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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4030/2015

ATA/79/2016 du 26.01.2016 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4030/2015-PRISON ATA/79/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 janvier 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon depuis le 6 octobre 2014, à la suite de trois condamnations à des peines privatives de liberté prononcées par ordonnances pénales du Ministère public de Genève, respectivement les :

- 22 juin 2014 pour une peine de cent quatre-vingts jours pour vol, infraction à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

- 8 août 2014 pour une peine de quatre mois pour vol d’importance mineure et infraction à la LEtr ;

- 22 octobre 2014 pour une peine de six mois pour vol, infraction à la LEtr et infraction à la LStup.

2. M. A______ a obtenu, à compter du 1er juin 2015, un travail en atelier au sein de la buanderie de Champ-Dollon.

3. Depuis le 9 octobre 2015, il partage une cellule avec Monsieur B______.

4. À 10h15 le 6 novembre 2015, le gardien principal de la buanderie a été contacté téléphoniquement par l’unité 2 sud. Un training gris de marque C______ manquait dans le cornet des habits du détenu D______.

Le gardien a constaté que M. A______, présent dans la buanderie, portait un training gris sur lui. Après avoir demandé à M. A______ de présenter le jogging, le gardien a constaté que le vêtement correspondait à celui manquant.

Le training a été montré à M. D______, qui l’a reconnu.

M. A______ a été mis en cellule forte à 10h25.

Le même jour, la direction de l’établissement a signifié, à 14h50 et après avoir entendu l’intéressé, une décision de sanction de trois jours de cellule forte pour vol d’habit et lui a supprimé son travail.

5. Par acte du 17 novembre 2015, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Le jogging provenait de son compagnon de cellule qui le lui avait confié pour le laver. Il contestait l’avoir volé.

6. Par réponse du 11 décembre 2015, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours. Entre 2003 et 2014, M. A______ avait séjourné à vingt-six reprises dans l’établissement, dont au moins seize séjours suite à une condamnation pour vol.

Il ne pouvait pas être reproché à l’intimé d’avoir mal établi les faits. La procédure de gestion du linge des personnes détenues impliquait que chaque détenu, tout au long de la semaine, remplisse un formulaire avec mention des données personnelles, de la liste des habits et des quantités. Les détenus plaçaient le linge dans des cornets. Les dimanches, le personnel de surveillance emmenait les cornets à l’extérieur de la porte d’entrée de la buanderie. Le linge, lavé, était restitué au détenu au plus tard le vendredi suivant. Par ailleurs, les mercredi et vendredi, le linge des détenus sortants, mis à disposition par l’institution (draps, taies d’oreiller par exemple), était transporté à la buanderie.

L’intimé persistait dans ses explications. Le vendredi 6 novembre 2015 correspondait précisément au jour de la restitution du linge à l’aile 2 sud. Le co-détenu de M. A______ ne s’était jamais plaint de la disparation d’un training. À l’inverse, M. D______ avait immédiatement signalé la disparition de son jogging, dont la description précise avait permis de constater qu’il correspondait à celui en possession de M. A______. Il était établi que le recourant avait commis un vol d’habit durant son activité au sein de l’atelier buanderie. La sanction consistant en trois jours de placement en cellule forte était proportionnée, le vol au sein de la prison, singulièrement dans le cadre de l’exercice d’une activité en atelier, essentielle au bon fonctionnement de l’établissement, était intolérable et justifiait pleinement la sanction prononcée. Ceci était d’autant plus juste qu’il s’agissait du vingt-sixième séjour de l’intéressé dans l’établissement et qu’il ne pouvait pas prétendre ignorer les règles de fonctionnement et les comportements attendus.

La privation de travail était également proportionnée, dans la mesure où l’intéressé bénéficiait de la possibilité de se réinscrire sur la liste d’attente en vue de l’obtention d’une nouvelle place de travail. Il avait d’ailleurs fait usage de cette faculté et se trouvait, le 11 décembre 2015, en douzième place.

7. Par réplique des 7 décembre 2015 et 2 janvier 2016, M. A______ a persisté dans ses explications. Il avait commencé son travail à 7h45 en portant le jogging litigieux, confié par son co-détenu. Il était possible de vérifier dès lors qu’il y avait des caméras à la sortie de sa cellule et dans les escaliers. Il avait enlevé le jogging pour le laver dès son arrivée à la buanderie. Il l’avait confié à un collègue en lui demandant de mettre l’habit à la machine alors qu’il devait aller chercher le linge sale et le trier. Il était revenu et avait terminé son travail aux alentours de 10h10. Chaque détenu de la buanderie avait alors repris ses vêtements. Il avait pris le training pour aller le repasser. Il l’avait enfilé. C’était à ce moment que le chef l’avait appelé dans son bureau. Celui-ci ne l’avait pas cru lorsqu’il lui avait expliqué la situation. Le chef avait soutenu que le détenu était arrivé en short. M. A______ avait insisté pour que les bandes vidéo soient visionnées. Il avait été mis en cellule forte. Le sous-chef était venu discuter. Il s’était absenté cinq minutes du cachot avant de revenir pour le sanctionner.

8. Par courrier du 11 janvier 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant sollicite la production des bandes enregistrées par les caméras de surveillance à sa sortie de cellule le 6 novembre 2015 aux alentours de 7h45.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84).

En l’espèce, cette mesure d’instruction n’est pas déterminante. Même à considérer que le détenu ait possédé le jogging querellé le matin même, ce seul fait n’est pas de nature à modifier la solution du litige. Pour le surplus, le rapport de dénonciation établi le 6 novembre 2015 par l’intimé relate précisément les faits qui se sont déroulés le même jour. Le dossier étant complet, la chambre administrative dispose des éléments nécessaires pour statuer sans donner suite à la demande de visionnement des bandes vidéo présentée par le recourant.

3. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

4. Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

Selon l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur de la prison est compétent pour prononcer, notamment, la privation de travail (let. e), le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. f).

5. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, sont l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – contrevenant auxdites obligations. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux personnes incarcérées, étant instauré, dans ce cadre, pour protéger le fonctionnement normal de l’établissement de détention. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/972/2015 du 22 septembre 2015 et les références citées).

De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/295/2015 du 24 mars 2015).

6. En l'espèce, le recourant conteste la sanction qui lui a été infligée. Toutefois, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le rapport établi par le gardien. Le recourant se limite à indiquer une autre version des faits quant à la provenance du jogging. Sa version est contredite par la plainte du détenu dont le jogging avait disparu, par l’absence de plainte du co-détenu de l’intéressé, par le fait que le détenu volé a dûment reconnu son habit, que le 6 novembre 2015 correspondait précisément à la date de la restitution du linge à l’unité dans laquelle se trouvait le plaignant ainsi qu’à un jour d’activité dans la buanderie du recourant. Celui-ci ne conteste d’ailleurs pas ces faits.

De surcroît, compte tenu de la jurisprudence précitée, la chambre de céans retiendra que l’incident s’est déroulé conformément à ce qui est décrit dans le rapport établi par l’agent de détention. Le visionnement des bandes vidéo n’est pas déterminant dès lors que le gardien a affirmé que le détenu était arrivé en short et que même à considérer que tel n’était pas le cas, ce fait ne serait pas encore de nature à prouver que le training appartenait au co-détenu du recourant.

Le vol étant à proscrire de manière absolue dans un établissement carcéral, d’autant plus lorsque le détenu le pratique dans le cadre d’un atelier, la commission de tels faits justifie le prononcé d'une sanction de placement en cellule forte. Dans la mesure où il n’est pas fait mention d’antécédents, la quotité de trois jours doit être considérée comme proportionnée. De même, la suppression du travail apparaît fondée, le détenu ayant profité de l’atelier pour y pratiquer son activité délictuelle. Dès lors, le principe de la sanction, de même que sa quotité, seront confirmés.

7. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 


 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2015 par Monsieur A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 6 novembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :