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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3751/2013

ATA/6/2015 du 06.01.2015 ( MARPU ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 16.02.2015, rendu le 21.05.2015, IRRECEVABLE, 2C_158/15
Descripteurs : ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS) ; ADJUDICATEUR ; APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS) ; COMPOSITION DE L'AUTORITÉ ; CONFLIT D'INTÉRÊTS ; DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE ; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL) ; JURÉ ; MAÎTRE DE L'OUVRAGE ; MARCHÉS PUBLICS ; PROCÉDURE OUVERTE ; RÉCUSATION ; SOUMISSIONNAIRE
Normes : CST.29.al2 ; AIMP.1 ; AIMP.11.letd ; AIMP.18.al1 ; LPA.15.al2.letd ; RMP.16; RMP.19
Parties : LOIC CHAREYRE ARCHITECTE & ATELIER D'ARCHITECTURE JM BOZETTO SARL, ATELIER D'ARCHITECTURE JM BOZETTO / COMMUNE D'ANIERES, DREIER & FRENZEL S.A R.L.
Résumé : En droit genevois des marchés publics, les cas de collusion susceptibles de se produire le plus fréquemment entre concurrents, jurés et experts sont ceux occasionnés par les rapports de travail et les relations d'affaires. Une personne participant à un concours ne peut être employée, ni en relation de dépendance ou d'association professionnelle avec un membre du jury ou un expert nommé dans le programme de concours. Même si les propositions de concours sont appréciées de manière anonyme, l'exigence de l'impartialité des jurés demeure. La situation de conflit d'intérêt entre un membre du jury et un soumissionnaire n'a pas pour conséquence l'exclusion du candidat au concours, mais la récusation du juré concerné, le RMP ne prévoyant pas de renvoi au règlement SIA, mais à la loi sur la procédure administrative. Les règles sur la récusation étant de nature formelle, leur violation conduit à l'annulation de la « décision » du jury sans qu'une correction ne soit possible.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3751/2013-MARPU ATA/6/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 janvier 2015

 

dans la cause

 

Monsieur Loïc CHAREYRE, architecte

et

ATELIER D'ARCHITECTURE JM BOZETTO Sàrl
représentés par Me Reynald Bruttin, avocat

contre

COMMUNE D'ANIÈRES
représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

et

DREIER & FRENZEL Sàrl, appelée en cause
représentée par Me Mathieu Simona, avocat

 



EN FAIT

1) Le 17 août 2010, la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social (ci-après : FVGLS) a signé un contrat relatif aux prestations d’architecture pour la construction d’un bâtiment de logements sur l’ancien site d’Artamis, (ci-après : éco-quartier de la Jonction), avec les bureaux d’architecture Dreier & Frenzel Sàrl (ci-après : Dreier) et Alain Dreier Bureau technique du bâtiment SA (ci-après : BTB SA).

2) Le 22 mars 2011, BTB SA a transmis à Monsieur Patrice BEZOS, administrateur et président du bureau d’architecture Favre & Guth SA (ci-après : Favre) une proposition de mandat de coordination de l’éco-quartier de la Jonction.

L’objectif du mandat était l’exécution de prestations de pilotage général pour le compte de la société simple Social Loft (ci-après : Social Loft), un bureau d’architectes, en vue de déposer dans les délais convenus les demandes d’autorisation de construire des cinq projets prévus dans l’éco-quartier de la Jonction. L’activité consistait en la prise de connaissance du dossier et la recherche de toutes les informations nécessaires à l’exécution du mandat auprès des mandataires, des maîtres d’ouvrage, à l’identification de toutes les démarches, informations, documents, rapports nécessaires à chaque projet en vue du dépôt des demandes d’autorisation de construire. Elle englobait également la participation à des séances individuelles avec les maîtres d’ouvrage, la rédaction du procès-verbal, l’organisation des tâches et le suivi des actions à entreprendre, la participation à des séances de coordination technique, à des séances internes de Social Loft, la participation à des séances de travail et de négociation avec les services de l’État. Elle s’étendait enfin à la participation à la mise au point des plannings décisionnels et/ou planning de suivi des démarches et des procédures avec le planificateur général du mandat, à toutes les démarches et séances nécessaires pour atteindre l’objectif du mandat. L’activité devait se développer sur une période allant de début avril 2011 à fin juin 2011. Le volume de travail prévu était de 60 à 70 %.

3) Le 24 mars 2011, M. BEZOS a confirmé la disponibilité de Favre pour remplir les prestations décrites dans l’appel d’offres de BTB SA pour un montant forfaitaire de CHF 55'000.- couvrant la période d’avril, mai et juin 2011 et a adressé une copie de ce courriel à Dreier.

4) Le 29 mars 2011, Dreier a communiqué notamment à la société simple de l’éco-quartier de la Jonction, à différents services de la Ville de Genève et à la FVGLS les noms des bureaux devant venir renforcer le groupe de planification dans le cadre du projet susmentionné.

Le pilotage général pour toutes les parties de l’ouvrage jusqu’au dépôt du dossier de mise à l’enquête était confié à Favre et M. BEZOS était désigné comme une des personnes devant remplir cette tâche.

Sur l’organigramme joint à ce courrier, Social Loft était désigné comme une société formée de Dreier et de BTB SA.

5) Le 3 mai 2011, la commune d’Anières (ci-après : la commune) a établi le programme d’un concours de projets d’architecture à un degré en procédure ouverte portant sur la « construction d’équipements publics, mairie, bureau de poste, local pompiers et logements » (ci-après : MPPL).

Elle était le maître d’ouvrage et l’adjudicateur. La participation au concours impliquait notamment l’acceptation du programme et des réponses aux questions posées par les concurrents.

Le coût global de l’ouvrage était estimé à CHF 34'000'000.-. Le jury disposait d’une somme globale de CHF 200'000.- pour les prix et mentions. Les dossiers devaient être rendus au plus tard le 14 octobre 2011, le « jugement » devant avoir lieu entre le 31 octobre 2011 et le 2 décembre 2011 et la proclamation des résultats le 9 décembre 2011. L’anonymat était garanti pendant toute la procédure du concours. Les documents demandés aux concurrents et leurs emballages ne devaient pas porter d’indication permettant une identification. Ils devaient être munis d’une devise qui devait être également reportée sur l’enveloppe cachetée contenant la fiche d’identification. Aucun candidat, associé ou collaborateur ne devait se trouver en situation de conflit d’intérêts avec des membres du jury, sous peine de se voir exclu du concours. Les candidats qui remettaient leurs dossiers et maquette par envoi postal ou autres services de courrier et qui ne pouvaient pas garantir l’anonymat sur l’emballage des documents, devaient les adresser à un notaire désigné.

Présidé par Monsieur Serge SERAFIN, adjoint au maire de la commune, le jury était composé de quatorze membres, dont M. BEZOS et Monsieur Théodore NECKER, architecte indépendant et membre du conseil de la FVGLS, de huit suppléants et de cinq spécialistes-conseils.

Le « jugement » du jury avait force obligatoire. La commune s’engageait à confier au lauréat le mandat d’étude et de réalisation du MPPL, d’après la recommandation du jury avec les réserves d’usage, notamment le référendum communal au vote des crédits d’étude et de construction.

6) Par publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 9 mai 2011, la commune a mis au concours le MPPL.

Le marché n’était pas divisé en lots, les projets partiels n’étaient pas admis et le délai de réalisation prévu s’étendait du 10 janvier 2013 au 23 décembre 2016. Les documents relatifs au projet pouvaient être obtenus jusqu’au 15 septembre 2011, moyennant un versement de CHF 150.-.

Les noms des quatorze membres du jury étaient également publiés parmi lesquels figuraient MM. BEZOS et NECKER.

7) Le 9 mai 2011, Favre a envoyé à BTB SA la note de ses honoraires du mois d’avril 2011 d’un montant de CHF 19'764.-.

8) Le 7 juin 2011, il en a fait de même pour le même montant.

9) Le 29 juin 2011, M. BEZOS a, selon Monsieur Yves DREIER de Dreier, discuté avec son père, Monsieur Alain DREIER, administrateur de BTB SA, de la suite du mandat concernant la coordination de l’éco-quartier de la Jonction.

10) Le 30 juin 2011, Favre a envoyé à BTB SA le solde de sa note d’honoraires de CHF 19'872.-.

11) Le 9 août 2011, M. Yves DREIER a adressé à Favre une proposition de poursuite de la collaboration entre les deux bureaux d’architecture au sujet de l’éco-quartier de la Jonction.

Suite à la discussion entre M. BEZOS et son père, il souhaitait revenir sur des points sur lesquels une poursuite de la collaboration était envisagée dans le cadre du projet susmentionné. Il s’agissait notamment du conseil et du pilotage, de l’aide ponctuelle dans la communication, de la lecture et du suivi des échanges de courriels avec le maître d’ouvrage.

12) Le 11 août 2011, Favre a indiqué à Dreier qu’il ne pouvait pas exécuter les tâches pour lesquelles une offre lui était demandée.

Il n’était pas possible d’apporter son aide sans être complétement immergé dans un projet complexe par sa multiplicité des programmes et des maîtres d’ouvrage. Une telle participation revenait à assumer une responsabilité importante sans pouvoir maîtriser les tenants et les aboutissants du projet.

13) Le 16 août 2011, Dreier a annoncé à ses partenaires de l’éco-quartier de la Jonction la fin du mandat de coordination de Favre.

Pour le moment, le mandat ne devait pas être reconduit, Favre ayant refusé une proposition de poursuivre sa collaboration avec un suivi « allégé ».

14) Le 22 août 2011, Dreier s’est inscrit au concours de marchés publics organisé par la commune. Son projet était intitulé « En lieu et place » et portait le numéro 10.

15) Monsieur Loïc CHAREYRE et l’Atelier d’architecture JM Bozetto Sàrl (ci-après : Bozetto) en ont fait de même à une date indéterminée, en présentant un projet commun intitulé « Grand large » et portant le numéro 14.

16) En octobre 2011, les négociations entre Favre et Dreier ont, selon les déclarations de M. Yves DREIER, repris sur insistance de la FVGLS qui souhaitait le renforcement de Dreier, en vue d’une collaboration entre les deux bureaux d’architectes sur l’éco-quartier de la Jonction.

17) Le 2 novembre 2011, le jury a tenu sa première séance d’examen des projets reçus dans le cadre du concours de marchés publics organisé par la commune.

18) Le 21 novembre 2011, M. SERAFIN a envoyé aux participants une invitation de la commune au vernissage du concours prévu le 9 décembre 2011.

19) Le 24 novembre 2011, un plan de répartition des prestations entre mandataires et sous-mandataires a été signé entre les différents partenaires de l’éco-quartier de la Jonction.

Favre devait fournir des prestations de l’ordre de 16 %, alors que Dreier était chargé de 51,5 % sur des réalisations estimées à 67,5 % de l’ensemble de l’éco-quartier de la Jonction.

20) Le 30 novembre 2011, le jury a procédé à l’unanimité au choix du lauréat du concours de marchés publics organisé par la commune.

Sur vingt-trois bureaux d’architecture suisses et étrangers inscrits au concours, dix-neuf avaient rendus leur dossier dans les délais. Après deux tours d’élimination, quatorze projets avaient été écartés, le jury n’en sélectionnant que cinq pour le « jugement » final. Il avait, à l’unanimité, attribué le premier rang et le premier prix au projet n° 10 « En lieu et place », le n° 14 « Grand large » suivait au deuxième rang et obtenait le deuxième prix. Le jury recommandait à la commune de confier au lauréat le mandat pour la suite de l’étude et de la réalisation du MPPL.

21) Le même jour, l’organisateur du concours a procédé à l’ouverture des enveloppes et levé successivement l’anonymat des participants.

S’agissant des projets primés, chaque juré, à la demande du président, devait signaler toute éventuelle situation de conflit d’intérêts. À l’ouverture de l’enveloppe du lauréat, un tel cas était apparu entre celui-ci et un membre du jury, une relation contractuelle les ayant liés durant le déroulement du concours. Le jury avait dès lors décidé d’écarter le projet n° 10 « En lieu et place ». Il avait procédé à un nouvel examen des quatre projets primés restants et confirmé l’ordre du classement, primant alors le projet n° 14 « Grand large » et recommandant à la commune de confier à l’auteur de celui-ci le mandat d’étude et de réalisation du MPPL. Il avait également donné mandat au président du jury de porter à la connaissance des candidats des projets primés et de celui écarté du « jugement » les résultats du concours.

22) Le 2 décembre 2011, M. SERAFIN, donnant suite à une décision du jury, a écrit à la Société suisse des ingénieurs et des architectes (ci-après : SIA), sollicitant un avis de droit.

Lors du « jugement » final du concours, un conflit d’intérêts était apparu entre l’un des membres du jury en relation d’affaires avec le lauréat durant les mois d’avril 2011 à juillet 2011. Un nouveau contrat devait être conclu entre les mêmes parties à la fin du mois de décembre 2011.

23) Le même jour, M. SERAFIN a, par courriel, informé les participants au concours que le vernissage précédemment annoncé était reporté à une date ultérieure, le « "jugement" prenant plus de temps que prévu ».

24) Le 21 décembre 2011, la SIA a conclu à l’absence de conflit d’intérêts entre Dreier et Favre.

Les deux bureaux d’architecture n’étaient certes pas en relations contractuelles pendant le concours, mais leur situation concrète était, de facto, assimilable à une relation contractuelle continue. La question déterminante était toutefois celle de savoir s’il existait entre eux une relation de dépendance. Tel n’était pas le cas. Les mandats reçus ou à recevoir de Dreier par Favre étaient modestes par rapport à son chiffre d’affaires. De toute évidence, l’existence de Favre, bureau composé d’une trentaine de collaborateurs, ne dépendait pas du montant de CHF 55'000.- ni de celui des futurs honoraires équivalent à un poste occupé par un collaborateur pendant trois ans à un taux d’activité de 20 à 30 %. L’inexistence de relations contractuelles pendant la phase de concours et d’une relation contractuelle pouvant créer une dépendance illicite écartait tout conflit d’intérêts entre Dreier et Favre.

25) Le 23 décembre 2011, la FVGLS, représentée par M. NECKER, Dreier et BTB SA ont signé, avec bon pour accord de Favre, un avenant au contrat du 17 août 2010 portant sur l’éco-quartier de la Jonction.

Dreier acceptait de confier à Favre une partie de l’exécution de son mandat. Favre devait s’assurer du respect du planning, contrôler les coûts dans la phase d’exécution du projet et représenter Dreier auprès de la FVGLS en qualité d’interlocuteur. Ses honoraires étaient estimés à environ CHF 500'000.- sur trois à quatre ans.

26) Le 10 janvier 2012, le jury du concours de marchés publics organisé par la commune a, à l’unanimité, décidé de « casser son [deuxième] "jugement" » du 30 novembre 2011 désignant comme lauréat le projet n° 14 « Grand large » et de réintégrer le projet n° 10 « En lieu et place » dans le concours.

Il avait pris connaissance de la prise de position de la SIA niant l’existence d’un conflit d’intérêts entre Dreier et M. BEZOS et une situation de dépendance de Favre par rapport au candidat mis en cause. Suivant cet avis de droit, il octroyait, à l’unanimité, le premier prix au projet « En lieu et place ». Il avait recommandé à la commune de confier à son auteur le mandat pour la suite de l’étude et de la réalisation du MPPL. Il avait rétabli son premier « jugement » pris avant la levée de l’anonymat des participants au concours.

27) Par courrier du 25 janvier 2012, la commune a informé les participants du classement des projets primés.

Dreier avait obtenu le premier prix et occupait le premier rang pour son projet « En lieu et place », M. CHAREYRE et Bozetto étaient classés au deuxième rang et recevait le deuxième prix du concours pour leur projet « Grand large ».

Compte tenu de la qualité du projet retenu, il a invité la commune à confier à son auteur le mandat pour poursuivre l’étude et la réalisation du MPPL.

Le rapport du jury devait être distribué le 2 février 2012, jour prévu pour le vernissage du concours.

28) Par actes expédiés le 6 février 2012, M. CHAREYRE et Bozetto ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du jury du 10 janvier 2012 et celle de la commune du 25 janvier 2012, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif aux recours et, sur le fond, à l’annulation des décisions entreprises, à ce qu’il soit dit que la [deuxième] décision du jury du 30 novembre 2011 était valable, que le bureau Dreier était exclu du concours, que leur projet obtenait le premier rang et le prix du concours et que, par conséquent, le mandat d’architecture leur était attribué conformément à la [deuxième] recommandation du jury.

La décision de réintégrer Dreier, de le désigner comme lauréat et de lui attribuer le mandat était infondée, illégale voire arbitraire et contrevenait tant au règlement du concours et au règlement SIA 142 qu'aux dispositions légales régissant les marchés publics. La relation contractuelle entre Dreier et M. BEZOS avait certes cessé durant la procédure, mais elle avait repris à la fin du concours. L’existence d’un conflit d’intérêts étant ainsi avérée, l’exclusion de Dreier s’imposait. Il ne revenait pas au jury de rétablir sa décision et de solliciter la prise de position de la SIA, mais à Dreier d’intervenir judiciairement contre son exclusion.

29) Le 16 mars 2012, la commune s’en est remise à l’appréciation de la chambre administrative s’agissant de la restitution de l’effet suspensif, de la recevabilité et du bien-fondé du recours.

La détermination du jury du 10 janvier 2012 n’était pas une décision administrative. Le bien-fondé de la prise de position de la SIA était douteux, l’existence d’une relation continue entre les parties voire la tenue de pourparlers pendant le concours ne pouvant être exclue. Pour normaliser la situation, il aurait appartenu aux parties de mentionner ouvertement leurs relations, lors des préqualifications, ce qui n’avait pas été le cas, le conflit d’intérêts n’ayant été découvert qu’à l’issue du concours. Ces faits étaient en contradiction avec le règlement SIA 142. Le conflit d’intérêts ne remplissait toutefois aucune des conditions légales d’exclusion. La récusation de M. BEZOS ne pouvait pas être exigée, dans la mesure où l’anonymat ne lui permettait pas de connaître l’identité des concurrents, celui-ci n’avait du reste aucun intérêt personnel à l’attribution du premier prix à Dreier. La commune éprouvait désormais des doutes quant à la probité du lauréat, qui avait délibérément dissimulé la situation au jury.

30) Le 20 mars 2012, la chambre administrative a ordonné l’appel en cause de Dreier, sa situation risquant d’être affectée par l’issue de la procédure.

31) Le 3 avril 2012, Dreier s’en est rapporté à l’appréciation de la chambre de céans quant à l’octroi de l’effet suspensif et a conclu, à l’irrecevabilité du recours s’agissant de la décision du jury du 10 janvier 2012 et, sur le fond, à son rejet.

32) Le 7 mai 2012, le juge délégué a procédé à l’audition des parties lors d’une audience de comparution personnelle.

a. M. CHAREYRE et Bozetto ont persisté dans les termes de leurs recours. Le 2 décembre 2012, M. SERAFIN les avait informés, par téléphone, avoir gagné le concours.

b. Selon la commune, son courrier du 25 janvier 2012 adressé à M. CHAREYRE et Bozetto visait à leur communiquer la recommandation du jury et n’était pas une décision d’adjudication. Il avait néanmoins été rédigé sur le papier à en-tête de la commune, celle-ci étant l’organisatrice du concours, et indiquait les voies de droit en matière d’adjudication des marchés publics au regard du risque de contentieux engendré par les prises de positions antagonistes du jury. À ce stade, la commune s’était limitée à proclamer les résultats et prendre acte de la recommandation du jury. Lors de la levée de l’anonymat, M. BEZOS avait informé le jury de l’existence d’une relation contractuelle avec le lauréat. M. NECKER, lequel était également en relation d’affaires, de manière indirecte, avec Dreier, avait confirmé ce fait. Cette situation avait mis la commune dans une mauvaise posture, leurs rapports d’affaires ayant du reste repris en vue de la signature d’un nouveau contrat entre Dreier et Favre.

c. Selon M. Yves DREIER, qui représentait l’appelée en cause, celle-ci n’avait pas eu connaissance de l’existence du concours avant le mois d’août 2011. Le chiffre d’affaires annuel du bureau était de CHF 1'800'000.-, lequel n’était entré en relation d’affaires avec Favre qu’à partir du mois de mars 2011 dans le cadre de l’éco-quartier de la Jonction. Après une collaboration de trois mois, Favre n’avait pas souhaité poursuivre le mandat, l’offre ne l’intéressant pas. Sur l’insistance de la FVGLS, qui exigeait que Dreier « se renforce », Favre avait accepté un nouveau mandat, ses honoraires devant s’élever à près de CHF 500'000.- sur trois à quatre ans. Les négociations avec Favre avaient débuté dans le courant du mois d’octobre 2011, Dreier ayant eu pour interlocuteurs MM. BEZOS et NECKER. Dreier n’avait pas émis de réserve lors de ces discussions du fait de la présence de ceux-ci, leur intervention leur ayant été imposée par la FVGLS.

33) Par décision du même jour, la chambre administrative a restitué l’effet suspensif aux recours de M. CHAREYRE et Bozetto.

34) Le 21 mai 2012, Dreier a persisté dans ses conclusions et a requis une mission d’expertise complémentaire à confier à la SIA.

35) Le 15 juin 2012, la commune a persisté dans ses conclusions.

36) Le même jour, M. CHAREYRE et Bozetto ont aussi persisté dans leurs conclusions.

37) Par arrêt du 8 janvier 2013 (ATA/7/2013), la chambre de céans a déclaré irrecevables les recours interjetés le 6 février 2012 contre la recommandation du jury du 10 janvier 2012 et le courrier du 25 janvier 2012 de la commune.

Les deux actes n’étaient pas des décisions sujettes à recours. La recommandation du jury ne s’adressait pas aux participants au concours, qui ne pouvaient en tirer aucun droit ou obligation. Elle était comparable à un préavis. Elle était un acte interne, préalable à la décision à prendre.

38) Le 17 septembre 2013, la commission « Urbanisme et constructions » de la commune (ci-après : la commission) a, à l’unanimité, émis un préavis favorable au MPPL.

Le projet ne devait pas être abandonné et le mandat de son étude et de sa réalisation devait être attribué au lauréat.

39) Le 29 octobre 2013, le conseil municipal de la commune (ci-après : le conseil municipal) a, à l’unanimité, confirmé le préavis favorable de la commission.

40) Par décision publiée dans la FAO du 12 novembre 2013, la commune a adjugé à Dreier le mandat d’étude et de réalisation du MPPL.

41) Par acte expédié le 21 novembre 2013, M. CHAREYRE et Bozetto ont recouru contre la décision d’adjudication précitée auprès de la chambre administrative, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à l’apport de la procédure A/395/2012, et sur le fond, principalement à son annulation, à ce que Dreier soit exclu du concours, à ce que le premier rang et le premier prix leur soient attribués et à ce que la commune soit invitée à leur confier le mandat d’étude et de réalisation conformément à la [deuxième] recommandation unanime du jury du 30 novembre 2011 ; subsidiairement, à ce que la commune soit invitée à rendre une nouvelle décision d’adjudication leur confiant le mandat d’étude et de réalisation du projet conformément à la [deuxième] recommandation unanime du jury du 30 novembre 2011.

L’effet suspensif devait être accordé pour éviter l’attribution du marché de manière définitive et exécutoire avant l’issue de la procédure au fond.

L’association professionnelle et la dépendance entre Dreier et deux membres du jury, M. BEZOS d’une part, et M. NECKER, d’autre part, constituaient deux conflits d’intérêts justifiant l’exclusion du lauréat.

Les relations professionnelles et de sous-traitance entre Dreier et Favre avaient existé avant, pendant et après la procédure du concours. La dépendance entre les deux bureaux d’architecture était non seulement financière, mais aussi logistique, Dreier, étant peu expérimenté, avait besoin de Favre pour se renforcer. M. NECKER, en sa qualité de membre de la FVGLS, était resté en contact permanent avec le lauréat pendant toute la durée du concours. En raison de ce double conflit d’intérêts, Dreier aurait dû renoncer à participer au concours, ce qu’il n’avait pas fait, alors que les noms des membres du jury étaient connus dès la publication du concours dans la FAO du 9 mai 2011. Il avait dès lors postulé à ses risques et périls, connaissant ses relations d’affaires avec deux membres du jury. Son exclusion s’imposait.

42) Le 10 décembre 2013, la commune s’en est remise à justice concernant la requête d’effet suspensif.

Le litige avait fait l’objet d’une procédure antérieure qui avait abouti à l’irrecevabilité des recours du 6 février 2012. Le déclassement des parcelles destinées à accueillir les nouveaux bâtiments et logements du MPPL se poursuivait.

43) Le 11 décembre 2013, Dreier s’en est remis également à justice quant à l’octroi de l’effet suspensif.

Aucun rapport de dépendance n’avait existé entre lui et Favre, d’une part et, la FVGLS, d’autre part.

44) Par décision du 17 décembre 2013 (ATA/817/2013), la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours du 21 novembre 2013.

Le recours n’était pas prima facie dénué de toute chance de succès et l’intérêt public à une décision d’adjudication conforme à la loi l’emportait sur l’intérêt privé de Dreier à l’obtention du marché. L’effet suspensif devait être restitué pour permettre de trancher la problématique soulevée.

45) Le 10 janvier 2014, la commune s’en est rapportée à justice quant à la recevabilité et au bien-fondé du recours.

Elle nourrissait toujours des doutes sur l’avis de droit de la SIA, dans la mesure où la prise de position n’avait pas examiné la question relative à l’annonce préalable de Dreier de son rapport contractuel existant avec un membre du jury avant la préqualification. Elle avait attribué le mandat au lauréat, suivant en cela la recommandation du jury. Cette décision était la seule permettant de respecter la législation en vigueur sur les marchés publics dans le cadre d’une procédure « de gré à gré » et d’éviter de verser au lauréat évincé un dédommagement.

46) Le même jour, Dreier a conclu au rejet du recours.

Seule une procédure de concours contraire aux dispositions sur les marchés publics pouvait aboutir à l’annulation d’une décision d’adjudication « de gré à gré ». Aucune condition de récusation des membres du jury mis en cause n’était réalisée. Par ailleurs, l’anonymat avait été garanti jusqu’à la fin du concours. L’adjudicateur pouvait se référer aux règles des associations professionnelles dans le déroulement du concours, il ne pouvait pas par contre introduire des règles plus contraignantes que les dispositions sur les marchés publics. Les participants à un concours n’étaient pas fondés à demander l’exclusion du lauréat en invoquant un motif de conflit d’intérêts. La procédure du concours avait respecté le règlement idoine.

Il n’avait pas à faire une annonce préalable de ses relations avec M. BEZOS, aucun rapport n’ayant lié ces parties à la date de sa soumission au concours. En outre, inscrit déjà au concours, il ne pouvait pas agir ainsi sans briser le secret de l’anonymat. Le devoir d’annonce préalable était du reste obsolète depuis 2008.

M. NECKER n’avait aucun intérêt financier lié au résultat de la FVGLS. Aucun contrat ne l’avait lié à ce juré à titre personnel ou à des sociétés dans lesquelles il pouvait avoir un intérêt financier, à titre d’actionnaire notamment. Il ne dépendait pas économiquement de la FVGLS, le mandat d’architecture confié par celle-ci représentant une fraction de son chiffre d’affaires et non l’essentiel de ce dernier.

47) Le 20 janvier 2014, le juge délégué a imparti aux parties un délai arrivant à échéance le 28 février 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires.

48) Le 28 février 2014, M. CHAREYRE et Bozetto ont persisté dans leurs conclusions.

49) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la contestation d’une décision d’adjudication d’un marché de construction en raison d’une situation de conflits d’intérêts entre deux membres du jury et le lauréat.

Le concours organisé est soumis à l’Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics (AMP - RS 0.632.231.422), à la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) ainsi qu’au règlement des concours d’architecture et d’ingénierie SIA 142 (ci-après : règlement SIA 142), version 2009.

3) Les diverses règles applicables à une procédure de concours s’organisent selon une hiérarchie déterminée. Conformément au principe de la supériorité du droit international sur le doit interne, les réglementations fédérales et cantonales du concours doivent respecter les principes statués par l’AMP (Jacques DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, 2005, p. 24 n. 60). La réglementation privée revêt une grande importance pratique pour le concours, certaines lois cantonales renvoyant aux normes établies par les associations professionnelles. L’applicabilité de ces normes impose de distinguer selon qu’il s’agit d’un renvoi direct à un règlement déterminé ou d’une autorisation à l’adjudicateur à renvoyer indistinctement, dans le règlement qu’il établit pour une procédure, aux règles des organisations professionnelles (Jacques DUBEY, op. cit., p. 38 n. 112 et 113).

À Genève, le RMP ne renvoie pas aux règlements SIA applicables en matière de marchés publics.

4) L’art. 1 AIMP énonce les principes qui régissent, au niveau cantonal, les marchés publics. Il s’agit notamment d’assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires, de garantir l’égalité de traitement à l’ensemble de ceux-ci, l’impartialité de l’adjudication ainsi que la transparence des marchés publics et, finalement, de permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics. Ces principes sont repris à l’art. 16 RMP (ATA/291/2014 du 29 avril 2014 ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011).

a. Le respect de l’égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l’autorité adjudicatrice à les traiter de manière égale pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/134/2012 du 13 mars 2012 ; ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics, RDAF 2004, p. 241 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL [éd.], Droit des marchés publics, 2002, p. 109). La chambre administrative a déjà eu l’occasion de rappeler le caractère formaliste du droit des marchés publics qu’impose le respect de ce principe (ATA/134/2012 précité ; ATA/150/2009 du 14 mars 2009 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009).

b. L’anonymat des participants à un concours est un autre principe solidement ancré en matière de marchés publics. L’AMP, l’AIMP et le RMP ne consacrent toutefois aucune de leurs dispositions à ce principe, au contraire de l’art. 48 de l’ordonnance sur les marchés publics du 11 décembre 1995 (OMP - RS 172.056.11 ; JAAC 70.74, p. 1199 consid. 2a.bb), applicable aux marchés publics fédéraux. Par ailleurs, la jurisprudence des cantons dont le droit n’énonce pas expressément le principe de l’anonymat y voit une exigence qui correspond à l’essence de la mise en concurrence ; la doctrine soutient également que le principe de l’anonymat est essentiel dans le domaine des concours (Felix JOST/Claudia SCHNEIDER HEUSI, Architektur- und Ingenieur-wettbewerbe im Submissionrecht, ZBl 2004 p. 352 ; Jacques DUBEY, op. cit., p. 108-109 n. 297).

c. Le règlement SIA 142 prévoit quant à lui expressément que les concours se déroulent dans l’anonymat (art. 1.4).

d. L’anonymat impose une séparation entre la connaissance des prestations de conception mises en concurrence, d’une part, et la connaissance de l’identité de leurs prestataires respectifs, d’autre part. Il s’agit d’une concrétisation des principes de l’égalité, de transparence et de concurrence. Les caractéristiques liées à la personne du prestataire sont des critères étrangers à l’appréciation de propositions de solutions. Compte tenu des critères qui leur sont applicables, celles-ci ne peuvent être appréciées objectivement qu’en faisant abstraction de l’identité de leur auteur (Jacques DUBEY, op. cit., p. 109 n. 299). Le risque d’un « jugement » partial existe, lorsque les membres du jury ont connaissance de l’identité des auteurs des projets soumis aux concours (Felix JOST/ Claudia SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 358). Dans le cadre d’un concours partiellement anonyme en deux phases, il existe une apparence de partialité fondée sur les relations professionnelles ponctuelles antérieures entre un participant à un concours et un juré (arrêt du Tribunal administratif de Lucerne V 03 308 consid. 10 et 11, in ZBl 2004, p. 396 ss). En ce qui concerne les concours de marchés publics effectués dans le respect de l’anonymat complet, il est garanti que les jurés ne vont pas se laisser guider par des considérations égoïstes et étrangères à l’appréciation des projets. Cependant, pour empêcher des abus, les règles de la récusation sont à prévoir (Felix JOST/Claudia SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 358).

5) a. L’évaluation des propositions des candidats à un concours est confiée à un jury qui est désigné selon les prescriptions des lois cantonales. Le jury est une concrétisation des principes de transparence et d’objectivité motivée par la nature particulière des contributions mises en concurrence, au même titre que l’anonymat. Sa composition doit assurer que l’appréciation des prestations soit indépendante. Les membres doivent être indépendants des concurrents (Jacques DUBEY, op. cit., p. 104 n. 284). L’avis de concours doit indiquer le nom des membres du jury, de leurs suppléants et des experts (Jacques DUBEY, op. cit., p. 213-214 n. 611 à 619).

b. De manière générale, la doctrine et la jurisprudence dénient à l’ensemble des actes du jury la qualité de décision administrative susceptible de recours, en particulier à l’acte par lequel le jury recommande à l’organisateur l’adjudication du marché au lauréat. La recommandation ne déploie aucun effet juridique externe ni sur le lauréat ni sur les concurrents (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI [éd.], Marchés publics, 2012, p. 291). Comparable à un préavis, c’est un acte interne, préalable à la décision qui sera prise ultérieurement (ATA/7/2013 du 8 janvier 2013 ; ATA/340/2010 du 18 mai 2010). Un préavis ne lie en principe pas l’autorité qui le reçoit (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 280 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 148). Par ailleurs, comme acte interne, tant que la décision de l’autorité compétente n’a pas encore été prise, l’autorité de préavis peut toujours le modifier, notamment en cas de changement des circonstances qui l’ont fondé.

6) En l’espèce, le jury a, dans la même composition et à l’unanimité, modifié à deux reprises son appréciation finale. Le 30 novembre 2011, bien qu’ayant désigné comme lauréat l’auteur du projet « En lieu et place », après avoir pris connaissance du nom de ce participant et des relations professionnelles qui l’unissaient à Favre, il l’a exclu et a procédé à un nouveau « jugement » qui a désigné comme lauréat les concepteurs de « Grand large ». Le jury a ensuite requis un avis de droit de la SIA sur les relations professionnelles entre Favre et Dreier. Celle-ci a rendu une prise de position niant l’existence d’un lien de dépendance entre les deux bureaux d’architecture. Suite à cet avis de droit, le jury a, le 10 janvier 2012, rétabli sa première appréciation et « cassé » celui désignant les recourants comme lauréats. Il convient dès lors de déterminer la validité des « jugements successifs » du jury à l’aune des dispositions légales qui régissent son activité.

7) En procédure de concours, les règles sur le jury relèvent du droit public (Jacques DUBEY, op. cit., p. 192).

a. Selon l'art. 11 let. d AIMP, les conditions de récusation des personnes concernées doivent être respectées lors de la passation de marchés et, selon l’art. 19 RMP, les personnes appelées à préparer ou à rendre une décision en matière de marchés publics doivent se récuser aux conditions de l’art. 15 LPA.

b. L'art. 15 al. 2 let. d LPA prévoit notamment que les membres des autorités administratives appelées à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire ou s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

c. Selon la chambre de céans, la notion de récusation des membres d'une autorité administrative, qui doit être comprise dans un sens fonctionnel, englobe toutes les personnes agissant pour le compte de l'autorité et directement impliquées dans le processus décisionnel (ATA/535/2012 du 21 août 2012).

Les principes dégagés par la jurisprudence relative à la récusation des juges sont pertinents mutatis mutandis pour les membres des autorités administratives, quand bien même l’admission de causes de récusation concernant ces derniers doit être envisagée de manière plus restrictive (ATF 137 II 431 consid. 5.2 p. 451). La garantie d'impartialité tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer la décision en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective est établie, car les dispositions internes d'un individu ne peuvent guère être prouvées ; il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 131 I 24 consid. 1.1 p. 25 ; 128 V 82 consid. 2a p. 84 ; 127 I 196 consid. 2b p. 198 ; 126 I 168 consid. 2a p. 169). La récusation doit demeurer l’exception (ATF 116 Ia 14 consid. 4 p. 19). Un risque de prévention ne doit dès lors pas être admis trop facilement, mais doit se justifier par des motifs particulièrement importants (ATF 122 II 471 consid. 3b p. 477 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.267/2006 du 17 juillet 2006 consid. 2.1).

Les règles sur la récusation sont de nature formelle. Leur violation, en première instance, conduit ainsi à l’annulation de la décision, sans qu’une correction soit possible (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 274). Lorsqu’un grief d’apparence de prévention formé à l’encontre d’un juge apparaît bien fondé, le jugement auquel ce magistrat a participé doit être annulé pour autant que le motif de récusation n’ait pu être invoqué en temps utile ; s’il est soulevé tardivement, le plaideur est réputé avoir tacitement renoncé à se prévaloir d’un tel moyen (ATF 128 V 85 consid. 2b ; RDAF 2005, p. 65).

d. Appliquée en matière de marchés publics, l’obligation de se récuser concerne non seulement celui qui rend lui-même la décision ou qui y prend part, mais aussi toutes les personnes qui contribuent à l’élaborer (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Peter GAUCH/Pierre TERCIER [éd.], Droit des marchés publics, 2002, p. 262-263).

e. Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires impose notamment au pouvoir adjudicateur de faire preuve d’impartialité tout au long de la procédure de passation. Il en découle qu’un membre d’une autorité adjudicataire a l’obligation de se récuser au cas où son comportement ou sa situation est de nature à faire naître un doute sur son impartialité (Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3ème éd., 2013, p. 497 n. 1077ss ; Peter HÄNNI/Marco SCRUZZI, Zur Ausstandspflicht im Rahmen von Submissionsverfahren, DC 4/1999 p. 134). Les règles applicables n’imposent pas la récusation lorsqu’une prévention effective est établie, mais déjà lorsque des circonstances objectives et raisonnables donnent l’apparence de prévention et font redouter une activité partiale. En tant que procédure de passation, le concours est pleinement assujetti au principe de l’égalité de traitement entre les concurrents comme à celui de l’impartialité de l’adjudicateur (Jacques DUBEY, op. cit., p. 240-241 n. 703-707).

8) a. Les cas de collusion susceptibles de se produire le plus fréquemment entre concurrents, jurés et experts sont ceux occasionnés par les rapports de travail et les relations d’affaires. Une personne participant à un concours ne peut être employée, ni en relation de dépendance ou d’association professionnelle avec un membre du jury ou un expert nommé dans le programme de concours. Un cas d’association professionnelle est avéré notamment lorsqu’un juré et un participant à un concours de marchés publics ont, par le passé, fait une offre conjointe dans le cadre d’un même concours (arrêt du Tribunal administratif de Lucerne précité consid. 11b.aa). Une collaboration occasionnelle n’est pas suffisante pour créer un cas de collusion, mais elle doit avoir pris fin au jour de la publication de l’avis de concours ; une collaboration durable, même achevée au moment de la procédure, constitue un motif d’empêchement, quelle qu’en soit la forme juridique (Jacques DUBEY, op. cit., p. 244-245 n. 718-721). Un membre du jury qui entretient des relations particulières ou personnelles voire se trouve dans un rapport de dépendance à l’égard d’un soumissionnaire doit se récuser (Felix JOST/Claudia SCHNEIDER HEUSI, op. cit., p. 358). Même si les propositions de concours sont appréciées de manière anonyme, l’exigence de l’impartialité des jurés demeure. L’apparence de collusion est suffisante, de sorte qu’il n’y a pas besoin de prouver que tel ou tel membre du jury a concrètement exercé une influence déterminante sur la décision en connaissant effectivement l’identité de tel ou tel concurrent (Jacques DUBEY, op. cit., p. 241 n. 707).

b. Le règlement SIA 142 considère que les cas de collusion entre un concurrent et un juré constituent autant de motifs d’exclusion du prestataire. Ce système de l’exclusion s’oppose au droit des marchés publics qui prévoit les cas de collusion comme des motifs de récusation du juré (Jean-Baptiste ZUFFEREY/ Hubert STÖCKLI [éd.], op. cit., p. 257). Ce n’est pas au concurrent dans le chef duquel les circonstances de la collusion sont réunies d’en supporter les conséquences, mais au juré, dont l’impartialité paraît compromise, de se retirer (Jacques DUBEY, op. cit., p. 246 n. 724). En l’état actuel du droit des marchés publics, le recours au système de l’exclusion des concurrents est impossible, tant pour les concours fédéraux et cantonaux assujettis à une législation qui traite de cette question, que pour les concours cantonaux dont la réglementation ou le règlement renvoie aux règles des associations professionnelles. En tant que règle privée, l’art. 12 du règlement SIA ne saurait déroger au droit commun des marchés publics (arrêt du Tribunal administratif de Lucerne précité consid. 17b ; Jacques DUBEY, op. cit., p. 247 n. 729).

c. Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l’autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/752/2014 du 23 septembre 2014 ; ATA/726/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/549/2011 du 30 août 2011 ; ATA/330/2009 du 30 juin 2009 ; ATA/129/2003 du 11 mars 2003 ; Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d’aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2009, in RDAF 2010 I p. 159 ss, p. 171-172 et p. 177 ; Thierry TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif, in Charles-Albert MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, 1996, p. 201). Les autorités de recours se limitent à examiner si l’autorité de décision ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/752/2014 précité ; ATA/549/2011 du 30 août 2011 ; ATA/330/2009 précité).

9) a. En l’espèce, la situation de conflit d’intérêts suspectée ne pouvait avoir pour conséquence que la récusation des membres du jury concernés et non l’exclusion de Dreier, le RMP ne prévoyant pas de renvoi au règlement SIA 142. En revanche, il renvoie aux règles de la récusation prévues à l’art. 15 LPA.

Ainsi, bien que l’exclusion de Dreier à laquelle concluent les recourants soit conforme au règlement SIA 142 et au programme du concours établi par la commune, elle violerait l’AIMP et le RMP et ne saurait être admise par la chambre de céans.

b. Les membres d’une autorité administrative doivent se récuser s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité. En matière de concours des marchés publics, le conflit d’intérêts constitue un motif de récusation. Celui-ci se manifeste notamment par une dépendance d’un juré à un participant à un concours ou une association professionnelle entre eux. Les deux conditions sont alternatives. La SIA dont la prise de position est comparable mutatis mutandis à un préavis d’une commission consultative, abordée par le jury à la découverte de la situation suspectée de conflit d’intérêts de M. BEZOS, a estimé que Dreier et Favre n’étaient certes pas en relations contractuelles pendant le concours, mais que leur situation concrète était, de facto, assimilable à une relation contractuelle continue. Cependant, pour elle, la question déterminante pour apprécier l’existence d’un conflit d’intérêts était celle de savoir s’il existait entre les deux bureaux d’architecture une relation de dépendance au sens de l’art. 12.2 b du règlement SIA 142. Elle a retenu que tel n’était pas le cas, les mandats reçus de Dreier par Favre étant modestes par rapport à son chiffre d’affaires.

c. Cette prise de position doit être relativisée.

En effet, d’après les constatations de la chambre de céans lors de l’audience de comparution personnelle du 7 mai 2012, après une collaboration de trois mois d’avril 2011 à juin 2011, Favre n’a pas souhaité poursuivre le mandat avec Dreier, l’offre ne l’intéressant pas. Par la suite, des discussions entre les deux bureaux d’architecture imposées par la FVGLS ont débuté au mois d’octobre 2011 et un nouveau contrat de collaboration entre Dreier et Favre a été signé le 23 décembre 2011. Ce contrat qui confie à Favre une partie de l’exécution du mandat de Dreier dans le cadre du projet de construction de l’éco-quartier de la Jonction établit une relation qu’il convient de qualifier d’association professionnelle d’une intensité telle qu’un conflit d’intérêts peut être retenu entre les deux bureaux d’architecture.

Même si les honoraires prévus de CHF 500'000.- sur trois à quatre ans, considérés comme modestes par la SIA compte tenu du chiffre d’affaires annuel de Favre de CHF 1'800'000.-, ne préjugent pas une relation de dépendance, la nature de l’activité en cause, soit s’assurer du respect du planning, contrôler les coûts dans la phase d’exécution du projet, représenter Dreier auprès de la FVGLS, en d’autres termes l’exécution d’une partie du mandat de Dreier par Favre, est assimilable a posteriori à une offre formée conjointement par deux associés dans un même marché public constitutive d’une association professionnelle. Cette seule condition est suffisante pour fonder la prévention de partialité de M. BEZOS.

De plus, ce mandat confié à Favre par Dreier sur insistance de la FVGLS fait suite, d’une part, à des relations professionnelles antérieures datées d’avril 2011 à juin 2011, alors que la communication de l’avis du concours en cause est intervenue en mai 2011 et, d’autre part, à des négociations, auxquelles ont participé MM. BEZOS et NECKER, qui se sont déroulées en octobre 2011, soit durant la procédure d’adjudication. Ces circonstances objectives dénotent l’existence d’une prévention suffisante de conflit d’intérêts de MM. BEZOS et NECKER. Un risque d’abus de leur position de membre du jury faisant redouter une activité partiale de leur part ne pouvait pas être exclu. Dès lors, leur récusation s’imposait.

Certes, lors du premier « jugement » du 30 novembre 2011 prononcé à l’unanimité, aucun cas de conflit d’intérêts n’était connu des différents membres du jury, les projets ayant été jusqu’alors anonymes dans le sens défini par le programme du concours. Selon le rapport final du jury du 10 janvier 2012, à l’ouverture des enveloppes des auteurs des projets primés, le président s’assurait auprès des membres qu’aucun d’entre eux n’était en situation de conflit d’intérêts avec un des concurrents. À l’ouverture de l’enveloppe du lauréat, il est apparu que, durant le déroulement du concours, une relation contractuelle avait lié ce candidat avec un membre du jury. Lors du second « jugement » du même jour qui a suivi l’exclusion du lauréat, le jury s’est prononcé dans la même composition, alors qu’un éventuel cas de récusation faisant redouter la partialité d’un des jurés était déjà connu du jury, de sorte que le membre concerné ne pouvait pas prendre part au vote, une simple apparence de prévention étant suffisante.

Le « jugement » désignant les recourants comme vainqueurs du concours doit ainsi être annulé pour ce motif. Celui du 10 janvier 2012 viole également les règles de la récusation pour les mêmes motifs et doit subir un sort identique. En effet, dans la mesure où depuis la levée de l’anonymat des participants, le 30 novembre 2011, M. BEZOS savait que ses relations d’affaires avec le lauréat pouvaient donner lieu à des doutes quant à son impartialité, il devait, à défaut d’une demande de récusation élevée contre lui, se récuser. Pour les mêmes raisons, M. NECKER dont le rôle dans les relations entre Favre et Dreier a été mis à jour devant la chambre de céans lors de l’audience du 7 mai 2012 devait aussi se récuser. Les deux jurés ne pouvaient participer ni au deuxième « jugement » du 30 novembre 2011 pris à l’unanimité ni à celui du 10 janvier 2012 adopté dans les mêmes conditions.

Par ailleurs, le principe de l’anonymat ne pouvant pas offrir les mêmes garanties que celles d’une composition régulière d’une autorité appelée à statuer, le premier prononcé du jury du 30 novembre 2011 doit être aussi annulé. Au demeurant, pour être conforme à l’art. 19 RMP et partant à l’art. 15 LPA, l’anonymat ne devrait porter que sur les projets soumis au concours, la liste des participants devant être portée à la connaissance des membres du jury en vue d’une récusation en cas de conflits d’intérêts.

Aussi, tous les « jugements » auxquels ont participé MM. BEZOS et NECKER doivent être annulés.

10) La recommandation du jury impose à l’adjudicateur l’obligation d’attribuer le marché au lauréat (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI [éd.], op. cit., p. 287 ; Marchés publics, 2010, p. 187 ; Jacques DUBEY, op. cit., p. 333 n. 1076). Celle-ci ne déploie d’effet que si le jury y est parvenu en respectant les principes et les règles qui gouvernent la passation des marchés publics. Le jury ne doit pas, par exemple, avoir statué dans une composition qui viole les règles de la récusation ou d’exclusion (Jacques DUBEY, op. cit., p. 277-278 n. 837). En cas de recommandation viciée, l’adjudicateur n’est pas tenu de suivre celle-ci. Au cas où le jury ne peut pas procéder à une nouvelle recommandation, en cas de violation des règles de la récusation notamment, l’adjudicateur doit prononcer l’interruption de la procédure (Jacques DUBEY, op. cit., p. 328-329 n. 1062 à 1064).

En l’espèce, la commune a suivi la recommandation du jury et a décidé d’attribuer le marché public en jeu à Dreier, qui a reçu le mandat d’étude et de réalisation du MPPL. Cette décision n’est cependant pas conforme au droit.

11) a. Aux termes de l’art. 18 al. 1 AIMP, si le contrat n’est pas encore conclu, l’autorité de recours peut, soit statuer au fond, soit renvoyer la cause au pouvoir adjudicateur dont elle annule la décision, au besoin avec des instructions impératives.

b. L’autorité de recours doit ordonner la répétition de la procédure lorsqu’elle n’est pas en mesure d’identifier des lauréats. C’est le cas si le jury aurait dû exclure un candidat recommandé, si un juré aurait dû se récuser ou si un concurrent n’aurait pas dû être exclu de la procédure (Jacques DUBEY, op. cit., p. 363 n. 1201 ; Evelyne CLERC, L’ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, 1997, p. 560). L’autorité de recours qui annule une décision ne statue en règle générale pas elle-même à nouveau sur le fond, mais elle renvoie l’affaire à l’adjudicateur. En effet, le pouvoir de cognition de l’autorité de recours ne porte que sur l’application du droit et la constatation des faits. Le champ de l’opportunité lui est fermé. Aussi, le juge ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de l’adjudicateur (Vincent CARRON/Jacques FOURNIER, La protection juridique dans la passation des marchés publics, 2002, p. 120).

c. Par ailleurs, la chambre de céans n’est pas compétente pour revoir une décision du jury (ATA/299/2010 du 4 mai 2010). Elle ne peut qu’annuler une décision prise en violation des règles de la récusation.

12) a. La répétition de la procédure est une entorse au principe de l’anonymat de la mise en compétition. Elle est cependant un moindre mal au cas où le jury peut formuler une nouvelle recommandation sur la base de son appréciation initiale. Dans ce cadre, l’autorité de recours peut demander à l’adjudicateur de procéder à une nouvelle appréciation des propositions initiales par un nouveau jury (Jacques DUBEY, op. cit., p. 363 n. 1201). La reprise de la procédure dès son début comporte le risque de provoquer des offres anormalement basses. Pour parer à ce risque, il est préférable de procéder à une nouvelle adjudication sur la base des offres déjà existantes (ATF 129 I 313 consid. 9.3 p. 328 applicable par analogie).

b. La récusation d’un juré ne s’étend pas sur l’ensemble des membres du jury. Celui-ci peut à nouveau se prononcer dans une composition modifiée, le juré récusé étant remplacé par un nouveau membre. Rien ne permet en effet de supposer que les autres membres du jury subiraient une influence quant à leur nouveau vote (arrêts du Tribunal fédéral 2P.152/2002 du 12 décembre 2002 consid. 4 et 1P.40/1999 du 31 janvier 2000 consid. 3c). Dans le cadre d’un tribunal, le Tribunal fédéral a estimé que le simple principe de collégialité ne constituait pas un motif de récusation. La collaboration entre des juges n’est pas de nature à mettre en doute leur impartialité, [ ]. Le grief d’absence d’impartialité est infondé en l’absence d’éléments concrets allant dans ce sens (ATF 139 I 121 consid. 5.3 p. 126 = RDAF 2014 I 314). Dans le cadre de l’admission d’un recours pour motif de récusation, le Tribunal fédéral annule l’arrêt attaqué et renvoie la cause pour une nouvelle décision sans la participation de la personne récusée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_425/2012 du 26 février 2013 consid. 3.2.2).

c. En l’espèce, tous les « jugements » du jury sont viciés, en raison de la participation de MM. BEZOS et NECKER, alors qu’une prévention suffisante de conflit d’intérêts mettait en cause leur impartialité. La procédure d’adjudication n’a cependant pas été viciée depuis le début notamment en raison des critères d’adjudication déterminés par la commune dans le programme du concours. Seul le « jugement » final du jury est remis en cause.

Le dossier sera ainsi renvoyé à l’autorité adjutatrice en vue de la reprise de la procédure d’adjudication à partir de la phase du « jugement » final. Le nouveau « jugement » du jury, qui siégera sans la participation de MM. BEZOS et NECKER, devra dès lors se limiter à un choix entre les cinq projets classés retenus dans le rapport final du 10 janvier 2012, soit les projets dans leur ordre de classement « En lieu et place », « Grand large », « Pommailo », « Les hauts d’Anières » et « Bacchus », les projets éliminés lors des deux tours de sélection n’ayant pas rempli les critères attendus par l’adjudicateur.

13) Ce qui précède conduit à l’admission partielle du recours, à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à la commune pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis conjointement à la charge : des recourants, qui obtiennent partiellement gain de cause, à raison de CHF 300.- ; de la commune à raison de CHF 700.- ; et de Dreier à raison de CHF 500.- (art. 87 al. 1 LPA). Deux indemnités de procédure seront allouées au recourants, l’une de CHF 500.- à la charge de la commune et l’autre du même montant à la charge de Dreier (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2013 par Monsieur Loïc CHAREYRE et l’atelier d’architecture JM Bozetto Sàrl contre la décision de la commune d’Anières du 12 novembre 2013 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la commune d’Anières du 12 novembre 2013 ;

renvoie la cause à la commune d’Anières pour une nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge, conjointement, de Monsieur Loïc CHAREYRE et l’Atelier d’architecture JM Bozetto Sàrl à raison de CHF 300.-, de la commune d’Anières à raison de CHF 700.- et de Dreier & Frenzel Sàrl à raison de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur Loïc CHAREYRE et l’Atelier d’architecture JM Bozetto Sàrl une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge, de la commune d’Anières, et une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de Dreier & Frenzel Sàrl ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Reynald Bruttin, avocat des recourants, à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la commune d'Anières ainsi qu'à Me Mathieu Simona, avocat de Dreier et Frenzel Sàrl, appelée en cause, ainsi qu’à la commission de la concurrence COMCO.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :