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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2677/2012

ATA/452/2013 du 30.07.2013 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.09.2013, rendu le 08.08.2014, RETIRE, 8C_652/2013
Descripteurs : ; DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; RÉVOCATION DISCIPLINAIRE ; FONCTIONNAIRE ; VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ ; DROIT SUPPLÉTIF ; HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL) ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al1 ; Cst.29.al2 ; CEDH.6.para1 ; LPAC.2b ; LPAC.16 ; LPAC.21.al3 ; LPAC.27 ; RPAC.20 LEg.4 ; LHG.9.al1 ; LPA.61.al2
Résumé : Rejet du recours d'un fonctionnaire de l'hospice général contre une décision de révocation avec effet immédiat pour violation grave des devoirs de service. Les propos, sous-entendus ou blagues salaces tenus par le recourant, notamment en présence d'apprentis, étaient indignes d'un fonctionnaire tenu d'entretenir avec ses collègues des relations correctes et respectueuses. Les faits qu'il a reconnu avoir commis, ainsi que ceux mis en évidence dans le cadre d'une enquête administrative, étaient constitutifs de harcèlement sexuel, même si une ambiance légère régnait déjà au moment de son arrivée dans le service.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2677/2012-FPUBL ATA/452/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2013

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur A______ est né le ______ 1965. Il est titulaire d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) de cuisinier.

2) Le 6 décembre 2007, il a été engagé comme cuisinier par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) et rattaché au F______, lieu de vacances, de repos et de convalescence pour les aînés et les personnes au bénéfice de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) se trouvant au-dessus de ______. Son taux d’activité était de 90 % et la durée hebdomadaire de son travail de 36 heures en moyenne. Son cahier des charges prévoyait des horaires irréguliers, le travail pouvant s’effectuer également le soir, les week-ends et les jours fériés.

3) Monsieur M______, directeur du F______, a relevé au terme du premier entretien d’appréciation et de fixation d’objectifs (ci-après : EAFO) du 5 mars 2008 que M. A______ s’était vite intégré et qu’il était apprécié des résidents et du personnel. M. A______ a pour sa part souligné qu’il s’était senti bien accueilli par ses collègues.

4) Le 8 septembre 2008, M. A______ a été désigné en qualité de formateur d’un apprenti, Monsieur D______, né le ______ 1991, pour la période du 1er août 2008 au 31 juillet 2011.

5) Le deuxième EAFO a eu lieu le 13 mars 2009.

Les objectifs fixés avaient été atteints, sauf pour l’un d’eux, à savoir la création et la mise en place de l’autocontrôle des denrées alimentaires, qui ne l’était que partiellement. Les résidents appréciaient M. A______ et aimaient sa cuisine. Il devait néanmoins améliorer l’écoute et la communication et valoriser le travail de ses collègues.

M. A______ a expliqué qu’il appréciait son travail et qu’il avait de bons contacts avec les pensionnaires et le personnel.

6) Le troisième EAFO, en vue de nomination, s’est déroulé le 20 octobre 2009.

Le suivi de l’apprenti était positif et M. A______ s’était montré plus attentif à l’égard de ses collègues. Il avait atteint ses objectifs. Les résidents appréciaient toujours sa personnalité et sa cuisine. M. A______ avait beaucoup progressé dans la communication. M. M______ déplorait toutefois un « manque d’informations à la hiérarchie » en lien avec les horaires. Le bilan global était bon, M. A______ ayant su répondre aux besoins alimentaires et gustatifs des résidents. Il recevait régulièrement des lettres de félicitations.

M. A______ était toujours satisfait de son emploi.

7) Le 1er janvier 2010, M. A______ a été nommé en qualité de fonctionnaire de l’hospice.

8) Le 17 février 2010, M. M______ a remis en mains propres un courrier à M. A______.

Il avait pris l’habitude de gérer lui-même ses horaires de travail sans consulter sa hiérarchie et présentait, à fin 2009, un solde négatif de 172,9 heures. Pour corriger cette situation, un horaire fixe lui avait été proposé le 11 décembre 2009, horaire qu’il s’était engagé à respecter. Tel n’avait pourtant pas été le cas puisqu’au cours du mois de janvier 2010, il avait à plusieurs reprises pris des libertés avec cet horaire. Il s’agissait d’un manquement grave à sa fonction et il était prié de ne plus changer l’horaire convenu à l’avenir.

9) Le 26 février 2010, M. M______ a informé M. A______ qu’un EAFO extraordinaire aurait lieu le 15 mars 2010.

Cet EAFO faisait suite aux remarques formulées à M. A______ au cours d’un entretien du 19 février 2010 avec M. M______. Ces remarques avaient porté sur la qualité des nettoyages, sa collaboration avec l’équipe, la rigueur dans la tenue des horaires et le respect de la hiérarchie.

10) L’EAFO extraordinaire a eu lieu le 15 mars 2010.

Depuis sa nomination, les prestations de M. A______ avaient baissé, même si sa cuisine était toujours très appréciée. Son bilan global n’était plus évalué comme bon mais seulement satisfaisant. En conséquence, des objectifs lui ont été fixés : respect des horaires planifiés, respect de la hiérarchie, collaboration à l’exécution des tâches de nettoyage de la cuisine et stockage correct des aliments avec respect des dates de péremption. Pour les nettoyages, M. A______ serait aidé par Madame  P______, intendante.

M. A______, positif quant à son activité et ses relations avec ses collègues, souhaitait pouvoir rester encore longtemps à son poste de travail.

11) M. A______ s’est trouvé en incapacité de travail du 11 au 22 novembre 2010.

12) Le 31 janvier 2011, M. M______ a infligé un avertissement à M. A______.

Il avait quitté son poste de travail plus tôt que prévu le dimanche 9 janvier 2011 pour des raisons de santé, sans toutefois en informer sa hiérarchie. Il avait laissé le service « en carence de personnel avec pour conséquence que celui-ci s’était très mal passé ». Cette situation s’étant déjà produite à plusieurs reprises, il avait déjà été invité à respecter ses horaires. Ces manquements ne devaient plus se reproduire.

13) Dans un courrier du 16 février 2011 qui n’a pas été produit, M. A______ aurait exposé aux ressources humaines avoir été convoqué le 14 février 2011 par M. M______. Ce dernier l’avait accusé d’avoir volé de la nourriture et d’avoir « triché aux horaires ». M. A______ contestait l’une et l’autre de ces accusations.

14) Il a été dans l’incapacité complète de travailler pour cause de maladie du 16 février au 22 mars 2011.

15) Par courrier du 31 mars 2011, M. M______ a présenté ses excuses à M. A______ « pour les désagréments que nous avons pu engendrer ». Les soupçons de vol qui avaient pesé sur lui avaient été levés, raison pour laquelle le nouvel avertissement prononcé à tort le 19 février 2011 était annulé. Afin de pallier le manque de communication de part et d’autre et d’améliorer leurs échanges et leur collaboration, des rencontres entre lui et M. M______ seraient aménagées tous les 15 jours.

M. A______ a été remercié pour son travail et pour son engagement envers l’apprenti.

16) Le 7 juin 2011, M. M______ a adressé une note interne à Monsieur  S______, directeur des établissements à l’hospice.

Le samedi 21 mai 2011, à 19h15, Madame N______, infirmière-veilleuse, avait constaté que des tâches hôtelières n’avaient pas été faites. Interpellé à ce sujet, M. A______ lui avait répondu de manière évasive et quitté la cuisine pour ne plus revenir. Mme N______ s’en était étonnée, M. A______ devant travailler jusqu’à 19h30.

Le lendemain, M. A______ s’était présenté à 6h30 alors qu’il ne devait commencer son travail qu’à 8h30. Il avait expliqué à Mme N______ qu’une des tâches de nettoyage incombait à la veilleuse, et que la machine à café n’avait pas besoin d’être nettoyée, ce que Mme N______ avait contesté. Sur ce, M. A______ lui avait demandé pourquoi elle s’intéressait à ses horaires. Il s’était emporté en lui criant « dégage », ceci en présence des résidents et d’une autre de ses collègues, Madame T______, chargée de l’entretien. Cette dernière avait été très impressionnée par cet éclat et se trouvait depuis en arrêt de travail pour cause de maladie.

Mme N______, choquée et blessée par l’attitude de M. A______, espérait que cette situation serait prise en main de manière adéquate.

17) Le 16 juin 2011, M. M______ a adressé un avertissement à M. A______.

Il avait quitté son poste de travail le 14 juin 2011 à 13h18 au lieu de 13h30, « tout en notant bien 13h30 ». Il s’agissait d’un manquement grave à la tenue de son poste et à ses horaires.

En outre, lors du colloque du 16 juin 2011, il avait déclaré : « si vous continuez à m’embêter avec les horaires, je ne dépannerai plus la maison et je me fais enculer ». Cette attitude, déplorable et inadéquate au bon fonctionnement de l’institution, ne pouvait être acceptée.

18) M. A______ a été absent pour cause de maladie du 20 au 24 juin 2011.

19) Suite à l’avertissement du 16 juin 2011, M. A______ a été convoqué le 21 juin 2011 par le service des ressources humaines de l’hospice (ci-après : RH) à Genève pour un entretien le 28 juin 2011.

20) L’entretien du 28 juin 2011 a porté sur les horaires de M. A______, son attitude au travail et ses écarts de comportement vis-à-vis de ses collègues.

M. A______ ne devait pas modifier son horaire de travail de manière unilatérale même s’il le faisait dans le souci de proposer une cuisine de qualité qui impliquait qu’il commence à 15h00 et non à 15h30 comme prévu. Pour le bon fonctionnement de l’institution, il devait informer sa hiérarchie de tout changement et faire valider auprès d’elle les éventuelles heures supplémentaires. Un nouvel horaire lui a été fixé.

L’altercation avec Mme N______ était une affaire réglée, M. A______ lui ayant présenté ses excuses.

Sa maladie - M. A______ a indiqué souffrir de diabète - pouvait expliquer ses sautes d’humeur. Elles ne devaient toutefois plus survenir grâce au traitement médicamenteux qu’il suivait. L’avertissement du 16 juin 2011 était maintenu et la teneur de l’art. 21 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) portant sur l’attitude générale devant être adoptée par les membres du personnel lui a été rappelée. Dorénavant, une attitude exemplaire était attendue et tout débordement vis-à-vis de ses collègues ou de sa hiérarchie ferait l’objet d’une sanction.

Ces éléments ont été synthétisés dans un compte-rendu daté du 13 juillet 2011.

21) Par courrier électronique du 16 septembre 2011, M. M______ a informé les RH et M. S______ de sa rencontre le 12 septembre 2011 avec Madame  B______, employée polyvalente au F______.

Mme B______, en pleurs et « mal avec ses pensées » s’était plainte de M. A______. Elle disait avoir subi de ce dernier des attouchements de manière répétitive. Il en était de même avec les autres filles. Le 6 septembre 2011, il avait même soulevé sa jupe en mettant les mains entre ses jambes, vers sa culotte. Il sentait l’alcool. Il avait bu à 17h30, s’était manifesté envers les résidents de manière déplacée et avait servi le dessert avant le plat principal.

M. A______, entendu le 12 septembre 2011, avait reconnu les faits. Il avait voulu plaisanter et était d’accord de s’excuser.

Mme B______ n’en pouvait plus. Les 12 et 14 septembre 2011, M. A______ lui avait en effet « mis la pression » du fait qu’elle avait parlé. Le 16 septembre 2011, elle l’avait informé au téléphone qu’elle ne viendrait plus travailler au F______.

S’agissant des autres collègues de M. A______ auprès desquelles M. M______ s’était informé :

« Mme P______ : selon elle, parfois il plaisante, mais ne se sent pas touchée ;

Mme I______ : il a essayé, il m’a touchée mais je me suis retournée et l’ai repoussé. Ce monsieur n’a plus essayé ;

Mme U______ : Idem ;

Mlle O______ : plusieurs fois il a essayé, elle l’a repoussé et s’est engueulée avec.

Il semblerait également que Mmes L______ et H______ sont aussi concernées ».

22) Un entretien de service a eu lieu le 30 septembre 2011. Outre M. A______, Mesdames C______, cheffe de service, gestion RH et R______, assistante RH, ainsi que M. S______ étaient présents. L’entretien de service avait pour but d’entendre M. A______, qui n’avait pas souhaité être accompagné, sur les faits qui lui étaient reprochés, à savoir des attouchements sur des membres du personnel féminin.

M. S______ a demandé à M. A______ si le 6 septembre 2011 il avait bien commis des attouchements sur Mme B______ ainsi que sur d’autres collègues de travail. M. A______ a répondu par l’affirmative, ses gestes faisaient partie d’un jeu sans mauvaises intentions qui durait depuis quelques années. Lui aussi faisait l’objet d’attouchements. Il s’était fait mettre un bâton entre les jambes. M. A______ s’étonnait que ses gestes lui soient reprochés alors que d’autres avaient des pratiques similaires.

Interrogé pour savoir s’il admettait avoir mis la main sous la jupe de Mme B______, M. A______ a répété qu’il s’agissait d’un jeu existant depuis trois ans. Il reconnaissait les faits mais précisait que c’était avec le consentement des collègues et dans un esprit de « rigolade ». Sur les treize femmes, sept s’amusaient de cette situation. Les six autres ayant fait part de leur désaccord, il les laissait tranquilles.

Mme C______ a expliqué qu’il s’agissait d’une attitude que l’hospice ne saurait tolérer et que M. A______ avait déjà été rappelé à l’ordre. Son employeur avait attiré son attention sur le fait qu’il attendait de lui une attitude exemplaire.

Pour M. S______ les comportements décrits étaient inadmissibles. Il allait solliciter l’ouverture d’une enquête administrative auprès du conseil d’administration de l’hospice (ci-après : le conseil d’administration), en vue du licenciement de M. A______.

Ce dernier a répété qu’il s’agissait d’un jeu. Il ne comprenait pas pourquoi il était accusé alors que d’autres avaient le même comportement que lui. Il n’avait jamais voulu faire du mal ou blesser quelqu’un. A la demande de M. M______, il s’était excusé auprès de Mme B______ mais elle lui avait expliqué qu’on l’avait « envoyée ». M. S______ lui a répondu que si d’autres personnes avaient ce genre d’habitude, elles seraient également sanctionnées. Mme C______ a précisé que l’enquête administrative aurait pour but d’établir les faits, M. A______ ayant toute latitude de s’exprimer. Si les faits étaient confirmés au terme de l’enquête, son licenciement serait prononcé.

Les attouchements constituaient des faits graves, raison pour laquelle M. A______ était libéré de l’obligation de travailler depuis le 21 septembre 2011. Il n’était plus autorisé à se rendre sur son lieu de travail.

Au terme de l’entretien, M. A______ a exprimé ses regrets pour les pensionnaires et les gens qu’il aimait, en ajoutant qu’il n’y avait pas de raison qu’il « porte le chapeau à lui tout seul ».

Le compte-rendu de cet entretien n’a été signé que par Mme C______ et M. S______.

23) Par pli recommandé du 3 octobre 2011, l’hospice a confirmé à M. A______ qu’il allait demander au conseil d’administration l’ouverture d’une enquête administrative. La faute qui lui était reprochée compromettant la confiance qu’impliquait sa fonction, l’hospice a également confirmé qu’il était suspendu de ses fonctions « dès ce jour » et jusqu’à conclusion de l’enquête.

24) Le 10 octobre 2011, le conseil d’administration a décidé, à l’unanimité moins une abstention, l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______. Il a été suspendu de ses fonctions durant toute la durée de l’enquête, son traitement étant maintenu.

M. A______ aurait été informé de cette décision par courrier du 11 octobre 2011. Cette pièce n’a toutefois pas été produite.

25) L’enquête administrative a été confiée à Me Lorella Bertani le 24 octobre 2011. Elle a déposé son rapport le 28 mars 2012, après avoir procédé à la comparution personnelle de M. A______ le 16 décembre 2011, ainsi qu’à sept audiences d’enquêtes du 16 décembre 2011 au 27 février 2012.

a. Treize témoins ont été auditionnés, à savoir : Mmes B______, N______ et P______, ainsi que Mesdames T______, en charge de l’entretien, L______, employée d’hôtellerie, Q______, stagiaire, J______, apprentie de gestion en intendance, O______, aide-soignante, I______, intendante remplaçante, O______, apprentie, MM. D______ et M______ et enfin Monsieur Q______, coach et formateur.

Mmes T______ et O______ ainsi que M. D______ ont été entendus à la demande de M. A______.

A sa demande, Mme O______ a été entendue hors la présence de M. A______ auquel le procès-verbal a été soumis pour qu’il fasse part à l’enquêtrice des questions qu’il souhaitait voir poser à ce témoin. Il a refusé de signer ce procès-verbal. Mme J______ a également souhaité faire une partie de ses déclarations hors la présence de M. A______. Il a cette fois signé le procès-verbal.

Les procès-verbaux de ces auditions seront repris en tant que de besoin.

b. L’enquêtrice a retenu qu’aucune information très claire sur les limites à poser entre une ambiance de franche camaraderie et des gestes inadéquats n’avait jamais été donnée au sein du F______ avant la mise en place de séances de coaching durant l’année 2011. Il avait manqué un lieu permettant aux employés précités de se confier, sans crainte de représailles, et ni l’intendante, ni le directeur du foyer n’avaient pu jouer ce rôle. La qualité du travail de M. A______ n’était pas en cause, sous réserve du respect de ses horaires.

c. Dans le cadre du coaching mis en place durant l’année 2011, les RH de l’hospice avaient été informées que trois collaboratrices du F______ se seraient plaintes auprès du formateur, M. Q______, lui indiquant qu’elles se sentaient menacées par M. A______ et un autre collègue. Il était apparu pendant l’enquête que cette information n’était pas exacte. M. Q______ avait en effet précisé que les griefs des collaboratrices étaient dirigés non pas contre M. A______ mais uniquement contre cet autre collègue.

L’enquête avait en outre déterminé que certains éléments figurant dans le dossier remis à l’enquêtrice n’étaient pas exacts. Ainsi, les propos rapportés par M. M______ dans son courriel du 16 septembre 2011 et qui concernaient des actes commis par M. A______ contre d’autres femmes de l’équipe, ne l’étaient pas tout à fait. De même, si Mme B______ s’était plainte du fait que M. A______ l’avait « coincée » dans un coin et lui avait mis la main sous la jupe, au-dessus du genou et qu’il avait touché un de ses seins par-dessus son chemisier, elle n’avait par contre pas indiqué qui lui aurait mis la main près de la culotte ou près des organes génitaux.

d. Il était possible d’affirmer que les faits dénoncés par Mme B______ étaient avérés. Outre l’épisode décrit ci-dessus, elle s’était plainte du fait qu’alors qu’elle débarrassait des assiettes au-dessus de la poubelle, M. A______ l’avait prise par la taille et mimé un geste sexuel.

Il en allait de même avec les faits rapportés par Mme J______. Elle avait expliqué que M. A______ avait essayé de soulever la veste de son uniforme et que ce faisant il aurait pu voir sa culotte dépasser de son pantalon. Elle n’avait pas été choquée par cet épisode et avait même ajouté que M. A______ lui disait souvent qu’une jolie fille comme elle ne devait pas porter de gaine. Elle soulevait alors un peu sa veste pour lui montrer qu’elle n’en portait pas. Elle avait par contre été dérangée par le fait que M. A______ l’ait surprise alors qu’elle se changeait dans les vestiaires des femmes après l’avoir suivie. Elle ne considérait pas que M. A______ avait commis un abus sexuel mais plutôt qu’il avait eu un geste inadéquat dans le cadre professionnel.

Pour Mme J______ comme pour Mme B______ l’affaire était réglée. Elles n’avaient pas voulu dénoncer M. A______, ni que cela aboutisse à son départ. M. A______ s’était cru à tort autorisé à commettre des gestes inadéquats, conforté en cela par le fait que certaines de ses collègues s’amusaient de ses plaisanteries et des confessions intimes. Ses gestes devaient être considérés comme inadmissibles et objectivement constitutifs de harcèlement sexuel, mais ils devaient être replacés dans leur contexte.

L’ensemble des faits relatés par Mme O______, apprentie de 22 ans qui occupait son premier emploi, pouvait aussi être tenu pour avéré. Elle avait entendu des plaisanteries et des sous-entendus à contenu sexuel et avait plusieurs fois dit à M. A______ que ces propos ne lui plaisaient pas. Elle lui avait tout aussi clairement dit qu’elle n’appréciait pas qu’il lui « pelote » les fesses, ni qu’il lui fasse des compliments sur celles-ci ou sa poitrine. Elle s’était une fois trouvée dans le frigo avec lui et il avait passé les mains sur son corps par-dessus ses habits. Elle lui avait intimé de cesser ses agissements.

Les faits dénoncés par ces trois personnes étaient objectivement constitutifs d’un harcèlement sexuel, sans atteindre le degré le plus grave. Subjectivement, ils n’avaient pas été vécus comme des abus par les victimes, mais plutôt comme des gestes inadéquats dans un cadre professionnel. De tels gestes portaient atteinte à la personnalité des collaborateurs et constituaient des violations des devoirs de service. M. A______ n’avait pas voulu entendre qu’il n’était pas autorisé à toucher ses collègues et qu’il n’avait pas respecté leur volonté lorsque celles-ci, en particulier Mme O______, lui avaient demandé de cesser. Il se bornait à prétexter qu’il s’agissait de plaisanteries, mais tentait à nouveau d’agir de la même manière par la suite. Les collaboratrices avaient déclaré que M. A______ n’était pas un homme violent et qu’elles n’éprouvaient aucune crainte vis-à-vis de lui. Plusieurs d’entre elles n’avaient d’ailleurs pas hésité à le raccompagner sans crainte en voiture.

e. Quant à Mme B______, il était avéré qu’elle avait elle-même contribué à créer au sein de l’équipe une ambiance « sexualisée, faite de propos et de sous-entendus en lien avec le sexe ».

f. Il appartenait à l’hospice d’examiner quelle sanction serait proportionnée aux actes commis par M. A______, au vu de l’ensemble des circonstances.

26) Le 5 avril 2012, le directeur RH de l’hospice a envoyé le rapport d’enquête à M. A______, l’invitant à produire ses observations dans les trente jours.

27) M. A______ a déposé ses observations le 3 mai 2012.

a. Il s’était investi à 200 % dans son travail au F______. Il avait accumulé de nombreuses heures supplémentaires et avait dû effectuer des tâches qui n’étaient pas prévues dans son cahier des charges. Malgré tout ce qu’il faisait pour la bonne marche de l’institution, M. M______ le considérait comme son ennemi et avait toujours quelque chose à lui reprocher. Il ne s’était pas senti reconnu dans son travail et avait l’impression qu’on jouait avec lui. La situation s’était aggravée après les fausses accusations de vol dont il avait été victime et qui l’avaient atteint dans sa santé. A son retour, après une semaine d’arrêt maladie, le cuisinier qui le remplaçait lui avait dit qu’il « allait partir de F______ ». Il avait développé un diabète grave.

b. Les blagues « lourdes et grasses » étaient déjà instaurées au F______ avant son arrivée. Il n’avait pas apporté cette manière de blaguer. Mme B______ avait elle aussi toujours blagué lourdement. Elle lui avait même fait des avances qu’il avait refusées. Il ne s’était jamais permis de toucher les parties intimes, la poitrine ou quoi que ce soit d’autre de façon sexuelle. Il lui était arrivé « de faire une tape amicale sur les fesses » du fait qu’on lui avait fait la même chose auparavant. Cette ambiance existait avant qu’il n’arrive et chacun connaissait les limites car « tout le monde était marié ». Il contestait avoir espionné l’apprentie, dont les propos étaient mensongers.

c. Il y avait deux clans au F______ : les anciens et les nouveaux. Ils ne s’entendaient pas entre eux. Une concurrence s’était installée entre les employés et il s’était retrouvé au milieu. L’ambiance était devenue lourde et il avait dû consoler des collègues féminines « au bout du rouleau » en les prenant dans ses bras. Lorsque les anciens étaient revenus d’arrêt maladie, les intérimaires, dont Mme B______, avaient eu peur de perdre leur poste. Cette dernière avait pensé qu’il la soutiendrait, mais elle s’était aperçue qu’il était très heureux du retour à son poste de travail de la personne qu’elle avait remplacée. Avec le recul, il s’était aperçu que les accusations portées contre lui avaient commencé à cette époque.

d. Il avait travaillé pour d’autres employeurs avec des femmes sans être calomnié comme il l’avait été au F______. Il avait toujours respecté ses collègues.

28) Par décision du 28 juin 2012, le conseil d’administration a révoqué M. A______ avec effet immédiat.

a. Il ressortait de l’enquête administrative que les faits relatés par Mme B______ étaient crédibles. Cette enquête avait également démontré qu’il avait suivi Mme  J______ dans les vestiaires des femmes, qu’il avait ouvert la porte puis qu’il l’avait observée pendant qu’elle se changeait. Le témoignage de Mme  O______ avait lui aussi été jugé crédible par l’enquêtrice. Ces faits étaient objectivement constitutifs de harcèlement sexuel au sens de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1) et de l’art. 328 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Ils étaient d’autant plus graves qu’il s’était régulièrement adonné à des attouchements, des plaisanteries et des paroles grossières qui étaient d’autant moins acceptables avec une apprentie. En sa qualité de formateur d’apprenti, il avait la responsabilité d’être un modèle, ce qui n’avait manifestement pas été le cas.

S’il avait tenté de justifier ses blagues par le fait qu’elles étaient déjà instaurées au F______ avant qu’il n’arrive et contesté avoir touché les parties intimes ou la poitrine de ses collègues de « façon sexuelle », il avait admis des tapes amicales sur les fesses. Il n’avait en outre exprimé ni regrets ni remords et n’avait pas respecté la volonté des collègues qui lui demandaient de cesser.

b. Il avait en outre déjà fait l’objet de deux avertissements.

c. Les faits reprochés étaient inadmissibles et constituaient des violations graves des devoirs de service. La révocation avec effet immédiat était dès lors justifiée au sens de l’art. 16 al. 1 let. c ch. 5 et al. 2 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

29) Par acte posté le 3 septembre 2012, M. A______, assisté d’un avocat, a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à la tenue d’enquêtes et à son audition lors d’une comparution personnelle des parties. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision attaquée et à ce que sa réintégration soit ordonnée. Il a sollicité de plus une indemnité de procédure.

a. Aux termes de l’art. 337 CO, l’employeur et le travailleur pouvaient résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. La partie qui entendait résilier un contrat de travail en invoquant de justes motifs ne pouvait trop tarder avant de prendre sa décision. Les justes motifs devaient être invoqués sans tarder, à défaut de quoi on pouvait admettre que la continuation des rapports de travail était possible jusqu’au terme ordinaire du contrat. La jurisprudence relative à l’art. 337 CO n’était pas sans autre transposable en matière de rapports de travail de droit public. En ce domaine, le licenciement se faisait en général par voie de décision motivée, en respectant le droit d’être entendu. Il était souvent précédé d’une enquête. Les contingences liées aux procédures internes d’une administration ne permettaient en outre pas toujours de prendre une décision immédiate notamment lorsqu’elle dépendait de l’autorité de nomination. Si le délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate du contrat de travail pouvait alors être plus long, l’employeur de droit public restait néanmoins tenu d’agir avec toute la célérité requise. Il ne pouvait laisser la procédure en suspens et devait informer le collaborateur de l’avancement de celle-ci.

b. L’hospice n’avait pas fait preuve de toute la célérité requise en laissant s’écouler plus de trois mois entre le rapport de l’enquête administrative daté du 28 mars 2012 et sa décision du 28 juin 2012. Après le dépôt de ses observations le 3 mai 2012, M. A______ avait en outre attendu deux mois et il avait été tenu dans l’ignorance de l’avancement de la procédure. Si le délai de réflexion pour signifier la rupture des rapports de travail pouvait être plus long en droit public, il ne pouvait durer pendant neuf mois après les faits litigieux. L’autorité ayant tardé à prononcer la sanction, M. A______ devait être réintégré.

c. Conformément à l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité compétente pouvait résilier les rapports de service d’un fonctionnaire pour un motif fondé. Préalablement à la résiliation, elle était tenue de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondait aux capacités de l’intéressé. Les motifs fondés étaient énoncés à l’art. 22 LPAC. L’autorité administrative devait au surplus respecter le principe de proportionnalité.

d. Selon les art. 2A et 2B LPAC, l’hospice devait notamment créer les conditions permettant aux collaboratrices et collaborateurs de travailler dans un climat de respect et de tolérance, exempt de toute discrimination. Il devait veiller à réaliser dans les faits l’égalité entre femmes et hommes, ainsi qu’à la protection de la personnalité des membres du personnel notamment en matière de harcèlement psychologique ou sexuel. Des mesures devaient être prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité.

e. L’art. 4 LEg définissait le harcèlement sexuel comme un comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle qui portait atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle. Cette définition valait pour les relations de travail fondées tant sur le droit privé que sur le droit public. La définition de l’art 4 LEg n’excluait pas des actes portant atteinte à la dignité du travailleur et ne relevant pas d’un abus d’autorité, mais contribuant à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées. Le harcèlement sexuel se caractérisait par le fait que le comportement n’était pas souhaité par la personne qui le subissait. L’intention de l’auteur n’était pas déterminante.

f. M. A______ contestait avoir commis des actes d’attouchement à proprement parler. Si des tapes sur les fesses avaient été données, elles ne l’avaient été qu’entre personnes consentantes, dans les limites posées par chacun. M. A______ et plusieurs de ses collègues avaient reconnu qu’une ambiance légère régnait sur le lieu de travail sans qu’il en soit l’instigateur. La quasi-totalité des témoins entendus dans le cadre de l’enquête administrative avaient affirmé ne pas avoir été choqués par le langage cru de M. A______, lequel avait été décrit comme une personne joviale et agréable. Aucune plainte pénale n’avait été déposée.

g. Le licenciement semblait plutôt résulter d’un conflit personnel entre M. M______ et M. A______. D’ailleurs, l’enquête administrative avait révélé que d’autres collègues s’adonnaient aux mêmes plaisanteries sur leur lieu de travail sans qu’aucune mesure n’ait été prise à leur encontre.

h. Le comportement reproché à M. A______, pour autant qu’il soit fondé, ne constituait pas une violation de la LEg ou de la LPAC. Le licenciement ne respectait pas le principe de proportionnalité et l’hospice n’avait pas proposé des mesures de développement et de réinsertion professionnels ni recherché si un autre poste était disponible, ceci en violation de l’art. 21 al. 3 LPAC.

30) Le 26 octobre 2012, l’hospice a produit ses observations concluant à la confirmation de sa décision du 28 juin 2012.

a. Le conseil d’administration avait prononcé la décision de révocation avec effet immédiat un mois et demi après la dernière détermination de M. A______. Ce délai était raisonnable s’agissant d’un acte pris par une autorité collégiale. Il correspondait aux délais généralement observés dans des cas identiques.

b. Le conseil d’administration n’avait pas résilié le contrat de travail de M. A______ en application de l’art 21 al. 3 LPAC, mais prononcé une révocation sur la base de l’art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC. Dans ce cadre, il n’avait pas à proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels.

c. Les conditions de cette révocation étaient réalisées s’agissant de M. A______. L’enquêtrice avait en effet relevé que taper sur les fesses, mettre la main entre les cuisses ou sous la jupe d’une femme, tenir des propos salaces et grossiers, faire des plaisanteries et des sous-entendus obscènes, étaient des actes constitutifs d’harcèlement sexuel. Trois témoignages au moins avaient été jugés crédibles.

d. Si les compétences professionnelles de cuisinier de M. A______ n’étaient pas en cause, son comportement à l’égard de ses collègues féminines était en revanche inacceptable, même si certaines s’amusaient de ses plaisanteries. Les gestes et propos de M. A______ étaient d’autant plus inadmissibles lorsqu’ils avaient concerné une jeune apprentie exerçant son premier emploi. Si aucune plainte pénale n’avait été déposée, des collaboratrices avaient fait part à leur hiérarchie du comportement inadéquat de M. A______.

e. Compte tenu de la gravité de la faute et des avertissements précédemment infligés, c’était à juste titre que la révocation avait été prononcée.

31) Le 15 novembre 2012, M. A______ a sollicité l’ouverture des enquêtes et la comparution personnelle des parties.

32) Le 13 décembre 2012, le juge délégué a invité l’hospice à produire la copie de tous les procès-verbaux des auditions in extenso auxquelles l’enquêtrice avait procédé.

33) L’hospice a produit les procès-verbaux des auditions le 18 décembre 2012.

34) Convoqué à une audience de comparution personnelle des parties le 25 janvier 2013, M. A______ ne s’est pas présenté.

35) Le 15 février 2013, le juge délégué a tenu une nouvelle audience de comparution personnelle des parties.

a. M. A______ ne s’était pas présenté à la dernière audience en raison d’un malentendu avec son avocat. Il maintenait les termes de son recours, souhaitait être blanchi et retourner travailler au F______. Il avait sollicité des indemnités de chômage mais faisait l’objet d’une suspension de trois mois en raison des motifs qui avaient prévalu à la perte de son emploi. Il souffrait d’un diabète et d’une dépression mais était apte à travailler selon son médecin. Sa compagne, avec laquelle il avait eu quatre enfants, travaillait à 60 %.

b. Il confirmait ses déclarations faites pendant l’enquête administrative et contestait tout ce qui lui était reproché. Il considérait avoir été victime d’un complot.

c. Il reconnaissait avoir raconté, devant ses collègues à la cuisine, qu’il faisait l’amour avec sa femme mais sans détailler les positions. Les autres faisaient la même chose. Il maintenait n’avoir jamais dit de Mme B______ qu’elle était une « chaudasse ». Elle ne l’avait pas invité à cesser d’utiliser cette expression. Il contestait avoir caressé les fesses de Mme B______ à plusieurs reprises. Si comme elle l’avait prétendu il avait touché Mme B______ pendant qu’elle vidait des assiettes sales, elle s’en serait plainte à M. M______. Mme Q______ avait d’ailleurs déclaré qu’elle n’avait rien vu ni entendu.

d. Il reconnaissait avoir touché le genou de Mme B______, ajoutant que « c’était normal, comme lorsque nous nous tripotions les fesses entre nous, et ce n’était pas la première fois ».

e. Il contestait formellement avoir touché un sein et la cuisse de Mme B______ un jour où elle arrivait à la cuisine avec un chariot de service.

f. Il n’avait pas été le responsable d’apprentissage de Mme J______. Son maître d’apprentissage était M. M______. Ce dernier n’étant jamais là, c’était lui qui l’avait formée. Il n’avait pas suivi cette apprentie au sous-sol et ne l’avait pas observée pendant qu’elle se changeait. C’était elle au contraire qui avait fait mine de baisser son pantalon. Elle avait d’ailleurs reconnu pendant l’enquête administrative avoir un peu soulevé sa veste.

g. Il admettait avoir dit à Mme O______ qu’elle avait une grosse poitrine mais il contestait lui avoir mis la main aux fesses. Il ne lui avait jamais passé les mains sur les hanches et les cuisses. Il admettait également avoir montré un concombre en disant ou en laissant entendre qu’il avait le même. Les « trois dames, dont l’apprentie, disaient qu’en effet, les noirs avaient la même chose ( ) ». En aucun cas il n’avait montré à Mme O______ comment faire avec des légumes pour avoir du plaisir.

h. M. M______ l’avait accusé à tort de vol car il était jaloux de lui. Il avait organisé un complot avec ses collègues qui l’avaient accusé à tort. Il avait eu de bons contacts avec son directeur jusqu’à ce qu’il soit convoqué dans son bureau toutes les semaines « et qu’il fasse peur aux autres en les menaçant de même sort que celui qu’il me réservait ». Il avait signé les deux avertissements qui lui avaient été signifiés car il en avait assez et souhaitait qu’on le laisse tranquille. Quant au cuisinier qui l’avait remplacé pendant ses arrêts maladie, il voulait sa place. C’est d’ailleurs lui qui l’avait effectivement remplacé suite à sa révocation.

i. Avant de travailler au F______, il avait travaillé pendant treize ans dans un EMS à Vevey sans avoir de problèmes parce qu’il n’y régnait pas la même ambiance.

j. Le juge délégué a imparti un délai de quinze jours au recourant pour qu’il se détermine afin de savoir s’il maintenait sa demande de confrontation avec les employés qui l’avaient mis en cause, demande qu’il avait formulée pendant l’audience.

La représentante de l’hospice s’est opposée à ces auditions qui avaient déjà été effectuées, en grande partie de manière contradictoire.

36) Le 4 mars 2013, le recourant a confirmé sa volonté de voir les « témoins accusateurs » entendus dans le cadre de la procédure. Il s’agissait d’un droit formel découlant directement de l’art. 6 de Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

37) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite l’audition des « témoins accusateurs », sans toutefois préciser nommément de quels témoins il s’agit.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; ATA/267/2013 du 30 avril 2013 consid. 2).

b. Quant à l'art. 6 § 1 CEDH auquel se réfère le recourant, il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêts du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

c. Dans le cas d’espèce, treize témoins ont déjà été entendus pour les besoins de l’enquête administrative, certains à la demande de M. A______. Les témoins, auxquels le recourant a eu l’opportunité de poser toutes les questions de son choix, ont été exhortés à dire la vérité et ils ont tous signé les procès-verbaux de leurs auditions. M. A______ a assisté à l’ensemble des auditions, à l’exception de celle de Mme O______ le 23 février 2012 et d’une partie de celle de Mme  J______ le 31 janvier 2012. Il a toutefois pris connaissance de tous les procès-verbaux d’auditions qu’il a signés, à la seule exception du procès-verbal de l’audition de Mme O______. Au terme de l’enquête administrative, il a déposé des observations dans lesquelles il a rappelé sa version des faits. Il a eu une nouvelle occasion de s’exprimer lors de l’audience de comparution personnelle du 15 février 2013 devant la chambre de céans. Enfin, l’intégralité des procès-verbaux d’auditions a été transmise au juge délégué qui a ainsi pu en prendre connaissance.

d. La chambre de céans dispose donc d’un dossier complet qui lui permet de trancher le litige et de se prononcer sur les griefs soulevés en toute connaissance de cause sans qu’il soit nécessaire d’entendre à nouveau des témoins.

e. Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête de M. A______.

3) Le recourant estime que l’hospice n’a pas agi avec toute la célérité requise, la décision de révocation avec effet immédiat ayant été prononcée trois mois après le dépôt du rapport d’enquête administrative, plus de deux mois après celui de ses observations et plus de neuf mois après la survenance des faits litigieux. Pour ce motif, il conclut à sa réintégration.

a. L’art. 29 al. 1 Cst. garantit à toute personne, dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire, le droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Selon la jurisprudence, celui qui présente une requête à l’autorité est fondé à exiger que celle-ci se prononce sans retard injustifié, c’est-à-dire dans un délai convenable eu égard à la nature de l’affaire et à l’ensemble des circonstances (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409 et arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_194/2011 du 8 février 2012 consid. 3.2 ; ATA/82/2012 du 8 février 2012 consid. 5a ; A. AUER/G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2006, vol. 2, 2ème éd., p. 587 n. 1267 ss). L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas sa décision dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (lorsque l'autorité ne statue que partiellement : RDAF 2011 II 163 p. 165 et T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 501 n. 1499). Il faut se fonder à ce propos sur des éléments objectifs ; entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_456/2011 du 5 avril 2012). La durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances étrangères au problème à résoudre, notamment une organisation déficiente ou une surcharge structurelle (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332ss ; 121 II 305 consid. 4 p. 306 ; 117 Ia 157 consid. 4a p. 165 ; Arrêts du Tribunal fédéral 9C_426/2011 du 14 décembre 2011 consid. 3.2 ; 9C_426/2011 du 14 décembre 2011 consid. 3.2). Ainsi, un retard est injustifié lorsque les éléments qui ont conduit à un allongement inapproprié de la procédure apparaissent objectivement non fondés (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332ss).

b. La sanction du dépassement du délai raisonnable ou adéquat consiste essentiellement dans la constatation de la violation du principe de célérité, qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. Cette constatation peut également influencer la répartition des frais et dépens (ATF 130 I 312 consid. 5.3 p. 333 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C_426/2011 du 14 décembre 2011 consid. 3.3).

c. Fonctionnaire de l’hospice, M. A______ est soumis au statut du personnel de cet établissement (ci-après : le statut ; art. 1 al. 1). La législation cantonale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux est applicable au personnel de l’hospice (art. 2 al. 1). Le CO s’applique à titre supplétif lorsque le statut du personnel et les dispositions auxquelles il renvoie sont lacunaires (art. 2 al. 4).

Selon l’art. 27 LPAC, le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire lorsqu’il envisage de révoquer un fonctionnaire (al. 2). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (al. 3). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de 30 jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (al. 4). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les 30 jours qui suivent la communication du rapport (al. 4). Le conseil d'administration statue à bref délai (al. 5).

d. Les dispositions précitées n’étant pas lacunaires, le CO n’est pas applicable à titre supplétif.

e. M. A______ a été entendu dans le cadre d’un entretien de service le 30 septembre 2011. A cette occasion, il a pris connaissance des faits qui lui étaient reprochés. Le conseil d’administration de l’hospice a décidé d’ouvrir une enquête administrative le 10 octobre 2011. Elle a été confiée à Me Bertani qui en a été informée par courrier du 24 octobre 2011. Celle-ci a rendu son rapport d’enquête le 28 mars 2012, lequel a été envoyé au recourant le 5 avril 2012. Ce dernier a fait parvenir ses observations sur ce rapport au président du conseil d’administration le 3 mai 2012. Ledit conseil a finalement prononcé sa décision le 28 juin 2012.

La procédure aura donc duré neuf mois entre l’entretien de service et la décision de révocation avec effet immédiat. Cette durée correspond à la moyenne des procédures disciplinaires avec enquêtes administratives menées en application de LPAC et dont la chambre de céans a eu à connaître récemment. La procédure a en effet duré plus d’un an et un mois pour un fonctionnaire du département de la sécurité (ATA/285/2013 du 7 mai 2013), plus d’un an et demi pour un fonctionnaire du département des affaires régionales, de l’économie et de la santé (ATA/785/2012 du 20 novembre 2012), un peu moins de sept mois pour un fonctionnaire des HUG (ATA/238/2012 du 24 avril 2012) et moins de six mois pour un fonctionnaire du département des finances (ATA/531/2011 du 30 août 2011).

L’enquête administrative a pour sa part été menée à bien en cinq mois, soit au-delà des trente jours prévus par la loi qui tempère toutefois cette exigence en précisant que l’enquête doit en principe être terminée dans ce laps de temps. Dans le cas d’espèce, sept audiences ont été nécessaires pour entendre les treize témoins, y compris ceux cités par le recourant. Un délai de cinq mois s’explique dès lors aisément, d’autant qu’un important travail de synthèse et d’analyse de tous les témoignages a ensuite été nécessaire avant de rédiger le rapport d’enquête qui compte quarante page et qui peut être qualifié de précis et détaillé.

Rendu le 28 mars 2012, ce rapport a été envoyé à M. A______ le 5 avril 2012. Celui-ci a produit des observations le 3 mai 2012, l’hospice ayant respecté le délai de trente jours prévu par la LPAC pour lui permettre d’exercer son droit d’être entendu.

Le conseil d’administration a rendu sa décision un peu moins de deux mois plus tard. Le conseil d’administration n’a ainsi pas tardé. En effet, celui-ci compte neuf membres (art. 9 al.1 de la loi sur l’hospice général du 17 mars 2006 - LHG - J 4 07), plus un représentant du département de la solidarité et de l’emploi avec une voix consultative (art. 10 LHG). Pour permettre à chacun de prendre avec tout le soin requis connaissance du rapport d’enquête et du dossier administratif du recourant, puis d’en débattre avant d’arrêter une position, un tel délai est nécessaire et doit être considéré comme acceptable.

f. L’hospice ayant agi avec toute la célérité requise au regard du cas d’espèce, ce grief sera lui aussi écarté.

4) Le recourant allègue une violation de l’art. 21 al. 3 LPAC.

a. M. A______ a été révoqué avec effet immédiat par l’hospice en application de l’art. 16 LPAC et non de l’art. 21 al. 3 LPAC qu’il évoque à tort. Son grief fondé sur cette dernière disposition, critiquant l’absence de propositions de mesures de développement et de réinsertion professionnels ou d’un autre poste au sein de l’administration cantonale sera rejeté, cette procédure n’étant pas prévue en cas de révocation avec effet immédiat au sens de l’art. 16 LPAC, soit lors du prononcé de la sanction disciplinaire la plus grave.

b. Selon l’art. 16 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes (al.1) :

« a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1 le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'Etat, d'entente avec l'office du personnel de l'Etat ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2 la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3 la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'Etat ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4 le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5 la révocation ».

En cas de révocation, le conseil d'administration de l'établissement peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (al. 2).

c. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/267/2013 du 30 avril 2013 consid. 5b ; ATA/238/2012 consid. 6b et les références citées).

En cas de révocation, l'existence d'une faute grave est exigée (ATA/531/2011 du 30 août 2011). Cette sanction constitue une ultima ratio.

d. Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 ss RPAC. L'art. 20 RPAC prévoit que les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'Etat et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. Ils se doivent par leur attitude d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 21 let. a RPAC). Ils doivent justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC). Dans l'exécution de leur travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1).

5) Dans le cas d’espèce, M. A______ a lui-même expliqué pendant l’enquête administrative que :

« Pour faire face à toute la pression et à tout le stress, tous les employés ont pris l’habitude de parler « sexe », sans tabou ( ). On se tapait sur les fesses, hommes comme femmes ( ). Nous n’hésitions pas à plaisanter de manière graveleuse ou à se moquer les uns des autres » (procès-verbal de comparution personnelle et d’enquête du 16 décembre 2011).

« Concernant Mme B______ je n’ai jamais mis ma main sous sa jupe près de la culotte. L’incident s’est passé devant Mme Q______. Mme B______ aurait certainement réagi. Je lui ai mis la main sur le genou » (procès-verbal d’enquête du 21 décembre 2011).

« Je n’ai pas caressé les fesses de Mme B______ mais il est vrai que je lui ai donné des tapes sur les fesses. Je ne lui ai pas posé la main sur la cuisse dans la voiture mais je lui ai posé la main sur le genou ( ). J’ai effectivement mis ma main au-dessus du genou, à l’intérieur. Mais je n’ai pas touché les seins » (procès-verbal d’enquête du 26 janvier 2012).

M. A______ n’a pas contredit les propos de M. D______, lequel a déclaré : « Il nous arrivait fort fréquemment de plaisanter sur le sexe. Nous faisions des sous-entendus avec certains légumes ou certains fruits ( ). Il nous arrivait effectivement, tant à Monsieur A______ qu’à moi-même, de faire des sous-entendus sexuels lorsque nous mettions la farce à l’intérieur du poulet ( ). M. A______ racontait un peu sa vie sexuelle » (procès-verbal d’enquête du 23 février 2012).

A l’appui de son recours, il a confirmé que « des tapes sur des fesses » avaient été données, puis lors de l’audience de comparution personnelle du 15 février 2013, il a enfin expliqué :

« Je reconnais que devant mes collaborateurs à la cuisine, je racontais que je faisais l’amour avec ma femme, sans détailler les positions ( ). Je reconnais avoir touché le genou de Mme B______. Pour moi c’était normal, comme lorsque nous nous tripotions les fesses entre nous, et ce n’était pas la première fois ( ). « Vous me donnez connaissance de la déclaration de Mme O______, faite devant l’enquêtrice le 23 février 2012. J’admets lui avoir dit qu’elle avait une grosse poitrine. En revanche, je conteste lui avoir mis la main aux fesses ( ). Comme l’a déclaré Mme O______, j’admets avoir montré un concombre en disant ou en laissant entendre que j’avais le même et les trois dames, dont l’apprentie, disaient qu’en effet les noirs avaient la même chose ( ) ».

Ces faits ou propos que le recourant admet avoir commis ou tenus constituent des fautes graves contraires aux devoirs du fonctionnaire. Les propos ou sous-entendus tenus par le recourant en présence de M. D______, apprenti dont il était le formateur, ou de Mme O______, elle aussi apprentie, sont en outre indignes d’un fonctionnaire tenu d’entretenir avec ses collègues des relations correctes et respectueuses et de renforcer la considération dont la fonction publique doit être l’objet.

6) Outre des violations du RPAC, l’hospice retient que le recourant a commis des faits objectivement constitutifs de harcèlement sexuel au sens de la LEg, ce qu’il conteste.

a. L’art. 4 LEg définit le harcèlement sexuel qui est considéré comme une discrimination. Selon cette disposition, par comportement discriminatoire, on entend tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle.

b. Selon la jurisprudence (ATF 126 III 395 consid. 7b)bb) p. 397 ; ATA/268/2006 du 16 mai 2006, consid. 4), les remarques sexistes et les comportements grossiers ou embarrassants rentrent dans la définition du harcèlement sexuel. Selon le message du Conseil fédéral (FF 1993 I 1163 p. 1219), le harcèlement sexuel peut prendre différentes formes comme des remarques sexistes, des commentaires grossiers ou embarrassants ; il s’agit de comportements basés sur le sexe et qui sont imposés à une personne contre sa volonté. Cette définition n’exclut pas d’autres actes portant atteinte à la dignité du travailleur et ne relevant pas d’un abus d’autorité, mais contribuant à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (R. WYLER, Droit du travail, 2008, p. 318). La violation de l’art. 4 LEg n’est pas soumise à la condition d’une intention de discriminer. La question de savoir si une personne accusée de harcèlement sexuel entendait obtenir des faveurs sexuelles se pose uniquement lorsqu’il s’agit d’établir l’existence d’un chantage sexuel au sens de l’art. 4 LEg in fine. Lorsque le harcèlement sexuel revêt une autre forme, la motivation de l’auteur – le fait qu’il n’ait pas été volontairement grossier et/ou qu’il n’ait pas eu pour but d’empoisonner les rapports de travail – est sans pertinence (G. AUBERT/K. LEMPEN, Commentaire de la loi fédérale sur l’égalité, p.103/104 et les références citées).

c. En l’espèce, l’hospice a suivi les conclusions de l’enquête administrative aux termes de laquelle il était possible d’affirmer que les faits relatés par Mmes B______, J______ et O______ étaient avérés. Si le recourant a nié ces faits, il n’est pas parvenu à démontrer leur inexactitude. Au contraire, en cherchant à se défendre, il a reconnu avoir commis des actes qui sont eux-mêmes constitutifs de harcèlement sexuel. Ainsi, s’il a soutenu ne pas avoir caressé les fesses de Mme B______, il a expliqué lui avoir donné des tapes à cet endroit. Il n’aurait pas mis la main sur la cuisse de cette dernière mais admet avoir mis sa main à l’intérieur de son genou, qualifiant cet acte de normal. De même, il n’aurait pas touché Mme O______ mais admet lui avoir dit qu’elle avait une grosse poitrine et avoir tenu devant elle des propos salaces avec un concombre.

d. Le comportement du recourant a heurté plusieurs de ses collègues. L’enquête administrative a ainsi mis en évidence que Mme O______ a plusieurs fois demandé au recourant qu’il cesse de l’importuner et que Mmes B______ et J______ ont été dérangées par son attitude. Il ressort en outre des procès-verbaux d’enquêtes que Mme L______ lui a fait parfois remarquer qu’il abusait et que certains collègues avaient pu être interloqués par ses gestes obscènes (procès-verbal d’enquête du 16 décembre 2011, p. 10) ou que Mme I______ a été gênée par les sous-entendus du recourant en lien avec le concombre ou les chipolatas (procès-verbal d’enquête du 20 février 2012, p. 8).

e. Dès lors qu’il a violé le RPAC et qu’il a commis des actes constitutifs de harcèlement sexuel, c’est à juste titre que M. A______ a été sanctionné par l’hospice.

7) Le principe d’une sanction étant acquis, reste à examiner si, comme le prétend le recourant, ladite sanction est disproportionnée.

a. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/267/2013 précité consid. 5c et les références citées).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI/C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, RDAF 1996, p. 347). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement du service et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P_133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/267/2013 consid. 5c et les références citées).

c. M. A______ a reçu la sanction la plus grave prévue par la LPAC, à savoir une révocation avec effet immédiat.

d. La gravité des faits reprochés dans la présente cause suffisent à justifier le licenciement. En outre, avant d’être révoqué avec effet immédiat, le recourant avait déjà fait l’objet de deux avertissements prononcés par M. M______ les 31 janvier et 16 juin 2011. Si le premier n’avait porté que sur la seule question du respect des horaires, le second avait, outre les récurrents problèmes en lien avec les horaires, fait suite à l’attitude jugée déplorable et inadéquate de M. A______ lequel avait tenu, lors d’un colloque, des propos à connotation sexuelle. Il avait en outre été fermement invité à adopter une attitude exemplaire lors de l’entretien du 28 juin 2011, faute de quoi une sanction serait prise à son encontre. Les conclusions de l’enquête administrative comme les propos, gestes ou sous-entendus déjà mentionnés dont le recourant a admis être l’auteur étaient propres à rompre toute la confiance que son employeur avait placée en lui. Le recourant, qui semble n’avoir jamais pris la mesure exacte des faits qui lui sont reprochés, a spontanément reconnu des actes et des propos qui contreviennent gravement à ses devoirs de fonctionnaire et qui ont porté atteinte à l’intégrité de plusieurs de ses collègues.

e. Certes, une ambiance légère existait déjà lorsqu’il est arrivé au F______. M. A______ a toutefois largement contribué à ce que cette ambiance nuisible à une saine collaboration entre collègues perdure et se renforce. Agé de 42 ans au moment de son engagement et déjà au bénéfice d’une longue expérience professionnelle, il devait adopter une attitude digne et compatible avec sa fonction. Son employeur était en droit de l’attendre de lui, même si précédemment l’ambiance était malsaine. Il est à ce propos relevant de constater que si M. A______ n’a pas été capable d’adopter un comportement digne et correct avec Mme O______, M. D______, apprenti, en a lui été capable, ce dernier ayant déclaré à l’enquêtrice qu’il ne se permettait pas de faire « des blagues sexuelles avec elle » (procès-verbal d’enquête du 23 février 2012, p. 14). Le recourant aurait pu choisir, dès son arrivée dans l’institution, de rejoindre le camp de ceux qui ne s’adonnaient pas à ce qu’il a qualifié de « jeu » puisqu’il avait parfaitement identifié que, parmi ses treize collègues féminines, il y en avait sept qui ne s’en amusaient pas (compte-rendu de l’entretien de service du 30 septembre 2011).

f. L’hospice, qui se devait de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel notamment en matière de harcèlement sexuel (art. 2B LPAC), n’a ainsi pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en révoquant M. A______ avec effet immédiat.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 septembre 2012 par Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 28 juin 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :