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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2148/2006

ATA/551/2006 du 17.10.2006 ( GC ) , REJETE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN D'AFFECTATION ; ZONE AGRICOLE
Normes : LAT.16 ; LAT.18 ; LAT.24
Parties : PRO NATURA GENEVE / GRAND CONSEIL
Résumé : Déclassement d'une parcelle située en zone agricole en zone sportive destinée à l'équitation jugé conforme au plan directeur cantonal et aux principes généraux de l'aménagement du territoire. En l'espèce, le terrain est impropre à l'agriculture car pollué. Il est situé à proximité d'un ensemble bâti. La décision est en outre conforme aux divers préavis favorables dont notamment celui du service de l'agriculture et repose sur une pesée d'intérêts objectivement justifiable.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2148/2006-GC ATA/551/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 17 octobre 2006

 

dans la cause

 

PRO NATURA GENÈVE-SECTION PRO NATURA SUISSE
représentée par Me Alain Maunoir, avocat

contre

GRAND CONSEIL


 


1. Madame Madeleine Deschamps est propriétaire des parcelles nos 3400, 3401 et 3402, feuilles 34 et 35 de la commune de Chancy, sises entre la route du même nom, le chemin de la Charbonne, et le chemin du Cannelet en zone agricole. De l'autre côté de ce chemin se situe le lieu-dit "Le Cannelet" constitué d'un ensemble d'une quinzaine de bâtiments.

Ces parcelles faisaient partie de celles qui abritaient d’anciennes carrières et étaient utilisées comme zone de stockage. Elles figurent au cadastre des "sites pollués" depuis 1967.

2. Trois bâtiments cadastrés sous nos 329, 500 et 501, d'une surface respective de 208, 34 et 74 m2 sont édifiés sur la parcelle no 3400. Ils constituent le centre équestre des "Ecuries du Cannelet". Le bâtiment principal est destiné à des écuries, une grange ainsi qu'un logement pour employés. Il est prolongé par un élément bas qui est aménagé en boxes pour chevaux. A l'arrière, en bordure du chemin de la Charbonne, est implanté un "mobil home". Le solde de la parcelle, ainsi que les parcelles nos 3401 et 3402 sont occupés par un paddock extérieur en sable et des prairies dévolues au pâturage des chevaux.

3. Une demande de renseignements portant sur la construction d'un manège avec 35 boxes et 20 places de stationnement, a été déposée le 10 juillet 2003 par l'architecte mandaté par la propriétaire auprès de la police des construction du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après: DCTI).

Après avoir recueilli divers préavis, le DCTI a rendu le 5 mai 2005 une décision favorable à la demande de renseignements. Toutefois, le projet était subordonné à une modification de zone, soit à la création d'une zone sportive en lieu et place de la zone agricole.

4. Un avant-projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune précitée (création d'une zone sportive destinée à de l'équitation, et d'une zone des bois et forêts), au lieu-dit "Le Cannelet", accompagné du plan 29'438-510, a été élaboré par le DCTI.

Selon l'exposé des motifs, la loi visait à permettre l'édification d'un manège couvert d'environ 2'400 m2, disposant de deux paddocks et de 18 boxes à chevaux ainsi que d'une petite construction d'environ 110 m2 destinée à un logement et un bureau. Ce projet répondait à la demande du centre équestre qui faisait état de la vétusté de ses équipements, d'une part, et d'autre part, d'une croissance de demandes de pensions complètes pour chevaux, de même que la nécessité de pouvoir garantir l'ensemble des activités équestres durant l'année entière.

La parcelle concernée avait perdu sa vocation agricole au vu de la qualité insuffisante de son sol. Il était proposé de mettre en conformité l'affectation du site par la création d'une zone sportive destinée à de l'équitation d'une surface d'environ 11'920 m2. La délimitation de ladite zone se confinerait au secteur occupé par les bâtiments existants et projetés, ainsi que les équipements propres du manège. Le solde du paddock extérieur, ainsi que les zones herbeuses seraient maintenus en zone agricole. Afin de limiter la densification à celle de la proposition faite dans le cadre de la demande de renseignements susmentionnée, le projet de plan de modification des limites de zones fixait un indice d'utilisation limité à 0,25.

A cela s'ajoutait une mise à jour des délimitations de la zone des bois et forêts sur la base du cadastre forestier actuel, en accord avec l'inspecteur cantonal des forêts. Ces zones, situées sur d'autres parcelles ne concernaient pas le présent litige.

5. a. Le DCTI a soumis l'avant-projet de loi à divers préavis, dont celui du service de l'agriculture, qui s'est déclaré favorable à la mise en conformité du régime des zones de la parcelle. Les bâtiments existants, dans lesquels résidait le centre équestre, dataient des années 60 pour les plus anciens. La parcelle avait perdu de longue date sa vocation agricole. Cette modification des limites de zones permettrait la réalisation des constructions nécessaires au développement des activités équestres. Il convenait de prévoir une mesure de compensation à l'atteinte faite à l'espace agricole.

b. La commission des monuments, de la nature et des sites a émis un préavis favorable le 13 octobre 2004.

c. La commission d'urbanisme, également consultée, a émis un préavis favorable en date du 4 novembre 2004.

d. Les autres préavis techniques recueillis ont tous été favorables ou favorables sous réserve.

6. Le projet de modification des limites de zones a ensuite été mis à l'enquête publique du 10 décembre 2004 au 23 janvier 2005.

Trois observations sont parvenues au DCTI :

a. Le 20 janvier 2005, le WWF Suisse et le WWF Genève s'opposaient au déclassement d'une parcelle de zone agricole en raison du fait que l'activité sportive était déjà réalisée en zone agricole de façon non conforme à la loi. Le périmètre devait être limité aux bâtiments existants. Ils s'opposaient également à la construction d'un logement, d'un bureau et de places de parking en dehors de la zone adéquate. Ils proposaient de désaffecter la zone sportive créée pour le manège de la Gambade à Laconnex qui était en faillite en contre-partie de celle demandée pour le Cannelet ou éventuellement d'utiliser les structures existantes.

b. Le 20 janvier 2005, l'association Pro Natura Genève-section de Pro Natura Suisse a fait part de son opposition au projet. La parcelle no 3400 était entourée de zone agricole. Ce déclassement encouragerait le "mitage" du territoire qui risquait d'amorcer, à terme, des demandes de déclassement en zone à bâtir des parcelles voisines. Les équipements liés aux activités équestres, tels que le logement, le bureau et les places de parcage devaient être regroupés dans les zones sportives existantes de la région.

c. Le 21 janvier 2005, l'ancien propriétaire du manège du Cannelet a fait parvenir des observations au DCTI. Ses arguments portaient sur la construction de nouveaux bâtiments uniquement.

7. Invitée à se prononcer sur les oppositions reçues, la propriétaire a indiqué que le courrier de l'ancien propriétaire relevait uniquement de la malveillance et visait à régler un ressentiment privé qui n'avait strictement rien à voir avec la problématique d'aménagement du territoire.

Tant Pro Natura que le WWF s'opposaient à tout déclassement sans aucun discernement. Les installations du manège existaient depuis très longtemps. Il s'agissait en fait de régulariser une situation existante avec le régime légal des zones. Il existait déjà une chambre pour employé dans le bâtiment datant des années soixante. Le risque de créer un précédent était infondé.

8. Les oppositions ont été versées au dossier que le DCTI a ensuite soumis pour préavis à la commune de Chancy.

Le 14 juin 2005, le conseil municipal de Chancy a préavisé favorablement le projet de modification de limites de zone.

9. Le 4 janvier 2006, le département du territoire (ci-après : DT) devenu compétent s'agissant des questions d'aménagement du territoire depuis le 5 décembre 2005, a ouvert la procédure d'opposition au projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chancy/le Cannelet portant le no 9754, par publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO).

10. Le 30 janvier 2006, l'association Pro Natura Genève a fait opposition au PL 9754.

Elle a repris les arguments déjà développés dans ses observations du 20 janvier 2005 en ajoutant qu'elle déplorait la tendance à dévaloriser les terrains en utilisant l'argument qu'ils étaient devenus impropres à l'agriculture, alors que certains étaient toujours classés en surface d'assolement et à les déclasser sans compensation quantitative pour l'agriculture.

La création de zones sportives (équestres ou autres) ne devait pas se faire au coup par coup, mais s'intégrer dans un plan de développement plus large couvrant tout le canton. Ce déclassement, en vue de la mise en conformité en fonction du besoin des exploitants, créait un précédent qui pourrait s'appliquer aux autres activités de loisirs réparties dans la zone agricole genevoise et qui conduirait ainsi à d'autres déclassements.

Finalement, la compensation quantitative, éventuellement qualitative, devait être prévue pour tout déclassement au niveau du projet de loi déjà. Les compensations financières n'encourageaient pas une réflexion quant à l'usage du terrain rural.

11. a. Le 17 mars 2006, le Grand Conseil a adopté à l'unanimité des votants la loi 9754 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chancy (création d'une zone sportive destinée à de l'équitation) au lieu-dit "Le Cannelet" et a rejeté l'opposition faite par Pro Natura Genève.

Le rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi a motivé le rejet de l'opposition par le fait que le plan directeur cantonal (PDC) et plus particulièrement le chiffre 3.11 du concept préconisait de répondre aux nouveaux besoins en matière d'espaces de détente et d'équipements sportifs en garantissant une coordination intercommunale. Les loisirs compatibles avec la zone agricole devaient être favorisés, ce qui signifiait, a contrario, que ceux qui ne l'étaient pas et nécessitaient un déclassement n'étaient pas exclus. Dans cet esprit, le PDC recommandait de développer les aménagements peu consommateurs d'espace ou réversibles et prônait l'élaboration d'un plan directeur intercommunal des équipements sportifs et de loisirs dans le but de localiser ceux-ci de façon optimale.

La parcelle qui faisait l'objet du déclassement était considérée comme "site pollué" et avait perdu sa vocation agricole au vu de la qualité insuffisante de son sol. A cela s'ajoutait qu'actuellement elle abritait un centre équestre constitué de plusieurs éléments bâtis. Le projet s'inscrivait donc dans le cadre et l'esprit de la politique de déclassement très parcimonieux de terrains agricoles aux fins de loisirs voulus par le PDC, l'étendue du déclassement étant limitée au strict nécessaire, pour des besoins circonscrits et bien établis. La nouvelle zone permettrait un développement mesuré de l'activité équestre existante et répondrait à la demande du centre équestre faisant état de la vétusté de ses équipements et d'une croissante demande de pensions complètes pour chevaux, de même que de la nécessité de pouvoir garantir l'ensemble des activités équestres durant l'année entière.

L'intérêt de la population pour les sports équestres était croissant. En 1961, 777 équidés, dont 751 chevaux s'ébattaient sur le territoire genevois. En 2003, ils étaient 1'711, dont 1'218 chevaux. Le développement de ce secteur de l'économie de loisir devait être pris en compte dans l'aménagement du territoire. Il existait des retombées indirectes pour le monde agricole, avec l'écoulement facilité de produits céréaliers ou encore par les emplois créés dans des professions dont l'activité dépendait très directement du nombre d'équidés à élever, soigner et entretenir.

S'agissant de la compensation, elle n'avait pas besoin d'être simultanée et pouvait être financière à hauteur de son impact sur les surfaces d'assolement. En outre, le canton de Genève respectait et continuerait de respecter après le déclassement, le quota des surfaces d'assolement assigné.

Il n'existait pas de plan directeur intercommunal des équipements sportifs et de loisirs mais aucune disposition légale n'imposait un tel plan avant de procéder à un déclassement de terrain sis en zone agricole. Il s'agissait d'une mesure d'application préconisée par le PDC.

Pour toutes ces raisons, l'opposition devait être rejetée et il n'y avait pas lieu de s'écarter du préavis du service de l'agriculture favorable au projet de loi.

b. L'arrêté de promulgation de la loi a été publié dans la Feuille d'avis officielle du 15 mai 2006.

12. Le 13 juin 2006, Pro Natura Genève a recouru au Tribunal administratif contre la loi du 17 mars 2006 en concluant principalement à son annulation et au maintien de la parcelle no 3400 en zone agricole avec suite de frais et dépens. Au préalable, elle demandait la production des autorisations de construire délivrées depuis 1972 ainsi que d'autres mesures d'instruction visant à définir la surface actuellement affectée à un usage contraire à la zone agricole et celles prévues dans le projet ayant donné lieu à la demande de renseignement.

La parcelle concernée n'était contiguë d'aucune zone à bâtir et on ignorait si tous les aménagements et constructions qu'elle comportait avaient fait l'objet d'autorisations de construire entrées en force.

La loi violait le principe de séparation des zones constructibles et non constructibles qui découlait implicitement de l'article 75 alinéa 1 de la constitution fédérale (Cst - RS 101). Un développement anarchique des constructions entraînait un gaspillage des terres cultivables et des dépenses d'infrastructure disproportionnées en portant atteinte à l'environnement au sens large.

La nouvelle zone à bâtir qui était créée par la loi ne répondait à aucune des préoccupations explicitement énoncées par le PDC. L'agrandissement des équipements sportifs n'avait fait l'objet d'aucune coordination communale telle que prônée par le PDC. La loi litigieuse avait pour conséquence directe d'éluder les dispositions fédérales sur la zone agricole dans la mesure où elle visait à permettre la réalisation d'un projet précis, lui même contraire aux objectifs posés par le PDC, créant une petite zone à bâtir isolée inadmissible.

13. Le Grand Conseil conclut au rejet du recours.

Il disposait d'un large pouvoir d'appréciation en matière de modification des limites de zones. La création d'une zone spéciale de droit cantonal au sens de l'article 18 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), zone sportive destinée à l'équitation, répondait aux nouveaux besoins en équipements sportifs énoncés dans le plan directeur cantonal et était dès lors conforme à celui-ci et cela malgré l'absence de plan directeur intercommunal des équipements sportifs prévus par le chiffre 3.11 du concept du plan directeur cantonal.

Le déclassement s'inscrivait dans le cadre et l'esprit de la politique de déclassement très parcimonieux de terrains agricoles aux fins de loisirs voulus par le PDC. Son étendue était limitée au strict nécessaire pour des besoins circonscrits et bien établis, incompatibles avec la zone agricole.

La création de la zone sportive permettrait le maintien de l'activité équestre existante et son développement, tout en régularisant le statut de droit public de ce secteur dont la vocation ne correspondait plus à la réalité.

14. Le 6 octobre 2006, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 35 al. 1 et 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). Il émane, en outre, d'une association dont la qualité pour agir est reconnue (art. 35 al. 3 LaLAT; ATA/50/2006 du 31 janvier 2006 et ATA/1978/2004 du 21 juin 2005 dans lesquels la qualité pour agir de la recourante a été admise par le tribunal de céans sur la base de l'article 63 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 - LForêts - M 5 10 - dont la teneur est identique à celle de l'article 35 al. 3 LaLAT).

Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs remplies (art. 35 al. 4 LaLAT), de sorte que le recours est recevable.

2. La recourante a sollicité diverses mesures d'instruction portant sur les constructions existantes.

Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu permet au justiciable de proposer des preuves et de participer à leur administration. Ce droit ne concerne que les éléments qui sont déterminants pour l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier, et lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.101/2003 du 11 juillet 2003 consid 2.1; ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135).

En l'espèce, les faits susceptibles d'être établis par les mesures d'instruction requises ne sont pas nécessaires à la solution du litige. Ce dernier porte uniquement sur une modification des limites de zones et non pas sur la légalité des constructions existantes ou prévues dans ces zones.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 127 II 238 consid. 3b/bb ; 108 Ib 479, consid. 3c), et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (ATA/621/2004 du 5 août 2004 ; ATA/286/2004 du 6 avril 2004 et les références citées). A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs occasions que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.444/2001 du 29 novembre 2001 consid. 3b/bb ; 1A.140/1998 - 1P.350/1998 du 27 septembre 2000 consid. 3).

Le tribunal de céans ne peut donc revoir un plan d’affectation que sous l’angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l’opposition, le Grand Conseil ayant un plein pouvoir d’examen (ATA/50/2005 du 1er février 2005; J.-C. PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000, vol. I, p. 526; T. TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10).

Telles doivent être les considérations réglant, en matière de recours contre les plans d'affectation, le pouvoir d'examen du tribunal de céans, qui, outre le droit fédéral, contrôle aussi l'application du droit cantonal (art. 69 al. 1 LPA).

4. Lorsque, dans l'accomplissement et la coordination de tâches ayant des effets sur l'organisation du territoire, les autorités disposent d'un pouvoir d'appréciation, elles sont tenues de peser les intérêts en présence. Ce faisant, elles déterminent les intérêts concernés; apprécient ces intérêts notamment en fonction du développement spatial souhaité et des implications qui en résultent; fondent leur décision sur cette appréciation, en veillant à prendre en considération, dans la mesure du possible, l'ensemble des intérêts concernés (art. 3 al. 1 OAT).

5. a. La jurisprudence fédérale ne pose plus comme principe qu'un plan affectation ayant pour objet le déclassement d'une zone agricole en zone à bâtir doit respecter les mêmes conditions que celles posées pour une dérogation selon l'article 24 LAT qui règle les conditions des dérogations à l'interdiction de bâtir en zone agricole. Le Tribunal fédéral considère qu'une telle affirmation reviendrait à rendre impossible tout développement de l'aménagement si ces conditions ne sont pas réalisées, ce qui ne peut être le sens de la loi. L'admissibilité d'un tel plan d'affectation dépend bien plutôt de savoir s'il obéit aux buts et aux principes qui le régissent selon la LAT.

Dès lors, il n'y a fraude à l'article 24 LAT que si la mesure de planification prévue a pour conséquence la création d'une petite zone à bâtir inadmissible ou si elle repose de toute autre manière sur une pesée objectivement injustifiable des intérêts en présence (ATF 124 II 391; JdT 1999 I 601 et les références citées).

b. Aucune norme n'interdit explicitement la diminution en termes absolus de la surface de zone agricole, contrairement à l'aire forestière (ATA/182/1999 du 23 mars 1999). Seule une utilisation judicieuse et mesurée du sol ainsi que la préservation d'une quantité suffisante de bonnes terres cultivables sont prescrites (art. 75 Cst. et 3 al. 2 LAT). Seules sont soumises à des normes impératives les surfaces d'assolement définies par l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

Néanmoins, les principes ancrés dans la LAT imposent de préserver la zone agricole. Aux termes de l'article 16 LAT, les zones agricoles servent non seulement à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, mais aussi à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison de ces différentes fonctions. Dans leurs plans d’aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Il importe, afin de maintenir cette multiplicité de fonctions, que l’ouverture préconisée quant aux possibilités de construire en zone agricole soit limitée. La séparation entre zones constructibles et zones non constructibles imposée par la constitution contribue de manière déterminante au maintien de la multiplicité des fonctions du sol, du paysage et de l’espace (FF 1996 III 499).

A cet égard, il ressort de la jurisprudence que le seul fait que, depuis longtemps, une parcelle ne soit plus utilisée pour l’agriculture, et qu’elle ne le sera pas dans un avenir prévisible, n’impose pas son classement en zone à bâtir. Il convient néanmoins d’examiner s’il existe, pour d’autres motifs, un droit au déclassement du terrain ou, en d’autres termes, si les restrictions découlant de l’affectation en zone agricole trouvent encore leur justification dans les circonstances particulières de l'espèce, notamment si, conformément au principe de la proportionnalité, elles ne vont pas au-delà de ce qu’exige cet intérêt public (SJ 1998 p. 636, consid. 2a et les références citées).

c. A cela s'ajoute que la planification locale ne doit pas se conformer uniquement à une conception abstraite, mais doit également prendre en considération les circonstances concrètes du moment ainsi que les besoins des propriétaires fonciers et de la population (art 1 al. 1 LAT; ATF 124 II 391; JdT 1999 I 604).

En l'espèce, le terrain concerné est situé à proximité d'un ensemble bâti du lieu-dit le Cannelet et il est impropre à l'agriculture, car il est pollué. En outre, la parcelle convient à l'utilisation projetée. Dès lors la décision prise par le Grand Conseil, conforme aux divers préavis favorables dont notamment celui du service de l'agriculture, d'accepter la création d'une zone sportive, repose sur une pesée des intérêts objectivement justifiables.

6. La recourante estime en outre que la modification de zone est contraire au plan directeur cantonal.

La force obligatoire du plan directeur s'applique aux autorités dans la mesure où elles exercent des activités ayant des effets sur l'organisation du territoire (art. 9 al. 1 OAT; art. 11A al. 1 LaLAT) et se limite au contenu minimum imposé par l'article 8 LAT (La force obligatoire des plans pour les autorités : une mise en oeuvre difficile, in : Territoire & Environnement 2001, ASPAN, mars 2002, pp. 45-46; P. ZEN-RUFFFINEN/C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, § 245, p.114 et § 247, p. 116).

A Genève, le plan directeur se compose du concept de l'aménagement et du schéma directeur, lequel est à son tour constitué de fiches de projets et de mesures, ainsi que d'une carte. L'effet obligatoire du plan directeur, tel qu'il découle de l'article 8 LAT, doit ainsi être interprété comme s'attachant à l'ensemble des différents éléments susmentionnés.

S'agissant des zones sportives, le PDC indique que d'une manière générale, l'offre en équipements sportifs est suffisante dans le canton. Néanmoins, de nouveaux projets peuvent émerger, notamment de la part des communes. Un plan directeur intercommunal des équipements sportifs, ainsi que des équipements de caractère régional, permettrait de trouver des solutions rationnelles en termes d'occupation du territoire pour répondre à la demande. L'élaboration d'un tel plan permettrait d'avoir une vue d'ensemble dans le domaine, pour éviter de devoir se prononcer au coup par coup lors de demandes pour des équipements sportifs. Il convenait de favoriser les aménagements réversibles, intercommunaux et multifonctionnels (fiche 3.06).

Un tel plan intercommunal n'existe pas. Il permettra notamment de créer une garantie supplémentaire dans l'examen des conditions autorisant le déclassement de parcelles en zone sportive mais il ne peut avoir pour effet anticipé de refuser toute mesure d'aménagement dans l'attente de sa mise en oeuvre. Il n'est d'ailleurs pas avancé par la recourante, qu'en l'espèce, le changement de limites de zones soit susceptible de contrevenir au futur plan intercommunal.

Par conséquent le grief sera écarté.

7. Au vu de ce qui précède, le recours ne peut qu'être rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2006 par Pro Natura Genève - section de Pro Natura Suisse contre la loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chancy (création d'une zone sportive destinée à de l'équitation au lieu dit "Le Cannelet") du 17 janvier 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat de la recourante ainsi qu'au Grand Conseil.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :