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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/262/2009

ATA/328/2009 du 30.06.2009 ( SECUIN ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 11.08.2009, rendu le 03.09.2009, IRRECEVABLE, 1B_101/2009
Descripteurs : ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : RRIP.42 ; RRIP.44 ; RRIP.45 ; RRIP.57
Résumé : En infligeant deux jours de cellule forte au recourant pour avoir insulté le personnel dans un courrier, le directeur de la prison a violé le principe de la proportionnalité. Il en a fait de même en lui infligeant quatre jours de cellule forte pour lui avoir adressé une lettre d'insulte. La gravité des faits reprochés au recourant doit en effet être relativisée, l'ordre interne de la prison n'ayant pas été mis en danger.
Rectification d'erreur matérielle : "rectification d'erreur matérielle le 29 juillet 2009"
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/262/2009-SECUIN ATA/328/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 juin 2009

 

dans la cause

 

Monsieur B______

contre

LE DIRECTEUR DE LA PRISON DE CHAMP-DOLLON

_________



EN FAIT

1. Monsieur B______ est en détention préventive à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 1er octobre 2008, prévenu d'injures et de menaces.

Procédure A/262/2009

2. Par décision du 28 décembre 2008, le directeur de la prison a sanctionné M. B______ pour insultes graves et répétées ainsi que refus d'obtempérer. L'intéressé devait exécuter quatre jours de cellule forte. Cette sanction, déclarée exécutoire nonobstant le recours, a été exécutée du 28 décembre 2008 à 10h55 au 1er janvier 2009 à 10h00.

3. M. B______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre cette décision par une lettre datée du 27 janvier 2009, reçue le lendemain. Le motif de la sanction était erroné. De plus, il n'avait pas pu bénéficier de soins médicaux pendant l'exécution de la punition.

4. Le 19 janvier 2009, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours. L'intéressé avait utilisé de manière abusive la sonnette de sa cellule et avait dit "allez vous faire foutre" à une personne venue lui apporter des médicaments. Il s'était opposé à sa conduite en cellule forte et la fouille avait du être réalisée sous la contrainte. Juste avant le prononcé de la sanction, M. B______ avait admis avoir proféré des injures à l'encontre du personnel ; il avait dit au directeur "vous aussi, vous êtes un terroriste et un lâche".

En annexe à sa détermination, le directeur de la prison a produit un rapport rédigé le 28 décembre 2008 par un gardien. A 08h15, M. B______ avait sonné et exigé des médicaments contre les maux de tête. Le service médical avait été averti. L'intéressé avait continué de sonner sans cesse pour obtenir ses médicaments et s'était montré agressif et malhonnête, malgré les explications qui lui avaient été données. Le gardien-chef d'étage était aussi intervenu pour demander à M. B______ de cesser de sonner, en vain. La sous-cheffe du jour avait été informée et s'était rendue au service médical pour obtenir deux comprimés de paracétamol. Avant de les remettre à M. B______, elle avait voulu lui expliquer la façon de procéder et l'intéressé lui avait dit : "allez vous faire foutre". Elle avait alors décidé son transfert en cellule forte. M. B______ avait voulu prendre ses dossiers, ce qui lui avait été refusé. La contrainte avait été utilisée pour l'extraire de sa cellule, le fouiller et le conduire en cellule forte. Pendant cette intervention, M. B______ n'avait pas arrêté de menacer et d'insulter le personnel. Après la fouille, ses médicaments lui avaient été remis.

 

5. Le 25 février 2009, le Tribunal administratif a transmis la réponse du directeur de la prison à M. B______ et lui a accordé un délai au 16 mars 2009 pour se déterminer à son sujet.

6. Par courrier daté du 8 mars 2009 et reçu par le tribunal le 11 mars 2009, M. B______ a indiqué qu'il avait commencé une grève de la faim pour protester contre sa détention illégale. A ce pli était annexé un courrier daté du 23 février 2009 qui, selon l'intéressé, avait fait l'objet d'un refus de transmission par la prison.

7. Après avoir informé les parties que la cause était gardée à juger, le Tribunal administratif a rejeté le recours, par arrêt du 17 mars 2009 (ATA/134/2009).

8. Par pli daté du 13 mars 2009, parvenu au Tribunal administratif le 20 mars 2009, M. B______ a exposé qu'il avait des migraines très fortes, dues au stress. Dès son arrivée à la prison, le service médical avait placé en réserve, à son attention, du paracétamol qu'il pouvait demander si la douleur était insupportable.

Le 27 décembre 2008, il avait demandé à recevoir ce médicament ; il avait été prié d'attendre le lendemain. Le 28 décembre 2009, à 08h15, le gardien lui avait dit qu'il allait chercher le médicament. Ne voyant rien revenir, il s'était informé à 08h47 auprès d'un autre gardien et il lui avait été indiqué que son médicament n'était pas encore arrivé. Il s'était encore informé à 09h32, mais le médicament n'était toujours pas disponible. A ce moment-là, sa tête explosait littéralement et il avait sonné afin de demander qu'une infirmière vienne, en urgence. Cela lui avait été refusé à 09h39. Il avait fait une nouvelle demande à 09h50, en pleurs, toujours en vain. C'est alors qu'il avait indiqué à la personne qui lui répondait "allez vous faire foutre" et cette dernière lui avait répondu "non, vous, allez vous faire foutre". Les gardiens l'avaient alors forcé à laisser ses dossiers dans la cellule. Il voulait les prendre afin d'éviter que des pièces ne disparaissent, ce qui était déjà arrivé. Les surveillants l'avaient alors plaqué au sol et il s'était cogné la tête, ce qui l'avait fait saigner. Son poignet droit avait été tordu jusqu'à provoquer une lésion sérieuse, démontrée ultérieurement par IRM et qui nécessiterait, selon les médecins, une opération pour récupérer l'usage de deux tendons. M. B______ avait demandé au juge d'instruction de sauvegarder les vidéos de surveillance de la prison, en vain.

Pendant son séjour en cellule forte, il n'avait pas bénéficié de soins médicaux.

9. Saisi par M. B______, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt rendu le 17 mars 2009 (Arrêt du Tribunal fédéral 1B_101/2009). Le Tribunal administratif devait statuer à nouveau, en tenant compte de la détermination datée du 13 mars 2009.

Procédure A/858/2009

10. Par décision du directeur de la prison rendue 19 février 2009, déclarée exécutoire nonobstant recours, M. B______ a fait l'objet d'un placement en cellule forte pendant deux jours, pour insultes envers le personnel.

Cette sanction a été exécutée entre le 19 février à 14h45 et le 21 février 2009 à 14h45.

11. M. B______ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre cette décision par courrier du 23 février 2009, parvenu au Tribunal administratif en annexe au pli du 8 mars 2009, mentionné ci-dessus.

12. Invité à se déterminer, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours le 9 avril 2009.

Le 19 février 2009, un gardien l'avait informé que M. B______ lui avait adressé des courriers le traitant de néo-nazi et d'incapable.

Antérieurement, M. B______ avait fait l'objet de plusieurs rapports d'incidents :

- le 8 janvier 2008, l'intéressé avait pris son dossier médical avec lui pour se rendre chez le physiothérapeute ;

- le 21 janvier 2009, M. B______ était allé au service médical pour une consultation radiologique, prenant avec lui l'ensemble de son dossier, comme à son habitude. Procédant au contrôle de ce dossier, un gardien avait trouvé une importante quantité de médicaments. Ces derniers avaient été remis au service médical, qui avait restitué à l'intéressé une pochette contenant les médicaments nécessaires. Le recourant avait demandé à voir un médecin, et le gardien lui avait expliqué que cela n'était pas possible. M. B______ avait alors manifesté son mécontentement en faisant un doigt d'honneur. Au vu des problèmes psychiatriques de l'intéressé, ce dernier avait été ramené en cellule par les gardiens du service médical, et le sous-chef avait été prévenu.

M. B______ s'était excusé par écrit auprès du gardien de ce geste ;

- le 6 février 2009, M. B______ avait écrit au directeur de la prison pour signaler qu'il n'avait pas pu rendre les livres à la bibliothèque. Il indiquait aussi que le 29 janvier 2009 un des gardiens avait dit, devant témoins, "qu'il entrerait volontiers à la Gestapo pour faire un peu d'ordre ici". Il s'étonnait qu'on puisse être à la fois membre du parti national-socialiste et gardien à Champ-Dollon.

La sanction, fondée sur l'art. 47 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.4), disposition elle-même fondée sur l'art. 1 al. 3 et 4 de la loi sur l'organisation du personnel de la prison du 21 juin 1984 (LOPP - F 1 50 ), respectait le principe de la proportionnalité, car M. B______ maniait l'insulte et l'invective d'une manière incompatible avec le bon fonctionnement de l'établissement.

13. Par courrier du 14 avril 2009, le juge délégué a demandé au directeur de la prison de verser à la procédure un tirage des courriers mentionnés dans le rapport du 18 février 2009. Le 22 avril 2009, le directeur de la prison a indiqué que le gardien en question n'avait pas conservé ces plis, n'en voyant pas l'intérêt.

14. M. B______ s'est déterminé le 14 mai 2009. Il s'étonnait que les courriers injurieux qu'il aurait envoyés aient été détruits. Les propos tenus dans le courrier du 6 février 2009 n'étaient pas diffamatoires. Il s'agissait d'une dénonciation que la prison devait instruire. De plus, les rapports contenaient des contradictions, notamment sur la possibilité de prendre son dossier avec lui lorsqu'il se rendait au service médical.

Ces éléments devaient amener le Tribunal administratif à annuler la sanction.

Procédure A/1110/2009

15. Par décision du 26 février 2009, le directeur de la prison a infligé à M. B______ une sanction de quatre jours en cellule forte, motivée par une lettre d'insultes qu'il lui avait adressée.

Cette décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, a été exécutée entre le 26 février à 08h05 et le 27 février 2009 à 10h40, puis entre le 5 mars à 14h00 et le 8 mars 2009 à 11h00.

16. Par courrier du 24 mars 2009, M. B______ a recouru contre cette sanction. Le motif était faux. Ce pli est parvenu au Tribunal administratif le 27 mars 2009.

17. Invité à se déterminer, le directeur de la prison a conclu au rejet du recours. M. B______ lui avait écrit le 24 février 2009, en le traitant "de menteur, de lâche et de corrompu".

Le 26 février 2009, une sanction avait été prononcée. Le jour-même, au moment de la fouille, avant son placement en cellule forte, l'intéressé s'était retourné volontairement en direction du personnel de surveillance et avait "lâché un vent", ce qui avait entraîné la rédaction d'un rapport d'incident. L'exécution de la sanction avait été interrompue du fait du transfert de M. B______ à l'unité cellulaire psychiatrique. La sanction prononcée respectait le principe de la proportionnalité.

Le courrier litigieux avait la teneur suivante :

" Monsieur [le nom du directeur],

Menteur, lâche et corrompu directeur :

Deux lettres dont j'ai le droit d'envoyer au Tribunal administratif et à la commission de conciliation en matière de baux et loyers m'ont été retournées avec la consigne de les envoyer ouvertes.

Cette action est illégale, digne d'une dictature de merde, et de tout lâche de merde qui veut violer les droits les plus basiques.

J'ai commencé donc une grève de la soif, en plus de celle de la faim que j'avais déjà commencée, et refuse de parler à tout employé de votre Goulag jusqu'à ce que mes droits me soient restitués.

Veuillez agréer toutes méprises imaginables. "

18. Le 6 mai 2009, le juge délégué a requis du Procureur général une éventuelle expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de la procédure pénale.

19. Par courrier daté du 19 mai 2009, et parvenu au Tribunal administratif le 27 mai 2009, M. B______ a maintenu ses conclusions. La lâcheté était de fuir ou d'essayer d'éviter ses responsabilités, d'abuser de son pouvoir envers ceux qui n'avaient aucune défense. Rien n'avait été fait pour conserver les vidéos qui auraient démontré la violence qu'il avait subie le 28 décembre 2008 ; l'IRM montrait pourtant clairement les lésions causées. Toute personne qui ne remplissait pas sa fonction en sachant qu'elle ne faisait pas son devoir commettait un acte de corruption, même si elle n'avait pas reçu d'argent pour ce faire.

20. Le 27 mai 2009, le Procureur général a transmis :

a) Une expertise judiciaire réalisée par le Centre universitaire romand de médecine légale, datée du 6 mars 2009. Il en ressortait que M. B______ souffrait d'un trouble délirant persistant, caractérisé par la présence très dominante d'idées délirantes, hors réalité, à contenu paranoïaque. Le thème délirant était centré sur des idées de persécutions et M. B______ avait actuellement un sentiment de danger de mort. Au vu de cet état, il avait réaménagé ses rapports avec le monde : il s'était reconstruit un monde à lui, indépendant de la logique de la réalité et de l'existence des autres. Il n'était plus à même de percevoir le caractère illicite de ses actes et était totalement irresponsable. De plus, il ne reconnaissait pas son trouble et niait toute nécessité de traitement ;

b) un procès-verbal d'une audience tenue par le juge d'instruction du 21 avril 2009, au cours de laquelle l'expert avait confirmé ses conclusions.

Il ressort des notes du juge que M. B______ avait, dans un premier temps, refusé de s'asseoir ainsi que de parler au juge, puis s'était assis et avait siffloté pendant tout le reste de l'audience;

c) une ordonnance de non-lieu rendue par la Chambre d'accusation le 26 mai 2009. M. B______ était irresponsable. Il n'y avait pas lieu de continuer la poursuite de la procédure pénale ouverte à son encontre du chef de menaces et d'injures et l'intéressé devait être placé dans une institution en milieu fermé.

21. Le 4 juin 2009, le juge délégué a informé les parties que la procédure A/262/2009 avait été réouverte suite à l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral ; la procédure était en état d'être jugée en tenant compte de la prise de position de M. B______ du 13 mars 2009. La procédure A/858/2009 était aussi en état d'être jugée. Un délai était accordé à M. B______, dans la procédure A/1110/2009, pour faire parvenir ses observations au sujet des documents transmis par le Procureur général.

22. Par courrier du 16 juin 2009, parvenu au Tribunal administratif le 19 juin 2009, M. B______ a indiqué qu'il avait saisi le Tribunal fédéral d'un recours contre le prononcé pénal. Le Tribunal administratif avait en mains des rapports contradictoires qui mériteraient l'ouverture d'une procédure pour faux témoignage ; des documents importants, tels la vidéo de l'évènement du 28 décembre 2008, n'étaient en revanche pas en sa possession.

23. Le 22 juin 2009, les parties ont été informées que la cause A/1110/2009 était aussi gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA).

Les causes n° A/262/2009, n° A/858/2009 et n° A/1110/2009 soulevant des problèmes juridiques similaires et opposant les mêmes parties, le tribunal de céans procédera à leur jonction sous le n° A/262/2009.

3. Aux termes de l’art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée et modifiée.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3).

Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; Arrêt du tribunal fédéral 6B.34/2009 du 20 avril 2009, consid. 3; ATA/146/2009 du 24 mars 2009 consid. 3).

Il résulte du dossier que l'intéressé a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires et que, dans ce cadre-là, il a été placé en cellule forte. Un nouvel écart de comportement du détenu ne peut donc être exclu, suite auquel celui-ci risque d'être à nouveau sanctionné. La durée de la sanction étant de 10 jours au plus, elle aura pris fin avant que le tribunal de céans n'ait pu statué sur un recours, ce d'autant que les punitions litigieuses ont toutes été déclarées exécutoires nonobstant recours. Dans ce contexte, le Tribunal administratif renoncera à l'exigence de l'intérêt actuel, bien que M. B______ ait subi toutes les sanctions qui lui ont été infligées.

4. Selon l'art. 42 RRIP, les détenus doivent observer les dispositions de ce règlement, les instructions du directeur de l'office pénitentiaire, les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison. En toutes circonstances, les détenus doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Aux termes de l'art. 45 let. h RRIP, qui porte la note marginale "actes prohibés", il est interdit au détenu, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement. De plus, en cas d'urgence, le détenu peut, de jour ou de nuit, appeler les fonctionnaires préposés à la surveillance en utilisant l'appareil électrique placé dans chaque cellule, tout abus étant sanctionné (l'art. 57 al. 1 et al. 2 RRIP).

a. En ce qui concerne la punition du 28 décembre 2008, M. B______ admet, dans la détermination du 13 mars 2008, avoir utilisé la sonnette à cinq reprises afin de demander des médicaments, alors que les surveillants lui avaient indiqué s'occuper de sa demande dès le premier appel. De plus, il admet avoir dit à une surveillante "allez vous faire foutre". Ces deux éléments constituent objectivement des violations des dispositions précitées.

b. Concernant la sanction prononcée le 19 février 2009, le Tribunal administratif constate que le gardien à qui les courriers contenant les propos litigieux avaient été adressés les a détruits, ne voyant pas l'intérêt de conserver de tels documents. Malgré cet élément, les termes utilisés dans les courriers détruits ne peuvent être mis en doute, car ils ont été confirmés au cours d'un entretien entre M. B______ et le directeur de la prison. Le fait de qualifier un surveillant de "néo-nazi" et d'"incapable" constitue objectivement une attitude incorrecte à l'égard du personnel de la prison.

c. De même, le fait d'écrire au directeur de la prison qu'il est "lâche", "menteur" et "corrompu" constitue objectivement une violation de l'art. 44 RRIP.

5. a. Lorsqu'un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art 47 al. 1 RRIP).

Le directeur de la prison a la compétence de prononcer, cas échéant en les cumulant, les sanctions suivantes (art. 47 al. 3 et al. 4 RRIP) :

a) suppression de visite pour 15 jours au plus ;
b) suppression des promenades collectives ;
c) suppression d'achat pour 15 jours au plus ;
d) suppression de l'usage des moyens audiovisuels pour 15 jours au plus ;
e) privation de travail ;
f) placement en cellule forte pour 5 jours au plus.

b. Les sanctions disciplinaires prévues par le RRIP, que l'autorité peut infliger aux détenus, personnes se trouvant dans un rapport de droit spécial, ressortent du droit administratif et non du droit pénal lorsqu'elles ne dépassent pas une certaine gravité. Le Tribunal fédéral a ainsi eu l'occasion d'indiquer qu'une mise à l'isolement strict d'une durée de 20 jours devait être considérée comme une mesure disciplinaire (Arrêt du Tribunal fédéral du 20 avril 2009 6B.34/2009 consid. 2.2 ; ATF 125 I 104). Le prononcé d'une sanction disciplinaire doit respecter les principes généraux du droit administratif notamment celui de la proportionnalité (RDAF 2007 I 227). Les sanctions disciplinaires ont pour but le maintien de l'ordre à l'intérieur d'un groupe de personnes auxquelles le droit disciplinaire s'applique (ATF 108 Ia 316 = JdT 1984 I 188, consid 5b).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 1P. 269/2001 du 7 juin 2001, consid. 2c ; ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482). En application de ces principes, l'autorité doit choisir la nature et la quotité de la sanction en tenant compte du genre et de la gravité du manquement de l'intéressé, ainsi qu'au but d'intérêt public recherché (RDAF 2007 I 236).

6. a. En l'espèce, M. B______ s'est vu infliger quatre jours de cellule forte le 28 décembre 2008. Il lui était reproché d'avoir abusé de la sonnette, d'avoir insulté une surveillante et de ne pas avoir obtempéré aux ordres qu'il avait reçus en s'opposant à sa mise en cellule forte.

L'ordre et le fonctionnement de la prison ont été sérieusement perturbés par les agissements reprochés au recourant, en particulier par la mobilisation du personnel qu'ils ont nécessité, et par les troubles que ces faits ont entrainés dans l'établissement.

A décharge, M. B______ fait valoir d'une part le temps mis pour lui apporter un médicament et la souffrance - qui n'est pas contestée - due à ses maux de tête, et d'autre part les lésions que l'intervention des surveillants aurait occasionnées.

Ce dernier élément n'a manifestement pas de pertinence, puisqu'il est postérieur aux faits reprochés à M. B______. De même, le temps mis pour apporter un médicament à l'intéressé n'est pas de nature à alléger les reproches qui lui sont faits. En effet, il est notoire que les surveillants de la prison sont extrêmement occupés du fait de la surpopulation carcérale, ce qui permet de comprendre que ces derniers ne peuvent être au service des détenus, même lorsque ces derniers souffrent de maux de tête.

En dernier lieu, l'état psychique du recourant, qui ressort notamment de l'expertise psychiatrique transmise par le Procureur général, n'apparaît pas avoir joué de rôle dans l'incident, tant selon la description faite par l'inculpé que selon le rapport d'incident produit à la procédure.

Cette sanction sera confirmée, et le recours rejeté.

b. Le 19 février 2009, il a été reproché au recourant d'avoir insulté le personnel, et deux jours de cellule forte lui ont été infligés.

La gravité des faits apparaît très relative, dès lors que les insultes en question n'ont pas été faites publiquement, mais dans des courriers adressés à un surveillant, que ce dernier a détruits car il ne voyait pas l'intérêt de les conserver. L'ordre interne de la prison n'a pas été gravement touché par cet épisode, resté confidentiel. Au surplus, les lettres litigieuses apparaissent faire suite à une dénonciation formée par M. B______ au sujet de propos tenus par un gardien qui, s'ils étaient confirmés, ne seraient pas anodins. Le dossier produit par l'autorité intimée ne donne toutefois aucune indication au sujet des suites données à cette dénonciation.

De plus, les faits reprochés au recourant apparaissent directement liés à son état psychiatrique et à la pathologie dont il souffre.

Dans ces circonstances, la sanction infligée, qui est la sanction la plus grave que celle à disposition du directeur de la prison, et la quotité de cette dernière, ne respectent pas le principe de la proportionnalité.

Dès lors que la sanction a été intégralement exécutée, le Tribunal administratif se limitera à constater cette situation sans prononcer une autre sanction ni retourner le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle procède à un tel acte.

c. Le 26 février 2009, M. B______ a été sanctionné par quatre jours de cellule forte pour avoir adressé au directeur une lettre d'insultes.

A nouveau, la gravité des faits reprochés à M. B______ doit être relativisée, l'ordre interne de la prison n'ayant pas été mis en danger. De plus, la lettre adressée au directeur ne se limite pas à l'insulter, mais soulève aussi le problème de la transmission des courriers au Tribunal administratif. En dernier lieu, l'utilisation des invectives par le recourant apparaît être directement liée à son état psychiatrique, ce dont il y a lieu de tenir compte.

Dans ces circonstances, tant la quotité de la sanction infligée que le choix de cette dernière ne respectent pas le principe de la proportionnalité, ce que le tribunal constatera.

7. Les autres griefs soulevés par M. B______, notamment liés aux lésions qu'il auraient subies à la fin de l'année 2008, à l'attitude des diverses personnes intervenant dans son dossier et aux prétendus mensonges ressortant des rapports, ne sont pas de la compétence du Tribunal administratif, ce dernier se limitant à contrôler les décisions disciplinaires rendues à l'encontre de détenus.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Dès lors que les sanctions ont été exécutées, il n'est matériellement plus possible de les annuler. En conséquence, le Tribunal administratif se limitera à constater que les sanctions prononcées les 19 et 26 février 2009 ne respectent pas le principe de la proportionnalité. Le recours sera rejeté en ce qui concerne la sanction prononcée le 28 décembre 2008.

Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

ordonne la jonction des causes n° A/262/2009, n° A858/2009 et n° A/1100/2009 sous le n° A/262/2009 ;

 

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 27 janvier, 8 mars et 24 mars 2009 par Monsieur B______ contre les décisions du directeur de la Prison de Champ-Dollon des 28 décembre 2008, 19 et 26 février 2009 ;

 

au fond :

admet partiellement les recours ;

constate que les sanctions prononcées les 19 et 28 février 2009 ne respectent pas le principe de la proportionnalité ;

confirme la sanction prononcée le 28 décembre 2008 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur B______ ainsi qu'au directeur de la Prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :