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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/747/2016

ATA/383/2017 du 04.04.2017 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : PROSTITUTION ; MAISON DE PROSTITUTION ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; MAXIME OFFICIELLE ET INQUISITOIRE ; CONSTATATION DES FAITS ; RAPPORT(EXPOSÉ) ; POLICE ; DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE ; LÉGALITÉ ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE ; SANTÉ ; APPRÉCIATION DES PREUVES ; DOCUMENT INTERNE ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; AMENDE ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.62 ; Cst.29.al2 ; LPA.19 ; LPA.22 ; LPA.20 ; CPP.56.letf ; Cst.5.al1 ; Cst.27 ; Cst.36 ; LProst.2.al1 ; LProst.1.leta ; LProst.12.leta ; LProst.13 ; RProst.11 ; LProst.12.letc ; LProst.14.al1.letd ; LProst.14.al2 ; LProst.25.al1 ; LPG.1.al1.leta ; Cst.36.al3
Résumé : Recours du responsable d'un salon de massages contre une décision ordonnant la fermeture pour une durée d'un mois du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre établissement du même type pour une durée analogue, et lui infligeant une amende de CHF 3'000.-. Les faits retenus dans la décision attaquée ont été retenus correctement et rien dans le dossier ne permet de douter de l'impartialité du policier ayant procédé au contrôle de routine dans l'établissement du recourant. Lors du contrôle, le registre n'était pas à jour et les quittances n'avaient pas été établies, ce qui constitue un manquement aux obligations du responsable de l'établissement. De plus, sept femmes ont déclaré loger dans l'appartement en question, composé uniquement de deux chambres. Leur rythme de vie et leur sommeil peut être perturbé par les activités du salon ouvert 24h/24h. Les sanctions administratives de même que le montant de l'amende sont proportionnées dans la mesure où elles font suite à deux précédents avertissements et amendes. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/747/2016-EXPLOI ATA/383/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Lionel Bugmann, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1979, originaire du canton de Genève, s'est annoncé auprès de la brigade des mœurs, devenue la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite
(ci-après : BTPI), en tant que responsable du salon de massages « B______ » sis rue D______ Genève.

2) Par décision du 4 mars 2015, le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE ou le département) a infligé à A______ un avertissement, ainsi qu'une amende administrative de CHF 1'000.-.

Suite à un contrôle de la BTPI en date du 2 février 2015 au salon « B______ », il était apparu qu'une femme de nationalité espagnole se prostituait dans son salon bien qu'elle fût démunie de toute autorisation de travail valable. De plus, A______ n'avait pas été en mesure de présenter le registre du personnel, ainsi que les copies des quittances relatives au personnel exerçant la prostitution dans le salon.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

3) Par décision du 15 avril 2015, le département a infligé à A______ un deuxième avertissement, ainsi qu'une amende administrative de CHF 1'500.-.

Suite à un contrôle de la BTPI en date du 23 mars 2015 au salon de massages « C______ » sis rue E______ Genève, il était apparu que deux femmes de nationalité espagnole se prostituaient dans son salon bien que démunies de toute autorisation de travail valable.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

4) Le 14 novembre 2015 à 21h30, la BTPI a procédé à un contrôle de routine au salon de massages « B______ ».

Selon le rapport de renseignements établi le 16 novembre 2015, neuf travailleuses du sexe se trouvaient dans l'appartement, qui ne comportait que deux chambres. Questionnées individuellement, sept d'entre elles avaient déclaré dormir dans l'appartement en question, qui comportait deux lits doubles et un canapé-lit (deux dans un lit double, deux dans un canapé-lit, deux dans un second lit double). Lors de l'arrivée de la BTPI, plusieurs prostituées fumaient dans l'appartement et une forte fumée, à la limite du respirable, régnait dans les lieux. Seules deux prostituées avaient pu présenter des quittances, les autres femmes déclarant ne jamais en avoir reçues. Seules quatre des neuf prostituées présentes étaient inscrites dans le registre, qui n'était pas tenu à jour.

Contacté, A______ avait expliqué oralement n'avoir pas eu le temps de mettre à jour le registre, ni de faire les quittances. Six femmes logeaient au « B______ », deux dans chaque chambre et deux dormaient sur le canapé-lit qui se trouvait dans le hall d'entrée de l'appartement, en face de la porte d'accès.

À l'évidence, il était impossible pour certaines femmes de pouvoir se reposer compte tenu des horaires d'ouverture 24h/24h du salon tous les jours de la semaine. Interrogé à ce propos et au fait que le 40 % des gains incluait le logement, A______ avait répondu que les femmes qui n'étaient pas contentes n'avaient qu'à partir.

5) Le 26 novembre 2015, le département a écrit à A______.

Il lui était reproché de ne pas avoir tenu constamment à jour le registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon, ainsi que les prestations qui leur étaient fournies et les montants demandés en contrepartie (tout en établissant des quittances détaillées, datées et contresignées par les deux parties), et, d'autre part, d'empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la santé et à la salubrité.

Compte tenu de la manière inadmissible d'exploitation du salon et du mépris clairement affiché à l'égard de ses obligations et des conditions de travail et de logement des prostituées, le département envisageait, eu égard à la gravité et à la réitération des infractions, d'ordonner la fermeture temporaire du salon pour une durée de un à six mois, et d'infliger à A______ une amende administrative.

Un délai échéant au 10 décembre 2015 lui était imparti afin qu’il puisse exercer son droit d’être entendu.

6) Le 7 décembre 2015, A______ a contesté les faits reprochés.

La loi ne limitait pas le nombre de personnes présentes simultanément dans un salon de massages.

Il avait en sa possession des déclarations écrites et signées des prostituées attestant qu'il n'y avait pas sept personnes qui logeaient dans cet appartement en même temps. Il avait en effet mis à leur disposition un autre appartement prévu pour leur repos et leur sommeil. De plus, la police n'avait pas pu recueillir leur témoignage de manière officielle, puisqu'aucune ne parlait le français.

Il souhaitait savoir si des procès-verbaux portant sur une infraction à la législation sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics avaient été dressés et, si des personnes avaient contrevenu à ses directives, connaître leur identité afin de leur interdire l'accès à son salon.

La police n'avait pas pu établir que seules quatre des neuf prostituées présentes étaient inscrites dans le registre, puisque le document ne se trouvait pas sur place et que la loi ne l'obligeait pas à le conserver dans le salon. Ce que l'agent de police avait pris pour le registre était un simple planning destiné à son usage personnel et non pas le document officiel.

Il conservait à son domicile le duplicata de toutes les quittances des prestations fournies par ses soins aux prostituées qui travaillaient dans son établissement. Elles pouvaient être consultées sur demande.

La configuration des locaux était tout à fait appropriée. Les prostituées pouvaient dormir et se reposer dans le salon ou dans un appartement privé mis à leur disposition.

S'agissant de la conversation qu'il avait eue avec le policier, elle ne reflétait pas sa position sur les faits reprochés. Comme ce policier refusait de prendre en compte ses arguments, il avait pris pour habitude, dans un premier temps, d'accepter ce que cet agent lui reprochait pour qu'il le laisse en paix. Il se justifiait ensuite auprès d'un organe officiel et impartial.

Des membres de l'association « Aspasie », mandatée par le médecin cantonal, étaient passés à plusieurs reprises dans son établissement et n'avaient décelé aucune transgression concernant la santé et la salubrité de son salon. Il avait mis tout en œuvre afin de garantir des conditions décentes aux prostituées qui travaillaient dans son salon.

Enfin et si la police souhaitait procéder à un contrôle durant lequel il soit présent afin de pouvoir consulter le registre ou les quittances, il lui appartenait de convenir préalablement d'un rendez-vous.

7) Par décision du 27 janvier 2016, le département a, compte tenu de la manière inadmissible d'exploiter le salon et du mépris clairement affiché à l'égard de ses obligations et des mesures et sanctions administratives d'ores et déjà prononcées à son encontre, ordonné la fermeture temporaire du salon de massages « B______ » pour une durée d'un mois, interdit à A______ d'exploiter tout autre salon de massages pour une durée d'un mois et lui a infligé une amende administrative de CHF 3'000.-.

Il ressortait très clairement du rapport dressé par deux agents assermentés  – dont l'un était de langue maternelle espagnole – et dont il n'y avait pas lieu de douter de la véracité, que neuf prostituées se trouvaient dans le salon qui ne comportait que deux chambres, que sept d'entre elles avaient clairement reconnu loger sur place, qu'une forte fumée à la limite du supportable régnait dans les locaux (infraction qui n'avait pas été dénoncée mais qui avait fait l'objet d'un avertissement de la part de l'un des deux inspecteurs), que seules quatre des neuf prostituées présentes avaient été inscrites dans le document tenant lieu de registre, que plusieurs prostituées avaient déclaré n'avoir jamais reçu de quittance pour les prestations qui leur étaient fournies et pour les montants qui leur étaient demandés en contrepartie.

En dépit des dénégations de l'intéressé, le département persistait à lui reprocher d'avoir manifestement violé la législation sur la prostitution sur deux points. D'une part, le registre, constamment tenu à jour, ainsi que les copies des quittances auraient dû être à disposition de la police dans le salon lors des contrôles (conformément à la jurisprudence cantonale). D'autre part, en accueillant pas moins de neuf prostituées dans son salon qui ne comportait que deux chambres et en logeant sept d'entre elles dans des conditions inacceptables, il avait violé son obligation d'empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la santé et à la salubrité publiques.

8) Par acte du 4 mars 2016, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à l'ouverture d'une enquête afin de constater qu'il avait agi conformément à ses obligations légales, et principalement à l'annulation de la décision et à ce qu'il soit autorisé à poursuivre son activité, « sous suite de frais et dépens ».

Les faits pertinents avaient été constatés de manière inexacte. Le droit avait été violé, en particulier le principe de la légalité et le principe de la proportionnalité.

Concernant le nombre de personnes présentes dans l'appartement, le rapport de police contenait une contradiction entre le nombre de prostituées qui avaient déclaré dormir dans l'appartement et le détail de l'endroit où elles dormaient. De plus, il avait dûment informé le département que les prostituées ne logeaient jamais dans l'appartement sis rue D______ en même temps. Les prostituées prenaient elles-mêmes leurs dispositions pour organiser et préserver leur repos. En tout état, le repos et le sommeil des prostituées étaient préservés, puisqu'un appartement à F______, non destiné à y accueillir des clients, était mis à leur disposition pour se reposer. De plus, s'il avait prévu la possibilité d'ouvrir son salon 24h/24h, cela ne signifiait pas que le salon était ouvert en permanence. En réalité, le salon fermait ses portes au public plusieurs heures par jour, en principe la nuit, selon un horaire flexible défini à l'avance par les prostituées elles-mêmes. Enfin, la phrase figurant dans le rapport « les filles qui n'étaient pas contentes n'avaient qu'à partir » était erronée et spécieusement présentée. Il avait uniquement indiqué aux agents que si les conditions liées à la propreté et à la salubrité du salon étaient aussi déplorables que ce que le département semblait prétendre, les prostituées seraient parties.

S'agissant des quittances remises aux prostituées, chaque prestation fournie par les prostituées faisait l'objet d'une quittance scrupuleusement établie, détaillée et contresignée par le responsable. Il n'était toutefois pas contesté que certaines quittances ne se trouvaient pas sur les lieux le jour du contrôle effectué par la police. Seules les dernières quittances n'avaient pas été établies. Il ignorait la jurisprudence stricte de la chambre administrative excluant que le registre et les quittances puissent être tenues à distance. Il avait depuis lors pris ses dispositions d'organisation afin que le registre et les quittances soient constamment à jour et conservés dans l'enceinte de l'établissement. Le département n'avait ainsi pas procédé aux investigations nécessaires permettant de déterminer s'il avait correctement agi dans cette affaire.

Il avait de fortes raisons de penser qu'un rapport d'inimité particulier s'était instauré de la part de l'agent de la BTPI ayant effectué le contrôle. Depuis lors, des contrôles intempestifs étaient effectués dans son salon. Il craignait un manque d'objectivité et de fondement du rapport dressé par cet agent de police. Il était surprenant de constater que, au vu des nombreux agents de la BTPI, c'était systématiquement cet agent qui avait effectué lui-même les contrôles relatifs à ses salons. Les rapports de renseignements ayant conduit aux diverses sanctions avaient toujours été établis par cet agent.

Concernant la tenue effective du registre, il avait démontré avoir pris les mesures commandées par les circonstances pour que la gestion administrative et effective de son salon soit assurée afin de respecter la législation en vigueur. Il avait d'emblée indiqué être en mesure de fournir aux autorités l'ensemble des pièces liées à la tenue du registre, ainsi que les quittances contresignées. Il ignorait toutefois la jurisprudence rendue s'agissant de la tenue du registre et des quittances à l'intérieur de l'établissement. Désormais, il tenait le registre à jour dans un coffre situé à l'intérieur des locaux. D'ailleurs, l'obligation de tenir constamment à jour le registre du personnel ainsi que des quittances à l'intérieur de l'établissement, posait un certain nombre de problèmes d'organisation pratique. Cela constituait une entrave à la liberté économique du responsable du salon, dans la mesure où cela l'obligeait à être présent de manière permanente dans les locaux de l'établissement pour contresigner les quittances, ce qui n'était pas concevable. De plus et étant donné que les quittances constituaient des pièces comptables qui devaient être consultées, copiées, comptabilisées et adressées à d'autres organes de l'État, ces documents ne pouvaient raisonnablement pas, en pratique, rester en permanence à l'intérieur de l'établissement. Pour cette raison, le principe de la légalité avait été violé.

Il n'était pas démontré que l'intéressé n'avait pas pris les mesures propres à empêcher toute atteinte à l'ordre public, en particulier s'agissant de la santé des prostituées et de la salubrité des locaux. Un appartement était mis à leur disposition afin qu'elles puissent aller se reposer à leur convenance. S'agissant de la fumée constatée dans les locaux, il avait toujours donné des directives claires aux prostituées au sujet de l'interdiction de fumer. Lorsqu'il était absent, il était dans l'impossibilité d'effectuer un contrôle effectif du respect de l'interdiction de fumer. Partant, il ne saurait être tenu comme responsable du fait que les prostituées présentes avaient contrevenu à cette interdiction. Son assistante effectuait un nettoyage quotidien des locaux entre 10h30 et 11h00, de sorte que l'établissement était maintenu dans un état de propreté et d'hygiène irréprochable. Enfin, l'association « Aspasie » n'avait jamais constaté un quelconque manquement relatif à la salubrité des locaux et à l'atteinte à la santé des prostituées.

En infligeant une amende administrative de CHF 3'000.-, le département avait mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations inexactes et en considérant de manière arbitraire qu'il avait agi avec un « mépris clairement affiché à l'égard de [ses] obligations ». Il avait, de bonne foi, pris toutes les mesures afin d'empêcher toute atteinte à la santé des prostituées et à la salubrité des locaux. Enfin et à la suite des deux avertissements préalables, il avait pris toutes ses dispositions afin d'assurer une transparence dans la gestion administrative de son salon à l'égard des autorités. Ainsi, des mesures moins incisives auraient pu être prises.

Il a joint à son recours notamment le registre de l'année 2015 sous la forme d'un tableau Excel, les quittances des mois de novembre et décembre 2015, une déclaration écrite en espagnol d'une prostituée présente le 14 novembre 2015 datée du 4 décembre 2015, un courrier du 25 février 2015 qu'il avait adressé au département dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision du 4 mars 2015.

9) Le 20 avril 2016, le département a conclu au rejet du recours.

Après vérifications auprès du rédacteur du rapport de renseignements du 16 novembre 2015, sur les neuf prostituées présentes le soir des faits, sept avaient bien déclaré dormir dans l'appartement en question, à savoir trois (et non pas deux comme mentionné par erreur dans le rapport) dans un lit double, deux dans un canapé-lit et deux dans un second lit double. Les deux dernières prostituées avaient déclaré loger respectivement à son propre domicile pour la première et dans l'appartement mis à disposition par A______ à F______ pour la seconde.

S'agissant des quittances, l'intéressé avait admis, lorsqu'il avait été contacté à l'issue du contrôle, ne pas avoir eu le temps de mettre à jour le registre ni de faire les quittances. Il ne contestait pas que certaines quittances ne se trouvaient pas dans l'établissement le jour du contrôle et que seules les dernières quittances n'avaient pas été établies. Au vu des constatations figurant dans le rapport de police précité, établis par des agents assermentés, le registre et les quittances avaient de toute évidence été établis après le contrôle, voire après la décision du département.

Concernant les soupçons de partialité de l'agent, ce dernier n'avait jamais été seul lors des contrôles effectués et les constatations relatées dans les différents rapports de renseignements pouvaient être confirmés par d'autres inspecteurs présents lors des contrôles. De plus et si les différents contrôles avaient été effectués par cet agent, cela était dû au fait que ce dernier était le « référent Police » du salon de massages « B______ » et d'une quinzaine d'autres salons.

L'obligation de tenir constamment à jour le registre du personnel ainsi que les quittances à l'intérieur du salon n'obligeait nullement le responsable à être présent de manière permanente dans les locaux de l'établissement. Conformément à la jurisprudence cantonale, la personne responsable d'un salon de massages devait, en cas d'absence, se faire remplacer par une personne de confiance. Cela étant, A______ n'avait pas informé les inspecteurs du « groupe prostitution » d'une éventuelle absence de sa part susceptible de justifier l'absence de tenue à jour du registre et l'absence de délivrance des quittances.

Concernant l'appartement mis à disposition des prostituées pour se reposer, seule une prostituée avait déclaré dormir dans cet appartement. Ainsi, sept prostituées travaillaient et logeaient dans un appartement comprenant deux chambres, ce qui était manifestement contraire aux règles en matière d'hygiène, de salubrité et de santé. Comme cela ressortait clairement du rapport de police, les prostituées présentes avaient clairement précisé ignorer l'interdiction de fumer dans un salon de massages. Les photographies figurant dans ledit rapport étaient suffisamment éloquentes pour démontrer qu'aucune mesure n'avait été prise pour interdire la fumée. La législation sur l'interdiction de fumer imposait à A______ qu'il signale de façon visible l'interdiction de fumer par voie d'affichage, notamment à l'entrée, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Enfin et s'agissant des nettoyages quotidiens, les inspecteurs du « groupe prostitution » s'étaient rendus le 17 mars 2016 au salon « B______ » à 10h35, y restant jusqu'à 11h00 et l'assistante n'était jamais arrivée. Les prostituées sur place avaient dit aux policiers qu'elles effectuaient elles-mêmes les nettoyages de temps à autre, aucune d'entre elles n'avaient vu l'assistante effectuer cette tâche. Lors de ce contrôle, les policiers avaient pris une photographie de la cuisinière démontrant une nouvelle fois le manque d'hygiène dans le salon.

Au cours de l'année 2015, A______ avait fait l'objet de deux sanctions administratives. Ces sanctions étaient restées sans effet, puisque l'intéressé avait persisté à ne pas respecter ses obligations, ce que la police avait constaté lors du contrôle du 14 novembre 2015. Son comportement avait augmenté en intensité, puisqu'il avait non seulement commis de nouveaux manquements en lien avec la tenue du registre et des quittances remises aux prostituées, mais aussi d'autres manquements en matière de salubrité et de santé. Au vu de ces éléments, la fermeture du salon pour une durée d'un mois et l'interdiction d'exploiter tout autre salon du même type pour une durée analogue étaient parfaitement justifiées. De la même façon, l'amende administrative de CHF 3'000.- respectait aussi le principe de la proportionnalité.

Le département a versé à la procédure notamment un courriel de la BTPI du 25 novembre 2015 ainsi qu'une photographie de la cuisinière prise lors du contrôle du 17 mars 2016.

10) Le 2 mai 2016, le juge délégué a imparti aux parties un délai au 27 mai 2016, prolongé au 10 juin 2016, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

11) Le 24 mai 2016, le département a précisé qu'il n'avait pas de requête ou observation complémentaire à formuler.

12) Le 10 juin 2016, A______ a remis ses observations.

Il était vrai qu'il n'avait pas contesté n'avoir pas établi les dernières quittances litigieuses. Il avait toutefois, à maintes reprises, demandé à la BTPI de quelle manière il fallait procéder pour maintenir constamment à jour les quittances et le registre en cas d'absence du responsable. Il n'avait toutefois jamais obtenu de réponse claire. En tout état, la BTPI ne lui avait pas indiqué qu'il pouvait se faire remplacer en cas d'absence. Au contraire, on lui avait indiqué que seul le responsable était habilité à contresigner les quittances. Enfin, la date de création du fichier relatif au tableau Excel était le 22 juin 2014.

Il a repris sa précédente argumentation concernant le nombre de prostituées présentes et logeant dans l'appartement, précisant que le nombre de prostituées présentes dans le salon ne correspondait pas nécessairement au nombre de prostituées qui y logeaient.

L'agent qui avait rédigé le rapport de police avait au mois de mars consulté le téléphone de l'ex-compagne de A______ et il avait surpris des conversations entre lui et celle-ci inconvenantes à son égard. Depuis lors, il était hautement probable que l'agent ait développé un sentiment d'inimitié particulier. A______ priait la chambre administrative d'ordonner l'affectation d'un autre agent de la BTPI au contrôle des salons dont il était responsable.

Il admettait qu'aucun panneau d'interdiction de fumer n'était apposé dans les locaux. Il y avait remédié depuis lors.

Aucun rapport de police n'avait été produit suite au contrôle du 17 mars 2016. La photographie de la cuisinière ne saurait être suffisante pour démontrer un état d'insalubrité et un manque d'hygiène. De plus, on ne saurait exiger une rigueur excessive quant aux horaires de nettoyage des locaux.

Selon une pratique du département, ce dernier n'ordonnait la fermeture d'un établissement qu'à partir de la quatrième infraction. Or, la décision querellée constituait la troisième infraction. L'intimé avait ainsi excédé dans une large mesure son pouvoir d'appréciation.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Selon l'art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours contre une décision finale est de trente jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 17 al. 1 et 62 al. 3 LPA).

b. La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, le cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où le contribuable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée (ATF 113 Ib 296 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/1081/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2b ; ATA/890/2015 du 1er septembre 2015 consid. 2b).

c. Lorsque la décision n’est remise que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité, elle est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA).

L’art. 62 al. 4 LPA, entré en vigueur le 1er janvier 2009, ne fait que reprendre la jurisprudence constante du Tribunal fédéral sur ce sujet, selon laquelle un envoi recommandé qui n’a pas pu être distribué est réputé notifié le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la remise de l’avis d’arrivée dans la boîte aux lettres ou la case postale de son destinataire (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 ; 127 I 31 consid. 2a/aa ; 123 III 492 consid. 1 ; 119 V 89 consid. 4b/aa ; ATA/1081/2016 précité consid. 2c).

d. En l'espèce, la décision du département du 27 janvier 2016, expédiée par courrier recommandé le même jour, a été retournée non réclamée à son expéditeur La décision litigieuse est ainsi réputée avoir été notifiée le dernier jour du délai de garde, sept jours après l’avis de retrait de la poste du jeudi 28 janvier 2016, soit le jeudi 4 février 2016. Le délai de recours de trente jours a ainsi commencé à courir le vendredi 5 février 2016 pour venir à expiration le samedi 5 mars 2016, reporté au premier jour utile, soit le lundi 7 mars 2016.

Mis à la poste le 4 mars 2016, le recours a ainsi été interjeté en temps utile.

Le recours est donc recevable à tous points de vue.

3) Le recourant sollicite l'ouverture d'une enquête afin de constater qu'il a agi conformément à ses obligations légales.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.1 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités).

En l'occurrence, la procédure de recours contre la décision du département du 27 janvier 2016 a justement pour but de contrôler si l'intéressé a agi conformément à ses obligations légales en la matière. De plus, chacune des parties a apporté des observations circonstanciées sur chacun des points litigieux et a versé à la procédure des pièces pour appuyer sa position respective. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête du recourant.

4) Le recourant soutient que les faits retenus dans la décision attaquée ont été établis de manière inexacte et que le policier ayant dressé le rapport de renseignements du 16 novembre 2015 n'était pas impartial.

a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 3a et les arrêts cités).

b. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1, 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/991/2016 précité consid. 3b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/991/2016 précité consid. 3b et les arrêts cités).

c. Selon l'art. 56 let. f du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179 ;
138 IV 142 consid. 2.1 p. 144). Cet article du CPP concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 179 s. ; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145 ; 127 I 196 consid. 2b p. 198; arrêts du Tribunal fédéral 1B_379/2016 du 19 décembre 2016 consid. 2.1.1 et les arrêts cités).

L'art. 15 al. 1 let. d LPA, applicable aux membres des autorités administratives, est matériellement identique à l'art. 56 let. f CPP.

La garantie d'impartialité tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer la décision en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective est établie, car les dispositions internes d'un individu ne peuvent guère être prouvées ; il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; ATA/6/2015 du 6 janvier 2015 consid. 7c et les références citées). La récusation doit demeurer l’exception (ATF 116 Ia 14 consid. 4). Un risque de prévention ne doit dès lors pas être admis trop facilement, mais doit se justifier par des motifs particulièrement importants (ATF 122 II 471 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.267/2006 du 17 juillet 2006 consid. 2.1 ; ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 4).

d. En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015 consid. 3c et les arrêts cités).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/991/2016 consid. 3c et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

e. En l'espèce et s'agissant de la problématique du nombre de personnes présentes dans l'appartement, il est certes exact que le rapport de renseignements du 16 novembre 2015 fait état que parmi les neuf prostituées, deux dormaient dans un lit double, deux dans un canapé-lit, deux dans un second lit double, ce qui fait un total de six femmes. Toutefois, il ressort de ce même rapport, qui a valeur probante selon la jurisprudence cantonale, que seules deux femmes sur les neuf ont déclaré loger respectivement à son propre domicile pour la première et dans l'appartement mis à disposition par le recourant à F______ pour la seconde. Ainsi et malgré tout, c'est bien sept femmes qui logeaient dans le salon de massages. Cette analyse est d'ailleurs corroborée par un courriel de la BTPI adressé au département le 25 novembre 2015 dans lequel la police confirme que sept prostituées avaient reconnu loger sur place le jour du contrôle de police du 14 novembre 2015. Enfin, la déclaration écrite d'une prostituée datant du 4 décembre 2015 n'est pas de nature à modifier ces considérations, dans la mesure où, en application de la jurisprudence précitée, la préférence doit être accordée aux déclarations données en premier lieu, soit en l'occurrence celles figurant dans le rapport de renseignements du 16 novembre 2015. Le département était ainsi fondé à retenir un nombre de sept femmes qui logeaient dans l'appartement.

Concernant les quittances et dans la mesure où le recourant reconnaît que certaines d'entre elles ne se trouvaient pas sur les lieux le 14 novembre 2015, jour du contrôle effectué par la police, le département était en droit de retenir ce fait dans la décision attaquée. La production ultérieure des quittances ne change pas cette appréciation, puisque seule est pertinente la question de savoir si les quittances étaient consultables au moment du contrôle, comme il sera expliqué ci-dessous.

Enfin, le recourant n'a apporté aucun élément pertinent permettant de mettre en doute la partialité de l'agent de police ayant procédé aux différents contrôles et rapports de renseignements concernant les établissements du recourant. Ses allégations portant sur un prétendu sentiment d'inimitié suite à la prise de connaissance de propos inconvenants à son égard ne sont d'ailleurs corroborées par aucun élément du dossier, étant en outre précisé que les infractions constatées par cet agent lors des deux contrôles précédents, les 2 février et 23 mars 2015, n'ont pas été contestées par le recourant. La conclusion du recourant demandant à la chambre de céans que soit ordonnée l'affectation d'un autre agent de la BTPI au contrôle de ses salons, outre qu'elle a été formulée postérieurement au délai de recours, doit en tous les cas être écartée, la chambre de céans n'étant au demeurant pas compétente pour ce faire.

Il résulte de ces éléments que l’autorité intimée a correctement établi les faits pertinents, de sorte que la décision litigieuse sera confirmée sur ce point.

5) Le recourant soutient que le département a violé les principes de la légalité et de la liberté économique par rapport à la problématique de la tenue du registre.

a. Selon l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (ATA/1144/2015 du 27 octobre 2015 consid. 5a ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2a et les références citées).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1 p. 171). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 p. 386 et les références citées ; ATA/662/2011 du 18 octobre 2011 consid 4a).

En matière de droit de police, l'exigence de précision de la règle se heurte généralement à des difficultés particulières en raison de la spécificité du domaine à réglementer. En effet, la mission de la police et les notions de sécurité et d'ordre publics ne peuvent pas véritablement être décrites de façon abstraite. Il est donc difficile d'édicter des normes précises, tant du point de vue des conditions d'application que du point de vue des mesures de police envisageables (ATF 140 I 381 consid. 4.4 p. 386 et les références citées ; ATA/1144/2015 précité consid. 5a).

b. L'art. 27 Cst. garantit la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique privée et son libre exercice et protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 4.1 ; 2C_32/2015 du 28 mai 2015 consid. 5.1 ; 2C_793/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.1 ; ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015 consid. 5c).

Une restriction à cette liberté est admissible, aux conditions de l’art. 36 Cst. Toute restriction doit ainsi se fonder sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3). Sous l’angle de l’intérêt public, sont autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d’autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d’une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d’exploitation (art. 94 al. 1 Cst. ; ATF 140 I 218 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1 ; 2C_32/2015 précité consid. 5.1 ; 2C_819/2014 du 3 avril 2015 consid. 5.2).

De plus, pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive ; il faut en outre qu’il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_138/2015 précité consid. 4.1 ; 2C_793/2014 précité consid. 4.1 ; 2C_990/2012 du 7 mai 2013 consid. 6.1 ; ATA/1064/2015 précité consid. 5c).

c. La loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) a pour principal objectif de permettre aux personnes qui se prostituent, c’est-à-dire se livrent à des actes sexuels ou d’ordre sexuel avec un nombre déterminé ou indéterminé de clients, moyennant rémunération (art. 2 al. 1 LProst), d’exercer leur activité dans des conditions aussi dignes que possible (art. 1 let. a LProst).

d. L’art. 12 let. a LProst impose en particulier à la personne responsable d’un salon l’obligation de tenir constamment à jour un registre mentionnant l’identité, le domicile, le type d’autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d’arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon, ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie, une quittance détaillée, datée et contresignée par les deux parties leur étant remise.

Les autorités compétentes peuvent en tout temps, dans le cadre de leurs attributions respectives et au besoin par la contrainte, procéder au contrôle des salons et de l’identité des personnes qui s’y trouvent, ce droit d’inspection s’étendant aux appartements ou aux locaux particuliers des personnes qui desservent ces salons ou qui y logent, lorsque ceux-ci sont à proximité du salon (art. 13 LProst ; art. 11 du règlement d’exécution de la LProst du 14 avril 2010 [RProst - I 2 49.01]).

e. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a considéré que la tenue du registre n'avait de sens que s’il était facilement et immédiatement accessible en cas de contrôle, et ne saurait ainsi être conservé ou tenu à distance (ATA/1144/2015 du 27 octobre 2015 consid. 5b ; ATA/1064/2015 du 6 octobre 2015 consid. 4d). Il importe que les contrôles de la BTPI puissent se faire de manière efficace et rapide. Il serait contraire au but de la loi de devoir convenir d’un rendez-vous avec l’exploitant du salon pour examiner les documents exigés par la loi, respectivement de décaler temporellement les contrôles légaux (ATA/1144/2015 précité consid. 5b). Le même raisonnement s’applique a fortiori aux quittances remises aux prostituées en lien avec les prestations fournies par le salon (ATA/1064/2015 précité consid. 4d).

f. En l'occurrence, lors du contrôle de l’établissement du recourant intervenu le 14 novembre 2015, la police a constaté que le registre n'était pas tenu à jour, ce que le recourant a reconnu oralement après avoir été contacté. Cela est d'ailleurs corroboré par les pièces du dossier. En effet et d'une part, dans son courrier du 7 décembre 2015, il a expliqué que le « registre ne se trouv[ait] pas sur place ». D'autre part, il ressort de la photographie du « planning » figurant dans le rapport de police du 16 novembre 2015 que seuls quatre noms de femmes étaient notés. Or et selon le registre produit à l'appui de son recours, force est de constater qu'à la date du contrôle, il manque les données relatives à sept autres femmes, parmi lesquelles certaines se trouvaient dans l'appartement le jour du contrôle. Il s'ensuit que le registre ou le « planning » n'était pas tenu à jour lors du contrôle de police du 14 novembre 2015.

S'agissant des quittances, le rapport de police du 16 novembre 2015, qui a valeur probante, atteste que seules deux quittances avaient pu être présentées, les autres prostituées ayant déclaré ne jamais en avoir reçues. Le recourant a de plus admis qu'il n'avait pas eu le temps de les établir. Le fait de les produire au stade du recours est sans pertinence, dans la mesure où ces documents doivent pouvoir être consultés par la police au moment du contrôle de l'établissement comme le souligne la jurisprudence cantonale précitée.

L'argument du recourant selon lequel ces obligations constitueraient une entrave inadmissible à la liberté économique ne convainc pas. En effet, l'obligation de tenir à jour le registre et de remettre les quittances détaillées permet d’améliorer les possibilités de contrôle de ces établissements et ainsi de déceler les cas d’exploitation sexuelle et d’usure au détriment des prostituées, population particulièrement vulnérable de ce point de vue. Par ailleurs, rien n'empêche le recourant de se faire remplacer par une personne de confiance s'il doit s'absenter ponctuellement.

Le grief relatif à une violation des principes de la légalité et de la liberté économique en lien avec la tenue à jour du registre et des quittances sera donc écarté.

Le département était ainsi fondé à retenir une violation de l'art. 12 let. a LProst à l'encontre du recourant.

6) Le recourant considère qu'il n'a commis aucun manquement en lien avec ses obligations d'empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques.

a. À teneur de l'art. 12 let. c LProst, la personne responsable d'un salon a pour obligation d'y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques.

b. Dans le message accompagnant le projet de loi, le Conseil d'État indiquait que cet alinéa avait pour but de protéger la santé des clients et des personnes exerçant la prostitution (MGC [En ligne], séance 35 du 2 avril 2009 à 17h00, p. 23, disponible sur : http://www.ge.ch/grandconseil/data/texte/ PL10447.pdf [consulté le 23 mars 2017] ; ATA/205/2014 du 1er avril 2014 consid. 4a).

c. En l'espèce, l'appartement qui abrite le salon de massages « B______ » est un appartement qui comporte deux chambres, aménagées avec deux lits doubles. Un canapé-lit se trouve dans le hall d'entrée de l'appartement en face de la porte d'entrée. Dans la mesure où sept femmes y dorment en même temps, on peut légitimement en déduire qu'il est difficile de conserver une bonne hygiène, ce d'autant plus que ces lits doivent également servir aux différentes prestations sexuelles fournies par les femmes présentes dans l'appartement.

Par ailleurs et au vu des horaires d'ouverture du salon (24h/24h), le rythme de vie des prostituées, notamment leur sommeil, peut être perturbé par les activités du salon de massages.

Ces éléments suffisent d'ores et déjà à établir que le recourant a manqué à son obligation de protéger la santé des prostituées travaillant pour lui. Dès lors, le département était légitimé à retenir à l'encontre du recourant une infraction à l'art. 12 let. c LProst.

Le grief est mal fondé.

7) Le recourant considère que la sanction viole le principe de la proportionnalité.

a. Selon l'art. 14 LProst, fait l'objet de mesures et sanctions administratives la personne responsable d'un salon qui n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 LProst (al. 1 let. d). Le département prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction, l'avertissement (al. 2 let. a), la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois, et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue (al. 2 let. b), la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans (al. 2 let. c). Indépendamment du prononcé de ces mesures et sanctions administratives, le département peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60’000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou de ses dispositions d’exécution (art. 25 al. 1 LProst).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

c. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ; 123 V 150 consid. 2 p. 152 et les références citées ; ATA/114/2015 du 27 janvier 2015 consid. 5c).

d. En l'espèce, il ressort du dossier qu'au cours de l'année 2015, le recourant a fait l'objet de deux sanctions administratives, sous la forme d’avertissements et d’amendes, entrées en force à défaut d’avoir été contestées. La première décision datant du 4 mars 2015 reprochait au recourant de ne pas s’être assuré qu'une femme exerçant la prostitution dans son salon ne contrevenait pas à la législation relative au séjour et au travail des étrangers et pour ne pas avoir été en mesure de présenter le registre du personnel ainsi que les copies des quittances relatives au personnel exerçant la prostitution dans le salon. La seconde décision du 15 avril 2015 retenait un manque à son obligation de s'assurer que deux femmes exerçant la prostitution dans son salon ne contrevenaient pas à la législation relative au séjour et au travail des étrangers.

Ces sanctions sont toutefois restées sans effet, puisque le recourant a persisté à enfreindre les obligations que lui impose la LProst en qualité de personne exploitant un salon de massages, ce que la police a constaté lors du contrôle effectué le 14 novembre 2015. Alors qu'il avait déjà été sanctionné une première fois pour ce motif, le recourant a continué à commettre des manquements dans la gestion administrative de son établissement. Son comportement a d’ailleurs augmenté en intensité, puisque, dans le cadre de la présente procédure, des manquements en lien avec la santé des femmes exerçant dans son salon ont également été constatés, raison pour laquelle le recourant ne peut en tous les cas pas se prévaloir de la prétendue pratique du département qui voudrait que le département n'ordonne la fermeture d'un établissement qu'à partir de la quatrième infraction constatée.

La mesure prononcée à l’encontre du recourant, soit la fermeture du salon pour un mois et l’interdiction d’exploiter tout autre établissement du même type pour une durée analogue, dont la quotité correspond au demeurant au minimum légal pour ce type de sanction, est par conséquent justifiée au vu des éléments susmentionnés. Une telle mesure n’a en outre pas pour vocation de punir l’intéressé, mais de l’amener à adopter, à l’avenir, un comportement conforme à ses obligations, qui sont inhérentes à tout responsable d’un salon de massages.

Enfin et de la même façon, le prononcé d'une amende d'un montant de CHF 3'000.- n’est pas excessif par rapport aux infractions reprochées au recourant. Elle fait également suite à deux précédentes amendes de CHF 1'000.- et de CHF 1'500.-, sans que celles-ci aient eu de véritable effet sur le comportement du recourant, étant au surplus précisé que le montant reste dans la fourchette basse de l'art. 25 al. 1 LProst.

Le grief sera écarté.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2016 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 27 janvier 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lionel Bugmann, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :