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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3777/2010

ATA/191/2011 du 22.03.2011 ( PROF ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AGENT DE SECURITE; SANCTION ADMINISTRATIVE ; INTÉRÊT ACTUEL
Normes : CE.22 ; L-CES.4
Résumé : Recours contre une décision infligeant un avertissement à M. Grec ainsi qu'une amende. L'amende ayant déjà été payée avant le dépôt des recours, ceux-ci sont irrecevables sur ce point. Recours de M. Grec admis en revanche pour le surplus dans la mesure où il n'existe pas de base légale ni réglementaire prévoyant une sanction telle que l'avertissement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3777/2010-PROF ATA/191/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 mars 2011

1ère section

 

dans la cause

 

 

Monsieur G______

et

S______S.A.
représentés par Me Nicola Meier, avocat

 

contre

 

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POLICE ET DE L'ENVIRONNEMENT



EN FAIT

1. Monsieur G______ est autorisé à exploiter les entreprises de sécurité S______ S.A., au Grand-Saconnex et C______ S.A., dans la commune de Vernier.

2. Le 10 août 2010, le service des armes, explosifs et autorisations de la police a dénoncé S______ S.A au département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : le département).

Cette dernière n’avait pas retourné les cartes de légitimation de deux de ses agents, qui étaient arrivées à échéance.

3. Le 17 août 2010, le département a interpellé M. G______. Il envisageait de lui infliger un avertissement, ainsi qu’une amende administrative, car il avait soit omis d’annoncer le départ de ses agents, soit il n’avait pas présenté la demande de renouvellement quadriennal en temps utile.

4. Le 30 août 2010, S______ S.A. a demandé au département de faire preuve d’indulgence quant à l’amende administrative. M. G______ avait été en vacances et l’assistante administrative qui signait le courrier n’avait pu procéder au renouvellement et « à la sortie » des deux collaborateurs concernés dans le délai.

5. Le 20 septembre 2010, le département a reçu de S______ S.A. une demande de renouvellement quadriennal d’autorisation concordataire pour agent de sécurité, datée du 25 août 2010, visant l’un des agents concernés.

6. Le 24 septembre 2010, le département a reçu de S______ S.A., pour l’autre agent, une formule d’annonce de départ. L’intéressé avait quitté S______ S.A. le 20 juin 2010. Ce document était daté du 23 août 2010.

7. Par décision du 4 octobre 2010, le département a infligé à M. G______ un avertissement, ainsi que, solidairement avec S______ S.A., une amende administrative de CHF 700.-.

Les autorisations délivrées à deux des agents de sécurité de l’intéressé étaient devenues caduques les 19 et 20 juillet 2010, et n’avaient fait l’objet ni d’une annonce de départ, ni d’une annonce de renouvellement dans le délai.

8. Par actes mis à la poste le 4 novembre 2010, M. G______ et S______ S.A. ont saisi le Tribunal administratif devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) de deux recours contre la décision précitée, reçue le 7 octobre 2010. Ces recours ont été joints d’entrée de cause dans une procédure unique.

Selon les directives d’application du concordat sur les entreprises de sécurité, cette dernière disposait d’un délai d’un mois pour annoncer le départ d’un agent. La menace d’avertissement et la mise en demeure avaient été adressées avant le terme de ce délai.

Ces délais n’étaient pas fixés par le concordat, ni par son règlement d’exécution, mais par une directive et l’on ne saurait qualifier un retard de quelques jours de manquement grave. Cette même directive prévoyait que le département fixait un délai si, à l’expiration d’une autorisation, il n’avait pas reçu la carte de légitimation concernée en retour.

La décision litigieuse devait être annulée.

9. Le 6 décembre 2010, le département s’est opposé au recours.

M. G______ s’était déjà vu notifier six avertissements avec des amendes entre CHF 100.- et CHF 500.- pour des faits similaires, entre 2007 et 2010.

L’amende administrative de CHF 700.- avait été payée le 21 octobre 2010, soit avant le dépôt du recours. En ce qui concernait cette sanction, les recours étaient irrecevables pour défaut d’intérêt actuel.

De plus, seul M. G______ pouvait recourir contre l’avertissement, la société S______ S.A. n’ayant pas d’intérêt personnel à quereller cette sanction.

Au surplus, le département maintenait et développait les éléments figurant dans la décision litigieuse.

10. Le 7 février 2011, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

M. G______ a indiqué qu’il ne contestait pas les antécédents mentionnés par le département, ni les explications données quant au calendrier qui avait été suivi pour les annonces litigieuses, ni quant à celui qui aurait dû être suivi.

L’amende avait été réglée.

Il contestait l’absence de souplesse du département et le fait que les impondérables, tels que maladies, vacances, etc., n’étaient pas pris en compte. Il y avait cent à cent cinquante employés chez S______ S.A., et cinquante dans son autre entreprise. Le taux d’erreur dans les délais d’annonce était marginal.

Le département commettait aussi des bévues ; ce dernier avait, par exemple, délivré deux cartes portant le même numéro, ce qui entraînait des fautes dans l’entreprise.

L’équipe administrative n’était pas nombreuse et, si une personne était en vacances, il n’était pas possible de nommer un remplaçant. Lorsque lui-même était absent, les requêtes ne pouvaient être signées.

De son côté, le département a relevé qu’une centaine d’entreprises de sécurité était soumise à sa surveillance. Seules cinq ou six posaient régulièrement problème, notamment celles dont s’occupait M. G______. La gestion administrative n’était pas difficile puisqu’il suffisait d’avoir un agenda et de le gérer.

Selon les directives, le département devait adresser une notification uniquement lorsqu’une carte n’était pas restituée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Au terme de l’audience, la procédure a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010.

3. La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité du recours. En particulier, le recourant doit avoir encore intérêt à la poursuite de la procédure.

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision ou la loi est annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 185 ; 110 Ia 140 ; 104 Ia 487), la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 précité ; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166 et les références citées), le recourant a payé, sans émettre aucune réserve, la somme d’argent fixée par la décision litigieuse ou encore, en cas de recours concernant une décision personnalissime, lorsque le décès du recourant survient pendant l’instance (P. MOOR, Droit administratif, Berne 1991, p. 642 ; ATF 113 Ia 352 ; ATA/665/2004 du 24 août 2004).

a. En l’espèce, le recourant a payé, avant le dépôt des recours et sans émettre de réserve l’amende qui lui avait été infligée. La décision attaquée a ainsi été exécutée et a déployé tous ses effets. Les recours sont dès lors irrecevables à cet égard.

b. L’avertissement, infligé à M. G______ à titre personnel, ne peut être contesté par S______ S.A. Le recours de cette dernière est dès lors aussi irrecevable sur ce point.

4. L’autorisation d’engager du personnel n’est donnée à une entreprise de sécurité qui si les conditions de l’art 9 al. 1 du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14) sont remplies par l’agent de sécurité ou le responsable de l’entreprise. La durée de validité de cette autorisation est de quatre ans (art. 12 al. 1 CES). Les entreprises de sécurité doivent communiquer immédiatement aux autorités cantonales compétentes toute modification de l’état de leur personnel (art. 11 al. 1 CES).

Selon l’art. 8 al. 1 du règlement concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 19 avril 2000 (RCES - I 2 14.01), l'annonce de la cessation d'activité d'une personne au sein d'une entreprise de sécurité doit être faite au moyen de la formule prévue à cet effet et elle entraîne automatiquement la caducité des autorisations relatives à cette personne.

5. a. Une commission concordataire est instituée par l’art. 27 CES. Cette dernière a pour tâches de veiller à une application uniforme du concordat dans les cantons, et elle doit édicter à cet effet les directives nécessaires et donner aux autorités compétentes, sur requête, des instructions dans des cas d'espèce (art. 28 CES).

b. En application des dispositions précitées, la commission concordataire a notamment adopté la directive générale du 28 mai 2009 concernant le CES (ci-après : la directive) qui peut être consultée soit sur le site internet de la conférence latine des chefs de département de justice et police (http://www.cldjp.ch/concordats/securite.html), soit sur celui de la police cantonale genevoise (http://www.geneve.ch/police/a-votre-service/entreprises-de-securite/).

c. Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, Berne, 1994, ch. 3.3.5.1). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ibidem, ch. 3.3.5.4).

d. Le paragraphe 2.9 de la directive fait obligation aux entreprises de sécurité d’annoncer à l’autorité la cessation de l'activité d'un agent de sécurité soit avant le départ, mais pas plus d'un mois à l'avance, soit dans un délai d'un mois après le départ. D’autre part, le paragraphe 2.10.4 prévoit que les requêtes de renouvellement doivent être présentées au moins deux mois avant la date d'échéance des autorisations.

En l'espèce, M. G______ admet, à juste titre, que tant l'annonce de départ que la demande de renouvellement n'ont pas été transmises à l'autorité dans le délai prévu par la directive, violant ainsi l’art. 11 CES.

6. Selon l'article 22 al. 1 let b CES, intitulé « contraventions » , les personnes qui contreviennent aux dispositions des art. 11, 15A, 16, 17, 18, 19, 20 et 21, al. 2 de ce texte sont passibles des arrêts ou de l’amende, étant précisé que les dispositions du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) « relatives aux contraventions sont applicables ». La négligence, la tentative et la complicité sont toutefois punissables.

L’art. 4 al. 1 de la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 2 décembre 1999 (L-CES - I 2 14.0) donne au département la compétence d’infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à celui qui contrevient aux dispositions des art. 11, 15A, 16, 17, 18, 19, 20 et 21, al. 2 du CES.

En revanche, ces textes ne prévoient pas la possibilité d’infliger un avertissement.

Partant, le recours sera admis, dans la mesure où il est recevable, la sanction soumise à la chambre administrative n’ayant aucune base légale ou réglementaire.

7. Au vu de l’issue du litige, le recours de M. G______ sera admis dans la mesure où il est recevable. Celui de S______ S.A sera déclaré irrecevable. Un émolument de procédure de CHF 300.- sera mis à la charge de cette dernière entreprise, un émolument de CHF 150.- à la charge de M. G______ et un émolument de CHF 150.- à celle du département. (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à M. G______, dont le recours est partiellement admis pour des motifs qu’il n’avait pas soulevés.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 4 novembre 2010 par S______ S.A. contre la décision du département de la sécurite, de la police et de l'environnement du 4 octobre 2010 ;

déclare irrecevable le recours interjeté le 4 novembre 2010 par Monsieur G______ contre la décision du département de la sécurité, de la police et de l'environnement du 4 octobre 2010 en ce qu’elle lui inflige une amende de CHF 700.-;

au fond :

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours de Monsieur G______ ;

annule la décision du département de la sécurité, de la police et de l'environnement du 4 octobre 2010 en ce qu’elle lui inflige un avertissement ;

met à la charge de S______ S.A. un émolument de CHF 300.- ;

met à la charge de M. G______ un émolument de CHF 150.- ;

met à la charge du département de la sécurité, de la police et de l'environnement un émolument de CHF 150.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicola Meier, avocat des recourants ainsi qu'au département de la sécurité, de la police et de l'environnement.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :