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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2694/2022

ATA/177/2023 du 28.02.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.04.2023, rendu le 11.12.2023, REJETE, 8C_233/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;ENQUÊTE ADMINISTRATIVE;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);RÉVOCATION DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE;MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;RELATION DE CONFIANCE
Normes : Cst.29; LIP.114; LIP.123; LIP.142
Résumé : Rejet du recours d’une enseignante contre la décision de révocation prononcée à son encontre. La recourante a gravement et à plusieurs reprises violé ses devoirs de service, tant dans le cadre scolaire que dans celui de ses activités extra-professionnelles. Le lien de confiance avec son employeur est irrémédiablement rompu. La décision est conforme au droit et respecte les principes de la proportionnalité et d’égalité de traitement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2694/2022-FPUBL ATA/177/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Pascal Junod, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1974, a été engagée par le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) le 1er janvier 2006 en qualité de remplaçante, puis en tant que chargée d’enseignement B______ dès le 1er septembre 2008. Elle a été nommée fonctionnaire le 1er septembre 2011, en tant que maîtresse d’enseignement général dans l’enseignement secondaire. Elle a été affectée au collège C______ (cycle d’orientation ; ci-après : CO) depuis le 1er septembre 2017. En sus de sa fonction d’enseignante, elle était coprésidente du groupe B______ dès cette même date.

2) Elle a fait l’objet d’un entretien d’évaluation et de développement du personnel enseignant (ci-après : EEDPE) le 28 mars 2011, portant sur la période du 1er septembre 2010 au 30 mars 2011, en vue de sa nomination.

L’évaluateur, soit le directeur du CO dans lequel elle enseignait alors, a préavisé favorablement sa nomination, relevant qu’elle assurait un enseignement de qualité mais devait encore veiller à prendre en compte tous les paramètres imposés par le fonctionnement d’une école pour être parfaitement à l’aise dans son emploi et utiliser pleinement ses capacités relationnelles et techniques au bénéfice de ses élèves.

3) a. Le 6 juillet 2020, Mme A______ s’est vu notifier un blâme en raison de la présence, sur son compte Facebook, de certaines publications reconnues comme incompatibles avec les devoirs et obligations découlant de son statut d’enseignante.

Les éléments retenus à son encontre contrevenaient aux valeurs promues par le DIP, violaient les intérêts de l’État, n’étaient pas conformes à l’attitude attendue des membres du corps enseignant, véhiculaient un message qui n’était pas acceptable et avaient eu des répercussions sur l’image de l’enseignement secondaire et du corps enseignant au sein du public.

Elle a par ailleurs été priée de bien vouloir respecter son cahier des charges et ses devoirs de service. Un suivi régulier serait effectué par sa hiérarchie et tout nouveau manquement était susceptible d’appeler la constatation d’une insuffisance de prestations pouvant entraîner une résiliation des rapports de service. En référence au fait qu’elle avait exposé publiquement le litige l’opposant à son employeur, son devoir de réserve lui était rappelé et il lui était demandé de ne plus communiquer, à l’avenir, sur la procédure en cours.

b. Elle n’a pas recouru contre cette décision.

c. Elle a, par courriers des 4 août et 18 septembre 2020, fait part au directeur général de l’enseignement obligatoire (ci-après : le directeur général) de son point de vue, contestant une partie des arguments développés à l’appui de la sanction prononcée et lui demandant de lui indiquer précisément les actes qui pouvaient être considérés comme un manquement susceptible d’aboutir à une constatation d’insuffisance de prestations. Elle était prête à le rencontrer pour discuter de la situation.

d. Le directeur général lui a répondu, le 16 octobre 2020, qu’aucune modification ne serait apportée à la décision du 6 juillet 2020, entrée en force. S’agissant de la notion de manquement, il renvoyait Mme A______ à la décision, en particulier aux dispositions citées et à la jurisprudence précisant le champ des devoirs et obligations des enseignants. Son devoir de réserve lui était rappelé une fois encore s’agissant de la procédure administrative dont elle avait fait l’objet et qu’elle évoquait dans différentes vidéos mises en ligne.

4) Mme A______ a bénéficié d’un congé sabbatique sans solde durant l’année scolaire 2020-2021.

5) Le 29 janvier 2021, le directeur général a convoqué Mme A______ à un entretien de service lequel, après deux reports, s’est déroulé par voie écrite.

Plusieurs éléments avaient été portés à la connaissance du DIP depuis le prononcé du blâme précité, susceptibles de constituer des manquements. Il était notamment reproché à Mme A______ d’avoir publié sur divers réseaux sociaux des vidéos au contenu inadéquat ainsi que d’avoir, dans le cadre scolaire, tenu des propos inadaptés. Ces faits, s’ils étaient avérés, étaient incompatibles avec les devoirs et obligations découlant de son statut d’enseignante.

6) Le 19 mars 2021, Mme A______ a contesté l’ensemble des griefs émis à son encontre ainsi que d’avoir contrevenu aux dispositions légales citées dans la convocation à l’entretien de service.

7) Par arrêté du 19 mai 2021, le Conseil d’État a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de Mme A______, destinée à déterminer si celle-ci avait violé les devoirs liés à sa fonction d’enseignante, avait respecté l’exigence d’observer, dans son attitude, la dignité correspondant aux missions d’éducation et d’instruction lui incombant, ainsi que le respect de l’intérêt de l’État et à l’exécution consciencieuse et avec diligence de ses devoirs de fonction. Cette enquête devait porter sur les faits ressortant de l’arrêté, mais également sur tous les autres faits répréhensibles pouvant apparaître depuis la tenue de l’entretien de service ou être révélés par l’instruction.

La suspension provisoire de Mme A______ a en outre été prononcée à partir de la rentrée scolaire 2021-2022, sans suppression des prestations à la charge de l’État.

8) a. Dans le cadre de l'enquête administrative, Mme A______ a été entendue au cours de quatre audiences de comparution personnelle et a eu l'occasion de s'exprimer sur les pièces remises à l’enquêtrice, le cas échéant versées en cours de procédure, ainsi que lors de quatre audiences d'enquêtes, durant lesquelles vingt-deux personnes ont été auditionnées en qualité de témoins ou de personnes entendues à titre de renseignement.

b. L’enquêtrice a rendu son rapport le 5 avril 2022. L’instruction avait établi que Mme A______ avait manqué à ses devoirs à une seule occasion dans le cadre scolaire et que ce manquement n’avait pas eu d’effet sur le suivi du programme de la discipline enseignée ni n’avait compromis la qualité de son enseignement. Elle avait en revanche commis plusieurs manquements disciplinaires hors du cadre scolaire, ceux-ci étant de nature répétitive et s’inscrivant dans la durée, l’intéressée entretenant encore une activité régulière sur les réseaux sociaux et les plateformes internet. Pris dans leur ensemble, ces manquements ne pouvaient pas être qualifiés de peu d’importance et s’avéraient fautifs.

c. Les faits retenus à l’encontre de Mme A______ à l’issue de l’enquête étaient les suivants :

- elle était intervenue auprès de deux classes, au cours des années scolaires 2018-2019 et 2019-2020, pendant une campagne de vaccination organisée par le DIP contre le papillomavirus, par un discours brouillant le message de protection de la santé véhiculé par les autorités compétentes et se positionnant en contradiction avec sa hiérarchie ;

- il ressortait d’une vidéo diffusée sur Youtube qu’elle avait participé, en juin 2020, à l’évènement nommé le « D______ 2020 ». Elle y était montée sur scène aux côtés de l’organisateur, Monsieur E______ (ci-après : E______), afin de recevoir une « F______ » dans la catégorie « médias », à savoir une statuette faisant le geste de la G______. Elle avait dédié sa récompense à l’association « H______ » (ci-après : H______) et fait référence à la procédure alors en cours contre elle au sein du DIP. Dans une autre vidéo publiée sur Facebook le 16 juin 2021, elle avait évoqué la procédure administrative en cours, faisant un lien entre les courriers adressés par la H______ au DIP et les deux entretiens de service auxquels elle avait été convoquée en résumant « la H______ demande, l’État obéit » de sorte qu’elle se sentait légitimée à dédier sa F______ à cette association. Sa participation à l’évènement précité étant antérieure au blâme prononcé à son encontre – ayant retenu que sa participation et la publicité relative au « G______ 2019 » contrevenait gravement au devoir d’exemplarité inhérent à sa fonction d’enseignante et aux principes de l’enseignement public – ne pouvait pas être considérée comme une récidive d’un manquement disciplinaire. En revanche, sa dédicace à la H______ et l’exhibition de ses deux trophées 2019 et 2020 face à la caméra entraient en contradiction avec les dispositions relatives à la non-discrimination et les finalités de l’école publique d’éveiller chez les élèves le respect d’autrui et la tolérance ;

- elle avait publié sur Facebook, le 3 septembre 2020, une vidéo du 17 mai 2019 au sujet de la création monétaire, sur laquelle elle apparaissait aux côtés de E______, vêtue d’un gilet jaune orné d’un ananas imprimé. La décision ayant infligé le blâme du 6 juillet 2020 avait retenu que le symbole de l’ananas était une référence claire et non équivoque à une chanson de E______ ayant pour titre « I______ », en raison de laquelle celui-ci avait été condamné pour incitation à la haine raciale. Dans la mesure où il s’agissait de l’un des éléments incompatibles avec les devoirs et obligations découlant de son statut d’enseignante qui avait été sanctionné par le blâme, elle ne pouvait pas ignorer, en diffusant à nouveau ces images, qu’elle réitérait un comportement qui lui avait déjà été reproché et qui devait être qualifié, de la même manière, de violation de ses devoirs de services ;

- elle s’était exprimée publiquement au sujet du blâme du 6 juillet 2020 et de la procédure en cours à réitérées reprises entre août 2020 et novembre 2021. À plusieurs occasions, dans le cadre de vidéos mises en ligne, dans des commentaires y relatifs ou encore lors de diverses interviews données à des médias numériques, elle ne s’était pas limitée à mentionner son blâme en réponse à une éventuelle question, mais avait, de manière récurrente et proactive, présenté ce blâme comme un processus poursuivi par son employeur, le cas échéant sur impulsion de la H______, visant à la sanctionner pour des faits qu’elle disait ne pas parvenir à identifier, sinon la diffusion, dans le cadre de ses activités hors du contexte scolaire, d’informations qui dérangeaient, ou sa proximité avec une personne qui dérangeait, E______. Elle n’avait pas tenu compte du rappel à son devoir de réserve et de la demande de ne plus communiquer sur la procédure en cours formulés par le directeur général ;

- elle avait publiquement déclaré, le soir même de la votation du 28 novembre 2021 sur la « loi COVID-19 », que les résultats avaient été manipulés en faveur du « oui », relayant une allégation indirecte et sans fournir de preuves en ce sens, étant précisé que ces résultats avaient été validés sans recours ;

- à l’occasion de cette même intervention, dans le cadre d’un discours axé sur la fraude, elle avait affirmé que le conseiller d’État genevois en charge de la santé n’était pas vacciné contre le Covid. Elle avait également mentionné, lors d’une interview donnée à un média, que ce même conseiller d’État n’avait pas respecté les gestes barrière lors d’un barbecue ;

- elle avait pris position publiquement sur Facebook contre une décision de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) du 6 décembre 2021 relative au port du masque pour les élèves des classes de 5P à 8P, en la qualifiant d’« insensée », en interpellant les parents et relayant un appel à un rassemblement devant le siège du Conseil d’État pour manifester son opposition à cette décision de sa hiérarchie ;

- elle avait publié sur ses comptes sociaux des textes et images comparant les mesures sanitaires prises pour contenir l’expansion du Covid-19, notamment en France et en Suisse par l’introduction d’un « pass » sanitaire, à la période nazie, établissant un parallèle entre ces mesures et celles ordonnées entre 1933 et 1945, tant en Allemagne que dans les États sous contrôle allemand, contre les personnes de confession juive, comprenant en particulier l’obligation de porter l’étoile jaune. Une telle comparaison était, eu égard aux contextes des deux époques de référence, inappropriée, décalée et ignorante de faits historiques reconnus et revenait, de fait, à minimiser les dispositions et mesures étatiques prises alors à l’encontre des communautés juives et à assimiler les autorités actuelles aux autorités nazies ;

- elle avait mis en ligne, le 12 janvier 2021, une interview qu’elle avait recueillie de Monsieur J______ dont les propos contenaient, entre autres, une invitation aux forces de police et à l’armée françaises à renverser les gouvernants en place – les accusant de multiples activités à caractère pénal (corruption passive, protection de pédocriminels, mise en danger volontaire de la santé des personnes, etc.) – une allusion à un complot khazar pour prendre le contrôle du monde en utilisant la religion juive ou encore la mention de l’existence d’une protection institutionnelle de la pédocriminalité. Elle n’était pas intervenue de manière critique ni n’avait émis de réserves face à de tels propos ou formulé de mise en garde quant à la diffusion de cette vidéo. Elle ne pouvait toutefois ignorer qu’elle risquait d’apparaître comme soutenant un discours peu compatible avec les principes et règles de fonctionnement d’un État démocratique, étant précisé que les propos émanaient d’une personne dont elle savait qu’elle avait été pénalement condamnée en France.

d. L’enquêtrice a précisé ne pas avoir examiné ni pris en compte dans l’établissement des faits par l’enquêtrice les avis unanimes positifs sur la qualité de l’enseignement donné par Mme A______ ; son engagement au sein du groupe B______ ; l’absence d’EEDP après l’unique évaluation du 28 mars 2011 ; le temps écoulé depuis la survenance des faits intervenus dans le cadre scolaire ; la remontée de certains éléments directement à la cheffe du département, sans passer par sa hiérarchie ; l’éventuelle inégalité de traitement alléguée par Mme A______ avec des membres du corps enseignant genevois ayant exprimé publiquement leurs idées politiques ou encore le peu d’impact sur les élèves tant des propos tenus en classe que de ses activités hors cadre scolaire.

9) Mme A______ s’est déterminée sur le rapport d’enquête le 24 mai 2022, contestant les faits qui lui étaient reprochés et avoir manqué à ses devoirs et obligations d’enseignante.

10) Par arrêté du 22 juin 2022, le Conseil d’État a prononcé la révocation de Mme A______ avec effet au 30 septembre 2022 et la libération immédiate de son obligation de travailler, cette décision étant déclarée exécutoire nonobstant recours.

Ses observations écrites concernant le rapport d’enquête le 24 mai 2022 avaient été produites après l’échéance du délai de 30 jours imparti le 13 avril 2022.

À l’instar du rapport d’enquête et sur la base des faits établis par ce dernier, il était retenu que Mme A______ avait gravement et à de multiples reprises failli à sa mission d’éducation et à son devoir d’exemplarité, lesquels s’imposaient y compris dans le cadre de ses activités extra-professionnelles. Son comportement enfreignait gravement ses obligations de membre du personnel enseignant. Il était constitutif de faits de nature à mettre à néant le rapport de confiance devant exister entre l’État et ses fonctionnaires. Eu égard au cumul des violations de ses devoirs de dignité, d’exemplarité et de fidélité, aucune autre sanction que la révocation n’était en mesure de permettre de veiller à l’intérêt public, soit en l’occurrence la protection des élèves, le respect des valeurs pédagogiques, la réputation de la fonction publique, ainsi que le maintien de la confiance parentale et de la collectivité dans le personnel enseignant.

Le fait que la majorité des violations précitées soit intervenue hors du cadre scolaire n’amoindrissait en rien leur gravité, dès lors qu’il appartenait à tout fonctionnaire, et plus particulièrement aux membres du corps enseignant, d’adopter une attitude exemplaire lors des activités extra-professionnelles également.

Mme A______ avait fait l’objet d’un blâme portant sur le même type de violations, ce qui n’avait eu aucun effet sur son comportement. Elle avait continué à publier et diffuser sur internet de nombreux contenus, sans se soucier des conséquences que certains d’entre eux pouvaient avoir compte tenu de son statut, ce malgré les quatre injonctions du DIP à respecter son devoir de réserve. Bien qu’elle expliquait ne toujours pas comprendre, à l’issue de l’enquête administrative, les raisons pour lesquelles elle avait fait l’objet de la procédure, elle disposait de toutes les informations utiles pour appréhender ce qui pouvait constituer une violation de ses devoirs de service.

Si l’enquête administrative avait relevé, suite à de nombreux témoignages, la forte implication de Mme A______ auprès des élèves, ainsi que la qualité de ses prestations en lien avec l’enseignement, ces éléments ne suffisaient pas à rétablir la confiance devant prévaloir entre l’enseignante et son employeur, vu la répétition, la gravité des fautes commises et l’absence de prise de conscience. L’enquête avait démontré que Mme A______ considérait sa liberté d’expression hors du cadre professionnel comme étant plus importante que le respect de ses devoirs de fonction. Le risque de réitération de violation de ceux-ci était dès lors élevé.

Dans ces circonstances, son employeur ne pouvait envisager sereinement la poursuite des rapports de travail, le lien de confiance étant irrémédiablement et immédiatement rompu.

11) Mme A______ a recouru, le 24 août 2022, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté précité, concluant principalement à sa nullité, subsidiairement à son annulation. Elle sollicitait préalablement la restitution de l’effet suspensif, ainsi que soit ordonnée au Conseil d’État la production de la décision de réintégration de l’enseignante ayant effectué un salut hitlérien en pleine classe, des décisions de sanctions relatives à l’utilisation des réseaux sociaux par des enseignants et des décisions de sanctions consécutives à un engagement militant dans un parti ou mouvement politique.

Une violation, a fortiori grave, de ses devoirs d’exemplarité, de fidélité et de réserve ne pouvait pas être retenue à son encontre en raison des comportements qui lui étaient reprochés, intervenus en dehors du cadre scolaire et ne résultant pas d’interactions avec les élèves. Ni ces derniers, ni leurs parents n’avaient eu connaissance des vidéos en cause. Elle n’avait fait l’objet d’aucune poursuite pénale, pas plus qu’elle n’avait eu de comportements sexuels inappropriés. Les accusations d’antisémitisme étaient infondées et avaient été lancées par une association politique controversée. Ses publications n’avaient pas pour but de choquer les descendants des victimes de la Shoah, excluant ainsi toute intention discriminatoire, ce qu’avait in fine retenu le rapport d’enquête, mais que la décision querellée ignorait totalement. Elle n’avait dans ses vidéos, en lien avec l’enquête administrative en cours, jamais évoqué l’identité des témoins, ni la teneur des témoignages produits, des éléments de la procédure ayant en revanche été communiqués à la presse sans qu’elle n’en soit l’auteure, ce qui révélait de graves dysfonctionnements au sein du DIP et dans tous les cas une violation du secret de fonction. En restreignant des libertés individuelles par des mesures urgentes, comme dans le cadre de la votation du 28 novembre 2021, l’État devait s’attendre à une critique d’autant plus grande. Elle savait que le conseiller d’État en charge du département de la santé n’était pas vacciné et avait dû s’expliquer face à cette polémique, alors même qu’il se devait d’avoir une conduite exemplaire. Elle n’était pas responsable des propos que pouvaient tenir les personnes interrogées, ce qui s’appliquait à M. J______. Sa hiérarchie était au courant de ses interventions en classe et il était donc malvenu de fonder a posteriori une révocation sur des faits connus et tolérés par celle-ci.

Dans ces circonstances, la révocation constituait une mesure trop incisive et violait de manière crasse sa liberté d’expression, de même que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, référence faite à la réintégration d’une enseignante ayant pratiqué le salut nazi en classe et d’un enseignant ayant fait consommer de l’alcool à ses élèves avant de les accompagner dans sa propre chambre lors d’un voyage scolaire.

12) Le 12 septembre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

13) La présidente de la chambre administrative a, par décision du 3 octobre 2022, rejeté la requête de restitution d’effet suspensif compte tenu de l’absence de préjudice difficilement réparable, du fait que les chances de succès du recours ne paraissaient prima facie pas manifestes et de l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision de révocation.

14) Le 7 octobre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours et, préalablement, au rejet des demandes de production des décisions sollicitées.

Les observations produites par Mme A______ le 24 mai 2022, contestées, n’avaient pas été prises en compte dans le cadre de la décision querellée, dès lors qu’elles avaient été déposées hors délai.

Il n’avait jamais été reproché à Mme A______ d’avoir adopté un comportement assimilable à une infraction à la norme pénale contre le racisme ou à une atteinte à la liberté de croyance et des cultes. Il n’était pas question d’accusations infondées d’antisémitisme, mais de violations multiples de son devoir d’exemplarité et des valeurs promues par le DIP.

L’enseignante, de par sa posture d’ascendance sur les élèves, devait faire preuve d’un devoir d’exemplarité accru, tant pendant ses heures de travail qu’en dehors. Ce principe était d’autant plus important à l’ère d’internet où chacun, y compris des enfants et adolescents, pouvait accéder à toutes sortes d’informations. À tout le moins à compter de sa sanction du 6 juillet 2020, la recourante disposait de suffisamment d’éléments pour comprendre les contours de ses devoirs de réserve et d’exemplarité. En cas de doute sur un cas précis, elle aurait dû solliciter l’avis de sa hiérarchie préalablement à une publication, ce qu’elle n’avait jamais fait. Elle ne pouvait toutefois pas ignorer qu’une publication impliquant le symbole de la G______, E______ ou encore un gilet jaune orné d’un ananas, de même que ses propos concernant un conseiller d’État ou ceux la plaçant en porte-à-faux avec son employeur, et le fait de s’épancher publiquement sur sa relation avec ce dernier, étaient susceptibles de contrevenir à ses obligations. Cela ne l’avait pas empêchée de continuer à diffuser sur internet de nombreux contenus problématiques en faisant valoir comme justification sa liberté d’expression. L’intérêt public à la préservation du lien de confiance entre l’État et ses administrés devait primer l’intérêt privé de la recourante à conserver son poste tout en continuant à s’exprimer ou diffuser publiquement tout ce qu’elle souhaitait, notamment en lien avec les mesures sanitaires ou encore la procédure en cours.

Les manquements de la recourante étaient graves, eu égard au comportement adopté, mais également à la répétition des violations et à son absence totale de retenue en dépit des injonctions de son employeur. Il semblait impossible pour elle de se conformer à des règles auxquelles elle n’adhérait pas. Dans ces circonstances, le lien de confiance était irrémédiablement rompu et une sanction plus légère ne pouvait pas être envisagée pour assurer le bon fonctionnement de l’administration, en particulier le respect des valeurs pédagogiques, la préservation de la confiance parentale et des citoyens genevois dans le personnel enseignant ainsi que, plus largement, la réputation de la fonction publique.

Chaque cas était examiné à la lumière de ses circonstances, ce qui avait été fait en l’occurrence. L’autorité avait correctement usé de son pouvoir d’appréciation.

15) Le 20 octobre 2022, le DIP a transmis les quatre clés USB contenant les vidéos auxquelles se référaient tant le rapport d’enquête que la décision attaquée.

16) Le 7 novembre 2022, la juge déléguée a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

La recourante a indiqué que les élèves auxquels elle avait enseigné au cours des dernières années, âgés de 12 à 14 ans, n’étaient en principe pas susceptibles d’avoir accès aux contenus qu’elle diffusait sur internet et ignoraient ses activités extra-scolaires. Elle n’avait pas recouru contre le blâme qui lui avait été infligé, notamment pour des raisons financières, mais l’avait contesté par courrier à sa hiérarchie. Elle était inscrite au chômage depuis le 15 août 2022 et recherchait un emploi. Elle n’avait pas encore perçu d’indemnités du chômage. Elle était actuellement occupée à mi-temps à la réalisation d’un documentaire, pour laquelle elle était rémunérée. Elle avait compris que ce n’étaient pas ses qualités d’enseignante qui étaient mises en cause par son employeur, mais son savoir être, en lien avec le devoir de réserve ; elle estimait toutefois que ce qu’elle faisait dans sa vie privée ne violait pas ses devoirs de réserve et de fonction.

Elle était surprise que le DIP conteste les accusations d’antisémitisme portées à son encontre tout en relevant que la G______ était considérée comme un geste antisémite. Le Tribunal fédéral nuançait la portée de ce geste en fonction du contexte dans lequel il intervenait. Elle-même n’était pas antisémite. La procédure en cours était liée à une vidéo datant de mai 2019 sur la création monétaire des banques, avec E______, qui n’avait aucun contenu politique ni polémique. Il s’agissait d’un fait de société. La H______ avait informé le département de l’existence de cette vidéo en juin 2019. Cette organisation avait signalé d’autres informations la concernant au DIP.

Elle avait constaté que l’article publié par le Blick le 9 juillet 2021 n’existait plus en ligne. Il y était question de l’existence d’une cellule spéciale au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) sur les effets de la vaccination contre le Covid-19. Elle avait tenu ces informations d’une personne travaillant aux HUG. Elle ne relayait pas de fausses informations.

Elle déplorait que le DIP n’entende pas la réintégrer. Elle estimait que tel pouvait être le cas, éventuellement dans un poste administratif.

17) Le 15 décembre 2022, le DIP a indiqué n’avoir pas d’observations à formuler.

18) Le 16 janvier 2023, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Les accusations d’antisémitisme portées à son encontre étaient infondées et les faits y relatifs n’étaient pas constitutifs d’une violation du devoir de réserve. À supposer que tel était le cas, il ne s’agissait pas d’une violation grave susceptible d’entraîner la révocation des rapports de service. Concernant les votations du 28 novembre 2021, le département lui prêtait des intentions qui n’étaient pas les siennes, à savoir une tentative de décrédibiliser l’État dans le but de lui nuire. Il en avait été tenu compte pour fonder la décision attaquée alors qu’aucune violation grave des devoirs d’exemplarité, de fidélité et de réserve ne pouvait être retenue.

L’autorité intimée ne fondait pas sa décision de révocation sur une casuistique éprouvée quant à l’utilisation des réseaux sociaux par une enseignante ou une activité militante. La majorité des cas cités en référence concernaient des fonctionnaires condamnés pénalement ou des faits de nature sexuels et devaient au contraire être interprétés à sa décharge. La sanction prononcée était lourde de conséquences et il était faux de prétendre qu’un jugement en sa faveur réparerait à lui seul l’atteinte portée à sa réputation professionnelle et personnelle. Une révocation par le plus grand employeur dans le domaine de l’éducation causerait un préjudice sur son avenir professionnel, ce d’autant qu’elle subissait une véritable campagne de dénigrement de la H______ et de certains journalistes rendant difficile la prise hypothétique d’un nouvel emploi.

19) Le 27 janvier 2023, Mme A______ a persisté à solliciter les actes d’instructions auxquels elle avait conclus, susceptibles de lever tout doute quant à l’inégalité de traitement manifeste qu’elle subissait et de réaffirmer que la sanction infligée était disproportionnée. De nouveaux faits parus le même jour dans la presse ne faisaient que renforcer son sentiment d’injustice, dès lors qu’un directeur de CO accusé de harcèlement sexuel aurait été replacé au sein du DIP. La décision prise à son encontre était essentiellement politique.

20) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La présente procédure porte sur le bienfondé de la décision du Conseil d’État prononçant la révocation de la recourante, à l’exclusion des questions relatives au blâme du 6 juillet 2020, aux relations liant, selon la recourante, le département et la H______, à l’origine des éventuelles fuites d’informations auprès des médias ou encore des éléments factuels qui ne constituent, à l’issue de l’enquête administrative, pas des manquements disciplinaires pouvant être retenus à l’encontre de la recourante, lesdites questions s’avérant exorbitantes à l’objet du litige.

3) La recourante sollicite la production de la décision de réintégration de l’enseignante ayant effectué un salut hitlérien en classe, des décisions de sanction relatives à l’utilisation des réseaux sociaux par des enseignants et consécutives à un engagement militant dans un parti ou mouvement politique.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, la chambre de céans dispose d'un dossier complet, lequel comprend notamment les écritures des parties ainsi que les pièces produites à leur appui. Par ailleurs, la jurisprudence constante de la chambre administrative et du Tribunal fédéral contient une importante casuistique en matière de sanctions disciplinaires en droit de la fonction publique, en particulier concernant la révocation. Il ressort des écritures de la recourante que sa demande de production de décisions de réintégration ou de sanctions prononcées pour d’autres enseignants lui permettrait d’étayer son argumentation liée à la proportionnalité de la décision et à une éventuelle inégalité de traitement dont elle ferait l’objet. Or, il n’apparaît pas, et la recourante ne le soutient d’ailleurs pas, que les décisions visées par sa requête concerneraient des personnes ayant été sanctionnées pour des faits identiques ou à tout le moins similaires à ceux qui lui sont reprochés.

Le dossier apparaît ainsi complet et en état d’être jugé, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux mesures d'instruction sollicitées.

4) Le Conseil d’État indique n’avoir pas pris en considération dans sa décision du 22 juin 2022 les observations produites par la recourante le 24 mai 2022 sur le rapport d’enquête, les considérant comme tardives.

a. Selon l’art. 143 al. 5 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 - 10) décrivant la procédure pour sanctions disciplinaires, une fois l’enquête administrative achevée, la personne intéressée peut s’exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport.

b. En l’espèce cependant, le délai précité – à l’instar de ceux prévus par exemple à l’art. 27 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ou aux art. 73 et 75 LPA dans le cadre de l'instruction des recours par-devant la chambre de céans – constitue un délai d’ordre, la loi ne prévoyant aucune conséquence en cas de non-respect de ce délai. Par ailleurs, l’art. 143 LIP rejoint le but du législateur, exprimé notamment dans les travaux préparatoires relatifs à la LPAC, selon lequel la procédure disciplinaire doit se dérouler de manière rapide (ATA/215/2017 du 21 février 2017 consid. 15 et les références citées).

Ainsi, à considérer que l’intimé aurait violé le droit d’être entendu de la recourante, laquelle disposait d'un droit de se déterminer sur le rapport d’enquête (art. 29 al. 2 Cst.), en ne prenant pas en compte son écriture produite 11 jours après l’échéance du délai de 30 jours qui lui avait été imparti le 13 avril 2022, une telle violation s’avérerait réparée dans le cadre de la présente procédure de recours. En effet, non seulement un renvoi du dossier pour ce motif au Conseil d’État ne constituerait qu'une vaine formalité, mais en outre la recourante a eu largement l’occasion de faire valoir son point de vue dans ses écritures subséquentes à la décision attaquée.

5) Selon la recourante, la sanction prononcée à son encontre ne serait pas fondée, constituerait une mesure trop incisive et violerait sa liberté d’expression, de même que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

a. À teneur de l'art. 123 LIP, les membres du corps enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction qui leur incombe (al. 1) ; ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (al. 2). Cette règle est reprise à l'art. 20 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), prévoyant qu'ils doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant, tandis que l'art. 21 al. 1 RStCE rappelle qu'ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence. L'enseignant doit jouir d'une bonne réputation (art. 45 let. b RStCE).

Par ailleurs, l'art. 114 al. 1 LIP prévoit que, dans le cadre scolaire, chaque élève a droit à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité.

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la LPAC, à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État.

b. En tant que membre du corps enseignant, l'enseignant est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP. Son rôle est ainsi de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passent de l'adolescence à l'état de jeune adulte. Dans ce cadre, l'enseignant constitue, à l'égard des élèves, à la fois une référence et une image qui doivent être préservées. Il lui appartient donc, dès qu'il se trouve hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci puissent s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité, et en particulier les parents et les élèves, ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrasse l'ensemble des devoirs qui lui incombent dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles. Dès que ses actes sont susceptibles d'interagir avec sa fonction d'éducateur, le devoir de fidélité impose à l'enseignant la circonspection et une obligation de renoncer, sauf à prendre le risque de violer ses obligations (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 11 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8).

Les devoirs spécifiques liés à la mission éducative s'imposent parfois même hors service, compte tenu de l'ascendant que les membres du corps enseignant exercent sur leurs élèves en raison de leur position d'autorité à leur égard (ATA/1086/2020 précité consid. 5b ; ATA/715/2018 du 10 août 2018 ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4c et les références citées).

c. Ces obligations légales imposées aux membres de la fonction publique, dans la mesure où elles sont susceptibles de les limiter dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, garanties par l’art. 16 al. 1 et 2 Cst., remplissent les conditions fixées par l’art. 36 Cst. auxquelles de telles restrictions sont admissibles (ATF 136 I 332 consid. 3.2)

d. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50, p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51, p. 14).

e. Aux termes des art. 142 LIP et 56 RStCE qui ont la même teneur, les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet des sanctions suivantes dans l'ordre croissant de gravité : prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec la hiérarchie, le blâme (let. a) ; prononcées par le conseiller d'État en charge du département (let. b), la suspension d'augmentation de traitement pendant une durée déterminée (ch. 1) ou la réduction du traitement à l'intérieur de la classe de fonction (ch. 2) ; prononcés par le Conseil d'État à l'encontre d'un membre du personnel nommé (let. c), le transfert dans un autre emploi avec le traitement afférent à la nouvelle fonction, pour autant que le membre du personnel dispose des qualifications professionnelles et personnelles requises pour occuper le nouveau poste (ch. 1), ou la révocation, notamment en cas de violations incompatibles avec la mission éducative (ch. 2).

f. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

g. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/137/2020 précité ; ATA/118/2016 du 9 février 2016). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 et les références citées).

h. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/137/2020 précité ; ATA/1287/2019 du 27 août 2019 et les références citées). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un certain caractère infamant vu sa nature. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019).

Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées).

i. La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux des ressources humaines dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était resté en charge (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant notamment entretenu des relations intimes avec des fonctionnaires du service (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010) ; d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre administrative a en revanche annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire, l’autorité intimée ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que son comportement constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 du 11 février 2020) ; en l'absence de violation des devoirs de service d'un fonctionnaire, pour lequel l'autorité d'engagement n'avait pas pu établir qu'il s'était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou au motif que l'autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, laissant la fonctionnaire concernée dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait à l'encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

6) a. En l’espèce, l'arrêté de révocation attaqué, qui s'appuie sur les conclusions du rapport d'enquête, retient que la recourante a très gravement et à de multiples reprises failli à sa mission d’éducation et à ses devoirs d’exemplarité, de dignité et de fidélité, lesquels s’imposaient y compris dans le cadre de ses activités extra-professionnelles.

De manière concrète, huit griefs ont été retenus à son encontre à l’issue de l’enquête administrative et dans le cadre de la décision attaquée.

b. Il lui est premièrement reproché d’avoir mis en évidence, face à une caméra, ses trophées incarnant le symbole de la G______ et les dédicaçant à la H______ –qu’elle considère à l’origine des procédures initiées à son encontre – violant ainsi son devoir d’exemplarité, portant atteinte aux intérêts de l’État et adoptant un comportement contraire au droit constitutionnel à la non-discrimination, de même qu’à sa mission en tant qu’enseignante d’éveiller chez les élèves le respect d’autrui et la tolérance à la différence (art. 10 al. 1 let. e LIP).

La recourante tente de justifier son comportement en se prévalant notamment de sa liberté d’expression, de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l’interprétation du geste de la G______ en fonction du contexte dans lequel il est esquissé (ATF 143 IV 308) ou encore du fait que ses élèves n’auraient pas eu connaissance du contenu des vidéos qu’elle avait publiées. Ces éléments ne permettent toutefois pas, vu la gravité des faits, d’atténuer sa responsabilité, ce d’autant moins qu’elle avait déjà été blâmée notamment pour sa participation au « D______2019 » et la publicité qu’elle avait donnée à cet évènement. Elle devait ainsi s’attendre à l’ambiguïté que provoquerait l’exposition du symbole de la G______, geste notoirement à connotation antisémite.

c. La recourante a, en diffusant plusieurs vidéos portant sur des comparaisons entre les mesures sanitaires en vue d’endiguer la pandémie de Covid-19 en vigueur et les mesures imposées aux communautés juives durant la période nazie, enfreint sa mission d’éducation, les valeurs promues par le DIP et le devoir d’exemplarité propre à sa fonction d’enseignante.

La recourante indique qu’en publiant ces images son objectif n’était pas de choquer les descendants des victimes de la Shoah ni de minimiser les souffrances vécues par les personnes de confession juive sous le régime nazi, mais de « sensibiliser les gens sur la fragilité des droits et libertés qui sont tenus pour acquis par le commun des mortels et s’inscrit dans un débat public plus large concernant les libertés et les dérives totalitaires qui menacent toute société démocratique ». Toutefois, même à considérer que la recourante n’avait pas d’intention discriminatoire, elle ne pouvait pas ignorer qu’une telle comparaison allait à tout le moins susciter la controverse et, pour les mêmes motifs que ceux précédemment cités, constituait une violation de ses devoirs de services.

d. Il est reproché à la recourante d’avoir, en rediffusant des images d’elle-même vêtue d’un gilet jaune orné d’un ananas – alors que ce comportement avait déjà été condamné par le blâme prononcé à son encontre – contrevenu aux valeurs véhiculées par le DIP, à son devoir d’exemplarité, ainsi qu’à son devoir de fidélité envers son employeur.

La recourante se défend sur ce point en alléguant que l’ananas est un fruit et non une allusion antisémite ou un symbole nazi. Selon elle, dans le contexte de cette vidéo consacrée au processus de création monétaire, sa tenue ne pouvait pas être associée à une chanson aux paroles considérées comme problématiques. Ces arguments n’apportent cependant pas d’éléments de nature à minimiser sa responsabilité, ce d’autant qu’elle connaissait la problématique qui avait déjà été abordée dans le cadre de la procédure ayant conduit au blâme, étant précisé que le fait qu’elle se soit opposée à l’interprétation précitée dans son courrier au DIP du 4 août 2020 n’est pas pertinent.

e. Il est fait grief à la recourante d’avoir, plusieurs fois et à diverses occasions, pris l’initiative d’évoquer publiquement les procédures administratives dirigées contre elle, parlant d’acharnement de la part de son employeur, du fait que celui-ci chercherait à la licencier en raison de ses activités privées et de ses relations amicales, ceci sous l’influence de la H______, ou encore que la manière de procéder de son employeur constituait une violation de ses droits. Par ces affirmations, la recourante a remis en question publiquement l’intégrité du DIP, nui à l’image de l’État et mis à mal la confiance que les citoyens doivent avoir dans la fonction publique, faisant fi des injonctions qu’elle avait reçues de respecter son devoir de réserve.

La recourante se prévaut de n’avoir jamais révélé l’identité des témoins ni la teneur de leur témoignage, ainsi que du fait que des éléments de la procédure auraient été communiqués à la presse, sans qu’elle n’en soit à l’origine. Elle allègue également n’avoir jamais pu définir avec sa hiérarchie les contours et limites de son devoir de réserve. Cette argumentation ne permet toutefois pas d’amenuiser la gravité de la violation de ses devoirs, dès lors que ces questions ont déjà été abordées dans le cadre de la procédure ayant conduit au blâme, que sa hiérarchie lui a expressément demandé de se conformer à son devoir de réserve et qu’elle devait se douter que ses communications publiques concernant les procédures en cours étaient susceptibles de la placer en porte-à-faux avec son employeur.

f. La recourante a, en période de crise sanitaire, publié sur un réseau social un courrier de la DGEO concernant le port du masque par les élèves de l’école primaire, pris ouvertement position contre cette décision et invité les parents d’élèves à manifester à son encontre. Ce faisant, elle a violé ses devoirs d’exemplarité, de réserve et de fidélité, dans un contexte où une attention particulière devait être portée à la relation de confiance devant prévaloir entre les citoyens et leurs autorités.

S’il est vrai que la manifestation était autorisée, s’inscrivait dans un débat démocratique et que rien n’empêchait la recourante d’y prendre part, c’est en vain que celle-ci tente de se justifier en se référant à des études scientifiques sur les conséquences du port du masque et en soutenant qu’il n’appartiendrait pas aux fonctionnaires de défendre la confiance ébranlée du public suite aux décisions, parfois contradictoires, prises durant la pandémie. Toutefois, le comportement adopté par la recourante était de nature à créer aux yeux du public une ambiguïté entre son point de vue personnel et celui de son employeur, ce qu’elle ne pouvait pas ignorer.

g. Il est fait grief à la recourante d’avoir, lors d’une interview, remis publiquement en question la régularité des votations du 28 novembre 2021 et, ainsi, la confiance des citoyens en leurs autorités, ce en fondant son analyse uniquement sur des témoignages indirects et sans vérifier ses dires, alors que ladite votation n’a pas fait l’objet d’un recours.

La recourante conteste avoir nui aux intérêts de l’État, exposant que ses propos ont concerné une votation en particulier, au demeurant sur un sujet sensible, et que le risque de fraude électorale via les votes électroniques était notoire. Ces arguments ne lui sont d’aucun secours, dans la mesure où de telles affirmations publiques et sans réserves ne pouvaient qu’avoir pour effet de jeter le discrédit sur l’État, ce dont elle a le devoir de s’abstenir. De telles accusations sans fondement sont graves, ne sauraient être admises et constituent pour l’enseignante une violation de ses devoirs d’exemplarité, de fidélité et de réserve.

Il est également reproché à la recourante d’avoir, à l’occasion de la même interview, évoqué publiquement le statut vaccinal du conseiller d’État en charge de la santé ainsi que le non-respect par celui-ci, dans le cadre d’un événement privé, des gestes barrières alors préconisés. Elle a ainsi cherché à remettre en cause la crédibilité d’un représentant du gouvernement, sans faire le lien entre le statut de conseiller d’État et celui d’employeur. Ses propos étaient de nature à nuire aux intérêts de l’État et constituent une violation de ses devoirs d’exemplarité, de fidélité et de réserve.

La recourante a indiqué tenir pour vrai le contenu de ses propos, relayés par la presse et s’inscrivant dans un débat démocratique et public lié aux restrictions sanitaires. Ils tendaient à mettre en évidence la situation d’un élu qui prétendait imposer à tous le vaccin et se devait d’adopter une conduite exemplaire. Cette argumentation n’est toutefois pas pertinente. Peu importe la véracité de ses affirmations, dès lors qu’elle ne s’est pas conformée à son obligation de s’abstenir de tous propos pouvant nuire à son employeur et a ainsi violé son devoir de réserve.

h. La recourante a diffusé sur internet la vidéo d’un entretien avec M. J______, personnage controversé, lequel a tenu à cette occasion sur plusieurs sujets des propos totalement inadéquats et incompatibles avec les valeurs véhiculées par le DIP. Elle a ainsi enfreint ses devoirs d’exemplarité et de fidélité.

La recourante ne s’estime pas responsable des propos tenus par les personnes qu’elle interroge, y compris lorsqu’elle ne partage pas leurs idées, comme en l’occurrence. Elle ne pouvait toutefois pas ignorer que sa passivité face à de tels propos, de même que son manque d’esprit critique, de recul et de remise en question risquaient de la faire apparaître comme soutenant un discours incompatible avec les principes et règles de fonctionnement d’un État démocratique. Ce comportement va à l’encontre de son obligation d’adopter, en tout temps et y compris hors du cadre scolaire, un comportement auxquels les élèves peuvent s’identifier.

i. Enfin, il est reproché à la recourante d’avoir au cours de deux années scolaires différentes, tenu devant deux classes des propos de nature dissuasive en pleine campagne de vaccination contre le papillomavirus au sein du DIP, enfreignant ainsi ses devoirs de fidélité et de réserve.

La recourante a affirmé avoir voulu informer ses élèves de l’existence de la liberté vaccinale et du fait qu’ils disposaient d’un libre-arbitre à ce sujet. Il n’en demeure pas moins qu’elle est, en tant qu’enseignante B______, sortie du cadre de son rôle et de son enseignement et a violé son devoir de réserve. Peu importe que son discours n’a pas eu d’impact sur le choix final des élèves.

j. Pour fonder sa décision, l'autorité intimée a tenu compte du cumul des violations par la recourante de ses devoirs de service, estimant que même si la majorité de celles-ci avait eu lieu hors du cadre scolaire, leur gravité n’en était pas amoindrie. L’intimé a également pris en considération le blâme prononcé à l’encontre de la recourante, lequel portait sur le même type de violations, ainsi que le fait que celui-ci n’a pas eu l’effet dissuasif escompté sur le comportement de l’enseignante qui avait continué à publier et diffuser sur internet des contenus inadéquats en disposant pourtant de toutes les informations lui permettant d’appréhender les actes susceptibles de constituer une violation des devoirs de service. Le Conseil d’État a également relevé, à sa décharge, sa forte implication auprès de ses élèves ainsi que la qualité de ses prestations en lien avec l’enseignement, retenant toutefois que ces éléments ne suffisaient pas à rétablir la confiance devant prévaloir entre l’enseignante et son employeur.

Eu égard aux éléments du dossier pris dans leur ensemble, c'est de manière non critiquable que le Conseil d'État a retenu de graves et multiples violations par la recourante de ses devoirs de service, tant dans le cadre scolaire que dans celui de ses activités extra-professionnelles. La recourante, qui ne conteste pas en tant que tels les faits qui lui sont reprochés, se limite d’une manière générale à opposer à celle de l’autorité intimée sa propre appréciation de la situation, à tenter d’amoindrir sa responsabilité et à alléguer ne pas parvenir à identifier, faute d’indications précises du DIP à ce sujet, quels auraient été les comportements susceptibles de constituer une violation de ses devoirs de service. Or, comme l’ont retenu à juste titre tant l’enquêtrice que le Conseil d’État, dans la mesure où elle a déjà fait l’objet d’un blâme pour des faits similaires moins de deux ans avant le prononcé de la révocation, elle ne pouvait que s’attendre à ce que ses publications, à tout le moins celles qui font l’objet de la décision attaquée, soient constitutives de nouvelles violations de ses devoirs de fonction.

C'est également à juste titre que l'autorité intimée a estimé que seule la révocation de la recourante était apte à permettre de veiller à l’intérêt public que constituait la protection des élèves, le respect des valeurs pédagogiques, la réputation de la fonction publique ainsi que le maintien de la confiance parentale et de la collectivité dans le personnel enseignant.

Dans ces circonstances, aucune autre sanction disciplinaire n'apparaît envisageable sous l'angle de la proportionnalité et aucune autre mesure ne permettrait d'atteindre les objectifs précités. En tout état, la faute de la recourante est grave et a irrémédiablement rompu le lien de confiance avec son employeur, ce que ce dernier a relevé. Par ailleurs, la sanction prononcée s’avère conforme à la jurisprudence constante en matière de révocation et il n’apparaît pas que la recourante ferait l’objet d’une inégalité de traitement en étant sanctionnée différemment, le cas échéant plus sévèrement, qu’un membre de la fonction publique ayant commis des manquements à ses devoirs de service dans des circonstances assimilables à sa situation. Les cas cités par la recourante à l’appui de son argumentation et dont la production des décisions y relatives lui a été refusée ne sont pas davantage similaires au sien, étant rappelé que les griefs retenus à son encontre sont au nombre de huit, s’inscrivent dans la durée et sont quasiment tous postérieurs à la mise en garde claire que constituait le blâme. Enfin, l'intérêt public de l’employeur à la conservation d'un personnel respectueux de ses intérêts prime l'intérêt privé de la recourante à conserver son poste.

Compte tenu de ce qui précède, c'est sans abuser de son large pouvoir d'appréciation, conformément au droit et dans le respect des principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement que le Conseil d'État a prononcé la révocation de la recourante.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2022 par Madame A______ contre la décision du Conseil d'État du 22 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Junod, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :