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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/981/2015

ATA/407/2017 du 11.04.2017 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; CLASSE DE TRAITEMENT ; QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPA.60.al1 ; LPA.18 ; Cst.29.al2 ; LPA.69 ; LPA.61 ; LPA.4.al4 ; Cst.29.al1 ; LTrait.4 ; LTrait.5 ; LTrait.6 ; Rtrait.2 ; RComEF.1.al1 ; RComEF.4 ; RComEF.5 ; RComEF.11.al1 ; RComEF.11.al4 ; fiche N° 02.01.01 du MIOPE mise à jour le 15 juillet 2013
Résumé : Le Conseil d'État a commis un déni de justice en refusant d'entrer en matière sur la demande de réévaluation de fonction formulée par six professeurs d'éducation physique du niveau secondaire. Le projet de révision du système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale n'a toujours pas abouti, alors que les réévaluations sont gelées depuis le 7 décembre 2010, soit il y a plus de six ans, et que ce projet était censé entrer en vigueur le 1er janvier 2013. De plus, l'évaluation en question a dû être effectuée ou être en cours dans le cadre de cette révision. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/981/2015-FPUBL ATA/407/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 avril 2017

 

dans la cause

 

M. A______
M. B______
M. C______
M. D______
M. E______
M. F______
représentés par Me Christian Dandrès, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1. MM. A______, B______, C______, E______ et F______ sont enseignants d'éducation physique au sein du département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP ou le département) au niveau secondaire. M. D______ l'était également jusqu'au 31 août 2016.

2. Le 27 juin 2014, sous la plume de leur conseil, MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ ont écrit à la conseillère d’État en charge du DIP.

Ils faisaient grief au Conseil d’État de ne pas accepter de revoir la classe de traitement attribuée à la fonction qu'ils occupaient, soit la classe 17, ce en violation du principe de l'égalité de traitement. L'activité qu'ils exerçaient devait être traitée de la même manière que celle de maître d'enseignement généraliste.

Ils demandaient donc que le Conseil d’État statue sur leur droit à bénéficier d'un traitement identique à celui prévu pour les fonctions colloquées en classe 20 de l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève.

L'argumentation soutenant cette demande avait été développée, par le passé, dans les échanges de vues intervenues avec le DIP, notamment la question de la bi-disciplinarité. De plus, l'introduction du plan d'études romand (ci-après : PER) notamment, les exigences que les maîtres d'éducation physique devaient remplir et les prérequis imposés par l'État de Genève commandaient une réévaluation de leur fonction. Cette réévaluation serait à même, si le Conseil d’État ne devait pas considérer que la situation actuelle violait le principe de l'égalité de traitement, de tenir compte des évolutions intervenues ces dernières années.

Le prédécesseur de la conseillère d’État en charge du DIP avait refusé d'ouvrir une procédure de réévaluation de la fonction, en se référant à la teneur d'un arrêté du Conseil d’État. Si cette autorité entendait se prévaloir de cet arrêté, il convenait de le leur transmettre et de leur indiquer la base légale qui le fondait.

3. Le 8 décembre 2014, MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ ont précisé à la conseillère d’État en charge du département que nonobstant son arrêté, le Conseil d’État avait, en 2011, accepté d'octroyer une majoration de salaire aux aides-soignants des Hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG). Ce précédent devait s'appliquer à leur situation, dans la mesure où le PER avait été adopté avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil d’État.

4. Par décisions séparées du 18 février 2015, le Conseil d’État a refusé d'entrer en matière pour une réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique du DIP.

Depuis octobre 2012, de nombreux échanges avaient eu lieu entre les maîtres d'éducation physique et le DIP sous forme de courriers adressés à la direction du département et de séances de travail. Les maîtres d'éducation physique avaient été reçus à plusieurs reprises par les conseillers d’État en charge du département qui s'étaient succédés et ils avaient eu la possibilité de faire valoir leur point de vue.

Le Conseil d’État avait décidé de revoir le système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale en raison de son inadéquation par rapport à l'évolution des métiers. Cet important projet nommé Système Compétences Rémunération Évaluation (ci-après : SCORE) était prévu pour une entrée en vigueur au plus tard au 1er janvier 2017. Pendant les travaux, les réévaluations collectives et/ou sectorielles avaient été bloquées par décision du 7 décembre 2010.

Or, la demande de modifier la classe de traitement, soit le passage de la classe 17 à la classe 20 correspondait précisément à une réévaluation collective.

Le Conseil d’État était effectivement entré en matière concernant les
aides-soignants des HUG, car la demande formelle de réévaluation de fonction avait été déposée le 10 novembre 2009, avant sa décision de ne procéder, notamment, à aucune réévaluation collective des fonctions.

Le Conseil d’État était sensible au fait que l'évaluation de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique datait de 1975 et que les requis de formation ainsi que les exigences globales de la fonction en lien avec l'introduction du PER avaient été modifiées. Ces éléments avaient d'ailleurs été pris en considération dans le cadre des travaux liés au dossier SCORE. Dès lors, afin d'assurer une égalité de traitement, le Conseil d’État avait décidé de ne pas entrer en matière.

La motivation des décisions était identique.

5. Par acte du 23 mars 2015, MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant préalablement, à ce qu'ils soient autorisés à compléter leur recours dans l'hypothèse où la chambre administrative devait s'estimer apte à examiner la question de l'inégalité de traitement entre la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique et celle des autres maîtres de l'enseignement général tel notamment que l'enseignement de la musique et du dessin, principalement à leur annulation, ceci fait, à ce qu'il soit ordonné au Conseil d’État de colloquer la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique en classe 20, et dès lors de leur verser un salaire équivalent à cette classe de fonction, en tenant compte de leurs anciennetés respectives au sein de la fonction publique genevoise, subsidiairement, à l'annulation des décisions attaquées et au renvoi au Conseil d’État en lui ordonnant d'ouvrir la procédure de réévaluation de fonction en vue de l'obtention d'un traitement équivalent à la classe 20 pour les maîtres d'éducation physique et pour eux, « sous suite de dépens ».

Dès le 25 juin 2012, les maîtres d'éducation physique avaient entrepris des démarches pour obtenir du DIP que leur fonction, colloquée en classe 17, soit dans la même échelle de traitement du personnel de l’État de Genève que celle de maître de l'enseignement général, soit la classe 20. Se fondant sur le principe de l'égalité de traitement, ils avaient relevé que la formation minimale requise pour accéder à la formation de maître d'éducation physique était au moins aussi longue et chargée que celle du maître d'enseignement général. De plus, les caractéristiques de leur métier avaient évolué, en particulier celles concernant l'évaluation des élèves. Ils avaient également remis au Conseil d’État, par courriel du 17 juin 2013, un descriptif complet de leurs tâches et des exigences de la fonction du 10 juin 2013 non signé.

Par courrier du 10 juillet 2013, le conseiller d’État en charge du DIP de l'époque avait répondu qu'il soutenait le positionnement de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique du secondaire avec les titres pour un enseignement
bi-disciplinaire, dans le même niveau SCORE que la fonction de maître et maîtresse d'enseignement du secondaire titulaire des mêmes titres. Il avait ainsi constaté que la situation qui prévalait alors et qui demeurait encore était contraire au principe de l'égalité de traitement.

Dans son courrier du 16 mai 2014, la conseillère d’État en charge du département avait précisé qu'elle était particulièrement sensible à la demande expresse de reconnaissance du Master dont étaient titulaires les nouveaux enseignants depuis plusieurs années, sans que cela soit reconnu dans la définition en vigueur du métier d'enseignant d'éducation physique par l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE).

MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ et les personnes qui exerçaient la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique et qui avaient été engagées depuis une dizaine d'années devaient respecter le PER et disposer de la capacité d'enseigner une autre discipline, en sus de l'éducation physique (bi-disciplinarité). C'était donc à juste titre que le département avait reconnu que les maîtres d'éducation physique faisaient l'objet d'une inégalité de traitement par rapport aux maîtres de l'enseignement général et que cette évolution commandait une réévaluation de fonction. Toutefois, le département avait estimé que cette situation contraire au droit ne pouvait pas être corrigée avant l'entrée en vigueur du projet SCORE.

Le Conseil d’État n'avait pas statué sur la demande tendant à faire constater, par voie de décision, que les maîtres d'éducation physique, dont les intéressés, exerçaient une fonction présentant les mêmes caractéristiques essentielles que celle de maître de l'enseignement général, notamment maître de musique et de dessin. La chambre administrative devait ordonner au Conseil d’État de se prononcer sur ce point, soit sur le grief de la violation du principe de l'égalité de traitement.

Les trois conditions pour que l'État puisse prendre des mesures conservatoires ou provisionnelles et ainsi suspendre l'application du droit en vigueur pour anticiper l'adoption d'une norme en cours d'élaboration n'étaient pas réunies. En effet, le refus de réévaluer la fonction exercée par les intéressés ne reposait sur aucune base légale. Les décisions querellées mentionnaient qu'elles avaient été prises en application de l'arrêté du Conseil d’État du 7 décembre 2010. Cet arrêté ne pouvait pas être qualifié de base légale, dans la mesure où il émanait de l'Exécutif et non du Grand Conseil et qu'il n'était pas susceptible de faire l'objet d'un référendum. De plus, l'octroi de la classification de fonction sollicitée ne menaçait en rien les processus d'élaboration, d'adoption et de mise en œuvre de la nouvelle grille des salaires et du nouveau système d'évaluation SCORE. En outre, SCORE devrait veiller au respect du principe de l'égalité de traitement et prendrait en considération, pour l'évaluation de la fonction, le critère de la formation. Les décisions querellées ne reposaient dès lors sur aucun motif sérieux et apparaissaient arbitraires. Enfin, la mesure conservatoire invoquée par le Conseil d’État reposait sur un arrêté vieux de quatre ans et compte tenu de la complexité de SCORE, de son importance politique, de futures négociations, d'un vraisemblable référendum et de recours fonction par fonction, la loi instaurant SCORE n'entrerait pas en vigueur avant plusieurs années, période durant laquelle les intéressés et les maîtres d'éducation physique continueraient à subir une situation contraire au droit. La mesure provisionnelle décidée par le Conseil d’État revêtait ainsi un caractère durable et, partant, n'était pas admissible.

Ils ont produit notamment le PER « Aperçus des contenus cycle 2 » de juin 2012, le courrier d'un collectif d'enseignants d'éducation physique de l'enseignement secondaire adressé le 25 juin 2012 au conseiller d’État en charge du département à l'époque, le descriptif complet de leurs tâches et des exigences de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique du 10 juin 2013, la réponse du conseiller d’État en charge du DIP à l'époque datée du 10 juillet 2013, un courrier de la conseillère d’État en charge du département du 16 mai 2014 et la réponse du Conseil d’État à la question écrite urgente d'une députée du Grand Conseil portant sur la transparence de SCORE du 11 mars 2015.

6. Le 29 mai 2015, le département, au nom du Conseil d’État, a conclu à l'irrecevabilité des recours de MM. A______, B______ et F______ et au rejet des recours de MM. C______, D______ et E______, « sous suite de frais ».

Depuis plusieurs années, MM. A______, B______ et F______ occupaient une fonction de maître et maîtresse d'enseignement général, colloquée en classe 20 et non en classe 17 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève, et ce pour l'ensemble de leurs taux d'activité. M. A______ était maître d'enseignement général depuis le 1er septembre 2010, après avoir obtenu, le 5 juillet 2010, le titre universitaire lui permettant d'enseigner l'histoire comme seconde discipline. M. B______ occupait une fonction de maître et maîtresse d'enseignement général depuis le 1er septembre 2000. Il avait obtenu le titre universitaire requis pour enseigner la géographie le 30 juin 1997. Du 1er septembre 1997 au 31 août 2000, il avait exercé deux fonctions considérées comme étant distinctes, soit maître d'éducation physique et maître d'enseignement général, ceci au prorata de l'enseignement effectué dans ces deux disciplines. À partir du 1er septembre 2000, il avait bénéficié d'un traitement fixé en classe 20 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève pour l'ensemble de son enseignement. M. F______ était maître d'enseignement général depuis le 1er septembre 2012, suite à l'obtention, le 22 juin 2012, du titre universitaire nécessaire pour enseigner une deuxième discipline, à savoir l'histoire. Ils n'avaient donc aucun intérêt propre, actuel et pratique à faire trancher le présent contentieux. Leurs recours devaient ainsi être déclarés irrecevables.

S'agissant de la rétribution des enseignants, la jurisprudence fédérale avait retenu comme critères objectifs de distinction : la formation nécessaire à l'activité de l'enseignement, le genre d'école, le nombre d'heures d'enseignement, la grandeur des classes, ainsi que la responsabilité découlant de cette activité. Le Tribunal fédéral n'avait pas jugé contraire à la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) la décision des autorités neuchâteloises d'octroyer une rétribution inférieure pour les maîtres d'éducation physique par rapport aux enseignants d'autres branches, car cette distinction était fondée sur l'étendue du temps de travail liée au cahier des charges. Il s'était également déterminé sur l'ampleur acceptable de la différence de salaire à l'intérieur de différentes catégories du corps enseignant.

Bien que les maîtres d'éducation physique genevois fassent des préparations écrites de leurs cours, ainsi que des fiches sur chaque élève, en règle générale, ils ne faisaient pas systématiquement des corrections de travaux écrits de la même ampleur que celles opérées par les maîtres généralistes enseignant par exemple le français ou les mathématiques, qui occupaient une fonction en classe 20. Il existait bel et bien une différence objective concernant la correction des travaux, soit des heures hors enseignement, entre ces deux catégories de maîtres. Ladite différenciation était à même de fonder une différence de rétribution, même en cas de similarité des titres requis pour l'exercice des professions en cause.

De plus, l'ampleur de la différence de salaire pour un emploi à plein temps entre une fonction colloquée en classe 20, annuité 0, et celle colloquée en classe 17, annuité 0, était de l'ordre de 14,12 % environ. En effet, le salaire annuel brut correspondant à la classe 20, annuité 0, était de CHF 105'938.-, et celui correspondant à la classe 17, annuité 0, de CHF 92'832.- en 2015.

L'évaluation de l'évolution de la profession de maître d'éducation physique ne pouvait se faire que de manière approfondie, en tenant compte de l'ensemble du système de rémunération des fonctions de l'État, ceci afin d'éviter de créer de nouvelles inégalités. Un tel travail s'effectuait actuellement dans le cadre du projet SCORE. Afin de pouvoir mener à bien ce travail, le Conseil d'État avait décidé de bloquer les réévaluations collectives ou sectorielles par décision du 7 décembre 2010.

Compte tenu de la différence existant entre les maîtres d'éducation physique et les maîtres généralistes relative à la correction des travaux écrits, de l'ampleur d'environ 14,12 % de la différence de salaire en cause, et du large pouvoir d'appréciation dont disposait le Conseil d'État en matière de rétribution des enseignants, celui-ci avait considéré que les intéressés n'avaient pas démontré dans quelle mesure la différence de traitement dont il était question ne resterait pas dans les limites acceptables du pouvoir d'appréciation lui étant reconnu. Partant, la nécessité de réévaluer la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique en dépit de la décision de bloquer les réévaluations collectives ou sectorielles, dans le dessein de mener à bien le projet SCORE et ne pas créer de nouvelles inégalités, ne s'était pas imposée de manière impérieuse.

Le Conseil d'État contestait pour le surplus avoir fait application du principe de l'effet anticipé négatif d'une norme ou d'avoir pris des mesures conservatoires, in casu. L'application du droit en vigueur n'avait nullement été suspendue. Au contraire, le Conseil d'État avait seulement fait usage du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaissait le droit actuellement en vigueur, en matière de traitement des fonctionnaires. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, il avait accordé une portée prépondérante au bon déroulement du projet SCORE par rapport à l'intérêt des intéressés à voir leur fonction immédiatement réévaluée, en tenant compte de tous ces éléments.

Le Conseil d'État a produit notamment les historiques des traitements de MM. A______, B______ et F______, la directive concernant les maîtres secondaires exerçant des fonctions classées différemment, maîtres exerçant en catégories mixtes du 11 novembre 2006 (ci-après : la directive du 11 novembre 2006), le protocole d'accord « DIP-UNI » relatif à la certification d'une 2ème compétence dans le cadre de l'orientation enseignement secondaire, deux courriers du conseiller d'État en charge du département à l'époque des 25 juillet 2012 et 2 août 2013 et un courrier du directeur général de l'OPE du 3 octobre 2013.

7. Le 22 juillet 2015, le Conseil d'État et les associations représentatives du personnel ont signé un protocole relatif au processus visant un nouveau système de rémunération (ci-après : le protocole du 22 juillet 2015, consultable sur le site : http://ge.ch/etat-employeur/actualites/projet-score-systeme-competence-remuneration-evaluation).

Ledit protocole avait pour but de créer un partenariat de travail avec les associations représentatives du personnel pour « contrôler, ajuster et stabiliser le classement relatif de l’évaluation des postes entre eux selon la méthode SCORE, ajuster la courbe salariale » et « prévoir la maintenance et le suivi après la mise en place du nouveau système ».

8. Le 24 août 2015, MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ ont relevé qu'ils avaient tous un intérêt à faire examiner la question qui était soumise à la chambre administrative. MM. A______, B______ et F______ bénéficiaient du traitement découlant de la classe 20 par le truchement de la directive du 11 novembre 2006. Ils consacraient en effet plus de la moitié de leur taux d'activité à l'enseignement d'une autre discipline que l'éducation physique. Toutefois, la dotation horaire et dès lors la rémunération dépendaient du bon vouloir du chef d'établissement et non de la volonté des intéressés et pouvait donc varier d'année en année. Ils étaient tous concernés par la suite que la chambre administrative donnerait à la procédure. Ils étaient dans un rapport spécial avec la cause, puisqu'elle concernait leur traitement mensuel.

In concreto, le DIP n'engageait pas de maîtres d'éducation physique qui ne jouissaient pas de la bi-disciplinarité. En effet, le titulaire d'un baccalauréat en science du sport et de l'éducation physique disposait nécessairement d'une formation dans une autre discipline, puisque ce titre universitaire exigeait cent quatre-vingts crédits ECTS et que la majeure en science du sport ne comptait que pour cent vingt crédits ECTS. Un complément de soixante crédits ECTS était donc obligatoirement requis dans une autre formation. Par ailleurs, le département abordait la situation des maîtres d'éducation physique dans une perspective
bi-disciplinaire, puisque la directive du 11 novembre 2006 prévoyait qu'un maître d'éducation physique serait rémunéré en classe 17 pour l'intégralité des tâches effectuées s'il consacrait plus de la moitié de son temps de travail à l'éducation physique.

Le Conseil d'État n'avait pas examiné la question de l'égalité de traitement dans les décisions querellées, se bornant à refuser d'entrer en matière en invoquant l'arrêté du 7 décembre 2010 pour refuser toute réévaluation de fonction. Il était dès lors surprenant que le DIP procédât à une comparaison des tâches respectives des maîtres d'éducation physique avec celles des enseignants de mathématiques ou de français. Il convenait dès lors de renvoyer la cause au Conseil d'État pour qu'il statue sur ce grief.

Toutefois, si la chambre administrative devait souhaiter examiner elle-même ce grief, il fallait prendre en considération que le PER en vigueur depuis 2012 avait eu un effet sur la manière dont les maîtres d'éducation physique devaient effectuer leurs tâches. La coordination des objectifs d'enseignement déterminait la manière dont le maître d'éducation physique devait exercer sa tâche et celle-ci était désormais similaire à celle d'un autre maître d'enseignement. Ainsi, rien ne justifiait désormais, ni sous l'angle de la formation, ni sous l'angle de la préparation des cours et de l'évaluation des élèves, de conserver un traitement différent. Les affirmations du DIP n'étaient pas étayées puisqu'il considérait que « (…) l'évaluation de l'évolution de la profession de maître d'éducation physique ne p[ouvait] se faire que de manière approfondie, en tenant compte de l'ensemble du système de rémunération des fonctions de l'État ». Or, cela avait été effectué dans le cadre du projet SCORE. Ainsi, le Conseil d'État pourrait utiliser le résultat de l'évaluation faite de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique dans le cadre du projet SCORE pour la colloquer dans la grille actuelle de traitement de l'État, toujours en vigueur, et qui le serait, selon les annonces faites, durant encore trois ans au moins. De plus, l'intimé n'indiquait pas en quoi, en procédant immédiatement à l'examen de la demande de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d'éducation physique, le Conseil d'État serait empêché de mener à bien le travail d'élaboration du projet SCORE. Celui-ci reposait sur une autre grille d'évaluation que le système actuel, et prenait en considération d'autres critères. Ainsi, si le Conseil d'État décidait, sous l'empire du système actuel d'évaluation des fonctions, que la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique était mal colloquées, cette constatation n'aurait aucune conséquence sur la manière dont leur travail serait apprécié au regard du projet SCORE. Le DIP avait d'ores et déjà reconnu que les demandes des maîtres d'éducation physique étaient légitimes et que le projet SCORE aboutirait à leur garantir le respect du principe de l'égalité de traitement dont ils étaient en droit de disposer.

Si la chambre administrative devait souhaiter procéder elle-même à l'examen du principe de l'égalité de traitement, il conviendrait qu'elle autorise les intéressés à compléter leur recours spécifiquement sur ce point, et qu'elle ordonne l'audition des intéressés et l'interrogatoire de témoins, la production par le Conseil d'État du résultat de l'évaluation de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique faite dans le cadre du projet SCORE, et « les mêmes constatations qui [avaient] été faites pour les maîtres de dessin et de musique ».

Les constatations faites dans le cadre de la procédure neuchâteloise invoquée par le département et qui avait fait l'objet d'un arrêt du Tribunal fédéral différaient de la situation des intéressés, ne serait-ce que par l'entrée en vigueur du PER qui n'existait alors pas. Les juges fédéraux avaient fondé leur raisonnement sur une appréciation faite par les autorités cantonales qui n'était pas applicable au cas d'espèce. Il convenait dès lors de procéder au même examen pour les maîtres d'éducation physique genevois.

9. Le 31 janvier 2017, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Le DIP a conclu à l'irrecevabilité du recours en tant qu'il avait été interjeté par M. D______, étant donné que depuis le 31 août 2016, il ne faisait plus partie du personnel enseignant du DIP. Il n'avait ainsi plus d'intérêt actuel au recours.

Le département espérait que le projet de loi SCORE ferait l'objet d'un large consensus lors des discussions devant le Grand Conseil, notamment avec les partenaires sociaux, et qu'un référendum pourrait être évité.

b. Le représentant de M. D______ n'a pas contesté le fait que son mandant n'était plus membre du personnel enseignant.

De par son expérience, il était théoriquement envisageable que le projet de loi puisse être adopté par le Grand Conseil en novembre 2017, mais il y avait peu de chance que cela se réalise dans ce laps de temps, vu la complexité et l'ampleur des enjeux de ce projet.

c. Selon l'OPE qui représentait le Conseil d’État, le projet de loi concernant les traitements qui remplacerait l'actuelle loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), établi par l'OPE, allait être présenté par le département des finances au Conseil d'État le
22 février 2017. Le projet serait alors traité par le Conseil d'État, qui le transmettrait ensuite au Grand Conseil pour adoption. L'entrée en vigueur prévue pour le projet était au 1er janvier 2018.

Toutes les fonctions de l'administration cantonale et d'autres entités étatiques étaient traitées dans ce projet, y compris celle des maîtres d'éducation physique.

Il était prévu que le Conseil d'État décide le 22 février 2017 qu'il n'y aurait, dès cette date, plus d'évaluations individuelles des fonctions, étant précisé que le procès-verbal du 7 décembre 2010 ne portait que sur les évaluations collectives et sectorielles des fonctions.

d. La cheffe du service des RH de l'OPE a expliqué qu'à la suite du protocole du 22 juillet 2015, ledit office avait eu des séances avec les associations représentatives du personnel tous les quinze jours. Celles-ci avaient pu recevoir pendant plus d'une année toutes les informations nécessaires et faire part de leurs remarques. Il y avait eu ensuite deux ou trois séances avec ces associations concernant l'échelle de traitements (courbe salariale). Celles-ci n'avaient ensuite plus souhaité participer à ces réunions.

Dans l'hypothèse où le Conseil d'État devait entrer en matière sur la demande des intéressés, la réévaluation de leur fonction pourrait prendre plusieurs mois. Cela prendrait d'autant plus de temps qu'il s'agirait d'une réévaluation sectorielle ou collective (qui prenait plus de temps qu'une réévaluation individuelle) et que le personnel de l'OPE était actuellement surchargé et grandement occupé par le projet SCORE. Dans les prochains mois, l'OPE allait prioritairement s'assurer qu'au passage du 31 décembre 2017 au 1er janvier 2018, les quelques quarante mille collaborateurs aient leur situation réglée, du point de vue salarial. Il s'agissait d'une tâche considérable.

e. Un délai au 15 mars 2017 a été accordé aux parties pour formuler des observations et produire le cas échéant de nouvelles pièces à la suite de ce qui serait décidé le 22 février 2017.

10. Le 7 mars 2017, le Conseil d'État a informé la chambre de céans que l'examen du projet de loi relatif aux traitements du personnel de l'État n'avait pas pu avoir lieu lors de la séance du Conseil d'État du 22 février 2017, précisant en outre n’avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

11. Le 15 mars 2017, MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ ont persisté dans leurs conclusions.

Le Conseil d'État n'avait pas discuté du projet de loi, selon les communiqués de presse des 22 février, 8 et 15 mars 2017.

Tout portait à croire que le Conseil d'État persistait à multiplier les effets d'annonce. Cinquante mois après la date prévue pour son entrée en vigueur, la procédure parlementaire n'avait même pas été initiée.

S'agissant de la qualité pour recourir de M. D______, ce dernier avait quitté la fonction publique le 31 août 2016, alors que la cause était gardée à juger. Il ne saurait dès lors pâtir du délai de traitement de cette affaire. Par ailleurs, les intéressés sollicitaient le bénéfice de la classe 20 à partir du moment du dépôt de la demande de décision formelle.

12. Le 16 mars 2017, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), étant précisé que ni la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ni le règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF -
B 5 15.04) ne prévoient une autorité judiciaire spéciale susceptible de trancher le présent litige.

2. Le département considère que MM. A______, B______ et F______ n'ont pas la qualité pour recourir, dans la mesure où ils bénéficient déjà d'un traitement en classe 20 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève. M. D______, lui, n'aurait plus d'intérêt actuel au recours.

a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/749/2016 du 6 septembre 2016 consid. 2a ; ATA/602/2016 du 12 juillet 2016 consid. 1a et les arrêts cités ; Raphaël MAHLER, Réflexions sur la qualité pour recourir en droit administratif genevois, in RDAF 1982, pp. 272 ss, not. 274).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3b et les nombreux arrêts cités).

c. L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 253 ; ATF 131 II 649 consid. 3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1 p. 433 ; ATA/749/2016 précité consid. 2c).

d. La directive du 11 novembre 2006 prévoit, s'agissant des maîtres de même catégorie exerçant des fonctions différentes, que ces maîtres sont rangés dans la classe de fonction supérieure, à condition que la part de l'enseignement de la branche la mieux classée soit égale à la moitié du poste occupé.

e. En l'espèce, il ressort des pièces produites par le département que M. A______ a été colloqué en classe 20 de l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève le 1er septembre 2010, étant précisé qu'avant cette date, il était colloqué en classe 18. S'agissant de M. B______, son historique des traitements montre qu'à partir du 1er avril 2000, il bénéficie d'un traitement fixé en classe 20 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève. Enfin, l'historique des traitements de M. F______ atteste qu'il est en classe 20 depuis le 1er septembre 2012, étant précisé qu'avant cette date il était en classe 18.

S'il est vrai que les précités bénéficient de la classe 20 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève, force est de reconnaître que la directive du 11 novembre 2006 prévoit que les maîtres exerçant des fonctions différentes sont rangés dans la classe de fonction supérieure, à condition que la part de l'enseignement de la branche la mieux classée soit égale à la moitié du poste occupé. Compte tenu du fait que MM. A______, B______ et F______ n'ont aucune garantie quant à leur dotation horaire par rapport aux disciplines enseignées, il n'est pas impossible que dans le futur ils doivent consacrer plus de la moitié de leurs taux d'activité à l'éducation physique. Ils seraient ainsi colloqués en classe 18 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève.

De plus, il n'est pas contesté que MM. C______ et E______ sont classés en classe 18 sur l'échelle des traitements du personnel de l’État de Genève, de sorte que ces derniers disposent en tout état d'un intérêt digne de protection et donc de la qualité pour recourir contre le refus du Conseil d’État d'entrer en matière pour une réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique du DIP au niveau secondaire.

Enfin et dans la mesure où MM. C______ et E______ disposent en tous les cas de la qualité pour recourir, celle de M. D______ peut souffrir de rester indécise.

f. Les recourants étant tous actifs – ou l'ayant été – dans l'enseignement secondaire, la réévaluation qu'ils sollicitent ne peut porter que sur ce niveau.

3. La requête visant à la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties est satisfaite, dans la mesure où la chambre de céans a tenu une audience le 31 janvier 2017 et, à l'issue de celle-ci, les parties ont déclaré ne pas formuler de requêtes de mesures d'instruction complémentaires.

Quant aux autres mesures d'instructions sollicitées, il ne sera pas donné suite, dans la mesure où le litige est de nature technique et que les pièces figurant au dossier permettent à la chambre de céans de trancher, en toute connaissance de cause, les questions juridiques soulevées par le présent litige.

4. La chambre administrative applique le droit d'office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans toutefois être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, Vol. II, 2011, 3ème éd., p. 300 ss n. 2.2.6.5). Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) et non réalisée en l’espèce.

5. L'objet du litige consiste à déterminer si c'est de manière conforme au droit que le Conseil d’État a refusé d'entrer en matière sur les demandes de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d'éducation physique de l'enseignement secondaire.

a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1 ; 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3 ; ATA/918/2016 du 1er novembre 2016 consid. 4b).

c. Pour déterminer si le Conseil d’État a commis un déni de justice, il convient préalablement d’examiner s’il avait l’obligation de rendre une décision (ATA/1337/2015 du 15 décembre 2015 consid. 2 ; ATA/1186/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/768/2014 du 30 septembre 2014 ; ATA/787/2012 du 20 novembre 2012), cette question étant dépendante de l’examen du fond du litige.

d. À teneur de l’art. 4 LTrait, le Conseil d’État établit et tient à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l’échelle des traitements (al. 1). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l’étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l’autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l’exercice de la fonction (al. 2). Les règlements et tableaux de classement des fonctions, établis et tenus à jour par d’autres autorités ou organes de nomination dans le cadre de leurs compétences respectives, sont soumis à l’approbation du Conseil d’État (al. 3).

Selon l'art. 5 LTrait, l’autorité ou l’organe de nomination, soit le Conseil d’État en l'espèce (art. 6 LTrait), fixe la rémunération des membres du personnel dans un acte d’engagement ou de nomination, en application de l’échelle des traitements, du tableau de classement des fonctions et des principes posés à l’art. 11 LTrait relatif au traitement initial.

Aux termes de l’art. 2 du règlement d’application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), la classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l’évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d’État, est à disposition à l'OPE.

À teneur l'art. 1 al. 1 RComEF, une commission de réexamen (ci-après : CREMEF) est instituée. Elle permet aux membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux de demander le réexamen des décisions relatives à l’évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification). Sont susceptibles d’opposition toutes les décisions relatives à l’évaluation des fonctions mentionnées à l’art. 1 RComEF à l’exclusion des décisions prises lors de l’engagement (art. 4 RComEF). Peuvent faire opposition les membres du personnel de l’État et des établissements publics médicaux intéressés à titre individuel ou collectif pour la fonction qui les concerne ainsi que le département, l'établissement concerné ou le Grand Conseil, ce dernier étant représenté par son bureau (art. 5 RComEF). Après avoir vérifié la procédure et l’objectivité de l’analyse effectuée par l’office du personnel, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d’État (art. 11 al. 1 RComEF). Le Conseil d’État statue en dernier ressort et communique sa décision à l’intéressé (art. 11 al. 4 RComEF).

e. Selon le mémento des instructions de l'OPE (ci-après : MIOPE ; fiche
n° 02.01.01 intitulée « Évaluation ou révision de classification de fonction » du 1er février 2000, mise à jour le 15 juillet 2013 - http://ge.ch/etat-employeur/ directives-miope/02-remuneration/01-evaluation-fonctions/020101-evaluation-ou-revision-de-classification-de-fonction, consulté le 29 mars 2017), une demande d'évaluation est initiée par les directions de services du département/de l'établissement en référence aux missions et prestations définies par le département/l'établissement, notamment lors de l'évolution significative d'une famille professionnelle ou d'un cursus de formation (let. c) et lors de modifications significatives d'un poste (let. d).

Une évaluation de poste/de fonction peut être demandée par le/la titulaire d'un poste.

Lorsqu’elle concerne une ou plusieurs fonctions d’une famille professionnelle et/ou un nombre important de titulaires, la demande est adressée au service ressources humaines de l'OPE (ci-après : SRH OPE) par le service des ressources humaines du département. Le SRH OPE procède à l’étude de la demande afin de mettre en exergue les éléments liés aux aspects transversaux de la/des fonction(s) soumise(s) à évaluation. Le SRH OPE transmet le résultat de l’étude au directeur général de l'OPE. Le directeur général de l’OPE présente le résultat de l’étude de la demande faite par le SRH OPE au collège spécialisé ressources humaines (ci-après : CSRH), lors de la séance mensuelle traitant des affaires de personnel. Sur la base du préavis du CSRH, le collège des secrétaires généraux se prononce quant à la suite à donner à la demande.

Lorsque le département est d'accord avec la proposition de l'OPE, celle-ci devient dès lors une décision de l'OPE. Si le département n'est pas d'accord avec la proposition, il adresse à l'OPE, service d'évaluation des fonctions, une lettre dûment motivée. La décision de l'OPE peut faire l'objet par la suite d'une opposition auprès de la CREMEF. En cas de déclaration de non-opposition, l'OPE établit sans délai un plumitif à l'intention du Conseil d'État pour ratification au moyen d'un extrait de procès-verbal de séance. En l'absence de la déclaration de non-opposition, l'OPE attend l'échéance du délai d'opposition de trente jours pour donner la suite qui convient.

f. La chambre de céans a eu à connaître de litiges concernant des employés de l'État de Genève qui souhaitaient que leurs fonctions soient évaluées (ATA/850/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 ; ATA/722/2015 du 14 juillet 2015 notamment). Dans ces cas, la procédure prévue par les dispositions légales précitées et le MIOPE a été enclenchée, et une décision du Conseil d'État a été prise quant au bien-fondé ou non de leurs demandes respectives.

g. Dans une jurisprudence récente, la chambre administrative a considéré que le refus du Conseil d’État d’entrer en matière sur la demande de réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d’éducation physique à tous les niveaux d’enseignement des maîtres d’éducation physique s’apparentait à un déni de justice, dans la mesure où plus de quatre ans après l’entrée en vigueur initialement prévue du projet SCORE (1er janvier 2013), cette révision n’avait toujours pas abouti (ATA/211/2017 du 21 février 2017 consid. 6g).

6. En l'espèce, la question de l’application du protocole d’accord du 22 juillet 2015 peut souffrir de demeurer indécise dans la mesure où il ressort de l’audition de la cheffe du service RH de l’OPE que les associations représentatives du personnel n’ont plus souhaité poursuivre les discussions.

Cela précisé, il ressort du dossier que le processus de demande de réévaluation de la fonction de maîtres et maîtresse d'éducation physique de l'enseignement secondaire a été initié il y plusieurs années.

Dans les décisions querellées, le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur la demande en s'appuyant sur sa décision prise le 7 décembre 2010, laquelle bloquait les réévaluations collectives et/ou sectorielles. Cette décision ne figure pas au dossier ; toutefois, il ressort des écritures du Conseil d'État que ce blocage devait avoir lieu pendant la durée des travaux concernant le projet SCORE.

Or, au jour du prononcé du présent arrêt, le projet SCORE n'est toujours pas entré en vigueur.

Selon le site internet de l'État de Genève (http://ge.ch/etat-employeur/service-public/score/score-deroulement, consulté le 29 mars 2017), l'entrée en vigueur de SCORE devrait se faire pendant la présente législature qui se termine au printemps 2018, ce qu'a d'ailleurs confirmé l'OPE à l'audience du 31 janvier 2017.

Toutefois, on ne peut pas exclure que son entrée en vigueur ne soit reportée, compte tenu notamment de l'ampleur du projet SCORE et de ses enjeux.

Si l’on peut comprendre la volonté du Conseil d'État de bloquer, pendant un certain temps, toute réévaluation collective et/ou sectorielle afin de procéder à la révision du système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale en raison de son inadéquation par rapport à l'évaluation des métiers, force est de constater que, plus de quatre ans après l'entrée en vigueur initialement prévue du projet SCORE (1er janvier 2013), cette révision n'a toujours pas abouti.

De plus et compte tenu du fait que le MIOPE prévoit que le titulaire d'un poste de la fonction publique peut demander que son poste ou fonction soit évalué, respectivement réévalué, le refus du Conseil d'État d'entrer en matière sur les demandes légitimes des maîtres d'éducation physique de l'enseignement secondaire leur ferme l'accès au processus d'évaluation et ainsi à la justice, et s'apparente dès lors à un déni de justice.

Enfin, la décision du Conseil d'État de ne pas entrer en matière sur la demande de réévaluation de la fonction de maître et maîtresse d'éducation physique à tous les niveaux d'enseignement se justifie d'autant moins qu'une évaluation a matériellement dû être effectuée ou être en cours dans le cadre du projet SCORE.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

Vu la solution adoptée par le présent arrêt, il n'est pas nécessaire d'examiner à ce stade les autres griefs soulevés par les recourants.

Les décisions de refus d'entrer en matière prises par le Conseil d'État du 18 février 2015 seront annulées et le dossier sera retourné à l'autorité intimée pour qu'il entre en matière sur les demandes de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d'éducation physique de l'enseignement secondaire, les instruise et se détermine sur leur éventuel bien-fondé.

8. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, qui y ont conclu et qui ont dû recourir aux services d’un avocat, à la charge de l’État de Genève (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 23 mars 2015 par MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______ contre les décisions du Conseil d'État du 18 février 2015 ;

annule les décisions du Conseil d'État du 18 février 2015 ;

retourne le dossier au Conseil d'État afin qu'il entre en matière sur les demandes de réévaluation de fonction de maître et maîtresse d'éducation physique de l'enseignement secondaire, les instruise et se détermine sur leur éventuel bien-fondé ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à MM. A______, B______, C______, D______, E______ et F______, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :