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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4428/2015

ATA/1519/2017 du 21.11.2017 sur JTAPI/1299/2016 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 15.01.2018, rendu le 11.03.2019, REJETE, 2C_34/2018
Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU REVENU DE LA FORTUNE IMMOBILIÈRE(DROIT FISCAL) ; FORTUNE PRIVÉE ET COMMERCIALE(DROIT FISCAL) ; RESTRUCTURATION ; ACTIONNAIRE ; NEUTRALITÉ DE L'IMPÔT ; RÉSERVE OUVERTE ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIPP.69; LIPP.72.al1; LIFD.16.al1; LIPP.17; LIFD.20.al1.letc; LIPP.22.al1.letc; LIFD.20.al1bis; LIPP.22.al2; LIPM.12.leth; LIFD.58.al1; LIFD.17.al1; LIFD.19; LIFD.61
Résumé : Lorsque l'actionnaire de sociétés impliqués dans une scission agit dans le cadre de sa fortune commerciale, l'opération reste neutre fiscalement pour autant qu'il reçoive des titres et non des espèces et qu'il en profite pas pour augmenter la valeur fiscalement déterminante de ses participations. Dans le cas concret, l'AFC-GE n'est pas parvenue à démontrer que l'opération de scission en question a été constitutive d'une prestation appréciable en argent, taxable dans la personne de l'actionnaire et il n'est par conséquent pas possible de retenir que ladite opération ne remplit pas les conditions de neutralité fiscales prévues par la circulaire N°5 du 1er juin 2004 de l'AFC-CH, étant rappelé que les circulaire ont, en tout état de cause, une portée limitée, n'ayant pas force obligatoire et étant uniquement l'expression de l'opinion de l'autorité qui les a émises.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4428/2015-ICCIFD ATA/1519/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par 2C2F Cabinet de Conseil Fiduciaire Sàrl, soit pour elle, Monsieur Joerg Schaub, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2016 (JTAPI/1299/2016)


EN FAIT

1) Le présent litige concerne l'imposition pour l'année fiscale 2010 de Madame et Monsieur A______ (ci-après : les contribuables ou les époux A______).

2) M. A______ est administrateur et actionnaire avec Monsieur B______, à raison de 50 % chacun, de C______ SA (ci-après : C______ SA) inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis le 19 juin 2000 et ayant pour but statutaire l'acquisition, l'aliénation, l'administration et la gestion de valeurs mobilières et de participations à toutes entreprises.

3) Selon le RC, M. B______ et le contribuable sont par ailleurs administrateurs et actionnaires de D______ SA (ci-après : D______ SA), détenue par C______ SA, ayant pour but la gestion de tout patrimoine, investissements et prise de participations dans toutes opérations financières, ainsi qu'acquisition et aliénation de titres, ainsi que de E______ SA (ci-après : E______ SA) inscrite le 25 mars 2010.

4) Par acte notarié du 7 décembre 2010, intitulé « Projet de scission » (ci-après : le projet), le conseil d’administration de C______ SA (soit M. B______ et le contribuable) a décidé de fonder F______ SA (ci-après : F______SA), ayant le même but social que C______ SA.

Il a également procédé à une scission par séparation de C______ SA rétroagissant au 1er juillet 2010.

D'après le projet, C______ SA a transféré une partie de son patrimoine à F______SA, soit sa participation dans D______ SA, correspondant à l’actif net de cette dernière, s'élevant à CHF 886'419.- . Ce montant incluait le capital social de D______ SA (CHF 100'000.-), sa réserve générale (CHF 20'000.-) et ses « autres réserves » (CHF 766'419.- ; art. 3.2 dudit acte).

Suite à cette opération, le capital-actions de la société transférante (C______ SA) a été réduit de CHF 100'000.- en passant de CHF 300'000.- à CHF 200'000.-.

Le contribuable détient 50 % des droits de participation dans F______SA, soit 5'000 actions au porteur valant CHF 10.- chacune, et sa participation dans C______ SA demeure inchangée (50 %).

5) Dans un acte notarié du 6 mai 2011, intitulé « Rapport de fondation », M. B______ et le contribuable, agissant en tant que fondateurs de F______SA, ont notamment exposé que le patrimoine de C______ SA transféré en 2010 à F______SA était composé des liquidités (CHF 586'645.-), du solde des prêts accordés à D______ SA (CHF 226.-) et de l’actif net de cette dernière (CHF 300'000.-).

6) F______SA a été inscrite au RC le 16 mai 2011. Il y est en particulier précisé que cette société « est issue de la scission de la société C______ SA, à Genève (CH-1______). Selon projet de scission du 7.12.2010, la société reprend des actifs de CHF 886'419.- et aucuns passifs envers les tiers, soit un actif net de CHF 886'419.-, contre attribution aux actionnaires de la société transférante de 10'000 actions de CHF 10.- ».

7) Dans ses comptes commerciaux de l’exercice 2010, annexés à sa déclaration fiscale pour cette année-là, C______ SA n’a pas fait état de la valeur de sa participation dans D______ SA, précisant que les actifs de cette dernière avaient été transférés à F______SA avec effet rétroactif au 1er juillet 2010.

8) Le 18 septembre 2013, dans le cadre de la taxation 2010 de C______ SA, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a notamment demandé à cette dernière de démontrer que les valeurs patrimoniales transférées par la scission constituaient une exploitation et que les deux sociétés concernées (soit C______ SA et F______SA) exerçaient effectivement, avant et après la scission, une activité de holding, en employant leurs propres personnels ou du personnel mandaté.

9) Le 27 septembre 2013, C______ SA a notamment répondu que les valeurs patrimoniales transférées lors de la scission en question constituaient une exploitation, étant donné que D______ SA était une société de gestion de fortune et qu’elle employait du personnel. Par ailleurs, C______ SA et F______SA exerçaient une activité réelle de holding.

10) Par bordereaux du 17 septembre 2014, l'AFC-GE a taxé C______ SA pour l’année fiscale 2010 et a retenu que la scission susmentionnée avait des incidences fiscales, dès lors que le transfert d’une seule participation, qui en avait fait l’objet, n’était pas constitutif d’un transfert d’exploitation.

11) Il ressort des comptes commerciaux 2011 de D______ SA, produits à l’appui de la réclamation formée par C______ SA contre les bordereaux précités, que la première n’avait comptabilisé aucun salaire parmi ses charges d’exploitation. Elle n’avait par ailleurs réalisé aucun produit lors de son premier exercice, étant précisé qu’aucune pièce comptable relative à l’année 2010 n’avait été versée au dossier.

12) Le 29 septembre 2011, les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale 2010.

Ils indiquaient un revenu imposable brut de CHF 200'490.-. Parmi les titres déclarés, ils ne mentionnaient pas la participation du contribuable dans F______SA, soit 5'000 actions valant au total CHF 50'000.-.

13) Par courrier du 14 mars 2012 et rappel du 19 avril 2012, l'AFC-GE a demandé aux contribuables de lui fournir « toutes informations utiles » relatives à la souscription par le contribuable desdites actions lors de la constitution de F______SA.

14) Le 23 avril 2012, les contribuables ont notamment répondu que ces actions n’avaient pas été souscrites à titre fiduciaire.

15) Par bordereaux du 17 août 2015, rectifiant ceux expédiés le 10 août précédent, l'AFC-GE a taxé les contribuables pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2010. Elle ajoutait au revenu déclaré (CHF 200'490.-) un montant de CHF 393'210.- pour tenir compte de « la prestation appréciable en argent » dont le contribuable avait bénéficié en 2010 lors de la scission de C______ SA. Elle incluait également CHF 50'000.- dans la fortune imposable du couple, soit la valeur des 5'000 actions de F______SA détenues par le contribuable.

16) Le 3 septembre 2015, les contribuables ont formé réclamation contre lesdits bordereaux.

Ils contestaient la reprise de CHF 393'210.- et demandaient à l'AFC-GE de leur fournir « toute explication, détail de calcul et justification juridique » en lien avec ce prétendu revenu.

17) Par décisions du 20 novembre 2015, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

La reprise de CHF 393’210.- correspondait à la moitié de la réalisation des réserves ouvertes et latentes transférées dans C______ SA (recte : F______SA), laquelle devait, conformément à la loi, être considérée comme un revenu imposable.

18) Le 17 décembre 2015, les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l'annulation des décisions précitées.

Le but de la scission du 7 décembre 2010 était de séparer l’activité de gestion de fortune de celle de « corporate finance ». Cette scission ayant été effectuée par séparation, et non pas par division, une seule participation avait été transférée à F______SA.

Les conditions en matière de scission de sociétés holdings, sans incidence fiscale, au sens de la circulaire n° 5 de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 1er juin 2004 sur les restructurations (ci-après : la circulaire), étaient remplies, de sorte que la reprise opérée par l’AFC-GE était infondée.

Par ailleurs, celle-ci n’avait pas respecté le principe de l’égalité de traitement car elle n'avait pas effectué de reprise, pour l’autre moitié des réserves transférées, dans le cadre de la taxation de M. B______.

19) Le 20 avril 2016, l'AFC-GE a conclu à l’admission partielle du recours, prenant l’engagement de réduire la reprise contestée à CHF 235'926.- et à son rejet pour le surplus.

La circulaire posait quatre conditions cumulatives à la neutralité fiscale d’une scission de société holding, dont deux n’étaient pas remplies en l’occurrence. Elle indiquait clairement qu’une scission sans incidence fiscale n’était possible que si les participations étaient transférées. Il en découlait a contrario que le transfert d’une seule participation n’était pas constitutif d’un transfert d’exploitation.

Dès 2010, C______ SA ne bénéficiait plus du statut de société holding et, bien que F______SA fût au bénéfice d’un tel statut, son activité consistait plus en la détention de titres qu’en une réelle activité de holding, ses comptes ne faisant pas état de charges de personnel.

Les contribuables reconnaissaient expressément qu’une seule participation avait été transférée, ce qui suffisait pour retenir que la scission en cause ne pouvait être considérée en neutralité fiscale. Le fait que C______ SA aurait, par hypothèse, pu procéder à un autre mode de scission était sans pertinence et ne pouvait remettre en cause les décisions litigieuses. Toutefois, celles-ci comportaient une imprécision lorsqu’elles indiquaient que le montant de la reprise correspondait à la moitié de la réalisation des réserves latentes et des réserves ouvertes transférées dans C______ SA (recte : F______SA). En effet, suite à la rectification opérée dans le cadre de la taxation de C______ SA, il n’y avait plus de réserves latentes, de sorte que la reprise portait uniquement sur la moitié des réserves ouvertes (CHF 786'419. / 2 = CHF 393'210.-). L'AFC-GE avait omis d’appliquer sur ce revenu le taux d’imposition prévu par la loi (60 %). Le montant final de la prestation imposable était par conséquent ramené à CHF 235'926.-.

La façon dont M. B______ avait été taxé, pour la même année fiscale, était sans pertinence. Même s’il était démontré que la taxation de ce dernier était erronée, cela ne constituerait pas un motif valable pour appliquer le même traitement aux contribuables. Si les décisions en cause étaient confirmées par le TAPI, l'AFC-GE examinerait les moyens légaux à sa disposition pour que M. B______ soit taxé dans le même sens.

20) Les contribuables n’ont pas donné suite aux courriers du TAPI du 22 avril 2016 les invitant à se déterminer sur la réponse de l'AFC-GE.

21) Par jugement du 12 décembre 2016, le TAPI a admis partiellement le recours, en tenant compte de l'engagement de l'AFC-GE de rectifier les taxations pour ramener la prestation appréciable en argent à CHF 235'926.-.

Les contribuables ne contestaient pas le fait que les réserves ouvertes transférées à F______SA constituaient en soi une prestation appréciable en argent faite en leur faveur. Ils soutenaient uniquement que la scission remplissait les conditions posées par la circulaire quant à la neutralité fiscale d'une telle opération. Or, il ressortait clairement du dossier que ces conditions n'étaient pas réalisées. On ne pouvait retenir que C______ SA avait effectivement transféré une partie de son exploitation à la société reprenante, dès lors que seule sa participation dans D______ SA avait fait l'objet de cette opération et qu'au vu de ses comptes commerciaux, la société nouvellement créée ne disposait d'aucun personnel et n'avait concrètement pas été active durant son premier exercice. Les contribuables ne démontraient pas non plus que C______ SA avait été reconnue fiscalement comme une société holding en 2010 ; et même si tel était le cas, le transfert d'un actif isolé n'était pas suffisant pour la reconnaissance d'une scission fiscalement neutre.

Les réserves ouvertes de CHF 235'926.- réalisées lors de cette opération devaient par conséquent être imposées auprès des contribuables.

Les contribuables ne pouvaient pas prétendre être victimes d'une inégalité devant la loi du seul fait que cette dernière n'ai pas été appliquée dans le cas de M. B______, ce d'autant moins que l'AFC-GE avait indiqué avoir l'intention d'appliquer les mêmes principes à ce dernier.

22) Par acte posté le 21 décembre 2016, les contribuables ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation.

La scission avait été effectuée par séparation et non par division et, partant, une seule participation avait fait l'objet d'un transfert. S'il avait été opté pour la méthode de la division, C______ SA aurait transféré quatre participations.

Les documents produits démontraient que C______ SA était une société holding. Elle ne répondait plus aux critères cantonaux en matière de statut holding suite à la vente d'une participation au cours de l'exercice 2008 qui avait généré un produit brut de CHF 2'000'000.- et un produit net de participations de CHF 1'900'000.- parce que les liquidités ainsi générées n'avaient pas été réinvesties dans une nouvelle participation.

Au cours de la procédure de scission, E______ SA avait été constituée, laquelle avait été apportée à F______SA dès son inscription au RC. F______SA avait détenu deux participations depuis son premier exercice social arrêté au 31 décembre 2011.

La conclusion quant au fait que F______SA, ne disposant pas de personnel et ne réalisant pas de recettes au cours de son premier exercice, n'avait concrètement pas d'activité et que partant la scission ne pouvait pas être considérée comme étant neutre sur le plan fiscal, ne reposait pas sur des faits pertinents. L'absence de recettes, surtout au cours de premiers exercices d'une société nouvellement créée, n'était pas une preuve d'absence d'activité, ni le fait que cette société ne rémunérait pas ses forces vives avec l'accord de ces dernières qui y renonçaient. Le conseil d'administration de F______SA avait assumé la coordination de l'activité commerciale et la direction stratégique des deux filiales sans rémunération. Pour une question d'économie administrative, le personnel dont faisaient partie également les administrateurs, était rémunéré par D______ SA.

Les conditions en matière de scission de société holding sans incidence fiscale étaient remplies.

Les réserves ouvertes avaient été transférées de C______ SA à F______SA, et les contribuables en étaient actionnaires à hauteur de 50 % de C______ SA avant la scission, et à 50 % de C______ et de F______SA après la scission. Les contribuables ne disposaient pas, après la scission, d'un capital-actions nominal supérieur par rapport à la situation avant scission. La somme des réserves ouvertes avant et après scission était la même. En cas de distribution de ces réserves ouvertes aux actionnaires, la conséquence fiscale des contribuables serait la même aujourd'hui par rapport à la situation avant la scission, car ces distributions seraient imposées dans le chef des contribuables à titre de revenus de participations qualifiées.

Il n'y avait eu, à ce jour, ni remboursement de titres détenus ni dividendes distribués dans l'une quelconque des sociétés en cause en faveur des contribuables, et les réserves ouvertes transférées dans le cadre de la scission ne constituaient en rien une prestation appréciable en argent faite en leur faveur.

Si l'on considérait que les contribuables avaient réalisé un revenu imposable suite à l'opération de scission, ces derniers seraient exposées soit au risque d'une double imposition (imposition du même substrat fiscal, une fois à l'occasion de la scission et une fois lors de la distribution des mêmes réserves par un dividende), soit au risque d'une imposition d'un revenu fictif (imposition des réserves transférées lors de la scission, lesquelles pourraient être compensées par des pertes à venir après la scission).

23) Le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

24) Le 8 février 2017, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Concernant l'argument des contribuables par rapport à la réalisation du revenu litigieux, soit de la prestation appréciable en argent, l'AFC-GE confirmait qu'il était réalisé dans la mesure où la scission n'était pas neutre sur le plan fiscal. En ce qui concernait l'éventuelle double imposition, celle-ci n'était pas avérée et cette conclusion apparaissait en tout état prématurée.

25) Le 23 mars 2017, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

26) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne la période fiscale 2010, tant en matière d'ICC qu'en matière d'IFD. Il convient préalablement d'examiner le droit matériel applicable.

3) a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1419/2017 du 17 octobre 2017 consid 2b ; ATA/1417/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2a ; ATA/1155/2017 du 2 août 2017 consid. 5a).

b. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/1419/2017 précité consid 2b ; ATA/1417/2017 précité consid. 2b).

c. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

d. En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2010. Dès lors, c'est le nouveau droit qui s'applique, ainsi que la LIFD dans sa teneur lors de la période fiscale en cause.

4) L'objet du litige porte sur la reprise dans le revenu imposable ICC et IFD 2010 des recourants du montant de CHF 235'926.-, au titre d'avantage appréciable en argent, somme découlant des réserves ouvertes transférées à F______SA, société nouvellement crée par une scission de C______ SA.

5) a. L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD et art. 17 LIPP).

b. Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 142 II 197 consid. 6 ; 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/332/2013 du 28 mai 2013 ; ATA/714/2012 du 30 octobre 2012 consid. 6b), c’est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu (ATA/167/2012 du 27 mars 2012 consid. 7). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs (ATA/1419/2017 précité consid. 3b ; ATA/342/2015 du 14 avril 2015 consid. 6c).

c. Est ainsi notamment imposable le rendement de la fortune mobilière, à savoir en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre ; ces avantages peuvent résulter d’actions, de parts de sociétés à responsabilité limitée, de parts de sociétés coopératives et de bons de participation (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc. ; art. 20 al. 1 let. c LIFD et art. 22 al. 1 let. c LIPP). Lorsque ces droits de participation équivalent à 10 % au moins du capital-actions ou du capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative, ils sont imposables à hauteur de 60 % (art. 20 al. 1bis LIFD et art. 22 al. 2 LIPP).

6) a. Selon le Tribunal fédéral, font partie des avantages appréciables en argent, au sens de ces dernières dispositions, les distributions dissimulées de bénéfice, soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation, ou une contre-prestation insuffisante, et qui ne seraient pas effectuées ou effectuées seulement dans une moindre mesure en faveur d'un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 ; 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6 ; ATA/907/2016 du 25 octobre 2016 consid. 5b). Sont ainsi imposables, à titre de revenus, les prestations appréciables en argent, à savoir les avantages accordés par la société aux actionnaires ou à leurs proches sans contre-prestation et qui ne s’expliquent qu’en raison du rapport de participation, dès lors que la société ne les aurait pas faites, dans les même circonstances, à des tiers non participants (ATF 119 Ib 116 consid. 2 ; ATA/1308/2017 du 19 septembre 2017 consid. 5b ; ATA/513/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 138 n. 139). En raison du contenu similaire de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD et de l’art. 22 al. 1 let. c LIPP, cette jurisprudence peut également s’appliquer à l’ICC, dans la mesure où le droit cantonal genevois comporte, à l’art. 12 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), dans sa teneur avant le 30 mars 2016, en particulier en sa lettre h, une disposition équivalente à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD (ATA/907/2016 précité consid. 5b ; ATA/594/2015 du 9 juin 2015 consid. 6b).

b. De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2015 du 12 octobre 2016 consid. 3.2 ; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 4.2). L'évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre parties non liées et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce (principe du « Dealing at arm's length » ; ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_927/2013 du 21 mai 2014 consid. 5.1).

c. Lorsqu’une personne physique détient des participations de plusieurs sociétés, des transactions entre ces sociétés, et non seulement entre l’actionnaire et chacune d’entre elles, peuvent intervenir. Si les conditions contractuelles ne correspondent pas à celles du marché, une des sociétés bénéficie d’un avantage lié à l’existence d’un actionnaire unique. Dans ces cas, on parle de la théorie du triangle, l’actionnaire occupant le sommet et les deux sociétés la base de la figure géométrique. Puisque l’avantage n’est possible qu’en raison de l’actionnaire commun, qui « contraint » ses deux sociétés à s’écarter des conditions du marché, on doit fiscalement considérer qu’il transite par lui, plutôt que de retenir qu’il n’a circulé qu’entre les deux parties au contrat. Sur le plan de l’impôt sur le revenu et le bénéfice, ce n’est donc pas la société enrichie qui voit son bénéfice imposable augmenter, mais l’actionnaire gratifié d’un avantage appréciable en argent au sens de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD. En d’autres termes, l’avantage appréciable en argent doit être imputé à l’actionnaire également lorsqu’il s’agit de dépenses faites par la société en faveur d’un tiers qui lui est proche (ATF 119 Ib 116 ; 113 Ib 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.73/2005 du 2 août 2005 : ATA/513/2016 précité consid. 6d ; Yves NOËL in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.] Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, ad art. 20 n. 96). Dans les cas de prestations appréciables en argent entre sociétés sœurs, l’avantage passe immédiatement d’une société à l’autre. Entre de telles sociétés, des attributions fondées sur un rapport de participation commun constituent en particulier des prestations appréciables en argent pour l’actionnaire. Le détenteur de parts doit ainsi être aussi imposé sur les attributions de la société versées en faveur d’une autre société dominée par lui lorsqu’une justification commerciale d’un tel procédé fait totalement défaut (ATF 138 II 57 consid. 4.2 ; ATA/1104/2015 du 13 octobre 2015 consid. 6e ; ATA/594/2015 précité consid. 6c).

7) a. Le droit fiscal suisse demeure en principe attaché au système classique de la double imposition économique des bénéfices d’une société de capitaux. Les profits générés par la société sont en effet frappés de l’impôt la première fois auprès de cette dernière, puis une seconde fois lors de la distribution aux actionnaires (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, p. 1102 n. 170 ad art. 57 et 58 ; Xavier OBERSON, op.cit., p. 233 n. 31). Les prestations appréciables en argent qui ne constituent pas un remboursement du capital social sont des distributions de bénéfices imposables dans le chef de l’actionnaire. En présence de celles-ci, l’autorité fiscale les réintègre dans les bénéfices imposables de la société. L’impôt anticipé sera également dû par cette dernière. L’actionnaire est quant à lui imposé sur le revenu comme si un dividende avait été distribué. Il peut cependant à certaines conditions requérir le remboursement de l’impôt anticipé (ATA/1308/2017 précité consid. 5a ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 233 n. 31, p. 236-237 n. 43).

b. Dans le cas d'une société de capitaux, le revenu de la participation n'est imposable que lorsqu'il est mis à la disposition du sociétaire, par une distribution décidée par l'organe suprême de la société – distribution ouverte – ou d'une manière non statutaire – distribution dissimulée ; il n'y a pas de transparence entre société et associé, chacun étant un contribuable distinct (ATA/69/2013 du 6 février 2013 consid. 9 : Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], op. cit., n. 41 ad art. 20 LIFD).

c. Si l'opération commerciale qualifiée de prestation appréciable en argent n'est imposée ni auprès de la société ni auprès du détenteur de parts, il en résulte une reprise chez l'un comme chez l'autre. Cela découle de l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD, en ce qui concerne la société effectuant la prestation, et des art. 17 al. 1 et 20 al. 1 let. c LIFD, s'agissant de l'actionnaire qui en bénéficie, dans la mesure où il s'agit d'une personne physique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2015 du 12 octobre 2016 consid. 3.3 ; 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2).

8) Le revenu n'est imposable que s'il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l'imposition du revenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_620/2012 du 14 février 2013 in RDAF 2013 II 197 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_683/2013 du 13 février 2014 Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal Suisse – L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème ed., 1998, p. 326 ss ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 83 ss ; Yves NOËL, op. cit., ad art. 16 n. 27 ss). Le principe de réalisation n'est pas explicite dans le texte légal. Il découle de l'interprétation du texte légal par la jurisprudence. La réalisation détermine en effet le point d'entrée de l'avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable. Tant que l'avantage économique n'est pas réalisé, il demeure une expectative non encore imposable (ATF 95 I 21 consid. 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3 ; 2C_692/2013 du 24 mars 2014 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence, un revenu est réalisé lorsqu'une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition (ATF 113 Ib 26 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_785/2013 du 28 mai 2014 consid. 4.1 ; 2C_620/2012 précité consid. 3.4 et les références citées). En règle générale, l'acquisition d'une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n'est que si cette exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (ATF 95 I 21 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 précité consid. 4.3 ; 2C_692/2013 précité consid. 4.2 ; 2C_683/2013 du précité consid. 6.4 et les références citées ; ATA/41/2016 du 19 janvier 2016 consid. 9b). Le caractère certain de l'exécution de la prestation ne saurait dépendre de la seule volonté du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 précité consid. 4.3 ; ATA/41/2016 précité consid. 9b). En principe, le moment de l'acquisition du revenu coïncide avec sa réalisation, c'est-à-dire le moment où le contribuable acquiert le droit à une prestation et non celui où il reçoit effectivement la prestation. Il existe des exceptions au principe de réalisation effective, lorsque les revenus sont soumis par la loi à une réalisation comptable ou systématique (Jean-Marc RIVIER, op. cit., p. 327 et 329).

9) Selon les travaux préparatoires relatifs aux aspects fiscaux entraînés par la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine du 3 octobre 2003 (LFus - RS 221.301), le but du législateur est d'éviter que les possibilités offertes par le droit civil ne soient contrecarrées par le droit fiscal et d'assurer, à certaines conditions, la neutralité fiscale des restructurations prévues par la LFus (Message du Conseil fédéral relatif à la LFus du 13 juin 2000, FF 2000 4024 et 4026).

a. En matière d'imposition directe (impôt sur le revenu et impôt sur le bénéfice ; art. 19 et 61 LIFD), les dispositions spécifiques aux restructurations traitent avant tout du traitement fiscal des entreprises concernées par la restructuration. Sous réserve des règles concernant les actions détenues dans la fortune commerciale, la neutralité fiscale n'est évoquée dans la loi que pour les sociétés restructurées. Leurs actionnaires, en particulier ceux détenant les titres dans leur fortune privée, ne sont par contre pas mentionnés directement (Pierre-Marie GLAUSER, L'imposition des actionnaires en cas de « Mergers & Acquisitions » in L'expert-comptable suisse ECS 5/09 pp. 345-359, p. 351). Pourtant, lors de restructurations, notamment de fusions, de concentrations équivalant à des fusions ou de scissions, les détenteurs de droits de participation échangent souvent leurs titres. Ces mouvements au sein de l'actionnariat sont cependant susceptibles d'entraîner des conséquences fiscales. En cas de scission, la valeur des fonds propres transférés entre deux sociétés est susceptible d'être taxée chez l'actionnaire comme un rendement de fortune (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351). La théorie du triangle permet en effet d'appréhender comme « dividende caché », chez l'actionnaire commun, les fonds propres (y compris les réserves latentes) transférés sans contre-prestation équivalente entre les deux sociétés concernées directement par la scission (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351, sous note de bas de page n. 115). Cela étant, les dispositions visant à faciliter les restructurations au niveau des sociétés resteraient sans effet si le traitement fiscal chez les actionnaires rendait l'opération trop onéreuse. Il est de ce fait admis que l'opération doit rester neutre au niveau des détenteurs de parts, pour autant que certaines conditions soient remplies (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351 ; Markus REICH, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/2a, 2009 n. 12 ad art. 61 LIFD ; Pierre-Marie GLAUSER/Xavier OBERSON in Danielle YERSIN/Yves NOËL op. cit., n. 6 ad art. 61 LIFD).

b. Les actionnaires détenant les titres dans la fortune commerciale sont soumis au principe de déterminance (ou de prééminence du bilan commercial). C'est donc la manière dont ils comptabilisent l'opération qui influence chez eux le traitement fiscal de la transaction. S'ils profitent de la restructuration pour enregistrer comptablement une plus-value, la transaction est imposée à due concurrence. Par contre, les art. 19 al. 1 let. c LIFD, s'agissant des titres détenus dans la fortune commerciale d'un indépendant, et 61 al. 1 let. c LIFD, pour ceux appartenant à une personne morale, précisent que la transaction demeure sans incidence à certaines conditions (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351 et les références citées). Tout d'abord, comme pour toute restructuration fiscalement neutre, le maintien de l'assujettissement en Suisse et la reprise de la même valeur comptable doivent être assurés. Ensuite, la transaction à laquelle participent les sociétés dont l'actionnaire détient les titres (l'opération « sous-jacente ») doit être considérée fiscalement comme une restructuration, c'est-à-dire appartenir à l'une des catégories de restructuration pouvant être effectuée en neutralité fiscale au sens de l'art. 61 LIFD (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351 et les références citées). Cela étant, il n'est pas nécessaire que cette opération sous-jacente reste, dans les faits, entièrement neutre fiscalement. Pour autant que l'actionnaire conserve ses titres de participation à la même valeur comptable, il ne devrait en principe pas être imposé, même si la restructuration sous-jacente s'accompagne d'un décompte sur les réserves latentes auprès des sociétés concernées, par exemple parce qu'elles réévaluent certains actifs ou qu'elles transfèrent des réserves latentes à l'étranger. En revanche, si par nature la transaction sous-jacente ne représente pas une restructuration, par exemple lorsque les conditions pour la reconnaissance d'une scission au sens de l'art. 61 al. 1 let. b LIFD ne sont pas remplies ou lorsqu'un délai de blocage n'est pas respecté, les conditions des art. 19 al. 1 let. b et 61 al. 1 let. b LIFD ne sont pas données. Dans la mesure où l'actionnaire est soumis au principe de la valeur comptable, les éventuelles augmentations ou baisses de valeur nominale restent sans incidence à son niveau. Par ailleurs, si une soulte est payée, son traitement fiscal dépend de la nature économique du paiement compensatoire. Si la soulte est prélevée sur les fonds propres des sociétés participantes à l'opération, elle correspond généralement à un dividende et est traitée en conséquence (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351 et les références citées). Si en revanche le paiement compensatoire n'est pas acquitté par les sociétés restructurées mais par un tiers, par exemple un coactionnaire, ou par la société reprenante dans une quasi-fusion, il est appréhendé comme un gain en capital (Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 351 et les références citées).

Le fait de prélever les fonds propres de la société scindée sur sa réserve issue d'apport en capital ou de comptabiliser chez l'entité reprenante les fonds propres comme réserve d'apport déploie les même effets qu'avec du capital nominal (Pierre-Marie GLAUSER/Xavier OBERSON in Yves NOËL/ Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., p. 1200 n. 51a ad art. 61 LIFD). Lorsque l'actionnaire des sociétés impliquées dans la scission agit dans le cadre de sa fortune commerciale, l'opération reste neutre fiscalement pour autant qu'il reçoive des titres et non des espèces, et qu'il n'en profite pas pour augmenter la valeur fiscalement déterminante de ses participations (art. 61 al. 1 let. c LIFD). Par ailleurs, la qualification des actions reçues dans le cadre de la scission reprend celle de la société scindée (Pierre-Marie GLAUSER/Xavier OBERSON in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., p. 1200 n. 52 ad art. 61 LIFD).

10) L’AFC-CH a édicté une circulaire n° 5 du 1er juin 2004 (ci-après : la circulaire) où elle expose les conséquences fiscales relatives aux restructurations au plan de l’entreprise et au plan des détenteurs des droits de participation dans le domaine des impôts de la Confédération (IFD, impôt anticipé et droits de timbre).

Afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives - n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_477/2011 du 13 juillet 2012 consid. 4.1.3 ; ATA 1244/2017 du 29 août 2017 consid. 6a ; ATA/265/2016 du 22 mars 2016).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATA/265/2016 précité ; ATA/87/2015 du 20 janvier 2015).

11) Il découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 2C_239/2013 du 25 mai 2014 consid. 6.3) que la circulaire précitée est à prendre en compte lors de l’application des dispositions de la LIFD qui régissent les cas de restructuration de sociétés.

12) La circulaire précise notamment (ch. 4.3.1) que, lors d’une scission, une société (société transférante) transfère une ou plusieurs parts de son patrimoine à une autre société (société reprenante) contre l’octroi de droits de participation à ses titulaires de parts (« scission verticale »). Lors d’une scission, une société est décomposée en deux ou plusieurs sociétés parallèles ou sociétés sœurs. La scission symétrique désigne le fractionnement en sociétés sœurs et la scission asymétrique qualifie le fractionnement en sociétés parallèles. Dans une scission symétrique, les titulaires de parts conservent leurs droits de participation dans les entités issues de la scission dans les mêmes proportions que dans la société scindée.

Il ne peut y avoir scission sans incidence fiscale que si une part appropriée des fonds propres (capital-actions et/ou réserves ouvertes) est transférée avec l’exploitation (ch. 4.3.2.4).

Selon la pratique en vigueur, il faut interpréter les notions « exploitation » et « partie distincte d’exploitation » comme suit : « exploitation » représente l’ensemble d’éléments patrimoniaux de nature organisationnelle et technique qui constitue une entité relativement autonome pour la production d’une prestation fournie par l’entreprise, alors que « partie distincte d’exploitation » est la plus petite unité d’une entreprise viable par elle-même. Une exploitation ou une partie distincte d’exploitation est reconnue si les conditions cumulatives suivantes sont remplies : a) l’entreprise effectue des prestations sur le marché ou à des entreprises apparentées ; b) l’entreprise dispose de personnel ; c) le coût du personnel est, par rapport aux recettes, conforme à l’usage. Une exploitation peut aussi comporter des actifs non nécessaires à l’exploitation (p. ex. liquidités, immeubles), à condition que l’exploitation n’occupe pas de ce fait une position subalterne, qu’elle n’ait pas été créée uniquement dans le but d’une scission en neutralité fiscale et qu’elle soit poursuivie dans le futur (ch. 4.3.2.5).

S’agissant plus spécifiquement des sociétés de gestion de fortune et des sociétés holding, la circulaire précise que la détention et l’administration de titres qui ne servent qu’aux propres placements ne constituent jamais une exploitation, même dans le cas d’une importante fortune. Une scission de sociétés holding sans incidence fiscale est uniquement possible pour autant que les conditions nécessaires d’une restructuration fiscalement neutre soient remplies (conditions cumulatives), soit que : a) les participations soient, en valeur, principalement des participations de sociétés actives ; b) les participations représentent en majorité au moins 20 % du capital-actions ou du capital social des autres sociétés ou qu’elles permettent d’exercer d’une autre façon une influence déterminante sur ces sociétés (p. ex. par le truchement d’une convention d’actionnaires) ; c) les sociétés holding existantes après la scission exercent effectivement une activité holding (coordination de l’activité commerciale de plusieurs sociétés filiales, direction stratégique) avec du propre personnel ou du personnel mandaté ; d) les sociétés holding continuent à exister après la scission (ch. 4.3.2.6).

Si des actifs isolés – par exemple des immeubles – font l’objet d’un transfert dans une société-sœur, les conditions d’une scission fiscalement neutre (exigence de l’exploitation) ne sont pas remplies. Les réserves latentes transférées sont également soumises à l’impôt sur le bénéfice si la société reprenante poursuit déjà une exploitation ou si plusieurs sociétés réunissent des actifs isolés par le biais d’une séparation dans une nouvelle exploitation (ch. 4.3.2.13).

13) Dans le domaine des prestations appréciables en argent, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; 133 II 153 consid. 4.3). Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations (arrêts du Tribunal fédéral 2C_554/2013 du 30 janvier 2014 consid. 2.2 ; 2C_644/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.2 ; 2C_797/2012 du 31 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.2.1). Il en va de même lorsque la présentation des faits par l'autorité est vraisemblable selon l'expérience de la vie. Dans ces situations, le fardeau de la preuve des allégations contraires à celles de l'administration repose alors sur le contribuable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_818/2012 du 21 mars 2013 consid. 6.2 ; 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.1).

14) En l'espèce, il ressort du dossier que lors de la scission du 7 décembre 2010 opérée au sein de C______ SA, cette dernière a transféré une partie de son exploitation à la société reprenante, soit le total de la participation qu'elle détenait dans D______ SA. Il ressort du dossier que cette participation était composée du total de l'actif net de D______ SA pour un montant global de CHF 886'419.- et qu'après la scission, F______SA se composait d'un capital social de CHF 100'000.-, d'une réserve générale de CHF 20'000.- et d'« autres réserves » à hauteur de CHF 766'419.-, ce qui correspondait exactement, selon le projet de scission, à la composition de D______ SA avant la scission. Il résulte également que, suite à la scission, C______ SA a réduit son capital-actions de CHF 100'000.-.

D'après les principes énoncés plus haut, lorsque l'actionnaire des sociétés impliquées dans la scission agit dans le cadre de sa fortune commerciale, l'opération reste neutre fiscalement pour autant qu'il reçoive des titres et non des espèces et qu'il n'en profite pas pour augmenter la valeur fiscalement déterminante de ses participations. Or, dans le cas concret, il apparaît que l'ensemble du capital transféré lors de la scission a été comptabilisé à sa valeur comptable, aucune plus-value n'ayant été enregistrée ; de même, le contribuable n'a reçu aucun versement en espèces à titre par exemple de remboursement de titres détenus ou de distribution de dividende, à l'exception de l'attribution de 5'000 actions de CHF 10.-, montant qui a été inclus dans la fortune imposable des contribuables et qui n'est pas litigieux en l'espèce.

Au vu de ce qui précède, le transfert d'actifs opéré lors de la scission respecte les principes susmentionnés en matière de neutralité fiscale.

15) Il s'agit encore de vérifier si la scission remplit les conditions de neutralité fiscale au sens de la circulaire.

En premier lieu, il sied de relever que le transfert de la participation de D______ SA à F______SA constitue bel et bien un transfert d'exploitation au sens de la circulaire et que, même si C______ SA n'a pas été reconnue comme société holding pendant l'année 2010, elle exerçait concrètement et exerce toujours une telle activité.

S’agissant des sociétés de gestion de fortune et des sociétés holding, la circulaire précise qu'une scission sans incidence fiscale est uniquement possible pour autant que les conditions d’une restructuration fiscalement neutre soient remplies, soit que : a) les participations soient, en valeur, principalement des participations de sociétés actives ; b) les participations représentent en majorité au moins 20 % du capital-actions ou du capital social des autres sociétés ou qu’elles permettent d’exercer d’une autre façon une influence déterminante sur ces sociétés ; c) les sociétés holding existantes après la scission exercent effectivement une activité holding (coordination de l’activité commerciale de plusieurs sociétés filiales, direction stratégique) avec du propre personnel ou du personnel mandaté ; d) les sociétés holding continuent à exister après la scission (ch. 4.3.2.6).

Le fait que, lors de la scission, une seule participation a été transférée est sans incidence, la question déterminante étant qu'il s'agisse bel et bien de participations. Il n'est d'ailleurs pas contesté que D______ SA soit une société active et la participation détenue représente plus de 20 % du capital des autres sociétés.

De même, et comme déjà mentionné, C______ SA et F______SA exercent toutes deux, concrètement, une activité de holding. Les comptes commerciaux 2011 de F______SA font d'ailleurs état, de manière certes limitée, de charges de personnel ; il sied de préciser qu'il n'est pas anodin que les sociétés nouvellement créées ne disposent pas encore de personnel et ne réalisent pas ou peu de recettes pendant la première année d'exercice, ce qui ne peut pas suffire pour prouver l'absence totale d'activité desdites sociétés.

Au vu de ce qui précède, et alors que le fardeau lui incombait, l'AFC-GE n'est pas parvenue à démontrer que l'opération du 7 décembre 2010 aurait été constitutive d'une prestation appréciable en argent, taxable dans la personne de l’actionnaire. Il n'est par conséquent pas possible de retenir que ladite opération ne remplit pas les conditions de neutralité fiscale prévues par la circulaire, étant rappelé que la circulaire a, en tout état de cause, une portée limitée, les ordonnances administratives n'ayant pas de force obligatoire et étant uniquement l’expression de l’opinion de l’autorité qui les a émises (ATF 117 Ib 225, consid. 4.b).

En conséquence, il sied d'octroyer la neutralité fiscale à la scission en cause, de sorte que les réserves ouvertes de CHF 235'926.- réalisées lors de cette opération ne doivent pas être imposées auprès des recourants, tant au niveau fédéral que cantonal, conformément aux art. 20 al. 1 let. c LIFD et art. 22 al. 1 let. c LIPP.

16) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis, le jugement du TAPI sera annulé ainsi que la décision sur réclamation de l'AFC-GE du 20 novembre 2015. Le dossier sera retourné à cette dernière afin qu’elle rectifie les taxations des recourants pour l’IFD et l’ICC 2010.

17) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de l’administration fiscale cantonale qui défend ses décisions de taxation (art. 87 al. 1 2ème phrase LPA). Une indemnité de procédure globale de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2016 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2016 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2016 ;

annule la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 novembre 2015 ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation pour l'ICC et l'IFD 2010 au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, une indemnité globale de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à 2C2F Cabinet de Conseil Fiduciaire Sàrl, soit pour elle Monsieur Joerg Schaub, mandataire des recourants , à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :