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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3831/2017

ATA/375/2018 du 24.04.2018 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3831/2017-AIDSO ATA/375/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 avril 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est bénéficiaire des prestations du Service de prestations complémentaires (ci-après : SPC) depuis de nombreuses années. Lors de la demande de prestations initiales, du 3 mars 2005, il a déclaré que les indications fournies étaient complètes et exactes et s’est engagé à informer le SPC sans retard de tout changement de sa situation personnelle, des revenus, du patrimoine et des dépenses.

Cette obligation lui était régulièrement rappelée, notamment à chaque décision d’octroi de prestations, rendue annuellement, lui demandant de vérifier si le plan de calcul retenu correspondait à la situation réelle et lui indiquant qu’il devait signaler sans délai les changements intervenus dans sa situation personnelle et financière. En cas d’omission, les prestations perçues à tort devaient être remboursées et, le cas échéant, des sanctions pénales étaient possibles.

2) Par décision du 20 février 2017, le SPC a réclamé à M. A______ la restitution de la somme totale de CHF 144'700.70, correspondant à des prestations versées indûment du 1er juin 2012 au 31 janvier 2016 (CHF 76'213.- de prestations complémentaires, CHF 9'579.- d’aide sociale, CHF 52'648.90 de subsides d’assurance-maladie et CHF 6'259.80 de frais médicaux).

Cette décision a été rendue à la suite de l’annonce spontanée par le bénéficiaire de l’existence d’un bien immobilier en Irak appartenant à son épouse, d’une valeur supérieure à un million de francs. Cette annonce est intervenue après la réception du courrier adressé à tous les bénéficiaires de prestations le 7 octobre 2016 par le Conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé. Selon l’extrait du registre de la Direction de l’enregistrement foncier de la République d’Irak du 13 juillet 2011, l’épouse de M. A______ est la propriétaire du bien immobilier en question.

La décision du 20 février 2017 avait pour objet de rectifier la situation avec effet au 1er juin 2012 pour tenir compte de l’existence du bien annoncé, élément de fortune et de revenu dont le SPC n’avait pas connaissance auparavant.

3) Le 23 mars 2017, l’administré s’est opposé à cette décision en contestant la prise en compte du bien immobilier dans les plans de calcul, exposant que ce bien appartenait à son épouse, dont il était séparé et en train de divorcer.

4) Par décision du 21 août 2017, le SPC a rejeté l’opposition.

L’omission d’annoncer l’existence d’un immeuble - malgré les courriers adressés annuellement au bénéficiaire, l’invitant à contrôler la rectitude des plans de calcul et à annoncer toute modification ou erreur - constituait une négligence grave. Les nouveaux plans de calcul aboutissaient à la conclusion que les montants susmentionnés avaient été versés à tort.

Les revenus déterminants comprenaient le produit de la fortune immobilière, ainsi qu’un quinzième de la fortune nette, dans la mesure où elle dépasse CHF 60'000.- pour les couples. Si le bénéficiaire de prestations ou une autre personne comprise dans le calcul des prestations était propriétaire d’un immeuble servant d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entrait en considération.

En l’espèce, il était apparu que l’épouse du bénéficiaire était propriétaire d’un immeuble de 408,57 m2 d’une valeur de USD 2'500/m2, selon le titre immobilier émis le 5 mai 2015, ce qui correspondait, après conversion en francs suisses selon le taux de référence fixé par les directives de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), à une valeur de CHF 1'010'661.20 (taux de 0,989462). Durant la période litigieuse, soit du 1er juin 2012 au 31 janvier 2016, le bénéficiaire était marié et non encore séparé de son épouse, de sorte que cette dernière devait être comprise dans le calcul des prestations. La prise en considération de l’immeuble était donc justifiée. En outre, seule une fraction de la fortune avait été prise en compte, après déduction d’une franchise de CHF 60'000.-. Enfin, le produit de la fortune immobilière avait été fixé en application des dispositions légales.

5) Par acte expédié le 18 septembre 2017 à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre la décision du SPC, dont il a demandé l’annulation. Subsidiairement, il a demandé à être exempté de toute obligation de restitution. Il a rajouté, à la main, qu’il souhaitait être entendu. Il a répété que le bien immobilier pris en compte appartenait à son épouse, dont il était séparé depuis décembre 2015.

6) La chambre des assurances sociales a transmis, le jour même, à la chambre administrative de la Cour de justice, comme objet de sa compétence, le recours en tant qu’il concernait l’aide sociale et le subside d’assurance-maladie.

7) Le SPC a conclu au rejet du recours.

Bien que séparé de son épouse et ne faisant plus ménage commun avec elle depuis le 4 février 2016, le recourant était toujours marié. À la suite de son déménagement et depuis le 1er février 2016, le bénéficiaire était considéré comme une personne seule et avait fait l’objet d’une nouvelle décision le 15 mars 2016, qui n’avait pas été contestée.

8) Par arrêt du 7 décembre 2017, la chambre des assurances sociales a rejeté le recours concernant les prestations complémentaires fédérales et cantonales. Le SPC avait, à juste titre, retenu dans le calcul desdites prestations le bien immobilier appartenant à l’épouse du recourant, avec qui celui-ci formait ménage commun pendant la période concernée.

La chambre des assurances sociales avait entendu le recourant. Celui-ci avait indiqué avoir reçu en décembre 2015 une décision lui demandant de quitter le domicile conjugal. Il n’avait trouvé un nouveau domicile que début février 2016. Le bien immobilier en question appartenait à son épouse. En 1998, il avait envoyé de l’argent à sa belle-mère pour qu’elle achète ce bien, qui avait d’abord été inscrit à son nom. Il semblait qu’elle en ait fait don à l’épouse du recourant par la suite, sans que celui-ci sache quand exactement. C’est au cours de leur séparation qu’il avait découvert les papiers concernant ce bien et qu’il en avait informé, notamment, l’hospice général, car sa future ex-femme demandait à bénéficier de l’aide sociale.

9) Le recourant n’ayant pas répliqué dans la présente cause, les parties ont été informées le 12 décembre 2017 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, à qui il a été transmis d’office (art. 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le recourant a formé un seul acte de recours concernant tant les prestations complémentaires et les subsides d’assurance-maladie que l’aide sociale et a soulevé un seul argument, à savoir celui que le bien immobilier litigieux ne lui appartient pas. Dans la mesure où il a été entendu par la chambre des assurances sociales et que ses déclarations ont été reprises ci-dessus, il n’y a pas lieu de procéder à nouveau à son audition.

3) Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de restitution en tant qu’elle prend en compte le bien immobilier de l’épouse du recourant, dont celui-ci s’est séparé fin décembre 2015.

Les montants réclamés ne sont, en tant que tels, pas contestés.

a. La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI).

b. Les prestations d'aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (art. 13 al. 1 LIASI). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (art. 13 al. 2 LIASI). Pour la fixation des prestations, sont déterminantes les ressources du mois en cours et la fortune au 31 décembre de l'année précédant celle pour laquelle la prestation est demandée (art. 27 al. 1 LIASI). Est assimilée à la fortune de l’intéressé celle des membres du groupe familial (art. 23 al. 2 LIASI).

c. Le demandeur d'aide sociale doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Cette obligation vaut pour tous les membres du groupe familial (art. 32 LIASI). En cas de modification des circonstances, le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

d. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner est une prestation perçue indûment au sens de l’art. 36 LIASI (ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 ; ATA/239/2015 du 3 mars 2015).

Le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). Il peut, dans les trente jours, solliciter une remise. Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/306/2017 précité consid. 6 ; ATA/1152/2015 du 27 octobre 2015 consid. 14). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 – CC – RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/306/2017 précité consid. 6).

e. En l’espèce, le recourant ne conteste pas que le bien immobilier litigieux appartient à son épouse, ni la valeur du bien retenue par l’intimé, ni encore les nouveaux calculs effectués par ce dernier. Sa critique se limite au fait qu’il n’avait pas à déclarer le bien immobilier, au motif que celui-ci ne lui appartient pas et qu’il s’est séparé de son épouse.

Or, comme cela ressort de l’art. 23 al. 2 LIASI, la fortune des membres du groupe familial doit être prise en compte dans le calcul du droit aux prestations. Le groupe familial étant, notamment, composé des époux vivant en ménage commun, c’est à juste titre que l’intimé a inclus la valeur du bien immobilier dans les nouveaux calculs effectués à la suite de l’annonce de l’existence de ce bien. Par ailleurs, la période concernée par ces nouveaux calculs concerne celle où le recourant était marié et vivait en ménage commun avec son épouse, le recourant s’étant constitué un nouveau domicile le 4 février 2016. L’intimé était donc fondé à procéder à un nouveau calcul de prestation tenant compte de cet élément de fortune.

En tant que le recourant a déclaré qu’il ignorait que son épouse était propriétaire de ce bien, son affirmation n’est pas crédible. En effet, il a admis avoir envoyé de l’argent à sa belle-mère pour l’acquisition de ce bien, et le registre foncier irakien fait état de la propriété de son épouse. Le recourant ne peut donc être suivi dans son affirmation selon laquelle il ignorait que celle-ci en était propriétaire.

Il lui appartenait, ainsi, d’annoncer l’existence de ce bien, ce d’autant plus qu’au moment de la demande de prestations, il avait déclaré que les informations données étaient complètes et correctes et qu’il s’était expressément engagé à informer l’intimé sans retard de tout changement de sa situation personnelle, des revenus, du patrimoine et des dépenses. En outre, à chaque décision de prestations, il devait vérifier que le plan de calcul correspondait à la situation actuelle, son obligation de signaler sans délai les changements intervenus dans sa situation personnelle et financière lui étant rappelée, avec la précision qu’en cas d’omission, les prestations perçues à tort devaient être remboursées et, le cas échéant, des sanctions pénales étaient possibles.

Au vu de ces circonstances, la bonne foi du recourant au sens de l'art. 42 al. 1 LIASI doit être niée. Celui-ci est ainsi tenu au remboursement du trop-perçu.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

4) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui succombe (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 septembre 2017 par Monsieur A______ contre la décision du Service des prestations complémentaires du 21 août 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le la greffière :