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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/555/2016

ATA/228/2016 du 14.03.2016 sur JTAPI/175/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/555/2016-MC ATA/228/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2016

en section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Philippe Currat, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2016 (JTAPI/175/2016)


EN FAIT

1. M. A______, né le ______ 1976, est originaire de Russie.

2. Par décision du 11 juin 2013, l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté une demande d’asile déposée par M. A______ le 30 juillet 2012, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 6 août 2013 pour quitter la Suisse, faute de quoi il s’exposait à des moyens de contraintes.

Par arrêt du 22 octobre 2013 (D-4021/2013), le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté un recours qu’il avait formé contre cette décision.

3. Le 29 octobre 2013, le SEM a imparti à M. A______ un délai au
26 novembre 2013 pour quitter la Suisse, délai qu’il n’a pas respecté.

4. Le 26 novembre 2013, M. A______ a formé auprès du SEM une demande de reconsidération de sa décision du 11 juin 2013. À l’appui de celle-ci, il a fait valoir le non-respect de ses droits procéduraux au cours de la procédure d’asile. Il s’est opposé à son renvoi en invoquant l’état de stress post-traumatique dont, étant d’origine tchétchène, il souffrait consécutivement à la guerre qui avait eu lieu dans son pays. Il se fondait sur un rapport médical faisant état de la recrudescence de la symptomatologie anxio-dépressive dont il était atteint.

5. Le 29 novembre 2013, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a auditionné M. A______ et a demandé le soutien du SEM à l’exécution du renvoi.

6. Le 27 mars 2014, le SEM a rejeté la demande de reconsidération précitée, la prise en charge des soins d’une personne présentant le type d’atteinte psychique dont le recourant souffrait étant assurée dans son pays d’origine.

Par arrêt du 14 mai 2014, le TAF a déclaré irrecevable, pour tardiveté, le recours interjeté par M. A______ contre cette décision.

7. Par la suite, M. A______ a systématiquement fait savoir à l’OCPM qu’il refusait de retourner en Russie. Il n’était en effet pas russe, mais tchétchène, et ne pouvait obtenir de passeport de ses autorités, car ce pays était envahi par les Russes. Il en est allé ainsi lors d’une audition du 3 juin 2014, de même que lors d’une audition du 22 janvier 2015.

8. Le 6 mars 2015, le SEM a informé l’OCPM que les autorités russes avaient accepté la réadmission de M. A______. Elles confirmaient par là une première acceptation qu’elles avaient déjà communiquée au SEM le 20 juin 2014.

9. Le 12 mars 2015, l’OCPM a demandé à la police d’exécuter le renvoi de
M. A______.

10. Le 30 avril 2015, M. A______ a été interpellé et placé, par ordre de l’officier de police et sur la base de l’art. 77 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), en détention administrative pour une durée de soixante jours. Un vol pour son rapatriement à destination de Moscou avait été réservé pour le 7 mai 2015.

11. Lors de son audition préalable par l’officier de police, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner en Russie.

À l’audience du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 1er mai 2015, il a cependant fait valoir que le 12 février 2015, il avait déposé auprès du SEM une demande de reconsidération de sa décision de refus d’asile du 6 août 2013, assortie d’une demande de restitution de l’effet suspensif. En outre, il a produit un certificat médical du 2 décembre 2014 établi par la Dresse B______, psychiatre-psychothérapeute FMH, dont il ressortait un épisode dépressif majeur dû à un état de stress post-traumatique. Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, la dernière fois du 24 mars 2015 au 7 avril 2015 à la clinique genevoise de Montana. Le SEM n’avait pas encore statué.

12. Par jugement du 1er mai 2015, le TAPI a annulé l’ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre de l’intéressé et ordonné sa libération immédiate. Un risque de soustraction à son renvoi ne paraissait nullement établi.

13. Par décision du 5 mai 2015, le SEM a rejeté la demande de réexamen formée le 15 février 2015 par M. A______ à l’endroit de la décision du 11 juin 2013 rejetant sa demande d’asile et prononçant son renvoi. Il n’y avait pas d’éléments nouveaux qui n’aient déjà été traités. L’intéressé ne se trouvait pas dans une situation où son renvoi était impossible. Notamment, sa situation de santé n’empêchait pas l’exécution du renvoi.

14. Le 5 mai 2015, les services de police ont écrit à M. A______. Celui-ci devait se présenter le 7 mai 2015 à 07h00 aux fins de prendre l’avion et il serait accompagné par trois agents et un médecin.

Par courrier du même jour, le conseil de M. A______ a invité la compagnie aérienne à refuser l’embarquement. Sur cette base, celle-ci a avisé les autorités suisses qu’elle annulait avec effet immédiat le billet d’avion établi pour le vol du 7 mai 2015.

15. Par acte du 6 mai 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès du TAF contre la décision du SEM du 5 mai 2015 précitée.

Le même jour, par décision incidente, le TAF a refusé de mettre
M. A______ au bénéfice de l’assistance judiciaire, son recours étant dénué de toute chance de succès.

16. À la suite de cela, l’OCPM a organisé un vol spécial à destination de Moscou.

17. Par arrêt du 2 juin 2015 (D-2878/2015), le TAF a déclaré irrecevable le recours de M. A______ du 6 mai 2015, faute d’avance de frais.

18. Le 18 juin 2015, M. A______ a été interpellé par les services de police et, le même jour, un officier de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre fondé sur les art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 ainsi que 77 LEtr, pour une durée de soixante jours, en vue de l’exécution du renvoi.

Lors de son audition devant l’officier de police, M. A______ s’est opposé à sa mise en détention administrative. En effet, à la date de son interpellation, il se trouvait hospitalisé à la clinique de Belle-Idée, et ce depuis le 6 mai 2015. Il s’engageait à se présenter à l’audience de contrôle de la détention devant le TAPI. Il contestait présenter un risque de fuite, dès lors qu’il était hospitalisé dans un lieu connu des autorités. Il s’opposait catégoriquement à son renvoi en Russie.

19. Le 22 juin 2015, M. A______ a été entendu par le TAPI. Depuis sa libération prononcée le 1er mai 2015, jusqu’à sa mise en détention, il avait été hospitalisé de manière volontaire à la clinique de Belle-Idée.

Il s’est référé à un rapport médical du 19 juin 2015, établi sur formulaire du SEM par le Dr C______ et contresigné par son chef de clinique. À teneur de ce document, qui complétait un rapport du chef de clinique du 18 juin 2015, M. A______, qui avait été examiné le 18 juin 2015, avait été hospitalisé à la clinique de Belle-Idée dès le 6 mai 2015, ceci pour une durée indéterminée. Il souffrait d’un état de stress post-traumatique ainsi que d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère accompagné de symptômes psychotiques. Le patient avait des idées suicidaires et des ruminations anxieuses envahissantes associées aux idées de persécution. Il faisait l’objet d’un traitement à base de pharmacothérapie psychotrope associé à une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intensive. La poursuite de ce traitement était nécessaire, y compris dans un cadre ambulatoire. Sans traitement, le pronostic était très mauvais ; l’état dépressif se péjorerait avec une augmentation des idées de persécution, de comportements auto- et hétéro-agressifs, avec un risque majeur de raptus suicidaire et de mise en danger de la vie d’autrui. Avec traitement, si l’intéressé pouvait poursuivre son séjour en Suisse, le pronostic était moyen à bon. On pouvait en effet espérer une diminution, voire un amendement du risque suicidaire et ensuite éventuellement la rémission de l’épisode dépressif actuel. Si M. A______ devait retourner dans son pays, le pronostic dépendrait du degré de réintégration de celui-ci dans son milieu d’origine, avec un fort risque d’exacerbation de la symptomatologie post-traumatique présente au moment où il avait quitté son pays. Il dépendrait également de la possibilité de poursuivre un suivi psychiatrique à un rythme hebdomadaire associé à une pharmacothérapie. Dans la partie du formulaire destinée au médecin accompagnant lors du vol spécial, l’auteur du rapport précisait, dans la rubrique « contre-indication à un rapatriement sous contrainte par voie aérienne », que la symptomatologie dépressive sévère avec éléments psychotiques de persécution et idéation suicidaire active constituait une contre-indication à un renvoi sous contrainte par voie aérienne. Dès lors, le patient devait faire l’objet d’une surveillance rapprochée continue avec inventaire, l’anxiolyse étant suffisante.

Selon le conseil de M. A______ et à teneur d’une déclaration signée par ce dernier, celui-ci était en grève de la faim depuis le 19 juin 2015.

20. Par jugement du 22 juin 2015, notifié par voie postale, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ du 18 juin 2015, pour une durée de soixante jours.

Il existait un risque de fuite au sens de la loi. Le TAPI ne pouvait revoir les motifs qui avaient fondé le rejet de la demande d’asile de l’intéressé et son renvoi de Suisse. Bien qu’étant hospitalisé depuis le 6 mai 2015, M. A______ n’avait fait établir un certificat médical relatif à son état de santé que le 18 juin 2015. Sur la base des pièces en possession du TAPI, l’impossibilité du renvoi n’était pas attestée, ni le fait que l’intéressé ne pourrait trouver de soins appropriés une fois de retour dans son pays. Le maintien en détention étant proportionné, il y avait lieu de la confirmer.

21. Par ordre d’écrou du 22 juin 2015, signé de la directrice du centre de détention de Frambois qui suivait un ordre du Dr D______, responsable du service médical dudit centre, M. A______ a été transféré au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), dans l’une des unités carcérales. De fait, il a été hospitalisé au sein de l’unité carcérale de la clinique de Belle-Idée.

22. Suite à cela, M. A______ n’a pas pu être refoulé par le moyen du vol spécial prévu le 23 juin 2015 à destination de Moscou.

23. Par acte posté le 30 juin 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité reçu le 23 juin 2015. Il concluait à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Préalablement, il sollicitait la restitution de l’effet suspensif à son recours.

Sur le fond, il s’opposait à sa mise en détention administrative. Celle-ci constituait un acte de torture ou un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), proscrit par cette disposition.

Le maintien en détention visait à faire exécuter une mesure de renvoi qui, vu son état de santé, serait impossible à réaliser, même par le biais d’un vol spécial. Il impliquerait en effet le recours à des mesures de contraintes telles qu’elles seraient constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant à son encontre.

24. Par décision du 7 juillet 2015, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif, traitée également sous l’angle d’une requête en mesures provisionnelles.

25. Le 8 juillet 2015, l’officier de police a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait réussi à empêcher toute tentative d’exécution de son renvoi, y compris par le vol spécial organisé pour le 23 juin 2015. Il était détenu à l’établissement de Curabilis.

26. Par arrêt du 9 juillet 2015 (ATA/714/2015), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par M. A______ le 30 juin 2015 contre le jugement du TAPI.

C’était à juste titre que le TAPI avait confirmé l’existence d’un risque de fuite au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr.

Sous l’angle de la proportionnalité, à ce stade de la procédure et au vu des pièces produites, les problèmes d’atteinte à sa santé psychique rencontrés par
M. A______, même s’ils avaient pu s’aggraver en mai 2015 au moment où l’autorité avait voulu le renvoyer, ne pouvaient être retenus comme représentant un élément empêchant de manière absolue son renvoi au sens de l’art. 80 al. 6
let. a LEtr. Le fait qu’une personne souffre de problèmes de nature psychiatrique n’était pas en soi un empêchement à la mise en détention administrative et une telle mesure ne constituait pas pour elle-même un traitement proscrit par
l’art. 3 CEDH ; la question devait cependant être examinée en rapport avec l’objectif de pouvoir concrètement et effectivement procéder au renvoi de la personne concernée. Dans l’attente des dispositions que l’autorité intimée ne manquerait pas de prendre suite à l’échec du vol du 23 juin 2015, le recourant, qui pouvait faire l’objet d’une prise en charge thérapeutique adéquate au sein de l’établissement Curabilis, dans le cadre de la détention administrative, devait y être maintenu.

27. Par décision du 3 août 2015, l'OCPM a ordonné la levée de la détention administrative de M. A______, en raison de son état de santé et pour des motifs d’opportunité.

28. Au début du mois de février 2016, en vue de l'organisation à nouveau du renvoi de M. A______, le SEM a obtenu la délivrance par les autorités russes d'un laissez-passer en faveur de l'intéressé.

29. Par décision du 18 février 2016 à 22h16, l'officier de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______, détenu depuis 11h15 le matin, pour une durée de soixante jours, fondée sur l'art. 77 al. 1 LEtr, exposant que le SEM avait obtenu la délivrance de ce laissez-passer.

30. Lors de son audition du même jour par l’officier de police, lors de laquelle il était assisté de son conseil, M. A______ a indiqué refuser de répondre aux questions qui lui étaient posées, au motif qu'il n'était pas russe mais tchétchène. Son conseil a indiqué qu'il suivait un traitement médical, un certificat médical attestant son état de santé ayant été déposé ce jour à l'OCPM. L’officier de police a quant à lui précisé que les médicaments qui avaient été apportés ce jour à l’intéressé se trouvaient dans le dépôt de celui-ci.

31. Le même jour à 22h50, l'officier de police a transmis par courriel cet ordre de mise en détention au TAPI, puis, un peu plus tard, à titre confidentiel, la version scannée d'un document attestant l'inscription de l’intéressé sur un vol spécial pour Moscou, indiquant la date du vol prévu.

32. Dans les observations de son conseil formulées en fin d’après-midi du
19 février 2016 et immédiatement transmises à l'officier de police, M. A______ s’est opposé à sa détention et a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention en cause.

Était transmis, en sus des rapports médicaux déjà au dossier, un rapport médical du 8 février 2016 rédigé par la Dresse B______, que M. A______ avait déposé à l'OCPM le jour de son arrestation, diagnostiquant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques « vs » trouble délirant persistant, un état de stress post-traumatique et une modification durable de la personnalité, sans précision. « Depuis les évènements traumatiques survenus en été 2015 (interventions policières, détention administrative, grève de la faim), l'évolution clinique [était] défavorable, actuellement le syndrome de stress
post-traumatique [était] en voie de décompensation associé à l'état dépressif sévère avec les symptômes psychotiques persistants. La persistance des symptômes de nature psychotique [était] actuellement le facteur aggravant son état de santé ». Les idées suicidaires étaient toujours bien présentes et scénarisées. Le pronostic était catastrophique sans traitement, et les contre-indications à un rapatriement sous contrainte par voie aérienne étaient la symptomatologie psychotique persistance et le risque majeur du passage à l'acte
auto-hétéro-agressif.

Était également joint au recours un rapport établi le 20 août 2015 par le chef de clinique, à teneur duquel, notamment, M. A______, dans sa détermination, ne pouvait « en aucun cas se représenter une alternative à une issue violente en cas de nouvelle intervention policière ou de procédure de renvoi, que ce soit sur un mode suicidaire et/ou hétéro-agressif », du fait « qu’il [valait] mieux anticiper une mort qui serait certaine s’il se retrouvait en Tchétchénie sur un mode de représailles à son encontre ». En cas de rapatriement, les recommandations du chef de clinique à l’attention du médecin accompagnant consistaient en un soutien et une surveillance continus, une anxiolyse suffisante et une médication sédative de réserve en cas d’agitation.

Était aussi produite une lettre de sortie établie le 30 octobre 2015 par le chef de clinique pour la sortie de M. A______ de la clinique de Belle-Idée.

Selon le conseil de M. A______, il était ainsi impossible de soigner celui-ci « tant qu'il [endurait] ou se [trouvait] sous la menace d'interventions policières ou de détentions administratives, lesquelles le [traumatisaient] et le [poussaient] à des actes auto-agressifs ». La dernière arrestation avait d'ailleurs immédiatement engendré une nouvelle décompensation importante et il refusait aujourd'hui de se nourrir ou de s'abreuver, M. A______ ayant entamé le 19 février 2016 une nouvelle grève de la faim et de la soif jusqu’à ce que les autorités genevoises le libèrent de Frambois, selon attestation signée le même jour.

En droit, l'intéressé faisait valoir en substance une violation du droit d'être entendu, l'ordre de mise en détention ne contenant pas de motivation quant à sa proportionnalité et à son adéquation, et sa détention s'avérait disproportionnée et illicite. La détention violait en effet l'interdiction de tout traitement inhumain et dégradant ainsi que de la torture. M. A______ ne résisterait par ailleurs pas au vol reliant Genève à Moscou au vu de son état de santé.

33. Par jugement du 22 février 2016, notifié le 24 février suivant, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par l’officier de police le 18 février 2016 à 22h16 à l'encontre de M. A______ pour une durée de soixante jours, soit jusqu'au 18 avril 2016.

Les conditions d’application de l’art. 77 al. 1 LEtr étaient remplies. En effet, M. A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire prononcée à son encontre par le SEM le 11 juin 2013. En outre, il n'avait pas quitté la Suisse dans le délai qui lui avait été imparti au 26 novembre 2013. Enfin, il n'avait pas réuni les documents permettant son retour dans son pays, les autorités suisses ayant dû se procurer elles-mêmes les documents de voyage nécessaires permettant le refoulement de l'intéressé en Russie, soit un laissez-passer en sa faveur.

L'exécution la détention trouvait également son fondement dans l'art. 76
al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr, dont les autres conditions étaient également toujours remplies.

Le TAPI faisait siens les considérants de l’arrêt de la chambre administrative du 9 juillet 2015, selon lesquels les dispositions prises relatives aux modalités de la détention qui s’effectuait en milieu protégé sur le plan médical rendaient la décision de mise en détention administrative compatible avec l’art. 3 CEDH.

Les éléments dont le TAPI disposait dans la présente procédure, et notamment le dernier rapport médical du 8 février 2016, n'attestaient pas l'impossibilité du renvoi lui-même, ni le fait que M. A______ ne pourrait trouver de soins appropriés une fois de retour dans son pays, mais uniquement le danger que l'exécution du renvoi pourrait faire peser sur sa vie ou sur celle d'autrui, notamment en raison de ses idéations auto- et hétéro-agressives. Cependant, les questions relatives à la sécurité du vol et à l'encadrement médical de ce dernier échappaient à la cognition du TAPI, pour autant qu'il ne dispose pas d'éléments concrets indiquant une préparation insuffisante du vol. Il était enfin rappelé que les personnes refoulées faisaient préalablement l'objet d'un contrôle médical confirmant leur aptitude au vol, lequel était renouvelé le jour même du renvoi, et que toutes les mesures nécessaires à cette fin étaient prises en cas de besoin. À ce stade de la procédure et au vu des pièces produites, les problèmes d’atteinte à sa santé psychique rencontrés par l'intéressé ne pouvaient pas être retenus comme représentant un élément empêchant de manière absolue son renvoi au sens de
l’art. 80 al. 6 let. a LEtr.

34. Par acte expédié le 2 mars 2016 au greffe de la chambre administrative et reçu le lendemain, M. A______ a formé recours contre ce jugement. Il concluait, « avec suite de frais et dépens », à ce que la chambre administrative, préalablement, ordonne sur mesures provisionnelles, à titre de mesures conservatoires, la suspension de l’exécution de son renvoi jusqu’à droit connu dans la présente cause, restitue l’effet suspensif au recours et ordonne sa libération immédiate, au fond, annule le jugement querellé et ordonne sa libération immédiate.

Notamment, vu son état de santé actuel et les conséquences hautement néfastes qu’avait sur lui la détention, l’ordre de mise en détention administrative, confirmé par le TAPI alors qu’il était déterminé à poursuivre sa grève de la faim et de la soif jusqu’à sa libération ou jusqu’à sa mort, constituait une violation de l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant telle que garantie par les dispositions conventionnelles et légales, dont l’art. 3 CEDH.

35. Par lettre et fax du 3 mars 2016 du juge délégué, la chambre administrative a informé les parties de ce que, saisie d’un recours en matière de mesures de contraintes, elle n’était en tout état de cause pas compétente pour se prononcer, même sur mesures provisionnelles ou superprovisionnelles, sur la suspension de l’exécution du renvoi.

36. Par télécopie du 3 mars 2016, l’avocat de M. A______ a écrit à la chambre administrative avoir été informé ce jour de ce que celui-ci aurait été emmené à l’établissement Curabilis par la police. Malgré ses tentatives d’entrer en contact avec l’OCPM, il restait sans nouvelle sur la situation de son mandant, ignorant si, par hypothèse, il aurait été libéré ou emmené à l’aéroport.

37. Par lettre du 3 mars 2016, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

38. Par écriture du 8 mars 2016 adressée par fax et courrier à la chambre administrative, l’officier de police a exposé que le recourant avait été refoulé en Russie par vol spécial avec accompagnement médical en date du 3 mars 2016, de sorte que le recours n’avait plus d’intérêt.

Sur le fond, il partageait entièrement l’analyse du TAPI.

Il concluait au rejet du recours dans la mesure où sa recevabilité était admise.

39. Par courrier daté du 9 mars 2016 et déposé le lendemain au greffe de la chambre administrative, M. A______ a maintenu son recours.

40. Par lettre du 10 mars 2016, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

41. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile – c'est-à-dire dans le délai de dix jours – devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr -
F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine.

La chambre administrative a toutefois, en se fondant sur les travaux préparatoires qui différencient les délais en fonction de l’atteinte à la liberté personnelle, considéré que, dès lors que le recourant n’est plus détenu, un report de quelques jours de ce délai n’est pas contraire au but de la loi et respecte cette dernière (ATA/1098/2015 du 13 octobre 2013 consid. 2).

3. Le présent arrêt est rendu le lundi suivant le samedi 12 mars 2016 constituant l’échéance du délai de l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr – dans l’hypothèse où le jour de réception du recours et les jours non ouvrables sont comptés – et respecte donc ledit délai.

4. La chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

5. a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39
consid. 2c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/759/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34
consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; Hansjörg SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2007,
n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; Karl SPUHLER/Annette DOLGE/Dominik VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], 2006, n. 5 ad art. 89 LTF
p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du
27 septembre 2005).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, notamment, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394
consid. 4 ; ATA/671/2015 du 23 juin 2015 et les références citées). Ainsi, en matière de renvoi des étrangers en situation irrégulière, lorsque l'objet de la procédure est limité à l'exécution du renvoi et que cette exécution a déjà eu lieu, il n'y a en principe plus d'intérêt actuel digne de protection à la poursuite de la procédure (ATA/1031/2014 du 17 décembre 2014 consid. 2a ; Jurisprudence et Informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2000 n. 24 p. 215 consid. 2b ; JAAC 65/2001 n. 7, Commission de recours en matière d'asile, du 19 avril 2000 ; François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, p. 120).

c. En matière de détention administrative et s’agissant d’un recours du SEM contre un arrêt de la chambre administrative, le Tribunal fédéral a indiqué qu'il pouvait se justifier de faire abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel au recours pour autant qu’il subsiste, par rapport à d’éventuels nouveaux cas pouvant se produire, un avantage suffisant à ce que la question litigieuse soit tranchée, par exemple s’il s’agit d’une question juridique nouvelle ou s’il n’est pas possible autrement de s’opposer au développement d’une pratique contraire au droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_445/2007 du 30 octobre 2007 et la jurisprudence citée ; ATA/1290/2015 du 4 décembre 2015 consid. 5f ; ATA/156/2013 du 7 mars 2013).

Il peut exceptionnellement être fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permette pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 136 II 101 consid. 1.1 ; 135 I 79 consid. 1.1).

La jurisprudence a par ailleurs admis, en matière de détention administrative, que l'autorité de recours doit entrer en matière pour examiner la licéité de la détention d'une personne libérée en cours de procédure, dans la mesure où le recourant invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (ATF 137 I 296 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2011 du
13 septembre 2011 consid. 3.3 ; ATA/305/2015 du 27 mars 2015 consid. 3a ; ATA/1031/2014 du 17 décembre 2014 consid. 2b).

d. La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/252/2013 du 23 avril 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/191/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/396/2010 du 8 juin 2010 ; ATA/277/2010 du 27 avril 2010).

6. En l’occurrence, il sera fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel au recours, le recourant invoquant une violation de la CEDH, la question de savoir si ce grief est défendable pouvant rester indécise vu les considérants qui suivent.

7. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH
(ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du
10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3 et les jurisprudences citées) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8. Aux termes de l’art. 77 LEtr (détention en vue du renvoi ou de l’expulsion en cas de non-collaboration à l’obtention des documents de voyage), l’autorité cantonale compétente peut ordonner la détention d’un étranger afin d’assurer l’exécution de son renvoi ou de son expulsion aux conditions suivantes : a. une décision exécutoire a été prononcée ; b. il n’a pas quitté la Suisse dans le délai imparti ; c. l’autorité a dû se procurer elle-même les documents de voyage (al. 1) ; la durée de la détention ne peut excéder soixante jours (al. 2) ; les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder (al. 3).

9. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision fédérale de renvoi de Suisse, définitive et exécutoire. Il n’a pas quitté la Suisse dans le délai imparti au 26 novembre 2013. Il s’y est au contraire opposé de manière systématique et déterminée et n’a pas présenté de documents permettant son voyage. L’autorité cantonale de police des étrangers a dû demander l’aide de l’autorité fédérale afin d’obtenir des laissez-passer des autorités du pays dont le recourant est ressortissant.

Les conditions nécessaires et cumulatives de l’art. 77 al. 1 LEtr sont ainsi remplies, ce que l’intéressé ne conteste du reste pas.

Les conditions des al. 2 et 3 sont également manifestement réunies, la mise en détention n’ayant été ordonnée que quatorze jours avant la date du vol spécial prévu.

10. a. À l'instar de l'art. 10 al. 3 Cst., l'art. 3 CEDH interdit de soumettre une personne à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le recourant se prévaut en outre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le
10 décembre 1984 (Convention contre la torture - RS 0.105).

b. Selon la jurisprudence rendue en matière d’exécution de peine, un traitement ne tombe sous le coup de l'art. 3 CEDH que s'il atteint un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative par essence. Elle dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement, de ses modalités d'exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Aucune disposition, notamment l'art. 3 CEDH, n'interdit en tant que telle la détention au-delà d'un certain âge ni n'impose d'« obligation générale » de libérer un détenu pour motif de santé. Le tableau clinique d'un détenu constitue toutefois l'une des situations pour lesquelles la question de la capacité à la détention est posée sous l'angle de l'article 3 CEDH. Dans une affaire donnée, la détention d'une personne atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état est durablement incompatible avec la vie carcérale peut donc poser des problèmes sous l'angle de l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2013 du
13 septembre 2013 et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée).

c. Les principes applicables en matière de détention pénale ne sont pas transposables tels quels lorsqu’il s’agit d’examiner sous l’angle de l’art. 3 CEDH le traitement d’une personne détenue administrativement. Il y a néanmoins possibilité de s’en inspirer s’agissant de l’incarcération d’une personne aux fins d’expulsion. Doivent cependant être prises en considération les exigences découlant de l’art. 81 LEtr. Ainsi, une mesure de placement en détention ne peut être ordonnée que si la personne peut être détenue dans des locaux adéquats (art. 81 al. 2 LEtr), ainsi que sous une forme qui respecte les besoins des personnes à protéger (art. 81 al. 3 LEtr), au nombre desquelles les personnes atteintes de maladies. En outre, de par l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, un maintien en détention n’est licite que si l’exécution du renvoi n’est pas impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, cette disposition renvoyant aux conditions de l’art. 83 LEtr, régissant celles de l’admission provisoire (ATA/714/2015 précité consid. 9).

Ainsi, le fait qu’une personne souffre de problèmes de nature psychiatrique n’est pas en soi un empêchement à la mise en détention administrative et une telle mesure ne constitue pas pour elle-même un traitement proscrit par l’art. 3 CEDH. La question doit cependant être examinée en rapport avec l’objectif de pouvoir concrètement et effectivement procéder au renvoi de la personne concernée (ATA/714/2015 précité consid. 9).

11. a. En l’espèce, à tout le moins avant son renvoi vers la Russie le 3 mars 2016, l’état de santé physique et psychique du recourant n’avait pas fondamentalement changé depuis la date à laquelle l’ATA/714/2015 avait été rendu. Les principaux diagnostics – état de stress post-traumatique ainsi que trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère accompagné de symptômes psychotiques – étaient les mêmes le 9 juillet 2015 et avant le 3 mars 2016, avec des idées suicidaires et des ruminations anxieuses envahissantes associées aux idées de persécution. En outre, à ces deux époques, l’intéressé était en grève de la faim et de la soif.

b. Même indépendamment de l’exécution du renvoi le 3 mars 2016, son atteinte à la santé ne pouvait pas être considérée comme un empêchement absolu à l’exécution de son renvoi au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr. Il est à cet égard relevé que l’intéressé a vu par deux fois ses demandes de reconsidération à l’endroit de la décision initiale du SEM du 11 juin 2013, qui invoquaient notamment son état de santé, rejetées par cette autorité.

Par ailleurs, la chambre administrative, saisie d’un recours en matière de détention administrative, n’est pas compétente pour se prononcer sur les modalités et possibilités d’un vol spécial ainsi que sur la prise en charge du recourant lors dudit vol.

c. Comme l’a considéré la chambre de céans dans l’ATA/714/2015 précité, le recourant pouvait faire, également dans le cadre de la présente procédure, l’objet d’une prise en charge thérapeutique adéquate au sein de l’établissement Curabilis, voire, si besoin, au sein de l’une des unités carcérales des HUG, comme cela s’était du reste passé dans le cadre de la précédente procédure de mesure de contrainte, jusqu’à la fin de cette mesure décidée le 3 août 2015 par l’OCPM.

Le devoir de l'État de préserver la vie des personnes détenues, découlant de l'art. 2 CEDH, l'oblige à tout mettre en œuvre pour les empêcher de se suicider et, en cas de tentative, à leur porter secours. Il en va de même si un détenu refuse de s'alimenter. Dans le cadre de l’application des art. 92 du Code pénal suisse du
21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 36 al. 1 Cst., à certaines conditions, l'autorité d'application des peines peut ordonner qu'un détenu qui se livre à une grève de la faim prolongée soit alimenté de force ; dès lors, en vertu de la subsidiarité de l'interruption, ladite autorité ne saurait interrompre l'exécution de la peine ou de la mesure d'un gréviste de la faim si rien n'empêche de retenir que le risque d'atteinte à la santé pourra être écarté, le moment venu, par l'alimentation forcée de l'intéressé (ATF 136 IV 97, qui a examiné cette question notamment sous l’angle de l’art. 3 CEDH). Partant, ni la détermination du recourant de mener une grève de la faim et de la soif, ni le risque suicidaire allégué n’étaient de nature à rendre la détention administrative litigieuse incompatible avec l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le fait que l’OCPM avait ordonné le 3 août 2015 la levée de la détention administrative du recourant ne pouvait pas avoir pour effet d’exclure à l’avenir une telle détention, ce d’autant moins que cette décision de l’OCPM était motivée non seulement par l’état de santé de l’intéressé, mais également par des motifs d’opportunité, liés peut-être à l’éventuelle impossibilité du renvoi dans le délai de soixante jours.

d. Sous l’angle de la proportionnalité (art. 36 Cst.) – et si tant est que les griefs du recourant soient encore recevables sur ce point, ce qui peut demeurer indécis –, comme l’a considéré la chambre de céans dans l’ATA/714/2015 précité
consid. 12, malgré la gravité des troubles psychiques du recourant, l’intérêt public à son renvoi prévalait, au 3 mars 2016, sur son intérêt privé à voir cesser sans délai la mesure le privant de sa liberté. Vu l’opposition farouche du recourant à son renvoi, on ne voit pas quelle autre mesure moins incisive pouvait être ordonnée à la place de la détention administrative contestée.

12. Vu ce qui précède, la détention administrative litigieuse n’ayant été ni illicite ni disproportionnée, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 2 mars 2016 par
M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2016 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Currat, avocat du recourant, à l'officier de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Dumartheray, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :