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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2992/2006

ATA/97/2007 du 06.03.2007 ( BARR ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.05.2007, rendu le 19.10.2007, REJETE, R 12/06, 2C_177/07
Descripteurs : MESURE DISCIPLINAIRE; COMMISSION DE SURVEILLANCE; COMPORTEMENT; AVOCAT; RÉPRIMANDE
Normes : LLCA.12.leta ; LLCA.20.al1 ; LPAv.49.al1
Résumé : Confirmation d'un blâme prononcé par la commission du Barreau à l'encontre d'un avocat ayant communiqué directement et à réitérées reprises avec la partie adverse, représentée par un confrère, dans un litige portant sur la contestation de sa note d'honoraires.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2992/2006-BARR ATA/97/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 mars 2007

 

dans la cause

 

M. H______

contre

COMMISSION DU BARREAU


 


EN FAIT

1. M. H______ (ci-après : M. H______ ou le recourant) est avocat au Barreau de Genève. Il a prêté le serment nécessaire à l'exercice de sa profession le 10 février 1988.

2. Le 4 novembre 2005, M. M______, avocat à Genève, a dénoncé M. H______ au Bâtonnier (ci-après : le Bâtonnier) de l'Ordre des Avocats (ci-après : ODA) pour avoir pris contact directement avec ses mandantes, anciennes clientes de M. H______.

M. H______ avait été mandaté en 2005 par l'étude d'avocats newyorkaise C______, G______, S______ & T______ (ci-après : CGST______), pour représenter les sociétés F_____ D______ I______ P_____ NV, F______ D______ I______ P_____ Inc et I______ Inc (ci-après : les sociétés étrangères) dans un conflit d'une importante valeur litigieuse. L'intervention de M. H______ avait conduit à un séquestre au profit de ses clientes et à une issue favorable.

Pour l'activité déployée du 4 avril au 26 juillet 2005, M. H______ avait émis une note d'honoraires contestée, de CHF 512'831,60 avec un solde ouvert de CHF 451'816,60. M. M______ avait été mandaté par les sociétés étrangères, avec élection de domicile en son étude, dans le cadre de la procédure que M. H______ pourrait initier auprès de la commission de taxation des honoraires d'avocats (ci-après : la commission de taxation).

M. M______ s'était constitué par courrier adressé le 3 octobre 2005 à M. H______. Le 4 octobre 2005, il avait invité M. H______ à lui adresser toute communication qu'il souhaitait adresser à ses anciennes clientes.

Le 1er novembre 2005, il avait demandé à M. H______ de s'abstenir de tout contact direct avec ses mandantes, faute de quoi il se verrait contraint de saisir le Bâtonnier.

Les 1er, 2 et 3 novembre 2005, M. H______ avait transmis des courriels à M. J______, juriste employé par la société D______ I______ P______ Inc, indiquant qu'il souhaitait contacter le président du conseil d'administration ainsi que d'autres organes de la société pour les informer de la situation. Il demandait également si une note d'honoraires modifiée devait être adressée à la société ou envoyée à M. M______.

3. Le 7 novembre 2005, M. M______ a complété sa dénonciation en produisant deux nouveaux courriels datés des 5 et 7 novembre 2005 dans lesquels M. H______ fixait à ses anciennes clientes un ultimatum pour le paiement de l'entier de la note d'honoraires, faute de quoi ceux-ci seraient portés à 2 millions de dollars US. Au courriel du 5 novembre 2005 était joint un petit film intitulé "Z______".

4. Par télécopie du 19 décembre 2005, M. H______ a demandé à M. M______ s'il était pleinement habilité à recevoir pour le compte des sociétés étrangères une déclaration d'invalidation de sa note d'honoraires du 26 juillet 2005 pour vices du consentement ainsi que sa nouvelle note d'honoraires. Il indiquait également tenir pour acquis que ses anciennes mandantes n'entendaient pas se soumettre à une éventuelle décision de la commission de taxation et l'impossible serait fait pour que les honoraires reconnus par ladite commission ne lui soient pas payés.

En réponse, le 20 décembre 2005, M. M______ a confirmé que M. H______ était libre de lui faire parvenir toute correspondance ayant trait à sa note d'honoraires du 26 juillet 2005. Son élection de domicile était strictement limitée à une éventuelle procédure devant l'autorité de taxation, à l'exclusion de toute autre action.

5. Le 21 décembre 2005, M. H______ a adressé un courrier au Bâtonnier avec copie à M. M______. Il comprenait la réponse donnée par son confrère à ses questions formulées le 19 décembre 2005 comme l'autorisant à contacter directement ses anciennes mandantes pour leur faire parvenir sa nouvelle note d'honoraires. Il indiquait n'avoir toujours pas reçu copie des documents remis par M. M______ à l'appui de sa dénonciation.

6. Le 8 février 2006, M. M______ a dénoncé M. H______ à la commission du Barreau pour violation de l'interdiction de tout contact avec un partie adverse lorsque celle-ci était représentée par avocat.

7. Plusieurs autres procédures, dont certaines internes à l'ODA, ont été initiées parallèlement à la procédure devant la commission du Barreau :

a. Le 15 décembre 2005, M. H______ a dénoncé M. M______ à la commission du Barreau pour violation de son serment d'avocat. Le 7 juin 2006, il réitérait sa dénonciation en invoquant un grave conflit d'intérêts et des manœuvres dilatoires de mauvaise foi de son confrère. Le 26 juillet 2006, la commission du Barreau classera la dénonciation, aucune violation des règles applicables ne pouvait être reprochée à M. M______.

b. M. H______, membre de l'ODA jusqu'au 14 juin 2006, a sollicité successivement du Bâtonnier l'autorisation de procéder à des mesures conservatoires et à une réquisition de poursuite, en garantie de ses honoraires. Ces deux requêtes ont été refusées par le Bâtonnier, notamment au motif que M. H______ n'était pas au bénéfice d'une décision de la commission de taxation.

c Le 23 mai 2006, M. H______ a déposé plainte pénale à l'encontre de M. M______. Le 30 mai 2006, il a déposé une plainte pénale contre la commission du Barreau. Le 18 juillet 2006, il a déposé une autre plainte pénale contre M. M______, le président de la commission du Barreau et l'un des membres de ladite commission. Le 4 août 2006, il déposé un nouvelle plainte pénale pour abus d'autorité et entrave à l'action pénale à l'encontre de la commission du Barreau. Ces diverses plaintes seront classées par le Procureur général par ordonnance du 22 août 2006, contre laquelle M. H______ a renoncé à recourir.

8. Le 3 mars 2006, M. M______ a complété sa dénonciation à la commission du Barreau en produisant deux courriers datés des 27 février et 3 mars 2006 par lesquels M. H______ le tenait désormais responsable du paiement de ses honoraires et le mettait en demeure de les régler.

9. Le 13 mars 2006, dans sa réponse à la dénonciation, M. H______ a conclu au classement sans suite de la dénonciation. Le seul propos de M. M______ en déposant cette plainte était d'obtenir une réduction de la note d'honoraires sous la contrainte de procédures disciplinaires. Il concluait en outre à ce que M. M______ soit dénoncé au Procureur général et au Conseil supérieur de la magistrature.

10. Le 24 avril 2006, M. H______ a envoyé une dénonciation contre lui-même au président de la commission du Barreau en concluant à ce qu'elle soit classée sans suite pour les mêmes motifs que celle déposée par M. M______. Il joignait deux courriers des 18 et 20 avril 2006 adressés à son confrère et deux courriers des 19 et 21 avril 2006 envoyés à ses anciennes mandantes.

Dans les deux premiers courriers, il affirmait que M. M______ ne représentait plus les sociétés étrangères, sauf pour élection de domicile et partait du principe qu'il n'y avait pas d'objection à ce qu'il les contacte directement. Sans réponse de son confrère, il considérerait que le silence de ce dernier valait autorisation.

11. Le 11 mai 2006, la commission du Barreau a informé M. H______ de l'ouverture d'une instruction disciplinaire à son encontre. D'éventuels manquements professionnels pourraient lui être reprochés en relation avec l'article 12 lettres a et i de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), s'agissant de ses relations avec ses anciennes clientes.

12. Le 15 mai 2006, M. M______ a adressé par télécopie une demande de mesures provisionnelles au rapporteur de la commission du Barreau, demandant d'empêcher M. H______ de menacer sa partie adverse. Deux courriers adressés par M. H______ aux sociétés étrangères datant des 14 et 15 mai 2006 étaient joints.

13. Le 23 mai 2006, le bureau de la commission du Barreau a rendu une décision sur mesures provisionnelles, faisant interdiction à M. H______ de s'adresser directement à ses anciennes mandantes dans le cadre du litige relatif à sa note d'honoraires. Sur requête de l'intéressé, cette décision, qui ne comportait pas de voie de recours, indiquait qu'elle pouvait être soumise à la commission du Barreau, siégeant en séance plénière, sur demande de M. H______.

Le dossier illustrait clairement un processus de harcèlement direct initié par M. H______ à l'encontre d'anciennes mandantes aux fins d'obtenir le règlement de sa note d'honoraires.

14. Le 29 mai 2006, M. M______ a fait parvenir à la commission du Barreau copie d'un nouveau courrier électronique que M. H______ lui avait adressé avec copie à M. J______ et à CGST______ dans lequel il les informait avoir demandé le séquestre des dossiers.

15. Le 29 mai 2006, M. H______ s'est adressé à la commission du Barreau. Il s'étonnait de n'avoir pas été entendu avant que la décision du 23 mai 2006 ne soit prise. Son droit d'être entendu n'avait pas été respecté. Il exposait en outre son point de vue sur l'affaire, en annonçant qu'il le développerait de manière complète dans une écriture ultérieure.

16. Le 7 juin 2006, M. H______ a produit sa réponse à la commission du Barreau. Il requérait que l'ensemble du dossier soit soumis à la séance du 12 juin 2006 et concluait au classement de la dénonciation. Il était fondé à établir des contacts directs avec les sociétés étrangères compte tenu du grave conflit d'intérêts de M. M______ dans cette affaire. Pour cette raison, il demandait, soit l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre M. M______, soit la suspension de l'instruction jusqu'à droit connu sur la dénonciation pénale pour abus d'autorité et contrainte.

17. Le 16 juin 2006, M. M______ a dénoncé à nouveau son confrère à la commission du Barreau pour violation de la décision rendue le 23 mai 2006. Il a joint des courriers électroniques datés des 31 mai et 14, 15 et 16 juin 2006 envoyés par M. H______ à M. J______ et à CGST______.

18. Le 12 juillet 2006, la commission du Barreau a prononcé un blâme à l'encontre de M. H______ et fixé le délai de radiation à cinq ans. Elle a fait interdiction à M. H______ de s'adresser directement de quelque manière que ce soit aux sociétés étrangères dans le cadre du litige relatif à sa note d'honoraires du 26 juillet 2005, tant et aussi longtemps que les sociétés concernées avaient un domicile élu auprès d'un avocat inscrit à un registre professionnel.

Il ne se justifiait pas de suspendre l'instruction de la cause jusqu'à droit connu dans la procédure pénale initiée par M. H______.

Un litige relatif à la quotité des honoraires devait être soumis à la commission de taxation conformément aux articles 34 et suivants de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10). M. H______ retardait clairement la saisine de l'autorité compétente optant pour une stratégie axée sur la valeur de nuisance que pouvait représenter le harcèlement systématique des ses anciens mandants. En adressant de nombreux courriers électroniques, parfois menaçants, à M. J______, l'avocat dénoncé avait adopté une conduite inconvenante et indigne de la profession, tout en faisant fi des règles professionnelles. Il avait clairement voulu exercer sur ses anciennes mandantes des pressions aux fins d'obtenir un règlement immédiat de sa note d'honoraires dont la quotité était contestée. En revanche, aucun reproche ne pouvait être retenu sous l'angle du devoir d'information imposé par l'article 12 lettre i LLCA. Il avait présenté les principes de facturation au cabinet CGST______ tout en laissant ouverte une sensible marge d'appréciation.

Bien que M. H______ n'ait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire, l'avertissement ne pouvait être prononcé au vu de la répétition systématique des démarches de harcèlement malgré l'intervention du Bâtonnier et les mesures provisionnelles prononcées.

19. Par acte du 16 août 2006, reçu le 18 août 2006, M. H______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission du Barreau du 12 juillet 2006, reçue le 17 juillet 2006.

Il conclut principalement à l'annulation de la décision ainsi qu'à celle de la décision sur mesures provisionnelles du 23 mai 2006.

La commission du Barreau aurait dû lui offrir l'opportunité de déposer des déterminations complètes suite à sa décision de non suspension jusqu'à droit connu sur l'aspect pénal. Il n'avait pas eu l'occasion de prendre des conclusions formelles tendant à la récusation de l'un ou l'autre des membres. Le président et le rapporteur de la commission du Barreau, mis en cause dans la cadre de la procédure pénale, ne pouvaient en outre participer au prononcé de la décision du 12 juillet 2006, dès lors qu'ils avaient statué sur mesures provisionnelles.

Il invoquait également une violation de son droit d'être entendu. Les deux décisions avaient été prises sur la base de pièces qui lui avaient été cachées.

La décision violait le principe de l'interdiction de l'arbitraire car aucune jurisprudence relative à la LLCA ne permettait de fonder une éventuelle sanction pour des contacts directs de l'avocat avec des anciens mandants. En outre, les griefs qu'il avait soulevés à l'encontre de M. M______ permettaient de fonder une exception à l'interdiction de communiquer directement avec la partie adverse. Cet aspect fondamental du litige n'avait pas été examiné par la commission du Barreau.

20. Le 24 octobre 2006, la commission du Barreau s'est déterminée sur le recours de M. H______.

La procédure qu'elle avait suivie était conforme aux règles en vigueur. L'avocat dénoncé avait été amené à faire part de ses observations et avait été informé de l'ouverture formelle d'une instruction disciplinaire visant une possible violation de l'article 12 lettres a et i LLCA. Il avait eu l'occasion de se déterminer à ce sujet, ce qu'il n'avait pas manqué de faire.

En raison de l'urgence, l'avocat dénoncé n'avait effectivement pas été invité à se déterminer avant la décision sur mesures provisionnelles, mais il avait eu la possibilité de demander à la commission du Barreau de rapporter la mesure.

M. H______ avait largement fait usage de son droit d'être entendu en produisant plusieurs écritures et pièces.

Le recourant invoquait à tort une instruction à charge sur la base de pièces cachées. Le dénonciateur avait transmis une télécopie consistant en copies des propres courriers électroniques de l'avocat dénoncé directement à l'étude du rapporteur de la commission du Barreau. Il était dès lors possible que toutes les pièces ne figuraient pas dans le dossier du greffe de la commission du Barreau, le jour où M. H______ l'avait consulté. Les membres de la commission du Barreau étaient amenés à traiter les affaires qui leur étaient confiées en d'autres lieux qu'au greffe de la commission du Barreau.

La plainte pénale déposée par M. H______ à l'encontre de certains membres de la commission du Barreau au lendemain de la notification de la décision rendue sur mesures provisionnelles ne justifiait pas une récusation des membres du bureau, les accusations portées étant, à l'évidence, infondées.

EN DROIT

1. Le recours déposé le 18 août 2006 est dirigé tant contre la décision sur mesures provisionnelles du 23 mai 2006 que contre la décision du 12 juillet 2006, de la commission du Barreau.

a. A supposer que la décision sur mesures provisionnelles du 23 mai 2006 soit susceptible de recours, ce dernier, déposé après le délai fixé dans la loi, est irrecevable (art. 50 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10 ; art. 63 al. 1 litt. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. En tant qu'il concerne la décision rendue le 12 juillet 2006, le recours, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, est recevable (art. 50 LPAv ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a LPA).

2. Le recourant fait grief à la commission du Barreau de n'avoir pas suspendu l'instruction du dossier jusqu'à droit jugé dans les procédures pénales qu'il a initiées.

A teneur de l’article 14 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature pénale, relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant cette autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée. Ainsi que cela ressort du texte même de la disposition, la décision de suspension n’est qu’une faculté dont dispose l’autorité administrative compétente.

En l'espèce, la commission du Barreau a usé à bon droit de cette faculté en l'absence de question préjudicielle. La question litigieuse, soit la prétendue violation de l'interdiction de communiquer directement avec la partie adverse représentée par avocat, ne dépendait aucunement de l'issue des procédures pénales.

3. Le recourant se plaint de la procédure suivie par la commission du Barreau qui ne lui aurait pas permis de demander la récusation de l'un ou l'autre des membres après que la décision de non-suspension jusqu'à droit connu sur l'aspect pénal ait été prise.

L'article 29 alinéa 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement. Selon la jurisprudence, ce droit permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative ou d'une juridiction administrative dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. (ATF 2P.164/2006 du 8 janvier 2007 consid. 3.1 et les arrêts cités).

La LPAv prévoit que la commission du Barreau statue sur les demandes de récusation par décision non susceptible de recours (art. 18 LPAv).

Conformément au principe de la bonne foi, il appartient aux parties de faire valoir sans délai, sous peine de péremption, les motifs de récusation. Une demande de récusation tardive apparaît en effet abusive lorsque son auteur laisse la procédure suivre son cours et invoque après coup des moyens dont il connaissait l'existence (ATF 2P.164/2006 déjà cité et les références).

En l'espèce, le recourant a été informé le 11 mai 2006 par la commission du Barreau de l'ouverture d'une instruction disciplinaire à son encontre portant sur ses relations avec ses anciens clients. Une décision sur mesures provisionnelles a été rendue le 23 mai 2006 par le bureau de la commission du Barreau. Il a déposé une plainte pénale à l'encontre de certains membres de la commission du Barreau le 30 mai 2006. Dans ses écritures ultérieures, le recourant n'a pas demandé la récusation de l'un ou l'autre membre de la commission du Barreau mais "la suspension de l'instruction de la procédure, y compris pour les questions de récusation éventuelle".

Il apparaît dès lors que le recourant n'a jamais déposé une demande formelle de récusation d'aucun membre de la commission du Barreau. Il ne peut dès lors faire grief à cette dernière de ne pas avoir statué sur une quelconque récusation.

4. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu. La décision aurait été rendue sur la base de pièces qu'il n'aurait pas pu consulter. Il s'agit de deux courriers du dénonciateur adressés à la commission du Barreau, datés des 29 mai et 16 juin 2006, dont il n'aurait eu connaissance que le 14 août 2006.

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l’amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004 consid. 6 ; 1P.24/2001 du 30 janvier 2001 consid. 3a et les arrêts cités ; ATA/292/2004 du 6 avril 2004).

La décision incriminée fait état de quatorze courriers électroniques envoyés par le recourant lui-même, à ses anciennes clientes. La sanction contestée est motivée uniquement par la violation de l'interdiction faite aux avocats d'entrer directement en contact avec une partie adverse représentée par un confrère, sauf accord de ce dernier ou exception fondée. Les pièces invoquées par le recourant sont une collection de ses propres courriers électroniques transmise par le dénonciateur à la commission du Barreau.

Il est possible, comme le soutient le recourant, que lors de la consultation du dossier au greffe de la commission du Barreau, l'une ou l'autre de ces pièces, ayant finalement fondé la décision, ne figurait pas au dossier. La commission du Barreau a exposé les raisons qui auraient pu expliquer cette absence momentanée. Néanmoins, même si ce fait est regrettable, il n'en résulte pas une violation du droit d'être entendu du recourant, vu les circonstances du cas d'espèce. En effet, s'agissant de copies de courriers rédigés et envoyés par le recourant lui-même à ses anciennes clientes, il apparaît même abusif d'affirmer méconnaître leur existence et le fait qu'elles pouvaient être jointes à la dénonciation.

5. Finalement, le recourant estime la décision infondée et arbitraire. Les contacts directs avec sa partie adverse étaient justifiés.

. a. La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) définit les règles professionnelles applicables aux avocats dans sa section 3, intitulée "Règles professionnelles et surveillance disciplinaire". Elle énumère de manière exhaustive les règles auxquelles sont soumis les avocats (voir Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 28 avril 1999 [ci-après : Message], FF 1999 VI p. 5331 ss, spéc. p. 5372/5373). En la matière, il n’y a donc plus de place pour le droit cantonal : les cantons ne peuvent prévoir d’autres règles professionnelles ni d’autres sanctions. Le législateur a ainsi voulu clairement délimiter les règles professionnelles des règles déontologiques et ce pour l’ensemble de la Suisse, de manière à faciliter la libre circulation des avocats (Message, p. 5368).

b. Les règles déontologiques conservent une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent aider à interpréter et à préciser les règles professionnelles. Elles ne sauraient toutefois servir de référence que si elles expriment une opinion largement répandue au plan national et ne peuvent, en tant que telles, fonder des sanctions disciplinaires au sens de la loi fédérale sur les avocats. Les dispositions de la LLCA doivent d’abord chercher à s’appliquer de manière autonome. La formulation ouverte de l’article 12 lettre a LLCA ne doit pas conduire à ce que des coutumes et usages d’un des ordres cantonaux deviennent partie intégrante des obligations auxquelles se soumet l’ensemble de la profession ; il ne se justifie pas non plus d’admettre d’emblée une limitation du champ d’application de l’article 12 lettre a LLCA (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.194/2004 du 23 mars 2005 consid. 3.2 ; ATF 130 II 270 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, consid. 5.3 ; ATA/404/2006 du 26 juillet 2006).

c. Selon l’article 12 lettre a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition régit également les rapports des avocats entre eux : le fait que l’avocat observe certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public est en effet nécessaire à une bonne administration de la justice et présente également un intérêt public (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.191/2003 du 22 janvier 2004 consid. 5 ; I. MEIR, Bundesanwaltsgesetz : Probleme in der Praxis, Plädoyer 5/2000 p. 33 ; voir aussi FF précitée, p. 3568 in fine). Il faut relever qu'en l'espèce, le recourant bien qu'ayant agi à titre personnel en vue de recouvrer des honoraires, l'a fait dans l'exercice de sa profession et non pas dans un cadre privé pour lequel l'application des règles professionnelles peut être soumise à d'autres exigences.

d. Pour un avocat, l'interdiction de contacter directement une partie adverse représentée par un confrère, sans l'accord de ce dernier, découle de l'obligation d'exercer sa profession avec soin et diligence (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.156/2006 et 2A.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.1). Cette interdiction préexistait à l'adoption de la LLCA s'agissant des avocats genevois dans les Us et coutumes de l'ODA (art. 10 Us et coutumes ODA). Sur le plan suisse, elle figure dans le code suisse de déontologie édicté par la Fédération suisse des avocats le 10 juin 2005 (art. 28 code de déontologie).

Des exceptions sont envisageables. Lorsqu'un contact direct avec la partie adverse s'avère nécessaire malgré l'interdiction de principe, il ne constitue alors pas une violation des règles professionnelles ; c'est ce que prévoit l'article 28 du code de déontologie en parlant "d'exception fondée". Selon le Tribunal fédéral, c'est le cas lorsque l'urgence empêche de contacter l'avocat de la partie adverse à temps ou lorsque la partie adverse contacte elle-même l'avocat et qu'il s'avère difficile d'éviter ce contact (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.156/2006 et 2A.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.2).

En l'espèce, l'on ne se trouve dans aucun de ces cas de figure. La partie adverse n'a de surcroît jamais répondu aux nombreux courriers du recourant. Ce dernier invoque un conflit d'intérêts qu'aurait son confrère pour se justifier d'avoir contacté directement ses anciennes clientes. Or, la commission du Barreau a estimé que le confrère n'avait commis aucune des violations dénoncées par le recourant. L'exception avancée par le recourant est donc inexistante et il ne se justifie pas d'examiner plus avant si elle pourrait fonder une nécessité de communiquer directement avec la partie adverse. Il suffit de relever que la dénonciation du conflit d'intérêts de son confrère, faite par le recourant, aurait dû, pour le moins, précéder ses nombreuses communications directes avec ses anciennes mandantes, pour pouvoir constituer éventuellement une exception fondée, puisqu'il n'existait aucune urgence au sens de la jurisprudence évoquée ci-dessus.

Une violation claire et réitérée des règles professionnelles a donc été commise par le recourant.

6. Reste à examiner la mesure prononcée par la commission du Barreau.

a. Selon l’article 17 alinéa 1 LLCA, en cas de violation de la loi, l’autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : l’avertissement, le blâme, une amende de CHF 20’000.- au plus, l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l’interdiction définitive de pratiquer. L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (al. 2). L’article 20 alinéa 1 LLCA précise que l’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé.

b. La commission du Barreau statue sur tout manquement aux devoirs professionnels. Si un tel manquement est constaté, elle peut, suivant la gravité du cas, prononcer un avertissement, le blâme, la suspension pour un an ou plus ou la destitution. L’amende jusqu’à CHF 20'000.- peut être prononcée ; elle peut être cumulée avec une autre sanction (…) (art. 49 al. 1 LPAv).

Pour fixer la sanction, l'autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant d'éléments objectifs - telle l'atteinte objectivement portée à l'intérêt public - que de facteurs subjectifs, comme par exemple les motifs qui ont poussé l'intéressé à violer ses obligations.

En matière de sanctions administratives, les autorités intimées jouissent en général d'un large pouvoir d'appréciation et le Tribunal administratif ne censure ainsi les prononcés administratifs qu'en cas d'excès (ATA /570/2003 du 23 juillet 2003).

Compte tenu du caractère répétitif de la violation de ses obligations professionnelles, malgré les demandes répétées de son confrère de cesser d'importuner ses mandantes ainsi que du non-respect de l'injonction de la commission du Barreau, le prononcé d'un blâme assorti d'un délai de radiation de cinq ans, prononcé par la commission intimée à l'encontre du recourant, apparaît comme proportionné, le recourant n'ayant pas d'antécédents et exempt de tout reproche. Le recours doit dès lors être rejeté.

7. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure arrêtés en l'espèce à CHF 2'000.- (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 août 2006 par M. H______ en tant qu'il concerne la décision sur mesures provisionnelles de la commission du Barreau du 23 mai 2006 ;

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2006 par M. H______ en tant qu'il est dirigé contre la décision de la commission du Barreau du 12 juillet 2006 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. H______ ainsi qu'à la commission du Barreau.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :