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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1930/2015

ATA/241/2016 du 15.03.2016 sur JTAPI/1147/2015 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : ALCOOLÉMIE ; ANTÉCÉDENT ; CONDUITE MALGRÉ UNE INCAPACITÉ ; DURÉE ; FAUTE GRAVE ; IVRESSE ; NÉCESSITÉ ; PERMIS DE CONDUIRE ; PROFESSION ; RETRAIT DE PERMIS
Normes : LCR.16.al2; LCR.16.al3; LCR.16c.al1.letb; LCR.16c.al2.leta; LCR.55.al6; ORDONNANCE DE L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE CONCERNANT LES TAUX D'ALCOOLÉMIE LIMITES ADMIS EN MATIÈRE DE CIRCULATION ROUTIÈRE DU 21 MARS 2003.1al
Résumé : Un automobiliste qui conduit un véhicule en état d'ébriété à un taux de 1,78 g %, commet une infraction grave au sens de la LCR. L'autorité qui retire son permis de conduire doit procéder à un examen global du cas. Elle ne doit pas se fonder exclusivement sur le degré d'alcoolémie, même si ce critère doit être considéré de manière prépondérante dans la fixation de la durée de la mesure. Le dépassement du seuil de 0,8 g % du taux d'alcoolémie peut justifier en soi une aggravation de la sanction minimale. Par ailleurs, le juge administratif doit examiner la situation professionnelle de l'intéressé et déterminer si la mesure dont il est susceptible de faire l'objet serait, compte tenu des besoins professionnels, particulièrement rigoureuse. Un « marketing manager » sans antécédents qui a conduit avec un taux d'alcool de 1,78 g % et qui ne justifie pas un besoin accru d'un véhicule pour l'exercice de ses activités professionnelles, ne saurait soutenir que l'accomplissement de son travail serait rendu impossible par un retrait du permis de conduire de quatre mois, déduction faite de la période déjà subie.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1930/2015-LCR ATA/241/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mars 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gustavo Da Silva, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2015 (JTAPI/1147/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1990 à Sverdlovsk en Russie, pays dont il est ressortissant, domicilié à B______ avec son épouse, Madame C______, n’avait pas, au moment des faits, d’autorisation de séjour en Suisse. En revanche, il avait un titre de séjour délivré par la Lettonie, valable du 11 juillet 2013 au 14 juillet 2014.

2) Le 31 mai 2014 à 2h14, M. A______ a été arrêté par la police à la route de Lausanne, à Genève, au volant d’un véhicule automobile portant les plaques russes 1______.

a. Selon le procès-verbal d’audition établi le même jour, suite au contrôle de son haleine à 2h18, le résultat s’était révélé positif. L’intéressé avait consommé quatre verres de vin blanc avec son épouse au restaurant entre 22h00 et 0h00. Il se sentait fatigué à cause de son activité sportive. Il n’avait pas pris des médicaments. Il était arrivé en Suisse en 2006 pour suivre des études dans le canton de Vaud et avait obtenu un bachelor en gestion hôtelière. Il était en attente d’une décision de l’office cantonal de la population et des migrations au sujet de sa demande d’autorisation de séjour pour études déposée à Genève en décembre 2011. Il vivait chez son épouse depuis 2011. La même année 2011, alors étudiant à Bulle dans le canton de Fribourg, il avait requis des autorités fribourgeoises l’échange de son permis de conduire russe délivré le 28 mai 2009 avec un permis de conduire suisse. N’ayant pas été informé, il n’avait pas rendu le permis de conduire russe.

b. D’après le constat de l’incapacité de conduire dressé le même jour également, l’intéressé avait reconnu le résultat du test à l’éthylomètre effectué. La première mesure de l’air expiré effectuée à 2h10 avait donné un résultat de 1,64 g ‰, la seconde faite à 2h18 avait donné un taux d’alcoolémie de 1,55 g ‰. L’intéressé avait une conduite incertaine et zigzaguait. Il sentait l’alcool et avait les yeux injectés. Il apparaissait fatigué, avait une expression verbale imprécise et une compréhension verbale hésitante.

c. La police a provisoirement saisi sur place le permis de conduire suisse de l’intéressé et a prononcé une interdiction de circuler à son encontre.

d. Conduit au poste de police, M. A______ avait subi une prise de sang à 4h30 du matin.

3) Par courrier du 2 juin 2014 au service cantonal des véhicules (ci-après : SCV), M. A______ a sollicité la restitution de son permis de conduire et la levée de l’interdiction de circuler.

Il venait d’être engagé par la société D______, à Genève, et avait obtenu un permis de séjour de courte durée l’autorisant à exercer une activité lucrative. Il avait besoin de son véhicule dans le cadre de son travail. Il n’avait pas d’antécédents et était inconnu des autorités judiciaires et policières.

4) Par courrier du 4 juin 2014, le SCV a, à titre provisoire, restitué à M. A______ son permis de conduire, avec effet au 10 juin 2014.

Le service avait reçu le rapport de police établi à la suite des faits du 31 mai 2014. Les constatations faites pouvaient conduire au prononcé d’une mesure administrative à l’encontre de M. A______. Un délai de quinze jours était imparti à ce dernier pour faire part de ses observations écrites. L’intéressé avait également la possibilité de participer à un cours de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l’influence de l’alcool. L’autorité pouvait en tenir compte pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, la durée légale minimale ne pouvant pas néanmoins être réduite.

5) Le 20 juin 2014, le centre universitaire romand de médecine légale, à Genève, a établi un rapport de détermination du taux d’alcool de M. A______ au moment critique des faits.

L’échantillon de sang du 31 mai 2014 remis pour analyse présentait une alcoolémie de 1,84 g/kg de sang, plus ou moins 0,09 g/kg de sang. Selon les données à interpréter et le calcul effectué, la quantité d’éthanol présente dans l’organisme de l’intéressé au moment critique, soit à 2h14, entraînait une concentration d’éthanol située entre 1,78 g/kg et 2,52 g/kg.

6) Le même jour, soit le 20 juin 2014, le SCV a invité M. A______ à une entrevue avec un psychologue, fixée au 4 août 2014.

L’intéressé avait manifesté son intérêt à suivre le cours « Prévention de la récidive automobile sous l’influence de l’alcool ».

7) Le 26 juillet 2014, la police a dénoncé à plusieurs autorités notamment au ministère public les faits du 31 mai 2014.

Son attention s’était portée sur un véhicule russe circulant à vive allure sur la route de Lausanne. Le conducteur s’était légitimé avec un permis de conduire suisse, mais suite à sa palpation un permis de conduire russe avait été trouvé sur lui. L’intéressé avait déclaré avoir oublié de rendre le permis de conduire suisse lors de son départ de Suisse le 31 décembre 2011.

8) Le 8 août 2014, le SCV a envoyé à M. A______ une nouvelle invitation à une entrevue avec un psychologue fixée au 30 septembre 2014, celui-là n’ayant pas participé à celle du 4 août 2014.

9) Le 30 septembre 2014, une psychologue de la direction générale des véhicules du département de l’environnement, des transports et de l’agriculture a constaté que M. A______ ne disposait pas du niveau de français nécessaire pour suivre un cours de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l’influence de l’alcool.

10) Par ordonnance pénale du 1er octobre 2014 (P/14513/2014), le ministère public a reconnu M. A______ coupable de conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool qualifié de 1,78 g ‰ et l’a condamné à une peine pécuniaire de septante jours-amende à raison de CHF 210.- le jour-amende, assortie d’un sursis et d’un délai d’épreuve de trois ans. Il l’a également condamné à une amende de CHF 3'675.- et a prononcé une peine de substitution de dix-sept jours.

11) Le 13 octobre 2014, M. A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

12) Le 20 octobre 2014, M. A______ a, dans le cadre de ses observations au SCV, requis de ce service de sursoir à statuer sur la mesure administrative à prendre dans l’attente de l’issue de l’instruction pénale. Il a en outre contesté avoir violé les dispositions légales applicables en matière de consommation d’alcool au volant.

a. Selon le rapport de police, un seul test à l’éthylomètre avait été effectué à 2h18. Celui-ci se serait révélé positif, mais son résultat n’avait pas été indiqué. Or, deux tests à l’éthylomètre avaient été pratiqués par la police sur place. Les règles usuelles n’ayant pas été respectées, les experts seraient empêchés de déterminer valablement le taux d’alcoolémie au moment critique.

b. Il avait également formé opposition contre l’ordonnance pénale prononcée à son encontre.

13) Par courrier du 21 octobre 2014, le SCV a suspendu l’instruction du retrait de permis de conduite de l’intéressé dans l’attente de l’issue pénale de l’affaire.

14) Par ordonnance sur opposition du 30 octobre 2014, le ministère public a constaté le retrait de l’opposition formée par M. A______ à l’encontre de l’ordonnance pénale du 1er octobre 2014 (P/14513/2014).

15) a. Par décision du 4 mai 2015, le SCV a retiré à M. A______ le permis de conduire toutes catégories et sous-catégories de véhicules automobiles pour une durée de quatre mois, sous déduction de la période déjà subie.

L’intéressé avait conduit en état d’ébriété avec un taux d’alcoolémie qualifié de 1,84 g ‰, le 31 mai 2014, à 2h14, sur la route de Lausanne, à Genève, au volant d’un véhicule automobile. L’infraction était grave. Son permis de conduire russe avait été saisi par la police. Le retrait du permis de conduire suisse serait inscrit au registre fédéral des mesures administratives (ADMAS). La mesure prononcée s’écartait du minimum légal, compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment du taux d’alcool relevé. Il avait été tenu compte aussi de la visite d’inclusion de l’intéressé à un cours de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l’influence de l’alcool du 30 septembre 2014 même s’il ne l’avait pas suivi en raison de ses lacunes en français.

Il ne justifiait pas d’un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles. Il était autorisé à conduire des catégories spéciales G et M et des véhicules pour lesquels un permis de conduire n’était pas nécessaire pendant la durée du retrait.

b. Dans son courrier d’accompagnement de la décision, le SCV a fixé le début du retrait au 6 juillet 2015 inclus. L’usage de tout permis de conduire étranger ou international était interdit à M. A______ sur le territoire de la Confédération helvétique et de la Principauté du Lichtenstein pendant la durée du retrait.

16) Par acte expédié le 4 juin 2015, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à son annulation et à ce que la durée de retrait de son permis de conduire soit ramenée à trois mois.

Le SCV avait retenu un taux d’alcoolémie de 1,84 g ‰ au lieu de celui de 1,78 g ‰ au moment critique. Lui-même n’avait aucun antécédent ni en Suisse ni à l’étranger. Il justifiait d’un besoin professionnel de conduire un véhicule automobile. Le retrait de son permis de conduire pouvait avoir des conséquences dramatiques sur le plan professionnel. Il s’était présenté au cours de prévention sans pouvoir le suivre en raison de ses carences en français.

17) Le 18 juin 2015, le SCV a conclu au rejet du recours.

Il avait certes retenu un taux d’alcoolémie minimum de 1,84 g ‰ au lieu de celui de 1,78 g ‰ au moment critique. Toutefois, le taux de 1,78 g ‰ représentait plus du double de celui entraînant un retrait du permis de conduire de trois mois au minimum. Les bons antécédents de l’intéressé et sa volonté de participer au cours de prévention avaient été pris en compte lors du prononcé de la décision attaquée. Les besoins professionnels allégués n’avaient pas été retenus dans la mesure où M. A______ ne les avait pas justifiés. Depuis le 1er juillet 2014, les personnes ayant conduit avec un taux d’alcool de 1,60 g ‰ et plus devaient se soumettre à une expertise afin de déterminer leur capacité de conduire des véhicules à moteur.

18) Le 13 juillet 2015, la société D______ a délivré à M. A______ une attestation d’engagement en qualité de « marketing manager ».

L’intéressé avait besoin de conduire un véhicule dans l’exercice de sa fonction.

19) Par jugement du 29 septembre 2015, le TAPI a rejeté le recours.

M. A______ avait conduit un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifé. Suite à une prise de sang effectuée le 31 mai 2014 à 2h14 (recte : 4h30), il présentait un taux d’alcoolémie arrêté à 1,78 g ‰. Il avait commis une faute grave. L’erreur du SCV qui avait retenu un taux d’alcool de 1,84 g ‰ au lieu de 1,78 g ‰ ne modifiait pas la qualification de l’infraction. Le taux d’alcoolémie de 1,78 g ‰ mesuré dans le sang au moment de l’infraction dépassait la limité fixée à 0,8 g ‰ à partir de laquelle le taux d’alcoolémie était réputé qualifié. La mesure prononcée n’avait pas été prise en méconnaissance de l’ensemble des circonstances. L’intéressé présentait un taux d’alcoolémie important, plus du double du seuil à partir duquel un retrait d’une durée de trois mois devait être prononcé. Cet élément justifiait de s’écarter de la durée minimale légale de retrait en cas d’infraction grave. Les bons antécédents de l’intéressé et son intention de participer au cours de prévention ne signifiaient pas de s’en tenir à la sanction minimale prévue par la loi. Les besoins professionnels de l’intéressé ne répondaient pas aux critères de cette notion. Ils traduisaient l’utilité pour lui de conduire un véhicule, mais la voiture ne constituait pas son outil professionnel sans laquelle son activité ne pouvait pas être exercée. L’intéressé était domicilié à B______ et travaillait au centre-ville de Genève, lieux desservis par les transports publics.

20) Par acte expédié le 2 novembre 2015, M. A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation et à ce qu’un retrait de son permis de conduire pour une durée de trois mois, sous déduction de la période déjà subie, soit prononcé.

Il justifiait d’un besoin professionnel de conduire un véhicule automobile, dans le cadre de ses fonctions. Il n’exerçait pas une activité sédentaire dans les bureaux de son employeur. Il était amené à voyager, avec son véhicule automobile, en Suisse et à l’étranger. L’existence des transports publics entre son lieu de domicile et celui de son travail ne pouvait pas pallier le retrait de son permis de conduire. La mesure fixée à une durée de quatre mois risquait de lui causer un préjudice important au niveau professionnel voire provoquer son licenciement. Il n’avait aucun antécédent et avait entrepris les démarches utiles pour suivre les cours de prévention.

21) Le 6 novembre 2015, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d’observations.

22) Le 18 novembre 2015, le SCV a conclu au rejet du recours.

L’attestation établie par l’employeur de l’intéressé ne précisait pas le rôle de celui-ci comme « marketing manager ». Dans le cadre de cette fonction, M. A______ ne justifiait notamment pas le besoin de transporter du matériel lourd comme c’était le cas d’un carreleur indépendant. L’entreprise dans laquelle il travaillait pouvait mettre en place une stratégie pour pallier un retrait du permis de conduire durant trois mois, un retrait de quatre mois ne pouvait par conséquent pas péjorer sa situation. Il existait à Genève plusieurs moyens de transport pour se déplacer en Suisse et vers l’étranger, le retrait du permis de conduire ne pouvait pas handicaper l’intéressé dans l’accomplissement de ses tâches.

23) Le 18 décembre 2015, M. A______ a persisté dans les termes et les conclusions de son recours.

24) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit d’une décision de retrait d’un permis de conduire pendant une durée de quatre mois pour conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcoolémie qualifié de 1,78 g ‰, déduction faite de la période déjà subie.

3) a. L'Assemblée fédérale fixe dans une ordonnance le taux d'alcool à partir duquel les conducteurs sont réputés être dans l'incapacité de conduire au sens de la présente loi, soit en état d'ébriété, indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l'alcool ; elle définit le taux d'alcool qualifié (art. 55 al. 6 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01). Un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu'il présente un taux d'alcoolémie de 0,5 g ‰ ou plus ou que son organisme contient une quantité d'alcool entraînant un tel taux d'alcoolémie, état d'ébriété (art. 1 al. 1 de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 21 mars 2003 - RS 741.13). Est réputé qualifié un taux d'alcoolémie de 0,8 g ‰ ou plus (art. 1 al. 2 de l’ordonnance précitée).

b. En l’occurrence, le recourant ne conteste pas avoir conduit un véhicule automobile en état d’ébriété avec un taux d’alcoolémie de 1,78 g ‰, largement au-dessus du seuil de 0,8 g ‰ à partir duquel celui-ci est défini comme qualifié. Dans ces circonstances, le fait que le SCV se soit trompé dans sa décision en retenant un taux d’alcool de 1,84 g ‰ au lieu de celui de 1,78 g ‰ au moment critique n’est pas déterminant dans l’examen du présent recours, le service ayant du reste reconnu son erreur et le TAPI ayant rendu son jugement attaqué sur la base du taux d’alcoolémie qualifié de 1,78 g ‰.

4) Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d’élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5) Depuis le 1er janvier 2005, les infractions à la LCR ont été réparties en fonction de leur gravité en trois catégories distinctes, assorties de mesures administratives minimales (ATA/479/2014 du 24 juin 2014 ; ATA/552/2012 du 21 août 2012).

a. Commet une infraction grave la personne qui notamment conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié (art. 16c al. 1 let. b LCR cum art. 55 al. 6 LCR).

b. En l’espèce, le recourant a conduit un véhicule automobile en état d’ébriété à un taux de 1,78 g ‰, ce comportement est constitutif d’une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. b LCR.

6) Le recourant reproche au TAPI d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en confirmant la durée de quatre mois du retrait de son permis de conduire qu’il considère comme disproportionnée. Il conclut à une mesure limitée à trois mois.

7) a. Après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR). Les circonstances concrètes doivent être prises en considération pour fixer la durée de la mesure, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile (art. 16 al. 3 LCR ; ATF 108 Ib 258 consid. 2a p. 259 = JdT 1982 I 398 ; ATF 105 Ib 205 consid. 2a p. 207 = JdT 1980 Ib 394 ; ATA/25/2015 et ATA/23/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/479/2014 précité ; André BUSSY et al. [éd.], Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, p. 235). L'autorité qui retire un permis en cas d'ivresse doit procéder à un examen global du cas. Elle ne doit pas se fonder exclusivement sur le degré d'alcoolémie (ATA/445/2008 du 27 août 2008 ; ATA/335/2008 du 12 juin 2008 ; André BUSSY et al. [éd.], op. cit., p. 271), même si ce critère doit être considéré de manière prépondérante dans la fixation de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 1C_135/2008 du 13 août 2008 consid. 3.2.2 ; André BUSSY et al. [éd.], op. cit., p. 271).

b. Le dépassement du seuil de 0,8 g ‰ du taux d’alcoolémie peut justifier en soi une aggravation de la sanction minimale (arrêt du Tribunal fédéral 1C_288/2008 du 14 mai 2009 consid. 3.2 ; ATA/445/2008 précité ; ATA/335/2008 précité ; ATA/387/2007 du 7 août 2007). Ainsi, dans un arrêt (ATA/837/2014 du 28 octobre 2014), la chambre de céans a considéré que pour un automobiliste qui au moment des faits n’avait pas d'antécédents, mais présentait un taux d’alcoolémie de 1,33 g ‰ au moment critique, l'appréciation que le SCV avait faite de la situation et la conclusion à laquelle il était parvenu, le retrait du permis de conduire du recourant pour une durée de trois mois, sous déduction de la période déjà subie, tout comme sa confirmation par le TAPI, ne souffrent aucune critique et étaient de surcroît très généreux.

c. En l’occurrence, le taux d’alcoolémie du recourant au moment critique était de 1,78 g ‰, soit plus du double du seuil du taux qualifié de 0,8 g ‰. Ce taux doit être considéré comme un élément prépondérant dans la fixation de la durée de la mesure et justifie, selon la jurisprudence précitée, de s’éloigner de la limite minimale du retrait du permis de conduire en cas d’infraction grave. En confirmant, sur ce point, la mesure contestée de quatre mois, le TAPI n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

8) Le recourant reproche également au TAPI d’avoir nié ses besoins professionnels.

9) a. Le juge administratif doit examiner la situation professionnelle de l'intéressé et déterminer si la mesure dont il est susceptible de faire l'objet serait, compte tenu des besoins professionnels, particulièrement rigoureuse (ATF 123 II 572 consid. 2c p. 575-576 ; ATA/58/2007 du 6 février 2007 ; ATA/5/2007 du 9 janvier 2007).

Lorsqu'il s'agit d'apprécier le besoin professionnel de conduire un véhicule automobile, il convient de respecter le principe de la proportionnalité. Le retrait du permis de conduire est ressenti plus durement par le conducteur qui en a besoin pour des raisons professionnelles, de sorte qu'un retrait plus court suffit, en règle générale, à l'admonester de manière efficace et à le dissuader de commettre de nouvelles infractions. Un tel conducteur peut donc être privé de son permis moins longtemps que celui qui se limite à un usage commun, même si les fautes commises sont identiques. La réduction s'opère ainsi proportionnellement au degré de sensibilité à la sanction. Il n'existe pas, d'un côté, des conducteurs qui n'ont aucunement besoin de leur permis et, de l'autre, des conducteurs qui en ont un besoin impératif, tels que les chauffeurs professionnels ; la gradation est au contraire continue. La détermination du degré de sensibilité à la sanction ne permet pas cependant, à elle seule, de décider si et dans quelle mesure une réduction se justifie. Une telle question doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas (ATF 128 II 285 consid. 2.4 p. 290; 123 II 572 consid. 2c p. 574 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2008 du 25 novembre 2008 consid. 3.3.1).

Le Tribunal fédéral a ainsi nié l'utilité professionnelle du permis de conduire pour des agents d'assurances ou des courtiers immobiliers, au motif que les transports publics ou le taxi permettaient d'accéder à une clientèle potentielle suffisante dans des délais acceptables pour que l'activité professionnelle, bien qu'entravée d'une manière non négligeable, ne soit pas rendue impossible ou compliquée à l'excès (arrêts 1C_63/2007 du 24 septembre 2007 consid. 4.5 ; 6A.24/2005 du 24 juin 2005 consid. 3).

b. La chambre de céans s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question des besoins professionnels d’un conducteur dont le permis de conduire a été retiré. Pour que le besoin d'un véhicule puisse être pris en considération d'une façon déterminante, il faut que le retrait de permis interdise à l'intéressé tout exercice de son activité lucrative, comme c'est le cas pour un chauffeur de taxis, un livreur ou un routier par exemple ou tout au moins qu'il entraîne une perte de gain importante, soit des frais considérables faisant apparaître la mesure comme une punition disproportionnée, s'ajoutant ou se substituant à la condamnation pénale (ATA/5/2007 précité ; ATA/39/2006 du 24 janvier 2006).

Ainsi, un ingénieur informaticien, dont les clients se trouvaient soit dans le Jura, soit en zone urbaine ou périurbaine, ne pouvait pas se prévaloir de besoins professionnels déterminants, même s'il devait, pendant la durée de la mesure de retrait, diminuer le nombre de ses visites à la clientèle et par là le montant de ses commissions (ATA/5/2007 précité ; ATA/221/2001 du 27 mars 2001). Pour ce qui est d’un plâtrier ou un peintre en bâtiment, même s'il devait se déplacer au cours de la journée d'un chantier à un autre, voire y véhiculer ses collègues ou aller chercher du matériel occasionnellement, celui-ci ne pouvait pas se prévaloir de besoins professionnels déterminants au sens de la jurisprudence (ATA/17/2001 du 9 janvier 2001 ; ATA/660/1997 du 23 octobre 1997). Un aide-monteur électricien effectuant de petits travaux chez des particuliers ne pouvait pas non plus se prévaloir de besoins professionnels déterminants (ATA/5/2007 précité ; ATA/17/2001 précité). En revanche, un conducteur qui exerce la profession de transport de messageries à titre indépendant pouvait se prévaloir de besoins professionnels. Dans ce cas, la situation financière de l'intéressé devait être aussi prise en considération (ATA/5/2007 précité ; ATA/119/1999 du 9 février 1999). Un réparateur dans le domaine des élévateurs électriques ou un boulanger dans une petite entreprise familiale pouvait également se prévaloir de besoins professionnels importants (ATA/659/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/656/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/265/1997 du 22 avril 1997 ; ATA/620/1995 du 7 novembre 1995). S'agissant d'un réparateur de brûleurs à mazout qui doit transporter du matériel, ses besoins professionnels ne sont pas déterminants au sens strict, ils sont néanmoins importants (ATA/659/1997 précité).

10) En l’espèce, le recourant allègue que son activité professionnelle de « marketing manager » n’est pas exercée de manière sédentaire dans les bureaux de son employeur et qu’il a besoin de se déplacer en Suisse et vers l’étranger dans l’accomplissement de ses tâches. Il ne précise pas cependant en quoi son activité professionnelle serait rendue impossible pendant la durée d’un mois au-delà de la durée légale incompressible de trois mois de retrait de son permis, déduction faite de onze jours déjà subis, soit du 31 mai 2014 au 10 juin 2014. Il ne donne pas d'indication concrète sur les lieux de ses déplacements en Suisse ni sur la nécessité de transporter ou pas des marchandises dans l’exercice de son métier de « marketing manager ». Il ne démontre pas davantage qu'il se trouverait dans l'impossibilité de rendre visite aux éventuels clients de son employeur en Suisse au moyen des transports publics ou avec l'aide de l'un de ses collègues qui pourrait le véhiculer. Il n'explique pas non plus en quoi ses déplacements vers l’étranger ne seraient pas possibles par les transports en commun.

Dans ces circonstances, les besoins professionnels du recourant ne sont pas pertinents au sens de la jurisprudence précitée. L’intéressé ne justifie pas un besoin accru d'un véhicule pour l'exercice de ses activités professionnelles. Il verra certes l’organisation de son travail compliquée par le fait qu’il ne pourra conduire d’autres véhicules que ceux des catégories spéciales G et M. Toutefois, il ne saurait soutenir que l’accomplissement même de ses tâches de « marketing manager » sont rendues impossibles par la mesure qu’il conteste. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte de ses besoins professionnels et de revoir la mesure du retrait du permis de conduire de quatre mois, déduction faite de la période déjà subie.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

11) Le TAPI a du reste, pour confirmer la durée de la mesure, tenu compte de l’absence d’antécédents du recourant, qui est à relativiser dans la mesure où celui-ci n’avait son permis de conduire que depuis 2011 au moment de sa conduite à vive allure avec un taux d’alcoolémie qualifié de 1,78 g ‰. Il a également pris en considération la disponibilité de l’intéressé à suivre le cours de prévention, même si ce dernier n’a pas participé à l’entrevue prévue avec un psychologue en raison de ses lacunes en français.

12) Ce qui précède conduit au rejet du recours.

Compte tenu de l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2015 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gustavo Da Silva, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au service cantonal des véhicules.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :