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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1648/2014

ATA/52/2015 du 13.01.2015 ( DIV ) , ADMIS

Descripteurs : DÉCISION FORMATRICE ; LÉGALITÉ ; RÉSERVE DE LA LOI ; SÉPARATION DES POUVOIRS ; DÉLÉGATION LÉGISLATIVE
Normes : LSIG.15.al4 ; LSIG.6.letf ; Cst.5.al1 ; LPA.4.al1.leta ; Cst-GE.2
Résumé : En supprimant la rémunération des représentants du personnel des SIG siégeant au conseil d'administration des SIG, le Conseil d'État crée une nouvelle règle de droit (règle primaire) qui ne se fonde sur aucune clause de délégation législative, ni sur une base légale formelle. Violation du principe de la légalité, en particulier sous l'aspect de l'exigence de la base légale, et du principe de la séparation des pouvoirs.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1648/2014-DIV ATA/52/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 janvier 201 5

 

dans la cause

 

Monsieur A______
Monsieur B______

Monsieur C______
Monsieur D______
représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Le 12 décembre 2012, le Conseil d’État a rendu un arrêté n° 1______ relatif à la rémunération des représentants du personnel siégeant au sein des conseils d’administration des établissements publics autonomes ou au sein de conseils de fondations (ci-après : arrêté n° 1). Cet arrêté était communiqué à tous les départements.

Cet arrêté s’appliquait à vingt-trois institutions genevoises énumérées exhaustivement à son chiffre 3. Dans cette liste, figuraient notamment les Transports publics genevois (ci-après : TPG), les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), les Services industriels de Genève (ci-après : SIG), l’Hospice général (ci-après : l’Hospice) et l’Aéroport international de Genève
(ci-après : AIG).

Le Conseil d’État disposait que les représentants du personnel siégeant au sein des conseils d’administration ou des conseils de fondation des institutions visées par l’arrêté n° 1, n’étaient pas rémunérés. Pour ces personnes, les heures dédiées auxdits conseils pouvaient être compensées, soit sous forme de décharge horaire, soit sous forme de récupération d’heures.

2) Le 7 mai 2014, le Conseil d’État a rendu un arrêté n° 2______ relatif à la nomination des membres du conseil d’administration des SIG (ci-après : arrêté n° 2).

Cet arrêté concernait spécifiquement la période allant du 1er juin 2014 au 31 mai 2018. Il visait en particulier Messieurs A______, B______, H______ et D______, élus le 19 mars 2014, en tant que représentants du personnel des SIG au sein du conseil d’administration de cet établissement. Cette élection avait été constatée par arrêté du 24 mars 2014 du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, qui n’avait pas été contesté.

Le chiffre 4 de l’arrêté n° 2 fixait la rémunération des membres du conseil d’administration. Les membres, autres que le président, le vice-président et les présidents de comités spécifiques, recevaient une indemnité annuelle de CHF 5'000.- et des jetons de présence d’un montant de CHF 500.- par séance.

Concernant les membres du personnel des SIG élus au conseil d’administration, le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 avait la teneur suivante : « Les membres du personnel des [SIG] élus au conseil d’administration ne sont pas rémunérés, mais reçoivent une décharge en temps pour la participation aux séances et leur préparation ».

3) Par acte posté le 6 juin 2014, MM. A______, B______, H______ et D______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 en concluant à son annulation et à ce que l’autorité intimée soit condamnée « en tous les frais et dépens » de la procédure de recours.

Leur droit d’être entendu avait été violé. Le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 les plaçait dans une situation à laquelle ils ne pouvaient raisonnablement s’attendre, alors qu’il entraînait des conséquences concrètes importantes sur leur situation personnelle, en particulier sur leur cahier des charges et la répartition de leur temps de travail.

Ils invoquaient une violation de l’égalité de traitement tant par rapport aux représentants du personnel au sein de conseils d’administration d’autres grandes régies publiques que par rapport aux autres membres du conseil d’administration des SIG. En effet, les 30 avril et 7 mai 2014, le Conseil d’État avait rendu trois arrêtés distincts relatifs à la nomination des membres du conseil d’administration de l’AIG (n° 3______), des HUG (n° 4______) et des TPG (n° 5______). Ces trois arrêtés fixaient la rémunération des membres de ces trois conseils d’administration. Ils ne contenaient pas de chiffre équivalent au chiffre 9 de l’arrêté n° 2. D’après ces trois arrêtés, la rémunération des représentants du personnel de ces trois institutions se composait d’une indemnité annuelle de CHF 5'000.- et de jetons de présence d’un montant de CHF 500.- par séance. Le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 ne reposait sur aucune base légale publiée et portait une grave atteinte à la liberté syndicale. Le Conseil d’État avait abusé de son pouvoir d’appréciation en l’adoptant. Le contenu du chiffre 9 litigieux figurait dans une disposition de la loi n° 10679 sur l’organisation des institutions de droit public du 18 novembre 2011, qui avait été refusée en votation populaire le 17 juin 2012.

Ils se prévalaient d’une violation de la liberté syndicale prévue aux articles 28 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.  RS 101) et 36 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst.-GE - A 2 00). Les recourants étaient membres du personnel des SIG et avaient été chacun élus, le 19 mars 2014, par un syndicat différent reconnu du personnel des SIG. L’arrêté n° 2 traitait les représentants syndicaux du personnel différemment des autres membres du conseil d’administration, sur la base d’un motif fondé sur leur appartenance au personnel et à un syndicat. De plus, les syndicats des SIG n’étaient pas traités de la même manière que les syndicats des autres régies publiques, sans qu’aucune raison ne le justifie. Le chiffre 9 litigieux faisait en outre subir aux recourants une atteinte à leur indépendance dans le cadre de leur mandat de membre du conseil d’administration des SIG.

4) Le 1er juillet 2014, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

Il avait adopté l’arrêté n° 1 en se fondant sur l’art. 15 al. 4 de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève du 5 octobre 1973 (LSIG - L 2 35). Dans ledit arrêté, il avait choisi de rémunérer les représentants du personnel, au sein des conseils d’administration ou de fondations des institutions genevoises exhaustivement énumérées, sous la forme d’une compensation sur le temps de travail. Celle-ci pouvait consister en une décharge horaire ou en une récupération d’heures. Cette forme de rémunération n’était pas cumulable avec une rémunération en argent. Le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 ne faisait que confirmer, pour les représentants du personnel au sein du conseil d’administration des SIG, la modalité de rémunération fixée de manière générale dans l’arrêté n° 1 et applicable aux autres établissements publics autonomes.

Pour marquer son intention de poursuivre dans cette voie, le Conseil d’État avait adopté, le 25 juin 2014, de nouveaux arrêtés, confirmant cette modalité de rémunération, lorsqu’elle n’était pas expressément précisée dans les arrêtés de renouvellement des conseils d’administration d’établissements publics autonomes au 1er juin 2014. Tel était le cas des arrêtés du 25 juin 2014 relatifs à la nomination des membres des conseils d’administration de l’AIG (n° 6______), des HUG (n° 7______), des TPG (n° 8______) et de l’Hospice (n° 9______), qui remplaçaient ceux des 30 avril et 7 mai 2014. D’après ces quatre nouveaux arrêtés, les représentants du personnel de l’AIG n’étaient pas rémunérés et participaient aux séances du conseil d’administration sur leur temps de travail. Les représentants du personnel des HUG et de l’Hospice n’étaient pas rémunérés ; leurs heures dédiées au conseil d’administration pouvaient être compensées, soit sous forme de décharge horaire, soit sous forme de récupérations d’heures. Les représentants du personnel des TPG élus au conseil d’administration n’étaient pas rémunérés, mais recevaient une décharge en temps pour la participation aux séances et leur préparation. Il n’y avait ainsi pas d’inégalité de traitement entre les représentants du personnel des SIG et ceux des autres établissements publics autonomes.

5) Le 14 juillet 2014, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. L’arrêté n° 1 n’avait jamais été publié ni notifié aux parties intéressées.

6) Le 15 juillet 2014, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours contre le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

En visant nommément les quatre recourants, élus, le 19 mars 2014, avant l’adoption de l’arrêté n° 2, le chiffre 9 litigieux est une mesure individuelle et concrète prise par le Conseil d’État, autorité administrative (art. 5 let. a LPA), et fondée sur le droit public cantonal, en particulier l’art. 15 al. 4 LSIG (art. 4 al. 1 LPA).

Le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 a en outre pour effet de supprimer la rémunération du mandat de représentant du personnel au sein du conseil d’administration des SIG, pour lequel les recourants ont été élus et qu’ils exercent en tant que sujets de droit distincts de l’institution publique. En effet, le chiffre 9 litigieux remplace, en ce qui concerne les seuls recourants, la rémunération en argent, telle qu’accordée aux autres membres du conseil d’administration des SIG, par une décharge en temps pour leur participation aux séances et la préparation de celles-ci. De plus, il lie la suppression de cette rémunération à une décharge sur le temps de travail que les recourants doivent mettre à disposition des SIG dans le cadre de leur activité professionnelle au service de cette institution publique indépendante de l’État de Genève. En supprimant la rémunération du mandat d’administrateur des recourants et en réduisant leur temps de travail dévolu à l’exécution des tâches leur incombant dans leur relation de travail avec les SIG, le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 affecte la situation juridique individuelle de chacun des recourants (ATF 131 IV 32 consid. 3 ; ATA/714/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1 ; Pierre MOOR / Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 189 s). Le chiffre 9 litigieux constitue ainsi une décision formatrice au sens de l’art. 4 al. 1 let. a LPA, sujette à recours devant la chambre de céans
(art. 132 al. 2 LOJ).

Touchés directement par le chiffre 9 de l’arrêté n° 2, les recourants disposent de la qualité pour recourir contre ledit chiffre (art. 60 al. 1 let. b LPA).

2) Il importe en premier lieu de vérifier si le chiffre 9 de l'arrêté n° 2 respecte le principe de la légalité, en particulier sous l’aspect de l’exigence de la base légale, et le principe de la séparation des pouvoirs.

a. Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État.

Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 621s, 624 et 650; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 448, 467 ss et 476 ss).

b. Au niveau fédéral, le principe de la séparation des pouvoirs est implicitement contenu dans la Constitution fédérale (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, op. cit., Vol. I, p. 458). Il s’agit d’un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe ; en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des règles de droit, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 134 I 322 consid. 2.2 ;
119 Ia 28 consid. 3 ; 118 Ia 305 consid. 1a).

Dans le canton de Genève, l'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil (art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l’exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). Il est habilité, en vertu de l’art. 109 al. 3 Cst-GE, à adopter des règles d’exécution. À moins d’une délégation expresse, le Conseil d’État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles étaient conformes au but de la loi (ATF 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 130 I 140 consid. 5.1 ; 114 Ia 286 consid. 5a ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008 consid. 3a ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., 2013, p. 542 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 323). Pour être applicable et opposable aux citoyens, le règlement du Conseil d’État doit être publié, à l’instar de toute norme juridique (ATF 120 Ia 1 consid. 4b ; Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 55, 179 et 653 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 292).

Le mécanisme de la délégation législative est solidement ancré dans le droit public cantonal (ATA/585/2014 du 29 juillet 2014 consid. 4e ; ATA/391/2007 du 7 août 2007 consid. 6). Il est en effet admis que le législateur cantonal a le droit de déléguer au gouvernement la compétence d'adopter des lois au sens matériel et de l'autoriser à créer des règles de droit sous forme d'ordonnance de substitution dépendante, fondée précisément sur une délégation législative. Ce droit est limité par quatre règles établies par une longue jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 128 I 113 consid. 2 ; 118 Ia consid. 3 ; 115 Ia 277 consid. 7) et qui ont elles-mêmes valeur constitutionnelle. La délégation ne doit pas être prohibée par le droit cantonal. Elle doit se limiter chaque fois à une matière déterminée. Elle doit figurer dans une loi au sens formel. La norme de délégation doit indiquer le contenu essentiel de la réglementation, y compris en cas de rapport de droit spécial tel que le droit de la fonction publique (ATF 128 I 113 consid. 3c ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 497). Un acte législatif qui ne respecte pas l'une ou l'autre de ces quatre conditions ainsi qu'une décision qui se base sur une telle ordonnance, manquent de base légale et violent le principe de la séparation des pouvoirs (ATA/585/2014 précité consid. 4e ; ATA/391/2007 précité consid. 6 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., p. 543 ss.).

c. Le gouvernement peut édicter des règles de droit soit dans des ordonnances législatives d’exécution, soit dans des ordonnances législatives de substitution fondées sur une délégation législative.

Les ordonnances d’exécution concrétisent les règles qui figurent dans la loi en précisant les modalités pratiques de son application, les questions d’organisation et de procédure, ou les termes légaux vagues et imprécis. Elles doivent rester dans le cadre tracé par la loi ; elles ne peuvent contenir que des normes dites secondaires. Une norme secondaire est une règle qui ne déborde pas du cadre de la loi, qui ne fait qu'en préciser certaines dispositions et fixer, lorsque c'est nécessaire, la procédure applicable. Par contre, les ordonnances de substitution fondées sur une délégation législative contiennent des normes dites primaires. Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, une règle qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention. Ces normes primaires doivent toutefois respecter le cadre légal défini par la clause de délégation législative ; celle-ci doit notamment être ancrée dans la loi formelle et indiquer le contenu essentiel de la réglementation
(ATF 134 I 322 consid. 2.4 ; 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 132 I 7 consid. 2.2 ;
104 Ib 205 consid. 3b ; ATA/571/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6 ; ATA/455/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008 consid. 3 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., p. 540 ss ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss et 251 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 323 ss, 371 et 375s).

Pour déterminer l’étendue du pouvoir réglementaire, il faut interpréter la loi quelle que soit la nature de la norme (Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss).

d. Les SIG sont un établissement de droit public genevois, doté de la personnalité juridique et autonome dans les limites fixées par la constitution et la LSIG (art. 1 al. 1 et art. 2 al. 1 LSIG). Ils disposent de deux organes administratifs, le conseil d’administration et le conseil de direction (art. 5A ss LSIG). L’administration des SIG est confiée à un conseil d’administration (art. 6 LSIG). Le conseil d’administration est l’autorité supérieure des SIG (art. 16 al. 1 LSIG). Sous réserve des compétences du Grand Conseil et du Conseil d’État, le conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion des SIG et a notamment les attributions énumérées expressément dans la loi (art. 16 al. 2 let. a à r LSIG). Entre autres, il établit le statut du personnel des SIG et fixe les traitements (let. m) ; il nomme et révoque notamment le personnel sous certaines réserves (let. n). Le Statut du personnel des SIG validé le 26 juillet 2012 (ci-après : Statut SIG) régit les rapports de travail entre les SIG et ses collaborateurs réguliers (art. 1 Statut SIG). Ces derniers sont engagés sur la base d’un rapport de droit public (art. 5 al. 3 Statut SIG). L’engagement des collaborateurs constitue un acte administratif relevant de la compétence des SIG et soumis à l’accord des intéressés (art. 18 Statut SIG). La modification des rapports de travail d’un collaborateur régulier des SIG est réglée aux art. 30 ss Statut SIG.

La composition et le mode de nomination des membres du conseil d’administration des SIG sont fixés à l’art. 6 let. a à f LSIG. Sont notamment membres du conseil d’administration des SIG, quatre membres faisant partie du personnel des SIG, élus, parmi les employés et ouvriers des SIG engagés à titre régulier, par l’ensemble de ce personnel (art. 6 let. f LSIG). Le Conseil d’État désigne le président du conseil d’administration parmi les membres dudit conseil, hormis un conseiller d’État et un conseiller administratif (art. 15 al. 1 LSIG). Le conseil d’administration élit son vice-président parmi ses membres
(art. 15 al. 2 LSIG). Les membres du conseil d’administration représentant le personnel ne sont pas éligibles aux fonctions de président ni de vice-président (art. 15 al. 3 LSIG). L’art. 15 al. 4 LSIG dispose que : « La rémunération du président, du vice-président, des autres membres du conseil d’administration et du conseil de direction est déterminée par le Conseil d’État ».

e. L’art. 15 al. 4 LSIG n’a pas été modifié depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier 1974, intervenue au même moment que celle de la LSIG. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à cette loi que la rémunération visée dans cette disposition légale est une rémunération en argent. Le projet de loi sur l’organisation des SIG, renvoyé en commission par le Grand Conseil le 26 septembre 1969, prévoyait le versement d’« indemnités » en faveur des administrateurs des SIG ; le montant des indemnités était fixé par le conseil d’administration, puis approuvé par le Conseil d’État (MGC 1969 25/III 2529 ss, 2539 et 2548). La commission parlementaire a maintenu le principe de la rétribution des administrateurs des SIG, mais l’a exclue du pouvoir du conseil d’administration et l’a soumise à celui du Conseil d’État. Elle a proposé au Grand Conseil, le 1er octobre 1971, d’adopter l’actuel art. 15 al. 4 LSIG (MGC 1971 22/III 2363 ss, 2443). Un projet de loi alternatif proposait que les « jetons ou indemnités payés aux administrateurs » soient « fixés par le Grand Conseil sur proposition du Conseil d’État » (MGC 1971 22/III 2363 ss, 2461). Le principe du versement d’une somme d’argent pour l’exercice du mandat d’administrateur n’a pas été contesté lors des travaux parlementaires. Pour les membres du conseil d’administration autres que le président et le vice-président, a été soulevée la question de limiter leur rémunération au seul versement de jetons de présence, à l’exclusion d’une indemnité. Cette question n’a toutefois pas suscité de débat, ni remis en cause l’adoption de l’actuel art. 15 al. 4 LSIG (MGC 1971 23/III 2624 ss, 2630 ss ; MGC 1973 27/IV 3607 ss, 3631).

f. En l’espèce, le Conseil d’État fonde le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 sur l’arrêté n° 1 et sur l’art. 15 al. 4 LSIG. Il ressort du texte clair de cette disposition légale que celle-ci ne détermine pas les modalités de la rémunération des membres du conseil d’administration des SIG. Selon les travaux préparatoires susmentionnés, l’idée du législateur était de prévoir une contrepartie financière au mandat exercé par les administrateurs des SIG au sein du conseil d’administration. Or, les recourants, représentants du personnel des SIG siégeant au conseil d’administration, ne sont pas dans un rapport de service avec le Conseil d’État, mais avec les SIG, établissement autonome et indépendant de l’État de Genève. Seul le conseil d’administration des SIG a la compétence de régir les rapports de travail entre les SIG et ses collaborateurs réguliers tels que les recourants
(art. 16 al. 2 let. m et n LSIG, art. 18 Statut SIG). Le pouvoir de surveillance, incombant au Conseil d’État en vertu de l’art. 1 al. 9 LSIG, n’inclut pas le pouvoir de réglementation. Le Conseil d’État n’a donc pas la compétence de prévoir un mode de rémunération autre que la rémunération en argent des représentants du personnel des SIG siégeant au conseil d’administration.

En supprimant la rémunération des représentants du personnel des SIG siégeant au conseil d’administration, le Conseil d’État crée une nouvelle règle de droit (règle primaire), qui ne se fonde sur aucune clause de délégation législative, ni aucune base légale formelle. Il restreint ainsi le droit des recourants en violation de l’art. 15 al. 4 LSIG. Par ailleurs, l’arrêté n° 1 n’a fait que l’objet d’une communication aux départements, et n’a pas été publié. En adoptant le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 et la règle équivalente contenue dans l’arrêté n° 1, le Conseil d’État empiète sur les compétences du Grand Conseil. Ce faisant, il viole tant le principe de la légalité que le principe de la séparation des pouvoirs. Le recours doit donc être admis et le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 annulé.

3) Vu l’issue du litige, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés par les recourants.

4) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le chiffre 9 de l’arrêté n° 2 annulé. Aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 juin 2014 par Messieurs A______, B______, H______ et D______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 7 mai 2014 relatif à la nomination des membres du Conseil d’administration des Services industriels de Genève n° 3546-2014 ;

au fond :

l’admet ;

annule le chiffre 9 de l’arrêté du Conseil d’État du 7 mai 2014 relatif à la nomination des membres du Conseil d’administration des Services industriels de Genève n° 2______ ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :