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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/454/2022

ATA/301/2022 du 22.03.2022 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/454/2022-FORMA ATA/301/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mars 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______ est au bénéfice d'une autorisation d'exercer en tant qu'agent intermédiaire au sens de l'art. 1 al. 1 let. b de la loi sur les agents intermédiaires du 20 mai 1950 (LAInt - I 2 12), selon arrêté du Conseil d'État du 8 mars 2019

Il est titulaire de la carte de légitimation GE 1______.

2) La direction de l'office cantonal de la population (ci-après : OCPM) a signalé le 2 octobre 2020 à la commission de surveillance des agents intermédiaires (ci-après : CSAI), puis le 16 octobre 2020 au Ministère public (ci-après : MP) que M. A______ s'était rendu en ses locaux le 25 septembre 2020, comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises par le passé. Il avait alors présenté à un agent de sécurité un badge ressemblant à ceux de la police en indiquant qu'il faisait partie de la police judiciaire.

Parvenu au service état civil et légalisation, il avait présenté ce même badge au chef de secteur, précisant être un enquêteur en possession d'un mandat.

L'OCPM avait jugé son comportement ambigu. La CSAI devait lui rappeler qu'il avait l'obligation d'adopter une attitude claire quant à son statut lorsqu'il s'adressait à des collaborateurs de l'OCPM.

3) Le Conseiller d'État en charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) a informé M. A______ de ces éléments par courrier du 7 octobre 2020, lesquels étaient susceptibles de constituer une violation de l'art. 14 LAInt.

Une procédure administrative était ouverte à son encontre afin de déterminer s'il avait enfreint cette disposition, ce qui l'exposerait à une sanction disciplinaire et au retrait définitif de son autorisation d'exercer.

4) Par courrier du 15 octobre 2020, M. A______ a fait part de son étonnement. Il ne s'était jamais présenté en prononçant le mot « police » envers quiconque et encore moins à un service de l'administration. Il présentait systématiquement sa carte de détective privé.

Il exécutait les divers mandats qui lui étaient confiés chaque mois en respectant la loi. Les demandes formulées auprès de l'OCPM restaient très souvent sans réponse et ses mandants réclamaient des résultats, certains dossiers étant très sensibles. Il n'y pouvait rien si une personne confondait un policier avec un détective privé.

5) Selon rapport de renseignements administratifs établi le 12 février 2021 à l'attention de la direction juridique du département, la police judiciaire avait entendu M. A______ le 7 janvier 2021 pour usurpation de fonction au sens de l'art. 287 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en lien avec les faits dénoncés par l'OCPM.

M. A______ avait en substance déclaré ne jamais s'être légitimé en tant que policier. Il avait constamment dit qu'il était détective privé en montrant systématiquement sa carte d'agent intermédiaire, laquelle avait été saisie. Il avait à diverses reprises montré sa carte de visite portant l'inscription « special agent », ce qui avait pu porter à confusion. II possédait une plaque de détective privé qu'il ne détenait pas au moment de son audition.

6) Par décision du 24 janvier 2022, le Conseiller d'État a suspendu la procédure administrative jusqu'à la présentation par M. A______ d'une décision définitive de l'autorité pénale dans la procédure en cours à son encontre, a ordonné la saisie provisionnelle de sa carte de détective privé, alors en possession de la police, et lui a fait interdiction provisoire de pratiquer en cette qualité. L'éventuelle reprise de la procédure administrative serait examinée d'office le 25 juillet 2022.

7) Dans un courrier adressé au secrétariat général du département le 7 février 2022, M. A______ a réclamé la restitution immédiate de sa carte de détective et la levée sans retard de son interdiction de pratiquer, dans la mesure où la décision précitée n'était pas déclarée exécutoire nonobstant recours, lequel venait d'être déposé.

Par ailleurs, le MP venait de rendre un avis de prochaine clôture de l'instruction, par lequel il entendait classer la procédure pénale.

8) Au terme de l'acte de recours expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 7 février 2022 également, M.  A______ a conclu « immédiatement », soit à réception du recours, à la restitution immédiate de sa carte de détective privé et à la levée de l'interdiction provisoire de pratiquer. Préalablement, il a sollicité une audience de comparution personnelle. Principalement, il a conclu à ce que soit ordonnée la reprise de la procédure administrative dirigée à son encontre, à la restitution de sa carte et à la levée de l'interdiction.

La décision n'était pas déclarée exécutoire nonobstant recours, de sorte que l'effet suspensif rattaché à son recours était automatique. Il n'existait aucun motif, en particulier une urgence, justifiant de retirer cet effet suspensif.

Elle lui causait un préjudice irréparable, puisqu'elle affectait sa liberté économique et personnelle. Son honneur et sa réputation étaient également atteints. Seul un retour dans le passé permettrait d'éviter notamment la perte de sa clientèle depuis la décision litigieuse.

Celle-ci était arbitraire et dénuée de tout fondement. Le seul et unique motif invoqué était son audition récente au MP pour les mêmes faits que ceux qui lui étaient reprochés sur le plan administratif. Or, plus de quinze mois s'étaient écoulés entre la connaissance par le département d'un comportement potentiellement contraire à la LAInt, en octobre 2020, et les premières mesures provisionnelles, sans qu'un nouvel élément soit intervenu dans l'intervalle, ce qui démontrait l'absence de doutes sérieux du département sur la mise en danger d'un intérêt public en raison de son comportement. Ce simple fait démontrait déjà l'absence totale d'urgence et de tout motif permettant de considérer que de telles mesures se justifiaient.

Son droit d'être entendu avait été violé puisqu'il n'avait pas été appelé à se prononcer avant la décision litigieuse et n'avait pas eu l'occasion de présenter sa version des faits. Il n'avait pas été averti « de la sanction possible à titre provisoire » ; « Par ailleurs, [ses] observations dataient de plus de quinze mois ».

Le 25 septembre 2020, l'agent de sécurité de l'OCPM l'avait approché pour savoir s'il était envisageable qu'il l'engage pour travailler à ses côtés comme détective privé, au motif que son salaire d'employé était insuffisant à ses yeux. Il avait présenté sa carte de détective privé et son badge mentionnant clairement « détective privé », de sorte qu'il était impossible de croire, de bonne foi, qu'il était de la police. C'était à la suite d'un malentendu qu'il ne s'expliquait pas que cet agent de sécurité avait rapporté qu'il lui aurait dit « être de la police judiciaire », étant encore relevé que lui-même n'aurait, selon cet agent, pas prononcé ces mots mais répondu par l'affirmative à sa question. Il avait déjà procédé de la sorte, sans que cela ne pose problème. Il ne s'était jamais présenté comme un quelconque représentant de l'autorité.

En outre, avant de se présenter sur place, il avait échangé plusieurs courriels avec la cheffe du service juridique de l'OCPM auprès de laquelle il s'était présenté comme agent intermédiaire et avait joint sa carte de légitimation du département. Il était donc incohérent, pour ne pas dire grotesque, de lui reprocher de se faire passer pour un policier tout en correspondant avec lui en sa qualité d'agent intermédiaire.

Son badge se trouvait dans une fourre présentant, en position ouverte, son badge au côté de sa carte de détective. Ledit badge était en vente libre grâce à la carte de détective privé délivrée par le département. Rien n'indiquait que le département ait à ce jour décidé d'agir contre ces badges qui ne contenaient aucun des mots « police », « État », « Genève » et comportaient des inscriptions dans des langues non officielles en Suisse. Le logo y figurant appartenait au domaine public et ne pouvait être confondu avec celui de la police genevoise.

Il voyait mal comment la décision du 24 janvier 2022 pourrait être maintenue dans la mesure où les conditions d'application des art. 287 CP et 14 LAInt étaient les mêmes et que le MP s'apprêtait à classer la procédure pénale. Il s'agissait d'une sanction pénale déguisée. Or, à ce stade, la présomption d'innocence prévalait. Il n'avait jamais enfreint les règles auxquelles il était soumis. La mesure provisionnelle s'apparentait davantage à une sanction, étant relevé que les intérêts menacés n'étaient pas même mentionnés dans la décision. Le département ne semblait pas s'être interrogé sur la proportionnalité de la mesure, alors même qu'il n'avait aucun antécédent ni, depuis une année et demi que cette affaire durait, n'avait commis de quelconque manquement.

9) Le département a conclu, le 21 février 2022, au retrait de l'effet suspensif et, au fond, au rejet du recours.

Si les mesures décidées par le département s'avéraient injustifiées, il n'y aurait pas de raison de les suspendre, puisque suspendre une suspension reviendrait à décider de la restitution de la carte. Si ces mesures n'étaient pas justifiées, la décision de la chambre administrative sur le fond du recours réglerait la question de l'effet suspensif.

Le département reconnaissait que s'il aurait effectivement été plus clair qu'il suspende, le 12 février 2021, lorsqu'il avait appris l'ouverture de la procédure pénale, la procédure administrative en attendant l'issue de celle-là et ordonne la suspension du droit d'exercer sur mesures provisionnelles, cela n'aurait pas donné à M. A______, par la suite, l'impression d'une décision subite et inattendue.

M. A______ avait informé le département, le 14 janvier 2022, de son audition le même jour par le MP et que sa carte allait lui être restituée. Il cherchait à la localiser. À cette occasion, il lui avait été répondu par le service juridique du département qu'une procédure administrative était toujours pendante. Il était invité à lui transmettre le résultat de la procédure pénale. L'information de la prochaine restitution de sa carte à M. A______ avait été l'élément déclencheur de la décision querellée. Le département n'avait en effet pas à saisir une carte déjà saisie par une autre autorité. Il s'agissait en l'occurrence de la nécessité de prendre le relais de l'autorité pénale et de fixer la situation avant de rendre une décision finale et nullement d'une sanction. Le département n'avait pas à prévenir les administrés à l'avance de ses décisions.

Le département avait reçu de M. A______ le 8 février 2022, soit après la décision litigieuse, un avis de prochaine clôture de l'instruction avec avis de classement ultérieur et un délai au 16 février 2022 pour d'éventuelles réquisitions de preuve des parties. Le jugement pénal ne liait toutefois pas l'autorité administrative qui examinait de façon autonome la qualification juridique de l'acte. Par ailleurs, l'examen des art. 287 CP et 14 LAInt posait un doute sur leur identité d'application. Les faits constitutifs de ces « infractions » ne coïncidaient pas a priori. Le département estimait qu'il devait prendre connaissance de l'ensemble des faits avant de considérer possible la restitution sans danger d’un instrument important, sinon essentiel, pour accréditer l'appartenance de son porteur à une autorité et susceptible de lui permettre de commettre la violation de l'art. 24 LAInt qui lui était reprochée. Il existait donc un intérêt légitime public dans ce sens, comprenant le cas échéant les actes d'instruction nécessaires, dont l'audition de M. A______. Le risque de récidive ne pouvait pas, en l'état, être écarté. Il était relevé que le rapport de renseignements administratifs faisait état de mains courantes sur des faits apparemment similaires. Le badge présenté en même temps que la carte de légitimation et la carte de visite figurant dans les pièces annexées audit rapport montraient une utilisation manifeste sans autorisation des signes et symboles officiels sans autorisation. Ces éléments créaient un sérieux doute sur les faits allégués, qu'il s'agissait de lever. Il existait également un doute sur la compréhension par M. A______ des règles s'appliquant lorsqu'il devait se présenter à des tiers. En attendant que ce doute soit levé, il fallait éviter tout risque de récidive potentiel qui créerait un dommage difficile à réparer.

La procédure pénale n'était pas encore classée et il était légitime que le département connaisse les motivations de ce classement avant d'examiner le sort provisoire à donner à la carte et à l'autorisation.

M. A______ invoquait pour la première fois dans son recours le dialogue avec l'agent de sécurité et les courriers échangés avec la cheffe du service juridique de l'OCPM. La future production de l'intégralité de la procédure pénale permettrait d'évaluer la réalité et la pertinence de ces arguments.

10) Dans sa réplique du 10 mars 2022, M. A______ a relevé que toute non présentation du badge ne saurait systématiquement conduire à un retrait de l'autorisation, ce que laissait entendre le département, indépendamment des circonstances du cas d'espèce. C'était faire fi du principe de proportionnalité que l'autorité se devait d'examiner. Ni la LAInt, ni le règlement d'exécution de la loi sur les agents intermédiaires du 31 octobre 1950 (RAInt - I 1 12.02) n'ordonnaient la suspension immédiate de tout détective n'ayant pas présenté sa carte.

Sa pièce n° 12 était un exemple et non pas son badge, ni sa carte. Le MP ne classerait pas la procédure si le badge devait transgresser l'ordre juridique du point de vue pénal. Les lois et règlements administratifs étaient muets sur le sujet. Il fallait donc en déduire que ce type de badge était conforme. Le département savait et tolérait depuis longtemps que de tels badges soient vendus à Genève, non pas « en libre-service », mais uniquement pour les professionnels, sur justificatifs.

Seule une interprétation objective des circonstances devait être analysée, à savoir comment une personne standard, connaissant son métier de détective, aurait pu comprendre la carte qui lui était présentée. La réponse était évidente. Il fallait garder à l'esprit que la carte, délivrée directement par le département, contenait le blason, la devise et la mention officielle « République et canton de Genève ».

Le département ne s'était nullement soucié du fait que le MP pouvait lui restituer sa carte à tout instant. Dans la mesure où dès février 2021 il avait connaissance du rapport de renseignements, son attitude semblait contraire au principe de la bonne foi. M. A______ pouvait en effet se voir restituer par le MP sa carte à tout instant, sans que les autorités administratives n'en soient informées. Par souci de récupérer sa carte, mais aussi par volonté de transparence, il avait informé le département de l'avancement de la procédure pénale.

Le département ne soutenait pas avoir commis une erreur de plume ou un oubli s'agissant de l'absence dans sa décision de la mention « exécutoire nonobstant recours ». Admettre à ce stade, pour la première fois, que des intérêts publics importants puissent être menacés par la restitution de cette carte était contraire à la bonne foi.

Le département n'indiquait pas quels actes d'enquête il entendait entreprendre pour juger de sa « culpabilité administrative ». Tout laissait à penser que cette culpabilité n'atteignait pas le degré suffisant pour justifier la décision du 24 janvier 2022.

Depuis près d'un an et demi, en raison de la saisie pénale de sa carte, il faisait de facto l'objet d'une suspension importante du droit de pratique. Toute nouvelle décision dans ce sens serait disproportionnée.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Les décisions refusant l'effet suspensif, en mesures provisionnelles ou de suspension d'une procédure étant incidentes, le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), délai respecté en l'occurrence.

2) a. Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable à la recourante ou au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1832/2019 du 17 décembre 2019 consid. 4 ; ATA/1362/2019 du 10 septembre 2019 consid. 6c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 659 ss ad art. 57 LPA ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

c. En l'espèce, le recourant fait valoir, à titre de préjudice irréparable, le fait qu'en raison de la décision litigieuse il est privé d'exercer son activité lucrative dans la mesure où sa carte demeurerait saisie par l'autorité administrative, après la fin de sa saisie ordonnée par le MP, et où la décision querellée suspend son autorisation de pratiquer. Il plaide toutefois l'effet suspensif automatique de son recours, l'autorité concluant de son côté au retrait de celui-ci.

Dans ces conditions, et sous réserve d'une décision sur effet suspensif, il devrait récupérer sa carte, pouvoir exercer et la procédure ne devrait pas être considérée comme suspendue.

La recevabilité du recours souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

3) À titre préalable, le recourant sollicite son audition.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/358/2020 du 16 avril 2020 consid. 7 et les arrêts cités).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; 134 I 140 consid. 5.3).

c. Le recourant a pu en l'espèce faire valoir ses arguments avant la décision querellée, par sa détermination du 15 octobre 2020 puis par son acte de recours et sa réplique. Il a pu produire toutes pièces utiles. Il n'indique pas en quoi son audition serait nécessaire.

La chambre administrative considère qu’elle dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Il sera en conséquence renoncé à l'audition du recourant.

4) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu dans la mesure où l'autorité intimée ne lui aurait pas donné l'occasion de se déterminer avant le prononcé de la décision litigieuse, respectivement où sa décision ne serait pas motivée.

a. Le droit d'être entendu impose également à l'autorité judiciaire de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que le juge discute les griefs qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATA/715/2021 du 6 juillet 2021 consid. 3a).

Il suffit, selon la jurisprudence, que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que la personne concernée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2014 du 15 janvier 2015 consid. 5.1 ; 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_126/2015 du 20 février 2015 consid. 4.1 ; 1B_295/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1).

b. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c).

c. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

d. En l'espèce, comme déjà relevé, le recourant a pu, dans son courrier du 15 octobre 2020, faire part de ses observations en lien avec l'ouverture d'une procédure administrative à son encontre le 7 octobre 2020. Il savait alors qu'elle avait pour but de déterminer s'il avait enfreint l'art. 14 LAInt au vu du comportement dénoncé par l'OCPM s'agissant des faits intervenus le 25 septembre 2021 dans ses locaux. Son attention a alors également été expressément attirée sur le fait que si tel devait être le cas, il s'exposait à une sanction disciplinaire et au retrait définitif de son autorisation d'exercer.

Certes, la décision querellée n'est intervenue qu'une année et trois mois plus tard. L'autorité intimée explique à cet égard de manière convaincante qu'il ne se justifiait pas, dans le cadre de la procédure administrative, de prononcer des mesures provisionnelles visant à la saisie de la carte de légitimation du recourant et à sa suspension d'autorisation tant et si longtemps que ladite carte était saisie pénalement. Or, ce que le recourant ne conteste pas, l'autorité intimée n'a eu connaissance que le 14 janvier 2022, de sa bouche, qu'à la suite de son audition dans la procédure pénale, le MP entendait classer la procédure pénale et allait lui rendre sa carte de légitimation. Dans ces circonstances, il ne peut être fait grief au département d'avoir réagi uniquement au moment de la prise de connaissance de cette information pour rendre la décision de mesures provisionnelles litigieuse. En effet, tant et aussi longtemps que la carte du recourant était saisie par les autorités pénales, ce dernier était de facto empêché d'exercer son activité de détective privé. En revanche, à la suite de la restitution de sa carte, nonobstant la procédure administrative en cours, rien ne l'empêchait, sauf prononcé de mesures provisionnelles, d'exercer à nouveau.

Reste à déterminer si le département devait formellement et préalablement interpeller le recourant avant le prononcé de telles mesures. Ce dernier était informé de l'ouverture d'une procédure administrative en parallèle de la procédure pénale à compter du 7 octobre 2020. Il pouvait donc et devait s'attendre à ce qu'une décision incidente intervienne dans la première, une fois que l'autorité aurait connaissance en particulier de l'intention du MP de lui rendre sa carte de légitimation. Comme déjà relevé, l'autorité avait, en janvier 2022, connaissance de ses arguments et de sa position tels que développés dans son courrier du 15 octobre 2020.

Quant au contenu de la décision querellée que le recourant juge lacunaire, il a valablement et en connaissance de cause été en mesure de faire valoir ses arguments devant la chambre de céans, laquelle dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit, ce quand bien même la décision du 24 janvier 2022 ne comporte effectivement qu'une brève motivation. Cette décision fait toutefois expressément mention d'un contact qu'il avait eu avec le service juridique du département en lien avec sa récente audition devant le MP et que, dans la mesure où la procédure pénale était pendante, la suspension de la procédure administrative, respectivement les mesures provisionnelles attaquées s'imposaient.

Son grief d'une violation du droit d'être entendu sous ces deux angles sera partant écarté.

5) Le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir suspendu la procédure administrative, dans l'issue de la procédure pénale.

a. L’art. 14 LPA prévoit que lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondée sur l'art. 29 al. 1 Cst. d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

b. Une suspension de la procédure a été admise par la chambre de céans dans le cadre d'une procédure disciplinaire contre un gardien de prison jusqu'à droit jugé au pénal sur les faits qui lui étaient reprochés (ATA/888/2015 du 1er septembre 2015).

6) L'art. 287 CP réprime le comportement de celui qui, dans un dessein illicite, aura usurpé l'exercice d'une fonction ou le pouvoir de donner des ordres militaires. Cette disposition vise l'exercice de la puissance publique, en particulier le droit de rendre des décisions. Le comportement punissable consiste à exercer le pouvoir en faisant croire que l'on est autorisé à agir alors que tel n'est pas le cas. L'usurpation peut se limiter à une seule activité entrant dans la compétence de la fonction usurpée (ATF 128 IV 164 consid. 3c/aa p. 167; arrêt 6B_218/2013 du 13 juin 2013 consid. 3.1).

7) a. La LAInt est applicable notamment aux agents intermédiaires exerçant la profession d'agents de renseignements, dont les détectives privés (art. 1 al. 1 let. b), à savoir celui qui fait profession de donner des renseignements sur un tiers (art. 13 al. 2 LAInt).

b. Selon l'art. 2 al. 1 LAInt, nul ne peut exercer, dans le canton de Genève, une des professions d'agents intermédiaires sans être au bénéfice d'une autorisation préalable délivrée par le département.

L'autorisation est notamment refusée à celui dont le casier judiciaire contient une condamnation pénale en raison d’actes contraires à la probité et à celui dont l’honorabilité n’a pu être attestée par un certificat de bonne vie et mœurs (art. 3 let. c et d LAInt).

c. Il est interdit à un agent de renseignements de se donner un titre qui puisse faire naître l’idée qu’il représenterait l’autorité publique, en particulier les organes de la police officielle (art. 14 LAInt).

Les agents de renseignements et leurs employés doivent être en possession d’une carte de légitimation qu’ils sont tenus de présenter spontanément à toute personne à laquelle ils s’adressent dans l’exercice de leur profession. Cette carte, qui est munie d’une photographie du type passeport, indique la profession du titulaire (agent de renseignements commerciaux, détective privé ou employé). Elle ne doit contenir aucune expression qui puisse laisser supposer qu’il appartient à la police. Les termes de « police » ou de « policier » sont interdits. La carte de légitimation est délivrée par le département contre un émolument de CHF 100.- (art. 16 al. 1 à 3 RAInt).

d. Le département prononce le retrait de l'autorisation lorsque les conditions auxquelles la LAInt et le RAInt subordonnent son octroi ne sont plus remplies (art. 4 al. 1 LAInt). Le retrait peut être prononcé temporairement ou définitivement, en cas d’infraction à l’une quelconque des dispositions de la LAInt ou du RAInt (al. 2).

e. Selon l'art. 6 LAInt, celui qui, étant inscrit au tableau officiel d’une profession d’agents intermédiaires, se rend coupable d’un manquement à ses devoirs professionnels, est passible des sanctions disciplinaires prévues par la LAInt, sans préjudice des peines qu’il peut encourir en raison d’infractions à ces mêmes normes.

L'art. 16 al. 2 LAInt prévoit que lorsque l’agent de renseignements est fautif, le département peut, suivant la gravité du cas prononcer : l’avertissement, oral ou écrit (let. a) ; le blâme écrit (let. b) ; la suspension, c’est-à-dire le retrait temporaire de l’autorisation, pour une durée de 3 mois à 3 ans (let. c) ; la destitution, c’est-à-dire le retrait définitif de l’autorisation (let. d). Aucune sanction ne peut être prononcée sans que le fautif ait été préalablement entendu par le Conseiller d’État chargé du département ou dûment convoqué par ce dernier (art. 16 al. 3 LAInt).

f. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in RJJ 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50). Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51).

8) En l'espèce, le département a fait usage de la faculté prévue à l'art. 14 LPA de suspendre la procédure administrative en attente de l'issue de la procédure pénale. Cette décision fait sens, puisque c'est le comportement du recourant du 25 septembre 2020 qui a donné lieu tant à l'ouverture de la procédure pénale que de la procédure administrative. Ainsi l'autorité intimée, tout comme le recourant au demeurant, dispose d'un intérêt certain à connaître les motifs qui conduiraient l'autorité pénale à classer la procédure, comme cela est annoncé par l'avis de prochaine clôture du 4 février 2022. Quand bien même les conditions du prononcé d'une sanction pénale sur la base d'une infraction à l'art. 287 CP, respectivement d'un retrait de l'autorisation ou d'une sanction prononcée sur la base de la LAInt ne sont pas identiques, et que l'autorité administrative n'est nullement liée par les considérants de la décision de l'autorité pénale, il lui est nécessaire de connaître le résultat de l'enquête conduite par les autorités pénales qui disposent de davantage de moyens, en particulier la mise en œuvre de la police, pour réunir les éléments pertinents. Le principe de célérité ne s'y oppose par ailleurs pas en l'espèce dans la mesure où la procédure pénale est à bout touchant.

Dans ces conditions, il ne peut être fait le grief à l'autorité intimée d'avoir suspendu la procédure administrative jusqu'à droit jugé au pénal mais au plus tard jusqu'au mois de juillet 2022.

9) Le recourant conteste les mesures ordonnées à titre provisionnel que sont la saisie de sa carte de détective privé et l'interdiction provisoire de pratiquer en cette qualité. Ni l'urgence, ni l'intérêt public ne commanderaient de telles mesures, au demeurant disproportionnées, contraires aux principes de la bonne foi et de la présomption d'innocence.

a. À teneur de l'art. 21 LPA, l'autorité administrative peut ordonner, d'office ou sur requête, des mesures provisionnelles lorsqu'il est nécessaire de régler provisoirement la situation en cause, jusqu'au prononcé de la décision finale.

De telles mesures ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis et elles ne peuvent anticiper le jugement définitif (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/87/2013 précité ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; ATA/393/2018 du 24 avril 2018 consid. 6b). Ne peut prétendre à être traité conformément aux règles de la bonne foi que celui qui n'a pas lui-même violé ce principe de manière significative. On ne saurait ainsi admettre, dans le cas d'espèce, de se prévaloir de son propre comportement déloyal et contradictoire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.52/2003 du 23 janvier 2004 consid. 5.2 = RDAF 2005 II 109 ss, spéc. 120 ; ATA/112/2018 du 6 février 2018 consid. 4 ; ATA/1004/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 580).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

10) In casu, faire droit à la requête du recourant reviendrait à lui permettre de récupérer sa carte de légitimation de détective privé et de travailler comme tel avant que la cause pénale soit tranchée et la procédure administrative instruite.

Or, il existe indéniablement un intérêt public à ce qu'une personne exerçant cette activité le fasse dans le plus strict respect de la LAInt et du RAInt. En l'état du dossier, il existe suffisamment d'éléments qui rendent vraisemblable que le 25 septembre 2020 à tout le moins, le recourant a adopté un comportement ambigu qui a mené l'OCPM à le dénoncer au département dont il dépend et à l'autorité pénale. Quand bien même il bénéficie de la présomption d'innocence et que le classement de la procédure pénale est envisagé par le MP, ceci ne signifie pas encore qu'aucun comportement méritant suspension, retrait provisoire ou permanent de son autorisation et/ou sanction ne puisse lui être reproché.

Par ailleurs, l'urgence tient en l'espèce au fait que, comme le recourant l'a annoncé au département le 14 janvier 2022, il est question qu'il récupère sa carte de légitimation au moment du classement de la procédure par le MP qui devrait être imminent. Or, ceci ne signifie pas pour autant la fin de la procédure administrative ouverte à son encontre. Dans l'intervalle, il y a lieu d'empêcher à titre provisionnel que le recourant n'exerce l'activité de détective privé. La décision querellée qui ordonne la saisie provisionnelle de la carte de détective privé et l'interdiction provisoire d'exercer est apte à atteindre ce but. Elle s'avère proportionnée, étant toutefois relevé que l'autorité intimée devra agir avec célérité dès connaissance des éléments de la procédure pénale, vu la situation du recourant qui, de par la durée de ladite procédure, ne peut pas travailler comme détective privé depuis la saisie de sa carte par la police le 7 janvier 2021.

Enfin, comme déjà abordé ci-dessus, l'autorité intimée n'a pas eu de comportement contraire à la bonne foi à l'endroit du recourant, dans la mesure où c'est au moment où elle a appris de sa bouche qu'il allait récupérer sa carte d'agent de détective privé qu'elle a pris les mesures provisionnelles conservatoires attaquées. Elle n'a en particulier donné aucune assurance au recourant selon laquelle il n'y aurait aucune suite administrative selon le sort réservé à la procédure pénale.

Infondé, le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend la demande de l'autorité intimée de retirer l'effet suspensif au recours sans objet.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 24 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :