Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/5099/2017

ATA/715/2018 du 10.07.2018 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/5099/2017-FPUBL ATA/715/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juillet 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yaël Hayat, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé le 1er septembre 2015 comme chargé d’enseignement auprès du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), enseignant le français et le latin au Cycle d’orientation B______.

Il avait auparavant, depuis 2009, effectué des remplacements, sans être titulaire du diplôme d’enseignement secondaire.

2) Dans le cadre de sa procédure de nomination, il est apparu que M. A______ avait été condamné en 2014 pour « conduite d’un véhicule automobile sans le permis de conduire requis ».

Le service des ressources humaines l’a informé le 9 mars 2017 qu’il préavisait néanmoins favorablement sa nomination au 1er septembre 2017. Il le rendait cependant expressément attentif au fait que le rôle d’enseignant impliquait, par rapport à l’élève, une image d’exemplarité. À ce titre, il importait que le comportement des collaborateurs du DIP soit exempt de reproches.

3) Par courrier du 24 août 2017 adressé à la Conseillère d’État en charge du DIP, le Ministère public l’a informée qu’il avait ouvert une instruction contre l’enseignant pour tentative d’acte d’ordre sexuel avec des enfants du fait qu’il s’était masturbé devant une webcam, en ayant la conviction qu’une mineure de 13 ans le regardait. Il existait des soupçons concrets de commission de cette infraction.

Le dossier était susceptible d’être consulté sur requête.

4) Par courriel du vendredi 25 août 2017, le directeur du cycle d’orientation a indiqué à l’enseignant qu’il avait cherché en vain à le joindre par téléphone. Il devait le rencontrer d’urgence le lundi suivant à moins qu’il arrive à lui parler avant. Il était joignable sur son téléphone portable pendant le week-end.

5) M. A______ a répondu par courriel du même jour, en début de soirée, qu’il était infiniment désolé. Une dure épreuve lui était tombée sur la tête et il ne pourrait pas revenir lundi. Il serait en réalité absent pendant plusieurs mois, voire pour l’année. Son remplaçant devait faire comme s’il suivait ses classes. Il ne pourrait suivre son remplaçant. Il regrettait de mettre son directeur dans cette situation. Suivaient quelques explications destinées au remplaçant. Le courriel se terminait par l’indication selon laquelle le directeur pouvait expliquer comme motif de son absence qu’il était en arrêt pour plusieurs mois.

6) Par courriel du lendemain, le directeur a répondu à l’enseignant qu’il devait absolument le voir lundi matin. Il l’attendait dans son bureau à 8h30.

Le même jour, M. A______ a, également par courriel, indiqué au directeur qu’il était sous traitement médical. Un certificat médical lui parviendrait lundi ou mardi suivant. En raison de l’estime qu’il portait au directeur, il se présenterait lundi au rendez-vous. Étant sous médication, il était possible que son attention soit diminuée. Son médecin lui avait recommandé de ne pas conduire. S’il n’était pas présent lundi, c’était qu’il avait eu un accident, ce dont le directeur serait rapidement informé. Si cela était possible, il préférait que le rendez-vous ait lieu à côté de l’école, afin d’épargner ses traits défaits à ses collègues et aux élèves.

7) Le directeur a répondu qu’au vu du certificat médical, le rendez-vous était annulé. Il lui adresserait « en lieu et place » un courrier, dont il sera fait état ci-après sous chiffre 9.

8) Compte tenu des éléments transmis par le Ministère public, la période probatoire de M. A______ a été prolongée jusqu’au 31 août 2018 par décision du 30 août 2017, remise en mains propres le jour même et déclarée exécutoire nonobstant recours.

Toujours le 30 août 2017, M. A______ a remis au directeur un certificat médical daté du 28 août 2017, attestant d’un arrêt de travail à 100 % du 24 août au 18 septembre 2017. Par la suite, des certificats médicaux d’incapacité de travail entière jusqu’au 31 octobre 2017 ont été produits.

9) Par courrier du 5 septembre 2017, le directeur a convoqué M. A______ à un entretien de service devant avoir lieu le 27 septembre 2017. Les faits instruits par le Ministère public étaient susceptibles de constituer une violation des art. 123 al. 1 et 2 de la loi sur l’instruction publique (C 1 10 ; LIP), les art. 5A, 20 et 21 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04) et un motif de résiliation des rapports de service au sens de l’art. 136 LIP et de l’art. 78 RStCE. Cette résiliation pouvait intervenir avec un préavis de trois mois ou avec effet immédiat. L’objectif de l’entretien était d’entendre l’intéressé « par rapport à cette situation » qui pouvait conduire à la résiliation des rapports de service. Le directeur conduirait l’entretien, le chef de secteur des ressources humaines et la secrétaire chargée de la prise du procès-verbal y assisteraient. M. A______ pouvait se faire accompagner d’une personne de son choix. Enfin, il était informé qu’il était immédiatement et provisoirement libéré de son obligation de travail. Durant l’entretien, il pourrait également s’exprimer sur la prolongation de la période probatoire.

10) Le 13 septembre 2017, M. A______ a adressé un courriel au directeur de l’école. Il ignorait quel avait été le sentiment de ce dernier lorsqu’il avait pris connaissance de l’accusation, mais s’il avait pu douter un instant de sa véracité, il l’assurait qu’il n’aurait pas eu tort. La justice prouverait qu’il n’y avait rien de vrai dans les faits reprochés. Ce qui l’avait perdu était son innocence et la vie qu’il avait menée jusque-là. Il avait toujours été sérieux, soucieux, dévoué et cherché à faire le bien. Son arrestation avait été une véritable mort psychique. Il s’était désintégré brusquement, effondré intérieurement, était ruiné d’un coup. Ses études philosophiques l’avaient amené à imaginer des événements qui pourraient lui arriver et s’y préparer, mais il y avait des horreurs auxquelles l’on ne pouvait se préparer. Cette accusation hideuse et infamante était un événement de cette espèce. Il était fracassé, pensait mourir, pensait aux problèmes qu’il allait causer à son directeur. Il commençait peu à peu à retrouver ses esprits, mais malgré le traitement, il continuait à être torturé par la gravité infamante de l’accusation et peinait à trouver le sommeil. La justice prouverait son innocence, mais l’ombre d’un hideux soupçon risquerait de lui coûter son travail. S’il le perdait, il serait évidemment amer. Il considérait l’enseignement comme la meilleure manière de lutter contre la violence, la méchanceté et la discorde. La transmission de la connaissance était loin d’être un simple métier, mais une véritable vocation. Quoi qu’il en était, il avait toujours été honoré d’avoir eu le directeur comme supérieur et les aspects officiels de l’affaire n’ôtaient en rien l’estime qu’il portait à celui-ci. Le directeur lui avait fait très bonne impression dès leurs premières rencontres. Il avait toujours apprécié les hommes bons et de bonne volonté et le directeur en était un. Quoi qu’il arrive, le directeur aurait toujours sa plus haute estime et son affection, ce qu’il tenait à lui faire savoir. Il était heureux qu’un homme comme le directeur soit à la tête de l’école.

11) Par courrier du 29 septembre 2017, constatant que M. A______ ne s’était pas présenté à l’entretien de service en raison de son arrêt de travail, le directeur l’a informé que celui-ci se ferait par écrit. L’entretien de service avait pour objet l’instruction ouverte par le Ministère public pour tentative d’acte d’ordre sexuel avec des enfants. Selon cette instruction, M. A______ se serait masturbé le 27 juin 2017 devant une webcam en ayant la conviction que celle-ci était regardée par une mineure de 13 ans. Ces faits étaient susceptibles de constituer une violation des art. 123 al. 1 et 2 LIP, 20, 21 et 45 RStCE et un motif de résiliation des rapports de service, qui pouvait être prononcée avec effet immédiat ou moyennant un préavis de trois mois. Dans les deux cas, la décision était accompagnée d’une libération immédiate de l’obligation de travailler. En raison des faits reprochés, la période probatoire avait été prolongée d’une année. Dans l’attente de l’entretien de service, l’enseignant avait été libéré provisoirement de l’obligation de travailler.

Lors de la consultation du dossier pénal, le DIP avait constaté que lors de son audition, M. A______ avait admis qu’il utilisait le pseudonyme « C______ » sur le site internet skyrock.com et se faisait passer pour un mineur de 17 ans, ajoutant qu’il utilisait également le nom « D______ » sur Skype.

Selon la dénonciation de l’Office fédéral de la police du 27 juin 2017, l’utilisateur « Faruk83 » avait pris contact avec l’enquêteur sous couverture dont l’identité était celle d’une mineure de 13 ans. La discussion s’était poursuivie sur skype où l’usager utilisait le nom de « D______ » et s’était masturbé en direct. Lors de son audition par la police, M. A______ s’était reconnu sur les captures d’écran. Lors de son audition par le Ministère public le 24 août 2017, M. A______ avait admis avoir sur ordinateur plusieurs photos de lui nu pour « les montrer aux femmes avec qui [il discutait] sur Internet et qu’il [lui] était arrivé une vingtaine de fois de se masturber en live dont peut-être deux ou trois fois en présence de filles de moins de 15 ans ». S’agissant du contact du 27 juin 2017, il avait vu qu’elle avait 13 ans sans avoir «  percuté » et avoir été « dans un état second ». Enfin, il avait accepté devant le Ministère pubic des mesures de substitution consistant en l’obligation de mettre en place un suivi psychologique, une interdiction de travailler avec des mineurs de moins de 18 ans, l’obligation de se soumettre à une expertise psychiatrique et une obligation de déférer à toute convocation judiciaire. Entendu le 25 août 2017 par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC), il avait reconnu les faits du 27 juin 2017 en précisant qu’il ne se souvenait plus du contexte. Il avait également admis avoir agi de la même manière à deux ou trois reprises avec d’autres mineures. Il avait accepté les mesures de substitution et l’ordonnance du même jour lui avait, notamment, fait interdiction de travailler avce des mineurs pour une durée de six mois, prolongeable si nécessaire.

Bien qu’il ait exprimé des regrets et se soit montré coopérant dans l’instruction pénale, les faits étaient susceptibles de constituer une grave violation de ses devoirs de fonction dès lors que le positionnement de l’enseignant, de par son rôle à l’égard des élèves, des parents et de la collectivité se devait d’être exemplaire. Cette exemplarité lui avait été rappelée en mars 2017 par le service des ressources humaines au vu de la condamnation figurant dans son extrait de casier judiciaire. Le DIP devait pouvoir placer toute sa confiance en lui. Il devait veiller à la protection des élèves, a fortiori des élèves mineurs.

Au vu de ces éléments, une résiliation des rapports de service avec effet immédiat était envisagée. Compte tenu, par ailleurs, de l’interdiction de travailler avec des mineurs, dont le DIP n’avait pris connaissance que lors de la consultation du dossier pénal, et de l’impossibilité d’exercer son activité, le traitement était suspendu à compter du 1er octobre 2017. Le directeur se déterminerait, le moment venu, sur l’éventuel remboursement du salaire perçu depuis le 25 août 2017.

Un délai de trente jours dès réception du courrier était imparti à M. A______ pour se déterminer sur l’ensemble des éléments du courrier.

12) Par courrier du 12 octobre 2017, le conseil de M. A______ a fait part de son souhait de s’entretenir avec le directeur et l’a informé qu’elle se permettrait de prendre contact avec lui.

13) Le 25 octobre 2017, l’avocate a sollicité une prolongation de quinze jours du délai pour déposer les observations relatives à l’entretien de service.

14) Une prolongation a été accordée au 10 novembre 2017. Cette prolongation a été accordée en fin de journée du 30 octobre 2017.

15) Dans sa détermination du 30 octobre 2017, M. A______ a conclu à ce que la procédure soit suspendue jusqu’à droit connu sur la procédure pénale, que la nullité des actes entrepris soit constatée, à savoir la consultation du dossier pénal, et qu’il soit renoncé à la résiliation avec effet immédiat des rapports de service.

L’ordonnance du TMC avait précisé que le Ministère public informerait le DIP de la procédure pénale ouverte à son encontre. C’était ce que l’autorité pénale avait fait le 24 août 2017. En conséquence, la période probatoire avait été prolongée d’une année. Il n’avait été entendu dans la procédure pénale qu’une seule fois, lors de son interpellation, dans un contexte de stress intense. À l’aune du principe de la présomption d’innocence, rien ne justifiait de ne pas attendre l’issue de la procédure pénale.

16) Par courriel du 3 novembre 2017, le directeur a demandé à l’avocate de M. A______ de confirmer jusqu’au 6 novembre 2017 si elle souhaitait compléter ses observations d’ici le 10 novembre 2017.

L’avocate n’a pas répondu à ce courriel.

17) Le 10 novembre 2017, le DIP a résilié avec effet immédiat les rapports de service. L’interdiction de travailler avec des mineurs et le fait que les faits reprochés n’étaient pas contestés justifiaient le licenciement avec effet immédiat. En outre, l’enseignant n’avait pas informé l’employeur de ce qu’il avait fait l’objet d’une interdiction de travailler avec des mineurs. Il avait ainsi également violé gravement le devoir de fidélité et de dignité. Aucune mesure de reclassement n’était envisageable. L’intérêt public primait l’intérêt de M. A______ à pouvoir poursuivre sa carrière dans l’enseignement secondaire I et II. Il n’était pas possible de prévoir un enseignement dans ces degrés, qui ne s’adresserait qu’à des élèves majeurs. Le droit au traitement prenait fin le 1er octobre 2017. L’enseignant ayant eu une interdiction de travailler avec des mineurs depuis le 25 août 2017, il lui appartenait de rembourser son traitement du mois de septembre 2017. Enfin, le DIP procèderait à la destruction de la copie du dossier pénal si l’autorité pénale, saisie par M. A______, devait l’ordonner.

La décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours.

18) Par acte expédié le 11 décembre 2017 tant auprès du Conseil d’État que de la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision, concluant, principalement, à sa nullité ainsi qu’à « la nullité des actes entrepris à savoir la production de pièces pénales », puis au renvoi du dossier au DIP pour « nouvelle procédure et nouvelle décision » et destruction des copies faites en lien avec la procédure P/______/2017.

Quelles que soient les réponses qu’il avait données lors de son arrestation, il contestait les faits reprochés. Il avait recouru contre la décision autorisant le DIP à consulter la procédure pénale précitée. Il avait ainsi demandé que la procédure administrative soit suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure pénale. Le DIP avait néanmoins résilié les rapports de service, sans se prononcer sur sa demande de suspension. Par ailleurs, la consultation du dossier pénal par le DIP était illégale, de sorte qu’elle devait être déclarée nulle, et les copies faites à cette occasion devaient être détruites. Ni l’art. 25 LPA ni l’art. 101 al. 2 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) n’autorisait la consultation, sans que l’intéressé ait pu, au préalable, se prononcer sur celle-ci. Le droit d’être entendu avait été violé par deux fois : d’abord en ne motivant pas le refus de suspension, puis en n’interpellant pas l’administré sur la consultation du dossier pénal. Ces violations ne pouvaient être réparées en procédure de recours. En outre, la présomption d’innocence avait été violée, dès lors qu’une seule audition avait eu lieu et que la culpabilité du recourant n’était pas établie. Par ailleurs, la décision querellée violait les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Le transfert dans un autre établissement, ne comptant que des élèves adultes, était possible. Enfin, entendu lors de son interpellation, le recourant se trouvait dans un contexte d’émotion intense ; il ne pouvait être retenu que les faits étaient établis. Son attitude pédagogique n’était pas critiquable. Le Ministère public avait indiqué qu’il informerait l’employeur de l’interdiction de travailler avec des mineurs. Finalement, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir expliqué sa situation à son directeur ; le recourant lui avait adressé un courriel à cet effet le 13 septembre 2017.

19) Par arrêté du 17 janvier 2018, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent pour connaître du recours et l’a transmis à la chambre de céans, comme objet de sa compétence.

20) Par décision du 7 février 2018, la chambre de céans a refusé la restitution de l’effet suspensif.

21) Le DIP a conclu au rejet du recours.

La suspension ne se justifiait pas, les soupçons concrets retenus par le Ministère public, l’absence de contestation des faits reprochés dans les observations relatives à l’entretien de service ainsi que le fait que le recourant n’avait pas informé le directeur de l’interdiction d’enseigner qui le frappait suffisaient à asseoir la résiliation des rapports de service. En prononçant celle-ci avec effet immédiat, le DIP s’était de facto prononcé sur l’absence de nécessité de suspendre la procédure. La consultation du dossier pénal avait été autorisée par l’autorité compétente. De toute manière, le DIP ne s’était pas fondé sur le dossier pénal, mais sur la communication du Ministère public, la détermination du recourant dans le cadre de l’entretien de service et l’absence d’information de ce dernier quant à la mesure prononcée par le TMC. Le DIP avait eu connaissance de celle-ci lors de la consultation du dossier pénal, puis le recourant en avait fait état dans ses déterminations relatives à l’entretien de service. L’art. 25 LPA n’était pas applicable ; la consultation du dossier pénal s’était fondée sur les art. 101 al. 2 CPP et 15 LaCP. Par ailleurs, les exigences formelles relatives à la procédure de licenciement avaient été respectées.

22) Dans sa réplique, le recourant a relevé qu’il n’avait pas confirmé les déclarations faites lors de son arrestation. Son employeur n’avait pas fait tout ce que l’on pouvait exiger de lui pour vérifier les soupçons pesant sur lui. La décision devait donc être annulée et la procédure suspendue.

23) Le 6 avril 2018, la chambre de céans a rejeté la requête de suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. Dans la mesure où il convenait d’examiner si l’employeur disposait, au moment de la résiliation, de suffisamment d’éléments pour prononcer celle-ci avec effet immédiat, il n’y avait pas lieu d’attendre l’issue de la procédure pénale.

24) Lors de l’audience de comparution personnelle qui s’est tenue le 23 avril 2018 devant la chambre de céans, le conseil du recourant l’a informée du fait que le recours dirigé contre la décision de consultation du dossier pénal avait été rejeté par la chambre pénale de recours de la Cour de justice et que l’expertise psychiatrique ordonnée par le Ministère public était terminée.

Le DIP a confirmé qu’il n’avait eu connaissance de la mesure de substitution que lors de la consultation du dossier pénal. M. A______ en avait ensuite fait état dans ses déterminations.

Ce dernier a confirmé qu’il n’en avait informé ni son directeur ni le DIP. Le Ministère public lui avait toutefois indiqué qu’il informerait son employeur ; il était ainsi parti de l’idée que le DIP serait informé de l’évolution de la procédure pénale.

M. A______ a, en outre, déclaré qu’il hésitait à s’exprimer, car quoi qu’il dise, il était « fichu ». Ce qui l’avait le plus affecté lors de son arrestation était de savoir qu’il avait causé des soucis à son directeur du fait qu’il n’était plus disponible du jour au lendemain. Il avait toujours été loyal envers son directeur, avait fait preuve de rigueur, de conscience et de loyauté. C’était par loyauté qu’il avait travaillé à 80 %, afin de disposer du temps nécessaire à la préparation des cours. Lorsque son directeur lui avait demandé d’augmenter son temps de travail parce qu’il manquait d’enseignants, il avait accepté, par loyauté. À la suite du prononcé de la mesure de substitution, il ne savait pas s’il était suspendu ou non. Dès lors qu’il se sentait toujours lié au DIP, il lui avait fait parvenir les certificats médicaux. Par ailleurs, il se sentait mal ; il était entre la vie et la mort. À aucun moment, il n’avait souhaité cacher l’existence de l’ordonnance de mesures de substitution.

À l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant fait valoir que son droit d’être entendu a été violé du fait que la décision attaquée ne se prononce pas sur sa requête de suspension de la procédure avant licenciement dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

a. Le droit d’être entendu garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique notamment pour l’autorité de motiver sa décision. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués, mais peut au contraire se limiter à l’examen des questions décisives. La motivation peut d’ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 et les références citées).

b. Il est exact que le recourant a sollicité, dans ses observations relatives à l’entretien de service, la suspension de la procédure administrative dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, qui n’en était alors qu’à ses prémices. L’intéressé relève également, à juste titre, que la décision querellée ne contient pas de motivation spécifique exposant les raisons du refus de suspendre la procédure. Toutefois, il ressort de cette décision que l’employeur a estimé que les conditions justifiant de mettre fin aux rapports de service avec effet immédiat étaient remplies. Le DIP a retenu qu’aucune condamnation pénale n’avait été prononcée, mais qu’une interdiction de travailler avec des mineurs existait et que le recourant n’avait pas contesté les faits reprochés. Il n’avait pas informé son employeur de l’interdiction précitée. Ces éléments constituaient une violation grave des devoirs de fidélité et de dignité, qui était incompatible avec la poursuite de la mission éducative confiée à l’enseignant. Il ressort ainsi implicitement de la motivation de la décision contestée qu’il n’y avait pas place pour une éventuelle suspension de la procédure. Dans la mesure où le refus de suspendre découle du raisonnement motivant la résiliation immédiate des rapports de service, le grief de violation du droit d’être entendu doit être rejeté.

3) Dans un grief suivant, le recourant soutient que son droit d’être entendu a été violé du fait que la procédure d’entraide administrative prévue par l’art. 25 al. 2 LPA n’a pas été respectée, le privant de la possibilité de s’exprimer avant que le DIP consulte la procédure pénale.

a. Les autorités administratives peuvent requérir auprès d’autres administrations les pièces et informations nécessaires à l’établissement des faits (art. 25 al. 1 LPA). Selon la doctrine, qui se réfère aux travaux préparatoires, il est souhaitable que la communication d’informations entre autorités administratives soit précédée d’un avis aux parties (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, Berne 2017, n. 424 ad art. 25 LPA). L’art. 6 LPA énumère les juridictions administratives du canton de Genève. Sous réserve des situations dans lesquelles il y a péril en la demeure, lorsqu’une juridiction administrative entend requérir, conformément à l’al. 1, des pièces ou des informations auprès d’une autre autorité, elle en avise préalablement les parties (art. 25 al. 2 LPA). Par ailleurs, selon l’art. 101 al. 2 du CPP, d'autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu'elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

La nullité d’une décision n’est admise qu'exceptionnellement. Elle n'est reconnue que si le vice dont la décision est entachée est particulièrement grave, manifeste ou du moins facilement décelable, et si en outre, la constatation de la nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sont ainsi nulles des décisions rendues par une autorité incompétente d’un point de vue fonctionnel ou matériel (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; 132 II 342 consid. 2.1 ; 132 II 21 consid. 3.1).

b. En l’espèce, le DIP n’a pas agi comme juridiction administrative au sens de l’art. 6 LPA. Il n’avait ainsi, contrairement à ce que soutient le recourant, pas l’obligation de l’aviser, au sens de l’art. 25 al. 2 LPA, au préalable de son intention de consulter le dossier pénal. Certes, il aurait été préférable qu’un avis au recourant précède la consultation de la procédure pénale. L’absence d’un tel avis – que la loi n’impose pas – ne permet cependant pas de retenir un vice justifiant l’annulation de la décision attaquée.

En effet, l’autorité intimée a dûment été autorisée par le Ministère public à consulter la procédure pénale. Le recourant a eu connaissance de cette décision, qu’il a contestée sans succès. En outre, le recourant ne prétend pas qu’il n’avait pas accès à l’ensemble des éléments contenus dans son dossier pénal, de sorte que les éléments consultés par le DIP lui étaient connus. Par ailleurs, et comme le souligne le département, la décision attaquée se fonde sur la communication du Ministère public du 24 août 2017, les observations du recourant dans le cadre de l’entretien de service et la mesure de substitution prononcée par le TMC, dont l’enseignant a également fait état dans les observations précitées. Ainsi, aucun élément de la procédure pénale fondant la décision attaquée n’était inconnu du recourant.

En outre, le recourant n’expose pas quels moyens il aurait pu soulever pour s’opposer à la consultation du dossier pénal par le DIP. Il n’apparaît, au demeurant pas qu’il aurait, avec succès, pu s’y opposer dans le cadre de la procédure administrative. Le département disposait, en effet, d’un intérêt public prépondérant manifeste à prendre connaissance de la procédure pénale, dès lors qu’il est notamment chargé de la protection de la santé des élèves (art. 7 al. 7 LIP). Afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires pour atteindre ce but – mesures qui pouvaient impliquer la résiliation des rapports de service –, il devait prendre connaissance des éléments révélés par la procédure pénale et en apprécier également la fiabilité. Par ailleurs, il y avait une certaine urgence à prendre les dispositions nécessaires pour s’assurer de la protection de la santé des élèves. L’enseignant avait, certes, présenté un certificat médical attestant de son arrêt de travail du 24 août au 18 septembre 2017. Il appartenait néanmoins au département de procéder sans délai aux vérifications et mesures que la communication du Ministère public du 24 août 2017 imposaient. Compte tenu de la gravité des faits dénoncés, l’instruction menée par le département ne pouvait souffrir d’aucun retard. Ainsi, quand bien même il conviendrait d’admettre l’obligation préalable d’informer le recourant de la consultation du dossier pénal, l’urgence permettait in casu d’appliquer par analogie l’art. 25 al. 2 LPA.

Au vu de ce qui précède, le second grief sera rejeté.

4) Le recourant reproche, en outre, à l’intimé d’avoir commis l’arbitraire dans la constatation des faits, en retenant qu’il n’avait pas contesté les faits qui lui étaient reprochés, que son comportement était incompatible avec une attitude pédagogique et sa position de garant, qu’il n’avait pas informé son employeur de la mesure de substitution et qu’il avait évité d’expliquer sa situation à son directeur.

a. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées).

b. En l’espèce, il ressort de l’ordonnance de mesure de substitution que le recourant est poursuivi pour tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants pour s’être, le 27 juin 2017, masturbé devant sa webcam en pensant le faire devant une mineure de 13 ans. Selon les constatations de la police et les déclarations du prévenu, qui avait indiqué avoir probablement agi à deux ou trois reprises de la sorte avec d’autres mineures, les charges étaient, de l’appréciation du TMC, suffisantes pour justifier la mise en détention provisoire de l’intéressé. Par ailleurs, le recourant s’est borné, dans ses observations relatives à l’entretien de service, à faire valoir que tant qu’il n’avait pas été condamné, il bénéficiait de la présomption d’innocence. Dans ces circonstances, l’autorité intimée pouvait, sans arbitraire, retenir que le recourant avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés.

5. a. Les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d’éducation et d’instruction, qui leur incombent. Ils sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 123 LIP ; art. 20 RStCE). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 21 al. 1 RStCE). L’enseignant doit jouir d’une bonne réputation (art. 45 let. b RStCE). L’enseignement secondaire dispense un enseignement de culture générale et vise à développer l'ouverture d'esprit, la faculté de discernement, l'autonomie, la solidarité, toutes compétences qui contribuent à l'éducation citoyenne. Il assure un équilibre dans le développement des différentes aptitudes (intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques) des adolescents, qui leur permet de trouver du sens dans leurs apprentissages et leur donne progressivement les éléments de choix pour leur parcours de formation (art. 1 al. 2 du règlement du cycle d'orientation du 9 juin 2010 – RCO - C 1 10).

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la LPAC, à savoir, notamment, le devoir de respecter l’intérêt de l’État. Les devoirs de fonction du corps enseignant comprennent les devoirs spécifiques liés à la mission éducative, qui s’imposent parfois même hors service. Cela tient au fait que les membres du corps enseignant exercent un ascendant sur leurs élèves en raison de leur position hiérarchique d’autorité à leur égard. En outre, l’école publique étant également fondée sur des valeurs (exemples : noyau intangible de la liberté personnelle, égalité entre homme et femme, caractère démocratique et laïc de l’État) qu’elle est chargée de transmettre aux élèves, l’enseignant exerce également une influence déterminante sur eux dans ce domaine (ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4c et les références citées).

b. Le fait de se masturber devant une webcam avec la conviction qu’elle est regardée par une mineure - même au stade du seul soupçon dont il sera vu ci-après (consid. 6f) qu’il repose sur des éléments concrets - n’est clairement pas compatible avec l’attitude pédagogique que l’on peut attendre d’un enseignant. Compte tenu de l’ascendant que ce dernier exerce sur ses élèves, son comportement également hors service doit être compatible avec sa mission éducative et d’instruction. Cette mission comporte la transmission et le respect de l’ordre public, dont le respect du développement sexuel non perturbé d’enfants mineurs. Il n’y a donc aucun arbitraire à retenir que les soupçons pesant sur le recourant se heurtent à une attitude pédagogique irréprochable.

c. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient le recourant, l’ordonnance de mesures de substitution n’indique pas qu’elle serait communiquée au DIP. Il en ressort uniquement que le Ministère public allait informer le même jour ce département « de la procédure ouverte contre le prévenu ». La communication de l’autorité pénale du 24 août 2017 au département ne mentionne pas la mesure précitée, celle-ci ayant été ordonnée le lendemain. La question de savoir si, de bonne foi, le recourant pouvait comprendre à la lecture de l’ordonnance susmentionnée que la communication au DIP comportait également le signalement de la mesure de substitution peut demeurer indécise. En effet, celui-ci devait à réception de la décision du 30 août 2017, remise en mains propres, prolongeant sa période probatoire et au plus tard lors de la réception du courrier du 5 septembre 2017 le convoquant à l’entretien de service se rendre compte du fait que son employeur n’avait pas été informé de la mesure de substitution. En effet, ces deux courriers, bien que se référant expressément à la procédure pénale, ne mentionnent aucunement l’existence de la mesure de substitution, alors que l’importance de celle-ci était primordiale au vu de la fonction exercée par le recourant. Ainsi, si le recourant était parti de l’idée que le DIP serait informé, le jour où elle a été rendue, de la mesure de substitution, il ne pouvait plus, de bonne foi, après réception des courriers des 30 août et 5 septembre 2017 soutenir qu’il pensait que l’information était parvenue à son employeur.

Dans ses courriels des 25 et 27 août 2017 au directeur de l’école, le recourant a fait mention d’une dure épreuve qui lui était « tombée sur la tête », qui justifiait son absence pour plusieurs mois, voire pour l’année. Il s’excusait des difficultés que son absence engendrait pour le directeur et faisait, en outre, état d’une incapacité de travail pour cause médicale. Dans son courriel du 13 septembre 2017, il n’a aucunement non plus évoqué la mesure de substitution prononcée à son encontre. Celle-ci rendant impossible la poursuite de sa charge d’enseignant auprès du cycle d’orientation auquel il était affecté, le recourant ne pouvait ignorer l’importance de cette information pour son employeur. La décision contestée ne consacre donc pas d’arbitraire en tant qu’elle retient que le recourant n’a pas informé son employeur de l’existence de l’interdiction de travailler avec des mineurs.

6. Le recourant fait en outre valoir la violation de la présomption d’innocence. Il n’avait été entendu qu’une seule fois, lors de son arrestation « avec la particularité du stress que [celle-ci] emporte ». Il n’avait pas confirmé ses déclarations, et le rôle de l’agent infiltré n’avait pas été éclairci. En fondant la résiliation des rapports de service sur cette unique déclaration du recourant, le département avait violé la présomption d’innocence. Enfin, les principes de subsidiarité et de proportionnalité avaient été violés. Un transfert vers un établissement d’enseignement avec des élèves adultes, tels un collège du soir, aurait été à même de respecter ces principes.

a. La présomption d'innocence, garantie par les art. 6 § 2 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 32 al. 1 Cst., et par l'art. 10 CPP, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 120 Ia 31 consid. 2c et les références citées). Elle peut donc être invoquée par celui qui fait l'objet d'une accusation en matière pénale, c'est-à-dire qui est exposé à un verdict de culpabilité ou à une sanction, même administrative ou disciplinaire si elle revêt un caractère punitif (ATF 115 Ia 406 consid. 3b/aa ; arrêt et la jurisprudence citée).

b. Le personnel enseignant de l’instruction publique comprend notamment les chargés d’enseignement (art. 1 let. b RStCE). Est un chargé d’enseignement le maître au bénéfice de tous les titres requis pour l’enseignement et qui est en période probatoire en vue d'une nomination (art. 66 ch. 1 RStCE). Pour les chargés d’enseignement, les rapports de service ne peuvent prendre fin que par le non-renouvellement, la résiliation des rapports de service avant la fin de l’année scolaire ou l’invalidité (art. 76 let. a à c RStCE). En cas de violation grave des devoirs de service ou de fonction, les rapports de service peuvent prendre fin avec effet immédiat (art. 78 al. 3 RStCE).

c. Le licenciement immédiat est justifié lorsque l'employeur résilie le contrat sur la base de soupçons et parvient ensuite à établir les circonstances à raison desquelles le rapport de confiance entre les parties doit être considéré comme irrémédiablement rompu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_251/2015, 4A_253/2015 du 6 janvier 2016 consid. 3.2.3). Ce qui est déterminant, c'est que les faits invoqués à l'appui d'une résiliation immédiate aient entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 130 III 213 consid. 3.1 et 127 III 153 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_60/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3.1 ; 4A_507/2010 consid. 3.2;).

Le Tribunal fédéral n'exclut pas que le soupçon d'infraction grave ou manquement grave puisse justifier un licenciement immédiat, quand bien même l'accusation portée contre l'employé se révèle ensuite infondée ou ne peut pas être prouvée. En effet, selon les circonstances, de tels soupçons peuvent rendre impossible la continuation des rapports de travail (arrêts du Tribunal fédéral 4C.103/1999 du 9 août 1999 consid. 3, in Praxis 2000 n° 11 p. 56 et JAR 2001 p. 304 ; 4C.317/2005 du 3 juin 2006 consid. 5.3). Toutefois, d'autres éléments excluent généralement le bien-fondé d'un congé-soupçon, soit parce que le manquement reproché, même s'il était avéré, ne serait pas suffisamment important pour justifier un congé immédiat sans avertissement (arrêt du Tribunal fédéral 4C.112/2002 du 8 octobre 2002 consid. 6 et les arrêts cités), soit parce que l'employeur n'a pas fait tout ce qu'on pouvait attendre de lui pour vérifier les soupçons (arrêt du Tribunal fédéral 4A_419/2015 du 19 février 2016 consid. 2.1.2 et les arrêts cités).

Les exigences posées à la résiliation pendant la période probatoire sont moins sévères, dès lors que cette période tend précisément à examiner les capacités et aptitudes de l’intéressé (ATF 120 Ib 134 consid. 2a ; 108 Ib 209 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.187/2003 du 27 novembre 2003 consid. 6.3).

d. L’art. 187 CP a pour but de protéger un développement sexuel non perturbé des enfants. Elle protège le jeune en raison de son âge, de sorte qu'il est sans importance qu'il ait ou non consenti à l'acte. Définissant une infraction de mise en danger abstraite, elle n'exige pas que la victime ait été effectivement mise en danger ou perturbée dans son développement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_457/2010 du 8 septembre 2010 consid. 1.2.1 et les références citées).

e. Le principe de la proportionnalité comporte traditionnellement trois aspects : d'abord le moyen choisi doit être propre à atteindre le but fixé (règle d'aptitude) ; deuxièmement, entre plusieurs moyens, il faut choisir celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés (règle de nécessité) ; enfin, il faut mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (proportionnalité au sens étroit ; ATF 123 I 112 consid. 4e ; RDAF 1998 I 162 consid. 3f p. 175).

f. En l’espèce, le recourant n’a pas contesté la prolongation de la période probatoire. La question de savoir si le département était fondé à résilier ses rapports de service avec effet immédiat doit donc être examinée au regard des exigences moins sévères posées à la résiliation des rapports de service pendant la période probatoire.

La décision querellée se réfère à la communication du Ministère public selon laquelle il existait des soupçons concrets de commission d’une tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants. Il pesait, selon le Ministère public, sur l’enseignant le soupçon de s’être, le 27 juin 2017, masturbé devant sa webcam en ayant la conviction que cette dernière était regardée par une mineure de 13 ans. L’affirmation de l’existence de soupçons concrets d’une tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants venant de l’autorité chargée de l’instruction pénale, l’employeur pouvait et devait y accorder une crédibilité accrue. Le DIP ne s’est, en sus, pas contenté de cette seule communication, mais a également consulté le dossier pénal. C’est alors qu’il a pris connaissance de la mesure de substitution comportant l’interdiction de travailler avec des mineurs, et de la déclaration du recourant qu’il avait probablement agi de la sorte à deux ou trois reprises avec d’autres mineures. Comme évoqué plus haut, le recourant avait tu l’existence de l’interdiction dont il faisait l’objet, alors qu’il ne pouvait ignorer l’intérêt qu’elle revêtait pour son employeur. Dans les courriels qu’il a adressés au directeur de l’école, le recourant n’a donné aucune explication sur les faits pénaux qui lui étaient reprochés et s’est limité, dans ses déterminations relatives à l’entretien de service, à clamer son innocence et à exposer que ses premières déclarations avaient été faites dans une situation de stress intense.

Au vu de l’ensemble de ces circonstances, l’autorité intimée pouvait, sans arbitraire, retenir que les soupçons portés à sa connaissance reposaient sur des éléments sérieux.

Par ailleurs, tant les faits ayant donné lieu à l’ouverture de la procédure pénale, que le fait que le recourant n’ait pas informé son employeur de la mesure de substitution étaient de nature à entraîner la rupture du lien de confiance et à rendre impossible la poursuite des rapports de service. Comme le relève l’autorité intimée, l’enseignant se doit d’avoir un comportement exemplaire à l’égard de ses élèves et de ne pas nuire à la confiance que le public doit pouvoir placer en lui. En étant soupçonné d’avoir recherché, au travers de son comportement sur Internet, à confronter des mineurs à des images susceptibles de les perturber, le recourant est suspecté d’avoir adopté une attitude qui n’est pas compatible avec sa charge d’enseignement visant des élèves mineurs. Le développement sexuel non perturbé des enfants est particulièrement protégé par l’ordre public suisse, qui réprimande par des sanctions pénales l’atteinte à celui-ci. Certes, le comportement dont le recourant est soupçonné s’est produit en dehors de la sphère scolaire. Toutefois, la gravité des soupçons et le fait que ceux-ci se rapportent à des enfants de la classe d’âge dont l’enseignement a précisément été confié au recourant atteignent un degré de gravité qui n’est pas compatible avec la poursuite des relations de service. Les agissements soupçonnés contreviennent, en effet, gravement à l’obligation de dignité et à la mission éducative incombant au recourant.

En outre, la seule interdiction de travailler avec des mineurs s’opposait à la continuation des rapports de service ; elle constituait une impossibilité objective de les maintenir. Elle aurait, de surcroît, rendu impossible la nomination du recourant, celle-ci étant conditionnée à l’existence d’une bonne réputation.

Compte tenu de ces circonstances, l’autorité intimée était fondée à considérer que les manquements dont l’enseignant était soupçonné ainsi que l’interdiction prononcée à son encontre avaient définitivement rompu la confiance que le DIP et le public pouvaient placer en lui.

Contrairement à ce que soutient le recourant, aucune mesure moins incisive que son licenciement ne pouvait être prise. Le licenciement a pour but d'écarter le recourant d'un poste qui comporte des responsabilités éducatives, pédagogiques et d’exemplarité (règle d'aptitude). Par définition, le licenciement permet d'atteindre ce but. En outre, il est difficile d'imaginer quelle mesure moins incisive pourrait permettre d'atteindre le but d'intérêt public recherché, soit l’exécution de la mission d’enseignement par des personnes pouvant honorer, notamment, leur devoir éducatif et jouissant d’une bonne réputation (règle de nécessité et de proportionnalité au sens étroit). Par ailleurs, le corps enseignant secondaire genevois est constitué, pour l’enseignement général, de personnes pouvant enseigner dans l’enseignement secondaire I et II (art. 1A let. a RStCE) et doit pouvoir être affecté à un établissement en fonction des besoins de l’institution une fois nommé (art. 49 RStCE) ; la solution proposée par le recourant consistant à être affecté à l’enseignement d’adultes n’est donc pas envisageable. En outre, l’interdiction prononcée à l’encontre du recourant de travailler avec des mineurs rendant impossible l’exécution de l’activité confiée à celui-ci, il n’apparaît pas qu’une mesure moins incisive que le licenciement avec effet immédiat aurait pu répondre aux critères sus-évoqués de proportionnalité. Enfin et de toute manière, un déplacement vers un autre établissement, qui ne compterait que des élèves majeurs, ne rétablirait pas les liens de confiance entre l'État et le recourant. L’État doit pouvoir offrir à chaque élève, quel que soit son âge, les moyens d’acquérir des connaissances et compétences dispensées par des enseignants respectueux de leurs devoirs de fidélité, de dignité et d’éducation. L’intérêt public ainsi poursuivi est en adéquation avec le licenciement prononcé, dès lors que le recourant ne satisfait pas aux devoirs précités liés à sa charge d’enseignement.

Partant, la résiliation des rapports de service avec effet immédiat, bien que grave pour l'intéressé, ne se heurte pas à la présomption d’innocence – le licenciement reposant sur les soupçons d’infraction et les déclarations y relatives de l’enseignant – ni aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

7. Vu l’issue du litige, le recourant, qui succombe, s’acquittera d’un émolument de CHF 800.- (art. 87 al. 1 LPA) et ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2017 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 10 novembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yaël Hayat, avocate du recourant, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :