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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4283/2006

ATA/58/2007 du 06.02.2007 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS; CONDUITE EN ÉTAT D'IVRESSE; TAUX D'ALCOOLÉMIE; CIRCULATION ROUTIÈRE(DROIT DE LA CIRCULATION ROUTIÈRE) ; MAÎTRISE DU VÉHICULE
Normes : LCR.16c ; LCR.31
Résumé : Retrait du permis pour une durée de 4 mois confirmé. Le recourant ayant perdu la maîtrise de son véhicule et conduit en état d'ébriété. Les besoins professionnels du recourant travaillant pour une société d'assurance n'étant pas retenus par le tribunal.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4283/2006-LCR ATA/58/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 février 2007

1ère section

dans la cause

 

Monsieur C______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


1. Né en 1978, Monsieur C______ est domicilié dans le canton de Genève et exerce la profession d’assureur. Il est titulaire d’un permis de conduire les véhicules de la catégorie B, délivré le 13 janvier 1997 par les autorités compétentes du canton de Vaud.

2. A teneur du dossier déposé par le service des automobiles et de la navigation (ci-après : le SAN), M. C______ a déjà fait l’objet d’un retrait du permis de conduire en 2000, d’une durée de deux mois, pour avoir perdu la maîtrise de son véhicule.

3. Le 24 septembre 2006, M. C______ circulait sur l’autoroute allant de Lausanne à Genève aux environs de 11 heures. Il s’assoupit et laissa le véhicule qu’il conduisait dévier vers la droite, traverser la bande d’arrêt d’urgence et heurter une glissière latérale. Entendu par la police cantonale vaudoise, M. C______ a exposé s’être levé la veille, vers 9h00, après environ huit heures de sommeil. Vers 22h00, il avait quitté son domicile pour se rendre à Vevey où il avait bu trois « gin tonic » et avait dansé. Après avoir dormi environ deux heures, il avait repris sa voiture pour se rendre à Genève. Selon un prélèvement effectué le jour de l’accident à 11h45, M. C______ présentait un taux d’alcool dans le sang de 1,11 gr. o/oo, la valeur inférieure s’établissant à 1,05 gr. o/oo compte tenu d’une correction pour élimination s’élevant à plus 0,06 gr. o/oo. Son permis de conduire a été saisi.

4. Le 27 septembre 2006, le SAN a invité M. C______ à faire usage de son droit d’être entendu. Son attention était attirée en outre sur le fait qu’il pouvait fréquenter un cours de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l’influence de l’alcool, ce qui pourrait alors amener le SAN à envisager une réduction de la durée de la mesure de retrait du permis de conduire, compte tenu toutefois du minimum légal.

5. Le 10 octobre 2006, M. C______ s’est déterminé par écrit. Il venait d’être engagé comme conseiller externe d’une société d’assurances. Il lui incombait de rendre visite à vingt ou vingt-cinq clients par semaine et il lui serait impossible de le faire sans véhicule privé. Il demandait à pouvoir conduire pendant les heures d’ouverture des bureaux.

6. Par décision du 17 octobre 2006, le SAN a retiré le permis de conduire de M. C______ pour une durée de quatre mois en application de l’article 16c alinéa premier lettre b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Il s’agissait d’une faute grave, l’intéressé ayant conduit un véhicule automobile en état d’ébriété et présentant un taux d’alcoolémie qualifié.

7. Par acte du 16 novembre 2006, M. C______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée. Ses antécédents étaient vieux de plus cinq ans. Du fait de son travail, rémunéré essentiellement sous forme de commissions, il subirait une perte de revenu considérable. Il conclut dès lors à la réduction de la durée de la mesure de retrait de quatre à trois mois.

8. Entendues en audience de comparution personnelle le 22 décembre 2006, les parties ont fait les déclarations suivantes :

a. M. C______ a exposé qu’il avait fait l’objet d’une amende infligée par le juge d’instruction de l’arrondissement de la Côte ; il la paierait de manière échelonnée et n’entendait pas poursuivre la procédure pénale. S’agissant de ses besoins professionnels, il se référait à la lettre qu’il avait envoyée au SAN. Il travaillait pour une société d’assurances depuis le mois de juin 2006 et son employeur était au courant de la procédure. Ses clients étaient dispersés entre Genève et Nyon, voire Lausanne. Compte tenu de l’écoulement du temps, il aurait déjà purgé une mesure de retrait du permis de conduire d’une durée de trois mois le 25 décembre 2006 et sollicitait dès lors la restitution de l’effet suspensif au recours.

b. Entendu par la voix de sa représentante, le SAN a déclaré persister dans la décision attaquée, sur le vu du cumul d’infractions et des antécédents de l’intéressé. Le SAN ne s’opposait pas à la requête de restitution de l’effet suspensif, étant précisé que M. C______ pourrait à nouveau conduire dès le 24 décembre 2006 à minuit.

9. Le 22 décembre 2006, le Tribunal administratif a notifié aux parties une décision de restitution de l’effet suspensif.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant ne conteste pas les faits tels qu’ils ont été établis par la police cantonale compétente. Il admet également qu’il s’agit d’une faute grave, passible d’un retrait du permis de conduire d’une durée de trois mois au minimum en application de l’article 16c alinéa premier lettre b ainsi qu’alinéa 2 lettre a LCR.

3. Selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, le cumul d’infractions est de nature à aggraver la durée de la mesure de retrait du permis de conduire (ATA/6/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/485/2006 du 12 septembre 2006 et les arrêts cités).

4. Selon l’article 31 alinéa 2 LCR, toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool […] ou d’autres raisons, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir.

5. A teneur de l’article 16c alinéa premier lettre b LCR, la conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété est une faute grave, pour autant que l’intéressé présente un taux d’alcool dans le sang qualifié au sens de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 21 décembre 2003 (RS 741.13). A teneur de l’article premier alinéa 2 de ladite ordonnance, est réputé qualifié un taux d’alcoolémie de 0,8 gr. o/oo ou plus.

6. En l’espèce, le taux d’alcool mesuré dans le sang du recourant était de 1,05 gr. o/oo, soit un taux d’alcool au moment critique de 1,11 gr. o/oo au minimum. La limite du taux d’alcool qualifié était ainsi largement dépassée.

7. Selon l’article 31 alinéa premier LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule. De surcroît, il doit s’abstenir de toute conduire s’il est sous l’influence de l’alcool et qu’il est pour ce motif incapable de maîtriser son engin, quel que soit ledit taux.

Sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, le Tribunal administratif considère que la perte de maîtrise du véhicule est une faute grave entraînant à elle seule le retrait obligatoire du permis de conduire pour une durée de trois mois en application de l’article 16c alinéa premier lettre a et alinéa 2 LCR (ATA/643/2006 du 28 novembre 2006 et les arrêts cités).

Le recourant a ainsi commis deux fautes graves, soit une perte de maîtrise et une conduite en état d’ébriété avec un taux qualifié qui justifie chacune d’entre elles prise séparément un retrait d’une durée de trois mois au minimum.

8. Le recourant se prévaut de ses besoins professionnels.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le juge administratif doit examiner la situation professionnelle de l’intéressé et déterminer si la mesure dont il est susceptible de faire l’objet serait, compte tenu des besoins professionnels, particulièrement rigoureuse (ATF 123 II 572 consid. 2c pp. 575-576; ATA/228/1998 du 21 avril 1998 ; ATA/656/1996 du 5 novembre 1996, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 6A.129/1996 du 28 février 1997).

a. En effet, pour que le besoin d'un véhicule puisse être pris en considération d'une façon déterminante, il faut que le retrait de permis interdise à l'intéressé tout exercice de son activité lucrative, comme c'est le cas pour un chauffeur de taxis, un livreur ou un routier par exemple ou tout au moins qu'il entraîne une perte de gain importante, soit des frais considérables faisant apparaître la mesure comme une punition disproportionnée, s'ajoutant ou se substituant à la condamnation pénale (SJ 1994 p. 534; RDAF 1981 p. 50; RDAF 1978 p. 288 et 1977 pp. 210 et 354-355).

  b. Le tribunal de céans a déjà estimé qu'un employé de régie, un courtier en immobilier ou en assurances ou encore des personnes exerçant des professions comparables pouvaient sans autre recourir aux transports publics pour l'accomplissement de leurs tâches professionnelles (ATA/280/2001 du 24 avril 2001; ATA/748/1996 du 10 décembre 1996). Il a encore jugé qu'une personne qui exerçait les activités de représentant en matériel de chauffage, de courtier en matière de publicité et de gérant d'un bar ne pouvait se prévaloir de besoins professionnels prépondérants (ATA/564/2000 du 14 septembre 2000).

Un ingénieur informaticien, dont les clients se trouvaient soit dans le Jura, soit en zone urbaine ou périurbaine, ne pouvait se prévaloir de besoins professionnels déterminants, même s'il devait, pendant la durée de la mesure de retrait, diminuer le nombre de ses visites à la clientèle et par là le montant des commissions qu'il touchait (ATA/221/2001 du 27 mars 2001).

c. Un réparateur dans le domaine des élévateurs électriques ou un boulanger dans une petite entreprise familiale peuvent se prévaloir de besoins professionnels importants (ATA/659/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/656/1997 du 23 octobre 1997 ; ATA/265/1997 du 22 avril 1997 et ATA M. du 7 novembre 1995). S'agissant d'un réparateur de brûleurs à mazout qui devait transporter du matériel, le Tribunal a estimé que si les besoins professionnels n'étaient pas déterminants au sens strict, ils étaient néanmoins importants (ATA/656/1997 du 23 octobre 1997). Dans l'affaire précitée concernant un mécanicien-électricien dépannant des ascenseurs, il n'a pas tranché expressément la question des besoins professionnels, car le complexe de faits ainsi que la pluralité des infractions commises justifiaient la sanction infligée, compte tenu également du large pouvoir d'appréciation reconnu à l'autorité intimée.

Le Tribunal a encore considéré qu'un plâtrier ou un peintre en bâtiment, même s'il devait se déplacer au cours de la journée d'un chantier à un autre, voire y véhiculer ses collègues ou aller chercher du matériel occasionnellement, ne pouvait se prévaloir de besoins professionnels déterminants au sens de la jurisprudence (ATA/659/1997 du 23 octobre 1997). Il n'a pas non plus admis qu'un aide-monteur électricien effectuant de petits travaux chez des particuliers puisse se prévaloir de besoins professionnels déterminants (ATA/17/2001 du 9 janvier 2001).

Dans un arrêt du 14 septembre 2000, le Tribunal administratif a jugé qu'un contrevenant qui exerçait la profession de transport de messageries à titre indépendant pouvait se prévaloir de besoins professionnels. Il tient également compte de la situation financière de l'intéressé (ATA/199/1999 du 9 février 1999).

En l’espèce, arrêtant la mesure contestée à quatre mois, le SAN a fait une juste application du large pouvoir d’appréciation que lui reconnaît le tribunal de céans, s’agissant d’un cas de concours d’infractions et de conduite dans un état d’ébriété dépassant largement le taux d’alcool qualifié. Même sans prendre en compte les antécédents du recourant, qui datent de l’année 2000, la durée du retrait est proportionnée à la gravité des infractions commises au mois de septembre 2006. Quant à ses besoins professionnels, ils ne sont pas pertinents au sens de la jurisprudence. Il n’y a donc pas lieu de la revoir.

9. Mal fondé le recours est rejeté. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure arrêtés en l’espèce à CHF 400.- (art. 87 al. 1er LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2006 par Monsieur C______ contre la décision du service des automobiles et de la navigation du 17 octobre 2006 pour une durée de quatre mois ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

 communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant ainsi qu'au service des automobiles et de la navigation et à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Hurni et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :