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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2096/2015

ATA/714/2015 du 09.07.2015 sur JTAPI/750/2015 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2096/2015-MC ATA/714/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2015

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Philippe Currat, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 juin 2015 (JTAPI/750/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1976, est originaire de Russie.

2) Le 11 juin 2013, l’office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM) a rejeté une demande d’asile déposée par M. A______ le 30 juillet 2012. Il était renvoyé de Suisse et un délai au 6 août 2013 lui était imparti pour quitter la Suisse, faute de quoi il s’exposait à des moyens de contraintes. Le 22 octobre 2013, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté un recours qu’il avait formé contre cette décision (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-42021/2013).

3) Le 29 octobre 2013, le SEM a imparti à M. A______ un délai au 26 novembre 2013 pour quitter la Suisse, délai qu’il n’a pas respecté.

4) Le 26 novembre 2013, M. A______ a formé auprès du SEM une demande de reconsidération de sa décision du 11 juin 2013. À l’appui de celle-ci, il a fait valoir le non-respect de ses droits procéduraux au cours de la procédure d’asile Il s’est opposé à son renvoi en invoquant l’état de stress post-traumatique dont, étant d’origine tchétchène, il souffrait consécutivement à la guerre qui avait eu lieu dans son pays. Il se fondait sur un rapport médical faisant état de la recrudescence de la symptomatologie anxio-dépressive dont il était atteint.

5) Le 29 novembre 2014, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a acheminé au SEM une demande de soutien à l’exécution du renvoi.

6) Le 27 mars 2014, le SEM a rejeté la demande de reconsidération précitée. À propos de l’état de santé du recourant, il a rappelé que cet élément rendait un renvoi inexigible que si, lors d’un retour dans le pays d’origine, l’intéressé ne pouvait pas être mis au bénéfice des soins essentiels, soit des soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Une telle situation ne prévalait pas en Russie, la prise en charge des soins d’une personne présentant le type d’atteinte psychique dont le recourant souffrait était assurée. Le 14 mai 2014, le TAF a déclaré irrecevable, pour tardiveté, le recours interjeté par M. A______ contre cette décision.

7) À la suite de cela, M. A______ a systématiquement fait savoir à l’OCPM qu’il refusait de retourner en Russie. Il n’était en effet pas russe, mais tchétchène, et ne pouvait obtenir de passeport de ses autorités, car ce pays était envahi par les Russes. Il en est allé ainsi lors d’une audition du 3 juin 2014.

8) Le 20 juin 2014, le SEM a informé l’OCPM que les autorités russes avaient accepté de réadmettre M. A______ et de lui délivrer les documents de voyage nécessaires.

9) Lors d’une audition du 22 janvier 2015, M. A______ a persisté dans son refus de collaborer à l’organisation de son départ.

10) Le 6 mars 2015, le SEM a informé l’OCPM que les autorités russes avaient accepté la réadmission de M. A______. Elles confirmaient par là une première acceptation qu’elles avaient déjà communiquée au SEM le 20 juin 2014.

11) Le 12 mars 2015, l’OCPM a demandé à la police d’exécuter le renvoi de M. A______.

12) Le 30 avril 2015, M. A______ a été interpellé et placé en détention administrative pour une durée de soixante jours. Un vol pour son rapatriement à destination de Moscou avait été réservé pour le 7 mai 2015.

13) Lors de son audition préalable par l’officier de police, M. A______ a déclaré qu’il ne s’opposait pas à son renvoi de Suisse. À l’audience du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 1er mai 2015, il a cependant fait valoir que le 12 février 2015, il avait déposé auprès du SEM une demande de reconsidération de sa décision de refus d’asile du 6 août 2013, assortie d’une demande de restitution de l’effet suspensif. En outre, pour s’opposer à son maintien en détention administrative, il a produit un certificat médical du 2 décembre 2014 établi par le Docteur B______, dont il ressortait un épisode dépressif majeur dû à un était de stress post-traumatique. Il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, la dernière fois du 24 mars 2015 au 7 avril 2015 à la clinique genevoise de Montana. Le SEM n’avait pas encore statué.

14) Le 1er mai 2015, le TAPI a annulé l’ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre de l’intéressé et ordonné sa libération immédiate. Un risque de soustraction à son renvoi ne paraissait nullement établi.

15) Le 5 mai 2015, le SEM a rejeté la demande de réexamen formée le 15 février 2015 par M. A______ à l’endroit de la décision du 11 juin 2013 rejetant sa demande d’asile et prononçant son renvoi. Il n’y avait pas d’éléments nouveaux qui n’aient déjà été traités. L’intéressé ne se trouvait pas dans une situation où son renvoi était impossible. Notamment, sa situation de santé n’empêchait pas l’exécution du renvoi.

16) Le 5 mai 2015, les services de police ont écrit à M. A______. Celui-ci devait se présenter le 7 mai 2015 à 07h00 aux fins d’y prendre l’avion et il serait accompagné par trois agents et un médecin. Le même jour, le conseil de M. A______ s’est adressé à la compagnie aérienne exploitant l’avion devant le ramener en Russie en lui exposant que son client considérait que sa vie serait menacée en cas de renvoi vers la Russie et qu’il s’opposerait à son embarquement par tous les moyens possibles. Celui-ci souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique lié aux évènements subis durant la guerre en Tchétchénie, et il avait menacé de se suicider s’il était forcé d’embarquer sur le vol prévu. Dans ces circonstances, la compagnie aérienne était invitée à refuser l’embarquement. Sur cette base, la compagnie aérienne concernée a avisé les autorités suisses qu’elle annulait avec effet immédiat le billet d’avion établi pour le vol du 7 mai 2015.

17) Le 6 mai 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès du TAF contre la décision du SEM du 5 mai 2015 précitée.

Le même jour, par décision incidente, le TAF a refusé de mettre M. A______ au bénéfice de l’assistance judiciaire, son recours étant dénué de toute chance de succès.

18) À la suite de cela, l’OCPM a organisé un vol spécial à destination de Moscou.

19) Le 2 juin 2015, le TAF a déclaré irrecevable le recours de M. A______ du 6 mai 2015, faute d’avance de frais (arrêt du Tribunal administratif fédéral
D-2878/2015).

20) Le 18 juin 2015, M. A______ a été interpellé par les services de police et, le même jour, un officier de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre, pour une durée de soixante jours, en vue de l’exécution du renvoi.

Lors de son audition devant ce dernier, M. A______ s’est opposé à sa mise en détention administrative. À la date de son interpellation, il se trouvait en effet hospitalisé à la clinique de Belle-Idée, et ce depuis le 6 mai 2015. Il s’engageait à se présenter à l’audience de contrôle de la détention devant le TAPI. Il contestait présenter un risque de fuite, dès lors qu’il était hospitalisé dans un lieu connu des autorités. Il s’opposait catégoriquement à son renvoi en Russie.

21) Le 22 juin 2015, M. A______ a été entendu par le TAPI. Depuis sa libération prononcée le 1er mai 2015, jusqu’à sa mise en détention, il avait été hospitalisé de manière volontaire à la clinique de Belle-Idée. Il s’est référé à un rapport médical du 19 juin 2015, établi sur formulaire du SEM par le Docteur C______ et contresigné par son chef de clinique.

À teneur de ce document, M. A______, qui avait été examiné le 18 juin 2015, avait été hospitalisé à la clinique de Belle-Idée dès le 6 mai 2015, ceci pour une durée indéterminée. Il souffrait de troubles dépressifs récurrents, avec un épisode actuel sévère accompagné de symptômes psychotiques. Il souffrait également d’un état de stress post-traumatique. Il faisait l’objet d’un traitement à base de pharmacothérapie psychotrope associé à une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intensive. La poursuite de ce traitement était nécessaire, y compris dans un cadre ambulatoire. Sans traitement, le pronostic était très mauvais. L’état dépressif se péjorait avec une augmentation des idées de persécution, de comportements auto et hétéro agressifs, avec un risque majeur de raptus suicidaire et de mise en danger de la vie d’autrui. Avec traitement, si l’intéressé pouvait poursuivre son séjour en Suisse, le pronostic était moyen à bon. On pouvait en effet espérer une diminution, voire un amendement du risque suicidaire et ensuite éventuellement la rémission de l’épisode dépressif actuel. Si M. A______ devait retourner dans son pays, le pronostic dépendrait du degré de réintégration de celui-ci dans son milieu d’origine, avec un fort risque d’exacerbation de la symptomatologie post-traumatique présente au moment où il avait quitté son pays. Il dépendait également de la possibilité de poursuivre un suivi psychiatrique à un rythme hebdomadaire associé à une pharmacothérapie.

Selon l’auteur du rapport, dans l’état actuel de la symptomatologie du patient, et étant donné la perception de celui-ci des dangers qui l’attendaient à son retour en Russie (emprisonnement, torture), de son vécu traumatisant de la guerre en Tchétchénie et de son passé de soldat, M. A______ présentait un très haut risque de raptus suicidaire en cas de renvoi forcé dans un processus de transfert, et un rapatriement dans ces conditions comportait un risque important autant pour sa vie que pour celle d’autrui. Dans la partie du formulaire destinée au médecin accompagnant lors du vol spécial, l’auteur du rapport précisait, dans la rubrique « contre-indication à un rapatriement sous contrainte par voie aérienne », que la symptomatologie dépressive sévère avec éléments psychotiques de persécution et idéation suicidaire active constituait une contre-indication à un renvoi sous contrainte par voie aérienne. Dès lors, le patient devait faire l’objet d’une surveillance rapprochée continue avec inventaire, l’anxiolyse étant suffisante.

Le conseil de M. A______ a également produit à l’attention du TAPI un certificat médical du Dr C______ du 18 juin 2015, confirmant qu’au moment de son interpellation, M. A______ était hospitalisé à la clinique psychiatrique de Belle-Idée pour un traitement en lien avec une affection psychiatrique sévère susceptible de mettre sa vie, ou celle d’autres personnes en danger, si bien qu’il nécessitait encore des soins et une surveillance hospitalière.

Selon le conseil de M. A______, celui-ci était en grève de la faim depuis le 19 juin 2015.

Selon le représentant de l’officier de police, le SEM était en possession du rapport médical du 19 juin précité, lequel ne remettait pas en cause le vol spécial d’ores et déjà prévu. Un encadrement médical était en effet mis en place. En outre, un examen médical relatif à la compatibilité entre l’état de santé de la personne concernée et son renvoi par avion aurait lieu le jour-même du départ.

22) Par jugement du 22 juin 2015, notifié par voie postale, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative de M. A______ du 18 juin 2015, pour une durée de soixante jours.

Il existait un risque de fuite au sens de la loi. Si le 1er mai 2015 le TAPI avait exprimé des doutes que l’intéressé se soustrairait à son renvoi, le fait que le 5 mai 2015 ce dernier ait informé la compagnie aérienne qu’il refuserait d’entrer à bord de l’avion, ce qui avait entraîné l’échec du renvoi, constituait une manifestation concrète de la volonté de l’intéressé de se soustraire à la mesure administrative prise à son encontre. En outre, dès lors qu’il devait être renvoyé par vol spécial, il y avait tout lieu de craindre que la détermination qu’il avait affichée jusqu’ici pour éviter un retour en Russie ne l’amène à disparaître, le moment venu. Le TAPI ne pouvait revoir les motifs qui avaient fondé le rejet de la demande d’asile de l’intéressé et son renvoi de Suisse. Bien qu’étant hospitalisé depuis le 6 mai 2015, M. A______ n’avait fait établir un certificat médical relatif à son état de santé que le 18 juin 2015. Sur la base des pièces en possession du TAPI, l’impossibilité du renvoi n’était pas attestée, ni le fait que l’intéressé ne pourrait trouver de soins appropriés une fois de retour dans son pays. Le maintien en détention étant proportionné, il y avait lieu de la confirmer.

23) Par ordre d’écrou du 22 juin signé de la directrice du centre de détention de Frambois qui suivait un ordre du Docteur D______ responsable du service médical dudit centre, M. A______ a été transféré au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), dans l’une des unités carcérales. De fait, il a été hospitalisé au sein de l’unité carcérale de la clinique de Belle-Idée.

24) Suite à cela, M. A______ n’a pas pu être refoulé par le moyen du vol spécial prévu le 23 juin 2015 à destination de Moscou.

25) Par acte posté le 30 juin 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité reçu le 23 juin 2015. Il concluait à son annulation et à sa mise en liberté immédiate. Préalablement, il sollicitait la restitution de l’effet suspensif à son recours.

Il contestait l’existence de tout risque de fuite. Si les autorités avaient pu ignorer où il séjournait, c’est parce qu’il avait été expulsé du foyer des Tattes dans le but de faciliter et d’accélérer l’exécution de son renvoi. Il n’avait dès lors plus de lieu où loger. En outre, il avait été hospitalisé de manière non volontaire à la clinique de Belle-Idée, sur décision médicale.

Le TAPI avait retenu de manière inexacte ou incomplète les faits pertinents. Il avait certes été interpellé par les services de police comme l’avait retenu le TAPI, mais cette arrestation avait eu lieu alors qu’il avait obtenu l’autorisation de de la clinique de Belle-Idée où il était hospitalisé pour lui permettre de se rendre à l’OCPM en vue de se conformer à l’obligation qui lui avait été faite de se rendre régulièrement en ce lieu pour renouveler son attestation de départ. Il n’avait jamais voulu se soustraire à l’autorité qui connaissait son lieu de résidence. Son droit d’être entendu avait été violé par l’officier de police lors de la mise en détention, dans la mesure où celui-ci avait déjà rédigé et imprimé l’ordre de mise en détention avant même que l’audition ne soit effectuée. Le TAPI avait beau indiquer que l’officier de police aurait pu modifier un document préétabli.
Celui-ci ne l’avait pas fait et c’était la démonstration qu’il n’avait pu exercer son droit d’être entendu de manière effective.

Sur le fond, il s’opposait à sa mise en détention administrative. Celle-ci constituait un acte de torture ou un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), proscrit par cette disposition.

Le maintien en détention visait à faire exécuter une mesure de renvoi qui, vu son état de santé, serait impossible à réaliser, même par le biais d’un vol spécial. Il impliquerait en effet le recours à des mesures de contraintes telles qu’elles seraient constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant à son encontre.

26) Le 1er juillet 2015, le juge délégué a pris contact avec le centre de détention de Frambois, où M. A______ était censé être détenu. Selon le greffe de cet établissement, l’intéressé se trouvait en détention administrative à Frambois, mais il était placé au sein de l’établissement Curabilis, vu son état de santé psychique.

27) Le 3 juillet 2015, l’officier de police s’est opposé à la requête en restitution de l’effet suspensif.

28) Par décision du 7 juillet 2015, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif, traitée également sous l’angle d’une requête en mesures provisionnelles.

29) Le 8 juillet 2015, l’officier de police a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait réussi à empêcher toute tentative d’exécution de son renvoi, y compris par le vol spécial organisé pour le 23 juin 2015. Il était détenu à l’établissement de Curabilis.

Il existait un risque de fuite, dans la mesure où il avait concrètement, par son comportement, empêché l’exécution de son renvoi. Il s’était ainsi soustrait à
celui-ci au sens de la loi, ce qui légitimait sa mise en détention administrative et son maintien. Le droit d’être entendu de l’intéressé n’avait pas été violé. L’ordre de mise en détention administrative devant être communiqué séance tenante à l’intéressé, de par la loi, il était légitime de le préparer, étant précisé que sa notification et sa mise en œuvre étaient réservées si l’officier de police décidait de ne pas le placer en détention administrative. Au demeurant, les juridictions administratives revoyaient les mesures de contraintes soumises à leur examen avec un plein pouvoir de cognition.

Le maintien en détention de M. A______ ne constituait aucunement une violation de l’art. 3 CEDH, dans la mesure où M. A______ était détenu dans un établissement disposant d’un service permettant de lui apporter des soins.

30) Suite à cela, le juge a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 30 juin 2015 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 22 juin 2015 et notifié le 23 juin 2015, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -E 5 10).

Le recours est recevable.

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours 1er juillet 2015 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) Le recourant considère que sa mise en détention n’est pas conforme au droit, car violant son droit d’être entendu garanti par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dans la mesure où il n’a pu réellement se déterminer devant l’officier de police avant que celui-ci lui notifie un ordre de mise en détention préparé à l’avance.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2
p. 255 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_866/2010 du 12 mars 2012 c. 4.1.1; 8C_643/2011 du 9 mars 2012 c. 4.3 et réf. citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et les arrêts cités). Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle mais annulable (ATF 136 V 117 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 1C_568/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/304/2013 du 14 mai 2013 consid. 4 ; ATA/862/2010 du 7 décembre 2010 consid. 2 et arrêts cités). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 s.). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/304/2013 précité; ATA/301/2012 du 15 mai 2012).

Selon l’art. 7A al. 1 LaLEtr, après l’interpellation d’un étranger, en vue d’exécuter une mesure de renvoi, celui-ci est conduit devant un officier de police qui lui donne connaissance de la proposition de mise en détention. Selon l’art. 7A al. 2 LaLEtr, si l’audition ne conduit pas à la mise en liberté de l’étranger, la décision de mise en détention lui est communiquée séance tenante. Un tel système, vu la célérité exigée par les brefs délais imposés par la loi, autorise l’autorité d’exploiter les possibilités données par le procédé du traitement informatique de texte, qui lui permet de préparer à l’avance les documents qu’elle devrait notifier, dans l’hypothèse où, à l’issue de l’audition de l’étranger, elle ne renonçait pas à placer celui-ci en détention. Ainsi, la façon dont l’audition du recourant s’est déroulée le 18 juin 2015 n’est pas critiquable et n’a pas porté atteinte à son droit d’être entendu.

Au demeurant, tant le TAPI que la chambre administrative disposent d’un plein pouvoir de cognition pour réexaminer la situation de la personne placée en détention administrative, y compris sous l’angle de l’opportunité de cette décision. Ainsi, même dans l’hypothèse d’une éventuelle violation du droit d’être entendu du recourant lors de son audition préalable, un tel vice pourrait être aisément et rapidement corrigé.

5) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

En outre, la personne en détention administrative peut déposer en tout temps une demande de levée de détention (art. 7 al. 4 let. g LaLEtr).

6) L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si des éléments concrets font craindre qu’il entend se soustraire à son expulsion, en particulier parce qu’il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l’art. 90 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr). Il en va de même si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr).

L’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr décrit des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition. Ces deux éléments doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1). Lorsqu’il examine le risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic, en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation, ce d’autant qu’il doit en principe entendre l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3).

En l’espèce, en faisant, le 5 mai 2015, intervenir son avocat auprès de la compagnie aérienne qui devait le rapatrier pour signifier qu’il s’opposerait par tous les moyens possibles à son embarquement, le recourant a concrètement manifesté son opposition à la procédure de renvoi, confirmant par cela l’attitude exempte de volonté de collaboration à cette démarche, dont il avait fait preuve jusque-là, et sa position de refus de se soumettre à la décision de renvoi, prise par le SEM à son encontre et qui est en force. Dans ces circonstances, c’est à juste titre que le TAPI a confirmé l’existence d’un risque de fuite au sens de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr.

7) Le recourant considère que sa mise en détention administrative constitue un traitement inhumain au sens de l’art. 3 CEDH, au vu de son état de santé, si bien qu’il doit être mis en liberté immédiatement.

8) À l'instar de l'art. 10 al. 3 Cst., l'art. 3 CEDH qui protège la liberté personnelle de tout être humain, interdit de soumettre une personne à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le traitement d’un individu détenu par l’État ne tombe sous le coup de l'art. 3 CEDH que s'il atteint un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum est relative par essence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2013 du 13 septembre 2013 consid. 2.3). Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a rappelé les critères à prendre en considération dans le domaine de de la détention pénale. Ainsi, celle-ci dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement, de ses modalités d'exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. En particulier, l'art. 3 CEDH, n'interdit pas en tant que telle la détention au-delà d'un certain âge. En revanche, le tableau clinique d'un détenu peut constituer l'une des situations pour lesquelles la question de la capacité à la détention est posée sous l'angle de l'art. 3 CEDH. En particulier, la détention d'une personne atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état est durablement incompatible avec la vie carcérale peut poser des problèmes sous l'angle de l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2013 précité et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée).

9) Les principes applicables en matière de détention pénale ne pas ne sont pas transposables tels quels lorsqu’il s’agit d’examiner sous l’angle de l’art. 3 CEDH le traitement d’une personne détenue administrativement. Il y a néanmoins possibilité de s’en inspirer s’agissant de l’incarcération d’une personne aux fins d’expulsion. Doivent cependant être pris en considération les exigences découlant de l’art. 81 LEtr. Ainsi, une mesure de placement en détention ne peut être ordonnée que si la personne peut être détenue dans des locaux adéquats (art. 81 al. 2 LEtr), ainsi que sous une forme qui respecte les besoins des personnes à protéger (art. 81 al. 3 LEtr), au nombre desquelles les personnes atteintes de maladies. En outre, de par l’art. 80 al. 6 let. a LEtr, un maintien en détention n’est licite que si l’exécution du renvoi n’est pas impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, cette disposition renvoyant aux conditions de l’art. 83 LEtr, régissant celles de l’admission provisoire.

Ainsi, le fait qu’une personne souffre de problèmes de nature psychiatrique n’est pas en soi un empêchement à la mise en détention administrative et une telle mesure ne constitue pas pour elle-même un traitement proscrit par l’art. 3 CEDH. La question doit cependant être examinée en rapport avec l’objectif de pouvoir concrètement et effectivement procéder au renvoi de la personne concernée.

10) Dans le cas d’espèce, le jugement du TAPI confirmait l’ordre de mise en détention administrative intègre le contenu du rapport médical du 19 juin 2015 acheminé au SEM. Celui-là n’excluait pas toute possibilité de renvoi de l’intéressé dans son pays, même si son auteur insistait sur les mesures de précaution à prendre dans le cadre du vol spécial pour protéger le recourant contre lui-même, ou des tiers contre celui-ci. À cette date, une décision de mise en détention administrative, précédant de quelques jours l’exécution du renvoi, se justifiait sous l’angle des conditions légales, et sous cet angle, le TAPI était fondé à la confirmer, dans l’optique d’un renvoi rapide par vol spécial qui devait intervenir le lendemain.

11) Dans sa fonction d’autorité de recours, la chambre administrative doit cependant examiner si les conditions d’un maintien en détention de l’intéressé subsistent à l’aune de la situation telle qu’elle se présente actuellement, sous l’angle non seulement des motifs de détention, mais également de la proportionnalité d’une telle mesure au sens des art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst.

12) En l’occurrence, le risque de fuite tel que décrit ci-dessus perdure objectivement dans la mesure où le recourant persiste à s’opposer par tous les moyens à son renvoi en Russie. Sous cet angle, un maintien en détention se justifie objectivement. Une telle mesure est au demeurant compatible avec les exigences de l’art. 81 LEtr, puisque celui-ci peut être détenu au sein de l’établissement Curabilis, dans un milieu carcéral adapté à son état de santé, que la chambre de céans a déjà considéré comme apte à recevoir des personnes placées en détention administrative (ATA/49/2015 du 13 janvier 2015). En outre, les dispositions prises relatives aux modalités de la détention qui s’effectue en milieu protégé sur le plan médical rendent la décision compatible avec l’art. 3 CEDH.

Sous l’angle de la proportionnalité de la mesure, l’intérêt public à exécuter la décision de renvoi frappant le recourant reste important. En outre, sous l’angle de la durée légale de l’art. 79 LEtr, ce dernier n’est pas détenu depuis longtemps. D’un autre côté, à teneur des certificats médicaux produits après le 19 juin 2015, la situation médicale de l’intéressé ne s’est pas améliorée, et la tentative de renvoi du 23 juin 2015 a échoué en raison de l’hospitalisation du recourant pour des raisons dont le détail ne figure pas au dossier. À ce stade de la procédure, l’officier de police n’a pas fourni d’indication sur ses intentions futures, ou celles de l’OCPM, s’agissant de l’exécution du renvoi, ce qui est surprenant puisqu’elle doit faire preuve de célérité pour justifier du maintien d’un étranger en détention administrative (art.76 al. 4 LEtr).

Malgré les restrictions précitées, la chambre administrative considère que l’intérêt public au renvoi de l’intéressée prévaut tout de même sur son intérêt privé à voir cesser sans délai la mesure le privant de sa liberté. En effet, à ce stade de la procédure et au vu des pièces produites, les problèmes d’atteinte à sa santé psychique rencontrés par le recourant, même s’ils ont pu s’aggraver en mai 2015 au moment où l’autorité a voulu le renvoyer, ne peuvent être retenus comme représentant un élément empêchant de manière absolue son renvoi au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEtr. Dans l’attente des dispositions que l’autorité intimée ne manquera pas de prendre suite à l’échec du vol du 23 juin 2015, le recourant, qui peut faire l’objet d’une prise en charge thérapeutique adéquate au sein de l’établissement Curabilis, dans le cadre de la détention administrative doit y être maintenu. Le jugement du TAPI sera confirmé et le recours rejeté.

13) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2015 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 juin 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est ni prélevé d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Currat, avocat du recourant, à l'officier de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre de Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Dumartheray et Pagan juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :