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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/794/2021

ATA/711/2021 du 06.07.2021 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 13.09.2021, rendu le 02.02.2022, ADMIS, 8C_610/2021
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;RÉVOCATION DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;RISQUE DE COLLUSION;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2; LPA.42; RPAC.44; LPAC.27; CEDH.6.par2; Cst.32.al1; LPA.28A.al3.letb; LPA.34; LPA.20.al1; RPAC.20; RPAC.21.letc; RPAC.22; RPAC.23; RCSAC.3.al1; LPAC.16; LPAC.2B; RPAC.2; RPPers.1; RPPers.5.al1; RPPers.19; RPPers.20.al1; RPPers.30.al1; RPPers.30.al3
Résumé : Recours contre la révocation du recourant, chef du service, en raison de comportements à l'égard de subordonnées (avances à deux collaboratrices et autres comportements). Pas de violation du droit d'être entendu par la tenue d'entretiens en amont de l'enquête administrative avec des employés en l'absence du recourant pour les entendre au sujet de la plainte contre ce dernier, ni par le tenue d'un entretien avec le recourant. La présomption d'innocence n'est pas applicable en l'absence d'infraction ou de procédure pénale. Pour une audition en l'absence des parties au sens de l'art. 28A al. 3 let. b LPA, il faut une allégation d'atteinte à l'intégrité selon l'art. 28 al. 1 LPA et une pesée des intérêts au sens de l'art. 42 al. 5 LPA. Audition de deux témoins par l'enquêtrice en l'absence des parties en l'espèce conforme au droit. Les éventuels contacts entre les témoins, assermentés, sont pris en compte dans le cadre de l'analyse de la force probante des preuves. En l'absence de requêtes des collaboratrices auprès du groupe de confiance, rien ne contraignait l'autorité à choisir la voie de la procédure d'investigation plutôt que celle de la procédure disciplinaire, les deux procédures ayant des objets différents, soit la constatation de l'atteinte à la personnalité et le prononcé d'une sanction disciplinaire. Examen des violations des devoirs de service reprochées et de la proportionnalité de la révocation. En l'occurrence, certains reproches non fondés et l'autorité a supposé l'existence d'une stratégie qui ne ressort pas du dossier. Sanction disproportionnée, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/794/2021-FPUBL ATA/711/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juillet 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Malek Adjadj, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1.1) Monsieur A______, né le ______1962, a été engagé par l'État de Genève à compter du 8 janvier 2001 en qualité de chef du X______ à plein temps, au sein du service du X______, initialement rattaché à la chancellerie d'État, puis au département présidentiel, puis à nouveau à la chancellerie d'État, en classe 25, annuité 8 de l'échelle des traitements.

2.2) Après une prolongation de sa période d'essai le 10 avril 2001, M. A______ a fait l'objet, durant sa période probatoire, de quatre entretiens périodiques et de développement du personnel (ci-après : EPDP), le premier à trois mois (signé le 19 avril 2001), le deuxième après une année d'activité (signé le 14 février 2002), le troisième après deux ans (signé le 21 février 2002) et le quatrième après trois ans (signé le 12 décembre 2003).

Durant cette période, M. A______ a démontré une progression constante. L'appréciation, dénotant initialement des prestations insuffisantes à suffisantes, a au fur et à mesure évolué vers une évaluation bonne à très bonne.

3.3) Le 1er janvier 2004, M. A______ a été nommé fonctionnaire, en classe 27, annuité 9 de l'échelle des traitements.

4.4) M. A______ a fait l'objet de quatre évaluations en période post-probatoire, la première, sous forme d'EPDP, signé 22 juillet 2005, la deuxième, sous forme d'entretien d'évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP), les 30 novembre 2010 et 7 juillet 2011, la troisième, sous forme d'entretien d'évaluation et de développement du cadre (ci-après : EEDC) le 5 juillet 2017 et la dernière, également un EEDC, le 30 août 2019.

Toutes ces évaluations étaient excellentes, sous réserve de l'évaluation de 2010-2011, positive, mais indiquant une marge de progression. Les rubriques liées au respect des personnes, à la gestion d'équipe et aux relations interpersonnelles étaient à chaque fois jugées maîtrisées.

5) Le 17 février 2020, Madame B______ – collaboratrice au sein du service du X______ depuis avril 2015, d'abord en tant que secrétaire durant environ deux ans, puis comme chargée de projet et, depuis février 2020, en qualité de remplaçante de l'assistante de direction en congé maternité – a fait part à Madame C______ – chargée de projets au sein du service du X______ depuis 2012, puis cheffe du X______ adjointe depuis juin 2018 – d'un comportement inapproprié de M. A______ à son égard.

6) Les 18 février puis 6 mars 2020, Madame D______ – collaboratrice au sein du service du X______ de janvier 2011 à août 2018, en qualité de chargée de projet, puis de chargée de projet pour les dossiers diplomatiques et enfin de remplaçante de l'adjointe de direction en congé maternité – a transmis à Mme C______, puis au chef du service des ressources humaines de la chancellerie (ci-après : RH et le service RH) un document informatique contenant des notes qu'elle avait préparées en vue de l'entretien avec le chef du X______ pour lui remettre sa démission, lequel s'était déroulé le 30 mai 2018.

Ces notes faisaient état de griefs contre M. A______ concernant la gestion du service du X______ et de comportements « dépassant les bornes ». Il lui avait notamment proposé à plusieurs reprises une relation extra-professionnelle sentimentale.

7) a. Les 10 et 12 mars 2020, le vice-chancelier et le chef du service RH ont mené des entretiens avec Mme C______, Madame E______ – adjointe de direction au sein du service du X______ dès 2003, puis cheffe du X______ adjointe de 2012 au 31 mai 2018 – et Mme B______, au sujet du comportement de M. A______.

b. À la suite de ces entretiens, le 12 mars 2020, la chancelière, le vice-chancelier et le chef du service RH ont mené un entretien avec M. A______, à l'issue duquel la chancelière l'a libéré de son obligation de travailler, pour garantir la bonne marche du service.

c. Ces différents entretiens ont fait l'objet de procès-verbaux.

8) Le 15 mars 2020, M. A______ a envoyé un message à Mme B______ sur son téléphone : « B______, si c'est le cas, ne vous faites aucun reproches. C est moi qui ai été stupide. Ne répondez pas à ce message. Keep well ».

9) Dans ses observations du 24 mars 2020 adressées au chef du service RH, M. A______ a admis avoir eu un comportement inadéquat et contesté les griefs concernant ses prestations professionnelles. Il a notamment conclu à son rétablissement immédiat dans ses fonctions ainsi qu'à la mise en œuvre d'un « coaching » et d'une médiation sous l'égide du groupe de confiance, si cela était nécessaire et demandé par Mme B______, afin de garantir une harmonie et un apaisement au sein du service du X______.

10) Par arrêté du 6 avril 2020, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a ouvert une enquête administrative à l'encontre de M. A______ afin que soient instruits les faits reprochés, portant sur deux volets, à savoir la gestion de son service et son comportement à l'égard de plusieurs subordonnées ou ancienne subordonnée, de même que tous autres éventuels faits répréhensibles, a validé la libération de son obligation de travailler et a ordonné sa suspension provisoire, avec maintien des prestations à charge de l'État.

11) a. Les 5 et 12 juin, 16 juillet ainsi que 3 et 6 août 2020, l'enquêtrice a entendu M. A______ et les représentants de l'autorité.

b. Les 17 et 23 juin, 6, 7 et 24 juillet ainsi que 3 août 2020, l'enquêtrice a entendu sept témoins : Mmes B______, D______, C______ et E______, Madame F______ – chargée de projets au sein du service du X______ de février 2007 à janvier 2012, puis adjointe de jusqu'à janvier 2017 –, Madame G______ – cheffe du service d'accueil et du X______ de l’Y______– et Madame H______– chargée de projets au sein du service du X______ depuis février 2019.

À leur demande, conformément à l'art. 28A al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), Mmes B______ et D______ ont été entendues, en application de l'art. 28A al. 3 let. b LPA, en l'absence des parties et de leurs représentants, qui ont été invités à transmettre préalablement à l'enquêtrice leurs éventuelles questions et auxquels une copie des procès-verbaux ont été transmis après les auditions.

12) Le 8 juillet 2020, la mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève (ci-après : la mission permanente) a fait part de son appréciation très positive des compétences et qualités professionnelles de M. A______.

13) Le 30 juillet 2020, sur demande de l'enquêtrice, M. A______ lui a transmis les échanges de trois groupes WhatsApp formés par certains collaborateurs du service du X______.

14) Le 24 septembre 2020, l'enquêtrice a rendu son rapport.

Les éléments au dossier ne permettaient pas de retenir de manquements disciplinaires à l'encontre de M. A______ en ce qui concernait la gestion de son service.

Il avait proposé à Mme D______, à la fin de la première semaine de décembre 2017, une évolution de leur relation allant jusqu'à une relation amoureuse, si elle ne s'y opposait pas, ce qu'elle avait fait. Il lui avait demandé, en janvier 2018, si sa réponse était toujours la même et lui avait dit qu'il l'aimait. Il avait fait des avances à Mme B______ le 13 février 2020. Ce faisant, il avait manqué à son devoir général de fidélité envers son employeur et violé son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnées, avec le niveau d'exigences particulièrement élevé pour un cadre supérieur. Venant d'un supérieur hiérarchique s'adressant à de jeunes collaboratrices, dont il savait pour la seconde au moins qu'elle doutait d'elle-même et vivait une période professionnelle et personnelle chargée, il s'agissait de manquements graves, répétés, fautifs et de nature à ébranler la considération que les administrés devaient pouvoir avoir à l'égard des cadres supérieurs de l'administration cantonale.

En 2019, il avait proposé à Mme H______de lui donner l'adresse d'un acupuncteur s'occupant de couples cherchant à avoir des enfants et avait indiqué, à la demande de cette dernière, se fonder sur le fait qu'elle ne buvait pas d'alcool lors de certains apéritifs, alors qu'elle n'avait pas évoqué de problématique d'avoir des enfants au sein du service. Ce faisant, M. A______ s'était immiscé spontanément dans la sphère privée d'une collaboratrice, manquant à son devoir général de fidélité et violant son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnées, avec le niveau d'exigences particulièrement élevé pour un cadre supérieur. Il s'agissait d'un manquement important, fautif et de nature à ébranler la considération que les administrés devaient pouvoir avoir à l'égard des cadres supérieurs de l'administration cantonale.

Il avait touché le ventre de Mme C______, enceinte, en 2017. Il avait proposé à Mme B______ d'aller nager en octobre 2019. Il avait évoqué la situation de sa propre fille et son ami, son épouse et les relations entre femmes et hommes en raccompagnant Mme B______ en décembre 2019. Ce faisant, M. A______ avait manqué à son devoir général de fidélité et violé son obligation d'entretenir des relations dignes et correctes avec ses subordonnées, avec le niveau d'exigences particulièrement élevé pour un cadre supérieur. Il s'agissait d'un manquement fautif, le consentement des intéressées pour les deux premières situations n'y changeant rien, car il les plaçait dans la situation de se sentir obligées d'accepter, en raison du rapport hiérarchique. Un tel comportement était de nature à ébranler la considération que les administrés devaient pouvoir avoir à l'égard des cadres supérieurs de l'administration cantonale.

Il avait posé à une candidate des questions qui ne devaient pas l'être lors d'un entretien d'embauche. Ce faisant, il avait manqué de tact envers une administrée et n'avait pas respecté sa vie privée, violant son devoir de fidélité et adoptant un comportement de nature à ébranler la considération que les administrés devaient pouvoir avoir à l'égard des cadres supérieurs de l'administration cantonale.

La seule existence d'une relation consentie hors cadre professionnel avec Madame I______, collaboratrice au sein du service du X______ jusqu'en 2020, n'était en elle-même pas suffisante pour entrer dans le champ disciplinaire.

Les autres comportements reprochés à M. A______ ne pouvaient être retenus comme des manquements établis à ses devoirs de service. Certains étaient anodins par eux-mêmes ou en raison de leur contexte général ou propres au service du X______ : regards sur les tenues de Mmes D______ ou C______, demande du nom d'un parfum à Mme B______ à l'approche de Noël, question posée à Mme H______en sortant d'une réunion proche de la Saint-Valentin et essuyage du rabat de son sac exposé à la pluie en février 2020.

15) Le 2 novembre 2020, M. A______ a formulé ses observations sur le rapport d'enquête administrative. Il a conclu à ce que les auditions préliminaires à l'ouverture de l'enquête administrative soient écartées de la procédure, à la constatation qu'il n'avait pas violé ses devoirs de service, à sa réintégration immédiate dans son poste, à la mise en place de toute mesure nécessaire à faciliter son retour en fonction et à protéger sa personnalité et à son indemnisation pour tous les frais induits par l'ouverture de l'enquête administrative.

16) Par arrêté du 27 janvier 2021, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d'État a révoqué M. A______ de ses fonctions avec effet au 30 avril 2021 et l'a libéré de son obligation de travailler jusqu'à la fin des rapports de service – sous déduction de ses soldes d'heures supplémentaires et de vacances à concurrence d'un tiers du nombre de jours ouvrables pendant le délai de révocation, le solde étant payé –, ceci après avoir répondu point par point à ses observations du 2 novembre 2020.

La version des faits de Mme D______ apparaissait comme crédible et devait être retenue, au contraire de celle de M. A______, qui l'avait adaptée au fur et à mesure. M. A______ avait fait pression sur Mme D______ dans le but de la déstabiliser et d'arriver à ses fins, causant un grave sentiment de détresse chez cette dernière, qui se trouvait dans un conflit de loyauté très aigu, vu le statut de supérieur hiérarchique, le pouvoir de l'autorité et l'aura de la fonction de haut cadre de l'administration cantonale de son chef. M. A______ avait reconnu la gravité des faits qui lui étaient imputés.

La version des faits de Mme B______ apparaissait comme crédible et devait être retenue. M. A______ avait commencé son approche plusieurs mois auparavant. Ses interventions présentaient un fort caractère intime, ne relevaient pas de la bienveillance et mettaient en exergue une approche délibérée visant à générer une proximité susceptible de faire sortir le rapport hiérarchique du cadre professionnel. Face au refus de Mme B______ lors du café, il avait usé de pressions psychologiques. Il y avait eu des propos insistants ou irrespectueux, qui avaient mis Mme B______ dans un grand état de choc et avaient généré chez elle une profonde angoisse. M. A______ avait reconnu la gravité des faits qui lui étaient imputés. Sa faute était d'autant plus grande qu'au printemps 2018, Mme D______ l'avait interpellé au sujet de son comportement à son égard et de l'impact dramatique que cela avait eu sur elle.

En 2014-2015, M. A______ posait beaucoup de questions à Mme C______ sur son couple, notamment si et comment elle fonctionnait avec son mari. Les questions posées revêtaient un caractère intime très ambigu dénotant une curiosité incompatible avec un rapport hiérarchique, ce qui avait gêné Mme C______. Le fait de poser la main sur le ventre d'une subordonnée dénotait un manque total de décence et de réserve.

Les interventions de M. A______ envers Mme H______avaient un caractère intime très ambigu dénotant une curiosité incompatible avec un rapport hiérarchique, ce qui avait gêné, profondément choqué et généré de la colère chez Mme H______. Le fait de frotter la main sur le ventre d'une subordonnée, même protégé par un sac, dénotait un manque total de décence et de réserve.

Par ces différents comportements, et celui envers la candidate lors de l'entretien de recrutement, M. A______ avait gravement violé ses devoirs de service.

En tant que cadre supérieur et chef du service du X______, M. A______ se devait d'adopter, tant dans l'exercice de ses fonctions qu'en dehors, un comportement irréprochable. Il était possible de deviner, en filigrane des dépositions de Mmes D______, B______, C______ et H______, une certaine stratégie visant à poser et à aborder des questions d'ordre intime, de genre, voire sexuelles. Il ne pouvait être exclu que cette approche, faite sous le couvert de l'autorité hiérarchique, ait permis à l'intéressé de déterminer dans quel cas les frontières de la relation professionnelle pouvaient être repoussées en direction d'une relation privée.

Ces faits justifiaient une révocation. Il avait été tenu compte des bonnes appréciations de la hiérarchie de M. A______, de sa bonne réputation auprès des partenaires externes, du message envoyé à Mme D______ et de ses excuses devant l'enquêtrice par rapport à Mme B______. Aucune autre sanction n'apparaissait néanmoins envisageable sous l'angle de la proportionnalité, les conséquences de son comportement sur la bonne marche du service étant profondes et durables. Il était sans importance que son comportement ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention. Ses mobiles étaient purement personnels et égoïstes. Le lien de confiance avait été irrémédiablement rompu.

17) Par acte du 1er mars 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation, à sa réintégration dans ses fonctions et à l'allocation d'une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours. Il a par ailleurs conclu à la restitution de l'effet suspensif, conclusion qu'il a complétée, le 29 mars 2021, en demandant subsidiairement qu'il soit fait interdiction au Conseil d'État de repourvoir le poste de chef du service du X______ jusqu'à l'issue de la procédure.

Dans la mesure où le groupe de confiance n'avait pas été saisi, l'enquête administrative ne pouvait qu'examiner dans quelle mesure les comportements reprochés seraient constitutifs d'une violation des devoirs de service. L'enquête préliminaire interne était illicite. Il y avait eu une collusion permanente entre les témoins, laquelle s'était prolongée pendant l'enquête administrative. Les témoignages recueillis devaient être reçus avec réserve, en les replaçant dans leur contexte et en les interprétant à l'aune des sensibilités et générations de chacun. Il ne pouvait être tiré aucune conclusion juridique de la concordance éventuelle des témoignages.

Il ne se justifiait en rien d'accorder des droits procéduraux à Mmes B______ et D______, sous la forme d'un dispositif bien plus strict et pénalisant pour le mis en cause que ce qui prévalait dans les procédures pénales pour les victimes au sens de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes, LAVI - RS 312.5). La valeur probante de leurs auditions devrait être appréciée à l'aune de l'illégalité de celles-ci, intervenues de manière non contradictoire et auxquelles il s'était opposé. Son droit d'être entendu avait été violé.

Il n'était pas question de harcèlement sexuel ou psychologique, ni d'agression sexuelle. M. A______ n'avait pas outrepassé le consentement de qui que ce soit. La manière dont les témoins s'étaient déclarées affectées ne pouvait être prise en considération. Seuls étaient pertinents l'impact sur le bon fonctionnement du service et des facteurs subjectifs (faute, mobiles, antécédents). En appréciant les faits en termes de stratégie, voire de prédation sexuelle, l'autorité était tombée dans l'arbitraire. Les conclusions de la décision querellée, tendant à « deviner en filigrane » ou à « ne pas pouvoir exclure », relevaient d'un pur procès d'intention.

Les comportements rapportés par Mmes C______ et H______, s'ils avaient été perçus comme inadéquats sur le moment, n'avaient eu aucun impact sur le fonctionnement du service ou sur leur relation avec leur supérieur hiérarchique.

Lors de l'entretien d'embauche, il s'était limité à poser les questions habituelles et pertinentes par rapport aux besoins particuliers du service. Un éventuel manque de tact face à une candidate particulièrement sensible ne constituait pas une violation des devoirs de service.

Les épisodes antérieurs au 13 février 2020 avaient paru anodins à Mme B______ sur le moment et n'avaient eu aucune conséquence sur le travail ou ses relations avec son chef. Il n'avait jamais été incorrect à l'égard de cette dernière et n'avait jamais évoqué de relations sexuelles. Il avait immédiatement respecté son refus et n'était jamais revenu sur le sujet, ni n'avait modifié son comportement par la suite. Il s'était au contraire montré sincèrement désolé en apprenant le trouble de Mme B______ lors de l'enquête préliminaire et s'en était excusé.

Son comportement envers Mme D______ devait être apprécié à l'aune de la proximité qui existait entre eux et de leurs échanges réguliers sur des sujets privés, voire intimes. Il s'agissait d'un discours amoureux, sans avances sexuelles. Les déclarations de Mme D______ devaient être appréciées au regard des exagérations dans ses propos, puisqu'elle avait établi une longue liste de griefs relatifs aux compétences de direction de M. A______, corroborées de manière précises par Mmes C______ et E______, mais balayées par le rapport d'enquête. L'impact potentiel de son propre comportement sur les capacités de travail de Mme D______ et la bonne marche du service devait être relativisé, puisque la directrice des RH n'avait pas été frappée par les propos de Mme D______ quelques semaines après les faits, trouvant cette dernière gaie et normale.

Les cas de Mmes B______ et D______ étaient différents. S'agissant de sa faute, seule l'inconscience pouvait être retenue, car il n'avait jamais été malveillant et ne s'était pas rendu compte de l'impact potentiel de ses déclarations dans un contexte de rapport hiérarchique. Sa révocation, à l'issue d'une enquête administrative formellement viciée, était infondée, arbitraire et disproportionnée.

18) Le 30 mars 2021, la chambre administrative a fait interdiction à l'État, sur mesures superprovisoires, de repourvoir le poste de chef du service du X______ jusqu'au prononcé sur mesures provisoires.

19) Par réponse du 31 mars 2021, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours dans la mesure où il serait recevable.

Les griefs des subordonnées de M. A______ avaient trait non seulement à son comportement à leur égard, mais également à la conduite du service, de sorte que le Conseil d'État se devait d'ouvrir une enquête administrative couvrant ces deux points.

L'employeur devait vérifier les faits dénoncés à l'encontre de M. A______ pour lui offrir l'occasion d'exercer son droit d'être entendu, en lui soumettant la déposition des plaignantes avant l'ouverture d'une enquête administrative. Il n'avait pas mené d'enquête préliminaire illicite.

Les témoins avaient entièrement confirmé leurs dépositions devant l'enquêtrice après avoir été exhortées à dire la vérité et rendues attentives aux conséquences d'un faux témoignage. Les témoignages ne prêtaient pas le flanc à la critique et le fait que les victimes des agissements de M. A______ discutent entre elles du comportement de ce dernier à leur égard n'était pas en soi constitutif de collusion.

L'enquêtrice était en droit d'entendre Mmes B______ et D______ en l'absence des parties, qui avaient pu lui soumettre des listes de questions et avaient obtenu le procès-verbal des auditions.

M. A______ avait gravement violé ses devoirs de service, perturbant la bonne marche du service. La sanction était proportionnée.

20) Par réplique du 19 avril 2021, M. A______ a maintenu ses conclusions.

L'autorité avait violé son droit d'être entendu et son obligation de protéger sa personnalité. Il était particulièrement choquant et arbitraire que l'autorité cautionne la démarche collective de plusieurs collaboratrices et anciennes collaboratrices, initiée par Mme C______, tendant à réinterpréter des évènements anodins intervenus des mois, voire des années plus tôt, pour leur attribuer une dimension malveillante jamais évoquée jusque-là. Le Conseil d'État avait prononcé la sanction la plus grave sans jamais démontrer la réalisation de la condition de l'existence d'une faute et se raccrochait au ressenti de quelques collaboratrices, lequel était subjectif et avait varié dans le temps, au fur et à mesure des concertations et commérages.

21) Les 26 et 3 mai 2021 ont eu lieu des audiences de comparution personnelle.

M. A______ a maintenu sa position. Les situations de Mmes B______ et D______ étaient des erreurs, dont il était prêt à assumer les conséquences. Il pouvait s'agir d'une sanction, qui devait néanmoins rester proportionnée. Cela pouvait aussi concerner les problèmes relevés dans sa manière de communiquer et engendrer des mesures de « coaching ». La situation vécue depuis une année et demie constituait déjà une sanction très sévère.

22) Par décision du 29 avril 2021, la chambre administrative a rejeté la requête en mesures provisionnelles en tant qu'elle visait la réintégration immédiate de M. A______ et le maintien de son traitement. Elle a fait interdiction au Conseil d'État de repourvoir le poste de chef du service du X______ jusqu'à droit jugé sur le fond.

23) Le 1er juin 2021, M. A______ a conclu à l'audition contradictoire de Mmes B______ et D______ et maintenu son recours.

L'audition non contradictoire de personnes n'alléguant pas avoir été atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, hors la saisine du groupe de confiance, violait son droit d'être entendu et devait être réparée devant la chambre administrative. À défaut, l'arrêté attaqué devait être annulé.

Le Conseil d'État, faisant usage d'une propension divinatoire, avait élaboré un scénario inventif ne reposant sur aucun fait établi au-delà de tout doute raisonnable, commettant un abus de pouvoir d'appréciation quasiment caricatural. Il n'avait pas été convoqué à un entretien de service, mais à un simple entretien sans aucune forme d'explication, le temps supplémentaire demandé pour prendre connaissance des déclarations des 10 et 12 mars 2020 lui ayant été refusé. De tels procédés étaient choquants et violaient de manière crasse les garanties fondamentales de procédure et avaient biaisé l'enquête administrative. Le principe de la présomption d'innocence avait été violé.

La manière dont les témoins s'étaient déclarées affectées ou non par les évènements ne pouvait être prise en considération, ce critère relevant du groupe de confiance.

Il subissait depuis une année des atteintes à sa probité et un profond discrédit liés à sa suspension. Âgé de 60 ans, sa révocation aurait un impact désastreux sur ses perspectives d'avenir dans ses domaines de compétence, soit l'administration publique et les relations internationales. Ses chances de retrouver un emploi étaient quasiment inexistantes.

24) Le 1er juin 2021 également, le Conseil d'État a sollicité l'audition de Mmes C______, D______ et B______ – ces deux dernières en l'absence des parties – et persisté dans ses conclusions.

M. A______ avait petit à petit adopté un discours tendant à minimiser son comportement à l'égard de Mmes D______ et B______. Il pouvait lui être reproché de ne pas avoir refusé de faire des accolades à Mme D______. En prenant également en compte Mme I______, il présentait à l'évidence un comportement inapproprié, répétitif, indigne de sa fonction et violant gravement ses devoirs de fonctions. Il était rompu au langage diplomatique, connaissait l'importance de chaque mot et du ton utilisé et maîtrisait les règles de bienséance et les comportements susceptibles d'influer sur ses interlocutrices et interlocuteurs. Il ne pouvait décemment prétendre qu'il y avait eu un simple malentendu ou un problème de communication entre lui et ses subordonnées. Son comportement était délibéré. Dans le cadre de la procédure, il avait adopté à l'encontre de Mmes C______, B______ et H______un positionnement contraire à son obligation de dignité et de réserve. Il n'avait jamais tenté de calmer son avocat, qui avait adopté un comportement très offensif et inutilement insultant envers Mme C______ lors de son audition par l'enquêtrice. Le comportement de M. A______ avait gravement perturbé la bonne marche du service. Il n'y avait pas de mesure moins incisive que la révocation. Un retour dans sa fonction était inenvisageable, vu l'intérêt public prépondérant à la bonne marche du service et à la protection de la santé des membres de son personnel. La rupture du lien de confiance était d'autant plus définitive que l'intéressé avait fait interdire au Conseil d'État de repourvoir son poste jusqu'à droit jugé sur le fond, faisant prévaloir ses intérêts personnels au détriment de ceux de Genève et de la Genève internationale, ainsi que de la Suisse. Il avait perdu tout sens du devoir de fidélité et de l'intérêt du bien commun.

25) Le 16 juin 2021, M. A______ s'est opposé à l'audition de Mme C______, celles de Mmes D______ et B______ devant être faites en présence des parties.

Il avait pris conscience d'avoir adopté un comportement inadéquat à l'égard de Mmes D______ et B______, lequel ne constituait en aucun cas une faute grave au point de justifier une révocation. Le procédé consistant à se faire l'écho de rumeurs malsaines en lien avec Mme I______ et à se rendre complice de violations du secret de fonction et d'infractions contre le domaine privé était indigne. En invoquant des inconvénients liés à la procédure de recours – ce qui n'avait aucun lien avec les violations des devoirs de service reprochées –, le Conseil d'État lui reprochait à présent de faire valoir ses droits et faisait preuve d'une absence de respect, voire de malhonnêteté intellectuelle.

26) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

27) Pour le reste, les arguments des parties et les éléments factuels utiles, y compris ceux ressortant de l'enquête administrative, seront en tant que de besoin repris dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.2) Le litige porte sur la conformité au droit de la révocation du recourant.

3.3) Le recourant sollicite l'audition par la chambre administrative de Mmes D______ et B______ en présence des parties, auditions également demandées, toutefois en l'absence des parties, par l'autorité intimée, qui demande en sus celle de Mme C______. Le recourant affirme par ailleurs que l'autorité intimée ne pouvait pas mener une enquête préliminaire interne et lui reproche la manière dont elle a conduit l'entretien du 12 mars 2020 ainsi qu'une violation de la présomption d'innocence. Finalement, l'enquêtrice ne pouvait pas procéder à l'audition de Mmes D______ et B______ hors la présence des parties, de sorte qu'elle avait violé son droit d'être entendu.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. Les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède (art. 42 al. 1 LPA). Lors de l’audition des témoins, les parties présentes ne peuvent ni interrompre les témoins, ni les interroger elles-mêmes. Elles peuvent proposer des questions sur l’admission desquelles statue l’autorité chargée de l’audition (art. 42 al. 2 LPA). Chaque partie peut exiger l’inscription au procès-verbal du refus de poser une question (art. 42 al. 3 LPA).

c. L'art. 42 LPA n'empêche pas l'employeur, dans le cadre du rapport de travail qui le lie à ses employés, d'entendre ces derniers au sujet d'une plainte qu'ils formulent, pour évaluer la situation et juger de la pertinence des faits soulevés et de l'opportunité d'ouvrir une enquête administrative. De tels entretiens relèvent de la gestion du personnel et du rôle hiérarchique que les représentants de l'institution assument à l'égard de leurs subordonnés. Ils se différencient, matériellement, de l'enquête administrative qui intervient subséquemment, avec pour fonction d'instruire la plainte et d'établir la réalité des reproches faits au fonctionnaire incriminé. Cette procédure ne peut se dérouler sans procès-verbaux ni sans la présence des parties, sauf exceptions prévues par la loi. Les auditions préliminaires peuvent être versées au dossier dans la procédure subséquente, comme toute pièce en rapport étroit avec le litige. L'employé incriminé doit cependant pouvoir se déterminer à leur sujet, si les procès-verbaux de ces auditions ont été joints au dossier (ATA/351/2021 du 23 mars 2021 consid. 5b et les références citées).

d. Un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (art. 44 al. 1 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Le membre du personnel peut se faire accompagner d'une personne de son choix. Il peut demander qu’un responsable des ressources humaines soit présent (art. 44 al. 2 RPAC). La convocation doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l'entretien. Ce délai peut être réduit lorsque l'entretien a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (art. 44 al. 3 RPAC). La convocation précise la nature, le motif de l’entretien et les personnes présentes pour l'employeur. Elle rappelle le droit de se faire accompagner (art. 44 al. 4 RPAC). À la demande d'un des participants, un compte rendu d'entretien est établi dans les sept jours. Les divergences éventuelles peuvent y figurer ou faire l'objet d'une note rédigée par le membre du personnel dans un délai de quatorze jours, dès réception du compte rendu de l'entretien de service (art. 44 al. 5 RPAC).

e. Le Conseil d’État peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire notamment dans l'hypothèse d'une révocation (art. 27 al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4 LPAC). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d'État statue à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC).

f. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101). La présomption d'innocence est également garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., applicable aux procédures pénales.

g. Les personnes alléguant avoir été atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle et appelées à être entendues à titre de témoin ou à titre de renseignement peuvent être accompagnées d’une personne de confiance et être assistées d’un conseil de leur choix (art. 28A al. 1 LPA). Les personnes au sens de l’al. 1 ont en outre le droit d’être entendues en l’absence des parties aux conditions fixées par l’art. 42 LPA (art. 28A al. 3 let. b LPA).

Lorsqu’un intérêt public ou privé prépondérant l’exige, les témoins peuvent être entendus en l’absence des parties et l’accès aux procès-verbaux d’auditions peut leur être refusé. Lorsque la nature de l’affaire l’exige, la comparution des personnes et l’examen auquel procède l’autorité ainsi que l’expertise peuvent être conduits en l’absence des parties (art. 42 al. 5 LPA). Toutefois, dans les circonstances évoquées à l’al. 5, le contenu essentiel de l’administration des preuves doit être porté à la connaissance des parties pour qu’elles puissent s’exprimer et proposer les contre-preuves avant que la décision ne soit prise. Dans le cas contraire, l’art. 45 al. 3 et 4 s’applique (art. 42 al. 6 LPA).

Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA). La décision par laquelle la consultation d’une pièce est refusée peut faire l’objet d’un recours immédiat (art. 43 al. 4 LPA).

Le projet de loi à l'origine de l'art. 28A LPA a été lancé en raison de la constatation qu'à la suite d'épisodes de harcèlements et d’abus sexuels de la part d’enseignants envers des élèves, mineures et majeures, lors des enquêtes administratives internes à l’État, les présumés harceleurs se présentaient accompagnés de conseils aux séances alors que les présumées victimes se retrouvaient seules à devoir affronter des séances éprouvantes et traumatisantes pour elles. Le projet avait dès lors pour but de permettre l’accompagnement de personnes victimes, soit des personnes disant être atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, par une personne de confiance lors de leur audition en tant que témoin (travaux préparatoires relatifs au projet de loi modifiant la LPA 12'392 [ci-après : PL 12'392], exposé des motifs, p. 3). Initialement, le projet n'incluait pas de disposition sur l'audition en l'absence des parties (travaux préparatoires relatif au PL 12'392, p. 2). Lors de son audition, la conseillère d'État en charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a évoqué la possibilité pour le témoin de ne pas être entendu en même temps que l’agresseur, possibilité qui existait déjà, mais pouvait être refusée par l’enquêteur, et a proposé de réfléchir à faire changer cela. L'art. 42 al. 5 LPA n'avait pas été convaincant au vu des cas concrets, puisque les personnes avaient toujours été confrontées à leur agresseur. Proposition fut donc faite de réfléchir à un élargissement de cette base légale, ce qui constituerait une solution sans pour autant donner au témoin la qualité de partie (travaux préparatoires relatifs au PL 12'392, rapport de la commission judiciaire et de la police, séance du 8 novembre 2018 : auditions notamment de la conseillère d'État en charge du DIP, p. 16 s.). L'art. 28A al. 3 fut ainsi finalement adopté.

Dans une affaire antérieure à l'entrée en vigueur de l'art. 28A LPA et par conséquent uniquement examinée à l'aune de l'art. 42 LPA, dans laquelle le recourant avait fait l'objet d'une révocation, l'audition d'une employée par un enquêteur administratif avait été effectuée en l'absence du recourant et de son conseil. La chambre administrative a constaté que la nécessité de protéger l'état de santé de l'employée, qui était tombée malade en raison du conflit qui l'opposait au recourant et risquait une rechute en cas de confrontation, était établi et que le recourant avait été invité préalablement à la mesure d'instruction à formuler les questions qu’il entendait poser à l'employée, avait pu prendre connaissance du procès-verbal de l'audition et se prononcer sur celui-ci. L'intérêt privé était par conséquent prépondérant, de sorte que les droits du recourant avaient été respectés (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 consid. 5a).

4) a. En l'espèce, le recourant soutient que la manière dont l'autorité intimée a mené les entretiens avec Mmes C______, E______ et B______ les 10 et 12 mars 2020 serait illicite. Ces entretiens faisaient cependant suite au signalement de Mme B______ du 17 février 2020 concernant un comportement inapproprié du recourant et avaient pour but l'évaluation de la situation et l'examen de la suite à donner à cette plainte, notamment l'opportunité d'ouvrir une enquête administrative. L'autorité intimée a ainsi agi dans le cadre de ses prérogatives d'employeur gérant son personnel. Le recourant a ensuite eu accès au compte-rendu de ces entretiens et a eu à plusieurs reprises l'occasion de se prononcer à leur sujet avant la décision litigieuse. L'autorité intimée n'a ainsi pas violé le droit d'être entendu du recourant en menant ces entretiens en son absence. Le grief de violation du droit d'être entendu sera sur ce point écarté.

b. Le recourant se plaint ensuite des modalités de l'entretien du 12 mars 2020, reprochant à l'autorité intimée de n'avoir pas respecté les conditions relatives à l'entretien de service, en particulier au niveau de la convocation et de son droit à être accompagné. S'il est compréhensible que le recourant, non averti de son objet à l'avance, ait été pris au dépourvu et désagréablement surpris par sa teneur, cet entretien a fait immédiatement suite aux entretiens de Mmes C______, E______ et B______ et s'inscrivait dans le but de l'entendre pour poursuivre l'évaluation de la situation et pouvoir prendre les mesures immédiates nécessaires à la gestion de celle-ci. L'autorité intimée a jugé à son issue qu'il convenait de prononcer une libération immédiate de l'obligation de travailler.

Cet entretien a donc été mené par l'employeur dans le cadre de son obligation de gérer la situation, le cas échéant de prendre les mesures jugées comme s'imposant de manière urgente, et ne constituait pas un entretien de service, de sorte que l'autorité intimée n'avait pas à respecter les exigences de l'art. 44 RPAC. Il sera par ailleurs relevé que le recourant a pu, après cet entretien, formuler des observations écrites le 24 mars 2020, dans lesquelles il a maintenu sa position adoptée lors de l'entretien du 12 mars 2020. Il a ensuite pu, dans le cadre de l'enquête administrative, se prononcer oralement, puis par écrit à son issue.

Le grief d'une violation du droit d'être entendu à cet égard sera par conséquent également écarté.

c. Le recourant affirme encore que, par ces différentes démarches, l'autorité intimée aurait violé la présomption d'innocence.

Le cas d'espèce ne relève toutefois pas d'une infraction ou d'une procédure pénale, de sorte que la présomption d'innocence n'est pas applicable, que ce soit sous l'angle de l'art. 6 § 2 CEDH ou sous celui de l'art. 32 al. 1 Cst.

Au surplus, il convient de constater que si le recourant avait l'impression d'un parti pris d'une personne précise au sein de l'autorité intimée, il lui revenait de demander sa récusation aussi vite que possible, à savoir immédiatement après l'entretien du 12 mars 2020 (art. 15 al. 3 LPA), ce qu'il n'a pas fait.

d. Le recourant reproche par ailleurs à l'enquêtrice d'avoir entendu Mmes D______ et B______ en l'absence des parties.

Néanmoins, si le recourant conteste que les deux témoins aient allégué une atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, il ressort du rapport d'enquête que l'enquêtrice a décidé d'entendre ces deux témoins seules en application de l'art. 28A al. 3 let. b LPA, à la suite de leur demande formulée en temps utile, conformément à l'art. 28A al. 1 LPA. Il peut en être déduit qu'à ce stade, l'enquêtrice a retenu que ces deux témoins avaient en l'état allégué une atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle.

Par ailleurs, par renvoi à l'art. 42 LPA, et donc à l'art. 42 al. 5 LPA, l'art. 28A al. 3 let. b LPA exige une pesée des intérêts. En effet, l'art. 28A al. 3 let. b LPA renvoie aux conditions de l'art. 42 LPA, ce qui tend à indiquer qu'il renvoie tant à la pesée des intérêts selon l'art. 42 al. 5 LPA qu'aux conditions de l'art. 42 al. 6 LPA. L'on pourrait se demander si cette interprétation ne va pas à l'encontre des interprétations historique et téléologique, car il n'y aurait dans ce cas aucune facilitation de par l'art. 28A al. 3 let. b LPA. Toutefois, l'art. 28A al. 3 let. b LPA, contrairement à l'art. 42 al. 5 LPA, prévoit un droit de la personne alléguant une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle, de sorte que si l'intérêt à l'audition du témoin seul est prépondérant, il existe une obligation de l'autorité à y procéder en l'absence des parties, contrairement à ce qui prévaut en cas d'application de l'art. 42 al. 5 LPA seul. Rien ne conduit donc à s'écarter du texte clair de l'art. 28A al. 3 let. b LPA, qui exige une pesée des intérêts, même lorsque le témoin allègue une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle.

En l'espèce, au vu des éléments alors en sa possession, soit la note de Mme D______ et les notes des entretiens des 10 et 12 mars 2020, l'enquêtrice pouvait retenir que l'intérêt de Mmes D______ et B______ à être entendues seules l'emportait a priori, à ce stade du dossier, sur l'intérêt du recourant à pouvoir participer à leur audition, étant précisé que ce dernier a pu soumettre des questions avant les auditions et qu'il a ensuite eu accès au procès-verbaux, ce qui a permis de préserver son droit d'être entendu.

Le grief sera par conséquent écarté.

e. Le recourant et l'autorité intimée sollicitent finalement l'audition de Mmes D______ et B______ devant la chambre administrative, l'autorité intimée demandant en outre celle de Mme C______. Le dossier contient néanmoins les éléments permettant à la chambre administrative de trancher le litige en toute connaissance de cause, sans qu'une nouvelle audition de Mmes D______ et B______, en présence ou en l'absence des parties, ou de Mme C______ n'apparaisse nécessaire à cet effet. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux requêtes du recourant et de l'autorité intimée.

5) Sans soulever de grief précis, le recourant se plaint d'une collusion permanente entre les témoins, dont les témoignages devraient partant être examinés avec réserve.

Premièrement, il sera constaté que les témoins, au début de leur audition par l'enquêtrice, ont été exhortés à dire la vérité et rendus attentifs aux conséquences d'un faux témoignage, conformément à l'art. 34 LPA. Par ailleurs, en procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement la force de persuasion (art. 20 al. 1 LPA ; ATA/109/2021 du 2 février 2021 consid. 12b).

Tout en tenant compte du fait que les témoins ont prêté serment, les éventuels contacts entre eux doivent le cas échéant être pris en considération dans le cadre de l'analyse de la force probante des preuves à laquelle la chambre de céans doit procéder.

6) Selon le recourant, l'autorité intimée ne pouvait pas le sanctionner d'une révocation.

a. En tant que cadre supérieur de l'administration cantonale, le recourant est soumis à la LPAC et ses règlements d'application, notamment le RPAC et le règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03 ; art. 1 al. 1 let. a LPAC, 1 al. 1 RPAC ainsi que 1 al. 1 et 2 RCSAC).

b. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c ; art. 21 RPAC). Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 RPAC). Les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont notamment tenus, en outre de diriger leurs subordonnés, d’en coordonner et contrôler l’activité (let. b) et de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (let. f ; art. 23 RPAC).  Les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée (art. 3 al. 1 RCSAC).

c. L'entretien d'embauche doit se dérouler dans le respect de la sphère personnelle de la candidate ou du candidat. Ne sont pas admises, lors de l'entretien d'embauche, les questions portant notamment sur la vie privée : origine, liens familiaux et situation familiale, orientation sexuelle, situation du conjoint, projets ou non-projets de maternité, organisation concernant la garde des enfants, religion (fiche 01.01.03 du memento des instructions de l'office du personnel de l'État [ci-après : MIOPE et OPE]).

7) a. Selon l'art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, d'un blâme, prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie (let. a ch. 1), d'une suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée (ch. 2) ou d'une réduction de traitement à l'intérieur de la classe (ch. 3), prononcée par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État (let. b), d'un retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (ch. 4) ou d'une révocation (ch. 5), prononcé par le Conseil d'État (let. c). En cas de révocation, le Conseil d'État peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur. La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (ATA/826/2020 du 27 août 2020 et les références citées).

c. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé. En particulier, elle doit tenir compte de l'intérêt du recourant à poursuivre l'exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l'intérêt public (ATA/351/2021 précité consid. 8e et les références citées).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5f et les références citées).

La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020 consid. 10c et les références citées). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019 consid. 7c).

d. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées).

e. La chambre administrative a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui avait filmé des interventions sans l’accord des personnes concernées, avait violé gravement l'exigence d'un comportement exemplaire, digne, honorable et respectueux à l'égard des justiciables pendant les interventions, avait fait usage de mesures réservées aux conduites en urgence et avait interpelé une personne pour des motifs autres que ceux relevant du cahier des charges (ATA/860/2020 précité, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d'un fonctionnaire qui s'était introduit dans les bureaux des archives des ressources humaines dans lesquels il n'était pas autorisé à pénétrer au moyen d'un badge emprunté à un nettoyeur (ATA/698/2020 du 4 août 2020 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'une enseignante assumant la tâche de teneuse de comptes qui avait détourné pendant trois années scolaires à huit reprises des sommes d'argent pour un total de près de CHF 40'000.- (ATA/271/2020 du 10 mars 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dénoncé à plusieurs reprises à l'interne et à l'externe une situation de maltraitance sans fondement, ne donnant pas satisfaction dans sa fonction et refusant l'autorité hiérarchique de son chef (ATA/185/2020 du 18 février 2020) ; d'un enseignant ayant adressé un certain nombre de messages à connotation sexuelle, dont une vidéo sur laquelle il se touchait le sexe nu sous la douche, à trois jeunes femmes majeures qui étaient, s'agissant des deux premières, alors scolarisées dans l'établissement dans lequel il enseignait et, pour la dernière, son ancienne élève (ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était en charge (ATA/913/2019 du 21 mai 2019 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 20192019 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 du 9 février 2016) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant exercé des pressions psychologiques et physiques, eu une attitude déplacée et des menaces à l'endroit de collègues de travail, et entretenu des relations intimes avec certaines d'entre elles, alors qu'il était chargé de leur formation (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010).

f. La chambre administrative a annulé la révocation et ordonné la réintégration  : d'un enseignant, qui, lors d'un voyage d'études, était sorti en discothèque avec deux élèves majeures, lesquelles avaient dormi dans son lit au retour de la soirée, ces manquements étant graves mais la révocation disproportionnée compte tenu du fait que lesdits manquements s'étaient déroulés sur une très courte période, découlaient tous de la prise d'une mauvaise décision initiale, ne relevaient pas d'une attitude constante et avaient été admis, dans les grandes lignes, par le recourant, qui avait de très bons états de service et ne présentait pas d'antécédents disciplinaires dans son activité d'enseignant (ATA/351/2021 du 23 mars 2021, contre lequel un recours est pendant auprès du Tribunal fédéral [8C_335/2021]) ; d'un enseignant qui avait conservé des images d'une ancienne élève à caractère pornographique prises alors qu'elle était mineure et qui n'avait pas signifié à la jeune femme que l'envoi de telles images était inadmissible, la révocation étant toutefois disproportionnée puisque les manquements s'inscrivaient dans un contexte limité à une seule personne, qui n'était au moment de l'envoi des images plus élève ni de l'enseignant ni de l'établissement dans lequel celui-ci enseignait, et que ce dernier avait de très bons états de service et ne présentait pas d'antécédents disciplinaires dans son activité d'enseignant exercée depuis plus de quinze ans au moment des faits litigieux (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020) ; d'un policier, qui avait soustrait deux plants de cannabis de la mainmise de l'autorité, la faute étant grave mais la révocation disproportionnée compte tenu de son parcours professionnel de trente ans au sein du corps de police, ses excellents états de service et l'absence d'antécédents depuis d'anciennes sanctions disciplinaires (ATA/826/2020 précité) ; d'un fonctionnaire qui n'avait pas d'antécédents, seuls deux éléments sur l'ensemble des reproches formulés par l'autorité constituant une violation des devoirs service et s'inscrivant dans un contexte général de situation génératrice de conflit et d'absence de collaboration saine (ATA/137/2020 du 11 février 2020, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2020 du 25 août 2020) ; d'une fonctionnaire, un seul des manquements reprochés n'étant pas prescrit et ne suffisant pas à lui seul à justifier une révocation (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

8) a. Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (art. 2B al. 1 LPAC, 2 al. 2 RPAC et 1 al. 1 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'Etat de Genève du 12 décembre 2012 - RPPers - B 5 05.10). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (art. 2B al. 2 LPAC, 2 al. 2 RPAC et 1 al. 2 RPPers). Est constitutive d'une atteinte à la personnalité toute violation illicite d'un droit de la personnalité, telles notamment la santé physique et psychique, l'intégrité morale, la considération sociale, la jouissance des libertés individuelles ou de la sphère privée (art. 3 al. 1 RPPers). Est constitutif d'un harcèlement sexuel tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité du membre du personnel sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur un membre du personnel en vue d'obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle (art. 3 al. 2 RPPers). Le harcèlement est une forme aiguë d'atteinte à la personnalité (art. 3 al. 3 RPPers).

b. Le groupe de confiance est chargé de la mise en œuvre du dispositif de protection de la personnalité prévu par le RPPers (art. 5 al. 1 RPPers). Sur requête du membre du personnel qui, dans sa relation de travail avec d'autres personnes, estime être atteint dans sa personnalité ou de l'autorité d'engagement ou les ressources humaines, le groupe de confiance peut procéder à des démarches informelles (art. 12 et chapitre 4 RPPers) et ouvrir une procédure d'investigation, qui a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non (art. 19 et 20 al. 1 RPPers). Cette procédure débouche sur un rapport d'investigation, à la suite duquel l'autorité d'engagement notifie une décision motivée, par laquelle elle constate l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et son auteur (art. 30 al. 1 RPPers). Vis-à-vis de l’auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité, l'autorité d'engagement peut prendre – ou proposer à l'autorité compétente – toute mesure disciplinaire utile (art. 30 al. 3 RPPers).

9) En l'espèce, le recourant critique premièrement le choix de l'autorité de procéder par la voie de la procédure disciplinaire.

Contrairement à ce qu'il affirme, il ne découle pas de l'ATA/119/2013 du 26 février 2013 que le groupe de confiance est l'autorité exclusivement compétente pour connaître des litiges susceptibles de relever d'une atteinte à la personnalité, mais simplement qu'une requête en constatation et cessation d'une atteinte à la personnalité ne peut être formée directement devant la chambre administrative et doit faire l'objet d'une décision préalable de l'autorité compétente, rendue dans le respect des règles de procédure applicable, soit celles prévues par le RPPers.

Or, aucune des collaboratrices du service du X______ n'a saisi le groupe de confiance, et ni la LPAC, ni les règlements ne contraignaient l'autorité intimée à choisir la voie de la procédure d'investigation plutôt que celle de la procédure disciplinaire. Les deux procédures ont des objets différents, à savoir respectivement la constatation de l'atteinte à la personnalité et le prononcé d'une sanction disciplinaire, même si la première peut déboucher sur un tel prononcé.

L'autorité intimée pouvait ainsi choisir de suivre la voie disciplinaire, étant précisé que dans ce cadre, l'objet de la procédure était la sanction de l'éventuelle violation des devoirs de service et non la constatation d'une atteinte à la personnalité, ce pour quoi la saisine préalable du groupe de confiance aurait été nécessaire. À cet égard, il sera relevé que, à juste titre, ni l'enquêtrice, ni l'autorité intimée n'ont constaté d'atteinte à la personnalité de l'une et/ou l'autre des collaboratrices du service du X______.

Le grief sera par conséquent écarté.

10) Il convient à présent d'examiner si le recourant a violé ses devoirs de service.

a. L'enquêtrice a retenu que le recourant avait violé ses devoirs de service 1) par ses propositions en décembre 2017 et janvier 2018 à Mme D______, 2) par ses avances le 13 février 2020 à Mme B______, 3) par ses évocations de la procréation en 2019 avec Mme H______, 4) par son geste sur le ventre de Mme C______ en 2017, par sa proposition d'aller nager avec Mme B______ en octobre 2019 et ses propos sur les relations entre femmes et hommes tenus à cette dernière en décembre 2019 ainsi que, finalement, 5) par ses questions à une candidate lors d'un entretien d'embauche.

Dans l'arrêté litigieux, l'autorité intimée est toutefois allée plus loin que l'enquêtrice dans les griefs retenus à l'encontre du recourant, à savoir qu'il avait fait pression sur Mme D______ dans le but de la déstabiliser et arriver à ses fins, qu'il avait exercé des pressions psychologiques sur Mme B______, qu'il avait posé des questions à caractère intime très ambigu à Mme C______, qu'il avait frotté la main sur le ventre de Mme H______, même s'il était protégé d'un sac, et qu'il avait en définitive adopté une stratégie récurrente visant à poser des question d'ordre intime et à aborder des questions de genre, voire sexuelles, afin de déterminer, sous le couvert de l'autorité hiérarchique, dans quels cas les frontières de la relation professionnelle pouvait être repoussées en direction d'une relation privée.

b. Par ailleurs, l'autorité intimée a soulevé, dans ses écritures devant la chambre de céans, des éléments antérieurs à l'arrêté litigieux, n'ayant pas été retenus par l'enquêtrice et n'apparaissant pas dans ledit arrêté. Il s'agit en particulier de l'absence de refus de sa part de faire des accolades avec Mme D______ et sa relation avec Mme I______. Ces éléments, invoqués postérieurement à la décision attaquée et alors qu'ils étaient connus avant celle-ci mais n'avaient alors pas été retenus, ne peuvent être invoqués a posteriori pour justifier la révocation du recourant, sauf à adopter une attitude contradictoire et violer le principe de la bonne foi. Ils ne seront par conséquent pas examinés dans le cadre du présent arrêt.

Au surplus, il sera constaté que seule une relation consentie avec Mme I______ ressort du dossier, ce qui ne suffit pas à relever du domaine disciplinaire.

En outre, l'autorité intimée a également reproché au recourant, durant la procédure devant la chambre administrative, son comportement dans le cadre de la procédure de révocation, soit durant l'enquête administrative et la procédure de recours. Ces griefs, postérieurs à l'arrêté attaqué, sont exorbitants au litige et ne sauraient en aucun cas motiver celui-ci, de sorte qu'ils ne seront pas non plus examinés. Il sera néanmoins relevé que le comportement de l'avocat du recourant durant la procédure d'enquête administrative ou le fait d'avoir obtenu une décision positive de la chambre de céans sur sa demande de mesures provisionnelles en interdiction de repourvoir le poste de chef du X______ peut à première vue difficilement être qualifié de violation des devoirs de service.

11) Il convient dès lors d'examiner successivement les reproches retenus par l'autorité intimée dans son arrêté, afin d'examiner leur fondement.

a. Par rapport à Mme D______, l'enquêtrice a retenu à l'encontre du recourant la proposition d'évolution de leur relation allant jusqu'à une relation amoureuse en décembre 2017 et la réitération de cette proposition en janvier 2018. L'autorité intimée semble être allée au-delà et avoir retenu tous les reproches formulés par Mme D______ contre le chef du X______.

Si Mme D______ a indiqué à l'enquêtrice qu'avant le 8 décembre 2017, le recourant avait évoqué de la prendre dans ses bras et que c'était comme s'ils étaient « nus l'un contre l'autre », elle a souligné que ce n'étaient alors pas des avances, mais l'expression d'une émotion décalée et sans arrière-pensées, et que pour elle, il n'y avait rien eu avant le 7 ou 8 décembre 2017. Les éléments antérieurs à cette date ne peuvent donc être retenus à l'encontre du recourant, comme l'a fait à tort l'autorité intimée.

Selon la note de Mme D______, confirmée par ses explications à l'enquêtrice, lors du déjeuner du 7 ou 8 décembre 2017, le recourant lui a fait une déclaration d'amour, lui disant en particulier qu'il l'aimait, voulait la prendre dans ses bras et était prêt à tout quitter pour elle ; lui-même n'avait pas de limites et c'était à elle d'en poser si elle en voulait, ce à quoi elle avait opposé un refus. Mme D______ a indiqué avoir rapporté les avances du chef du service du X______ à Mme C______, alors en congé maternité, puis à Mme E______, lesquelles l'ont toutes deux confirmé. Par ailleurs, lors d'une des audiences de comparution personnelle devant l'enquêtrice, la secrétaire générale adjointe, en 2018 également directrice des RH, s'est rappelée que Mme D______ lui en avait également parlé lors de son entretien de départ, même si sur le moment, cela ne l'avait pas choquée, tandis que Mme F______ a indiqué que Mme D______ lui avait rapporté, vers septembre 2019, une déclaration d'amour du recourant à laquelle elle avait apporté une fin de non-recevoir. Finalement, même si le recourant n'a pas confirmé l'ensemble des points rapportés par Mme D______ et s'il a indiqué, lors de sa comparution personnelle devant la chambre administrative, qu'il avait simplement exprimé se sentir bien avec elle, tant ses déclarations le 10 mars 2020 que celles devant l'enquêtrice tendent à confirmer ces éléments. La question de l'absence de limites se retrouve en effet dans ses déclarations du 10 mars 2020 où il a expliqué avoir dit à Mme D______ que ça se passait bien entre eux et que s'ils devaient aller plus loin, il ne mettrait pas de limite. L'annonce de ses sentiments pour cette collaboratrice transparaît également dans ces déclarations, de même que dans celles faites devant l'enquêtrice : il avait posé à Mme D______ la question de la « réciprocité du rapport proche » qu'il ressentait à son égard. Les deux versions se rejoignent également sur la réponse négative apportée par Mme D______.

L'enquêtrice a ensuite retenu qu'une fois, en janvier 2018, le recourant avait réitéré sa proposition à Mme D______ et dit qu'il l'aimait. Si, lors de son audition par l'enquêtrice, Mme D______ a déclaré que le recourant était venu à plusieurs reprises dans son bureau pour lui faire part de ses sentiments, elle n'a pas apporté plus de précisions sur ces différents épisodes, alors qu'une seule occurrence à fin janvier 2018 ressort de sa note, ce qui concorde avec les faits reconnus par le recourant le 10 mars 2020 – il lui avait demandé une nouvelle fois au bureau si elle souhaitait poursuivre une relation –, et devant l'enquêtrice, à savoir qu'il avait demandé à Mme D______ si elle avait toujours la même réponse à sa question du 7 décembre 2017. À cet égard, le fait que le recourant ait contesté, lors de sa comparution personnelle devant la chambre administrative, avoir évoqué des sentiments pour Mme D______ lors de ses visites dans son bureau ne suffit pas à renverser ses précédentes déclarations sur cette occurrence de janvier 2018. Pour le reste, le seul fait de se trouver dans le bureau de Mme D______ porte fermée à d'autres reprises ne peut en soi être reproché au recourant, que ce soit pour parler de séries télévisées ou d'actualité, comme l'a indiqué Mme D______ devant l'enquêtrice, ou de travail, comme soutenu par le recourant. Un tel comportement ne constitue en soi pas une violation des devoirs de service et pouvait répondre à des nécessités professionnelles entre un chef de service et une adjointe de direction. Quelques brefs propos introductifs ou conclusifs d'une discussion de nature professionnelle, sur l'actualité par exemple, sont au demeurant naturels et notoires dans le cadre de relations entre collègues et propices à une collaboration efficace.

En définitive, s'agissant de Mme D______, il doit être retenu que le recourant lui a déclaré son amour et proposé une relation sentimentale à deux reprises. S'il a contesté toute connotation sexuelle à ses propos, affirmant qu'il s'agirait plus de « je t'aime bien » que de « je t'aime », à l'instar de ce que l'enquêtrice a retenu, de telles allégations ne sont pas convaincantes. Mme D______ ne pouvait que comprendre des propos du recourant qu'il lui proposait une relation amoureuse. Le recourant a d'ailleurs reconnu, y compris devant la chambre de céans, avoir eu un comportement inadéquat à l'égard de Mme D______. En revanche, si des avances formulées à deux reprises ressortent du dossier, rien n'indique que le recourant aurait fait pression sur Mme D______ dans le but de la déstabiliser et d'arriver à ses fins. L'autorité intimée ne pouvait pas le retenir dans l'arrêté querellé.

Par conséquent, il sera retenu qu'en faisant à deux reprises des avances à une subordonnée, le recourant a violé ses devoirs de service, en particulier les art. 21 let. a, 22 al. 1 et 23 RPAC et 3 al. 1 RCSAC.

b. En relation avec Mme B______, l'enquêtrice a retenu des avances faites le 13 février 2020, l'envoi d'un message pour l'inviter à se baigner dans le lac durant le week-end en octobre 2019 et l'évocation en décembre 2019 de sa propre fille et de son ami, de son épouse et ses relations entre femmes et hommes. L'autorité intimée semble de son côté avoir retenu tous les reproches formulés à son encontre par Mme B______.

En ce qui concerne les épisodes antérieurs au 13 février 2020, Mme B______ a relevé, tant le 12 mars 2020 que lors de son audition par l'enquêtrice, en sus de ces trois occurrences : une invitation au restaurant, qu'elle avait déclinée, un soir en août 2019 à la sortie d'un événement organisé par le service du X______ et le questionnement sur le nom de son parfum vers la fin du mois de décembre 2019. Le recourant a reconnu ces deux évènements, même si pour lui, l'invitation concernait un déjeuner. En tout état, le seul fait d'inviter une subordonnée à manger, à l'issue d'un événement professionnel à l'extérieur dans le cadre spécifique du service du X______, et de demander le nom d'un parfum qu'elle portait à la veille de Noël, ne peuvent être qualifiés de violation des devoirs de service.

Le recourant a reconnu l'invitation faite à Mme B______ de se joindre à lui pour aller nager. Selon les versions concordantes des deux protagonistes, cette proposition faisait suite à une discussion informelle au sein de l'équipe du service du X______, lors d'un « café-croissant », au sujet de la nage en eau froide. Le recourant avait alors proposé à Mme B______ de lui écrire un message pour aller à l'occasion s'entraîner ensemble, ce à quoi elle avait répondu favorablement. Aussi, s'il peut être regrettable qu'un supérieur hiérarchique propose à une subordonnée une telle activité, induisant une certaine intimité, vu la nécessité de se mettre en tenue adéquate, et pouvant être source de gêne, cette proposition s'inscrivait en l'espèce dans le contexte d'une discussion de groupe et le recourant a ensuite respecté le refus de Mme D______ de se joindre à lui, n'ayant pas insisté, ni proposé une nouvelle baignade. Il s'agit dès lors d'un comportement qui doit être qualifié d'inadéquat. Il n'est cependant pas évident qu'au vu des circonstances et de son caractère isolé, le caractère inadapté de ce comportement soit suffisant pour être qualifié de manquement aux devoirs du personnel.

Le recourant a également reconnu avoir raccompagné Mme B______ à la suite d'un événement protocolaire, et, à cette occasion, avoir évoqué sa fille et la possibilité qu'elle s'installe en couple durant ses études à Lausanne, sollicitant l'avis de sa collaboratrice sur ce point. S'il n'a pas expressément reconnu avoir alors également parlé de sa relation avec son épouse, de même que des relations entre femmes et hommes, le sujet qu'il reconnaît avoir abordé tend à confirmer les allégations de Mme B______. Au demeurant, la vie amoureuse de sa fille touche à la problématique des relations entre femmes et hommes. Le fait d'aborder de tels sujets, en étant seul le soir avec une subordonnée, doit également être qualifié d'inadéquat. Il n'est cependant pas non plus ici évident que ce comportement, adopté dans le contexte particulier de la fin d'un événement à l'extérieur organisé par le service du X______ durant le weekend, doive être qualifié de violation des devoirs de service. Mme B______ a d'ailleurs indiqué avoir déjà oublié cet épisode le lundi suivant.

Sur ces deux derniers points, Mme B______ elle-même a expliqué à l'enquêtrice que le premier incident qu'elle avait estimé « douteux » était le café du 13 février 2020 et que ce n'était qu'a posteriori, après celui-ci, qu'elle avait commencé à réfléchir au passé et à se souvenir d'épisodes antérieurs.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'existence d'un manquement du recourant aux devoirs de service antérieur au 13 février 2020 à l'égard de Mme B______ doit être écarté, contrairement à ce qu'ont retenu l'enquêtrice et l'autorité intimée.

En lien avec le café du 13 février 2020, le recourant a reconnu le 12 mars 2020 et devant l'enquêtrice, avoir alors dit à Mme B______ ressentir une forte connexion avec elle et lui avoir demandé si elle était d'accord de pousser les frontières de la relation professionnelle à la relation privée, en passant plus de temps et en allant manger ensemble, dans un restaurant thaï par exemple. Tel que relatés par Mme B______, ces éléments ne pouvaient qu'être compris comme des avances. Lors de son audition devant l'enquêtrice, le recourant a affirmé que ses propositions concernaient une relation amicale, allant même jusqu'à contester avoir proposé une relation privée lors de sa comparution personnelle devant la chambre administrative. Il avait toutefois auparavant reconnu avoir dépassé les limites et avoir eu un comportement inapproprié avec Mme B______, tant lors de l'entretien du 12 mars 2020 que dans ses observations du 24 mars 2020. Il a d'ailleurs envoyé à Mme B______ le message du 15 mars 2020 dans lequel il a indiqué que c'était lui qui avait été « stupide ». Il a encore reconnu un comportement inadéquat devant l'enquêtrice puis devant la chambre administrative, dans ses dernières écritures. Ces éléments ne concordent pas avec une proposition de relation amicale comme il cherche vainement à le soutenir.

Par ailleurs, Mme B______ a immédiatement rapporté cet incident à Mme H______, puis, dans les jours suivants, soit le 17 février 2020, à Mme C______, ce que toutes deux ont confirmé et ce qui a conduit cette dernière à faire remonter l'affaire à la hiérarchie. En outre, à l'instar de l'enquêtrice, il ne peut qu'être relevé que ces faits font échos à ceux survenus avec Mme D______.

Ces éléments doivent ainsi être considérés comme établis, de telles avances consacrant une nouvelle violation des devoirs de service, en particulier des art. 21 let. a, 22 al. 1 et 23 RPAC et 3 al. 1 RCSAC.

En revanche, rien ne démontre l'existence de pressions psychologiques sur Mme B______, comme l'a retenu l'autorité intimée dans l'arrêté litigieux, les avances en question n'ayant été exprimées qu'une fois et nullement réitérées après la réponse négative.

c. En ce qui concerne Mme C______, l'enquêtrice a retenu que le recourant avait touché son ventre en 2017 alors qu'elle était enceinte, après lui en avoir demandé la permission. L'autorité intimée a également retenu le fait qu'en 2014 et 2015, il lui posait beaucoup de questions d'ordre privé sur son couple, ce qui la gênait.

Lors de l'entretien du 10 mars 2020, Mme C______ a effectivement déclaré qu'à ses débuts, en 2014-2015, le recourant venait dans son bureau pour lui parler de sujets extra-professionnels, comme la famille, la montagne et les « hobbies » dans son couple, et qu'il voulait savoir comment elle fonctionnait avec son mari. Quand bien même, selon la formulation et la signification eu égard au contexte et aux circonstances, le fait de demander à une subordonnée comment elle fonctionne dans son couple est inadéquat, Mme C______ a également expliqué qu'elle n'en gardait pas un souvenir très précis, que c'était a posteriori, après les témoignages de Mmes D______ et B______, qu'elle avait conclu qu'il testait la solidité de son couple, et qu'avec elle, il n'avait jamais franchi les limites. Devant l'enquêtrice, Mme C______ a expliqué que la collaboration avec le chef du X______ s'était bien passée, que ce soit comme cheffe de projet ou cheffe du X______ adjointe, qu'ils avaient une bonne communication, qu'elle pouvait lui parler librement et qu'il ne lui avait pas fait d'avances. Ce qui précède ne permet pas de conclure que le recourant aurait violé ses devoirs de service pour les faits de 2014-2015.

Le recourant ne conteste pas avoir touché le ventre de Mme C______, alors qu'elle était enceinte. Selon ses observations du 2 novembre 2020, il s'agissait d'un geste bienveillant s'inscrivant dans un rapport de proximité et de confiance – sa fille faisant régulièrement du baby-sitting chez Mme C______ – ; selon son acte de recours, ce comportement n'avait eu aucun impact sur le travail ou les relations entre la subordonnée et son supérieur.

Ce dernier argument sera écarté, puisque le fait d'avoir eu un impact ou non sur le bon fonctionnement du service n'est pas pertinent pour répondre à la question de l'existence ou non d'une violation des devoirs de service, mais seulement sur celle de la fixation de la sanction. Le fait de toucher le ventre d'une femme enceinte, dans un contexte professionnel et dans la position de supérieur hiérarchique, est inadéquat, ce que le recourant a implicitement reconnu devant la chambre administrative en déclarant, qu'avec le recul, il ne le referait plus.

Ainsi, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que, en touchant le ventre de Mme C______ alors qu'elle était enceinte, le recourant, qui, en tant que cadre supérieur, se devait d'avoir un comportement irréprochable, avait violé ses devoirs de service, ceci même s'il avait préalablement demandé de l'autorisation de le faire.

d. Par rapport à Mme H______, l'enquêtrice a retenu à l'encontre du recourant la proposition de lui donner l'adresse d'un acupuncteur s'occupant de couples cherchant à avoir des enfants, en se fondant sur le seul fait qu'elle ne buvait pas d'alcool lors de certains apéritifs, dans la mesure où elle n'avait jamais évoqué de problématique d'avoir des enfants au sein du service. L'autorité intimée a en sus retenu que le recourant avait frotté le rabat en daim de son sac en bandoulière, alors qu'il pleuvait. Le recourant ne conteste pas ces éléments.

L'on ne peut que rejoindre la conclusion de l'enquêtrice selon laquelle chasser la pluie d'un sac à main, même appuyé contre le ventre d'une subordonnée, est un geste anodin qui ne peut constituer une violation des devoirs du personnel. En revanche, en conseillant à Mme H______un acupuncteur pour les couples souhaitant avoir des enfants, le recourant s'est immiscé dans la vie privée d'une subordonnée, en abordant un sujet relevant de la sphère intime et potentiellement douloureux, ceci sur la base de suppositions liées à sa consommation d'alcool, alors qu'elle-même n'avait jamais fait état de problèmes de fertilité. Ce faisant, le recourant a violé ses devoirs de service, en particulier le devoir d'un cadre supérieur d'entretenir des relations dignes et correctes avec une subordonnée.

e. L'enquêtrice et l'autorité intimée ont finalement retenu à l'encontre du recourant les questions posées à une candidate lors d'un entretien de recrutement en lien avec l'allaitement et ses parents.

Le recourant n'a pas contesté avoir posé de telles questions mais a affirmé, dans ses observations du 2 novembre 2020, que celles relatives à l'allaitement avaient pour simple but d'être agréable à la candidate et de prévoir l'organisation du travail le cas échéant. Dans son acte de recours, il a indiqué s'être limité aux questions habituelles et pertinentes par rapport aux besoins particuliers du service.

Toutefois, les questions entourant la maternité et l'organisation familiale sont proscrites lors des entretiens de recrutement, pour cause d'interdiction de la discrimination entre femmes et hommes, ce qui inclut les questions sur l'allaitement. Si le fait qu'une collaboratrice allaite son enfant peut nécessiter des mesures d'organisation au sein du service, cette question n'est nullement pertinente au stade de l'entretien de recrutement. Par ailleurs, si le cadre du service du X______ nécessite certaines précautions spécifiques, des questions ouvertes, par exemple soulignant le caractère délicat du service du X______ et interrogeant sur une éventuelle contre-indication à travailler dans un tel contexte, suffisent, en plus d'éventuelles recherches possibles en amont.

Ainsi, en posant les questions incriminées à cette candidate, le recourant a violé ses obligations d'accomplir son travail consciencieusement et avec diligence, d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public et de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet.

f. Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il est établi que le recourant a violé ses devoirs de service, de sorte que le prononcé d'une sanction est fondé dans son principe.

12) Reste à examiner si la révocation prononcée est conforme au principe de la proportionnalité.

S'agissant des avances à Mmes D______ et B______, le recourant ne pouvait pas ne pas se rendre compte que, dans sa position de chef, il ne pouvait pas s'autoriser à en faire, sauf à violer ses devoirs de service. Par ailleurs, le recourant a fait des avances à deux collaboratrices différentes, et à deux reprises à l'une des deux.

Néanmoins, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité intimée, le recourant n'a pas exercé de pressions sur ces deux collaboratrices. Il a respecté leur refus.

En outre, le dossier ne permet pas de conclure, comme l'a fait l'autorité intimée, à l'adoption d'une stratégie récurrente et systématique visant à poser à ses collaboratrices des questions d'ordre intime et à aborder des questions de genre, voire sexuelles, afin de déterminer, sous le couvert de l'autorité hiérarchique, dans quels cas les frontières de la relation professionnelle pouvaient être repoussées en direction d'une relation privée. L'autorité intimée reconnaît elle-même avoir abouti à cette conclusion d'existence d'une stratégie en la « devin[ant] en filigrane » et en « ne pouvant exclure » que le but de cette stratégie soit celui exposé, avouant ce faisant n'avoir fait que des suppositions.

Par conséquent, si les manquements du recourant par son comportement à l'égard de Mmes D______ et B______ sont graves, ils ne revêtent pas la très lourde gravité que l'autorité intimée leur donne et qui résulte de l'arrêté querellé.

À ces manquements s'ajoutent le geste sur le ventre de Mme C______, enceinte, les propos tenus envers Mme H______concernant l'acupuncteur spécialiste de la fertilité et les questions privées et à connotation discriminatoire lors de l'entretien de recrutement, manquements également fautifs et d'une certaine gravité, mais ponctuels.

Ces six manquements doivent être appréciés dans la globalité de la carrière du recourant, qui est aujourd'hui âgé de 59 ans et a exercé sa fonction de chef de service du X______ pendant près de vingt ans avant d'être suspendu. Si, initialement, ses évaluations dénotaient une marge de progression, il a ensuite amélioré ses prestations pour devenir un chef du X______ jugé excellent, que ce soit lors de ses évaluations mais aussi lors d'événements particuliers, pour lesquels il a fait l'objet de félicitations à maintes reprises. Après un examen approfondi, l'enquête administrative, qui portait à la fois sur le volet de la gestion du service et sur celui des manquements comportementaux, a écarté les griefs concernant le premier de ces volets, de sorte que rien ne conduit à remettre en cause les évaluations excellentes du recourant, confirmées également par les partenaires externes du service du X______. Ainsi, Mme G______ l'a décrit devant l'enquêtrice comme « un grand professionnel, hyper sérieux, totalement bien dans sa fonction, avec classe, avec un certain charisme », tandis que le courrier de la mission permanente du 8 juillet 2020 souligne ses compétences, son professionnalisme et ses nombreuses qualités. En près de vingt ans de carrière au sein du service du X______, il n'a par ailleurs aucun antécédent disciplinaire.

Au vu de ce qui précède, la sanction prononcée repose sur un scénario élaboré par l'autorité intimée allant à l'encontre du rapport et des conclusions de l'enquêtrice, scénario qui ne ressort pas du dossier. Or, au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, s'il est indéniable que les six manquements retenus méritent sanction, ils ne suffisent pas à justifier la révocation d'un fonctionnaire jouissant depuis plus de vingt ans d'excellents états de service et dépourvu d'antécédents disciplinaires. Ladite révocation est excessive.

13) Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis, la révocation annulée et le dossier renvoyé à l'autorité intimée, afin que soit prononcée une sanction moindre.

L'annulation de la décision de révocation a pour conséquence, ex lege, la réintégration obligatoire du fonctionnaire (ATA/351/2021 précité consid. 9d ; ATA/137/2020 précité consid. 18, confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt 8C_203/2020 précité consid. 3).

Dès lors, le recourant devra être réintégré dans sa fonction.

14) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2'500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2021 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 27 janvier 2021 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule l'arrêté du Conseil d'État du 27 janvier 2021 ;

renvoie la cause au Conseil d'État pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 2'500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek Adjadj, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, M. Rieben, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :