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Décisions | Chambre civile

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C/3569/2010

ACJC/1409/2013 du 22.11.2013 sur JTPI/4880/2013 ( OO ) , MODIFIE

Descripteurs : BANQUE; RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE; DOMMAGE; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CC.2; CO.42.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3569/2010 ACJC/1409/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 22 NOVEMBRE 2013

 

Entre

A______, ayant son siège ______ Zürich, appelante d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 avril 2013, comparant par Me Vincent Jeanneret, avocat, 15bis, rue des Alpes, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

Madame B______, domiciliée ______ New York, Etats-Unis d'Amérique, intimée, comparant par Me Serge Fasel, avocat, 47, rue du 31-Décembre, case postale 6120, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

 


EN FAIT

a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 8 mai 2013, A______ appelle d'un jugement du 8 avril 2013, aux termes duquel le Tribunal de première instance l'a condamnée, sur demande principale, à verser à B______ 324'597.22 USD avec intérêts à 5% dès le 30 janvier 2009 (ch. 1 du dispositif), sous suite de dépens comprenant une indemnité de procédure de 40'000 fr. en faveur de cette dernière (ch. 2) et, sur demande reconventionnelle, l'a déboutée des fins de sa demande (ch. 4), avec suite de dépens comprenant une indemnité de procédure de 5'000 fr. (ch. 5).

A______ demande, préalablement, à pouvoir plaider brièvement sur les principes applicables à la procédure d'appel de marge et, en particulier, sur ceux ressortant de l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.243/2006 du 10 juillet 2007. Principalement, elle conclut à l'annulation du jugement querellé et, sur demande principale, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et de dépens de première instance et d'appel. Subsidiairement, elle sollicite que le montant des dépens de première instance mis à sa charge soit réduit à 20% du total des dépens fixés et, plus subsidiairement encore, le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Sur demande reconventionnelle, elle demande la condamnation de B______ à lui payer 455'277.87 USD avec intérêts à 4,25% dès le 30 septembre 2010, ainsi que 1'544'642 JPY plus intérêts à 5,25% dès le 30 septembre 2010, sous suite de frais et de dépens des deux instances. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. B______ conclut, préalablement, à ce que le droit de plaider sollicité par sa partie adverse soit refusé. Au fond, elle demande la confirmation du jugement entrepris sur demandes principale et reconventionnelle, sous suite de frais et de dépens des deux instances.

c. Par courrier du 4 septembre 2013, le conseil de A______ a persisté dans sa demande de plaider brièvement et a attiré l'attention de la Cour de céans sur un arrêt rendu par elle récemment concernant les principes applicables à la procédure d'appel de marge.

d. Par courrier du 9 septembre 2013, le conseil de B______ s'est opposé à la demande de plaidoiries.

e. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

A. Le présent litige oppose B______ à A______ (ci-après : A______ ou la Banque), établissement bancaire dont le siège social est à Zurich et à Bâle, et porte sur la réalisation, à la fin du mois d'octobre 2008, de l'intégralité du portefeuille de la première nommée par la Banque.

Une procédure distincte oppose C______, la sœur de B______, à A______, dans le même contexte de faits (cause n° C/1______). Les deux causes n'ont pas été jointes, mais ont été instruites en parallèle.

B. a. B______ et sa soeur C______ ont hérité, au décès de leur père en août 2000, d'importants avoirs bancaires.

La fortune familiale se trouvait, pour partie, auprès de la Banque D______(Switzerland) à Zurich, sur un compte joint dont les sœurs B______ et C______ étaient titulaires. La valeur nette des titres (bonds) qui y étaient déposés représentaient, en automne 2008, plus de 6'000'000 USD, après déduction du gage ("pledge giver") grevant le compte.

Une autre partie de la fortune familiale était constituée sous la forme d'une fondation au Liechtenstein, la "J______", qui disposait d'un compte auprès de A______. Cette fondation, gérée par un conseil de plusieurs membres, assure l'entretien des sœurs B______ et C______.

Enfin, B______ et C______ étaient titulaires, en leurs propres noms, de comptes bancaires auprès de A______.

b. Après avoir résidé à Tel Aviv (Israël), B______, ressortissante israélienne née en 1975, active dans le domaine artistique, s'est établie à New York (USA), où elle dirige un théâtre ainsi qu'un festival.

C______, née en 1976, également ressortissante israélienne, domiciliée à Tel Aviv (Israël), a fait des études de chant lyrique et travaillé en qualité de chanteuse d'opéra. Elle a par ailleurs entrepris des études en soins alternatifs.

E______, ressortissant brésilien né en 1928, était un ami de longue date de feu le père de B______ et de C______. Il avait introduit le père de B______ et C______ auprès de la Banque, alors qu'il était déjà client de celle-ci.

Actuellement retraité et domicilié à Marbella (Espagne), il a été un homme d'affaires actif dans le domaine de l'import/export de produits électroniques, de cigarettes, d'alcool et de montres vers le Brésil. Il gérait en outre non seulement ses propres avoirs, placés notamment auprès de A______, mais également les avoirs bancaires de différentes autres personnes.

Après le décès du père de B______ et C______, E______ a conseillé et aidé B______ et C______ en relation avec les avoirs hérités.

C. a. Le 14 janvier 2004, B______ et C______ ont ouvert auprès de A______ un compte joint n° 2______ en dollars, afin d'y déposer une partie des avoirs hérités, constitués pour l'essentiel d'obligations de pays émergeants.

Différents documents ont été signés, dont une convention dite de "banque restante".

b. B______ a en outre signé un accord de base pour l'octroi de prêts garantis ("Basic Agreement for collateral loans"), un acte de nantissement ("Creation of Pledge"), ainsi qu'une convention relative aux actions sur dérivés et transactions à terme ("Derivatives trading and forward transactions").

Les articles 3, 4 et 5 de l'accord de base avaient respectivement la teneur suivante :

"3. Every use of a credit facility shall require an application from the Client, an adequate lending value of the pledged assets and the prior approval of A______. The Client's loan application may be made expressly or implicitly. For instance, an instruction to buy securities shall be regarded as a loan application if the Client does not have the necessary liquid funds or does not have them in full. Loan approval shall normally be granted verbally or implicitly by the relevant booking being made to the Client's account and execution of the required transaction (…)."

Soit, en traduction libre :

"3. Toute utilisation de crédit requiert une demande en ce sens du client, une valeur d'avance suffisante, des actifs gagés et l'autorisation préalable de A______. La demande de crédit du client peut intervenir de manière explicite ou tacite. Ainsi, l'ordre d'acheter des titres peut être considéré comme une demande de crédit, dans la mesure où les liquidités nécessaires ne sont pas ou ne sont que partiellement disponibles. L'autorisation de crédit est en règle générale délivrée oralement ou tacitement par l'inscription comptable sur le compte du client et l'exécution de l'opération demandée (…)."

"4. Assets deposited with A______ which were or are to be pledged under one or more separate declarations of pledge shall serve as security for loans granted under this Agreement and any loans existing before the latter was signed."

Soit, en traduction libre :

"4. Les avoirs déposés chez A______, qui ont été gagés ou qui seront gagés par acte(s) de nantissement séparé(s), tiennent lieu de sûretés pour les crédits contractés dans le cadre de la présente convention ou précédemment, c'est-à-dire avant sa signature."

"5. If the lending value of the pledged assets falls below all loans granted under this Agreement and any previous existing loans (including accrued and current interest), A______ shall be entitled to proceed in accordance with the terms of the separately signed declaration of pledge (…).

If A______ has issued guarantees, then if the lending value falls below that of loans granted, it shall be entitled to dispose of the collateral automatically if, upon simple demand from A______, the client cannot provide additional security or have the guarantees taken over. The proceeds from the disposal of the collateral shall remain to A______ until the guarantees expire."

Soit, en traduction libre :

"5. Si la valeur de nantissement des actifs gagés tombe au-dessous de la valeur totale des crédits contractés dans le cadre de la présente convention et des crédits existant avant sa signature (y compris les intérêts courus et courants), A______ est autorisée à agir en vertu des dispositions de l'acte de nantissement signé séparément (…).

Si A______ a établi des garanties, elle est habilitée, dans l'hypothèse d'une diminution de la valeur de nantissement au-dessous de la valeur des crédits contractés, à réaliser ces sûretés sans autres formalités si, sur injonction de A______, le client n'apporte pas de garanties supplémentaires ou ne fait pas procéder à leur remplacement. Le produit de la réalisation est laissé en gage à A______ jusqu'à l'échéance des garanties."

c. Les articles 2 et 3 de l'acte de nantissement ("Creation of Pledge") avaient la teneur suivante :

"2. Should the value of the securities fall below the customary or agreed margin, or if A______ should, for any other reason, consider the assets charged/pledged as no longer adequately cover for its claims, the Debtor(s) shall be bound upon simple request by A______ either to reduce the debt through repayments or to furnish sufficient additional security, so as to re-establish the said margin. In the event that the Debtor(s) fail(s) to comply with this demand within such time limit as may be set by A______ at its entire discretion, the debt shall become repayable immediately upon expiration of the time limit. Where, for any reason of fact or law or in the event of extraordinary circumstances, A______ is unable to notify the Debtor(s) immediately of a fall in value of the securities below the customary or agreed margin, the full amount of the outstanding claims of A______ shall become immediately due and payable."

Soit :

"2. Si la valeur des gages tombe au-dessous de la marge usuelle ou convenue ou si, pour d'autres raisons, A______ estime que les sûretés fournies ne sont plus suffisantes pour couvrir sa créance, le(s) débiteur(s) a (ont) alors l'obligation, sur simple demande de A______, soit de réduire par remboursement le montant de la dette, soit de fournir des sûretés complémentaires de manière à rétablir la marge. Au cas où le(s) débiteur(s) ne donnerai(en)t pas suite à cette sommation dans le délai librement fixé par A______, la dette serait alors immédiatement remboursable dans sa totalité. Si, pour des raisons de fait ou de droit, A______ n'est pas en mesure de prévenir sur-le-champ le(s) débiteur(s) que la valeur des sûretés est tombée en-dessous de la marge habituelle ou convenue, les créances d'A______ deviendraient immédiatement exigibles dans leur totalité."

"3. As soon as a debt becomes due, either in whole or in part, A______ shall have the right but not the obligation to realize, on the open market, without delay, at its discretion the assets charged/pledged, which are herby transferred to A______ for such purpose and to give notice and demand payment of claims charged/pledged hereunder, without regard to the formalities laid down by the Swiss Federal Statute on Debt Enforcement & Bankruptcy, and to apply the proceeds towards the satisfaction of its claims of whatsoever nature, whether in respect of capital, interest, commission or charges. A______ is at liberty, notwithstanding the provision of art. 41 of the Swiss Federal Statute on Debt Enforcement & Bankruptcy, to institute and pursue the ordinary proceedings for debt recovery without having first to realize the assets charged/pledged, which are hereby transferred to A______ for such purpose, or to institute proceedings for the realization of said security."

Soit :

"3. Dès qu'une dette devient exigible, en tout ou partie, A______ a le droit, mais non l'obligation, de réaliser librement et sans autre délai, sur le marché, les gages cédés par le présent acte à A______ à cette fin, de notifier et de demander paiement des créances grevées/nanties ci-dessous, sans se conformer aux formalités dictées par la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, et d'en affecter le produit au remboursement des créances de quelque nature qu'elles soient en capital, intérêts, commission ou frais. A______ est en droit, en dépit de la disposition de l'article 41 de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, d'introduire et de procéder au recouvrement des dettes sans avoir à réaliser auparavant les gages, cédés à A______ à cette fin, ou d'introduire une poursuite pour la réalisation des gages."

d. En outre, selon la Convention relative aux actions sur dérivés et transactions à terme, A______ s'est réservé le droit d'exiger des garanties supplémentaires par appel de marge, si les variations des prix du marché ou d'autres paramètres importants intervenant après la conclusion de la transaction se soldaient pour le client par une perte en cas de liquidation de la transaction ouverte ou en cas de diminution de la marge. Dans l'un et l'autre cas, le client s'engageait, sur simple demande, à fournir des sûretés supplémentaires ou nouvelles à hauteur du montant exigé par A______ et du type spécifié par A______. Si le client ne donnait pas suite à cet appel de marge en l'espace d'un jour ouvrable bancaire ou dans un délai plus bref, en cas de détérioration de la situation du marché, A______ était autorisée, mais non obligée, à/de liquider les transactions en souffrance à cette date en procédant à des opérations inversées échéant aux dates initialement fixées et à faire supporter au client toute perte en résultant (art. 3 de la Convention).

D. a. Les 26 et 27 janvier 2004, des montants de 3'460'000 USD et de 3'638'212.40 USD ont été versés sur le compte joint n° 2______ des sœurs B______ et C______, de sorte que le compte présentait à cette dernière date des avoirs totaux de 7'098'212.40 USD.

b. Entre janvier 2004 et janvier 2005, A______ a octroyé à B______ et C______ quatre avances lombardes, soit des transactions initiées à crédit garanties par les valeurs mobilières dont elles étaient titulaires en ses livres, en yens ou en dollars, d'un montant de 1'300'000 USD à 22'680'600 USD, la dernière avance arrivant à échéance le 25 janvier 2006.

Les avances lombardes en devises japonaises, soit une devise à faible taux d'intérêt, étaient destinées à placer les fonds ainsi empruntés dans une autre devise à taux d'intérêt plus fort, soit en l'occurrence des obligations avec un minimum triple B en USD, dont le rendement était de l'ordre de 6% ou 7%, alors que les yens ne coûtaient qu'environ 1%. Cette stratégie, appelée "currency carry trade", consiste à profiter des écarts de rendements entre différents types d'actifs, en l'occurrence à jouer sur le différentiel du taux d'intérêt entre deux devises, en exploitant au maximum la capacité des crédits via les leviers. Cet effet levier s'applique aussi bien aux profits qu'aux pertes. Au risque de l'effet levier s'ajoute le risque lié à l'appréciation ou à la dépréciation des devises concernées, ainsi que le risque de perte de valeurs des obligations, laquelle est fonction de l'évolution des marchés financiers.

E______ avait choisi cette stratégie de "currency carry trade", qu'il utilisait également pour ses propres comptes. F______, responsable du département des "Key Clients" pour l'Espagne, n'a jamais eu de doutes sur la capacité des sœurs B______ et C______ à comprendre la problématique des risques décrits ci-dessus et liés à la stratégie choisie par leur mandataire.

c. De manière générale, lorsque la marge exigée par A______ n'était plus respectée, la Banque demandait au client de fournir des fonds supplémentaires afin que cette proportion soit rétablie (appel de marge).

Auprès de A______, une perte de marge de 1% à 25% déclenche en principe une procédure de "warning", une perte de marge entre 25% et 30% un appel de marge, une perte de marge de 50% à 100% une procédure de "close out" et une perte supérieure à 100% une procédure dite "short out". Un appel de marge intervient dans ces trois premières situations, les injonctions provenant non pas des gestionnaires de fortune, mais du département "Crédit" de la Banque.

E. a. Le 5 janvier 2005, B______ et C______ ont chacune ouvert un compte auprès de A______ et se sont partagé les avoirs du compte joint.

B______ est ainsi devenue titulaire du compte n° 3______, alors que C______ est devenue titulaire du compte n° 4______.

Les documents d'ouverture de compte contenaient à nouveau une clause de banque restante, selon les termes suivants : "Except in special circumstances, correspondence is to be retained for a fee and held available at A______, which is hereby discharged of any liability for possible consequences. We have duly received any and all communications retained in this manner. Unless otherwise specified, the date on the bank document concerned shall be regarded as the date of receipt by the client."

Soit : "Sauf en cas de circonstances particulières, la correspondance sera retenue par A______ moyennant des frais, A______ n'étant pas tenue responsable des éventuelles conséquences (…)."

Les deux relations étaient soumises au droit suisse, avec un for exclusif à Genève.

B______ a, par ailleurs, signé les mêmes documents que dans le cadre du compte joint, notamment l'accord de base pour les prêts garantis ("Basic Agreement for collateral loans"), ainsi que l'acte de nantissement ("Creation of Pledge").

La langue de correspondance convenue était l'anglais.

b. Le même jour, soit le 5 janvier 2005, B______ a accordé à E______ une procuration ("Power of attorney for the management of assets") sur son compte n° 3______.

Aux termes de cette procuration, E______ disposait d'un large pouvoir, étant autorisé à disposer et à acheter des avoirs au débit ou au crédit du compte. En revanche, il n'était pas autorisé à contracter des crédits ou à procéder au nantissement des avoirs du compte pour les prétentions de A______ à l'encontre du titulaire du compte ("The attorney is not, however, authorized to conclude any loan contracts nor to pledge my assets for claims by A______ against me").

B______ était dûment informée du fait que A______ n'exerçait aucun contrôle sur les démarches de son représentant, choisi et surveillé par elle. Il incombait ainsi au mandataire de tenir sa mandante informée de ses démarches et ce dernier était autorisé à prendre note de toutes communications (lettre, relevés de comptes, etc.) qui lui étaient destinées ("We have duly noted that A______ does not exercise any control whatsoever over the actions of the attorney, who is chosen and supervised by myself. It is the responsability of the attorney, and his alone, to keep me informed of his actions. The said attorney is authorized to take note of all communications (letters, statements of accounts, etc.) intended for me").

c. Le 16 février 2005, les avances lombardes du compte joint ont été réparties sur les comptes respectifs de B______ et de C______.

Ainsi, le compte de B______ a été crédité des montants de 1'214'785'000 JPY, 129'750'000 JPY et 650'000 USD.

Selon une attestation du 3 janvier 2006, la valeur nette des actifs sur ce compte au 31 décembre 2005 s'élevait à 5'144'300 USD, pour une valeur brute de 17'232'818 USD.

d. A______ a par la suite accordé chaque année à B______ différentes avances lombardes, qui constituaient notamment le renouvellement d'année en année des prêts transférés du compte joint sur son compte individuel. Toutes les avances ainsi accordées sont arrivées à échéance avant les événements litigieux en automne 2008. Seule une avance de 1'201'351'000 JPY, accordée le 4 février 2008, venait à échéance le 4 février 2009.

Entre 2005 et 2008, les intérêts débités par A______ sur les avances susmentionnées se sont élevés à un montant total de 31'768'908 JPY (contre-valeur approximative de 306'372 USD à cette date) en lien avec les différentes avances accordées en JPY, respectivement à un montant total de 30'746.39 USD sur les trois sommes prêtées en USD.

F. a. A partir de juin 2008, B______ et C______ ont eu pour principal gestionnaire et interlocuteur F______, dont il a été question ci-dessus.

Ce dernier avait pour assistante G______. Le département des "keys clients" pour l'Espagne comprenait cinq gestionnaires, dont H______, remplaçant de F______.

I______ était le responsable des comptes des sœurs B______ et C______ au sein du département "Crédit" de la Banque.

Il est admis que les parties n'étaient pas liées par un contrat de mandat de gestion.

b. L'ensemble des contacts entre les différents collaborateurs de la Banque et les clientes et/ou leur mandataire E______ faisait l'objet de notes, rédigées le jour même de l'entretien ou éventuellement le lendemain.

Ces notes reflétaient le contenu des entretiens; elles n'étaient pas nécessairement exhaustives, en ce sens que certains entretiens, en particulier durant l'automne 2008, période particulièrement chargée en raison des turbulences sur les marchés financiers, n'ont pas été retranscrits.

Elles ont été consignées dans un document "Vue d'ensemble des contacts", relatif à la relation bancaire de B______.

c. B______ n'a jamais contesté, de janvier 2004 à octobre 2008, l'une ou l'autre des opérations effectuées par la Banque ou les extraits de compte y relatifs.

d. Selon l'attestation au 30 septembre 2008, le total net des avoirs de B______ sur le compte n° 3______ s'élevait à 2'076'427 USD à cette date. Cette somme correspondait à une valeur brute de 13'392'314 USD, liquidités et obligations comprises, dont à déduire les avances lombardes d'un montant débiteur total de 11'315'887 USD.

Les positions du compte étaient, à cette date, les suivantes :

-          Placements fiduciaires Lloyds TSB Haarlem 476'000 USD;

-          6,253% Kusnetzki Capital AG 83% 2'091'193 USD;

-          7 3/8% Euro Medium-Terms Notes Rolls-Royce PLC 103,44% 1'290'636 USD;

-          8% Glencore Finance (Europe) 79% 480'320 USD;

-          7% CA Preferred Trust Fund 65,65% 4'595'500 USD;

-          8,25 % Fédération de Russie 34,543% 2'210'803 USD;

-          6,25 % République de Pologne 107,22% 1'929'960 USD.

G. a. A partir de l'automne 2008, l'économie mondiale a été frappée par une crise bancaire et financière, considérée comme la seconde phase de la crise des subprimes de l'été 2007.

b. Le 8 octobre 2008, F______ a fait savoir à E______ que le compte n° 3______ de B______ accusait une perte de valeur de marge.

E______ a instruit la Banque de vendre des positions du portefeuille afin de reconstituer une marge suffisante. Les ordres boursiers consécutifs à ces instructions ont été donnés, le lendemain, par G______, qui a requis la vente des obligations CA Preferred Trust Fund, de 3'200'000 obligations 8,25% Fédération de Russie et de 700'000 obligations 7 3/8% Euro Medium-Term Notes Rolls-Royce PLC.

Selon le relevé du 9 octobre 2008, la vente des 700'000 titres Euro Medium-Term Notes Rolls-Royce PLC a rapporté 682'200 GBP et la vente des obligations russes 1'111'789.51 USD.

c. Le 10 octobre 2008, F______ et G______ ont informé E______ d'une nouvelle dégradation des valeurs nanties. Des discussions régulières se sont ainsi tenues avec E______ concernant la situation des deux comptes et des apports de fonds lui ont été demandés, à plusieurs reprises. Des explications ont été données à E______ concernant la manière de combler le découvert (en liquide, en titres ou par le biais de garanties bancaires).

d. Ce même 10 octobre 2008, la Banque a adressé à B______, sous la signature de F______ et d'un membre du département de crédit, un courrier recommandé impartissant à l'intéressée un délai au 14 octobre suivant pour régulariser la situation résultant d'un dépassement de crédit à hauteur de 1'378'000 fr., par le versement d'un montant équivalent, la remise de garanties, un ordre de réaliser des gages au mieux, ou encore des instructions de liquidation des opérations à terme et sur dérivés en cours, jusqu'au rétablissement de la marge de sécurité. B______ était avertie que, passé ce délai, A______ se réservait le droit de procéder elle-même à la liquidation des opérations à terme et sur dérivés.

Ce courrier, conservé en "banque restante" était rédigé en français, alors que les parties échangeaient en anglais; de plus, les positions en compte étaient indiquées en francs suisses et non pas dans la monnaie habituelle, soit en dollars.

Enfin, alors même que l'ensemble des contacts écrits (fax, courriers) a été mentionné dans le document "Vue d'ensemble des contacts", ce courrier n'y figure pas.

Lors de son audition par le Tribunal, F______ a expliqué que le courrier du 10 octobre 2008 était un courrier standard envoyé par, et à la demande, le/du département de crédit, mais obligatoirement muni du nom d'un gestionnaire. En cas de "banque restante", un tel courrier était joint au dossier du client sans signature. Il n'avait pas de souvenir de ce courrier, lequel ne constituait pas un appel de marge, mais une lettre dite de "close out", plus impérative. Il ne pouvait expliquer pourquoi ce courrier était rédigé en français, alors que la cliente parlait anglais, et pourquoi les montants étaient exprimés en francs suisses, alors que les avoirs étaient en USD.

F______ a confirmé avoir eu à cette époque des contacts très réguliers avec les sœurs B______ et C______ et E______, parfois plusieurs fois par jour. Il était également en contact avec le département de crédit, qui l'informait de l'évolution du dépassement. Les gestionnaires étaient en quelque sorte "pris en sandwich" entre le département du crédit et les clients. Les gestionnaires souhaitaient en règle générale éviter la liquidation des positions et se trouvaient, de ce point de vue, plus proches du client; ils n'avaient toutefois pas le choix de se plier ou non aux instructions du département de crédit.

Le témoin a également indiqué qu'à partir du moment où la détérioration du portefeuille des clientes était devenue inquiétante, E______ lui avait demandé d'impliquer celles-ci directement dans toutes les démarches et prises de décisions pour trouver des solutions.

e. Le lundi 13 octobre 2008, B______, avertie par E______, a eu un entretien téléphonique avec G______, qui, selon ses propres termes, a "mentionné le découvert du compte". Lors de cet entretien, B______ s'est opposée aux nouvelles instructions qui venaient d'être données par E______ concernant la vente de 1'400'000 CA Preferred Fund Trust, en affirmant que des liquidités seraient apportées. Un contrordre à la vente a aussitôt été donné.

f. Le même jour, G______ a, d'entente avec B______, contacté le Conseil de fondation de J______ pour solliciter l'octroi, à titre exceptionnel, de 1'000'000 USD à 1'5000'000 USD afin de couvrir le découvert du compte de l'intéressée.

La Fondation a refusé cette demande par courriel du 14 octobre 2008, au motif qu'une telle opération excédait son but social.

g. Le 16 octobre 2008, F______ a insisté auprès de B______ concernant la nécessité d'apporter des avoirs supplémentaires sur son compte.

Toujours à cette date, B______ et C______ ont annoncé à F______, par téléphone, l'arrivée d'une somme de 800'000 USD du compte de C______. Dans un fax du 17 octobre 2008 à F______, cette dernière a confirmé cet entretien dans les termes suivants :

"Dear Mr F______, following our conversation, please transfer the amount we discussed, 2 x 400, into my sister's account, to cover the margin call. Thanks", soit : "[…] suite à notre conversation, merci de transférer le montant dont nous avons discuté, soit 2 x 400, sur le compte de ma sœur, afin de couvrir l'appel de marge". Ce fax porte la mention "OK", de la main de F______.

Selon les notes internes de la Banque d'entretiens téléphoniques relatives au 16 octobre 2008, une somme supplémentaire de 200'000 USD devait être transférée dans les jours suivants, étant précisé que ce montant ne figure dans aucun autre document de la Banque. F______ a indiqué qu'il avait "dû demander les 200'000 USD supplémentaires par téléphone".

h. Par courriel du 20 octobre 2008, I______, responsable des comptes des soeurs B______ et C______ au sein du département de crédit, a informé F______ et son assistante G______ du dépassement des comptes de B______ et C______, soit 1'482'200 fr. ("56% close out") pour la première et 2'206'000 fr. ("62% close out") pour la seconde.

F______ et G______ ont indiqué lors de leur audition qu'ils avaient régulièrement fait état, dans les discussions avec E______, des découverts, qui variaient quasiment tous les jours.

i. Selon les notes d'entretiens téléphoniques, E______ a informé G______, le 22 octobre 2008, que les instructions de transfert avaient bien été données et que les fonds parviendraient à la Banque le lendemain.

G______ a répondu que si ces fonds n'arrivaient pas jusqu'au vendredi 24 octobre 2008 à midi, il serait procédé à la vente des positions obligataires sous dépôt.

En revanche, G______ n'a jamais dit à la cliente quel montant elle devait transférer. Entendue comme témoin dans la présente procédure, G______ a confirmé qu'il ne lui appartenait pas de faire ce genre de démarches.

j. En réalité, deux virements de 400'000 USD chacun (soit un montant total de 800'000 USD) avaient déjà été effectués les 21 et 22 octobre 2008 en faveur du compte A______ n° 3______ de B______ et crédités sur ce compte, ce que confirme l'extrait de compte pour la période d'octobre 2008.

k. Selon un courriel de G______ à I______ du 24 octobre 2008 à 11h14, elle avait informé E______ de la situation des comptes des sœurs B______ et C______. Les mesures de régularisation convenues étaient de vendre certaines positions. Il était indiqué que les clientes avaient envoyé des liquidités supplémentaires qui devaient arriver encore le même jour ou dès le lundi suivant. Le mandataire ferait de toute façon le point de la situation lundi 27 octobre 2008 avec F______ et verrait quelles mesures supplémentaires devaient être prises.

Le vendredi 24 octobre 2008, H______, qui remplaçait F______, alors en déplacement à l'étranger, a informé E______ que le compte de B______ se trouvait en situation de "close-out".

Le même jour, H______ a eu deux entretiens avec C______.

A teneur des notes d'entretien téléphoniques, "H______ informe le mandataire de la situation de crédit qui s'est fortement détériorée. Solution : tout vendre ou apport de cash, titres. Le mandataire me demande de contacter la cliente pour prise de position. La cliente finalement m'appelle des USA : lui dis poliment que je ne peux pas converser avec elle mais suis prêt à l'écouter. Un tableau avec les positions en portefeuille sera envoyé aux mandataires".

A la suite de ces entretiens, H______ a adressé à C______, par fax, deux tableaux rédigés en espagnol relatifs aux comptes n° 03______ et n° 4______, comportant les positions obligataires libellées en devise japonaise, sans leur contrevaleur en USD. Ces tableaux n'indiquent pas quel montant était exigé au titre d'appel de marge.

B______ et C______ ont tenté, à plusieurs reprises, de joindre F______, mais il leur a été répondu que ce dernier était en voyage et serait de retour lundi 27 octobre 2008.

Selon les explications données par G______ lors de son audition par le Tribunal, un entretien devait avoir lieu entre F______ et E______ durant la journée du lundi 27 octobre 2008. Le délai au vendredi 24 octobre 2008 à midi pour apporter de nouveaux fonds a été prolongé au lundi 27 octobre 2008.

Dans le cadre de la présente procédure, C______ a confirmé que deux montants de 400'000 USD devaient être transférés de son compte, sur lequel étaient crédités les versements de la fondation J______, sur le compte de sa sœur. Elle avait tenté, en vain, de joindre F______, le lundi 27 octobre 2008, et avait insisté pour qu'il la rappelle, ce qu'il n'avait pas fait. F______ a déclaré que la situation était devenue critique le vendredi 24 octobre 2008, date à laquelle il se trouvait en déplacement. Son remplaçant, H______, avait demandé à B______ et C______ de couvrir le découvert, mais il ne parvenait pas à se souvenir du montant qui avait été demandé.

G______ n'a pas pu indiquer non plus le montant précis demandé à B______ et C______ et qui aurait dû parvenir à la Banque le 24 octobre 2008.

H______ ne se souvenait pas de la teneur de la discussion qu'il avait eue avec C______ le 24 octobre 2008, mais il supposait qu'il lui avait demandé de régulariser la situation.

l. Toujours le vendredi 24 octobre 2008, A______ a vendu 3'200'000 titres 8,25% Fédération de Russie et 1'800'000 titres 6,25% République de Pologne, dans le but de combler le découvert du compte de B______.

Cette vente a rapporté, pour ces deux types de titres, 1'102'144 USD, 1'430'606.95 USD et 297'642.06 USD.

Par ailleurs, 700'000 titres 7,375% Rolls Royce 16 et 200'000 titres 5,375% Italie 33 ont été vendus sur le compte de C______.

m. Le lundi 27 octobre 2008, F______ a informé E______ que la situation s'était encore détériorée, le dépassement de marge s'élevant à 2'586'200 fr. (donc situation de "close-out" avec dépassement de 93%), de sorte que la vente de la totalité du dépôt s'imposait.

Les notes d'entretien téléphoniques indiquent que "P5E (pour F______) informe le mandataire de la situation crédit qui s'est fortement détériorée : close-out (dépassement de 92%) : solution tout vendre. Selon instruction du mandataire : vendu l'intégralité du dépôt".

Le même jour, G______ a fait savoir à E______ que le rapport de change JPY/USD s'était détérioré.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que A______ aurait procédé à un appel de marge le vendredi 24 octobre 2008 ou le lundi 27 octobre 2008.

F______ a indiqué lors de son audition ne pas avoir rappelé les sœurs B______ et C______ ce lundi 27 octobre. Il n'avait pas le droit d'appeler B______ vu son domicile aux Etats-Unis. Il était plus facile de passer par son mandataire, car il était plus disponible.

n. Ce même lundi 27 octobre 2008, A______ a procédé à la vente de 608'000 titres Glencore Finance (Europe) SA, pour un montant de 237'829.33 USD, valeur au 30 octobre 2008, et 1'385'000 titres 6,253% Kuznetski Capital AG pour un montant de 750'423 fr. 80, valeur 30 octobre 2008.

o. Par courriel du mardi 28 octobre 2008, F______ a indiqué à I______: "Allons essayer aujourd'hui d'obtenir une réponse ferme du mandataire/Clientes aux questions suivantes : - quand allons-nous recevoir les 400'000 USD prévus en provenance d'Israël ? Allons-nous recevoir 300'000 USD supplémentaires comme annoncé ? Sans réponse claire et définitive, nous mettrons en vente les positions obligataires restantes sous dépôt aujourd'hui".

Selon G______, ce courriel démontrait la divergence qu'il pouvait y avoir entre l'appréciation du gestionnaire, qui avait tendance à patienter davantage, et l'appréciation du département Crédit.

Ce même jour, la Banque a vendu 1'355'000 titres 6,253% Kuznetski Capital AG pour un montant de 733'044 fr., valeur 31 octobre 2008, et 85'000 de ces mêmes titres pour 45'984 fr. 24, valeur 31 octobre 2008.

Enfin, le 3 novembre 2008, A______ a encore vendu 7'000'000 de titres 7% CA Preferred Trust Fund pour 3'998'166.67 USD, valeur 6 novembre 2008.

p. Parallèlement, A______ a contacté E______ pour demander l'apport de nouveaux fonds afin de compenser la perte engendrée par la réalisation des positions des sœurs B______ et C______.

E______ a, pour sa part, informé B______ et C______, sur la base du relevé de fortune de fin octobre 2008, de la liquidation de leurs positions.

Sur appel téléphonique de C______, F______ a confirmé cette liquidation et lui a fait savoir, de même qu'à E______, que le découvert des comptes appelait l'apport de nouveaux fonds.

H. a. Par télécopie du 5 novembre 2008, B______ et C______ se sont plaintes auprès de F______ de la liquidation de leurs positions dans les termes suivants :

"We are still unclear about the progress of events. Our understanding was that we transferred 800'000 USD in order to avoid a liquidation of positions. Mr H______ sent a fax and never followed up or required a specific amount of funds. You haven't contacted us in two weeks ! We were very specific in our last phone conversation not to sell any position - we will deal with the situation when it arises. I cannot comprehend how you took action without notifying or receiving approval from us".

Soit :

"Le déroulement des faits demeure toujours incertain pour nous. Selon ce que nous avions compris, le transfert de 800'000 USD devait permettre d'éviter une liquidation des positions. M. H______ nous a envoyé un fax puis n'a pas fait le suivi, ni demandé de montant spécifique. En l'espace de deux semaines, vous ne nous avez jamais rappelées! Lors de notre dernière conversation téléphonique, nous avions bien spécifié de ne vendre aucune position - nous devions régler la situation nous-mêmes le moment venu. Je ne peux pas comprendre comment vous avez pu agir sans nous tenir informées et sans recevoir notre accord".

b. Les 13 et 14 novembre 2008, B______ et C______, accompagnées d'une amie, K______, au bénéfice d'une formation dans le domaine économique et financier, ont rencontré F______ ainsi qu'un "Risk Officer" dans les locaux de la Banque, pour discuter de la situation et des raisons ayant conduit à la liquidation des positions.

B______ et C______ ont notamment demandé à être replacées dans la situation qui aurait été la leur si la marge avait pu être reconstituée dans les délais exigés par A______, dès lors qu'elles avaient disposé des moyens financiers suffisants pour le faire.

A______ a proposé que de nouveaux fonds soient apportés et investis de manière différente, afin de permettre à B______ et C______ de compenser progressivement les pertes subies.

Lors de son audition par le Tribunal, F______ a indiqué que E______ lui avait dit, à cette époque, que les sœurs B______ et C______ avaient encore les moyens d'investir et qu'elles auraient eu les moyens de prévenir la détérioration de leurs portefeuilles.

c. Le 27 janvier 2009, A______ a annoncé son intention de compenser le découvert du compte n° 3______ avec les avoirs détenus par B______ sur un autre compte (n° 5______).

Au 1er avril 2009, le découvert du compte représentait 496'112.23 USD.

Cette compensation a été exécutée le 8 avril 2009, à hauteur de 69'305.79 USD.

I. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 22 février 2010, B______ a conclu à ce qu'A______ soit condamnée à lui verser 5'246'398 USD, avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2010.

Elle a fait valoir que son portefeuille aurait présenté une valeur de 255'291.43 USD au 30 janvier 2009, soit à l'échéance contractuelle des avances lombardes, si ses positions n'avaient pas été réalisées :

Valeur du portefeuille au 30 janvier 2009

Liquidités Valeur en USD au 30.1.2009

USD 476'000 Placement fiduciaire Lloyds 476'000

GBP 682'208.33 Vente des obligations Rolls 982'380

Royce

USD 1'111'798.51 Vente 3'200'000 obligations 1'111'798.51

Fédération de Russie

USD 711'071.81 Remboursement partiel 711'071.81

obligations Féd. de Russie

USD 122'500 Intérêts des obligations CA 122'500

Preferred Trust

USD 84'506 Liquidités sur le compte au 84'506

30.9.2008

USD 800'000 Apport de fonds 800'000

Obligations Intérêts

CHF 1'385'000 Kuznetski Capital AG 929'058 18'763.90

6.25%

CHF 1'440'000 Kuznetski Capital AG 965'952 19'296.99

6.25%

USD 608'000 Glencore Finance 8.00% 326'587 12'259.95

USD 7'000'000 CA Preferred Trust 7.00% 3'850'000 114'109.59

USD 3'200'000 Fédération de Russie 8.25% 1'312'000 26'906.30

USD 1'800'000 République de Pologne 1'907'100 28'664.38

6.25%

Total en USD 13'578'953.52 220'001.11

Le montant de 255'291.43 USD au 30 janvier 2009 calculé par B______ se fonde sur une valeur du portefeuille de 13'578'953.42 USD en capital et 220'001.11 USD d'intérêts accumulés, et remboursement du prêt de 1'201'351'000 JPY en capital et 5'065'535.20 JPY en intérêts, le montant de 69'305.79 USD résultant de la compensation effectuée par A______, le 8 avril 2009, n'étant pas pris en compte.

B______ a par ailleurs allégué que la valeur de son portefeuille au 30 janvier 2010 se serait élevée à 5'246'398.13 USD, montant dont elle réclamait le paiement par la Banque, dès lors qu'elle était libre de choisir la date la plus favorable pour calculer son dommage. Selon ses calculs, au 30 janvier 2010, la valeur de son portefeuille aurait en effet été de 17'681'082.65 USD en capital et de 1'110'226.82 USD d'intérêts accumulés, et le prêt de 1'201'351'00 JPY en capital et de 18'746'468.84 JPY en intérêts. Après remboursement du prêt et conversion en USD, la valeur de ses avoirs aurait donc été de 5'246'398.13 USD.

b. B______ a été astreinte au versement d'une cautio judicatum solvi en 300'000 fr.

c. Dans sa réponse du 19 novembre 2010, A______ a conclu au rejet de la demande, sous suite de dépens. Elle a fait valoir que l'appel de marge était intervenu conformément aux termes du contrat, pour un montant de 1'000'000 USD, lequel aurait dû lui parvenir le 24 octobre 2008 au plus tard. La somme de 800'000 USD transférée par B______ et C______ n'était ainsi pas suffisante et elle avait à bon droit réalisé leurs positions. Cette réalisation correspondait au demeurant aux instructions données par E______.

A______ a contesté les dates retenues par B______ pour calculer son dommage, soit les 30 janvier 2009 ou 30 janvier 2010. Elle n'a, en revanche, pas contesté avec précision les valeurs du portefeuille alléguées par B______, soit en particulier 255'291.43 USD à la date du 30 janvier 2009, montant auquel B______ entendait ajouter celui de 69'305.79 USD qui avait été débité par la Banque du compte n° 5______à titre de compensation.

d. Sur demande reconventionnelle, A______ a demandé que B______ soit condamnée à lui payer 455'277.87 USD, avec intérêts à 4,25% l'an dès le 30 septembre 2010, et 1'544'642 JPY, avec intérêts à 5,25% dès le 30 septembre 2010. Elle a en outre conclu à la validation du séquestre ordonné par le Tribunal de district de Zurich des avoirs de B______ en mains de la Banque D______ SA à Zurich.

e. B______ s'est opposée à la demande reconventionnelle.

f. Les déclarations des témoins ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile.

Le Tribunal a convoqué, à deux reprises, E______ en vue de son audition à Genève, sans succès.

Par la suite, une commission rogatoire a été décernée en Espagne, afin que ce témoin soit entendu par le juge de son domicile. Toutefois, en cours d'exécution de cette commission rogatoire, les parties ont renoncé à cette audition, sans indication de motifs.

g. Dans ses dernières écritures du 21 septembre 2012, B______ a persisté dans les termes de sa demande, concluant à la condamnation d'A______ au paiement de 5'246'398 USD, avec intérêts à 5% dès le 14 janvier 2010, et au rejet de la demande reconventionnelle.

Elle a produit un "affidavit" daté du 29 mars 2011, signé par E______.

Elle a en outre excipé de compensation à hauteur de 5'246'938 USD plus intérêts, si la créance alléguée par la Banque à son encontre devait être admise.

A______ a conclu au prononcé d'un jugement sur partie, concernant la question de son éventuelle responsabilité contractuelle, à ce que l'"affidavit" de E______ soit écarté des débats et que B______ soit déboutée de toutes ses conclusions, avec suite de dépens. Elle a persisté dans ses conclusions reconventionnelles.

J. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu que la déclaration écrite de E______ n'avait pas de force probante, de sorte que le rôle de ce dernier dans le cadre des faits litigieux devait être apprécié à la lumière des pièces du dossier, des témoignages recueillis, de l'expérience générale de la vie et de la répartition du fardeau de la preuve.

Il n'y avait pas lieu de statuer par jugement partiel, les pièces du dossier permettant au Tribunal de rendre une décision sur l'ensemble du litige.

Par ailleurs, les parties s'accordaient, à bon droit, pour qualifier leurs rapports contractuels de contrat sui generis, comprenant des éléments du dépôt (art. 472 ss CO), du prêt (art. 312 ss CO), du mandat (art. 394 ss CO) et du nantissement (art. 884 ss CC). Elles se trouvaient par ailleurs dans une relation de crédit lombard.

Le Tribunal a considéré qu'il était établi que le compte de B______ se trouvait en situation de déficit et que tant son mandataire, E______, qu'elle-même avaient été dûment informés de cette situation dès le début du mois d'octobre 2008. De plus, B______ et sa sœur avaient fait verser, le 16 octobre 2008, deux montants de 400'000 USD du compte de cette dernière sur le compte de la première nommée, reçus par la Banque les 21 et 22 octobre 2008. Il fallait considérer qu'à la date de ces versements, une suite acceptable avait été donnée à la mise en demeure du 10 octobre 2008, à supposer que celle-ci soit conforme aux principes juridiques concernant l'appel de marge.

Par la suite, aucun élément du dossier n'avait permis d'établir qu'un délai déterminé avait été imparti à B______ ou à son mandataire pour fournir des fonds supplémentaires d'un montant précis. Les notes d'entretiens téléphoniques indiquaient bien qu'un montant de 200'000 USD devait être versé; en revanche, ni les notes ni aucune autre pièce ne démontraient ou n'équivalaient (à) une mise en demeure de fournir un tel montant et les conséquences liées à un défaut de paiement. La procédure d'appel de marge n'était pas conforme aux exigences de précision relatives aux montants et aux délais impartis. En particulier, le tableau récapitulatif transmis par H______, qui ne comportait que des valeurs de positions en JPY, sans conversion en USD et sans indication d'un montant précis à titre d'apport supplémentaire, ne suffisait pas dans un tel contexte.

De plus, la Banque connaissait la situation patrimoniale des sœurs B______ et C______, qui disposaient d'avoirs importants au sein d'une autre banque à Zurich et qui auraient ainsi pu donner suite à un nouvel appel de marge.

La Banque n'était dès lors pas en droit de liquider les positions de B______ les 24, 27, 28 octobre et 3 novembre 2008 et devait répondre du dommage causé à celle-ci.

Le dommage subi consistait en la différence entre le produit de la réalisation de ses positions et la valeur qu'auraient eue ces mêmes positions, si elles n'avaient pas été liquidées à la fin octobre 2008. Dès lors qu'il n'était pas possible de chiffrer le dommage de manière concrète, il y avait lieu de faire application de l'art. 42 al. 2 CO. Il convenait de retenir la date du 30 janvier 2009, date d'échéance du prêt lombard la plus proche de la violation du contrat, pour calculer ce dommage. A la somme de 255'291.43 USD calculée par B______ s'ajoutaient 69'305.79 USD débités par la Banque à titre de compensation, soit au total 324'597.22 USD. La Banque n'avait pour sa part pas contesté le mode de calcul de sa partie adverse à cette date. Elle devait donc être condamnée à verser à B______ 324'597.22 USD plus intérêts à 5% dès le 30 janvier 2009.

Enfin, la demande reconventionnelle devait être rejetée et la Banque condamnée aux dépens de la demande principale et de la demande reconventionnelle. A cet égard, le Tribunal a retenu que B______ obtenait gain de cause sur le principe de la responsabilité de la Banque et que ses prétentions chiffrées s'avéraient excessives sans toutefois être insoutenables, compte tenu du mode d'estimation du dommage sous l'angle de l'art. 42 al. 2 CO.

K. L'argumentation des parties devant la Cour sera examinée ci-après dans la mesure utile.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé contre un jugement notifié aux parties après le 1er janvier 2011, de sorte que la présente cause est régie par le nouveau droit de procédure (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 Les procédures en cours à l'entrée en vigueur du CPC sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance (art. 404 al. 1 CPC). Le contrôle relatif à la bonne application des règles de procédure faite en première instance doit donc être apprécié selon ce droit (arrêts du Tribunal fédéral 4A_8/2012 du 12 avril 2012 consid. 1; 4A_641/2011 du 27 janvier 2012 consid. 2.2).

2. 2.1 L'appel a été interjeté dans le délai de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 308 al. 1 let. a, 308 al. 2 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

2.2 Les conclusions de première instance portent sur une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. en capital (art. 91 al. 1 CPC), de sorte que la Cour connaît de la présente cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

3. L'appelante demande préalablement à plaider sur les principes applicables à la procédure d'appel de marge, ressortant en particulier d'un arrêt du Tribunal fédéral du 10 juillet 2007 et d'un arrêt récent de la Cour confirmant ces principes.

Selon l'art. 316 al. 1 CPC, la Cour peut notamment ordonner des débats, si elle estime que l'affaire n'est pas en état d'être tranchée.

En l'espèce, l'appelante a eu l'occasion de s'exprimer largement par écrit, tant en première instance que dans son mémoire d'appel, aussi bien sur les faits de la cause que sur les principes de droit applicables selon elle aux points litigieux. En outre, la Cour, qui applique le droit d'office (art. 57 CPC), a connaissance des arrêts cités par l'appelante.

La cause est dès lors en état d'être jugée, de sorte que la requête de l'appelante tendant à pouvoir plaider sur les questions de droit au centre du présent litige est rejetée.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle avait violé ses obligations contractuelles dans le cadre de la procédure d'appel de marge. Elle soutient qu'elle était en droit de réaliser les positions de l'intimée, dans la mesure où elle a procédé à un appel de marge écrit le 10 octobre 2008, auquel cette dernière n'a pas donné suite. L'intimée n'aurait pas non plus donné suite aux demandes subséquentes.

La Banque allègue en premier lieu que son courrier du 10 octobre 2008 adressé à l'intimée en banque restante, qui demandait la couverture du dépassement de 1'378'000 fr. dans un délai échéant au 14 octobre 2008, lui est opposable et constituait un appel de marge valable.

4.1 Les parties étaient liées par une convention de banque restante. Selon la jurisprudence, lorsqu'une banque accepte de conserver par devers elle les avis qu'elle adresse à ses clients, ses communications sont opposables à ceux-ci comme s'ils les avaient effectivement reçues (ATF 104 II 190 consid. 2a). De même, on doit admettre que le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir pris connaissance immédiatement des avis qui lui sont adressés de cette façon (arrêts du Tribunal fédéral 4A_262/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.3; 4C.378/2004 du 30 mai 2005 consid. 2.2, reproduit in SJ 2006 I 1; 4C.116/1995 du 9 août 1995 consid. 5b, reproduit in SJ 1996 p. 193). En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui pour des raisons de discrétion n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. En pareil cas, la banque, qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication. Le client qui choisit l'option banque restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se réalise (arrêt du Tribunal fédéral 4A_262/2008 précité consid. 2.3; 4C.378/2004 précité consid. 2.2, reproduit in SJ 2006 I 1).

Cependant, en raison des conséquences choquantes que pourrait avoir, dans certaines circonstances, l'application stricte de la fiction de la réception du courrier, le juge conserve la faculté d'apprécier le cas en équité. Ainsi, une situation manifestement contraire à l'équité peut être sanctionnée au titre de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Tel est le cas lorsque la banque profite de la fiction de la réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, la banque s'en écarte intentionnellement, alors que rien ne le laissait prévoir, ou encore lorsque la banque sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque restante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_262/2008 précité consid. 2.3; 4C.378/2004 précité consid. 2.2, reproduit in SJ 2006 I 1).

Que les avis de transaction et extraits de compte conservés en banque restante à la demande du client le soient sous forme électronique plutôt que sous forme de documents imprimés jusqu'au moment où le client vient les retirer ne saurait avoir d'incidence sur la date à laquelle ils sont réputés valablement notifiés selon la convention de banque restante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_262/2008 précité consid. 4.2.2).

4.2 Le crédit lombard est une ligne de crédit garantie par le nantissement de titres facilement réalisables - ou de tout autre genre de sûretés susceptibles d'être mises en gage -, dont la possession est transférée au créancier (Emch/Renz/Arpagaus, Das Schweizerische Bankgeschäft, 7ème éd., 2011, n° 968; Bauen/Rouiller, Relations bancaires en Suisse, 2011, p. 257 s.). L'emprunteur n'obtient du prêteur qu'un pourcentage déterminé de la valeur sur le marché des titres donnés en gage. La différence entre le montant du crédit et la valeur marchande des titres nantis constitue la marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_450/2010 du 21 décembre 2010 consid. 5.2.1). La garantie pouvant devenir insuffisante suivant l'évolution des cours qui réduit cette marge, les parties peuvent prévoir le droit de la banque d'exiger l'apport de garanties complémentaires dans le délai convenu ou dans un délai approprié (appel de marge; arrêts du Tribunal fédéral 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 8.2.3; 4A_444/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.3; 4C.285/1993 du 5 mai 1994 consid. 3b, publié in SJ 1994 p. 729). Si l'emprunteur ne reconstitue pas la marge de sécurité, la banque peut résilier le crédit lombard, liquider le dépôt de garantie et réclamer le remboursement des avances qu'elle a consenties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 8.2.3 et références citées).

Les opérations à crédit comportent des risques pour le client et pour la banque. En particulier, la banque peut être tenue de réaliser les actifs du client à un moment particulièrement défavorable et ainsi causer à ce dernier une perte dans le cadre d'une opération qui se serait révélée profitable à terme. Le principal grief que peut faire valoir un client en cas de perte est l'absence de mise en demeure de reconstituer la marge préalablement à la vente de ses actifs (ACJC/842/2013 du 28 juin 2013 consid. 6.1; Lombardini, Droit bancaire suisse, 2010, n. 76, 87 et 88).

Dans l'arrêt 4C.243/2006 du 10 juillet 2007, le Tribunal fédéral a considéré que la Banque avait violé les termes du contrat, en vendant des titres de son client sans avoir procédé à un appel de marge préalable. Le fait qu'il y avait eu des appels de marge les jours précédents, qui avaient conduit à un apport d'argent ou à la vente de titres, ne dispensait pas la Banque de cette obligation. Il en aurait été autrement que si la vente des titres litigieux avait été une réalisation de garanties "décalée", faisant suite à un appel de marge antérieur; tel n'était toutefois pas le cas dans cette affaire.

4.3 Aux termes de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine. Les cas typiques sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire (ATF 135 III 162 consid. 3.3.1; 134 III 52 consid. 2.1; 129 III 493 consid. 5.1 et les arrêts cités). Ainsi, l'exercice d'un droit peut être abusif s'il contredit un comportement antérieur, qui avait suscité des attentes légitimes chez l'autre partie (venire contra factum proprium). Le Tribunal fédéral a admis une telle attitude contradictoire de la part d'une banque dans une affaire où le client, appelé à compléter la marge à la suite des baisses de marché liées aux événements du 11 septembre 2001, avait proposé, lors d'un entretien le 18 septembre 2001, un gage immobilier à titre de garantie. La banque avait alors promis d'examiner cette possibilité et de communiquer sa décision avant de procéder à une éventuelle liquidation des positions; or, le lendemain de l'entrevue, la banque avait fermé les positions, sans avoir respecté sa promesse et donc en contradiction avec son attitude de la veille (arrêt du Tribunal fédéral 4C.410/2004 du 16 mars 2005 consid. 2.4).

4.4 En l'espèce, selon les termes du contrat qui ne prêtent pas à discussion, avant de pouvoir réaliser des titres reçus en garantie, la Banque devait, par un appel de marge, inviter l'intimée à compléter les garanties ou procéder à leur remplacement lorsque celles-ci n'étaient plus suffisantes, dans un délai librement fixé par la Banque.

Dans les circonstances du cas d'espèce, il est douteux que l'appel de marge de la Banque a été effectué valablement en "banque restante". En effet, l'obligation pour la Banque de faire un appel de marge implique de contacter le client pour lui permettre, le cas échéant, de donner suite, dans le délai imparti par la Banque, à son appel de fonds, et d'éviter ainsi la liquidation de ses positions. Or, dans le cas d'espèce, la Banque savait que l'intimée ne pourrait pas avoir connaissance de son courrier du 10 octobre 2008 en banque restante, qui lui impartissait un délai au 14 octobre suivant pour remédier au dépassement de son compte, de 1'378'000 fr.

A cela s'ajoute que le gestionnaire de la Banque était en contact régulier, voire même plusieurs fois par jour, avec le mandataire de l'intimée. L'appelante était donc en mesure de lui communiquer oralement le contenu de son courrier et de s'assurer que cette communication importante parvienne à la connaissance de l'intimée le plus rapidement possible. Or, il n'a pas été démontré que le gestionnaire aurait, entre le 10 octobre et le 14 octobre 2008, clairement indiqué à l'intimée ou à son mandataire que la Banque exigeait un apport de fonds de 1'378'000 fr.

Au demeurant, il apparaît que le gestionnaire du compte n'était pas informé de ce courrier, émis par le département du crédit, dont il ne se souvenait pas lors de son audition par le Tribunal.

En tout état de cause, il n'est pas contesté que l'intimée n'a pas couvert le dépassement de son compte dans le délai échéant au 14 octobre 2008 et que la Banque a renoncé à liquider les positions pour régulariser la situation dans ce délai. En effet, il ressort des notes internes de la Banque que, le 13 octobre 2008, l'intimée a donné un contrordre à l'instruction, émise par son mandataire le 9 octobre précédent, de vendre certaines positions, en indiquant qu'elle enverrait des liquidités dans les jours suivants. Or, il n'a pas été établi que la Banque se serait opposée à cette manière de procéder ou aurait de toute autre manière rappelé le délai échéant au 14 octobre 2008 pour apporter 1'378'000 fr. Au contraire, il ressort des notes de la Banque que, postérieurement au 14 octobre 2008, soit le 16 octobre 2008, le gestionnaire interne attendait des montants de 800'000 USD, voire de 1'000'000 USD, ce dernier montant étant toutefois contesté par l'intimée.

Ainsi, il y a lieu de retenir que l'appel de marge de 1'378'000 effectué en banque restante n'est pas opposable à l'intimée, puisqu'il n'a pas été communiqué selon les règles de la bonne foi. De plus, même à considérer que cette communication serait opposable à l'intimée, un montant moins élevé, de 800'000 USD ou de 1'000'000 USD selon les versions divergentes des parties, a par la suite été réclamé à l'intimée. Dès lors, il doit être considéré, selon les règles de la bonne foi, que cet appel de marge remplaçait la communication écrite déposée en banque restante précédemment. En effet, les communications orales et quasi quotidiennes de la Banque à l'intimée ou à son mandataire priment sur un courrier déposé en banque restante, dont la Banque savait que sa cliente n'aurait pas connaissance. En outre, l'intimée pouvait, de bonne foi, se fier au fait que l'apport des fonds demandé par son gestionnaire le 16 octobre 2008 permettrait d'éviter la liquidation de ses positions.

5. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de déterminer quel(s) étai(en)t l'/les appel(s) de marge communiqué(s) précisément par la Banque à l'intimée, si cette dernière y a donné une suite satisfaisante dans les délais impartis par son gestionnaire et si la banque était en droit de liquider les positions les 24, 27 et 28 octobre, ainsi que le 3 novembre 2008.

5.1 Il ressort des faits de la cause que, dès le 8 octobre 2008, le gestionnaire du compte a fait savoir au mandataire de l'intimée que son compte accusait une perte de valeur de marge. Le mandataire a alors instruit la Banque de vendre trois types de positions, dont des obligations CA Preferred Trust Fund, afin de reconstituer une marge suffisante. Les ordres boursiers consécutifs à ces instructions ont été donnés, le lendemain, par l'assistante du gestionnaire.

Le vendredi 10 octobre 2008, le gestionnaire a informé le mandataire d'une nouvelle dégradation de la valeur de nantissement. Ce dernier a alors indiqué qu'il contacterait la cliente, qui pourrait faire parvenir du cash, et qu'il donnerait une réponse le lundi suivant.

Le lundi 13 octobre 2008, la cliente a elle-même instruit l'assistante du gestionnaire d'annuler l'ordre de vendre les obligations CA Preferred Trust Fund et indiqué qu'elle enverrait des liquidités au cours des jours suivants. La Banque a accepté ces instructions et donné contrordre à la vente. L'assistante du gestionnaire aurait, lors de cette conversation, "mentionné le découvert du compte". La Banque n'a toutefois pas établi quel était le découvert du compte à ce moment, ni qu'elle avait fixé à la cliente un délai pour fournir un montant précis.

Le 16 octobre 2008, le gestionnaire a insisté auprès de sa cliente sur la nécessité d'apporter des avoirs supplémentaires sur son compte.

L'intimée a annoncé l'arrivée de 800'000 USD, ce qui a été confirmé par une télécopie du 17 octobre 2008 de la sœur de l'intimée, en ces termes : "merci de transférer le montant dont nous avons discuté, soit 2 x 400, sur le compte de ma sœur, afin de couvrir l'appel de marge". Cette télécopie porte la mention "OK" de la main du gestionnaire. Seules les notes internes de la Banque indiquent, au 16 octobre 2008, qu'un montant de 200'000 USD serait encore transféré dans quelques jours.

Par courriel du 20 octobre 2008, le responsable du compte au sein du département de crédit a informé le gestionnaire et son assistante du montant du dépassement, de 1'482'200 fr. pour l'intimée. Ces deux derniers ont indiqué lors de leur audition avoir régulièrement fait état, dans les discussions avec E______ des découverts, qui variaient quasiment tous les jours. Cela ne signifie toutefois pas encore que la Banque a demandé clairement un apport correspondant au montant du dépassement dans un délai précis. Il apparaît au contraire que le gestionnaire a demandé l'apport de 800'000 USD, voire 1'000'000 USD, soit un montant inférieur à celui du dépassement.

Les montants de 2 x 400'000 USD ont été crédités sur le compte de l'intimée les 21 et 22 octobre 2008. Il semble toutefois que le gestionnaire n'en a pas été informé immédiatement. En effet, le 22 octobre 2008, le mandataire de l'intimée a confirmé le transfert et l'arrivée imminente de ces fonds.

C'est à cette date qu'apparaît pour la première fois dans les notes de la Banque un délai au vendredi 24 octobre 2008 à midi. L'assistante du gestionnaire n'a toutefois pas pu indiquer quel montant précis aurait dû parvenir à la Banque dans ce délai.

Le vendredi 24 octobre 2008, le gestionnaire de l'intimée était en déplacement à l'étranger et inatteignable. Selon les notes de la Banque, plusieurs entretiens téléphoniques ont eu lieu le vendredi 24 octobre 2008, entre l'assistante et le mandataire de l'intimée, entre le remplaçant du gestionnaire absent et le mandataire, ou encore entre le remplaçant du gestionnaire absent et l'intimée.

Il en ressort que le mandataire a été informé par l'assistante de la nouvelle dégradation de la valeur de nantissement malgré les mesures déjà prises. Lors d'un appel téléphonique de l'intimée des Etats-Unis, le remplaçant du gestionnaire lui a indiqué qu'il ne pouvait pas lui parler, mais qu'il était prêt à l'écouter. Il a été convenu d'envoyer à la sœur de l'intimée un tableau récapitulatif de leurs positions en portefeuille, "afin qu'il prenne une décision". L'assistante a en outre indiqué que le gestionnaire et le mandataire devaient s'entretenir le lundi suivant, et qu'une prolongation du délai avait dès lors été octroyée pour l'arrivée de nouveaux fonds. Il ressort enfin d'un courriel de l'assistante au responsable auprès du département de crédit que le gestionnaire devait faire le point de la situation avec le mandataire le lundi suivant.

Les tableaux récapitulatifs, rédigés en espagnol, envoyés à l'intimée et à son mandataire mentionnent le dépassement du compte, en yens, sans leur contrevaleur en dollars. Seul le taux de change est mentionné en haut de la page. Il ne comporte en revanche aucun appel de marge d'un montant précis, ni de délai.

L'appelante soutient que, le lundi 27 octobre 2008, le gestionnaire a informé le mandataire de l'intimée que la situation s'était encore détériorée et qu'il convenait de tout vendre, ce à quoi le mandataire aurait donné son accord. La Banque n'a toutefois tenté de joindre ni l'intimée ni, si elle n'y était pas autorisée en raison de son domicile aux Etats-Unis, sa sœur. Il sera revenu sur ce point ci-dessous (cf. consid. 5.2).

Sur la base de ce qui précède, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que la Banque n'a pas établi, alors que le fardeau de la preuve lui en incombait, avoir clairement communiqué à l'intimée ou à son mandataire que l'appel de marge portait sur un montant de 1'000'000 USD au total. En effet, seule une note interne de la Banque indique que 200'000 USD supplémentaires seraient transférés par la sœur de l'intimée, en plus des 800'000 USD attendus. En outre, le gestionnaire et son assistante ont indiqué avoir régulièrement tenu le mandataire informé de la variation de dépassement du compte. Il n'en résulte toutefois pas que la Banque aurait exigé la couverture de ce dépassement dans un délai précis. Au contraire, la Banque n'a, par exemple, jamais exigé l'apport d'un montant de 1'482'200 fr., représentant le dépassement du compte de l'intimée à la date du 20 octobre 2008. A cet égard, ni le gestionnaire ni son assistante n'ont été en mesure de confirmer formellement, lors de leur audition, quel montant avait été réclamé à l'intimée pour couvrir l'appel de marge. L'assistante a indiqué n'avoir pour sa part jamais dit que la cliente devait envoyer tel ou tel montant, car il ne lui appartenait pas de faire ce genre de démarches.

Le fait que, le 13 octobre 2008, la Banque ait, d'entente avec l'intimée, contacté le Conseil de fondation dont cette dernière était bénéficiaire pour solliciter l'octroi à titre exceptionnel de 1'000'000 USD à 1'5000'000 USD ne prouve pas non plus que la Banque aurait clairement exigé de l'intimée un apport de 1'000'000 USD.

De plus, la sœur de l'intimée a donné l'instruction de transférer sur le compte de cette dernière, un montant de 800'000 USD, en indiquant qu'il s'agissait du montant discuté pour couvrir l'appel de marge. Le gestionnaire a apposé la mention "ok" sur la télécopie. Il n'est toutefois pas mentionné que ce montant ne représentait qu'une partie de l'appel de marge. Ces fonds sont parvenus à la Banque avant l'échéance du délai imparti au vendredi 24 octobre à midi. Or, les notes de la Banque ne mentionnent même pas la réception de ces fonds.

Ainsi, il apparaît que les exigences de la Banque, qui auraient été communiquées à l'intimée ou à son mandataire pour éviter la réalisation du portefeuille, demeurent incertaines et confuses. A cet égard, les parties ont renoncé à l'audition du mandataire, qui semble pourtant avoir été l'interlocuteur principal de la Banque durant cette période. Comme l'a retenu le Tribunal, il résulte ainsi du dossier une certaine confusion et un manque de communication, tant au niveau interne à la Banque qu'entre la Banque et sa cliente. Le gestionnaire a au demeurant admis qu'il se trouvait "pris en sandwich" entre le département de crédit et la cliente, lui-même souhaitant éviter la liquidation des positions du client, tout en ayant l'obligation de se plier aux exigences du département de crédit. Cette position inconfortable se reflète dans la manière dont la Banque a géré la situation au moment critique de la turbulence des marchés financiers fin octobre 2008.

Pour ce premier motif déjà, et dans la mesure où l'intimée a fait transférer sur son compte un montant de 800'000 USD avant l'échéance du délai, il doit être retenu que l'intimée a donné une suite acceptable à l'appel de marge. La Banque ne pouvait dès lors pas réaliser de son propre chef les positions de l'intimée.

Par ailleurs, le vendredi 24 octobre 2008, le portefeuille de l'intimée a subi une nouvelle dégradation de sa valeur. Plusieurs contacts téléphoniques ont eu lieu entre le mandataire, l'assistante, le remplaçant du gestionnaire et l'intimée, le gestionnaire de l'intimée étant absent ce jour et inatteignable. Or, en dernier lieu, il a été convenu d'envoyer à l'intimée et à sa sœur un tableau récapitulatif de la situation de leurs comptes respectifs, afin de "prendre une décision". En outre, l'assistante a indiqué lors de son audition que le délai avait été reporté à lundi. Il était donc convenu que le gestionnaire habituel fasse le point de la situation avec le mandataire et l'intimée le lundi suivant.

Or, comme déjà indiqué ci-dessus, ce tableau ne comporte aucune indication claire d'un montant que l'intimée aurait dû transférer dans un délai précis.

Ainsi, compte tenu de l'apport de fonds de 800'000 USD et de la conversation téléphonique avec le remplaçant de son gestionnaire, l'intimée pouvait de bonne foi partir du principe que la Banque ne liquiderait pas ses positions avant qu'elle puisse s'entretenir avec son gestionnaire le lundi. La Banque, par son attitude contradictoire et sa communication peu claire, a ainsi laissé entendre que la situation serait examinée à nouveau le lundi 27 octobre suivant, après le retour du gestionnaire.

Or, la Banque n'a pas tenté de joindre l'intimée le 27 octobre 2008, avant la vente de ses positions.

Dans ces circonstances, en vendant les positions de l'intimée le vendredi 24 octobre, puis le lundi 27 octobre 2008, sans d'abord communiquer précisément à l'intimée ses nouvelles exigences, la Banque a adopté un comportement contradictoire.

Enfin, il n'est pas établi que l'intimée n'était pas en mesure de reconstituer la marge. Au contraire, elle avait déjà donné suite à la demande de la Banque en apportant 800'000 USD. De plus, le gestionnaire a affirmé lors de son audition que le mandataire lui avait indiqué que l'intimée aurait eu les moyens de prévenir la détérioration de son portefeuille. Enfin, l'intimée et sa sœur étaient titulaires d'un compte auprès d'une banque tierce sur lequel étaient déposés des titres représentant, en automne 2008, une valeur nette de plus de 6'000'000 USD, après déduction du "pledge giver". Il n'est pas établi que l'intimée et sa sœur n'étaient pas en mesure de disposer à bref délai des fonds nécessaires, en réalisant au besoin une partie de leurs titres.

5.2 La Banque soutient avoir reçu des instructions du mandataire de l'intimée les 24 et 27 octobre 2008 pour procéder à la vente des positions, qu'elle était autorisée à suivre.

Or, en premier lieu, cet allégué, contesté par l'intimée, n'a pas été prouvé, les parties ayant en particulier renoncé à l'audition du mandataire en question. Pour ce motif déjà, la Banque ne peut se retrancher derrière les "instructions" prétendument reçues pour justifier la liquidation du portefeuille.

En outre, le 13 octobre 2008, l'intimée s'est opposée à l'instruction de vente d'un titre donnée par son mandataire et l'opération a été annulée. Le gestionnaire a par ailleurs indiqué que le mandataire lui avait demandé d'impliquer l'intimée et sa sœur directement dans toutes les démarches et prises de décisions pour trouver des solutions, dès le moment où la détérioration du portefeuille des clientes était devenue inquiétante. Il ressort d'ailleurs des notes internes de la Banque que, le 24 octobre 2008, le mandataire a demandé au remplaçant du gestionnaire de contacter la sœur de l'intimée pour une prise de position. Ainsi, quels qu'aient été les pouvoirs du mandataire par le passé, la Banque avait clairement reçu pour instructions de s'adresser à l'intimée et à sa sœur pour toute prise de décisions concernant la liquidation de leurs positions. Elle ne pouvait donc, dans ces circonstances, s'en tenir aux instructions prétendument reçues du mandataire, sans contacter au préalable sa cliente.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a retenu à juste titre que la Banque avait violé ses obligations contractuelles. Les griefs de l'appelante à cet égard, infondés, doivent être rejetés.

Partant, l'appelante répond du dommage que la vente a causé à l'intimée.

6. Outre la violation du contrat, la responsabilité contractuelle de la Banque suppose la réalisation cumulative de trois autres conditions : une faute (qui est présumée), un rapport de causalité (naturelle et adéquate) et un dommage (ATF 128 III 22 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_90/2011 consid. 2.2.2; 4A_168/2008 consid. 2.6). Le fardeau de la preuve des faits permettant de constater que les conditions de la responsabilité sont réalisées incombe au client, tandis que la banque doit apporter la preuve de l'absence de faute (arrêts du Tribunal fédéral 4A_90/2011 consid. 2.2.2; 4A_168/2008 consid. 2.7).

6.1 Le dommage se définit comme la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2; 132 III 564 consid. 6.2; 131 III 360 consid. 6.1; 126 III 388 consid. 11a).

Le montant exact du dommage doit en principe être prouvé par le lésé. Le dommage est considéré comme prouvé lorsque le lésé établit suffisamment de circonstances qui rendent la survenance du dommage vraisemblable et permettent de l'évaluer (ATF 132 III 379 précité consid. 3.1).

L'art. 42 al. 2 CO, applicable également à la responsabilité contractuelle par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO, prévoit que lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement, en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Bien qu'elle tende à instaurer une preuve facilitée en faveur du lésé, cette disposition ne lui accorde cependant pas la faculté de formuler, sans indications plus précises, des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur (ATF 131 III 360 consid. 5.1). Le demandeur doit établir de manière suffisante les circonstances qui rendent la survenance du dommage vraisemblable et permettent de l'évaluer. La conclusion qu'un tel dommage est survenu doit s'imposer avec une certaine force (ATF 132 III 379 consid. 3.1, in SJ 2006 I p. 472). L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2).

En matière d'action en responsabilité contre le gestionnaire de fortune, le dommage peut être calculé en confrontant le résultat du portefeuille administré en violation du mandat avec celui d'un portefeuille hypothétique de même ampleur géré pendant la même période conformément aux instructions du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_351/2007 du 15 janvier 2008 consid. 2.2.2).

Le droit de la responsabilité contractuelle vise à remettre le lésé dans l'état dans lequel il serait si le contrat avait été correctement exécuté. Il convient donc de baser le calcul du dommage sur l'intérêt à l'exécution, en se fondant, pour établir l'état du patrimoine, sur celui qui existerait si le contrat avait été exécuté correctement par la mise en œuvre de la diligence requise (arrêt du Tribunal fédéral 4C.18/2004 du 3 décembre 2004 consid. 2.1).

S'il n'est pas possible de déterminer pour combien de temps les parties voulaient se lier ou quel était le terme auquel correspondait le but recherché par les parties, il appartiendra alors au juge, en vertu de son pouvoir d'appréciation, de fixer le moment le plus adéquat (Benoît Chappuis, Le moment du dommage, 2007, n. 768).

6.2 En l'espèce, en ce qui concerne la quotité du dommage, l'intimée a allégué avec précision quelle aurait été la valeur de son portefeuille au 30 janvier 2009, ainsi qu'au 30 janvier 2010, si la Banque n'avait pas vendu ses titres dès le 24 octobre 2008, et quel aurait été le solde de son compte après remboursement du prêt à ces deux échéances. Elle a notamment tenu compte dans son calcul des titres réalisés sur instructions de son mandataire du 8 octobre 2008 (cf. EN FAIT let. G.b. ci-dessus). Devant le premier juge, l'appelante a essentiellement critiqué les dates des 30 janvier 2009 et 30 janvier 2010, estimant que celle du 4 novembre 2008 était déterminante, et s'est contentée de contester l'établissement du montant du dommage de manière générale.

Le Tribunal a considéré qu'il convenait de fixer le dommage en application de l'art. 42 al. 2 CO en retenant la date du 30 janvier 2009, date la plus proche de la violation du contrat, vu l'échéance du crédit lombard le 4 février 2009.

Le premier juge a ainsi retenu les chiffres avancés par l'intimée et reproduits dans la partie EN FAIT ci-dessus (cf. let. I.a.). Il en résulte que la valeur du portefeuille de l'intimée au 30 janvier 2009 aurait été de 13'578'953.42 USD en capital et de 220'001.11 USD en intérêts. Après remboursement du prêt de 1'201'351'000 JPY en capital et 5'065'535.20 JPY en intérêts, le solde du compte aurait été, après conversion des devises, de 255'291.43 USD. A ce montant s'ajoutaient 69'305.79 USD débités par la Banque d'un autre compte de l'intimée à titre de compensation, soit un dommage total de 324'597.22 USD.

Devant la Cour, l'appelante soutient que l'intimée a arrêté le montant de son dommage à une date choisie arbitrairement. Elle estime que la date du 4 novembre 2008 aurait dû être retenue. Pour le surplus, elle se contente une nouvelle fois d'affirmer de manière générale que les allégués de l'intimée et les preuves produites concernant le dommage sont insuffisants. Elle ne conteste pas précisément ni les chiffres invoqués par l'intimée, ni le calcul effectué par cette dernière, retenus par le Tribunal.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la date retenue par le Tribunal n'est pas arbitraire, mais correspond à la date d'échéance du crédit lombard, la plus proche de la violation du contrat. En effet, l'intimée a manifesté son intention de garder ses titres, notamment en donnant à la Banque un contrordre à certaines instructions de vente de son mandataire et en apportant des fonds de 800'000 USD. Il y a donc lieu de retenir que si le contrat avait été exécuté correctement, à savoir si la Banque n'avait pas liquidé les positions de l'intimée, le crédit lombard aurait perduré à tout le moins jusqu'à son échéance, le 4 février 2009.

La date du 30 janvier 2009 paraît dès lors adéquate pour comparer quel aurait été le patrimoine de l'intimée à ce moment, si la Banque n'avait pas violé ses obligations. L'appelante ne soutient au demeurant pas qu'il aurait fallu retenir la date précise de l'échéance du crédit lombard, le 4 février 2009.

La date du 4 novembre 2008 n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'elle tient compte de la situation financière dans laquelle l'intimée s'est trouvée quelques jours après la violation du contrat par la Banque, mais ne replace pas celle-ci dans la situation qui aurait été la sienne si cette violation n'avait pas eu lieu.

A l'instar du premier juge, il y a lieu de considérer que les éléments apportés par l'intimée sont suffisamment précis et convaincants pour déterminer la valeur de son portefeuille au 30 janvier 2009, si les titres n'avaient pas été vendus. Il n'était dès lors pas nécessaire pour l'intimée de requérir une expertise judiciaire, ce d'autant moins que l'appelante n'a pas contesté avec précision, et ne conteste d'ailleurs toujours pas, les chiffres allégués ni le mode de calcul du dommage.

6.3 L'appelante soutient par ailleurs que le Tribunal n'aurait, à tort, pas tenu compte des profits réalisés, qui doivent selon elle être déduits des pertes.

L'appelante se réfère à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, en matière de gestion de fortune, les pertes causées par la mauvaise gestion doivent être compensés par les bénéfices occasionnés par cette même gestion (arrêts du Tribunal fédéral 4C.158/2006 du 10 novembre 2006 consid. 4.3; 4C.74/2001 du 17 octobre 2001 consid. 4a cc).

Cette jurisprudence ne peut toutefois être transposée dans le cas particulier, puisque après les ventes litigieuses, le compte de l'intimée était débiteur. L'appelante ne précise d'ailleurs pas quels bénéfices occasionnés par ces ventes auraient dû être pris en compte.

Les griefs de l'appelante, infondés, doivent donc être rejetés.

7. L'appelante soutient que le rapport de causalité adéquate entre la violation du contrat et le dommage invoqué fait défaut. Elle allègue en particulier, d'une part, que l'intimée n'avait pas la volonté de répondre à l'appel de marge et, d'autre part, que la crise des marchés financiers en automne 2008 a pu contribuer au dommage, voire interrompre le lien de causalité.

7.1 Constitue la cause adéquate d'un dommage tout fait qui, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraît de façon générale favorisée par le fait en question (ATF 129 II consid. 3.3; 123 III 110 consid. 3a, JdT 1997 I p. 791; arrêt du Tribunal fédéral 5C.125/2003 consid. 4.1, in SJ 2004 I p. 410).

La causalité adéquate peut cependant être exclue, c'est-à-dire interrompue, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener (ATF 133 V 14 consid. 10.2; 130 III 182 consid. 5.4, 127 III 453 consid. 5d; 123 III 306 consid. 5a). Si la faute concomitante du lésé n'est pas suffisamment grave, cela peut constituer une cause de réduction de l'indemnité (ATF 123 III 306 consid. 5b; Stöckli, in Präjudizienbuch zum OR, Gauch/Aepli/Stöckli, 8ème éd., 2012, n. 15 ad art. 58 CO).

7.2 En l'espèce et en premier lieu, comme retenu ci-dessus, l'intimée avait manifesté sa volonté de garder ses titres, notamment en instruisant la Banque d'annuler certains ordres de vente donnés par son mandataire et en apportant des fonds à hauteur de 800'000 USD. Par ailleurs, il est établi qu'elle disposait d'une fortune nette de plus de 6'000'000 USD auprès d'une banque tierce, après déduction du "pledge giver" grevant le compte. Il n'est pas établi que l'intimée n'aurait pas pu disposer rapidement de ces fonds. Enfin, le gestionnaire a admis lors de son audition que le mandataire de l'intimée lui avait indiqué qu'elle aurait eu les moyens nécessaires pour éviter la liquidation.

Immédiatement après les ventes litigieuses, la Banque a d'ailleurs proposé à l'intimée d'investir à nouveau pour reconstituer son portefeuille. C'est donc dire que la Banque elle-même considérait que l'intimée disposait encore de fonds suffisants.

Par conséquent, il doit être tenu pour établi que l'intimée aurait pu donner suite à l'appel de marge si les exigences de la Banque lui avaient été clairement communiquées.

Par ailleurs, dans la mesure où la Banque avait liquidé ses positions, on ne pouvait exiger de l'intimée qu'elle reconstitue immédiatement son portefeuille, comme suggéré par la Banque. Au demeurant, immédiatement après les faits litigieux, lorsqu'elle a rencontré les représentants de la Banque mi-novembre 2008, l'intimée a demandé à être replacée dans la situation qui était la sienne avant la liquidation de son portefeuille, ce que la Banque a refusé.

7.3 Enfin, le préjudice subi est bien en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la violation contractuelle de la Banque. En effet, on ne se trouve pas dans une situation où la baisse des marchés financiers aurait de toute façon contribué au dommage, indépendamment de la bonne exécution ou non par la Banque de ses obligations. En effet, si la Banque avait rempli avec diligence ses obligations contractuelles, la liquidation du portefeuille de l'intimée, et par conséquent le préjudice subi, aurait été évitée, l'évolution des marchés financiers n'ayant à cet égard aucune influence.

Le grief de l'appelante, infondé, doit donc être rejeté.

8. Il découle de ce qui précède que le jugement querellé doit être confirmé.

Par conséquent, dans la mesure où l'intimée obtient gain de cause sur sa demande principale et où le découvert sur son compte a été causé par la violation des obligations contractuelles de la Banque, les prétentions reconventionnelles de cette dernière ne peuvent qu'être rejetées.

Partant, le jugement querellé sera confirmé sur ce point également.

9. L'appelante demande subsidiairement une réduction des dépens mis à sa charge par le Tribunal, dans la mesure où l'intimée n'a obtenu gain de cause qu'à hauteur d'environ 6% de ses conclusions principales. Elle ne remet pas en cause les dépens sur demande reconventionnelle.

9.1 L'appelante peut faire réapprécier le montant ou la répartition des frais même si ses griefs au fond ou sur la recevabilité sont rejetés. Il faut distinguer cette situation de celle d'une nouvelle décision sur les frais de première instance si l'instance d'appel statue à nouveau (art. 318 al. 3 CPC), nouvelle décision qui peut intervenir d'office, mais qui suppose l'admission des griefs d'appel touchant le fond ou la recevabilité (ACJC/1332/2011 du 21 octobre 2011 consid. 7.1).

La question des dépens de première instance s'examine en l'occurrence à la lumière des art. 176 à 181 aLPC (cf. consid. 1.2 supra).

Tout jugement, même sur incident, doit condamner aux dépens la partie qui succombe (art. 176 al. 1 aLPC). Cependant, la partie qui a obtenu gain de cause peut être condamnée à une partie des dépens, sans préjudice des peines prévues contre les parties, si elle a provoqué des frais inutiles ou si ses conclusions sont exagérées (art. 176 al. 2 aLPC).

Le principe de base qui régit la répartition des dépens est celui du résultat ou "Erfolgsprinzip" (ATF 119 Ia 1; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Com-mentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 6 ad art. 176 aLPC).

Les dépens comprennent les frais exposés dans la cause et une indemnité de procédure (art. 181 al. 1 aLPC). Cette dernière est fixée en équité par le juge, en tenant compte notamment de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur de la procédure et de frais éventuels non prévus (al. 3).

9.2 En l'espèce, l'appelante ne conteste pas le montant total de l'indemnité de procédure fixée par le premier juge, de 40'000 fr., seule une réduction de la part mise à sa charge étant sollicitée. Elle ne réclame pas non plus une participation de sa partie adverse à ses propres dépens de première instance.

L'intimée a formulé en première instance des conclusions à hauteur de 5'246'398 USD en capital. Elle a obtenu gain de cause sur le principe de sa demande et pour 324'597.22 USD, soit environ 6% du montant de ses conclusions.

Dans ces conditions et conformément aux principes rappelés ci-dessus, il se justifie de condamner l'appelante à la moitié des dépens de première instance de l'intimée, dont la totalité comprendra une indemnité de procédure de 40'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de l'intimée. Le chiffre 2 du dispositif du jugement querellé sera donc annulé et modifié en ce sens.

Pour le surplus, l'appelante ne sollicite pas de dépens en sa faveur sur demande principale. Il n'y a donc pas lieu de lui en allouer, la présente cause étant régie par la stricte maxime des débats (art. 55 al. 2 CPC).

10. L'appelante, qui succombe pour l'essentiel en appel sauf sur la question secondaire des dépens, sera condamnée aux frais judiciaires d'appel. Dans la mesure où les conclusions principales et reconventionnelles s'opposent, la valeur litigieuse la plus élevée, soit en l'occurrence celle de la demande reconventionnelle, doit être prise en compte pour calculer les frais (art. 93 al. 1 CPC; soit 455'277.87 USD et 1'544'642 JPY = 442'228 fr., au taux de change du jour du dépôt de l'appel). Ceux-ci seront dès lors fixés à 15'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC). Ils sont entièrement compensés par l'avance de frais de 17'000 fr. effectuée par l'appelante. L'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, sera dès lors invité à restituer à l'appelante le surplus de 2'000 fr. (art. 111 CPC).

L'appelante sera également condamnée aux dépens de sa partie adverse, arrêtés à 15'000 fr., débours et TVA compris, compte tenu des critères fixés à l'art. 20 LaCC (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC; art. 20 et 21 LaCC; art. 85 al. 1 et 90 Règlement fixant le tarif des frais en matière civile).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/4880/2013 rendu le 8 avril 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3569/2010-1.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Condamne A______ à la moitié des dépens de première instance, dont la totalité comprendra une indemnité de procédure de 40'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de B______.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 15'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de 17'000 fr. effectuée par A______.

Invite en conséquence l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer à A______ le surplus de 2'000 fr.

Condamne A______ à verser à B______ 15'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Madame Marguerite JACOT-DES-COMBES, Madame Sylvie DROIN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

 

 

 


Indication des voies de recours
:

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.