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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2052/2015

ATA/973/2016 du 15.11.2016 sur JTAPI/932/2015 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2052/2015-ICCIFD ATA/973/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 novembre 2016

4ème section

 

dans la cause

 

A______ AG, en liquidation
représentée par Moore Stephens Refidar SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 août 2015 (JTAPI/932/2015)


EN FAIT

1. A______ AG, en liquidation (ci-après : la société), est une société anonyme inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 23 janvier 2012, et en liquidation depuis le 31 août 2016. Son but statutaire était : « achat et vente de pétrole et/ou produits pétroliers, de matières premières en général, ainsi que toutes opérations se rattachant directement ou indirectement au but principal ou aptes à le favoriser ».

2. Par décision sur réclamation du 28 avril 2015, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a admis partiellement la réclamation de la société relative à sa taxation 2013.

3. Le 28 mai 2015, la société a « formulé une réclamation » contre la décision précitée auprès de l'AFC-GE, qui a transmis cette demande en tant que recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

4. Par pli recommandé du 18 juin 2015, le TAPI a imparti à la société un délai au 18 juillet 2015 pour effectuer une avance de frais d'un montant de CHF 500.-. Ce pli a été distribué à la société le 19 juin 2015. Il comprenait un bulletin de versement (ci-après : BVR) de la Poste.

5. Par jugement du 3 août 2015, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l'avance de frais n'ayant pas été payée.

6. Par acte posté le 19 août 2015, la société a « formul[é] réclamation » (recte : interjeté recours) auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Comme cela était prouvé par pièces fournies en annexe, le paiement de l'avance de frais avait bien été effectué en date du 15 juillet 2015 par la société, soit en respectant le délai fixé. Mais le versement n'avait pas été exécuté par la banque de la société malgré des références de paiement apparemment correctes, et le montant avait été recrédité le même jour, sans que la société s'en aperçoive.

La banque destinataire, soit la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGe), avait indiqué que le destinataire était inconnu. Il ressortait néanmoins des pièces bancaires jointes en annexe que le libellé y relatif était « République et canton de Genève ».

7. Le 1er septembre 2015, le TAPI a produit son dossier sans formuler d'observations.

8. Le 2 octobre 2015, l'AFC-GE s'en est rapportée à justice sur le recours, n'étant « pas compétente en matière d'avance de frais ».

9. Le 16 novembre 2015, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 décembre 2015 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

10. Le 25 novembre 2015, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations. La société ne s'est pas déterminée.

11. Le 6 octobre 2016, le juge délégué s'est adressé à la BCGe, en lui demandant quelles raisons pouvaient expliquer qu'elle ait refusé le paiement, alors qu'apparemment le numéro de référence était juste et que le destinataire indiqué était « République et canton de Genève ».

12. Par courrier du 18 octobre 2016, la BCGe a précisé que l'ordre de paiement reçu le 16 juillet 2015 n'avait pas été exécuté pour deux raisons.

Il n'avait tout d'abord pas été traité correctement par la banque expéditrice. Celle-ci l'avait en effet traité comme un paiement bancaire suisse, soit techniquement sous format « SIC A10 », alors que les références indiquées correspondaient à celles d'un BVR, soit un « SIC A15 ».

En outre, la désignation du bénéficiaire étant erronée (soit « République et canton de Genève » au lieu de « État de Genève »), il ne lui était pas non plus possible d'utiliser le numéro de référence indiqué, celle-ci se situant d'ailleurs dans une rubrique réservée aux informations communiquées au bénéficiaire et que la banque ne consultait pas.

Les fonds avaient donc été retournés le jour même au donneur d'ordre.

13. Le 19 octobre 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 novembre 2016 pour se déterminer sur le courrier de la BCGe, après quoi la cause serait gardée à juger.

14. Aucune des parties ne s’est manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l'art. 739 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), aussi longtemps que la répartition entre actionnaires n'est pas terminée, la société en liquidation garde sa personnalité et conserve sa raison sociale, à laquelle s'ajoutent les mots « en liquidation ».

b. Une société en liquidation garde la jouissance et l'exercice de ses droits (art. 53 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), sans restriction, et reste titulaire de tous ses droits de propriété matérielle et immatérielle. Tant que l'inscription n'est pas radiée du RC (art. 746 CO), elle peut introduire des actions judiciaires ou administratives, ou des poursuites, comme elle peut être assignée en justice ou par-devant des autorités administratives, ou encore faire l'objet de poursuites (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 4c ; François RAYROUX, Commentaire romand - Code des obligations II, 2008, n. 5 ad art. 739).

c. A______ AG étant passée en liquidation durant la présente procédure, la nouvelle raison sociale sera simplement substituée à l'ancienne dans le présent arrêt.

3. a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_882/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3 ; ATA/1077/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/262/2016 du 22 mars 2016 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid. 2b et la jurisprudence citée).

c. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l’avance de frais n’intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l’al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d’appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a). En outre, selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 précité consid. 3d).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu’un détenu, qui disposait d’un délai de recours de trois jours, n’ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu’il ne pouvait le poster lui-même et qu’en outre ce pli avait été soumis à la censure de l’autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s’acquitter d’une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu’il ne restait qu’une semaine au justiciable pour s’exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5). En revanche, n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure une panne du système informatique du mandataire du recourant l’ayant empêché de déposer un acte de recours dans le délai légal (ATA/222/2007 du 8 mai 2007 consid. 3b), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).

4. En l’espèce, le délai de paiement imparti à la recourante par pli recommandé du 18 juin 2015 distribué le jour suivant, a été fixé au 18 juillet 2015, ce qui constitue un délai raisonnable, permettant à celle-là de prendre les dispositions nécessaires pour que le montant soit acquitté en temps utile.

5. a. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; ATA/1077/2015 du 6 octobre 2015 consid. 6a ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).

b. Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

6. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la chambre de céans, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/93/2016 du 6 avril 2016 consid. 4b ; ATA/797/2014 du 14 octobre 2014 consid. 5). Plus spécifiquement, s'agissant du paiement d'une avance de frais, la banque est considérée, du point de vue juridique, comme l'auxiliaire du recourant au sens de l'art. 101 CO, de sorte que le recourant répond du comportement de sa banque comme du sien propre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1134/2014 du 14 août 2015 consid. 5.2 et les arrêts cités).

7. L’avance de frais au TAPI n'a pas été, d'un point de vue objectif, effectuée dans le délai imparti par cette juridiction.

Le refus par la BCGe du paiement au motif que le destinataire indiqué était « République et canton de Genève » au lieu de « État de Genève » apparaît insolite. Il n'est toutefois pas nécessaire de déterminer s'il s'agit là d'un cas de force majeure, dès lors que la banque émettrice de l'ordre de paiement, qui est selon la jurisprudence précitée l'auxiliaire de la recourante, a commis une erreur de qualification de l'ordre (références de paiement interbancaire correspondant à un paiement bancaire suisse et non à un BVR) suffisante à elle seule pour justifier le refus de l'ordre par la banque destinataire, sans même parler de l'insertion du numéro de référence de paiement dans une rubrique inappropriée.

L'absence de paiement dans le délai était donc imputable à la recourante.

8. Dans ces circonstances, l'irrecevabilité prononcée par le TAPI n'était pas contraire au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 août 2015 par A______ AG, en liquidation contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 août 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ AG, en liquidation, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ AG, en liquidation, représentée par Moore Stephens Refidar SA, mandataire, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :