Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/16624/2021

ACJC/963/2022 du 12.07.2022 sur JTPI/211/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.106; CPC.107.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16624/2021 ACJC/963/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 12 JUILLET 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [VD], recourante contre un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 janvier 2022, comparant en personne,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par
Me Sandra FIVIAN, avocate, Rue de l'Arquebuse 10, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 11 janvier 2022, le Tribunal de première instance a dit que B______ n'est pas le père de l'enfant E______ à laquelle A______ a donné naissance le ______ 2021 à F______ [GE] (ch. 1 du dispositif), ordonné la rectification en ce sens des registres de l’Etat civil (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 960 fr., compensé ceux-ci avec l'avance effectuée par B______ et les a mis à la charge de A______, condamnée par conséquent à payer à B______ le montant de 960 fr. (ch. 3), ainsi que le montant de 1'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 11 février 2022, A______ a formé "appel" contre ce jugement. Elle a conclu, en substance, à ce que les frais de la procédure soit mis à la charge des parties pour moitié chacune et à ce qu'il soit dit qu'il n'était pas alloué de dépens.

b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. A______ a répliqué. Elle a indiqué "préciser ses conclusions", prenant des conclusions libellées différemment mais tendant également, en substance, au partage des frais judicaires et à ce qu'il ne soit pas alloué de dépens en faveur de B______.

d. B______ a indiqué ne pas dupliquer et persister dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par avis de la cour du 7 juin 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Une procédure de divorce est actuellement pendante devant le Tribunal entre les époux A______ et B______, qui vivent séparés.

b. Par jugements des 17 octobre 2018 et 20 novembre 2020, le Tribunal a dit que les enfants C______, née le ______ 2018, et D______, née le ______ 2020 n'étaient pas les enfants de B______, ceux-ci étant nés de la relation de A______ avec son nouveau compagnon. Le Tribunal a mis les frais judiciaires, arrêtés à 660 fr., à la charge de la précitée dans son jugement du 17 octobre 2018 et mis les frais judiciaires arrêtés à 200 fr. à la charge des parties pour moitié chacune dans son jugement du 20 novembre 2020. Les parties ayant comparu en personne, il n'a pas été alloué de dépens.

c. Le ______2021, A______ a donné naissance à E______, également issue de sa relation avec son nouveau compagnon.

d. Le 29 juin 2021, A______ a adressé à B______ un projet d'action en désaveu de paternité à déposer devant le Tribunal, qu'elle le priait de lui retourner signé dans un délai de cinq jours. Ce projet ne contenait aucune disposition sur les frais.

e. Le 7 juillet 2021, B______ a retourné le projet signé. Il a toutefois précisé qu'il souhaitait que A______ assume les frais de cette procédure. Il a ainsi complété en ce sens le projet qui lui avait été adressé et demandé à A______ de lui adresser dans les trente jours une copie de l'acte déposé devant le Tribunal. Si elle n'était pas d'accord, il se verrait dans l'obligation de déposer lui-même une action en mandatant un avocat.

A______ n'a donné aucune suite.

f. Par acte reçu par le Tribunal le 27 août 2021, B______, comparant par avocat, a conclu à ce qu'il soit constaté qu'il n'était pas le père de l'enfant E______ et à ce que les registres de l'Etat civil soient modifiés en conséquence, le tout avec suite de frais judicaires et dépens.

g. Lors de l'audience devant le Tribunal du 16 décembre 2021, A______ a acquiescé à la conclusion en désaveu, mais a requis que les frais judiciaires soient mis à la charge des parties pour moitié chacune, "comme il est d'usage". Elle s'est par ailleurs opposée à l'allocation de dépens en faveur de B______ car il n'était pas nécessaire d'avoir recours à un avocat.

h. Dans son jugement du 11 janvier 2022, le Tribunal a relevé qu'il était établi par la procédure que B______ n'était pas le père biologique de l'enfant E______, à laquelle A______ a donné naissance le ______2021 et que seule était litigieuse la question des frais et dépens de la procédure.

A cet égard, il a considéré que s'agissant de la troisième action en paternité que B______ avait dû initier, pour des circonstances qui ne lui étaient pas imputables, il se justifiait de ne plus répartir les frais par moitié entre les parties comme à l'occasion des deux précédentes procédures.

Ils seraient ainsi mis à la charge de A______, y compris les frais d'avocat du demandeur, dans la mesure où elle n'avait pas saisi l'occasion de les éviter en acceptant la proposition qui lui avait été faite dans le courrier de ce dernier du 7 juillet 2021.

EN DROIT

1. 1.1 La décision relative aux frais judiciaires et dépens ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC).

1.2 Déposé dans le délai et la forme prescrits, le recours, bien qu'improprement appelé appel, est recevable (art. 321 al. 1 CPC).

1.3 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

2. La recourante conteste que les frais judiciaires ou les dépens pouvaient être mis à sa charge.

2.1 Les frais judiciaires et les dépens sont répartis entre les parties en application des art. 106 s. CPC, la règle étant qu'ils sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Le tribunal est toutefois libre de s'écarter de cette règle et de les répartir selon sa libre appréciation dans les hypothèses prévues par l'art. 107 CPC, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC); il n'est ainsi pas exclu, dans ce type de procédure, que la partie qui obtient gain de cause soit condamnée à supporter des frais (arrêt 5A_835/2015 du 21 mars 2016 consid. 9.1 et les références). Statuant dans ce cadre selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), l'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 139 III 358 consid. 3 p. 360; arrêt 5A_835/2015 précité consid. 9.1). L'art. 107 al. let. f CPC permet quant à lui s'écarter de la règle de l'art. 106 al. 1 CPC lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable, notamment eu égard au comportement de la partie qui obtient gain de cause, qui soit a donné lieu à l'introduction de l'action, soit a occasionné des frais de procédure supplémentaires injustifiés (ATF 139 III 33 c. 4.2 et réf., JdT 2013 II 328).

2.2 En l'espèce, la recourante a certes acquiescé au principe de l'action intentée par l'intimé et elle n'a dès lors pas succombé. Cela étant, le dépôt de l'action par l'intimé a été rendu nécessaire par la naissance de la fille de la recourante, hors mariage, à la demande de cette dernière, et ladite action servait directement et principalement les propres intérêts de celle-ci. Il était dès lors équitable de mettre les frais judicaires à la charge de la recourante même si elle a acquiescé à la demande et si les frais avaient été partagés lors de la précédente procédure. Dans ces circonstances, le Tribunal pouvait ne pas appliquer l'art. 107 al. 1 let. c CPC et partager les frais entre parties, conformément à l'usage auquel se réfère vraisemblablement la recourante, sans toutefois l'expliquer. Le Tribunal n'a ainsi pas mésusé du pouvoir d'appréciation dont il disposait en la matière.

L'intimé avait proposé à la recourante de déposer l'action telle que préparée par elle, en laissant à la charge de cette dernière les frais judicaires, proposition à laquelle la recourante n'a cependant pas donné suite. L'intimé avait prévenu la recourante que faute d'accord de sa part à cet égard dans un délai de trente jours, il déposerait lui-même une action en recourant aux services d'un avocat. La recourante soutient que ce délai ne tenait pas compte de sa situation personnelle (accouchement, prise en charge de trois enfants en bas-âge, convalescence suite à son accouchement, fériés estivaux et situation sanitaire). Cela étant, elle a elle-même adressé à l'intimé le projet d'action en désaveu le lendemain de la naissance de sa fille et elle a imparti au précité un bref délai de cinq jours pour le lui retourner signé, ce qui démontre qu'elle était en mesure d'agir rapidement. Elle indique d'ailleurs elle-même qu'elle souhaitait "aller assez vite dans les démarches". Il ne peut donc être reproché à l'intimé d'avoir déposé son action après près de deux mois sans nouvelles de la recourante, sans lui avoir adressé de "rappel". En tout état de cause, l'intimé n'avait pas à observer un quelconque délai avant de déposer sa demande. L'absence de concertation avec la recourante ne constitue ainsi pas un motif pour laisser, ne serait-ce que partiellement, les frais à la charge de l'intimé.

Quant au montant des frais, fixé à 600 fr., la recourante se limite à les trouver "excessifs" au vu des montants de 660 fr. et 200 fr. fixés dans les précédentes décisions, sans autre motivation de son recours sur ce point. Elle ne soutient pas, à juste titre, que le montant de 960 fr. fixé par le Tribunal enfreindrait le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10). Ce montant ne viole en outre pas les principes applicables en la matière, en particulier celui de l'équivalence qui veut que le montant d'une taxe ne soit pas dans un rapport manifestement disproportionné avec la valeur objective de la prestation et reste dans des limites raisonnables (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4 p. 337 et les arrêts cités).

Enfin, quant au dépens, la recourante conteste que l'intimé avait besoin de recourir aux services d'une avocate. Le Tribunal fédéral a cependant eu l'occasion de préciser qu'il n’y a en principe pas lieu d’examiner si la représentation professionnelle était effectivement nécessaire et que le texte de l’art. 95 al. 3 lit. b CPC ne contient pas de réserve selon laquelle l’octroi de dépens pour l’intervention d’un représentant professionnel devrait dépendre de la nécessité, en soi, de la représentation. (ATF 144 III 164, consid. 3.5). Les parties étaient d'ailleurs en désaccord sur la question de la répartition des frais de la procédure, contrairement à ce qui prévalait pour les deux premières procédures, ce qui justifiait objectivement le recours à un représentant professionnel. De plus, l'intimé n'était aucunement tenu de déposer l'action préparée par la recourante. Enfin, le fait que l'intimé n'a pas produit la note d'honoraires de son conseil et n'a pas chiffré sa conclusion n'est pas un obstacle à l'allocation de dépens (cf. ATF 140 III 444 consid. 3.2.2). Dans ces circonstances, le jugement attaqué ne viole pas le droit fédéral en allouant à l'intimé un montant 1'000 fr., dont le montant n'est pas en lui-même contesté de manière motivée.

Au vu de ce qui précède, le recours n'est pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Les frais judicaires de recours, arrêtés à 800 fr. (art. 38 et 32 RTFMC), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

La recourante sera également condamnée aux dépens de recours et versera à ce titre à l'intimé une somme de 800 fr. (art. 86 RTFMC; 25 et 26 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile:


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/211/2022 rendu le 11 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16624/2021.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires de recours à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 800 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Patrick CHENAUX, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.