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Décisions | Chambre civile

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C/11553/2018

ACJC/1083/2022 du 23.08.2022 sur JTPI/12459/2021 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 26.09.2022, rendu le 13.02.2023, CONFIRME, 4A_422/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11553/2018 ACJC/1083/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 23 AOÛT 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er octobre 2021, comparant par
Me Damien BLANC, avocat, place de l'Octroi 15, case postale 1007, 1227 Carouge, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Robert HENSLER, avocat, Fontanet & Asso, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/12459/2021 du 1er octobre 2021, reçu par C______ SÀRL (actuellement A______ SÀRL) le 7 octobre 2021, le Tribunal de première instance l'a condamnée à verser 79'344 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 18 janvier 2018 et 1'615 fr. à B______ SA (chiffre 1 du dispositif) et prononcé la mainlevée définitive, à concurrence des montants précités, de l'opposition formée par C______ SÀRL au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 5'650 fr., mis à la charge de C______ SÀRL et compensés avec les avances fournies, condamné la précitée à verser à B______ SA 5'350 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires (ch. 3) et 18'104 fr. à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 8 novembre 2021 à la Cour de justice, C______ SÀRL a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci, et cela fait, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instances, à ce que la Cour dise et constate que C______ SÀRL ne devait rien à B______ SA.

b. B______ SA a conclu, sous suite de frais judiciaires de première et deuxième instances, à la confirmation du jugement entrepris. Elle a requis la condamnation de C______ SÀRL à une amende pour téméraire plaideur de 5'000 fr.

c. Par pli du 31 janvier 2022, B______ SA a relevé le changement de raison sociale de sa partie adverse (C______ SÀRL étant devenue A______ SÀRL en ______ 2020), extrait du Registre du commerce à l'appui.

Ce fait a été admis par la précitée aux termes d'une détermination du 8 février 2022.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives, l'appelante s'opposant pour le surplus au prononcé d'une amende pour téméraire plaideur.

B______ SA a produit une pièce nouvelle, soit un extrait des poursuites concernant sa partie adverse, datant du 15 mars 2022, dont l'inscription la plus récente remonte au 14 octobre 2021.

e. Les parties ont été informées le 22 mars 2022 que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______ SÀRL est une société à responsabilité limitée inscrite au Registre de commerce de Genève. Jusqu'en ______ 2020, elle avait pour raison sociale C______ SÀRL et était active dans l'étude, la direction et l'exécution de constructions; depuis lors, son but social est l'étude, la planification et la direction de constructions en Suisse et à l'étranger.

b. B______ SA est une société anonyme inscrite au Registre de commerce de Genève, active dans les services et entreprise générale d'installations électriques, de télécommunications, d'automatismes et de systèmes informatiques, dans l'élaboration de projets concernant des dispositifs électriques, dans la fabrication, l'achat, la vente d'appareils électriques et électroniques et dans la représentation de tous articles relevant de ces domaines.

c. En été 2016, C______ SÀRL, agissant en qualité d'entreprise générale de construction et de sous-maître d'ouvrage, a commandé à B______ SA divers travaux d'électricité à exécuter pour le prix de 808'000 fr. HT dans le cadre d'un chantier mobilisant divers corps de métier et portant sur l'aménagement de locaux de la banque D______ à Genève.

d. Le 19 septembre 2016, elle a confirmé l'adjudication des travaux, laquelle a été acceptée par B______ SA.

Etait annexé à cette confirmation un planning de chantier précisant notamment que la réception générale des travaux devait avoir lieu le 5 décembre 2016 et la levée générale de toutes les retouches le 16 décembre 2016.

e. Les parties sont convenues de soumettre leur relation contractuelle de (sous)maître d'ouvrage à (sous)entrepreneur aux conditions particulières de C______ SÀRL, puis à ses conditions générales, et enfin aux "Conditions générales pour l'exécution des travaux de construction" de la norme SIA 118.

e.a Les conditions particulières de C______ SÀRL ont été contresignées par B______ SA.

A teneur de leur art. 18, "les pénalités de retard par rapport aux dates contractuelles [sont] de 0,5% par jour ouvrable, plafonnées à 10% du montant contractuel".

L'art. 9 desdites conditions stipule qu'un montant correspondant à 10% de chaque facture d'entreprise est retenu à titre de garantie, laquelle serait remise à l'entrepreneur à la fin des travaux, après signature du décompte final, valable deux ans. Selon l'art. 19, "la garantie de bonne fin de travaux, d'un montant de 10% des travaux effectués selon décompte final, [serait] à première réquisition et établi[e] par une institution bancaire de premier ordre". Ladite garantie est valable deux ans à partir de la date de réception des travaux.

Selon l'art. 20, "le paiement final représentant au minimum le 10% restant des travaux effectués ser[ait] exécuté lorsque cinq conditions ser[aient] remplies", soit la "réception des travaux effectués par la DT et l'entreprise", la "remise de la garantie de bonne fin de travaux originale selon exigences du contrat", la "levée de toutes les retouches notées lors de la réception des travaux", la "remise du dossier de révision complet en 4 exemplaires papier et digital (validé par l'ingénieur si présent)" et la "signature du décompte final par l'entreprise".

e.b Les conditions générales de C______ SÀRL ont été contresignées par B______ SA.

Elles constituent des compléments et des modifications de la norme SIA 118 auxquelles elles se référent et renvoient expressément.

A teneur de l'art. 3.8, relatif aux paiements, le maître d'ouvrage établit le décompte final, qui tient compte des termes et conditions contractuelles (déductions, etc.); le paiement final est dû dès l'accord écrit de l'entrepreneur sur le décompte final et la remise par l'entrepreneur de la totalité des décomptes de comptabilité, des documents relatifs à la construction et de la garantie. Le paiement intervient dans les 60 jours. Le rabais et l'escompte convenus restent valables (art. 3.8.3, qui fait référence aux art. 154 al. 2 et 155 de la norme SIA 118).

A teneur de l'art. 3.9, qui concerne la réception, l'objet de la réception est l'ouvrage terminé. Des parties d'ouvrage formant un tout ne peuvent être réceptionnées séparément que si cela a été convenu dans le contrat d'entreprise ou si le maître d'ouvrage a donné son accord par écrit (art. 3.9.1, qui fait référence à l'art. 157 al. 1 de la norme SIA 118). Un procès-verbal contenant le résultat de la vérification doit être dressé dans tous les cas (art. 3.9.2, qui fait référence à l'art. 158 al. 3 de la norme SIA 118). Si des défauts sont constatés lors de la réception, le montant de la retenue n'est dû qu'après leur élimination complète (art. 3.9.3, qui fait référence à l'art. 152 de la norme SIA 118).

e.c Comme indiqué, les conditions générales pour l'exécution des travaux de construction de la norme SIA 118 ont été intégrées au contrat par les parties.

A teneur de l'art. 90, qui a trait à la modification de la commande et à l'adaptation des délais, lorsqu'une modification de commande exige l'adaptation des délais contractuels (art. 92), l'entrepreneur a droit à la fixation de nouveaux délais appropriés. Les parties fixent le nouveau délai d'un commun accord.

Selon l'art. 92, relatif à l'exécution des travaux et à la fixation des délais, le contrat fixe les délais dans lesquels les travaux doivent être exécutés. Le terme correspond à l'expiration du délai.

Les dispositions concernant les délais prévoient notamment ce qui suit.

Lorsque la direction des travaux est en retard, l'entrepreneur a droit à une prolongation convenable des délais. Les parties fixent les nouveaux délais d'un commun accord (art. 94 al. 2). L'entrepreneur est tenu de prendre toute mesure nécessaire au respect des délais (art. 95 al. 1). L'art. 96 al. 3 stipule que la prolongation des délais résultant d'une modification de commande est régie par l'art. 90, l'art. 94 al. 2 étant réservé. S'ils sont en faute, le maître et l'entrepreneur sont réciproquement responsables des dommages résultant des dépassements de délais (art. 97 al. 1). A teneur de l'art. 98, le contrat peut prévoir des pénalités équitables si l'entrepreneur achève l'ouvrage après l'expiration du délai, et des primes s'il l'achève avant (al. 1). L'entrepreneur ne doit pas de pénalités lorsqu'il a droit à une prolongation de délai (al. 2; art. 94 al. 2 et 96). Le paiement d'une pénalité ne libère pas l'entrepreneur du respect des autres obligations contractuelles; ce paiement sera toutefois imputé sur le montant des dommages-intérêts que peut devoir l'entrepreneur (al. 3).

Les dispositions ayant trait au décompte final prévoient notamment ce qui suit.

La norme SIA définit le décompte final comme le décompte de l'entrepreneur qui arrête le montant de la rémunération fixé selon les prix unitaires, globaux ou forfaitaires convenus (montant du décompte final; art. 153 al. 1). L'entrepreneur présente le décompte final à la direction des travaux deux mois au plus tard après la réception de l'ouvrage (art. 154 al. 1; art. 157ss). La direction des travaux vérifie le décompte final dans le délai d'un mois et informe aussitôt l'entrepreneur du résultat. Si la vérification ne révèle aucune divergence, le décompte final est considéré comme reconnu par les deux parties dès la communication par la direction des travaux du résultat de sa vérification (art. 154 al. 2 et 3). A teneur de l'art. 155, le solde dû à l'entrepreneur sur la base du décompte final est échu à partir de la communication par la direction des travaux du résultat de sa vérification (art. 154 al. 2) et doit être payé dans les trente jours (art. 190).

Les dispositions ayant trait à la réception de l'ouvrage et à la responsabilité pour les défauts prévoient notamment ce qui suit.

La réception peut porter sur l'ouvrage complet (art. 1) mais aussi, et sauf clause contraire, sur une partie de l'ouvrage formant un tout. L'ouvrage (ou la partie de l'ouvrage) qui a été reçu est considéré comme livré. Il passe sous la garde du maître qui en supporte désormais les risques. C'est à partir de ce moment que commencent à courir le délai de garantie (délai de dénonciation des défauts) et le délai de prescription des droits du maître en cas de défaut (art. 172 al. 2 et 180 al. 1; art. 157). A teneur de l'art. 158, l'entrepreneur ouvre la procédure de réception en avisant la direction des travaux qu'il a achevé l'ouvrage ou une partie formant un tout (art. 157 al. 1). La direction des travaux procède avec l'entrepreneur à la vérification de l'ouvrage (ou de la partie de l'ouvrage) dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis d'achèvement. L'entrepreneur prend part à la vérification et donne les informations demandées. En règle générale, le résultat de la vérification est consigné dans un procès-verbal que la direction des travaux et l'entrepreneur reconnaissent par leur signature. Ce procès-verbal précise le moment où la vérification est terminée.

Les articles 159 et 160 règlent la question de la réception de l'ouvrage, distinguant si celui-ci ne présente aucun défaut ou s'il présente des défauts mineurs. Lorsque la vérification commune (art. 158 al. 2) ne révèle aucun défaut (art. 166), l'ouvrage (ou la partie de l'ouvrage) est considéré comme reçu à la fin de la vérification (art. 159). Lorsque la vérification commune révèle des défauts qui paraissent mineurs par rapport à l'ensemble, l'ouvrage (ou la partie de l'ouvrage) est également considéré comme reçu à la fin de la vérification commune; l'entrepreneur est toutefois tenu d'éliminer les défauts constatés (art. 169) dans un délai convenable fixé par le maître.

f. B______ SA a commencé les travaux d'électricité aussitôt qu'ils lui ont été adjugés.

En cours de chantier, C______ SÀRL a commandé de très nombreux travaux supplémentaires ou modifiant ceux qu'elle lui avait initialement adjugés.

Les travaux supplémentaires ou modifiés ainsi commandés ont fait l'objet d'une quarantaine de devis complémentaires successifs émis par B______ SA, lesquels ont été acceptés par C______ SÀRL pour un prix en plus-values de l'ordre de 540'000 fr. HT.

Le 21 janvier 2017, C______ SÀRL a adjugé une partie de ces travaux, qui ont, pour la plupart, fait l'objet de devis et de soumissions établis par B______ entre octobre et décembre 2016, pour le prix de 434'000 fr. HT.

g. Le 24 avril 2017, C______ SÀRL et B______ SA ont procédé à la vérification contradictoire de l'ouvrage et à la livraison/réception des travaux d'électricité achevés.

A teneur du procès-verbal de vérification établi le jour même par C______ SÀRL, les travaux d'électricité étaient considérés comme reçus au sens des art. 159 et 160 de la norme SIA 118, tandis que la vérification des travaux d'électricité révélait des défauts mineurs au sens de l'art. 158 al. 2 de la norme SIA 118, nécessitant des retouches. Une liste des retouches que B______ SA devait exécuter était annexée audit procès-verbal.

Un délai au 10 mai 2017 était fixé pour effectuer lesdites retouches.

h. Le 12 juillet 2017, B______ SA a adressé sa facture finale d'un montant total de 1'391'555 fr. 74 HT (dont 541'089 fr. 19 HT de travaux supplémentaires en plus-values) à C______ SÀRL. Après déduction des acomptes déjà payés et des rabais et escompte consentis, celle-ci restait lui devoir 168'218 fr. 50 TTC.

i. Le 14 septembre 2017, C______ SÀRL a adressé à B______ SA un "décompte final provisoire", mentionnant un solde dû de 169'344 fr. Ce décompte précise qu'il s'agit d'une "facture finale et solde de tout compte" et que "l'entreprise accepte de recevoir un paiement de 169'344 fr. pour solde de tous comptes et de toutes prétentions du fait du contrat d'entreprise avec l'entreprise générale relatif au chantier D______, Rue 2______ no. ______ – [code postal] Genève. Sont expressément réservés tous les droits de garantie pour les défauts de l'ouvrage et les éventuels droits pour dommages et intérêts du maître de l'ouvrage qu'il ne connaît pas à ce jour, ainsi que les pénalités éventuelles pour non remise des documents de fin d'ouvrage dans les délais impartis. La garantie de bonne fin des travaux d'un montant de 138'240 fr. valable 2 ans dès la date de réception des travaux ainsi que la facture finale seront remises par l'entreprise dans les 10 jours ouvrables".

Le 27 septembre 2017, B______ SA a contresigné pour accord le décompte précité.

j. En octobre 2017 au plus tard, B______ SA a terminé la totalité des retouches mises à sa charge (ce que C______ SÀRL a finalement admis).

Le 10 octobre 2017, elle a retourné à C______ SÀRL, contresigné pour accord, le procès-verbal de vérification/réception des travaux du 24 avril 2017.

k. Le 18 octobre 2017, B______ SA a remis à C______ SÀRL la garantie de bonne fin des travaux établie par [la compagnie d'assurances] E______ d'un montant de 138'240 fr., valable jusqu'au 23 avril 2019.

l. C______ SÀRL n'a pas payé le solde de 169'344 fr. à B______ SA.

S'en sont suivis des échanges entre les parties.

Par plis des 3 et 19 janvier et des 10 et 13 février 2018, C______ SÀRL a motivé son refus de paiement par le fait que la garantie de bonne fin de travaux remise par B______ SA n'était pas conforme puisqu'elle était émise par une compagnie d'assurance et non par une banque comme convenu contractuellement, et par le fait que certaines des retouches n'avaient pas été effectuées.

m. Le 12 février 2018, B______ SA a fait notifier à C______ SÀRL un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur le montant de 169'334 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 octobre 2017.

C______ SÀRL y a formé opposition.

n. Par acte du 16 mai 2018, déclaré non concilié le 23 août 2018 en l'absence de C______ SÀRL à l'audience de conciliation et introduit le 23 novembre 2018 au Tribunal, B______ SA a conclu à ce que C______ SÀRL soit condamnée à lui payer 169'344 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 octobre 2017 et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

o. Le 29 mai 2018, C______ SÀRL a versé 90'000 fr. à B______ SA, réduisant ainsi le solde réclamé à 79'344 fr.

p. Par réponse du 22 mars 2019, elle a conclu au déboutement de B______ SA des fins de sa demande.

Elle a fait valoir qu'elle était au bénéfice, contre celle-ci, d'une créance de 138'240 fr. en paiement d'une pénalité contractuelle pour retard dans la livraison des travaux, qu'elle opposait en compensation.

q. Dans leurs plaidoiries finales écrites des 23 février et 12 mars 2021, ainsi que leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Le 2 juin 2021, la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que la créance de B______ SA en paiement du solde encore dû sur le prix de l'ouvrage, soit 79'344 fr. en capital (169'344 fr. – 90'000 fr.), intérêts en sus, était établie et que C______ SÀRL n'en contestait pas ou plus l'exigibilité.

La précitée faisait valoir que la dette réclamée était éteinte par compensation, avec une créance d'au moins 130'305 fr. (soit 10% du montant qu'elle allègue avoir versé à B______ SA dans le cadre de ce chantier) en paiement d'une pénalité contractuelle pour retard dans la livraison de l'ouvrage. Or, la livraison/vérification/réception de l'ouvrage avait eu lieu le 24 mars [recte : avril] 2017 et C______ SÀRL avait accepté l'ouvrage sous réserve de retouches à exécuter par B______ SA, sans réserver son droit au paiement de la peine conventionnelle pour non-respect d'un délai contractuel. Ses droits éventuels au paiement d'une telle pénalité étaient par conséquent éteints.

Pour le surplus, C______ SARL ne pouvait rien tirer du décompte contractuel final établi le 14 septembre 2017, celui-ci ne comportant qu'une réserve portant sur la non-remise des documents de fin d'ouvrage dans les délais impartis, ce dont elle ne s'était pas prévalue dans le cadre de la présente procédure.

En tout état, dans la mesure où son droit éventuel au paiement d'une telle pénalité était éteint depuis la livraison et l'acceptation de l'ouvrage intervenues le 24 mars [recte : avril] 2017, son exception de compensation était mal fondée.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits, la Cour disposant d'un pouvoir d'examen complet (art. 310 CPC). Toutefois, elle ne revoit la cause que dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

1.3 La maxime des débats et le principe de disposition sont applicables au présent litige (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. Il est constant que l'appelante a modifié sa raison sociale en février 2020, soit en cours de procédure.

Il sera dès lors procédé, à titre préalable, à la rectification de la qualité de la partie appelante en A______ SARL.

3. L'appel ne comporte qu'un bref développement de droit, centré sur l'art. 160 al. 2 CO, dont le Tribunal aurait fait une mauvaise application au cas d'espèce, selon l'appelante. Aux termes de sa réplique, l'appelante a soumis une partie en fait, "au vu de la réponse de l'intimée", laquelle s'était limitée à répondre aux observations formulées dans le cadre de l'appel. Elle ne fait pas valoir pour autant que le Tribunal aurait procédé à une constatation inexacte des faits, de sorte qu'il n'y a pas lieu de compléter l'état de fait retenu par le premier juge.

Au demeurant, l'exercice du droit de réplique permet de déposer des observations au sujet d'une prise de position ou d'une pièce nouvellement versée au dossier (ATF 137 I 195 consid. 2, SJ 2011 I 345); il ne saurait servir à apporter à l'appel des éléments qui auraient pu l'être pendant le délai légal (ATF 132 I 42 consid. 3.3.4, JdT 2008 I 110; arrêt du Tribunal fédéral 4A_640/2014 du 17 avril 2015 consid. 3).

Il ne sera ainsi pas tenu compte des arguments de l'appelante fondés sur les faits articulés tardivement, en lien avec un supposé retard de l'intimée dans l'exécution des travaux, respectivement des retouches.

4. En appel, l'intimée a produit avec sa duplique une pièce non soumise au premier juge.

4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

S'agissant des vrais nova, soit les faits qui se sont produits après le jugement de première instance - ou plus précisément après les débats principaux de première instance (art. 229 al. 1 CPC) -, la condition de nouveauté posée par l'art. 317 al. 1 let. b CPC est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate (art. 317 al. 1 let. a CPC) doit être examinée. Cela étant, les pièces ne sont pas recevables en appel pour la seule raison qu'elles ont été émises postérieurement à l'audience de première instance. La question à laquelle il faut répondre pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie est celle de savoir si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2).

En règle générale, les nova doivent être introduits en appel dans le cadre du premier échange d'écriture (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

4.2 En l'espèce, l'intimée a produit un extrait de poursuites concernant l'appelante daté du 15 mars 2022, visant des poursuites dont la plus récente date du 14 octobre 2021, soit postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. L'intimée n'explique toutefois pas pour quelles raisons elle n'aurait pas pu produire cet extrait, qu'elle était susceptible d'obtenir en tout temps, à l'appui de sa réponse à l'appel déjà. Cette pièce est donc irrecevable.

5. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu qu'elle n'avait pas réservé ses droits au paiement des pénalités de retard prévues contractuellement.

5.1.1 Il n'existe pas de règles spécifiques à la clause pénale en droit de la construction. On se réfère donc aux règles ordinaires des art. 160 à 163 CO, notamment à l'art. 160 al. 2 CO lorsque les parties ont conclu une clause pénale de retard. Cette disposition prévoit que lorsqu'une peine conventionnelle a été stipulée en vue de l'inexécution du contrat au temps, le créancier peut demander à la fois que le contrat soit exécuté et la peine acquittée, s'il ne renonce expressément à ce droit ou s'il n'accepte l'exécution sans réserves (Couchepin, La clause pénale, étude générale de l'institution et de quelques applications pratiques en droit de la construction, 2008, p. 258). Il ressort de cette disposition qu'en acceptant l'exécution tardive sans faire de réserves, le créancier renonce implicitement à réclamer la peine. En effet, s'il entend conserver le droit à la peine conventionnelle, malgré l'acceptation de la prestation principale, il doit émettre une réserve expresse sur ce point (art. 160 al. 2 in fine CO; Mooser, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 14 ad art. 160 CO).

Ce principe vaut notamment en matière de contrat d'entreprise. Si l'entrepreneur livre un ouvrage, avec ou sans défaut, mais hors des délais contractuels, le maître doit réserver ses droits au plus tard lors de la livraison (art. 160 al. 2 CO; ATF
97 III 350 consid. 2, JT 1972 I 180; arrêt du Tribunal fédéral 4C_267/2001 du 19 décembre 2001 consid. 3; Mooser, op. cit., n. 14 ad art. 160 CO; Widmer/ Costantini/Ehrat, Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 2020, n. 23 ad art. 160 OR, Pietruszak, Kurzkommentar Obligationenrecht, 2014, n. 12 ad art. 160 OR, Vedat Buz, Konventionalstrafe wegen nicht richtiger Erfüllung in AJP 2017, p. 502 ss; Couchepin, La clause pénale, 2008, p. 279).

Cette réserve doit être expresse (Mooser, op. cit., n. 14 ad art. 160 CO).

L'entrepreneur ne doit pas la peine de retard lorsqu'il livre l'ouvrage à temps, mais avec certains défauts : le respect des délais n'implique pas nécessairement une exécution sans défaut (Couchepin, op. cit., p. 267).

5.1.2 L'art. 98 al. 1 de la norme SIA 118 dispose que le contrat peut prévoir des pénalités équitables si l'entrepreneur achève l'ouvrage après l'expiration du délai. Cette dernière disposition est une simple norme de renvoi. Elle ne crée aucun droit ou obligation supplémentaire par rapport au régime ordinaire. Il rappelle uniquement la possibilité de convenir d'une peine de retard. Il en résulte notamment que l'intégration de la norme SIA 118 n'équivaut pas à la conclusion d'une peine (Couchepin, op. cit. p. 262).

5.2 En l'espèce, la qualification juridique du contrat conclu entre les parties, soit un contrat d'entreprise soumis aux conditions particulières et générales de l'appelante et à la norme SIA 118, n'est pas litigieuse.

Il est constant, comme le Tribunal l'a retenu sans critiques sur ce point en appel, que l'intimée reste créancière de 79'344 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 18 janvier 2018 ainsi que de 1'615 fr. La créance que l'appelante fait valoir en compensation serait de 138'240 fr., correspondant à une pénalité de 10% du montant contractuel de 1'382'400 fr.

L'art. 18 des conditions particulières susmentionnées prévoit une clause pénale au sens des art. 98 de la norme SIA 118 et 160 CO, soit des pénalités de retard "par rapport aux dates contractuelles" fixées à "0,5% par jour ouvrable [et] plafonnées à 10% du montant contractuel".

L'appelante ne s'en prend pas au raisonnement du Tribunal qui a retenu qu'il lui appartenait de réserver son droit à cette peine conventionnelle.

Elle soutient qu'elle aurait respecté cette obligation, en émettant de telles réserves, notamment pour "dommages et intérêts", dans le décompte final provisoire du 14 septembre 2017.

S'il est vrai que ledit décompte, établi par l'appelante elle-même, réserve les droits de garantie pour les défauts de l'ouvrage, les éventuels droits pour dommages et intérêts ou encore les pénalités éventuelles pour non remise des documents de fin d'ouvrage dans les délais impartis, il est muet sur la question des pénalités de retard.

Même à retenir le contraire, une supposée réserve résultant du décompte précité serait, en tout état, tardive.

L'appelante se fonde sur l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_249/2018 du 13 décembre 2018 pour soutenir que la réserve aurait été invoquée dans les temps, le décompte du 14 septembre 2017 ayant été établi avant l'acceptation de l'exécution du contrat, qui ne pouvait avoir lieu avant la levée de toutes les retouches et la remise d'une garantie conforme. Or, la jurisprudence précitée ne lui est d'aucun secours, puisque celle-ci traite de l'exécution d'un acte de modification de limites et de constitution de servitudes, et non d'un contrat d'entreprise. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que dans la mesure où une partie des travaux prévus contractuellement n'avaient jamais été réalisée, le seul écoulement du "délai de livraison" initialement prévu sans réaction de la part de la partie adverse ne pouvait faire perdre à cette dernière son droit de requérir la peine conventionnelle. En l'occurrence, l'ouvrage, qui ne présentait que des défauts mineurs, a bien été livré et "considéré comme reçu" par l'appelante au sens de l'art. 160 de la norme SIA 118, tel que cela ressort du procès-verbal de vérification du 24 avril 2017, soit près de cinq mois avant l'établissement du décompte du 14 septembre 2017.

L'appelante ne fait par ailleurs pas valoir que ses conditions particulières ou générales, applicables au contrat, fixeraient à un autre moment la livraison de l'ouvrage.

Il s'ensuit que la créance que l'appelante entendait opposer en compensation est inexistante, comme l'a retenu le premier juge.

Le jugement attaqué sera par conséquent confirmé.

6. L'intimée sollicite la condamnation de l'appelante à une amende pour téméraire plaideur.

6.1 Selon l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

Agit notamment de façon téméraire celui qui bloque une procédure en multipliant des recours abusifs (ATF 111 Ia 148, consid. 4, JT 1985 I 584) ou celui qui dépose un recours manifestement dénué de toute chance de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (ATF 120 III 107 consid. 4b; Haldy, in Code de procédure civile commenté, n. 9 ad art. 128 CPC). Même s’il est prolixe, confus et émaillé d’éléments irrecevables, un recours ne procède pas d’un manquement aux règles de la bonne foi s’il n’apparaît pas comme une mesure dilatoire et si l’intérêt juridique du recourant a été admis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_257/2008 du 15 avril 2009 consid. 8).

La jurisprudence se montre restrictive. La sanction disciplinaire a un caractère exceptionnel et postule un comportement qualifié (Haldy, in Code de procédure civile commenté, n. 5 ad art. 128 CPC et les références).

6.2 Quand bien même les chances de succès de l'appel étaient faibles, les circonstances d'espèce ne justifient pas de condamner l'appelante au paiement d'une amende.

7. 7.1 La quotité et la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance ont été arrêtées conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 106 al. 1 CPC; art. 17 RTFMC) et n'ont pas été remises en cause par les parties. Au vu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de revenir sur la décision du Tribunal à cet égard.

7.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 4'500 fr. (art. 5, 17 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance versée par la précitée, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera en outre condamnée à verser à l'intimée des dépens d'appel de 4'500 fr. (art. 105 al. 2, 111 al. 2 CPC; art. 84, 85 al. 1 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Préalablement

Rectifie la qualité de C______ SÀRL en A______ SÀRL.

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 novembre 2021 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/12459/2021 rendu le 1er octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11553/2018.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'500 fr., les met à la charge de A______ SÀRL et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SÀRL à verser la somme de 4'500 fr. à B______ SA à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.