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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1545/2018

ATA/664/2018 du 26.06.2018 ( AIDSO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; DROIT D'ASILE ; DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; AIDE FINANCIÈRE ; PROCÉDURE ADMINISTRATIVE ; DÉCISION ; OPPOSITION(PROCÉDURE) ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LPA.4.al1; LPA.50.al1; LPA.50.al3; LPA.4A.al1; Cst.12; LAsi.80a; LAsi.81; LAsi.82; LIASI.3.al1; LIASI.3.al3; LIASI.43; LIASI.44; LIASI.45; LIASI.50.al1; LIASI.51.al1; LIASI.51.al2; LIASI.52; RIASI.30; RIASI.31.al1; LPGA.52.al1
Résumé : Recours d'un requérant d'asile débouté au bénéfice de l'aide d'urgence obligé de se rendre au service asile et rapatriement à l'aéroport (SARA) avant que l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) prolonge la validité de son attestation d'aide d'urgence. Le courrier par lequel l'OCPM a informé le recourant qu'il devait se rendre au SARA est une décision. À l'instar de la procédure en matière d'assurance sociale, le législateur cantonal a voulu, dans le domaine de l'aide sociale, instaurer une voie générale d'opposition. Faute d'épuisement de la voie de l'opposition, le recours est déclaré irrecevable et la cause renvoyée à l'OCPM afin qu'il statue sur l'opposition.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1545/2018-AIDSO ATA/664/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1996, est de nationalité sénégalaise.

2) En septembre 2016, il a introduit une demande d'asile, laquelle a été rejetée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

3) M. A______ a été attribué au canton de Genève, où il bénéficie de l'aide d'urgence.

4) À partir du mois de mars 2018, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a indiqué à M. A______ qu'il ne prolongerait plus directement la validité des attestations d'aide d'urgence, et qu'il était tenu de se rendre au service asile et rapatriement de l'aéroport (ci-après : SARA) de la police de sécurité internationale (ci-après : PSI) pour obtenir le timbre qui lui permettrait de bénéficier des prestations d'aide d'urgence de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

5) Le 20 mars 2018, un médecin interne d'un centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégré (ci-après : CAPPI) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a rédigé un certificat médical au sujet de M. A______.

Ce dernier présentait une symptomatologie anxio-dépressive avec douleur morale, troubles du sommeil, crises d'angoisse, anhédonie et reviviscence répétée d'événements traumatiques. « L'exigence régulière de sa présence à la police de l'aéroport pour faire signer son papier blanc [était] un facteur de stress important pour le patient », lequel risquait une décompensation mélancolique et par là même un passage à l'acte autoagressif.

6) Le 22 mars 2018, par l'intermédiaire d'un conseil, M. A______ a écrit à l'OCPM.

L'obligation de se présenter régulièrement au SARA devait être mise en lien avec la procédure d'exécution du renvoi et était étrangère à l'octroi de l'aide d'urgence. Elle avait un caractère chicanier au sens de la jurisprudence fédérale.

M. A______ priait l'OCPM, en vertu de l'art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), de constater que ladite obligation était illicite et d'y mettre immédiatement fin, ou à défaut de rendre une décision susceptible de recours.

7) Le 28 mars 2018, l'OCPM a prolongé, à titre exceptionnel, la durée de l'attestation d'aide d'urgence de M. A______ jusqu'au 19 avril 2018.

8) Par courrier du 29 mars 2018 à l'OCPM, M. A______ a maintenu les conclusions de sa demande du 22 mars 2018.

9) Par courrier du 18 avril 2018, l'OCPM a répondu au conseil de M. A______ que l'obligation litigieuse était faite à toute personne tenue de quitter la Suisse à la suite d'une décision de non-entrée en matière ou de refus d'asile et qui se trouvait ainsi à l'aide d'urgence. Il avait été décidé, à la suite de nombreux constats de disparitions au sein des structures d'accueil, de mettre en place une nouvelle procédure visant à renforcer le contrôle de présence des personnes qui étaient en procédure de renvoi ; l'objectif était également de ne plus opérer d'interpellations en vue du renvoi, dans le périmètre de l'OCPM, de personnes ne résidant pas effectivement dans leur lieu d'hébergement.

Si la réglementation cantonale ne prévoyait pas la présentation à la police, la nouvelle procédure n'était en rien contraire à la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) ou au règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), dès lors que le document de contrôle initial était toujours établi sans délai par l'OCPM et que son renouvellement, qui comprenait la présentation préalable au SARA, était effectué selon l'expérience en moins de deux heures.

La nouvelle pratique n'était pas assimilable à une mesure de droit des étrangers et n'était pas liée à l'exécution du renvoi. Elle ne conditionnait pas plus que par le passé l'octroi de l'aide d'urgence à l'obligation de collaborer. L'OCPM n'avait pas reçu d'autres doléances à son endroit, alors que deux cent cinquante personnes environ y étaient soumises. Au vu de ces considérations, il était confirmé que M. A______ devait se rendre au SARA avant de se présenter à l'OCPM, selon la nouvelle procédure en vigueur.

Le courrier ne contenait pas d'indication de la voie ou du délai de recours.

10) Par acte déposé le 8 mai 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier de l'OCPM précité, concluant à ce que la chambre administrative constate que l'obligation de se présenter au SARA avant de pouvoir obtenir le renouvellement de l'aide d'urgence auprès du service asile et départ (ci-après : SAD) de l'hospice était illicite, à ce qu'il soit mis fin à son obligation d'y donner suite et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le courrier contesté était bien une décision, en ce sens qu'il s'agissait d'une mesure individuelle et concrète constatant l'existence d'une obligation. La chambre administrative était compétente en tant qu'instance unique en vertu de la clause générale d'attribution contenue dans la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), aucune disposition légale spécifique ne prévoyant dans ce cas la compétence du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Sur le fond, l'aide d'urgence était accordée par la LIASI pour concrétiser l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), or la jurisprudence interdisait aux cantons de poser en cette matière des exigences insupportables ou chicanières en vue de l'obtenir. La nouvelle obligation n'avait aucune nécessité dans le cadre de l'instruction de la demande d'aide d'urgence, et ne servait pas davantage l'identification du demandeur. On ne pouvait identifier aucun objectif en lien avec la procédure d'aide d'urgence.

La motivation de la décision attaquée était contradictoire, car il était retenu à la fois qu'il ne s'agissait pas d'une mesure de droit des étrangers destinée à assurer le renvoi de l'étranger et, concurremment, que la nouvelle procédure avait pour objectif de lutter contre les disparitions dans les structures d'accueil et donc de renforcer le contrôle de présence des personnes en procédure de renvoi. Il s'agissait en fait typiquement d'une mesure qui pouvait être prononcée en application de l'art. 64e let. a de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

Par ailleurs, l'obligation nouvellement posée ne trouvait aucun fondement dans la LIASI, et l'OCPM ne disposait d'aucune compétence pour édicter des ordonnances indépendantes de substitution.

11) Le 25 mai 2018, invité par le juge délégué à ne répondre en l'état que sur la question de la nécessité d'une procédure d'opposition préalable, l'OCPM a indiqué estimer que – pour autant que l'on pût considérer le courrier du 18 avril 2018 comme une décision – la procédure d'opposition n'était pas applicable en l'espèce.

Vu la systématique de la LIASI, le principe de l'opposition tel que prévu à l'art. 51 LIASI s'appliquait aux décisions rendues par l'hospice (art. 50 LIASI). Les art. 43 à 47 LIASI régissant les prestations d'aide d'urgence ne semblaient pas prévoir une autre voie de droit que celle du recours.

12) Le 8 juin 2018, invité à répliquer sur ce point, M. A______ a estimé que la voie de l'opposition n'était pas ouverte, l'art. 51 LIASI prévoyant une procédure d'opposition uniquement contre les décisions prononcées par l'hospice. Il n'était par ailleurs pas envisageable qu'une opposition contre une décision de l'OCPM fût traitée par l'hospice.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur partie, ce dont les parties ont été informées le 18 juin 2018.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 LOJ ; art. 62 al. LPA).

2) L'intimé conteste que l'acte attaqué soit une décision.

a. Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1199/2017 du 22 août 2017 consid. 6b et les arrêts cités).

b. Toute décision administrative au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public. De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/1533/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2a ; ATA/1199/2017 précité consid. 6b ; ATA/766/2016 du 13 septembre 2016 consid. 3 et les références citées).

Selon la jurisprudence, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_113/2015 du 18 septembre 2015 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 2 ; ATA/1565/2017 du 5 décembre 2017 consid. 3 ; ATA/209/2016 du 8 mars 2016 consid. 2b ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, pp. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et 245 n. 2.2.3.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 783 ss). Ces dernières peuvent constituer des cas limites et revêtir la qualité de décisions susceptibles de recours, lorsqu’elles apparaissent comme des sanctions conditionnant ultérieurement l’adoption d’une mesure plus restrictive à l’égard du destinataire. Lorsque la mise en demeure ou l’avertissement ne possède pas un tel caractère, il n’est pas sujet à recours (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 180, n. 2.1. 2.1 ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, p. 310 ; ATA/353/2017 du 28 mars 2017 consid. 3a ; ATA/715/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3).

c. En l'espèce, bien que le courrier en question ne contienne ni voie ni délai de recours et n'indique pas être une décision (art. 46 LPA), il s'agit bien d'une mesure individuelle et concrète constatant l'existence d'une obligation pour le recourant, et donc d'une décision rendue en l'occurrence sur la base d'une demande fondée sur l'art. 4A al. 1 LPA.

3) a. Selon l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. Aux termes de l’art. 81 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998
(LAsi - RS 142.31), les personnes qui séjournent en Suisse en vertu de ladite loi et qui ne peuvent subvenir à leur entretien par leurs propres moyens reçoivent l’aide sociale nécessaire, à moins qu’un tiers ne soit tenu d’y pourvoir en vertu d’une obligation légale ou contractuelle, ou l’aide d’urgence, à condition qu’elles en fassent la demande.

Le champ d’application de cette disposition légale s’étend à toutes les personnes qui séjournent en Suisse en vertu de la LAsi, notamment les requérants d’asile, les réfugiés mis au bénéfice de l’asile et les personnes admises à titre provisoire (Minh Son NGUYEN, in Celsa AMARELLE/Minh Son NGUYEN [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. IV : Loi sur l’asile [LAsi], 2015, n. 19 ad art. 81 LAsi).

Selon l’art. 82 LAsi, l’octroi de l’aide sociale et de l’aide d’urgence est régi par le droit cantonal ; les personnes frappées d’une décision de renvoi exécutoire auxquelles un délai de départ a été imparti sont exclues du régime d’aide sociale (al. 1) ; durant la procédure ouverte par une voie de droit extraordinaire ou durant la procédure d’asile au sens de l’art. 111c LAsi, les personnes visées à l’al. 1 et les requérants reçoivent, sur demande, l’aide d’urgence ; cette règle est également applicable lorsque l’exécution du renvoi est suspendue (al. 2) ; l’aide d’urgence est octroyée dans la mesure du possible sous la forme de prestations en nature aux lieux désignés par les cantons ou la Confédération ; elle est inférieure à l’aide sociale accordée aux requérants et aux personnes à protéger qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour (al. 4). À noter que, le 1er octobre 2016 est entré en vigueur le nouvel art. 80a LAsi, dont la première phrase prévoit que l’aide sociale ou l’aide d’urgence est fournie aux personnes qui séjournent en Suisse en vertu de ladite loi par le canton auquel elles ont été attribuées.

c. À teneur de l'art. 43 LIASI, les personnes qui, en application de la législation fédérale sur l'asile, sont frappées d'une décision de renvoi exécutoire et auxquelles un délai de départ a été imparti, ont droit aux prestations d'aide d'urgence en application de l'art. 12 Cst., lorsqu'elles se trouvent dans une situation de détresse et ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins vitaux par leurs propres moyens.

En vertu de l'art. 44 LIASI, les prestations d'aide d'urgence sont, en principe et en tenant compte des situations personnelles, notamment de la durée du séjour et du comportement, fournies en nature ; elles comprennent : a) le logement dans un lieu d'hébergement collectif ; b) la nourriture ; c) la mise à disposition de vêtements et d'articles d'hygiène de base ; d) les soins de santé indispensables ; e) l'octroi, en cas de besoin établi, d'autres prestations de première nécessité (al. 1) ; le règlement d'exécution précise la nature et l'étendue des prestations d'aide d'urgence (al. 2).

d. La procédure d'obtention de l'aide d'urgence est prévue à l'art. 45 LIASI. Le demandeur doit collaborer à l'établissement des faits nécessaires au traitement de sa demande (art. 45 al. 2 LIASI). Il obtient l'aide d'urgence sur présentation d'un document de contrôle établi par l'OCPM attestant de son identité et de sa situation juridique ; l'OCPM est tenu d'établir ce document séance tenante, le cas échéant à titre provisoire (art. 45 al. 3 LIASI). Le règlement d'exécution fixe la procédure (art. 45 al. 4 LIASI).

Ainsi, pour obtenir les prestations d'aide d'urgence, le demandeur doit présenter à l'hospice le document de contrôle établi par l'OCPM (art. 31 al. 1 RIASI), sur la base de l'art. 30 RIASI. Il doit ainsi présenter à l'OCPM sa décision de non-entrée en matière passée en force ou la décision lui refusant l'asile et impartissant un délai de départ, et signer un document attestant qu'il n'a pas d'autres moyens de subsistance ; au besoin, le contenu de ce document est expliqué dans une langue comprise par l'intéressé (art. 30 al. 2 RIASI). L'OCPM établit un document de contrôle ; lors du renouvellement, la durée de validité de ce document est fixée en fonction de la situation de l'intéressé (art. 30 al. 3 RIASI). Dans le cas où le demandeur ne dispose pas de documents permettant son identification par l'OCPM, il lui est demandé de se soumettre à une identification formelle avec prise d'empreintes effectuée par la police, en collaboration avec l'OCPM (art. 30 al. 4 RIASI).

4) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge ne se fonde cependant sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 137 IV 180 consid. 3.4). En revanche, lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause, il y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair (ATF 137 I 257 consid. 4.1 ; ATA/607/2018 du 13 juin 2018 consid. 5) ; il en va de même lorsque le texte conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice et le principe de l’égalité de traitement (ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2). Il convient alors de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 ; 137 IV 180 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_839/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.4.1 ; 1C_584/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.1).

5) a. L'opposition (ou réclamation) constitue un moyen de droit ordinaire qui a pour effet de contraindre l'autorité qui a rendu la décision attaquée à se prononcer à nouveau sur l'affaire (art. 50 al. 1 LPA ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2014, p. 435). L'opposition est pourvue d'un effet dévolutif complet ; la nouvelle décision que l'autorité prend au terme de la procédure d'opposition se substitue à la décision attaquée et est seule susceptible de recours (Benoît BOVAY, op. cit., p. 436). En droit genevois, la loi définit les cas où une réclamation (ou une opposition) doit être présentée avant que les juridictions administratives ne puissent être saisies par la voie d’un recours (art. 50 al. 3 LPA).

b. Le Titre III de la LIASI (art. 48 ss LIASI), intitulé « procédure, voies de droit, dispositions pénales » comprend deux articles dévolus aux voies de droit, soit les art. 51 et 52 LIASI. Le premier prévoit que les décisions – sans plus de précision – peuvent faire l'objet d'une opposition écrite, adressée à la direction de l'hospice dans un délai de trente jours à partir de leur notification (art. 51 al. 1 LIASI) ; la seconde que les décisions sur opposition de la direction de l'hospice peuvent faire l'objet d'un recours à la chambre administrative dans un délai de trente jours à partir de leur notification (art. 52 LIASI).

c. L'art. 50 al. 1 LIASI correspond mot pour mot à l'art. 44 al. 1 du PL 9’676 dont elle est issue. L'exposé des motifs indiquait à son propos que « depuis l'introduction du droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence, la situation a changé, le Tribunal administratif [dont la chambre administrative a repris les compétences à partir du 1er janvier 2011] s'est déclaré compétent pour statuer sur les recours déposés contre les décisions en matière d'assistance. Au vu de cela, le présent projet propose d'aligner les voies de droit sur celles du droit administratif général et d'introduire une véritable réclamation au sens de l'art. 50 LPA. Selon cette disposition, l'opposition est assimilée à la réclamation et a pour effet d'obliger la même autorité qui a rendu la décision attaquée à se prononcer à nouveau sur l'affaire. Cette proposition permettra d'ailleurs d'accélérer les procédures et d'économiser des moyens. Le terme d'opposition correspond à la terminologie de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) qui est utilisée dans les autres lois sociales cantonales » (MGC 2005-2006/I A 273).

Lors du traitement du PL par la commission parlementaire, un art. 46 al. 2 a été introduit à propos de l'aide d'urgence, prévoyant que : « en dérogation à l'article 44 de la présente loi, [les décisions rendues en application du chapitre consacré à l'aide d'urgence] peuvent faire l'objet d'un recours adressé directement au Tribunal administratif dans un délai de trente jours à partir de la notification ». Le rapport de commission indique que le président du Tribunal administratif avait fait parvenir au Grand Conseil un courrier plaidant pour la suppression de cet alinéa, car les mécanismes prévus sont contraires à la nature même du contrôle juridictionnel que devait opérer le Tribunal administratif en dernière instance ; l'alinéa avait alors été abrogé par la commission parlementaire (rapport PL 9’676-A, p. 87).

d. En matière d'assurances sociales, la LPGA prévoit de manière générale, pour tous les domaines qui lui sont soumis, la voie de l'opposition préalable au recours sauf pour les décisions d'ordonnancement (recte : de conduite) de la procédure (art. 52 al. 1 LPGA ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd., 2015, n. 11 s. ad art. 52 LPGA).

e. Si l'hospice est le principal organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI), il n'est pas le seul puisque le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) gère et verse les prestations d'aide sociale pour certaines personnes (art. 3 al. 2 LIASI ; ce qu'il fait pour le compte de l'hospice, arrêt du Tribunal fédéral 8C_1041/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2), et que l'administration compétente peut désigner encore d'autres organes d'exécution (art. 3 al. 3 LIASI), étant précisé que l'OCPM est expressément mentionné par le RIASI dans les dispositions précitées de celui-ci.

Lorsque la décision contestée émane du SPC, ce dernier statue sur opposition, décision qui ouvre la voie au recours par-devant la chambre administrative. Cette pratique, bien que non conforme à la lettre de l'art. 51 al. 1 LIASI, qui ne mentionne que l'hospice comme possible auteur de la décision sur opposition, est éprouvée (ATA/375/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/333/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1147/2017 du 2 août 2017 ; ATA/411/2010 du 15 juin 2010), et le Tribunal fédéral ne l'a jamais censurée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_816/2015 du 22 mars 2016 consid. 3 ; 8C_1041/2012 précité).

6) Il résulte de ce qui précède que le législateur cantonal a voulu, dans le domaine de l'aide sociale, se calquer sur la législation fédérale en matière d'assurances sociales et instaurer une voie générale d'opposition contre les décisions rendues sur la base de la LIASI. Il s'est malheureusement montré trop réducteur dans sa formulation en ne visant à l'art. 51 al. 1 LIASI que les décisions rendues par le principal organe d'exécution de la LIASI, soit l'hospice, au lieu de rédiger le texte d'une manière suffisamment générale pour y inclure les autres organes d'exécution de la LIASI.

Il convient donc d'interpréter l'art. 51 al. LIASI praeter legem afin de lui restituer son sens réel, qui est de prévoir une procédure d'opposition pour toute décision rendue sur la base de la LIASI. C'est du reste ce qui se fait déjà, de manière implicite, en matière de prestations d'aide sociale délivrées par le SPC.

En l'espèce, c'est un troisième organe d'exécution de la LIASI qui a rendu la décision attaquée, à savoir l'OCPM, qui est à teneur des art. 45 LIASI et 30 RIASI impliqué dans la procédure d'octroi de l'aide d'urgence. Il n'y a ainsi pas de raison de ne pas prévoir dans ce cas de procédure d'opposition. En particulier, il résulte des travaux préparatoires de la LIASI, tels que cités plus haut, que les art. 51 et 52 LIASI valent également en matière d'aide d'urgence. En outre, l'OCPM dispose d'un service juridique apte à traiter de tels cas, au demeurant rares.

Le recours sera donc déclaré irrecevable, faute d'épuisement de la voie de l'opposition, et la cause renvoyée à l'OCPM afin qu'il statue sur opposition selon les modalités prévues par l'art. 51 al. 2 LIASI ; décision qui, elle, sera susceptible de recours auprès de la chambre de céans.

7) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 mai 2018 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 18 avril 2018 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :