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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3640/2017

ATA/251/2019 du 12.03.2019 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; RÉGIME DE LA DÉTENTION ; EXÉCUTION ANTICIPÉE DES PEINES ET DES MESURES ; CELLULE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; OBJET DU LITIGE ; INTERDICTION DE LA TORTURE ; INTERDICTION DES TRAITEMENTS INHUMAINS ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE
Normes : LPA.11; LPA.49.al2; LPA.60; LPA.68; LOJ.132; CPP.3.al1; CPP.431; CP.74; CP.75.al1; RRIP.15.al1; RRIP.16; RRIP.18; RRIP.29; RRIP.37; CEDH.3; Cst.7; Cst.10.al3; Cst-GE.14.al1; Cst-GE.18.al2; LREC.7.al1
Résumé : Admission partielle du recours d'un détenu se plaignant de l'illicéité de ses conditions de détention pour trois périodes différentes. La première période de cent trois jours était licite au regard des circonstances, en particulier car ses séjours dans un espace de moins de 4 m² étaient compensés par des séjours de durées identiques dans un espace de plus de 5 m². La deuxième période de cent vingt jours était illicite au regard des circonstances et de la jurisprudence de la chambre administrative. Les repas pris à l'extérieur de la cellule, la promenade ou l'heure de sport ne permettaient pas de compenser le nombre de jours consécutifs passés dans un espace de moins de 4 m². Pendant cette période de cent vingt jours, le recourant a pu séjourner dans un espace de plus de 4 m². Ces périodes ont toutefois duré moins de dix jours et ont été espacées dans le temps de sorte qu'on ne peut pas les considérer comme des périodes interruptives. Enfin, la troisième période était également illicite. Le recourant avait en effet séjourné sans discontinuer trois cent dix-neuf jours dans un espace de 3,61 m² ce qui constituait en soi une période très longue que les circonstances particulières du cas d'espèce, notamment une activité à l'extérieur de la cellule, ne rendaient pas licite.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3640/2017-PRISON ATA/251/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2019

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Hikmat Maleh, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison ou l’établissement) le ______ 2011 dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à son encontre (P/______/2011). Par jugement du 13 novembre 2012, le Tribunal correctionnel a ordonné sa libération immédiate de sorte qu’il a quitté l’établissement le jour même.

Dans le cadre d’une autre procédure pénale (P/______/2013), M. A______ a été appréhendé le 11 janvier 2013 puis écroué à la prison le 12 janvier 2013. Par jugement du 18 mars 2013, le Tribunal de police l’a condamné à une peine privative de liberté de quatre mois. Il a quitté la prison le 7 mai 2013.

Le 29 mai 2013, la chambre d’appel et de révision de la Cour de justice a annulé le jugement du Tribunal correctionnel du 13 novembre 2012 (P/______/2011) et condamné M. A______ à une peine privative de liberté de
sept ans et demi. Il a été écroué à la prison le même jour.

À teneur des informations transmises par le recourant dans ses écritures, il a depuis intégré l’établissement fermé de la Brenaz le ______ 2016. La fin de sa peine privative de liberté est fixée au 31 mars 2020.

2) Le 7 novembre 2016, répondant à un courrier de M. A______ du 23 mai 2016, courrier qui n’a pas été versé à la procédure, l’office cantonal de la détention lui a remis son parcours cellulaire relatif à sa période de détention au sein de la prison.

Du 16 janvier 2014 au 6 juin 2016, il avait travaillé à l’atelier reliure, ce qui lui avait permis de quitter sa cellule.

Il avait notamment été détenu dans la cellule n° 1______. Du 4 juillet au
29 octobre 2013, un de ses codétenus avait été occupé à l’atelier cuisine. Du
5 août au 12 septembre 2013, un autre codétenu avait été occupé en qualité de nettoyeur des tables puis, du 31 octobre au 4 novembre 2013, un autre l’avait été à l’atelier buanderie.

Il avait également été détenu dans la cellule n° 2______. Un de ses codétenus avait été occupé à l’atelier du livre du 5 novembre 2013 au 19 juin 2015. Du 10 juin au 25 novembre 2014, un autre codétenu l’avait été à l’atelier reliure. Un de ses codétenus avait ensuite été occupé à l’atelier cuisine du 15 juillet au 13 août 2015, et, du 16 juillet au 13 août 2015, un autre l’avait été à l’atelier conditionnement.

Les ateliers buanderie, reliure, de conditionnement et du livre mobilisaient les détenus à hauteur de cinq heures par jour durant les jours ouvrés. L’atelier cuisine les occupait trois heures par jour la semaine 1, puis cinq heures
quarante-cinq par jour la semaine 2 tous les jours de la semaine. Le nettoyeur de table officiait une heure par jour, tous les jours de la semaine.

Il avait en outre bénéficié de la prise des repas hors de sa cellule du 11 juin 2013 jusqu’au 26 février 2014 à raison d’une heure à midi et une heure et demie le soir.

Enfin, en sus de l’heure hebdomadaire prévue dans la grande salle de gymnastique, il avait eu accès, depuis le 11 juin 2013, durant une heure, à la petite salle deux à trois fois par semaine.

3) Le 8 décembre 2016, M. A______ a saisi le département de la sécurité et de l’économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci-après : le département) d’une requête en constatation de l’illégalité de ses conditions de détention entre le 12 novembre 2012 (sic) et le 26 septembre 2013, puis entre le 11 janvier et le 25 novembre 2014. Il a en outre conclu au versement d’une indemnité de CHF 27’600.- au moins.

4) Par décision du 4 juillet 2017, le département a déclaré irrecevable la requête en indemnisation. Il a par ailleurs constaté que M. A______ avait été détenu dans des conditions licites pour la période du 22 septembre 2011 au 13 novembre 2012 (séjour 1), pour la période du 12 janvier au 5 mai 2013 (séjour 2) et pour la période du 29 mai 2013 au 7 juin 2016 (séjour 3).

5) Par acte mis à la poste le 5 septembre 2017, M. A______ a recouru contre la décision du département auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu au constat de l’illicéité de ses conditions de détention entre le 12 janvier et le 24 avril 2013, entre le 30 mai et le 26 septembre 2013, puis entre le 11 janvier et le 25 novembre 2014. Il a également conclu à l’allocation en sa faveur d’une indemnité de CHF 27’000.- au moins, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour qu’il statue sur l’indemnité et, plus subsidiairement, au renvoi de la cause devant les instances civiles pour qu’elles statuent sur l’indemnité.

a. La décision litigieuse exposait de façon fidèle les faits l’ayant conduit à se plaindre de ses conditions de détention. Cependant, dans cette décision, le département faisait état de périodes de détention pour lesquelles il n’avait soulevé aucun grief, à savoir du 5 novembre 2013 au 10 janvier 2014 et du 26 novembre 2014 au 7 juin 2016. Le département faisait état de ces périodes de détention licite dans le but de démontrer, en vain, qu’elles compenseraient les périodes de détention illicite.

b. Durant son séjour à Champ-Dollon, il avait été placé dans des conditions de détention illicite à trois reprises.

La première période illicite avait duré cent trois jours, du 12 janvier au
24 avril 2013. Durant cette période, les m² à sa disposition avaient été les suivants :

m² individuels à disposition

nombre de jours

3.35

12

3.39

19

3.91

49

4.69

5

5.09

18

Il avait bénéficié d’un espace individuel de plus de 4 m² mais par intermittences qui n’avaient duré respectivement que cinq, sept, six, deux, un, puis deux jours.

La deuxième période illicite avait duré cent vingt jours, du 30 mai au
26 septembre 2013. Durant cette période, les m² disponibles avaient été les suivants :

m² individuels à disposition

nombre de jours

Entre « - 0.5 et - 1 »

2 (en cellule forte)

3.39

6

3.70

11

3.91

86

4.44

1

4.69

14

Il avait bénéficié d’un espace individuel de plus de
4 m² par intermittences qui n’avaient duré respectivement que un, quatre, cinq, quatre puis un jours. Dès le 11 juin 2013, il avait commencé à prendre ses repas en dehors de sa cellule. L’effet sur le confinement de cette prise des repas hors cellule devait toutefois être apprécié de manière mesurée, les détenus demeurant à proximité de leur cellule.

La troisième période illicite avait duré du 11 janvier au 25 novembre 2014, soit durant trois cent dix-sept jours (cette période représente, après vérification, trois cent dix-neuf jours). Durant cette période, il avait été enfermé de manière ininterrompue, à l’exception de trois jours, dans une cellule avec un espace individuel de 3.61 m².

Durant toute cette période, il avait pu travailler les jours ouvrés environ
cinq heures par jour à l’atelier reliure mais, dès le 26 février 2014, il avait dû prendre ses repas en cellule.

c. S’agissant de sa demande en indemnisation, le département était compétent pour en connaître. Si dans les cas de détention avant jugement il était compréhensible de confier à deux autorités différentes les questions de constat d’illicéité et d’indemnisation, une telle séparation ne se justifiait pas en matière d’exécution de peine. Ainsi, à l’instar du juge pénal qui renonce à renvoyer les parties devant un juge civil lorsque le litige ne présente pas de grandes difficultés sur le plan civil, le département devait trancher dans tous les cas, vu leur simplicité, les questions d’indemnité lorsqu’elles étaient fondées sur une détention illicite en exécution de peine.

d. Pour ce qui relevait de la surface individuelle à disposition, l’État partie à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) devait s’assurer que les modalités de détention ne soumettaient pas la personne détenue à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à une telle mesure et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, sa santé et son bien-être soient assurés de manière adéquate. Le Tribunal fédéral avait considéré que la détention violait la CEDH lorsque le détenu disposait d’une surface individuelle inférieure à 4 m², si cette détention s’étendait sur une longue période s’approchant, à titre indicatif, de trois mois et si elle s’accompagnait d’autres mauvaises conditions de détention.

6) Le 2 octobre 2017, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il portait sur l’octroi d’une indemnité et, pour le surplus, à son rejet.

a. Il n’était pas compétent pour connaître de la demande d’indemnité déposée par M. A______, cette compétence relevant des juridictions civiles.

b. Le département avait constaté la licéité des conditions de détention de
M. A______ du 22 septembre 2011 au 13 novembre 2012 (séjour 1), du 12 janvier au 7 mai 2013 (séjour 2) et du 29 mai 2013 au 7 juin 2016 (séjour 3). Lors de ses séjours 2 et 3, il avait occupé des cellules dont la surface individuelle oscillait entre 3.39 m² et 4 m², voire dépassait le standard minimum. La surface individuelle de moins de 4 m² ne présumait toutefois pas systématiquement d’une violation de la CEDH, les autres conditions de détention devant également être examinées. Le recourant n’avait pas contesté ses conditions de détention s’agissant de l’hygiène, de l’aération, de l’accès à l’eau ou des soins.

c. M. A______ contestait à tort la licéité de ses conditions de détention pour la période du 12 janvier 2013 au 24 avril 2013 (1ère période contestée). Cette période se scindait ainsi :

Période (année 2013)

Surface individuelle

Nombre de jours

12 au 16 janvier

3.39 m²

5

17 au 21 janvier

5.09 m²

5

22 au 30 janvier

3.39 m²

9

31 janvier au 6 février

5.09 m²

7

7 au 11 février

3.39 m²

5

12 au 17 février

5.09 m²

6

18 février au 24 avril

4 m²

66 (moins 5 jours non consécutifs)

25 avril au 7 mai

4 m²

13

Du 12 janvier au 17 février 2013, M. A______ avait ainsi occupé, les périodes s’entrecoupant par intervalles équivalents, des cellules dont la surface était parfois de moins de 4 m² et parfois de plus de 4 m². La période consécutive la plus longue pendant laquelle il avait séjourné dans un espace personnel inférieur à 4 m² avait été de soixante-six jours, « à l’exception de cinq jours non consécutifs, suivie d’une période interruptive de treize jours ». Le dies a quo de la période indicative de trois mois débutait donc le 18 février 2013 et les nonante jours n’étaient pas atteints.

Dès le 18 février 2013, il avait bénéficié des repas en commun (une heure le midi et une heure trente le soir) et il avait pu accéder à la petite salle de gymnastique, deux à trois fois par semaine.

La première période contestée ne s’étendait donc pas sur une longue période et n’était pas accompagnée d’autres mauvaises conditions. Pendant cette période, les conditions de détention avaient été licites.

d. Du 30 mai au 26 septembre 2013 (2ème période contestée), M. A______ avait passé cent vingt jours (à l’exception de quatorze jours à plus de 4 m² et deux jours en cellule forte) dans une cellule de moins de 4 m². Toutefois, un de ses codétenus avait occupé une place à l’atelier cuisine et s’était en conséquence absenté trois heures par jour en semaine 1 et cinq heures quarante-cinq par jour en semaine 2.

M. A______ avait par ailleurs bénéficié des repas en commun hors de sa cellule, soit deux heures trente par jour, et de l’accès à la petite salle de gymnastique, deux à trois fois par semaine, selon sa demande. Il pouvait sortir de sa cellule trois heures trente par jour, voire quatre heures trente par jour avec l’heure de sport.

e. Du 11 janvier au 25 novembre 2014 (3ème période contestée), M. A______ avait occupé un poste à la reliure (cinq heures du lundi au vendredi). À cela s’ajoutait une heure de promenade, l’heure hebdomadaire de sport dans la grande salle et, selon sa demande, deux voire trois heures de sport dans la petite salle.

En outre, il avait pu prendre ses repas en commun hors de sa cellule, soit une heure pour le repas de midi et une heure trente le soir.

Ainsi, du 11 janvier au 26 février 2014, il avait été hors de sa cellule pendant huit heures trente les jours ouvrables puis, dès le 27 février 2014, six heures trente par jour. Cette 3ème période succédait enfin à nonante-trois jours pendant lesquels il avait occupé une cellule dont l’espace individuel était de plus de 4 m².

7) Le 4 décembre 2017, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

a. Le département avait la compétence de statuer autant sur la constatation de ses conditions illicites de détention après jugement que sur l’éventuelle indemnité réparatrice qu’il sollicitait.

S’agissant de la première période de détention, il avait passé cent trois jours, du 12 janvier au 24 avril 2013, dans une situation de confinement extrême. Ses conditions de détention avaient été illicites.

Il avait bénéficié d’un espace personnel oscillant entre 3.35 m² et 5.09 m². Dans son écriture du 2 octobre 2017, le département tentait de placer le dies a quo du délai indicatif de trois mois retenu par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence au 18 février 2013 – en lieu et place du 12 janvier 2013 – , expliquant que les diverses interruptions survenues durant ce laps de temps n’avaient pas permis de faire partir ledit délai.

La période du 12 janvier au 18 février 2013 avait certes été interrompue par quelques jours durant lesquels la surface individuelle disponible avait excédé 4 m² mais durant les autres jours, il n’avait bénéficié que de 3.39 m², soit une valeur largement en deçà des 4 m² préconisés. Il avait même subi un confinement extrême puisqu’il n’avait alors bénéficié que d’une heure de promenade quotidienne. Le dies a quo de la période indicative de trois mois devait donc être arrêté au 12 janvier 2013.

Dès le 18 février 2013, il avait passé soixante-six jours dans une surface inférieure à 4 m², surface atteignant certains jours 3.35 m². L’argument du département relatif à la réduction du confinement en raison de repas pris en commun et de l’accès à la petite salle de gymnastique deux à trois fois par semaine n’emportait pas la conviction. Selon la jurisprudence en effet, dans le cas d’une détention effectuée dans un espace inférieur à 4 m² et dépassant la période indicative de nonante jours, ni les deux heures et demie quotidiennes de repas en commun ou l’heure de promenade quotidienne, ni les trois à quatre heures hebdomadaires d’activité sportive ne constituaient une amélioration des conditions de détention.

b. Ses conditions de détention pendant la deuxième période, soit cent vingt jours du 30 mai au 26 septembre 2013, étaient également illicites. Son espace personnel avait oscillé entre 3.39 m² et 4.69 m², à l’exception de deux jours en cellule forte.

Le département ne contestait ni la période en cause ni le fait qu’elle dépassait la période indicative de trois mois. Il estimait toutefois qu’il avait bénéficié d’un confinement réduit en raison des repas en commun, de l’accès à la petite salle de gymnastique et du fait qu’un codétenu occupait une place à l’atelier de cuisine. L’argumentation du département était toutefois contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

c. La troisième période litigieuse s’étendait du 11 janvier au 25 novembre 2014, soit une durée de trois cent dix-neuf jours durant laquelle il avait bénéficié d’un espace personnel de cellule de 3.61 m². À l’exception d’une interruption de trois jours, cette période fut ininterrompue.

Les explications du département relatives à la possibilité qui lui avait été offerte de travailler à l’atelier reliure pendant cinq heures les jours ouvrables, à l’heure de promenade quotidienne, aux repas en commun et à l’accès à la salle de sport ne permettaient pas de parvenir à une autre conclusion. Le nombre de jours durant lesquels il avait été détenu dans un espace inférieur à 4 m² représentait près du quadruple des limites posées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cette durée à elle seule permettait de convaincre du caractère illicite de sa détention. L’argumentation développée par le département n’était pas conforme aux principes dégagés par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence.

8) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours est dirigé contre une décision du département déclarant irrecevable la requête déposée par le recourant en ce qu’elle concerne l’allocation d’une indemnité de CHF 27’600.-, mais recevable en ce qu’elle concerne l’examen de ses conditions de détention durant la période du 22 septembre 2011 au 7 juin 2016.

3) a. Selon l’art. 68 LPA, sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/71/2018 du 23 janvier 2018 consid. 13b). N’est donc pas nouvelle une conclusion du recourant n’allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4).

b. En l’espèce, le 8 décembre 2016, le recourant a saisi le département d’une requête en constatation de l’illégalité de ses conditions de détention pour les périodes du 12 novembre 2012 au 26 septembre 2013 et du 11 janvier au
25 novembre 2014. Dans son recours, il a conclu au constat de l’illicéité de ses conditions de détention entre le 12 janvier et le 24 avril 2013, le 30 mai et le
26 septembre 2013, puis entre le 11 janvier et le 25 novembre 2014, et enfin au versement d’une indemnité de CHF 27’000.- au moins. Il apparaît ainsi que le recourant a modifié ses conclusions en cours de procédure. Cela étant, si les conclusions qu’il a formulées devant la chambre de céans diffèrent de celles formulées devant le département, elles ne vont pas au-delà. Le recourant n’a pas étendu l’objet du litige, les périodes mentionnées dans son recours s’étant réduites par rapport à sa demande initiale.

Dans sa décision litigieuse, le département a pour sa part constaté la licéité de ses conditions de détention pour les périodes du 22 septembre 2011 au
13 novembre 2012, du 12 janvier au 5 mai 2013, puis du 29 mai 2013 au 7 juin 2016, soit des périodes de détention pour lesquelles le recourant n’avait jamais soulevé de griefs. Dans sa réponse au recours, le département a toutefois dûment fait part de ses observations concernant les périodes pour lesquelles le recourant estime avoir dû supporter des conditions de détention illicite.

L’objet du présent litige porte donc sur la licéité des conditions de détention du recourant pour les périodes du 12 janvier au 24 avril 2013, du 30 mai au
26 septembre 2013, puis du 11 janvier 2014 au 25 novembre 2014, ainsi que sur sa demande d’indemnisation de CHF 27’000.- au moins.

4) S’agissant de la constatation de l’illicéité de la détention, il convient de distinguer la période de détention dans la phase préventive de celle après le jugement.

a. La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 LPA).

b. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

c. L’action en constatation prévue par l’art. 49 al. 2 LPA est subsidiaire à une action en condamnation (ATF 130 V 388 ; ATA/646/2017 du 13 juin 2017).

Ainsi, la chambre administrative a déjà retenu que pouvait être prise en considération une période de détention illicite en phase préventive, pour autant que le détenu n’ait pas pu s’adresser, sans faute de sa part et conformément au principe de la bonne foi, à l’autorité judiciaire pénale, laquelle était compétente pour tirer les conséquences, sous forme de réduction de peine ou d’indemnisation fondée sur le droit fédéral, d’une éventuelle détention illicite (art. 431 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0 ; ATA/1258/2017 précité ; ATA/695/2016 du 23 août 2016). Dans ces cas, la chambre de céans examine si au moment du jugement, il ressort du parcours cellulaire du recourant que ses conditions de détention avaient déjà atteint le seuil problématique fixé par la jurisprudence pour que cette question soit examinée par le tribunal pénal, pour juger s’il subsiste un intérêt juridique, personnel et concret digne de protection à l’admission de la demande en constatation (ATA/646/2017 précité et les arrêts cités). Dans la mesure où un recours en réparation devant les autorités judiciaires compétentes en matière de responsabilité de l’État n’apparaît pas, a priori, ne pas constituer un recours suffisant au regard de l’art. 13 CEDH, où la situation visée a déjà pris fin et où des preuves ont déjà été rassemblées, sans que le recourant n’expose en quoi d’autres preuves pertinentes pourraient disparaître, le recourant ne démontre pas disposer d’un intérêt à un simple constat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.5 ; ATA/646/2017 précité). En revanche, dans les cas où le recourant ne pouvait faire valoir de bonne foi devant le tribunal pénal les conditions illicites de détention pour la période avant jugement, la chambre de céans admet l’intérêt actuel du recourant à faire constater l’illicéité de sa détention devant elle (ATA/776/2018 du 24 juillet 2018 et les arrêts cités).

d. En l’espèce, il apparaît que sur les trois périodes litigieuses, la première est concernée par de la détention dans la phase préventive, soit du 12 janvier 2013, date de son incarcération à la prison, au 18 mars 2013, date du jugement du Tribunal de police le condamnant à quatre mois de peine privative de liberté.

Durant cette phase préventive, le recourant n’a pas pu faire valoir ses arguments en lien avec ses conditions de détention devant l’autorité judiciaire pénale compétente, la durée de sa détention avant jugement étant de soixante-six jours, à savoir une durée inférieure à celle jugée problématique par la jurisprudence, soit environ trois mois (ATF 139 IV 94 consid. 2.3.2 ; ATA/1092/2018 du 16 octobre 2018 consid. 4c).

Quand bien même le recourant semble avoir quitté la prison pour intégrer l’établissement fermé de la Brenaz, il n’en demeure pas moins que son recours est dirigé contre une décision constatant la licéité de ses conditions de détention, ce qu’il conteste. Compte tenu du fait qu’une décision constatatoire sujette à recours a été rendue par le département, le recourant conserve un intérêt actuel à contester cette dernière et donc la licéité de ses conditions de détention, à tout le moins afin de faire valoir ses prétentions en indemnisation (ATA/776/2018 précité consid. 7 et l’arrêt cité).

Le recourant dispose donc d’un intérêt au sens des art. 49 al. 2 et 60 al. 1
let. a et b LPA et son recours est recevable s’agissant de l’examen de la licéité de ses conditions de détention.

5) a. Au niveau conventionnel, l’art. 3 CEDH, qui interdit - à l’instar d’autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles - la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2). Par ailleurs, la Suisse a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 novembre 1987 (RS 0.106), instituant le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT), habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants. Sur le plan constitutionnel, l’art. 7 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prescrit le respect et la protection de la dignité humaine, tandis que l’art. 10
al. 3 Cst. interdit la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. Au niveau cantonal, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) prévoit que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1).

b. Les standards minimaux en matière de détention sont concrétisés par la recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes adoptée le 11 janvier 2006 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe
(ci-après : RPE), destinée aux États, censés édicter des règles internes s’inspirant de la recommandation. Selon la règle 1 RPE, les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l’hygiène, de la literie et du régime alimentaire. Les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace au sol, le volume d’air, l’éclairage et l’aération (règle 18.1). Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales et pour permettre l’entrée d’air frais, sauf s’il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a). La lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (règle 18.2. let. b). Les locaux d’une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (règle 19.1). Les détenus doivent jouir d’un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (règle 19.3). Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (règle 19.4). Chaque détenu doit disposer d’un lit séparé et d’une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (règle 21). La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (règle 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l’eau potable (règle 22.5). Tout détenu doit avoir l’opportunité, si le temps le permet, d’effectuer au moins une heure par jour d’exercice en plein air (règle 27.1).

c. Ces règles ont été encore précisées dans un commentaire établi par le CPT. S’agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l’espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule individuelle, sans qu’il soit précisé si ces standards doivent se comprendre comme une surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_404/2013 du 26 février 2014 consid. 2.6.3 ; ATA/67/2016 du 26 janvier 2016). Ces standards doivent cependant être modulés en fonction des résultats d’analyses plus approfondies du système pénitentiaire. Le nombre d’heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte. En tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d’exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. La taille devrait être comprise entre 9 et 14.7 m2 pour deux personnes et mesurer environ 23 m2 pour trois personnes (Rod MORGAN/Malcolm EVANS, Prévention de la torture en Europe : Les normes du CPT en matière de détention par la police et de détention préventive, 2002, p. 34).

d. Au niveau législatif, en matière de procédure pénale, l’art. 3 al. 1 CPP rappelle le principe du respect de la dignité humaine. Selon l’art. 74 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité. L’exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l’établissement. À teneur de l’art. 75
al. 1 CP, l’exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d’infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l’assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

e. Dans le canton de Genève, les droits et les obligations des détenus sont définis par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Chaque cellule est équipée de manière à permettre une vie décente et conforme aux exigences de la salubrité (art. 15 al. 1). Les détenus peuvent se doucher régulièrement (art. 16). En règle générale, ils bénéficient d’une heure de promenade par jour dans les cours réservées à cet usage et peuvent, dans les limites déterminées, se livrer à des exercices physiques (art. 18). Le service médical de la prison prodigue des soins en permanence (art. 29). Les détenus ont droit à un parloir par semaine, limité à deux visiteurs, en présence d’un fonctionnaire de la prison et pendant une heure au maximum (art. 37). Le RRIP ne contient en revanche aucune disposition plus précise concernant l’aménagement, l’équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l’intérieur de celles-ci (ATA/1056/2017 du 4 juillet 2017).

f. Le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts en matière d’examen des conditions de détention, dans le cadre de la détention provisoire.

Il a, à cette occasion, rappelé la jurisprudence fédérale existante
(ATF 140 I 125 consid. 3.3). Selon cette dernière, le but de la détention doit être pris en compte et il y a lieu de distinguer la détention en exécution de jugement de la détention provisoire, laquelle vise à garantir un déroulement correct de l’instruction pénale et est justifiée par les besoins de l’instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (ATF 97 I 839 consid. 5 ; 97 I 45 consid. 4b). Les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l’ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger (notamment la sécurité du personnel et des détenus ; ATF 123 I 221 consid. 4c et l’arrêt cité). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que cela ne valait que tant que la durée de la détention provisoire était courte. En cas de détention provisoire se prolongeant au-delà d’environ trois mois, les conditions de détention doivent satisfaire à des exigences plus élevées (ATF 140 I 125 consid. 3.3).

Il faut par ailleurs procéder à une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 123 I 221 consid. II/1c/cc). En ce qui concerne la violation de l’art. 3 CEDH, un traitement dénoncé doit atteindre un minimum de gravité, dont l’appréciation dépend de l’ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272 consid. 4), la durée étant susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation ne l’étant pas nécessairement sur une courte période (ATF 141 I 141 consid. 6.3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a également examiné la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH ; ATF 140 I 125 consid. 3.4 et 3.5), que la Suisse s’est engagée à respecter (art. 46 ch. 1 CEDH et 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Les garanties offertes par l’art. 3 CEDH en matière de détention n’étaient pas plus étendues que celles contenues dans la Constitution fédérale (ATF 143 I 241 consid. 3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

Selon la CourEDH, en cas de surpopulation carcérale, la restriction de l’espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour conclure à une violation de l’art. 3 CEDH, une telle violation n’étant retenue que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3 m2 (ACEDH Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, req. 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68 ; ACEDH Canali
c. France du 25 avril 2013, req. 40119/09, § 49 ; ACEDH Sulejmanovic c. Italie du 16 juillet 2009, req. 22635/03, § 43 ; ACEDH Idalov c. Russie du 22 mai 2012, req. 5826/03, § 101). Dans les cas où la surpopulation n’est pas importante au point de soulever à elle seule un problème de violation de la CEDH, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte, comme l’aération disponible, la qualité du chauffage, le respect des règles d’hygiène de base et la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée (ACEDH Canali précité, §§ 52 et 53). Dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, une violation de l’art. 3 CEDH a été retenue parce que le manque d’espace s’accompagnait, par exemple, d’un manque de ventilation et de lumière (ACEDH Babouchkine c. Russie du 18 octobre 2007, req. 67253/01, § 44), d’un accès limité à la promenade en plein air et d’un confinement en cellule (ACEDH Istvan Gabor Kovacs c. Hongrie du 17 janvier 2012, req. 15707/10, § 26) ou d’une absence d’espace pour se mouvoir combinée à une promenade quotidienne d’une heure dans une cour de taille réduite pendant plus de deux ans, à une faible ventilation, à de la lumière réduite dans la cellule et à l’absence d’intimité offerte par les lavabos (ACEDH Makarov c. Russie du 12 mars 2009, req. 15217/07,
§§ 94 à 98).

Ainsi, parmi les facteurs supplémentaires pris en compte par la CourEDH –par rapport à l’exiguïté des cellules – figurent notamment l’accès insuffisant à la lumière et à l’air naturels, la chaleur excessive associée à un manque de ventilation, le partage des lits entre prisonniers, les installations sanitaires dans la cellule et visibles de tous et l’absence de traitement adéquat pour les pathologies du détenu ainsi que la durée de la détention (ATF 140 I 125 consid. 3.5).

Après examen des jurisprudences fédérale et de la CourEDH, le Tribunal fédéral a retenu, en matière de détention provisoire, qu’en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l’occupation d’une cellule dite individuelle par trois détenus – chacun disposant d’un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier – était une condition de détention difficile, laquelle n’était cependant pas constitutive d’une violation de
l’art. 3 CEDH et ne représentait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l’occupation d’une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3.83 ou 3.84 m2 – restreinte encore par le mobilier – pouvait constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle s’étendait sur une longue période et s’accompagnait d’autres mauvaises conditions de détention. Il fallait alors considérer la période pendant laquelle le recourant avait été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s’approchait de trois mois consécutifs apparaissait comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne pouvaient plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire pouvaient être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive étaient plus élevés, ou lorsque l’ordre et la sécurité dans la prison étaient particulièrement mis en danger, cela ne valait pas lorsque la durée de la détention provisoire était de l’ordre de trois mois. Ce délai ne pouvait cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; ATA/1056/2017 précité).

g. Dans un arrêt de principe, la CourEDH s’est écartée de cet ordre de grandeur de 4 m2, déduit des normes établies par le CPT, pour retenir qu’une surface de 3 m2 au sol par détenu en cellule collective constituait la norme minimale pertinente (ACEDH Mursic c. Croatie [Grande Chambre] du 20 octobre 2016, req. 7334/13, § 110 à 115).

h. Le Tribunal fédéral a également précisé que si de brèves interruptions d’un à deux jours n’étaient pas de nature à interrompre une période de détention dans des conditions illicites, il y avait en revanche lieu d’évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d’une appréciation globale, qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée précédant la période d’interruption et des autres conditions concrètes de détention (nombre journalier d’heures passées hors de la cellule ; possibilité de travailler ; visites ; hygiène ; installations sanitaires ; régime alimentaire ; éclairage ; aération ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018, 6B_427/2018, 6B_429/2018 du 27 juillet 2018 consid. 6.2).

Le Tribunal fédéral a en outre considéré que la possibilité de sortir de la cellule, entre une heure par jour et cinq heures quarante-cinq par jour une semaine sur deux pour travailler, était certes susceptible d’alléger les conditions de détention, mais que cette seule circonstance ne suffisait pas, en soi, dans la situation telle que décrite à la prison de Champ-Dollon, à rendre les conditions de détention conformes à l’art. 3 CEDH. Dès lors, l’hypothèse d’une prise de travail par le détenu ne permettait pas de considérer comme conformes à la dignité humaine les périodes de détentions subies dans un espace confiné de moins de 4 m2 par détenu (in casu cent quatre-vingt-quatre jours et cent quarante-neuf nuits ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 précité consid. 2.5.3 ; ACPR/650/2015 du
1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/1056/2017).

Le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si la possibilité de sortir de la cellule pendant trois heures ou cinq heures quarante-cinq par jour – cumulée au fait que les codétenus étaient aussi absents pendant plusieurs heures de la cellule à des moments différents – était un facteur qui permettait d’améliorer suffisamment les conditions de détention au point de les rendre conformes à la dignité humaine (cent quatorze jours consécutifs dans une cellule de moins de
4 m2 de surface individuelle nette avec cinq codétenus). Il est arrivé à la conclusion que le fait de passer durant cent quatorze jours, sept heures et quart en moyenne (cinq heures quarante-cinq de travail en cuisine, une heure de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour), puis en alternance la semaine suivante quatre heures et demie en moyenne hors de la cellule (trois heures de travail en cuisine, une heure et demie de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour) réduisait de manière significative le confinement en cellule et permettait de considérer que la détention dans de telles conditions ne constituait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine. S’ajoutait à cela que les détenus partageant la cellule étaient absents quotidiennement pendant plusieurs heures de la cellule, à des moments différents, ce qui allégeait encore quelque peu les conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_394/2016 du 25 avril 2017).

i. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré que, pour des durées de détention dans un espace individuel net de 3.39 m2, légèrement inférieures ou supérieures au délai indicatif de trois mois, il y avait lieu de tenir compte des circonstances concrètes du cas d’espèce pour admettre, respectivement dénier le caractère illicite des conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1244/2016 du 31 octobre 2017 consid. 2.2).

6) a. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le fait que le recourant ait pu faire du sport une heure par semaine dans la grande salle ainsi que deux ou trois fois par semaine, « de manière cyclique » n’était pas de nature à modifier la conclusion selon laquelle le détenu était confiné vingt-trois heures sur
vingt-quatre, vu le temps très limité hors de la cellule que cela représentait (ATA/1056/2017 précité et les arrêts cités).

De même, les visites de la famille, la promenade, et toutes les autres circonstances permettant au détenu de sortir par moments de sa cellule, telles que les visites de l’avocat, les appels téléphoniques, les consultations au service médical ou auprès des assistants sociaux, les offices religieux ou encore les audiences auprès des autorités judiciaires ne sauraient être comptabilisées comme des heures passées en dehors de la cellule (ATA/1056/2017 précité ; ATA/695/2016 précité).

b. Cela dit, dans l’ATA/695/2016 précité, la chambre de céans a considéré que les conditions de détention d’un détenu en exécution de peine ayant bénéficié d’une surface nette de 3.70 m2 pendant une période d’un peu plus de trois mois, suivant une période de détention avant jugement de moins de trois mois dans les mêmes conditions, et n’ayant pas occupé de poste de travail, étaient illicites.

De même, dans l’ATA/1056/2017 précité, la chambre de céans a relevé que la détention durant cent douze jours consécutifs dans un espace individuel net inférieur à 4 m2 d’un détenu - lequel ne travaillait pas - était non conforme à la dignité humaine, les possibilités limitées de sortie telles que la promenade et le sport tout comme la sortie d’un codétenu durant une heure par jour pour aller travailler n’étant pas de nature à remettre en question cette constatation.

Dans l’ATA/1258/2017 précité, la chambre administrative a considéré, notamment, que le fait que le recourant ait séjourné pendant cent vingt-sept jours dans une cellule où il bénéficiait de moins de 4 m2 de surface individuelle représentait des conditions difficiles, mais non illicites, dès lors qu’il avait pu travailler dans un atelier cinq heures par jour, cinq jours par semaine durant la période considérée, qu’il bénéficiait d’une heure de promenade chaque jour et des heures de sport sur l’ensemble de la semaine, ce qui réduisait de manière significative le confinement en cellule et contribuait à une amélioration de ses conditions de détention. Dans ce même arrêt, la chambre de céans a estimé, le recourant ayant bénéficié pendant dix jours consécutifs d’une surface de 4.69 m² après septante et une nuits quasi consécutives où la surface individuelle avait été de 3.91 m² sur une période de cent dix-sept jours dans une cellule lui offrant moins de 4 m² de surface individuelle, que ces dix jours pouvaient être considérés comme une période interrompant le départ du délai indicatif de trois mois. Ceci d’autant plus que dans ce cas d’espèce, le total de cent dix-sept jours avait aussi été interrompu durant six jours consécutifs.

Dans l’ATA/776/2018 précité, la chambre de céans a considéré comme licite la détention d’un détenu bénéficiant de moins de 4 m2 de surface individuelle pendant deux cent trente-neuf jours considérés comme consécutifs, et qui, pendant une période de plus de trois mois, avait occupé un poste de nettoyeur de table une heure par jour, couplé aux heures de promenades et de sports. Il en allait de même du fait qu’un de ses codétenus ait travaillé à la cuisine pendant près d’un mois en alternance une semaine sur deux trois heures, respectivement
cinq heures quarante-cinq.

Dans l’ATA/1092/2018 déjà cité, la chambre de céans a retenu que, en procédant à l’appréciation globale des conditions concrètes de détention, les conditions de celle-ci avaient été difficiles mais pas illicites s’agissant d’un détenu qui avait bénéficié pendant l’entier de la période concernée, soit quatre-vingt-neuf jours, d’un espace personnel de 3.61 m2 dans une cellule qu’il partageait avec deux codétenus. Il fallait ainsi prendre en compte le fait que les codétenus du recourant avaient quitté la cellule, l’un pour travailler à l’atelier de reliure pendant cinq heures par jour ouvrable pendant l’entier de la période concernée, et le second, également pendant l’entier de la période, pour occuper un poste à la cuisine avec un horaire de travail de trois heures par jour la première semaine, tous les jours de la semaine, et de cinq heures et quarante-cinq minutes par jour, la seconde semaine. L’occupation de la cellule pendant la journée n’avait ainsi pas été complète au minimum pendant trois heures durant toute la période concernée d’une durée inférieure à trois mois.

7) En l’espèce, le recourant n’allègue pas d’autres circonstances que son confinement en cellule. Il estime en effet que le simple fait d’avoir été privé de plus de 4 m² d’espace personnel pendant environ cinq cents jours était déjà en soi suffisant pour remplir ce critère. Il n’apparaît dès lors pas que les autres conditions concrètes de la détention (état d’hygiène, aération et approvisionnement en eau, nourriture, chauffage et lumières) n’auraient pas été convenables.

8) Le recourant se plaint d’abord de ses conditions de détention pour la période du 12 janvier au 24 avril 2013, soit cent trois jours.

Il résulte du parcours cellulaire du recourant que, entre le 12 janvier et le
17 février 2013, il a plusieurs fois bénéficié d’un espace individuel de plus de
4 m². Dans le détail, il a d’abord séjourné cinq jours dans un espace de 3.39 m², puis a bénéficié d’un espace de 5.09 m² pendant cinq jours. Il a ensuite séjourné neuf jours dans un espace de 3.39 m² avant de bénéficier de 5.09 m² pendant
sept jours. Il a nouveau séjourné dans un espace de 3.39 m² pendant cinq jours puis bénéficié de 5.09 m² durant six jours. Sur un total de trente-sept jours, le recourant a ainsi bénéficié la moitié du temps, à savoir dix-neuf jours, d’un espace supérieur à 5 m².

Dès le 18 février 2013, et jusqu’au 24 avril 2013, sous réserve de cinq jours non consécutifs, le recourant a passé soixante-six jours d’affiliée dans un espace de moins de 4 m². Durant ces soixante-six jours, il a partagé sa cellule avec quatre, cinq, voire six codétenus dont il ne ressort pas du dossier qu’ils auraient quitté la cellule pour des activités extérieures. Dès le 18 février 2013, le recourant a toutefois bénéficié des repas en commun, soit une heure le midi et une heure trente le soir. Il pouvait en outre accéder à la petite salle de gymnastique, deux à trois fois par semaine.

Il résulte de ce qui précède que cette première période dont se plaint le recourant ne peut être qualifiée d’illicite. En effet, la période du 12 janvier au
17 février 2013 n’est pas déterminante, les séjours dans des espaces individuels de moins de 4 m² étant compensés par des séjours de durées identiques dans un espace de plus de 5 m². Il y a également lieu de tenir compte du fait qu’avant le
12 janvier 2013, le recourant n’était plus incarcéré depuis le 13 novembre 2012, et que cette première période litigieuse a en outre été suivie d’une autre de treize jours, durant laquelle le recourant a bénéficié d’un espace de plus de 4 m².

9) Le recourant se plaint ensuite de ses conditions de détention pour la période du 30 mai au 26 septembre 2013, soit cent vingt jours.

Pendant cette période, il apparaît qu’il a séjourné dans un espace de 3.91 m² pendant quatre-vingt-six jours, de 3.70 m² pendant onze jours et de 3.39 m² pendant six jours. À certains moments, le recourant a pu séjourner dans un espace individuel de plus de 4 m². Sans compter deux jours de cellule forte, il a ainsi bénéficié de 4.44 m² le 10 juin 2013 (un jour), de 4.69 m² du 4 juillet au 7 juillet 2013 (quatre jours), de la même surface du 19 au 23 juillet 2013 (cinq jours), à nouveau de 4.69 m² du 31 août au 3 septembre 2019 (quatre jours), puis encore une fois de 4.69 m² le 16 septembre 2013 (un jour). À la différence notable de la première période de cent trois jours examinée ci-dessus, ces courtes périodes sont réparties sur l’ensemble des cent vingt jours litigieux et non concentrées sur une partie de la période. Ces courtes périodes de moins de dix jours, espacées dans le temps, ne peuvent pas non plus être considérées comme venant interrompre la période de cent vingt jours dont se plaint le recourant. Il faut donc considérer que ce dernier a passé cent vingt jours d’affilée dans un espace individuel de moins de 4 m².

Durant ces cent vingt jours, période qui a succédé à treize jours dans un espace supérieur à 4 m² et a été suivie d’une période de dix-neuf jours pendant laquelle il a bénéficié d’un espace personnel supérieur à 4 m², le recourant a, à l’exception de huit jours, partagé sa cellule avec quatre voire, la majeur partie du temps, cinq codétenus. Dès le 4 juillet 2013, un codétenu du recourant a occupé une place à l’atelier cuisine. Ce dernier s’absentait en conséquence trois heures par jour en semaine 1 et cinq heures quarante-cinq par jour en semaine 2. Entre le 5 août et le 12 septembre 2013, un autre de ses codétenus a été occupé en qualité de nettoyeur des tables, soit une heure par jour sept jours sur sept. Dès le 11 juin 2013, le recourant, qui ne travaillait pas, a pu sortir de sa cellule pour les repas, deux heures trente par jour, l’heure de sport et de promenade et pour se rendre à la petite salle de gymnastique

À la lumière de la jurisprudence de la chambre de céans mentionnée plus haut, et en particulier des ATA/1056/2017 et ATA/1258/2017 dont les durées de détention examinées sont proches du cas d’espèce, cette deuxième période de détention litigieuse doit être considérée comme limite, mais néanmoins illicite. En effet, s’agissant des repas, comme le relève le recourant en se référant à la jurisprudence de la chambre de céans, sans être contredit sur ce point par le département, ils sont pris dans le couloir desservant les cellules et permettent aux détenus de sortir de celles-ci et de disposer pendant leur durée d’un espace de vie supplémentaire, ce qui constitue un allègement de leurs conditions de détention en comparaison de l’obligation de prendre leurs repas en cellule. Toutefois, les détenus demeurent à proximité de leur cellule, dans le même contexte cellulaire, de sorte que leur effet sur le confinement est moindre qu’une promenade en extérieur ou un déplacement dans un atelier de travail et doit être apprécié de manière mesurée (ATA/696/2016 du 23 août 2016 consid. 3). Compte tenu du nombre important de détenus qui partageaient la cellule avec le recourant, le fait que, pour une partie seulement de la période considérée, un de ses codétenus en sorte trois heures par jour en semaine 1 et cinq heures quarante-cinq par jour en semaine 2, puis un autre une heure par jour, ne change pas l’appréciation qui doit être faite de la situation, l’absence momentanée de ces compagnons de cellule ne compensant pas le fait que le recourant ne pouvait lui-même s’éloigner de sa cellule pour un temps significatif, par exemple en travaillant. L’heure de sport, de promenade ou l’accès à la petite salle de gymnastique, accès dont on ignore si le recourant a profité ou non, ne sont pas non plus de nature à modifier la position de la chambre de céans telle qu’elle ressort de sa jurisprudence précitée.

10) Le recourant se plaint enfin de ses conditions de détention pour la période du 11 janvier au 25 novembre 2014, soit trois cent dix-neuf jours.

Le recourant a séjourné sans discontinuer dans un espace personnel de
3.61 m² durant toute cette période, à l’exception de trois jours, du 17 au 19 janvier 2014, cette brève durée ne constituant toutefois pas une interruption. Pendant cette période de trois cent dix-neuf jours, le recourant a partagé sa cellule avec deux codétenus. Dès le 16 janvier 2014, il a occupé un poste à la reliure, cinq heures par jour du lundi au vendredi. Il avait accès à la petite salle de sport. Du 11 janvier au 26 février 2014, le recourant a en outre pu prendre ses repas en commun, soit deux heures trente par jour. Cette période a succédé à une période de soixante-huit jours durant laquelle il a bénéficié d’un espace personnel de plus de 4 m². À la suite de cette période, et jusqu’à la fin de son séjour à la prison, le recourant a bénéficié d’un espace personnel de 5.42 m².

La situation du recourant peut être examinée à la lumière de celle examinée par la chambre de céans dans l’ATA/681/2016. Dans cet arrêt, qui concernait les conditions de détention d’un détenu qui avait séjourné non pas trois cent dix-neuf jours comme en l’espèce mais deux cent un jours dans un espace cellulaire inférieur à 4 m2 de surface individuelle, la chambre de céans a retenu que pouvoir travailler dans un atelier cinq heures par jour, cinq jours par semaine pendant les deux cent un jours de détention, avec une heure de promenade par jour à laquelle s’ajoutaient, sur l’ensemble de la semaine, les heures de sport, était un cas limite. L’ensemble de ces éléments contribuait à une amélioration des conditions de détention suffisantes pour admettre que lesdites conditions, dans les circonstances décrites, pour difficiles qu’elles fussent, n’étaient pas illicites.

La durée du séjour du recourant dans un espace de moins de 4 m² a ainsi excédé de cent dix-huit jours la situation déjà qualifiée de limite par la chambre de céans dans l’ATA/681/2016. Le fait que ses codétenus aient eux-mêmes été occupés à l’extérieur de la cellule aux ateliers du livre et reliure pendant toute ou partie de la période considérée est ici peu pertinent, le recourant se trouvant
lui-même hors de la cellule aux mêmes heures. Enfin, même si avant et après cette troisième période litigieuse le recourant a pu bénéficier d’un espace supérieur à
4 m², voire 5 m², cette période doit être considérée comme illicite, trois cent
dix-neuf jours dans un espace personnel de 3.61 m² constituant en soi une période très longue que les circonstances particulières du cas d’espèce ne permettent pas de déclarer licite.

11) L’indemnisation de conditions de détention illicites après jugement relève des normes ordinaires en matière de responsabilité de l’État (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 2.1).

La chambre de céans n’est ainsi pas compétente pour connaître des prétentions en réparation du préjudice que le recourant fait valoir, celles-ci relevant de la compétence du Tribunal civil de première instance conformément à l’art. 7 al. 1 de loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/800/2018 du 7 août 2018 ; ATA/1258/2017 du
5 septembre 2017).

Le recours en tant qu’il porte sur cet aspect est donc irrecevable.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, dans la mesure où il est recevable.

La chambre de céans constatera que les conditions de détention du recourant ont été illicites pour les périodes allant du 30 mai au 26 septembre 2013 puis du 11 janvier au 25 novembre 2014, eu égard à toutes les conditions concrètes de sa détention.

12) Dès lors que le recourant obtient partiellement gain de cause, vu la nature du litige et le fait qu’il est au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 12 al. 1 et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et une indemnité de procédure de CHF 1’000.- lui sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le
5 septembre 2017 par M. A______ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 4 juillet 2017 ;

constate que les conditions de détention de M. A______ ont été illicites pour les périodes allant du 30 mai au 26 septembre 2013, puis du 11 janvier au 25 novembre 2014 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à M. A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Hikmat Maleh, avocat du recourant, ainsi qu’au département de la sécurité, de l’emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :