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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/860/2016

ATA/602/2016 du 12.07.2016 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/860/2016-PRISON ATA/602/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 juillet 2016

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Madame Chrystel Nabor, curatrice

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION

et

ÉTABLISSEMENT DE CURABILIS

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ (ci-après : le détenu), né le ______ 1978, est détenu à l’établissement de Curabilis (ci-après : Curabilis). Il fait l’objet d’une mesure de traitement institutionnel en milieu fermé ordonnée le 26 mai 2009 par la chambre d’accusation de Genève, du fait de son irresponsabilité sur le plan pénal, et prolongée depuis lors par le Tribunal d’application des peines et mesures. Il fait par ailleurs l’objet d’une mesure de curatelle de portée générale.

2. Par courrier du 13 mars 2016, mis à la poste le 15 mars 2016, M. A______ a adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours à la suite d’une agression dont il indiquait avoir été victime de la part de deux gardiens, « aidés » par un troisième, « avec l’autorisation implicite » du sous-chef le 18 février 2016. Un certificat médical intitulé « constat de lésions traumatiques » avait été établi par la Doctoresse B______ le lendemain de l’agression. Par courrier du 23 mars 2016, il s’était plaint desdits comportements auprès de la direction de Curabilis en la mettant en demeure de lui communiquer, dans la quinzaine, la décision qu’elle entendait prendre suite à ces faits. En l’absence de toute réaction de la part de celle-ci, il était contraint de saisir la chambre administrative. Il s’agissait de la neuvième fois qu’il faisait l’objet de brutalités. Il sollicitait par ailleurs l’accès au dossier.

3. Par courrier du 15 mars 2016, la curatrice a ratifié le recours, précisant ne pas s’associer au contenu. Pour le surplus, elle s’en rapportait à justice.

4. Par observations du 29 avril 2016, l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD) a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le recourant était incapable d’ester en justice et n’avait pas été valablement représenté, à défaut de consentement de l’autorité tutélaire. Il ne disposait pas non plus de la capacité de discernement qui aurait pu lui permettre d’agir seul. Le recours n’était pas dirigé contre un acte attaquable. Le refus de statuer de l’intimé était justifié et ne pouvait être assimilé à une décision virtuelle de refus sujette à recours. Le recours était irrecevable.

Au fond, il n’existait aucun dossier à consulter. Il ressortait du rapport de l’établissement que l’intervention du personnel avait été rendue nécessaire par l’attitude du recourant, forçant les gardiens à user de la force à son encontre. Le recours était infondé.

5. Par correspondance du 14 mai 2016, M. A______ a sollicité une prolongation du délai pour répliquer, laquelle lui a été accordée.

Par courrier du même jour, il a déposé une « requête d’accès au dossier en respect de l’art. 44 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) » en vue d’obtenir une copie de la déclaration de C______, (titre______) auprès de l’établissement Curabilis, faite lors d’une audience de comparution personnelle qui s’était tenue par-devant la chambre administrative le 19 avril 2016.

6. M. A______ ne s’est pas manifesté dans le délai prolongé au 1er juillet 2016.

7. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (MGC 1984 I 1604 ss ; 1985 III 4373 ss ; ATA/77/2009 du 17 février 2009 ; ATA/208/2005 du 12 avril 2005 ; Raphaël MAHLER, Réflexions sur la qualité pour recourir en droit administratif genevois, in RDAF 1982, pp. 272 ss, not. 274).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3b et les nombreux arrêts cités). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 consid. 2).

c. L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 253 ; ATF 131 II 649 consid. 3.1). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1 p. 433).

2. Aux termes de l’art. 73 du règlement de l'établissement de Curabilis
du 19 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15), la personne détenue peut adresser en tout temps, sous pli fermé, une plainte au directeur de Curabilis contre le personnel rattaché à l’OCD (al. 2 et 3). L'autorité compétente diligente une enquête en procédant à toute mesure d'instruction utile et en dressant un procès-verbal de tous les actes d'enquête effectués (al. 6). L'autorité compétente peut refuser d'ouvrir une enquête si la plainte est manifestement mal fondée ou abusive. Elle en informe le plaignant (al. 7). Celui-ci n'a pas qualité de partie à la procédure, mais est informé par écrit de la suite donnée à sa plainte (al. 8). Les conclusions de l'enquête ou le refus de donner suite à une plainte ne peuvent pas faire l'objet d'un recours (al. 9).

3. De jurisprudence constante, le dénonciateur n’a pas qualité de partie dans une procédure disciplinaire. Il ne possède aucun droit à une décision de sorte que s’il n’est pas donné suite, il n’est pas atteint dans ses intérêts personnels (ATA/418/2016 du 24 mai 2016 ; ATA/300/2016 du 12 avril 2016 et les références citées).

4. En l’espèce, le recourant semble reprocher à la direction de ne pas avoir pris de décision à la suite des faits qu’il a dénoncés, singulièrement de ne pas avoir sanctionné disciplinairement les gardiens qui l’auraient brutalisé. Dans ces conditions, la situation du recourant est celle d’un dénonciateur. Conformément à la jurisprudence susmentionnée, faute de droit à obtenir une décision de l’autorité, il ne peut se prévaloir d’aucun intérêt digne de protection en cas de refus de statuer.

L’intimé reconnaît toutefois qu’en application de l’art. 73 al. 7 RCurabilis, il aurait dû avertir le recourant qu’il ne donnait pas suite à sa plainte, estimant
celle-ci abusive compte tenu du comportement adopté par l’intéressé. Cette informalité est, en tout état de cause et si besoin, guérie par la présente procédure.

5. Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

La question de la capacité d’ester en justice du recourant ainsi que celle relative à l’accès au document sollicité souffriront en conséquence de demeurer ouvertes.

6. Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet
1986 - RFPA - E 5 10.03 ; art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours du 15 mars 2016 interjeté par Monsieur A______ contre l’absence de décision de la direction de l’établissement de Curabilis à la suite de sa dénonciation du 23 février 2016 contre des gardiens suite aux événements du 18 février 2016 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Chrystel Nabor, curatrice de Monsieur  A______, à l’office cantonal de la détention, à l’établissement de Curabilis, ainsi qu’à Monsieur A______, pour information.

Siégeants : Mme Junod, présidente, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :