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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3117/2017

ATA/1092/2018 du 16.10.2018 ( PRISON ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.11.2018, rendu le 22.02.2019, ADMIS, 6B_1205/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3117/2017-PRISON ATA/1092/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 octobre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Ilir Cenko, avocat

contre

département de la sécurité

 



EN FAIT

1. M. A______ a été incarcéré à la prison de B______ (ci-après : la prison) du 22 juin 2014 au 24 novembre 2014 en détention provisoire, puis du 25 novembre 2014 au 17 mai 2016 en exécution de peine en application du jugement du Tribunal correctionnel du 25 novembre 2014 le condamnant à une peine privative de liberté de trente-quatre mois, sous déduction de cent cinquante-huit jours de détention avant jugement (P/12317/2014).

2. Le 17 mai 2016, il a été transféré à l’établissement pénitentiaire de C______ (ci-après : C______).

3. Le 10 décembre 2016, M. A______, par l’entremise d’un avocat, a sollicité du département de la sécurité (ci-après : le département) la vérification de la licéité de ses conditions de détention en prison avant jugement et durant l’exécution de la peine.

4. Le 16 décembre 2016, la direction générale de l’office cantonal de la détention a indiqué à M. A______ notamment que les codétenus en cellule no 1______ (30 juillet au 26 mai 2015) travaillaient à l’atelier reliure du
19 septembre 2014 au 23 février 2015 pour le premier codétenu et à l’atelier cuisine du 13 octobre 2014 au 23 février 2015 pour le second.

5. Par pli du 13 janvier 2017, le parcours cellulaire de M. A______ a été remis à son conseil.

a. Pendant la période du 25 juin 2014 au 9 juin 2015, pendant trente et un jours, il avait occupé la cellule de type C1, no 5______ au sein de l’unité Sud, d’une surface individuelle de 5,09 m2 pendant un jour avec un codétenu puis avec deux codétenus, d’une surface individuelle de 3,39 m2, pendant vingt jours.

Du 26 juillet 2014 au 29 juillet 2014, pendant quatre jours, il avait occupé la cellule no 2______ au sein de l’unité Est, de type C1, avec un codétenu, d’une surface individuelle de 5,42 m2 pendant un jour puis avec deux codétenus d’une surface individuelle de 3,61 m2 pendant trois jours.

Du 30 juillet 2014 au 26 mai 2015, soit pendant trois cent et un jours, il avait occupé la cellule no 1______ au sein de l’unité Est de la prison, de type C1, avec deux codétenus, d’une surface individuelle de 3,61 m2 pendant
deux cent huit jours et avec un codétenu, d’une surface individuelle de 5,42 m2, pendant nonante trois jours.

Du 27 mai 2015 au 9 juin 2015, pendant quatorze jours, il avait occupé la cellule no 3______ au sein de l’unité Est, de type C3, avec cinq codétenus, d’une surface individuelle de 3,91 m2.

b. Pendant la période du 10 juin 2015 au 16 mai 2016, pendant trois cent quarante-trois jours, il avait occupé la cellule no 4______, au sein de l’unité Est, de type C1 avec un codétenu, d’une surface individuelle de 5,42 m2.

6. Le 13 février 2017, M. A______ a fait part de ses observations au département, concluant à ce que le département constate l’illicéité des conditions de sa détention durant la période du 23 juin 2014 au 15 février 2015 et lui octroie une indemnité de CHF 11’800.- à titre de réparation.

7. Par décision du 20 juin 2017, le département, sous la plume de son conseiller d’État, a déclaré irrecevable la requête en indemnisation et constaté que les conditions dans lesquelles s’était déroulée la détention de M. A______, du
23 juin 2014 au 15 février 2015, au sein de la prison étaient licites.

Au parcours cellulaire déjà produit, le département ajoutait que les détenus bénéficiaient d’une heure de promenade quotidienne et d’une heure de sport hebdomadaire dans la grande salle de gymnastique. M. A______ avait pu bénéficier de la possibilité d’accéder à la petite salle de sport des unités sud et est, à sa demande, pendant une heures, deux ou trois jours par semaine de manière cyclique dès le 25 juin 2014 pour la salle de l’unité sud et dès le 26 juillet 2014 pour celle de l’unité est. Il avait occupé un poste de nettoyeur de tables du
12 janvier 2015 au 20 janvier 2015 pendant une heure par jour, 7 jours sur 7 et un poste à la cuisine du 16 février 2015 au 17 mai 2016, lequel impliquait une présence quotidienne de 8h00 à 11h00 une semaine sur deux et de 12h45 à 18h30 l’autre semaine.

Du 26 juillet 2014 au 29 juillet 2014, deux codétenus, en cellule no 2______, avaient occupé des places aux ateliers, l’un en cuisine et l’autre à la reliure ; du
30 juillet 2014 au 26 mai 2015, deux codétenus, en cellule no 1______ avaient travaillé aux ateliers de reliure et cuisine. L’atelier cuisine occupait tous les jours le codétenu 3 heures une semaine et 5 heures et 45 minutes la semaine suivante. Concernant l’atelier reliure, le détenu était absent 5 heures par jour, les jours ouvrés.

8. Par envoi du 21 juillet 2017, M. A______, par l’entremise de son avocat, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du département, concluant à sa réformation et à la constatation que ses conditions de détention étaient illicites pendant deux cent trente-six jours consécutifs du 23 juin 2014 au 15 février 2015. Il concluait au versement d’une indemnité de CHF 11’800.- avec intérêts à 5 % l’an à compter du 27 octobre 2014, à titre de réparation morale pour les conditions de détention illicites subies au sein de la prison ainsi qu’une juste indemnité valant participation à ses honoraires d’avocat. Subsidiairement, il concluait à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision. Préalablement, il sollicitait la production par le département de tout document susceptible de prouver l’occupation de ses codétenus dans les cellules nos 2______ et 1______.

Après avoir passé deux jours dans la cellule no 361 de l’aile nord, d’une surface individuelle de 3,7 m2, il avait été détenu pendant une période de l’ordre de huit mois, dans une cellule individuelle, occupée par trois détenus : jusqu’au
25 juillet 2014 dans la cellule no 5______ d’une surface individuelle de 3,39 m2 ; jusqu’au 29 juillet 2014, dans la cellule no 2______ d’une surface de individuelle de 3,61 m2 et jusqu’au 22 février 2015, dans la cellule no 1______ d’une surface individuelle de 3,61 m2.

Du 22 juin 2014 au 11 janvier 2015 et du 21 janvier 2014 (recte : 2015) au 15 février 2015, il avait été confiné en cellule 23 heures sur 24. Du 12 au
20 janvier 2015, 22 heures sur 24.

Les dates de l’occupation de ses codétenus n’était pas les mêmes dans le courrier du 16 décembre 2016 et dans la décision du département.

Il n’avait bénéficié que d’une heure quotidienne de promenade à l’air libre et la surface individuelle à disposition était inférieure au standard minimum de
4 m2 pendant près de huit mois. Il avait été détenu entre le 22 juin 2014 et le
22 février 2015 dans des cellules sur-occupées (entre six et trois détenus) à l’exception d’un jour chaque fois, les 22 juin, le 16 juillet le 26 juillet 2014. Sans tenir compte de ces brèves interruptions qui ne devaient pas être prise en considération, il n’avait pas bénéficié de l’espace individuel minimal pendant deux cent quarante-trois jours entre le 22 juin 2014 et le 22 février 2015 ou en tous cas, du 23 juin 2014 au 15 février 2015, jusqu’au début de son activité en cuisine, soit pendant deux cent trente-six jours consécutifs. La surface insuffisante et le confinement en cellule pendant la période du 22 juin 2014 au 18 septembre 2014, soit pendant quatre-vingt-neuf jours, suffisaient à fonder un constat d’illicéité. Le fait de pouvoir sortir une heure par jour pour son travail de nettoyeur de tables n’avait pas d’impact sur la licéité des conditions de détention, ni le fait qu’un codétenu travaille à l’atelier de cuisine ou de reliure.

L’indemnité due s’élevait à deux cent trente-six jours à CHF 50.-, soit 11’800.- et portait intérêts à 5 % l’an à compter du 27 octobre 2014.

9. Le 12 septembre 2017, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours et à son irrecevabilité s’agissant de la demande d’indemnité.

L’occupation des codétenus, dont les dates étaient rappelées dans un document annexe, impliquait que le recourant était seul dans la cellule une grande partie de la journée et bénéficiait d’un espace de plus de 4 m2.

Les conditions de détention du recourant avaient été difficiles car il avait occupé des cellules dont la surface individuelle était inférieure à 4 m2, pendant deux cent trente-huit jours, à l’exception de trois jours mais elles avaient progressé, jusqu’à se normaliser et elles avaient été licites.

10. Le 27 novembre 2017, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

À teneur de la jurisprudence en la matière, le département était compétent pour statuer sur la demande d’indemnité.

11. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, le recours est recevable de ce point de vue (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA -
E 5 10).

2. Le recours a été déposé contre une décision du département dans laquelle celui-ci a déclaré irrecevable, pour raison de compétence, des prétentions en réparation de préjudice en lien avec une détention subie et constaté la licéité de la détention du recourant pour la période de détention préventive et en exécution de peine du 23 juin 2014 au 15 février 2015.

3.  L’indemnisation de conditions de détention illicites après jugement relève des normes ordinaires en matière de responsabilité de l’État (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_703/2016 du 2 juin 2017 consid. 2.1).

La chambre de céans n’est ainsi pas compétente pour connaître des prétentions en réparation du préjudice que le recourant fait valoir, celles-ci relevant de la compétence du Tribunal civil de premières instance conformément à l’art. 7 al. 1 de loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/800/2018 du 7 août 2018 ; ATA/1258/2017 du
5 septembre 2017).

Le recours en tant qu’il porte sur cet aspect est donc irrecevable.

4. S’agissant de la constatation de l’illicéité de la détention, il convient de distinguer la période de détention dans la phase préventive de celle après le jugement du Tribunal correctionnel.

a. La chambre administrative examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 LPA).

b. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).

c. L’action en constatation prévue par l’art. 49 al. 2 LPA est subsidiaire à une action en condamnation (ATF 130 V 388 ; ATA/646/2017 du 13 juin 2017).

Ainsi, la chambre administrative a déjà retenu que pouvait être prise en considération une période de détention illicite en phase préventive, pour autant que le détenu n’ait pas pu s’adresser, sans faute de sa part et conformément au principe de la bonne foi, à l’autorité judiciaire pénale, laquelle était compétente pour tirer les conséquences, sous forme de réduction de peine ou d’indemnisation fondée sur le droit fédéral, d’une éventuelle détention illicite (art. 431 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0 ; ATA/1258/2017 précité ; ATA/695/2016 du 23 août 2016). Dans ces cas, la chambre de céans examine si au moment du jugement, il ressort du parcours cellulaire du recourant que ses conditions de détention avaient déjà atteint le seuil problématique fixé par la jurisprudence pour que cette question soit examinée par le tribunal pénal, pour juger s’il subsiste un intérêt juridique, personnel et concret digne de protection à l’admission de la demande en constatation (ATA/646/2017 précité et les arrêts cités). Dans la mesure où un recours en réparation devant les autorités judiciaires compétentes en matière de responsabilité de l’État n’apparaît pas, a priori, ne pas constituer un recours suffisant au regard de l’art. 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), où la situation visée a déjà pris fin et où des preuves ont déjà été rassemblées, sans que le recourant n’expose en quoi d’autres preuves pertinentes pourraient disparaître, le recourant ne démontre pas disposer d’un intérêt à un simple constat (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1136/2015 du 18 juillet 2016 consid. 4.5 ; ATA/646/2017 précité). En revanche, dans les cas où le recourant ne pouvait faire valoir de bonne foi devant le tribunal pénal les conditions illicites de détention pour la période avant jugement, la chambre de céans admet l’intérêt actuel du recourant à faire constater l’illicéité de sa détention devant elle (ATA/776/2018 du 24 juillet 2018 et les arrêts cités).

En l’espèce, le recourant fait valoir une période de deux cent trente-huit jours consécutifs de détention illicite, du lendemain de son arrestation du 22 juin 2014 au 22 février 2015, date à laquelle il s’est retrouvé en cellule avec un seul codétenu et disposait de 5,42 m2 de surface individuelle.

La durée de la détention avant jugement, soit du 22 juin 2014 au
23 novembre 2014, est de cent cinquante-six jours. Au vu de cette durée, supérieure à celle jugée problématique par la jurisprudence, soit environ trois mois (ATF 139 IV 94 consid. 2.3.2), le recourant aurait pu faire valoir les conditions illicites de cette détention devant le juge pénal. Il n’allègue pas avoir fait état de l’illicéité de ses conditions de détention avant jugement dans le cadre du procès pénal au fond, soit notamment lors de l’audience de jugement du
24 novembre 2014. Il n’allègue pas non plus en avoir été empêché. En ne formulant sa demande de constat qu’après l’entrée en force du jugement pénal, le recourant a mis l’État devant l’impossibilité de réparer une éventuelle détention dans des conditions illicites autrement que par une indemnité. Dans ces cas, le recourant ne démontre pas avoir un intérêt à la constatation immédiate indépendamment d’une satisfaction équitable, éventuellement pécuniaire
(ATF 140 IV 356 consid. 3.4.2 ; ATA/646/2017 précité).

Au vu de ce qui précède, le recours en tant qu’il porte sur la demande en constatation de l’illicéité des conditions de sa détention, s’agissant de la période d’incarcération avant jugement, soit du 22 juin 2014 au 24 novembre 2014, sera déclaré irrecevable, faute d’intérêt pour agir du recourant.

5. Reste à examiner la licéité des conditions de la période de détention en régime d’exécution de peine du recourant, après le 24 novembre 2014 et jusqu’au 15 février 2015.

a. La chambre administrative est compétente pour examiner la conformité au droit d’une décision du département portant sur la licéité des conditions de détention en exécution de peine (ATA/776/2018 précité ; ATA/1145/2015 du
27 octobre 2015).

b. En matière d’examen des conditions de détention, la chambre de céans renonce à l’exigence d’un intérêt actuel au recours, admettant la qualité pour recourir dans le cas où, le recourant ayant été libéré à l’issue de l’exécution de sa peine, son intérêt au recours subsiste tout au moins afin de faire valoir des prétentions en indemnisation (ATA/1056/2017 du 4 juillet 2017 ; ATA/1145/2015 précité).

Toutefois, la LREC étant muette à propos de la prescription, il est fait application du droit civil fédéral, soit l’art. 60 al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), appliqué comme droit cantonal supplétif, de régler cette question. L’art. 60 al.1 CO prévoit un délai de prescription d’un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est l’auteur et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s’est produit (arrêt du Tribunal fédéral 2C.1/1998 du 21 février 2000).

En l’espèce, vu la date des périodes concernées (25 novembre 2014 au
23 février 2015) et la date de la demande du recourant pour obtenir son parcours cellulaire le 21 novembre 2016, initiant la procédure, la question de savoir s’il subsiste un intérêt à la constatation de l’illicéité des conditions de détention ainsi que celle de la recevabilité du recours seront laissées ouvertes, compte tenu de ce qui suit.

6. Le recourant allègue que ses conditions de détention pour la période du
25 novembre 2014 au 22 février 2015 étaient illicites au vu de la taille des cellules et de son confinement dans celles-ci.

a. Au niveau conventionnel, l’art. 3 CEDH, qui interdit - à l’instar d’autres dispositions constitutionnelles et conventionnelles - la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, impose notamment des standards minimaux en matière de détention (ATF 124 I 231 consid. 2). Par ailleurs, la Suisse a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 27 novembre 1987 (RS 0.106), instituant le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après : CPT), habilité à examiner le traitement des détenus dans les États contractants. Sur le plan constitutionnel, l’art. 7 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prescrit le respect et la protection de la dignité humaine, tandis que l’art. 10
al. 3 Cst. interdit la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants. Au niveau cantonal, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) prévoit que la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits (art. 18 al. 2) et que la dignité humaine est inviolable (art. 14 al. 1).

b. Les standards minimaux en matière de détention sont concrétisés par la recommandation Rec(2006)2 sur les règles pénitentiaires européennes adoptée le 11 janvier 2006 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe
(ci-après : RPE), destinée aux États, censés édicter des règles internes s’inspirant de la recommandation. Selon la règle 1 RPE, les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme. Les règles 17 à 22 RPE traitent des locaux de détention, de l’hygiène, de la literie et du régime alimentaire. Les locaux de détention doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace au sol, le volume d’air, l’éclairage et l’aération (règle 18.1). Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales et pour permettre l’entrée d’air frais, sauf s’il existe un système de climatisation approprié (règle 18.2 let. a). La lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques reconnues en la matière (règle 18.2. let. b). Les locaux d’une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment (règle 19.1). Les détenus doivent jouir d’un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité (règle 19.3). Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse les utiliser à une température adaptée au climat (règle 19.4). Chaque détenu doit disposer d’un lit séparé et d’une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté (règle 21). La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques (règle 22.3) et les détenus doivent avoir accès à tout moment à l’eau potable (règle 22.5). Tout détenu doit avoir l’opportunité, si le temps le permet, d’effectuer au moins une heure par jour d’exercice en plein air (règle 27.1).

c. Ces règles ont été encore précisées dans un commentaire établi par le CPT. S’agissant des conditions de logement, le CPT a arrêté quelques standards minimaux : l’espace au sol disponible est estimé à 4 m2 par détenu dans un dortoir et à 6 m2 dans une cellule individuelle, sans qu’il soit précisé si ces standards doivent se comprendre comme une surface brute, comprenant les installations sanitaires et les meubles, ou nette, soit déduction faite de ces installations et meubles (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_404/2013 du 26 février 2014 consid. 2.6.3 ; ATA/67/2016 du 26 janvier 2016). Ces standards doivent cependant être modulés en fonction des résultats d’analyses plus approfondies du système pénitentiaire. Le nombre d’heures passées en dehors de la cellule doit être pris en compte. En tout état, ces chiffres ne doivent pas être considérés comme la norme. À titre d’exemple, le CPT considère comme étant souhaitable pour une cellule individuelle une taille de 9 à 10 m2. La taille devrait être comprise entre 9 et 14,7 m2 pour deux personnes et mesurer environ 23 m2 pour trois personnes (Rod MORGAN/Malcolm EVANS, Prévention de la torture en Europe : Les normes du CPT en matière de détention par la police et de détention préventive, 2002, p. 34).

d. Au niveau législatif, en matière de procédure pénale, l’art. 3 al. 1 CPP rappelle le principe du respect de la dignité humaine. Selon l’art. 74 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le détenu et la personne exécutant une mesure ont droit au respect de leur dignité. L’exercice de leurs droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l’établissement. À teneur de l’art. 75
al. 1 CP, l’exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d’infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l’assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

e. Dans le canton de Genève, les droits et les obligations des détenus sont définis par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Chaque cellule est équipée de manière à permettre une vie décente et conforme aux exigences de la salubrité (art. 15 al. 1). Les détenus peuvent se doucher régulièrement (art. 16). En règle générale, ils bénéficient d’une heure de promenade par jour dans les cours réservées à cet usage et peuvent, dans les limites déterminées, se livrer à des exercices physiques (art. 18). Le service médical de la prison prodigue des soins en permanence (art. 29). Les détenus ont droit à un parloir par semaine, limité à deux visiteurs, en présence d’un fonctionnaire de la prison et pendant une heure au maximum (art. 37). Le RRIP ne contient en revanche aucune disposition plus précise concernant l’aménagement, l’équipement, la dimension des cellules ou la surface dont doit bénéficier chaque détenu à l’intérieur de celles-ci (ATA/1056/2017 du 4 juillet 2017).

f. Le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts en matière d’examen des conditions de détention, dans le cadre de la détention provisoire.

Il a, à cette occasion, rappelé la jurisprudence fédérale existante
(ATF 140 I 125 consid. 3.3). Selon cette dernière, le but de la détention doit être pris en compte et il y a lieu de distinguer la détention en exécution de jugement de la détention provisoire, laquelle vise à garantir un déroulement correct de l’instruction pénale et est justifiée par les besoins de l’instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (ATF 97 I 839 consid. 5 ; 97 I 45 consid. 4b). Les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l’ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger (notamment la sécurité du personnel et des détenus ; ATF 123 I 221 consid. 4c et l’arrêt cité). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que cela ne valait que tant que la durée de la détention provisoire était courte. En cas de détention provisoire se prolongeant au-delà d’environ trois mois, les conditions de détention doivent satisfaire à des exigences plus élevées (ATF 140 I 125 consid. 3.3).

Il faut par ailleurs procéder à une appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 123 I 221 consid. II/1c/cc). En ce qui concerne la violation de l’art. 3 CEDH, un traitement dénoncé doit atteindre un minimum de gravité, dont l’appréciation dépend de l’ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée (ATF 139 I 272 consid. 4), la durée étant susceptible de rendre incompatible avec la dignité humaine une situation ne l’étant pas nécessairement sur une courte période (ATF 141 I 141 consid. 6.3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a également examiné la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH ; ATF 140 I 125 consid. 3.4 et 3.5), que la Suisse s’est engagée à respecter (art. 46 ch. 1 CEDH et 122 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Les garanties offertes par l’art. 3 CEDH en matière de détention n’étaient pas plus étendues que celles contenues dans la Constitution fédérales (ATF 143 I 241 consid. 3.4 ; 140 I 125 consid. 3.3).

Selon la CourEDH, en cas de surpopulation carcérale, la restriction de l’espace de vie individuel réservé au détenu ne suffit pas pour conclure à une violation de l’art. 3 CEDH, une telle violation n’étant retenue que lorsque les personnes concernées disposent individuellement de moins de 3 m2 (ACEDH Torreggiani et autres c. Italie du 8 janvier 2013, req. 43517/09, 46882/09, 55400/09, 57875/09, 61535/09, 35315/10 et 37818/10, § 68 ; ACEDH Canali
c. France du 25 avril 2013, req. 40119/09, § 49 ; ACEDH Sulejmanovic c. Italie du 16 juillet 2009, req. 22635/03, § 43 ; ACEDH Idalov c. Russie du 22 mai 2012, req. 5826/03, § 101). Dans les cas où la surpopulation n’est pas importante au point de soulever à elle seule un problème de violation de la CEDH, les autres aspects des conditions de la détention doivent être pris en compte, comme l’aération disponible, la qualité du chauffage, le respect des règles d’hygiène de base et la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée (ACEDH Canali précité, §§ 52 et 53). Dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, une violation de l’art. 3 CEDH a été retenue parce que le manque d’espace s’accompagnait, par exemple, d’un manque de ventilation et de lumière (ACEDH Babouchkine c. Russie du 18 octobre 2007, req. 67253/01, § 44), d’un accès limité à la promenade en plein air et d’un confinement en cellule (ACEDH Istvan Gabor Kovacs c. Hongrie du 17 janvier 2012, req. 15707/10, § 26) ou d’une absence d’espace pour se mouvoir combinée à une promenade quotidienne d’une heure dans une cour de taille réduite pendant plus de deux ans, à une faible ventilation, à de la lumière réduite dans la cellule et à l’absence d’intimité offerte par les lavabos (ACEDH Makarov c. Russie du 12 mars 2009, req. 15217/07,
§§ 94 à 98).

Ainsi, parmi les facteurs supplémentaires pris en compte par la CourEDH –par rapport à l’exiguïté des cellules – figurent notamment l’accès insuffisant à la lumière et à l’air naturels, la chaleur excessive associée à un manque de ventilation, le partage des lits entre prisonniers, les installations sanitaires dans la cellule et visibles de tous et l’absence de traitement adéquat pour les pathologies du détenu ainsi que la durée de la détention (ATF 140 I 125 consid. 3.5).

Après examen des jurisprudences fédérale et de la CourEDH, le Tribunal fédéral a retenu, en matière de détention provisoire, qu’en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de B______, l’occupation d’une cellule dite individuelle par trois détenus – chacun disposant d’un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier – était une condition de détention difficile, laquelle n’était cependant pas constitutive d’une violation de l’art. 3 CEDH et ne représentait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus. En revanche, l’occupation d’une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 ou 3,84 m2 – restreinte encore par le mobilier – pouvait constituer une violation de l’art. 3 CEDH si elle s’étendait sur une longue période et s’accompagnait d’autres mauvaises conditions de détention. Il fallait alors considérer la période pendant laquelle le recourant avait été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s’approchait de trois mois consécutifs apparaissait comme la limite au-delà de laquelle ces conditions de détention ne pouvaient plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire pouvaient être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive étaient plus élevés, ou lorsque l’ordre et la sécurité dans la prison étaient particulièrement mis en danger, cela ne valait pas lorsque la durée de la détention provisoire était de l’ordre de trois mois. Ce délai ne pouvait cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.4 ; ATA/1056/2017 précité).

g. Dans un arrêt de principe, la CourEDH s’est écartée de cet ordre de grandeur de 4 m2, déduit des normes établies par le CPT, pour retenir qu’une surface de 3 m2 au sol par détenu en cellule collective constituait la norme minimale pertinente (ACEDH Mursic c. Croatie [Grande Chambre] du 20 octobre 2016, req. 7334/13, § 110 à 115).

h. Le Tribunal fédéral a également précisé que si de brèves interruptions d’un à deux jours n’étaient pas de nature à interrompre une période de détention dans des conditions illicites, il y avait en revanche lieu d’évaluer des interruptions plus longues dans le cadre d’une appréciation globale, qui tienne compte de toute la durée de la détention, de la durée précédant la période d’interruption et des autres conditions concrètes de détention (nombre journalier d’heures passées hors de la cellule ; possibilité de travailler ; visites ; hygiène ; installations sanitaires ; régime alimentaire ; éclairage ; aération ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018, 6B_427/2018, 6B_429/2018 du 27 juillet 2018 consid. 6.2).

Le Tribunal fédéral a en outre considéré la possibilité de sortir de la cellule, entre une heure par jour et cinq heures quarante-cinq par jour une semaine sur deux pour travailler, était certes susceptible d’alléger les conditions de détention, mais que cette seule circonstance ne suffisait pas, en soi, dans la situation telle que décrite à la prison de B______, à rendre les conditions de détention conformes à l’art. 3 CEDH. Dès lors, l’hypothèse d’une prise de travail par le détenu ne permettait pas de considérer comme conformes à la dignité humaine les périodes de détentions subies dans un espace confiné de moins de 4 m2 par détenu (in casu cent quatre-vingt-quatre jours et cent quarante-neuf nuits ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 précité consid. 2.5.3 ; ACPR/650/2015 du
1er décembre 2015 consid. 3.1 ; ATA/1056/2017).

Le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si la possibilité de sortir de la cellule pendant trois heures ou cinq heures quarante-cinq par jour – cumulée au fait que les codétenus étaient aussi absents pendant plusieurs heures de la cellule à des moments différents – était un facteur qui permettait d’améliorer suffisamment les conditions de détention au point de les rendre conformes à la dignité humaine (cent quatorze jours consécutifs dans une cellule de moins de
4 m2 de surface individuelle nette avec cinq codétenus). Il est arrivé à la conclusion que le fait de passer durant cent quatorze jours, sept heures et quart en moyenne (cinq heures quarante-cinq de travail en cuisine, une heure de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour), puis en alternance la semaine suivante quatre heures et demie en moyenne hors de la cellule (trois heures de travail en cuisine, une heure et demie de promenade et trente minutes en moyenne de sport par jour) réduisait de manière significative le confinement en cellule et permettait de considérer que la détention dans de telles conditions ne constituait pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine. S’ajoutait à cela que les détenus partageant la cellule étaient absents quotidiennement pendant plusieurs heures de la cellule, à des moments différents, ce qui allégeait encore quelque peu les conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral (1B_394/2016 du 25 avril 2017).

i. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré que, pour des durées de détention dans un espace individuel net de 3,39 m2, légèrement inférieures ou supérieures au délai indicatif de trois mois, il y avait lieu de tenir compte des circonstances concrètes du cas d’espèce pour admettre, respectivement dénier le caractère illicite des conditions de détention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1244/2016 du 31 octobre 2017 consid. 2.2).

7. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le fait que le recourant ait pu faire du sport une heure par semaine dans la grande salle ainsi que deux ou trois fois par semaine, « de manière cyclique » n’était pas de nature à modifier la conclusion selon laquelle le détenu était confiné vingt-trois heures sur
vingt-quatre, vu le temps très limité hors de la cellule que cela représentait (ATA/1056/2017 précité et les arrêts cités).

De même, les visites de la famille, la promenade, et toutes les autres circonstances permettant au détenu de sortir par moments de sa cellule, telles que les visites de l’avocat, les appels téléphoniques, les consultations au service médical ou auprès des assistants sociaux, les offices religieux ou encore les audiences auprès des autorités judiciaires ne sauraient être comptabilisées comme des heures passées en dehors de la cellule (ATA/1056/2017 précité ; ATA/695/2016 précité).

Cela dit, dans l’ATA/681/2016 du 16 août 2016 et concernant un détenu qui avait séjourné deux cent un jours dans un espace cellulaire inférieur à 4 m2 de surface individuelle, la chambre de céans a retenu que pouvoir travailler dans un atelier cinq heures par jour, cinq jours par semaine pendant les deux cent un jours de détention, avec une heure de promenade par jour à laquelle s’ajoutaient, sur l’ensemble de la semaine, les heures de sport, était un cas limite. L’ensemble de ces éléments contribuait à une amélioration des conditions de détention suffisantes pour admettre que lesdites conditions, dans les circonstances décrites, pour difficiles qu’elles fussent, n’étaient pas illicites.

Dans l’ATA/695/2016 précité, la chambre de céans a considéré que les conditions de détention d’un détenu en exécution de peine ayant bénéficié d’une surface nette de 3,70 m2 pendant une période d’un peu plus de trois mois, suivant une période de détention avant jugement de moins de trois mois dans les mêmes conditions, et n’ayant pas occupé de poste de travail, étaient illicites.

De même, dans l’ATA/1056/2017 précité, la chambre de céans a relevé que la détention durant cent douze jours consécutifs dans un espace individuel net inférieur à 4 m2 d’un détenu - lequel ne travaillait pas - était non conforme à la dignité humaine, les possibilités limitées de sortie telles que la promenade et le sport tout comme la sortie d’un codétenu durant une heure par jour pour aller travailler n’étant pas de nature à remettre en question cette constatation.

Dans l’ATA/1258/2017 précité, la chambre administrative a considéré, notamment, que le fait que le recourant ait séjourné pendant cent vingt-sept jours dans une cellule où il bénéficiait de moins de 4 m2 de surface individuelle représentait des conditions difficiles, mais non illicites, dès lors qu’il avait pu travailler dans un atelier cinq heures par jour, cinq jours par semaine durant la période considérée, qu’il bénéficiait d’une heure de promenade chaque jour et des heures de sport sur l’ensemble de la semaine, ce qui réduisait de manière significative le confinement en cellule et contribuait à une amélioration de ses conditions de détention.

Dans l’ATA/776/2018 précité, la chambre de céans a considéré dans le cas d’un détenu bénéficiant de moins de 4 m2 de surface individuelle pendant deux cent trente-neuf jours considérés comme consécutifs, et qui, pendant une période de plus de trois mois, avait occupé un poste de nettoyeur de table une heure par jour, couplé aux heures de promenades et de sports, n’étaient pas des facteurs suffisants pour considérer la détention comme licite. Il en allait de même du fait qu’un de ses codétenus ait travaillé à la cuisine pendant près d’un mois en alternance une semaine sur deux trois heures, respectivement cinq heures quarante-cinq.

8. En l’espèce, pour la période concernée, le recourant a disposé pendant l’entier de la période concernée, du 25 novembre 2014 au 22 février 2015, soit quatre-vingt-neuf jours, d’un espace personnel de 3,61 m2 dans une cellule qu’il partageait avec deux codétenus.

Le recourant n’allègue pas d’autres circonstances que son confinement en cellule, 23h/24, sauf pendant la période du 12 au 20 janvier 2015 et jusqu’au
16 février 2015, date à partir de laquelle il a travaillé à l’atelier cuisine. Il n’apparaît pas que les autres conditions concrètes de la détention (état d’hygiène, d’aération et d’approvisionnement en eau, nourriture, chauffage et lumières) n’auraient pas été convenables.

Avant le 25 novembre 2014, le recourant a été cent cinquante-cinq jours dans des cellules n’offrant pas plus de 3,7 m2 de surface individuelle, interrompus uniquement par un jour avec 5,09 m2 et un autre avec 5,42 m2.

Après le 22 février 2015, le recourant disposait d’une surface de 5,42 m2 jusqu’au 16 mai 2016, date de son transfert à la Brennaz.

Il faut toutefois prendre en compte le fait que les codétenus du recourant quittaient la cellule, l’un pour travailler à l’atelier de reliure pendant cinq heures par jour ouvrable, du 19 septembre 2014 au 26 mai 2015, soit pendant l’entier de la période concernée ici, et le second, également pendant l’entier de la période, pour occuper un poste à la cuisine avec un horaire de travail de trois heures par jour la première semaine, tous les jours de la semaine, et de cinq heures et quarante-cinq minutes par jour, la seconde semaine.

Il appert ainsi qu’en procédant à l’appréciation globale des conditions concrètes de détention, compte tenu du fait que l’occupation de la cellule pendant la journée n’était pas complète au minimum pendant trois heures durant toute la période concernée d’une durée inférieure à trois mois, celles-ci, conformément à la jurisprudence évoquée ci-dessus, doivent être considérées comme difficiles mais pas illicites.

En conséquence, le recours sera rejeté en tant qu’il est recevable.

9. Vu la nature du litige et malgré son issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette le recours interjeté le 21 juillet 2017 contre la décision du département de la sécurité du 20 juin 2017, en tant qu’il est recevable ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ilir Cenko, avocat du recourant, ainsi qu’au département de la sécurité.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :