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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/793/1997

ATA/660/1997 du 23.10.1997 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : CIRCULATION ROUTIERE; ALCOOL; ANTECEDENT; NECESSITE; PROFESSION; RETRAIT DE PERMIS; DUREE; IVRESSE; LCR
Normes : OAC.33 al.2
Résumé : Un plâtrier, même s'il doit se déplacer au cours de la journée d'un chantier à un autre et y véhiculer également ses collègues, ne peut se prévaloir de besoins professionnels déterminants au sens de la jurisprudence.
En fait

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2ème section

 

du 23 octobre 1997

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur C__________

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION



EN FAIT

 

1. Monsieur C__________, né le __________ 1959 au Portugal, est domicilié à Genève. Il est titulaire d'un permis de conduire notamment pour la catégorie B délivré le 24 février 1993.

 

2. Selon le dossier d'automobiliste fourni par le service des automobiles et de la navigation (ci-après: le SAN), ce conducteur a déjà fait l'objet de deux mesures administratives :

 

a) par décision du 7 mars 1994, son permis de conduire lui a été retiré pendant un mois, pour n'avoir pas accordé la priorité à un cyclomotoriste le 3 février 1994, mesure dont l'exécution a pris fin le 11 décembre 1994;

 

b) par décision du 31 mars 1994, un second retrait de son permis de conduire pour une durée de 8 mois a été ordonné pour avoir, le 12 mars 1994, circulé en état d'ébriété (2,24 gr. o/oo), mesure qui a été exécutée antérieurement à la précédente, soit du 12 mars au 11 novembre 1994.

 

3. Le samedi 21 juin 1997 à 02h05, l'intéressé circulait en voiture rue de Lyon lorsqu'il a fait l'objet d'un contrôle de police. A cette occasion, il a été soumis à une analyse de sang qui a révélé un taux d'alcool moyen de 1,70 gr. o/oo.

 

4. Par décision du 18 juillet 1997, le SAN a retiré le permis de conduire de M. C__________ pour une durée de 18 mois en application des articles 16 alinéa 3 lettre b et 17 alinéa 1 lettre d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

 

5. Par un acte de recours du 12 août 1997, remis au greffe du Tribunal administratif le 15 août 1997, M. C__________ a requis le Tribunal administratif d'annuler la décision du SAN prise le 18 juillet 1997, et de ramener à 12 mois la durée du retrait de permis de conduire.

 

Il a fait état de besoins professionnels, déposant notamment une attestation de son employeur sur laquelle l'intéressé est plâtrier et a besoin de son véhicule privé pour se rendre sur son lieu de travail et pour changer de chantier au cours de la journée.

 

6. Entendu en audience de comparution personnelle le 10 octobre 1997, M. C__________ a déclaré admettre les faits tels qu'ils étaient décrits dans le rapport de la gendarmerie du canton de Genève du 24 juin 1997. Il n'a pas contesté les résultats de l'analyse de sang, ni l'ordonnance de condamnation qui lui a été notifiée. Il a admis encore avoir déjà fait l'objet de deux mesures de retrait du permis de conduire en 1994, dont une pour ivresse au volant.

 

Il a exposé que son employeur avait de petits chantiers ouverts dans tous le canton, qu'il était lui-même le seul ouvrier à posséder un véhicule automobile et à détenir un permis de conduire et que le travail ne pouvait être organisé de manière à ce qu'il puisse rester sur le même chantier toute la journée. Il savait que la durée minimum du retrait de permis était de douze mois et il a déclaré ignorer comment il s'organiserait pour poursuivre son travail durant la période de retrait du permis.

 

La représentante de l'autorité intimée a persisté dans la décision entreprise en raison de l'importance de l'alcoolémie constatée le 21 juin 1997 et de la récidive.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 al. 1 ch. 42 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E 5 05; art. 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Quiconque est pris de boisson est tenu de s'abstenir de conduire un véhicule (art. 31 al. 2 LCR).

 

Est notamment réputé pris de boisson celui dont la concentration d'alcool dans le sang atteint ou dépasse 0,8 gr. o/oo (art. 55 al. 1 LCR; art. 38 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - RS 741.51 - OAC; M. PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire, pp. 146 ss not. 149).

 

3. En circulant au volant de sa voiture avec un taux d'alcool moyen dans le sang de 1,70 gr. o/oo, le recourant a violé les dispositions précitées.

 

4. Le permis des conducteurs ayant circulé en étant pris de boisson doit être retiré (art. 16 al. 3 let. b LCR; ATF 105 Ib 21; JdT 1978 I 413; RDAF 1982 p. 230). La durée doit être fixée en tenant compte des circonstances, mais au minimum pour deux mois, lorsque le conducteur a circulé en étant pris de boisson (art. 17 al. 1 let. b LCR; ATF 108 Ib 259).

 

Toutefois, le retrait du permis est d'une année au minimum si, dans les cinq ans depuis l'expiration d'un retrait précédent, le conducteur pris de boisson a de nouveau circulé dans ces conditions (art. 17 al. 1 let. d LCR; RDAF 1982 p. 230; ATF 105 Ib 21).

 

5. La condition de la récidive est remplie en l'espèce, raison pour laquelle le minimum légal de l'article 17 alinéa l lettre d doit être retenu.

 

6. Pour fixer la durée de la mesure, divers facteurs doivent être pris en considération, notamment la gravité objective et subjective de la faute, les antécédents de l'intéressé, ainsi que ses besoins professionnels (art. 33 al. 2 OAC; ATF 108 Ib 259; ATF 105 Ib 205; RDAF 1980, p. 46; A. BUSSY/B. RUSCONI Code suisse de la circulation routière, commentaire 1996 p. 218; M. PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire, 1982 pp. 188 ss), les conséquences de l'infraction commise ne devant pas avoir une influence décisive (RDAF 1978 p. 288).

 

Ainsi, l'autorité qui retire un permis en cas d'ivresse ne doit pas se fonder exclusivement sur le degré d'alcoolémie, mais doit procéder à un examen global du cas (arrêt S. du Tribunal fédéral du 25 janvier 1991).

 

7. a. En l'espèce, la gravité de la faute du recourant est indiscutable.

 

Du point de vue objectif, le Tribunal administratif retiendra l'alcoolémie assez élevée, soit 1,70 gr. o/oo, relevée chez le recourant. Du point de vue subjectif, l'autorité de céans constatera qu'en dépit de la mesure prononcée à l'encontre du recourant en 1994 pour une même infraction avec un taux d'alcool de 2,24 gr. o/oo, le recourant a de nouveau conduit en état d'ébriété moins de trois ans après la fin de l'exécution de cette mesure.

 

b. S'agissant des autres antécédents du recourant, ceux-ci doivent être qualifiés de mauvais, puisqu'outre à la première ivresse au volant sus-décrite, il a encore fait l'objet, toujours en 1994, d'une mesure de retrait du permis d'une durée d'un mois pour refus de priorité.

 

c. Quant au besoin exprimé par le recourant de pouvoir disposer de son permis de conduire pour son travail, il ne peut être pris en compte, car il n'est pas déterminant au sens où l'entend la jurisprudence (JdT 1982, p. 403; ATA C. du 10 décembre 1996 et P. du 5 novembre 1996, confirmés par ATF du 28 février 1997).

 

En effet, pour que le besoin d'un véhicule puisse être pris en considération d'une façon déterminante, il faut que le retrait de permis interdise à l'intéressé tout exercice de son activité lucrative, comme c'est le cas pour un chauffeur de taxis, un livreur ou un routier par exemple ou tout au moins qu'il entraîne une perte de gain importante, soit des frais considérables faisant apparaître la mesure comme une punition disproportionnée, s'ajoutant ou se substituant à la condamnation pénale (RDAF 1981 p. 50; RDAF 1978 p. 288 et 1977 p. 210 et 354-355; ATA P. précité).

 

d. En outre, le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de trancher la question des besoins professionnels de personnes qui sont obligées de se déplacer à plusieurs reprises au cours de la journée comme les agents d'assurances ou les employés de régies. Dans l'arrêt P. du 5 novembre 1996, le tribunal de céans a estimé qu'un agent d'assurances pouvait exercer son travail en se déplaçant au moyen d'un cyclomoteur ou des transports publics malgré la documentation qu'il devait pouvoir présenter à ses clients. Cette appréciation a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATF P. précité). Dans un arrêt antérieur du 19 juin 1983, le Tribunal fédéral a estimé qu'un employé de régie pouvait exercer son travail en accomplissant les déplacements nécessaires à bicyclette (RDAF 1983 360). Dans un autre arrêt du 15 août 1989, la même juridiction a estimé qu'un agent d'assurances pouvait rendre visite à sa clientèle en ayant recours, au besoin, aux transports publics (Praxis 1990 no 150).

 

Certes, le matériel qu'un plâtrier doit transporter peut être plus encombrant que celui d'un agent immobilier ou d'assurances. S'agissant d'une personne travaillant comme employé d'une entreprise comptant plusieurs salariés et non à titre indépendant, cette seule différence ne saurait entraîner une autre appréciation des besoins professionnels de l'intéressé (voir également: Schaffhauser René, Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts, vol. 3, Berne 1995, No 2445).

 

8. Au vu des éléments qui précèdent, la décision du SAN arrêtant la durée du retrait à dix-huit mois, prise au terme d'un examen global du cas tel que l'exige la jurisprudence (ATF S. du 25 janvier 1991), s'inscrit dans les limites de sa pratique et de la jurisprudence du Tribunal administratif. En particulier, la durée du retrait est conforme aux exigences de la jurisprudence récente du tribunal de céans, exposée ci-dessus. Elle ne saurait être critiquée et sera confirmée.

 

9. Le recours est donc rejeté.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 300.-- sera mis à la charge du recourant.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 12 août 1997 par Monsieur C__________ contre la décision du service des automobiles et de la navigation du 18 juillet 1997;


 

au fond :

 

le rejette ;

 

dit qu'un émolument de CHF 300.-- sera mis à la charge du recourant;

 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Monsieur C__________ ainsi qu'au service des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral de la police à Berne.

 


Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Bonnefemme-Hurni, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : la présidente :

 

V. Montani L. Bovy


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme J. Rossier-Ischi