du principe de l'unité du jugement de divorce consacré à l'art. 283 CPC, l'autorité de première instance, ou de recours, qui prononce le divorce, de même que l'autorité de recours appelée à régler certains effets accessoires alors que le principe du divorce n'est plus litigieux, ne peuvent pas mettre fin à la procédure sans avoir réglé tous les effets accessoires du divorce (ATF 134 III 426 consid. 1.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_633/2015 du 18 février 2016 consid. 4.1.2; 5A_874/2012 du 19 mars 2013 consid. 2.1, publié in FamPra.ch 2013 p. 752; 5A_619/2012 du 20 novembre 2012 consid. 1.2.1).

La seule exception prévue par le Code de procédure civile concerne la liquidation du régime matrimonial, qui peut être renvoyée à une procédure séparée pour de justes motifs (art. 283 al. 2 CPC; ATF 137 III 49 consid. 3.5). Le renvoi ad separatum suppose donc, à teneur du texte légal, l'existence de justes motifs (wichtigen Gründen ; ATF 144 III 298 consid. 6.3.1).

Il découle de la jurisprudence fédérale que le prononcé séparé du divorce est admissible, à certaines conditions. Le divorce doit être "liquide", c'est-à-dire qu'il doit être évident que le divorce doit être prononcé, et le règlement des effets accessoires doit s'étirer fortement en longueur (ATF 144 III 298 consid. 7.2.1 et les références citées, arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.5.3). Par ailleurs, l'un des époux doit avoir un intérêt à obtenir une décision partielle, lequel doit s'avérer prépondérant à l'intérêt de l'autre conjoint à obtenir une décision unique réglant tant le principe du divorce que les effets de celui-ci (ATF 144 III 298 consid. 7.2-7.3; note F. Bastons Bulletti in CPC Online [newsletter du 12.07.2018]).

A titre d'exemple, le Tribunal fédéral a récemment admis le prononcé séparé d'un divorce avec renvoi des effets accessoires à une autre procédure lorsque l'un des époux entendait se remarier et se prévalait de son droit au remariage alors que le principe du divorce n'était pas litigieux et que la liquidation du régime allongerait significativement la durée de la procédure (ATF 144 III 298).

Le Tribunal fédéral n'exclut pas la possibilité d'un renvoi éventuel ad separatum de la liquidation du régime matrimonial pour autant que, comme sous l'ancien droit, la liquidation du régime n'ait aucune influence sur les autres effets accessoires du divorce (ATF 126 III 261 consid. 3b; 113 II 97 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5C.43/2003 consid. 4 in FamPra.ch 2003 883 N 113 et les références citées). Le renvoi ad separatum est en revanche exclu en cas de partage de la prévoyance professionnelle après la survenance d'un cas de prévoyance (art. 124 aCC et 124a CC) car tous les éléments de la liquidation du régime sont importants pour sa détermination (Sandoz, Commentaire romand - CC I, 2010, n. 13 ad art. 112 CC). Le partage doit, en effet, être fixé en considération de l'ensemble de la situation économique des parties, y compris le résultat de la liquidation du régime matrimonial (ATF 133 III 401 consid. 3.2; 129 III 481 consid. 3.4.1; ATF 127 III 433 consid. 3, in SJ 2001 I 570, JdT 2002 I 346, arrêt du Tribunal fédéral 5A_193/2016, 5A_196/2016 du 10 juin 2016 consid. 5.3.1).

5.2 En l'espèce, le premier juge, ici encore par un raisonnement difficile à appréhender, a tout d'abord laissé ouverte la question de la recevabilité des conclusions non chiffrées de l'appelante, en lien avec la liquidation du régime matrimonial, pour ensuite constater que les parties étaient soumises au régime de la participation aux acquêts et que leurs accords de 1995 et 2010 n'étaient pas applicables. La question de savoir si l'accord de 2010 contenait une promesse de donner en faveur de l'appelante, pour la somme de 250'000 fr., a été laissée ouverte. Le Tribunal a enfin constaté que les écritures des parties étaient lacunaires et qu'il ne pouvait donc pas statuer sur la liquidation du régime matrimonial.

Contre cette décision, l'intimé oppose un raisonnement en deux temps : le premier juge avait erré en renvoyant la liquidation du régime à une procédure séparée ; il aurait dû statuer en déboutant l'appelante de toutes ses conclusions.

L'appelante, de par l'argumentation contenue dans son propre appel et dans sa réponse à l'appel de l'intimé, souscrit à la première partie du raisonnement de l'intimé, en ce que, selon elle également, le premier juge aurait dû statuer sur la liquidation du régime matrimonial. Sur la seconde partie, elle considère que ses conclusions en liquidation étaient recevables et auraient dû donner lieu à une condamnation de l'intimé à lui payer certains montants.

5.2.1 Sur la question de savoir si le premier juge pouvait renvoyer la liquidation du régime matrimonial à une procédure séparée, force est de constater que les conditions pour un tel renvoi n'étaient pas remplies.

La raison invoquée par le Tribunal, à savoir que les parties n'avaient pas suffisamment explicité la composition de leurs patrimoines, était insuffisante pour fonder un renvoi ad separatum. En effet, d'une part, il ressort du jugement entrepris que le patrimoine des parties, notamment en lien avec leurs biens immobiliers respectifs et leurs avoirs bancaires, a fait l'objet de la production de plusieurs pièces et d'allégués. A l'aide des diverses présomptions légales (notamment celles résultant de l'art. 200 CC), il n'apparaissait pas d'emblée impossible de procéder à la liquidation du régime matrimonial, les parties devant se voir opposer leur passivité si elles avaient oublié de mentionner certains éléments de leur fortune, puisque cette étape de la procédure matrimoniale est soumise à la maxime de disposition.

D'autre part, le but du renvoi ad separatum n'est pas de permettre aux parties de guérir leurs négligences procédurales, ce que souligne à juste titre l'intimé. Or, en procédant tel que l'a fait le premier juge, l'occasion leur serait donnée de reformuler leurs conclusions et de reprendre les enquêtes ab initio, ce qui ne correspond pas à l'intention du législateur et ne respecte pas le principe de l'économie de procédure.

Aucune des conditions prévues par la loi et la jurisprudence pour un renvoi ad separatum n'est donc réalisée. La décision entreprise sera donc annulée sur ce point encore.

En l'absence de décision de première instance sur l'existence d'un éventuel bénéfice à partager entre les époux, il y a lieu de considérer, ici encore, qu'une partie essentielle de la procédure n'a pas été tranchée par le Tribunal (art. 318 al. 1 let. c CPC).

Il s'impose donc de renvoyer la cause au premier juge afin qu'il traite de cette question, en statuant sur la recevabilité des conclusions des parties, puis en liquidant les rapports patrimoniaux entre les époux (y compris les obligations que les époux pourraient avoir contractées entre eux) et leur régime matrimonial.

6. Au vu de l'issue du litige, il ne sera pas entré en matière sur les réquisitions de preuve formulées par l'appelante. Sa requête en suspension de la procédure d'appel est ainsi sans objet.

Conformément aux considérants qui précèdent et aux maximes applicables, le renvoi au Tribunal ne justifie pas que celui-ci ouvre une instruction complémentaire ou donne l'occasion aux parties de compléter leurs conclusions, sous réserve de faits nouveaux intervenus après le jugement entrepris.

7. 7.1 Au vu du renvoi de la cause au premier juge, celui-ci statuera sur les frais dans sa décision finale (art. 318 al. 3 CPC a contrario).

7.2 Les frais judiciaires des deux appels seront arrêtés à 2'500 fr. au total (art. 30 et 35 RTFMC), mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune au vu de la nature familiale du litige et du fait qu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC) et compensés avec les avances versées par les parties qui demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour les mêmes raisons, il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par B______ le 11 mai 2022 et A______ le 24 mai 2022 contre le jugement JTPI/4564/2022 rendu le 8 avril 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6445/2020.

Au fond :

Annule les chiffres 2, 4, 5 et 6 du jugement entrepris.

Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Dit que le Tribunal statuera sur l'ensemble des frais judiciaires et dépens de première instance dans le jugement qui sera rendu au terme de la procédure de renvoi.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux appels à 2'500 fr., les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, soit 1'250 fr., et compense ces montants avec les avances versées par les parties qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.