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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3388/2013

ATA/819/2014 du 28.10.2014 ( AMENAG ) , REJETE

Parties : PILLON Christophe et autres, GENECAND Gérard, BARRAS Albert, BARRAS Pierre, BARRAS Olivier Roger François, GENECAND Bernard, BOUVIER Elisabeth Cécile / CONSEIL D'ETAT, COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3388/2013-AMENAG ATA/819/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2014

 

dans la cause

 

Monsieur Albert BARRAS

Monsieur Olivier Roger François BARRAS

Monsieur Pierre BARRAS

Madame Élisabeth Cécile BOUVIER

Monsieur Bernard GENECAND

Monsieur Gérard GENECAND

Monsieur Christophe PILLON
représentés par Me Diane Schasca, avocate

contre

COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
réprésentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Madame Élisabeth Cécile BOUVIER et Messieurs Albert BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, Pierre BARRAS et Gérard GENECAND sont copropriétaires de la parcelle no 10'016 (ci-après : parcelle 1), d’une surface de 6'074 m², sise au lieu-dit « les Cheneviers », sur la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune).

2) Monsieur Bernard GENECAND est propriétaire de la parcelle n° 10'040, (ci-après : parcelle 2) d’une surface de 10'087 m², sise au lieu-dit « les Mangers » sur la commune.

3) Ces parcelles se situent en zone de développement 3 de la commune, base zone agricole.

4) Elles sont incluses dans le plan n° 29’711-517-529 modifiant les limites de zone sur le territoire des communes de Plan-les-Ouates et de Confignon aux
lieux-dits les « Cherpines » et les « Charrotons », approuvé par le Grand Conseil le 24 septembre 2010 et accepté par vote populaire le 15 mai 2011.

5) Le périmètre des « Cherpines » se situe dans la plaine de l’Aire. Il est délimité à l’est par le quartier de villas des « Verjus », au sud par le quartier du Vélodrome et la zone industrielle de Plan-les-Ouates. Le site est séparé de la plaine agricole à l’ouest par l’autoroute de contournement A1 et est délimité au nord par le cours de l’Aire.

6) Lesdites parcelles font l’objet d’une mention au Registre foncier (ci-après : RF) d’un droit de préemption au profit de l’État de Genève et de la commune, selon la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

7) Par correspondances des 2 avril 2009, 5 octobre 2009, 21 avril 2010, le conseil administratif a informé les propriétaires de terrains situés aux « Cherpines » de l’évolution du projet de développement du secteur et a sollicité un entretien avec chacun d’entre eux.

8) Le 17 mai 2011, le conseil municipal de la commune (ci-après : le conseil municipal) a adopté une résolution chargeant le conseil administratif de Plan-les-Ouates (ci-après : le conseil administratif) de rechercher toute opération possible d’acquisition de terrains sur le territoire de la commune afin de pouvoir participer à la réalisation de logements.

9) Par correspondance du 4 octobre 2011, le conseil administratif a fait suite à la séance publique du 30 juin 2011 à laquelle avaient été conviés les propriétaires de parcelles situées dans le périmètre des « Cherpines ». Ils avaient vraisemblablement été approchés par divers promoteurs intéressés par leurs terrains. La commune était également intéressée à se porter acquéreuse de leur bien. Depuis plusieurs années, les autorités administratives et municipales de la commune poursuivaient une politique d’acquisition foncière, notamment dans les périmètres dits de « développement ». En devenant propriétaire de diverses parcelles, la commune devenait un acteur majeur du développement urbanistique de son territoire. Elle pouvait ainsi garantir, à long terme, des aménagements urbains de qualité et un parc de logements avec des loyers modérés à ses communiers. Le conseil administratif sollicitait un entretien avec chacun des propriétaires.

10) En date du 18 juin 2013, les conseils municipaux des communes de Confignon et de Plan-les-Ouates ont adopté le projet de plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) des « Cherpines » n° 29'897, dans sa version du 20 février 2013.

Les objectifs du PDQ étaient de « réaliser un quartier urbain équipé, animé et diversifié, à l’interface entre le cœur de l’agglomération et les espaces naturels en limite d’urbanisation ». Au sein de la zone de développement 3 (ci-après : ZD3), afin de garantir une égalité de traitement entre tous les propriétaires concernés, les autorités cantonales et communales s’engageaient à mettre en œuvre notamment le principe d’une répartition équitable des droits à bâtir (logements et activités pures), au prorata de la surface de leurs parcelles, par rapport à l’ensemble des parcelles sises en ZD3.

À l’intérieur de la ZD3, le PDQ était divisé en pièces urbaines qui présentaient des indices d’utilisation du sol inférieurs ou supérieurs à l’indice de référence. Elles devaient faire l’objet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) accompagné de contrats de droit privé permettant le transfert des droits à bâtir. Les pièces urbaines étaient référencées de A à E, d’ouest en est, puis sous-divisées de 1 et 2 ou a à c du sud au nord.

11) Monsieur Christophe PILLON est un professionnel de l’immobilier, notamment par le biais de « CP IMMO », entité active dans le développement, la promotion et la réalisation de projets immobiliers sur l’ensemble de l’arc lémanique et plus particulièrement à Genève.

12) En date du 19 juin 2013, par-devant Me Costin van BERCHEM, notaire à Genève, Monsieur Bernard GENECAND, d’une part, et Monsieur Christophe PILLON, d’autre part, ont conclu une vente à terme avec droit d’emption portant sur la parcelle 2, pour un montant de CHF 4'854'150.-.

13) Le 25 juin 2013, par-devant Me van BERCHEM, Madame BOUVIER et Messieurs Gérard GENECAND, Albert BARRAS, Pierre BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, d’une part, et M. PILLON, d’autre part, ont conclu une vente à terme avec droit d’emption portant sur la parcelle 1, pour un montant de CHF 2'8733'300.-.

14) Par courriers du 25 juin 2013, Me van BERCHEM a informé le Conseil d’État et la commune de la conclusion de l’acte de vente du 19 juin 2013 et requis qu’ils lui indiquent s’ils entendaient exercer leur droit de préemption sur la parcelle 2.

La même démarche a été effectuée par courriers du 2 juillet 2013 pour la parcelle 1.

15) Par correspondances du 19 août 2013, l’office du logement, devenu l’office cantonal du logement et de la planification foncière, a informé Me van BERCHEM et le conseil administratif que l’État de Genève renonçait à faire usage de son droit de préemption.

16) Par courrier du 9 septembre 2013 au conseil administratif, CP IMMO a développé les arguments pour lesquels il estimait qu’il n’était ni opportun ni légitime pour la commune d’exercer son droit de préemption sur les parcelles concernées.

17) Par correspondance du 10 septembre 2013, le conseil administratif a contesté avoir fourni de façon informelle des informations à M. PILLON. Un entretien s’était déroulé, dans les bureaux de CP IMMO, le 30 août 2013, à la demande du conseil administratif. Cette séance avait pour objectif d’informer M. PILLON et sa société de l’intention dudit conseil de proposer au conseil municipal d’exercer le droit de préemption communal.

Dans le but de proposer aux conseillers municipaux une alternative à l’exercice du droit de préemption, et sans préjuger de la décision du conseil municipal, la commune avait soumis à M. PILLON différentes propositions d’accord. La détermination écrite de M. PILLON et de la société sur lesdites suggestions devait parvenir au conseil administratif avant la séance du conseil municipal du 16 septembre 2013.

18) Par courriers du vendredi 13 septembre 2013, le conseil administratif a informé M. PILLON et les propriétaires des parcelles 1 et 2 que le conseil municipal se réunirait en séance extraordinaire le lundi 16 septembre à 20h00 pour délibérer de l’exercice du droit de préemption sur leurs terrains.

19) Par courrier du 16 septembre 2013, reçu par le conseil administratif le même jour, M. PILLON a « confirmé les termes de l’accord que nous avons trouvé concernant les parcelles citées sous rubrique ». Il a détaillé les six points de l’accord. 

20) Lors de sa séance de délibérations du 16 septembre 2013, le conseil municipal a décidé d’autoriser le conseil administratif à exercer le droit de préemption de la commune sur les parcelles 1 et 2, aux prix, termes et conditions fixés dans les actes notariés, dans un but de construction de logements sociaux au sens de la LGL.

21) Le 17 septembre 2013, le conseil administratif a informé M. PILLON, les propriétaires et Me van BERCHEM que le conseil municipal l’avait autorisé à exercer le droit de préemption communal sur lesdites parcelles.

22) Par arrêté du 2 octobre 2013, le Conseil d’État a approuvé le plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) n° 29'897 « les Cherpines », dans sa version du 20 février 2013.

23) Par arrêtés du 6 novembre 2013, le Conseil d’État a approuvé les délibérations du conseil municipal du 16 septembre 2013 portant sur l’exercice du droit de préemption de la commune sur les deux parcelles litigieuses.

24) Le 18 octobre 2013, Madame BOUVIER et Messieurs Albert BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, Pierre BARRAS, Bernard GENECAND, Gérard GENECAND et Christophe PILLON (ci-après : les recourants) ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les « décisions » du 17 septembre 2013 de la commune d’exercer son droit de préemption sur les parcelles 1 et 2.

Ils ont conclu préalablement à ce qu’il soit ordonné à la commune de produire tous les procès-verbaux de la commission ad hoc « grands projets urbains » (ci-après GPU) du conseil municipal relatif à l’exercice du droit de préemption communal sur les parcelles litigieuses, à ce qu’il soit ordonné à la commune de produire le procès-verbal de la séance extraordinaire du conseil municipal du 16 septembre 2013, cela fait à ce qu’ils soient autorisés à compléter leurs écritures et à ce qu’une comparution personnelle des parties soit ordonnée. Principalement, la chambre administrative devait constater l’absence de décisions valables d’exercice du droit de préemption, cela fait, dire et constater que les actes de vente à terme avec droit d’emption des parcelles 1 et 2, signés par-devant notaire le 19 juin 2013, respectivement le 25 juin 2013 étaient entrés en force, le tout sous suite de frais et dépens. Si par impossible, la chambre administrative devait considérer comme valable à la forme les décisions d’exercice du droit de préemption, les recourants concluaient à ce que les deux décisions du 17 septembre 2013 soient annulées, qu’il soit dit et constaté que les actes de vente à terme avec droit d’emption étaient entrés en force, le tout sous suite de frais et dépens.

La commune devait, dans un délai de trente jours suivant la renonciation de l’État à se porter acquéreur d’une parcelle, notifier, de manière séparée, aux parties liées à l’acte de vente, sa décision d’exercer son droit de préemption. En l’espèce, les correspondances du 17 septembre 2013 ne satisfaisaient pas aux exigences de forme, n’étant pas désignées comme décisions, ne contenant aucune motivation et ne comportant aucune indication relative aux voies et délais de recours. Elles étaient donc invalides pour ce motif, avec pour conséquence que le délai permettant de former un recours contre l’exercice du droit de préemption n’avait pas valablement commencé à courir.

La référence à l’art. 2 LGL, à savoir, le « but de construction de logements sociaux » n’était pas suffisante comme motivation. Le procès-verbal de délibérations du conseil municipal du 16 septembre 2013 n’avait pas encore été publié au moment du recours. Les décisions litigieuses étaient gravement viciées voir nulles puisqu’elles privaient les intéressés de la possibilité de prendre position de façon efficace et, cas échéant, de critiquer à bon escient les décisions litigieuses, alors même que la LGL impliquait un respect scrupuleux des formes.

La commune avait violé le droit d’être entendu des recourants. Elle devait interpeller préalablement le propriétaire et le tiers acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens. La communication du 13 septembre 2013, envoyée par pli simple, moins de deux jours ouvrables avant la séance du conseil municipal, ne satisfaisait pas aux exigences légales. La commune ne s’était pas assurée que tous les destinataires soient atteints à temps pour assister aux délibérations du conseil municipal. De surcroît, ils n’auraient pas eu l’occasion de s’exprimer, le règlement dudit conseil n’autorisant pas le public à intervenir. Les vendeurs n’avaient jamais été approchés par la commune, ni oralement ni par écrit, ni avant ni après avoir signé avec M. PILLON.

La commune n’avait aucun intérêt public à exercer son droit de préemption de façon conforme au but poursuivi par la LGL. Le droit de préemption ne pouvait s’exercer qu’aux fins de construction de logements au sens de la LGL, soit des logements d’utilité publique. Lors de l’acquisition d’un bien fond par voie de préemption, l’autorité devait déterminer si l’acquisition du terrain concerné était opportune du point de vue de sa politique en faveur de la construction de logements en tenant compte de la situation et des caractéristiques de la parcelle et de ses environs. Elle devait faire un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements sur l’emplacement considéré. Selon la doctrine, l’existence d’un intérêt public ne devait pas seulement être démontrée dans l’abstrait mais également dans le cas concret d’exercice du droit de préemption. La jurisprudence précisait que la constitution de zones destinées à des constructions ou des installations publiques, ne saurait être admise s’il ne s’agissait que d’un prétexte permettant à la commune, à travers l’acquisition de terrains, de disposer d’une marge de manœuvre plus étendue en matière d’aménagement du territoire. En l’espèce, le PDQ approuvé par la commune en juin 2013 puis par le Conseil d’État en octobre 2013, fixait de manière contraignante les affectations et la densité de chaque pièce urbaine composant le périmètre des « Cherpines », en prévoyant la réalisation d’équipements publics et la construction de commerces sur tout ou partie des parcelles préemptées. La parcelle 2 était destinée à accueillir quasi-exclusivement des équipements sportifs et culturels avec un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 0,06 pour la totalité de la pièce urbaine. L’affectation de cette parcelle à de tels équipements rendait donc impossible la construction de logements sur ce terrain et donc la mise en œuvre de l’art. 3 LGL. Quant à la parcelle 1, bien que située dans un secteur constructible, prévu pour accueillir notamment des logements, des commerces devaient y être réalisés selon le PDQ. L’exercice du droit de préemption ne s’inscrivait pas dans le cadre d’un projet de construction de logements d’utilité publique. Les décisions de la commune devaient être annulées.

La commune utilisait de façon abusive le droit de préemption LGL à des fins étrangères à sa ratio legis. Elle se référait à la résolution du 17 mai 2011 selon laquelle elle avait affirmé sa volonté de mener une politique d’acquisition foncière proactive « dans la maîtrise du développement dans la commune ». Le conseil administratif s’était référé à cette résolution, dans son courrier du 10 septembre 2013, puis dans sa résolution du 16 septembre 2013, ainsi que lors des discussions intervenues avec M. PILLON. Or, la volonté de la commune de maîtriser le développement futur de son territoire, ne constituait pas une motivation suffisante pour justifier l’exercice du droit de préemption. Maîtriser le sol plutôt que de favoriser la création de logements allait même à l’encontre de la politique générale d’acquisition de terrains au sens de la LGL. Le conseil municipal avait rejeté, le 24 avril 2012, une motion socialiste « pour une stratégie d’achat des terrains par la commune dans le futur quartier des « Cherpines » par laquelle il avait été invité à dresser un inventaire des parcelles « dont l’intérêt stratégique justifierait que la commune se porte acquéreur ». Cette motion qui avait le mérite d’obliger la commune à définir complètement une stratégie d’achat, impliquant une réflexion quant à la faisabilité économique d’acquisitions foncières, avait été refusée, ce qui semblait pour le moins incohérent. La motion précisait que la commune ne pourrait, ni ne voudrait, acquérir l’ensemble des terrains déclassés et qu’elle devrait faire des choix. Le but affiché de la commune consistait dans la maîtrise du sol et non dans la réalisation de logements sociaux.

Lors de l’adoption du PDQ des « Cherpines » le 18 juin 2013, le conseil municipal avait affiché sa volonté de favoriser le principe de mixité à l’intérieur de chaque pièce urbaine. Or, l’exercice du droit de préemption ne permettait pas d’atteindre cet objectif puisque seuls des immeubles d’habitation bon marché (HBM), des immeubles à loyer modéré (HLM) et des immeubles d’habitation mixte (HM), comprenant des logements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention, seraient constructibles.

En décidant de préempter, la commune était allée à l’encontre du concept de « partenariat public - privé » pourtant mis en avant dans sa résolution du 17 mai 2011 relative à sa politique d’acquisition foncière, alors même que M. PILLON était prêt à faire d’importantes concessions en faveur de la commune.

Enfin, la commune n’avait pas rendu vraisemblable sa capacité à développer ces parcelles sachant les investissements financiers importants qu’elle devrait déployer pour le développement du futur quartier des « Cherpines » et la réalisation des autres infrastructures d’intérêt public. Les questions financières n’avaient d’ailleurs visiblement fait l’objet d’aucune étude avant les délibérations du conseil municipal.

La commune n’avait aucun besoin, ni aucun droit, de préempter les parcelles litigieuses puisqu’il était évident que son objectif réel était de pouvoir disposer de terrains pour ses équipements et non pour y construire du logement au sens de la LGL.

25) Entre le 30 octobre 2013 et le 4 décembre 2013, cinq « séances d’échange » ont été organisées, conjointement, par l’intimée, la commune de Confignon et l’État de Genève à l’attention de tous les propriétaires de parcelles sises dans le périmètre des Cherpines. Le système du report quantitatif de droits à bâtir a été expliqué. Une proposition de découpage de la zone en trois PLQ a été présentée.

26) Par réponse du 13 décembre 2013, la commune a conclu à la confirmation des deux décisions d’exercice du droit de préemption du conseil municipal, sous suite de frais et dépens.

Elle n’avait pas violé le droit d’être entendu du tiers acquéreur. Il avait été invité à discuter de l’exercice du droit de préemption dès le 30 août 2013, à l’initiative de la commune. Les discussions intervenues entre le conseil administratif et lui-même en vue de trouver une alternative à la préemption ne pouvaient être interprétées comme une promesse que le droit de préemption ne serait pas exercé. La situation des vendeurs n’avait pas été péjorée par l’exercice du droit de préemption, ce dernier prévoyant l’acquisition des parcelles au prix offert par le tiers acquéreur. Il n’était donc pas déterminant de les entendre. Une éventuelle violation du droit d’être entendu serait pleinement réparée par le déclenchement de la présente procédure.

Le droit de préemption avait été valablement exercé.

Les propos tenus par les conseillers municipaux qui s’étaient exprimés en faveur de la préemption lors de la séance du 16 septembre 2013 indiquaient très clairement la volonté communale de créer des logements sociaux sur le long terme, de sorte à pouvoir répondre de manière durable aux besoins de la population. Ils avaient également fait part de leurs craintes qu’un promoteur privé ne s’écarte de ces ambitions, et jugé que seule la préemption permettait de garantir cet objectif. Le conseil municipal avait décidé d’exercer ce droit contre l’avis du conseil administratif et même contre la recommandation de sa propre commission, de sorte que l’on ne pouvait imputer au conseil municipal les motivations qui pouvaient transparaître dans les échanges intervenus entre le conseil administratif et M. PILLON. Au stade de l’exercice du droit de préemption, l’autorité n’avait pas besoin de justifier son intervention par la présentation d’un projet détaillé. En l’espèce, la réalisation des logements aurait lieu dans un avenir proche, puisque la commune travaillait déjà à la mise en œuvre du PDQ. Elle était d’ailleurs propriétaire d’autres fonds sis dans le même périmètre en particulier les parcelles nos 10'043 et 10'060 (ci-après : parcelles 3 et 4). Concernant la mixité, les parcelles préemptées faisaient partie de deux pièces urbaines différentes, de sorte que les logements qui devaient y être construits ne déterminaient pas, à eux seuls, le caractère de la pièce urbaine concernée. La parcelle 1 ne représentait que 6'074 m² sur une emprise totale de 61'152 m². La parcelle 2 voyait ses droits à bâtir reportés, selon les hypothèses de travail en cours, pour la moitié dans la pièce Ea (possible futur PLQ1) pour 5'393,5 m² et pour l’autre moitié, dans la pièce Ba ou dans la pièce Bc (possible futur PLQ3) pour 5'393,5 m². Le principe de la mixité des pièces urbaines, voulu par le conseil municipal et par le PDQ, n’était nullement menacé par les deux décisions de préemption.

Concernant la destination des parcelles préemptées, l’ensemble du périmètre des « Cherpines » avait fait l’objet d’un déclassement en ZD3 « destinées aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux activités du secteur tertiaire ». Toutes les parcelles incluses dans ce périmètre devaient recevoir, conformément au PDQ, un nombre proportionnel de droits à bâtir, affectés à la construction de logements calculés selon le principe « 1 m² de terrain = 1 m² de droits à bâtir ». Si les parcelles préemptées ne conféraient pas de droits à bâtir des logements mais permettaient uniquement de construire des équipements publics, on comprenait mal l’intérêt manifesté à leur acquisition par le tiers acquéreur. Pour le surplus, le grief des recourants était prématuré dans la mesure où le détail de l’affectation des droits à bâtir des parcelles préemptées n’était pas encore connu. Les principes de mise en œuvre figurant dans le PDQ prévoyaient expressément la possibilité de reporter les droits à bâtir des logements et des activités pures d’une pièce urbaine vers une autre, dans le but d’atteindre un IUS global de 1,00. En préemptant les parcelles litigieuses, la commune avait acquis, en réalité, les droits à bâtir « affectés à la construction de logements » qui seraient attribués à ces biens fonds, ce qui était très précisément le but du droit de préemption selon la LGL. Le fait que ces droits à bâtir puissent ne pas être localisés sur les parcelles préemptées, mais sur d’autres fonds situés au sein du même PLQ, était sans importance. La thèse des recourants conduirait à des résultats choquants. Au titre d’exemple, une commune propriétaire de l’ensemble des parcelles incluses dans un PLQ, à l’exclusion d’un bien fond qui bloquerait toute construction, ne pourrait jamais préempter ledit fond, ses droits à bâtir étant, par hypothèse, situés ailleurs que sur le fond lui-même. Dans le même esprit, un PLQ au sein duquel les bâtiments seraient concentrés dans sa partie centrale et les zones de circulation ou les aménagements paysagers placés sur son pourtour, impliquerait qu’il faille maîtriser les parcelles périphériques pour construire des logements puisqu’une bonne partie des droits à bâtir nécessaires en seraient issus. Or, à suivre les recourants, la commune du lieu de situation du PLQ ne pourrait pas les préempter, au motif que les logements en question seraient situés sur d’autres fonds. Cette solution serait vide de sens et privilégierait certains propriétaires par rapport à d’autres pour de simples motifs topographiques ou urbanistiques auxquels il n’avait jamais été fait référence dans la LGL. Un tel résultat serait contraire au but de la loi. À ce titre, il ne pouvait avoir été raisonnablement voulu par le législateur. La LGL et les droits de préemption qu’elle contenait devaient bien au contraire pouvoir s’appliquer de manière identique sur tous les terrains classés dans une zone affectée à de l’habitation et composant l’assiette foncière potentielle de logements.

27) Par réplique du 14 février 2014, les recourants ont contesté avoir reçu les correspondances des 5 octobre 2009, 21 avril 2010 et n’avaient pas souvenir d’avoir reçu le courrier type les informant de l’intérêt de la commune d’acheter leur parcelle. La commune échouait à démontrer avoir approché les vendeurs avant le courrier du 13 septembre 2013. Même à considérer que le droit d’être entendu des vendeurs aurait été réparé par l’instruction de la procédure, la commune aurait exercé son droit de préemption, au mépris de la procédure instituée par la LGL.

Concernant les fins de la préemption, les recourants reprenaient en détails les déclarations des conseillers administratifs et municipaux lors de la séance du 16 septembre 2013. La question se posait de savoir si la commune avait les moyens de ses ambitions. Elle allait engager un budget important pour le projet des Sciers. Selon l’estimation des recourants, le coût total de construction dudit projet pouvait être évalué à CHF 200'000'000.-. Avec les engagements déjà pris aux « Cherpines », c’était un montant de l’ordre de CHF 500'000'000.- au minimum que la commune devait pouvoir investir pour réaliser ses droits à bâtir en matière de logements et d’infrastructures publiques. Si la jurisprudence du Tribunal fédéral n’imposait pas aux collectivités publiques d’avoir un projet de construction précis, elle ne les dispensait pas d’une réflexion concrète sur la faisabilité du projet, sous peine de détourner la loi.

Au moment du vote, la commune était parfaitement consciente que l’affectation des parcelles litigieuses prévues par le PDQ ne permettrait pas la construction de logements, en particulier sociaux, le maire ayant précisé que la parcelle 2 était située dans la pièce à destination des infrastructures sportives. Lors des débats du 16 septembre 2013, il n’avait jamais été fait mention d’une volonté communale de créer des logements sociaux. La délibération du conseil municipal s’avérait contraire au droit fédéral et devait être annulée.

Lors de sa séance du 28 janvier 2014, le conseil municipal avait été amené à voter un crédit d’étude de CHF 162'000.- pour l’aménagement provisoire de la parcelle 4 acquise de gré à gré, sur la base d’un crédit d’engagement de CHF 4'835'000.- voté en avril 2012 par le conseil municipal. Le crédit concernait l’aménagement provisoire de la parcelle pour y installer des infrastructures sportives. La commune prévoyait donc d’investir des sommes importantes, le projet étant devisé à CHF 4'000'000.-, pour un projet qui allait à l’encontre d’une politique en faveur de la création de logements et qui de surcroît contrevenait aux objectifs du PDQ, lequel exigeait 75 % de logements à cet endroit. La décision de la commune était d’autant plus incompréhensible que le PDQ prévoyait déjà des hectares de terrains, au centre du quartier des « Cherpines », destinés à accueillir des équipements sportifs.

Plus récemment, les recourants avaient appris que la parcelle n° 10'441
(ci-après : parcelle 5) d’une surface de 4'373 m², contiguë aux parcelles 3 et 4 appartenant à la commune, qui se situait également dans la pièce urbaine Ea à destination de logements, venait d’être vendue à un tiers. La logique aurait commandé que la commune se porte acquéreuse d’une telle parcelle destinée à du logement dans un sous-secteur qui devait être le premier à se réaliser, sachant que celle-ci possédait déjà deux parcelles représentant environ 15'000 m² jouxtant ce bien-fonds. À la connaissance des recourants, la commune n’avait pas l’intention d’exercer son droit de préemption.

La construction de logement social dans le périmètre des « Cherpines » était déjà assurée par la fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (ci-après : FPLC), propriétaire de la parcelle n° 10'001
(ci-après : parcelle 6) de 7’523 m² située plus au nord, dans la pièce urbaine Cc, destinée à accueillir 100 % de logements selon le PDQ.

Le texte de l’art. 3 al. 1 LGL était clair et n’avait pas à être interprété. Cas échéant, toute interprétation devrait être conforme à la ratio legis de la disposition. En préemptant deux parcelles, partiellement, voire totalement, affectées à autre chose que du logement, la commune avait violé la loi et son esprit. Le report possible de droits à bâtir sur d’autres parcelles, envisagé dans le PDQ, et pour autant qu’un tel report soit licite au regard de la LGL, était irrelevant, puisque l’affectation des parcelles concernées restait inchangée et était contraignante. La commune avait en réalité acquis, pour chacune des parcelles, 86 % de droits à bâtir du logement et 14 % de droits à bâtir relatifs aux activités. Les parcelles acquises par voie de préemption ne pouvaient pas, même par le biais du report de droits à bâtir, se voir octroyer des droits de construire du logement sur 14 % de la parcelle. Les parcelles n’étant pas affectées dans leur totalité à du logement, la commune violait la LGL. Les exemples cités par l’intimé n’étaient pas pertinents.

La loi sur l’information du public et l’accès aux documents du
5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) prévoyait un droit d’accès aux documents en possession des institutions publiques et parapubliques. Le procès-verbal de la séance du 16 septembre 2013 ne pouvait se lire qu’en parallèle avec le
procès-verbal de la commission GPU puisque celui-là faisait expressément référence aux discussions qui s’y étaient tenues. Ledit procès-verbal avait aussi été transmis aux conseillers municipaux avant le vote du 16 septembre 2013, de sorte que ce document avait incontestablement eu une incidence lors de la prise de position des différents partis politiques au moment du vote. Le refus de la commune de le produire violait le principe de transparence applicable à toute autorité.

28) Par correspondance du 28 février 2014, les recourants ont informé la chambre administrative que la parcelle n° 10'027 (ci-après : parcelle 7), sise dans le quartier des « Cherpines », avait fait l’objet d’une transaction à la fin de l’année 2013 sans que la commune de Plan-les-Ouates ne soit intervenue. Cette parcelle, d’une surface de 4'854 m² se situait dans la future pièce urbaine Eb, bénéficiant d’une affectation à 100 % de logements, même si le PDQ prévoyait de réaliser à cet endroit le groupe scolaire de Plan-les-Ouates. L’acheteur, à savoir la société SDCI constructions investissements SA, était constituée de promoteurs. Elle avait fait l’acquisition de 100 % de droits à bâtir du logement, soit un potentiel de 4'584 m² de surface brute de plancher (ci-après : SBP) à réaliser ailleurs dans le périmètre du PDQ selon le système de report des droits à bâtir. Le conseil municipal n’avait pas discuté de l’éventuel exercice du droit de préemption communal. Les recourants relevaient de graves problèmes d’égalité de traitement et sollicitaient l’audition d’un représentant de la commune. La cause n’était pas en état d’être jugée.

29) Par duplique du 10 avril 2014, la commune a persisté dans ses conclusions.

Selon un document approuvé le 9 mars 2010 par le conseil administratif de la commune, les logements propriété de celle-ci étaient attribués selon une grille de points, dans laquelle le lien du requérant avec Plan-les-Ouates jouait un rôle prépondérant. Les recourants procédaient à une lecture empreinte de mauvaise foi du procès-verbal de la séance du conseil municipal du 16 septembre 2013. Les aménagements sportifs sur la parcelle 4 étaient provisoires, comme cela ressortait des explications complémentaires fournies à l’appui du message adressé aux membres du conseil municipal relatif au crédit d’étude de la parcelle précitée. La commune ne contrevenait donc pas aux objectifs du PDQ ni ne renonçait à créer sur ce bien fond, à moyen terme, des logements.

La capacité financière de la commune était sans pertinence sur la validité des décisions de préemption. Les finances de la commune étaient saines. Elle pouvait concéder un droit de superficie, tel que prévu à l’art. 9 LGL, ce qui représentait une alternative à la construction, par celle-là, des logements sur les terrains préemptés. Dans cette hypothèse, la commune ne supporterait aucune charge financière.

Le projet de modification de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) allait dans le sens d’une plus grande flexibilité des PLQ, notamment grâce aux reports de droits à bâtir d’un sous-périmètre à un autre. Si l’on suivait les recourants, le projet aurait pour conséquence que les autorités publiques ne seraient pratiquement jamais en mesure d’exercer leur droit de préemption. Le projet ne prévoyait pas de modification de la LGL portant sur la définition ou l’étendue du droit de préemption, ce qui démontrait que celui-ci pouvait d’ores et déjà être exercé également dans les cas où les droits à bâtir étaient transférés sur un autre bien fond que celui qui avait fait l’objet de la préemption.

De nombreux PLQ prévoyaient, à l’image de ce qui était prévu dans le PDQ des « Cherpines », l’affectation du rez-de-chaussée des bâtiments à des activités, dans un but de mixité du quartier et de proximité logement-emploi. Cet état de fait n’était nullement incompatible avec l’objectif de création de logements sociaux et ne constituait pas un obstacle à la préemption, faute de quoi, les autorités ne seraient jamais en mesure d’exercer leurs droits dans les grands projets de développement urbain.

Les recourants ne pouvaient reprocher à la commune de ne pas avoir préempté d’autres parcelles vendues dans le périmètre du PDQ postérieurement aux décisions contestées. Le droit de préemption ne pouvait se transformer en devoir de préemption et le simple fait pour une commune d’exercer ce droit dans un cas déterminé ne conduisait pas à l’obligation subséquente de préempter l’ensemble des parcelles vendues dans le même périmètre. La question de l’égalité de traitement n’entrait pas en ligne de compte, sous réserve éventuellement de la question du prix de préemption, laquelle n’était pas litigieuse.

La chambre administrative avait récemment jugé que les rapports de commissions du conseil municipal étaient des documents publics dont l’accès pouvait être demandé en application de la LIPAD, contrairement aux procès-verbaux des commissions, qui étaient confidentiels (ATA/805/2012 du 27 novembre 2012). L’accès aux procès-verbaux des séances de la commission GPU devait être refusé.

30) Sur invitation du juge rapporteur, les recourants ont répliqué le 2 mai 2014.

La réparation d’une violation du droit d’être entendu au sens de la LGL impliquait que la chambre administrative puisse examiner l’opportunité des décisions querellées. Or, si la Cour ne pouvait pas annuler les décisions entreprises sous cet angle, au motif que l’annulation serait « manifestement disproportionnée », il fallait en conclure qu’elle ne jouissait pas d’un pouvoir d’examen aussi étendu que l’autorité intimée. Partant, la réparation d’une violation du droit d’être entendu ne pouvait être effectuée devant l’autorité de céans.

Concernant les fins de la préemption, la commune n’établissait même pas la vraisemblance du moindre projet de construction de logements à caractère social sur les biens-fonds concernés.

Le projet de modification de la LGZD, déposé le 13 octobre 2013, qui prévoyait, dans des cas bien précis, la possibilité de « délocaliser » des droits à bâtir attachés à des terrains compris dans une même catégorie de zones, n’était pas pertinent.

Dans la mesure où le procès-verbal de la séance du 16 septembre 2013 se référait expressément aux discussions qui s’étaient tenues en commission GPU, le procès-verbal y relatif devait être produit.

31) Le 22 juillet 2014, les recourants ont transmis à la chambre administrative, copie d’un article paru dans la Tribune de Genève en date du 4 juillet 2014 sous le titre : « à force de sous-densifier, Genève court au fiasco ». Cet article confortait les recourants dans leurs conclusions préalables visant à l’audition des responsables de la commune sur la question, notamment, de la possibilité concrète de financement des projets évoqués.

32) Par courrier du 29 juillet 2014, la chambre administrative a transmis copie de la correspondance à l’intimée et rappelé que la cause avait été gardée à juger à la suite de la réplique de la recourante du 2 mai 2014.

EN DROIT

1) Selon l’art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

2) La question de la qualité pour agir des propriétaires dont les terrains seront acquis par la commune aux mêmes conditions peut rester ouverte, dès lors que Monsieur Christophe PILLON a qualité pour recourir.

3) Dans un arrêt récent, la chambre administrative a jugé que la délibération du conseil municipal d’exercer son droit de préemption est une mesure individuelle et concrète prise par l’autorité compétente et fondée sur le droit public cantonal, soit la LGL. Il s’agit d’une décision au sens de la LPA (ATA/573/2014 du 29 juillet 2014).

En l’espèce, il y a bien eu une décision d’exercer le droit de préemption communal, notifiée aux recourants, par l’intermédiaire de Me van BERCHEM, le 17 septembre 2013 par le conseil administratif. L’exercice du droit de préemption a été notifié aux recourants dans le délai légal de trente jours (art. 5 al. 2 let. b LGL).

Partant, l’objet des recours interjetés par les propriétaires et par M. PILLON sont les décisions d’exercer le droit de préemption prises par le conseil municipal le 16 septembre 2013 et notifiées le 17 septembre 2013.

Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables.

4) Les recourants concluent préalablement à la production des procès-verbaux de la commission GPU et de celui de la séance extraordinaire du 16 septembre 2013 du conseil municipal.

Les recourants ayant eu accès entretemps à celui-ci, cette conclusion est devenue sans objet.

Concernant les procès-verbaux de la commission GPU, la chambre administrative a jugé que les procès-verbaux des commissions d’un conseil municipal n’étaient pas des documents publics soumis à consultation (ATA/805/2012 du 27 novembre 2012).

Cette conclusion préalable des recourants est infondée.

5) Les recourants sollicitent l’audition d’un représentant du conseil administratif afin qu’il explicite la politique d’acquisition foncière de la commune et justifie les inégalités de traitement entre les différentes parcelles de la zone des « Cherpines ».

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2 ; 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). Le refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les références citées).

En l’espèce, le dossier est en état d’être jugé. Ni une audience de comparution personnelle des parties, ni l’audition d’un représentant du conseil administratif ne modifiera la solution au présent litige. Cette conclusion préalable des recourants est rejetée.

6) a. Selon l’article 46 LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies ordinaires et délais de recours (al. 1) ; elles doivent être notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (al. 2). Selon l’article 47 LPA, une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties.

Concernant les exigences de forme de la décision, la doctrine estime que certaines violations peuvent être aisément corrigées. C’est pourquoi une première maxime est que le vice n’a pas de sanction s’il peut être réparé sans préjudice pour les parties. Ainsi, un recours tardif sera néanmoins jugé recevable, si la décision n’était pas munie de l’indication du délai, lorsque la loi exige cette mention, ou si elle indiquait un délai trop long, ou enfin si elle n’a pas été notifiée au recourant (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.8.5 p. 355 et les références citées).

b. En l’occurrence, les décisions de la commune d’exercer son droit de préemption, notifiées le 17 septembre 2013 à Me van BERCHEM, n’indiquaient ni les voies ni les délais de recours.

Les propriétaires et M. PILLON ayant recouru contre lesdites décisions dans le délai légal, ce manquement n’a eu aucune incidence pour les recourants et ne peut entraîner de sanction.

7) Les recourants se plaignent de l’absence de motivation de la décision.

Si la décision n’a pas été motivée, l’intéressé qui a recouru recevra connaissance des motifs par le mémoire de réponse de l’autorité et sera autorisé à répliquer (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., n. 2.2.8.5 p. 355 et 356 et les références citées).

En l’espèce, la lettre du 17 septembre 2013 précise que le conseil municipal a voté l’exercice du droit de préemption de la commune qui lui est conféré par l’art. 5 al. 2 LGL. Les recourants affirment, sans être contredits, que le procès-verbal de la délibération du conseil municipal a été accessible au public à partir du 10 octobre 2013. Cela signifie qu’elle était à leur disposition huit jours avant qu’ils n’interjettent recours. La délibération mentionne clairement que l’acquisition des parcelles sert un but d’utilité publique, soit la construction de logements dits d’utilité publique. Elle renvoie expressément à la résolution du conseil municipal du 17 mai 2011, chargeant le conseil administratif de rechercher toute opération possible d’acquisition de terrains sur le territoire de la commune afin de pouvoir participer à la réalisation de logements. Pour le surplus, les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer lors de leurs trois écritures, qu’ils ont complétées par deux correspondances, exceptionnellement tolérées par le juge rapporteur. Ils ont pu prendre connaissance de la réponse et d’une duplique de l’intimée.

Partant, la décision du 17 septembre 2013 est suffisamment motivée.

8) Les recourants tiennent grief au conseil administratif d’avoir violé leur droit d’être entendu et l’art. 4 al. 2 LGL.

Selon celui-ci, lorsque le Conseil d’État ou la commune envisage d’exercer son droit de préemption, le préempteur doit interpeller préalablement le propriétaire et le tiers-acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens (art. 4 al. 2 LGL).

Ce grief tombe à faux pour ce qui concerne le tiers-acquéreur qui a adressé des observations écrites à l’intimé le 10 septembre 2013, faisant, par cet acte, valoir son droit d’être entendu.

Concernant les propriétaires, il ressort de la procédure que la commune ne les a pas interpellés avant de décider d’exercer son droit de préemption. La correspondance du vendredi 13 septembre 2013 les informant de la tenue de la séance du conseil municipal le lundi suivant ne répond pas à l’exigence légale de
l’art. 4 al. 2 LGL. Il y a donc violation du droit d’être entendu des recourants.

La chambre administrative a relevé récemment dans une affaire similaire qu’il s’agit d’un cas très spécifique (ATA/573/2014 du 29 juillet 2014). En effet, si le dossier était renvoyé à l’autorité inférieure, soit au conseil municipal, afin de respecter le droit d’être entendu des recourants, la commune ne serait plus dans les délais pour exercer son droit de préemption. Il s’agit d’une situation tout à fait extraordinaire où le respect du droit d’être entendu relève du formalisme pur.

Ce grief sera écarté dès lors que les intentions de la commune sont connues et que la chambre administrative jouit d’un plein pouvoir de cognition dans le contexte de l’exercice de ce droit (ATA/573/2014 précité).

9) Les recourants font grief à l’intimée de n’avoir aucun intérêt public à exercer son droit de préemption de façon conforme aux buts poursuivis par la LGL.

Ils invoquent l’absence de motivation claire de la commune sur les raisons d’exercer le droit de préemption lors de ses délibérations, l’absence probable de moyens financiers pour réaliser les buts de la LGL et le fait que les parcelles concernées ne sont pas exclusivement affectées à du logement. La commune utiliserait abusivement le droit de préemption à des fins étrangères à sa ratio legis.

10) Les art. 2 et 3 al. 1 LGL disposent que, dans le cadre de leur politique générale d’acquisition de terrains, le canton et les communes jouissent d’un droit de préemption sur les biens-fonds situés en zone de développement, dans le but d’y construire des logements d’utilité publique. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la chambre de céans, cette base légale et l’intérêt public ainsi poursuivis, à savoir contribuer à la politique sociale du logement, permettent de restreindre valablement la garantie constitutionnelle de la liberté économique et de la garantie de la propriété, dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/573/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/445/2012 du 30 juillet 2012 ; ATA/161/2008 du 8 avril 2008 ; ATA/591/2007 du 20 novembre 2007, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2008 du 24 novembre 2008, et les références citées ; ATA/800/2005 du 22 novembre 2005).

L’exercice du droit de préemption par une collectivité publique en application de la LGL n’implique pas nécessairement la présentation d’un projet de construction détaillé. Le Tribunal fédéral a reconnu la possibilité d’acquérir des terrains pour des besoins futurs, à la condition qu’il s’agisse d’un but précis et de besoins qui devront être satisfaits tôt ou tard, dans un avenir qui n’est pas trop éloigné (arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2008 du 24 novembre 2008 consid. 3.4). Lorsqu’elle acquiert un bien-fonds par voie de préemption, l’autorité doit cependant tenir compte de la situation, des caractéristiques de la parcelle et de ses environs. Elle doit faire un pronostic sur les possibilités de bâtir, à moyen terme, des logements sur l’emplacement considéré (ATF 114 Ia 17 du 20 janvier 1988 consid. 2b). L’acquisition du terrain par la collectivité publique et l’édification d’immeubles destinés à abriter des logements doivent ainsi se trouver dans un rapport d’adéquation (ATA/557/2001 du 4 septembre 2001, consid. 3b).

11) En l’espèce, les parcelles litigieuses se situent en ZD3. Elles sont donc propres à permettre la construction de logements, en particulier de logements sociaux. Elles se trouvent dans le périmètre du PDQ n° 29'897, prévoyant spécifiquement la construction d’immeubles de logements d’utilité publique à leur emplacement. La commune est d’ores et déjà propriétaire d’autres parcelles du périmètre, même si en l’état elles ne sont pas nombreuses et pas forcément contiguës. Des réunions ont été organisées entre la commune et les différents propriétaires des parcelles situées dans la zone concernée, au cours desquelles différents scénarios de PLQ ont déjà été présentés et discutés.

Le grief des recourants selon lequel la commune souhaiterait uniquement disposer d’une marge de manœuvre plus grande en matière d’aménagement du territoire ne résiste pas à l’examen compte tenu de l’avancement du projet. De surcroît, le peuple avait accepté la loi modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Plan-les-Ouates et de Confignon (création de zones diverses) aux lieux-dits « Les Cherpines » et « Les Charrotons », du 24 septembre 2010 (10’523) avec pour objectif notamment la construction annoncée de trois mille logements.

Au regard du PDQ précité, le projet de construction de la commune est clair et précis. Plusieurs milliers de logements sont prévus, avec la volonté de faire des Cherpines un quartier « durable », notion autour de laquelle le projet a été pensé.

Par ailleurs, l'existence d'un intérêt public à la réalisation de logements sociaux dans le canton de Genève est notoire.

Le refus de la motion socialiste, le 24 avril 2012, n’est pas une preuve d’une politique irréfléchie d’acquisition des terrains situés dans la zone des Cherpines. Il n’est qu’un élément du débat du conseil municipal relatif à l’aménagement dudit périmètre. Les discussions qui ont été menées à son propos démontrent que les raisons de refuser ladite motion étaient diverses, y compris le fait qu’à la date du vote, le PDQ n’avait pas encore été voté et que les parcelles concernées n’étaient pas définitivement déterminées.

Le principe de mixité voulu par le conseil municipal dans sa résolution du 18 juin 2013 n’est pas mis à néant par la seule acquisition des parcelles litigieuses et reste parfaitement réalisable, de même que le partenariat privé-public souhaité par la commune.

Les doutes des recourants sur la faisabilité financière du projet sont largement prématurés et au demeurant non avérés.

Les recourants se plaignent d’une inégalité de traitement, la commune n’ayant pas systématiquement exercé son droit de préemption lors des ventes d’autres parcelles. Cet argument tombe à faux. Non seulement les situations ne peuvent être comparées, notamment pour des questions de prix et de conditions fixées dans l’acte de vente, mais la commune a plein pouvoir pour décider si elle acquiert, ou non, chaque parcelle concernée, précisément aussi en fonction de ses capacités financières.

Les recourants relèvent enfin que les parcelles ne sont pas affectées en totalité, voire pas du tout pour l’une, à des logements. La LGL a notamment pour but l’encouragement de la construction de logements (art 1 al. 2 let. b LGL). Les biens-fonds concernés par le droit de préemption doivent notamment « pouvoir » être affectés à la construction de logements (art 3 al. 1 LGL). Aucune disposition légale de la LGL n’exige que le terrain bénéficie de 100 % de droits à bâtir. De surcroît, l’art. 9 al. 3 LGL prévoit que les terrains acquis en vertu du droit de préemption peuvent être échangés contre d'autres terrains en zone de développement pour faciliter la construction de logements sociaux. La lecture stricte que les recourants font de la LGL ne peut être suivie.

Il s’impose donc, pour ne pas mettre en péril la construction des logements d’utilité publique précités, que la commune acquière des parcelles et exerce le droit de préemption dont les fonds sont grevés.

L’argument des recourants sur l’absence d’intérêt public de la commune à exercer son droit de préemption de façon conforme aux buts poursuivis par la LGL est infondé.

12) Au vu de ce qui précède, les recours seront rejetés. Pris conjointement et solidairement, les recourants, qui succombent intégralement, seront astreints au paiement d’un émolument de CHF 1’500.- (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, qui compte plus de dix mille habitants. Celle-ci est en effet réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir aux services d'un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/113/2013 du 26 février 2013 ; ATA/825/2012 du 11 décembre 2012 ; ATA/717/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/462/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/163/2011 du 15 mars 2011 ; ATA/362/2010 du 1er juin 2010 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 22 octobre 2013 par Madame Élisabeth Cécile BOUVIER et Messieurs Albert BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, Pierre BARRAS, Gérard GENECAND, Bernard GENECAND et Christophe PILLON contre les décisions du conseil municipal de la commune de Plan-les-Ouates du 16 septembre 2013 d’exercer le droit de préemption de la commune sur les parcelles n° 10'016 et 10'040 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de Madame Élisabeth Cécile BOUVIER et Messieurs Albert BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, Pierre BARRAS, Gérard GENECAND, Bernard GENECAND et Christophe PILLON, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Diane Schasca, avocate de Madame Élisabeth Cécile BOUVIER et Messieurs Albert BARRAS, Olivier Roger François BARRAS, Pierre BARRAS, Gérard GENECAND, Bernard GENECAND et Christophe PILLON, ainsi qu'à Me Lucien Lazzarotto, avocat de la commune de Plan-les-Ouates et au Conseil d’État.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot-Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

P. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :