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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4502/2010

ATA/41/2016 du 19.01.2016 sur JTAPI/996/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.02.2016, 2C_189/2016, 2C_190/2016, 2C_623/2013, 2C_624/2013
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4502/2010-ICCIFD ATA/41/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 janvier 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Mme et M. A______
représentés par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2014 (JTAPI/996/2014)


EN FAIT

1) Mme et M. A______ (ci-après : les époux A______), nés respectivement en 1935 et 1936, sont domiciliés à B______ depuis le 1er août 2000.

2) M. A______, architecte, a exercé sa profession en raison individuelle jusqu’à la fin des années 1990. Il a ensuite fondé la société A______ Sàrl C______, inscrite au registre du commerce genevois le 5 octobre 2000. En 2004, M. A______ était salarié de cette société.

3) Le 29 janvier 1999, M. A______ a conclu une convention avec la D______ SA (ci-après : D______) au sujet de quatre crédits que cette dernière lui avait accordés.

M. A______ était ainsi débiteur, en son nom propre ou à titre conjoint et solidaire, de quatre sommes d'un montant respectif de CHF 220’896.60,
CHF 360’226.97, CHF 762’351.58 et CHF 1’934’434.83. Il s'engageait à verser à la D______, en remboursement partiel de ces créances, la somme de CHF 500.- tous les mois, la première fois le 28 février 1999 et la dernière fois le 31 janvier 2004, soit un montant total de CHF 30'000.-, intérêts et frais compris. Le 31 janvier 2004, en cas de versement complet de ladite somme, la D______ abandonnerait le solde des différentes créances qu'elle avait envers M. A______.

4) Dans leur déclaration fiscale 2004, les époux A______ ont mentionné un revenu brut de CHF 105'024.-, entièrement issu d'une activité dépendante et de rentes de l'assurance vieillesse et survivants (ci-après : AVS).

5) Le 7 avril 2006, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a envoyé aux époux A______ leurs bordereaux de taxation ICC et IFD 2004, calculés sur un revenu imposable ICC de CHF 3'327'559.- et IFD de CHF 3'342'700.-. Les CHF 3'248'580.- retenus comme bénéfice net résultaient d'éléments en sa possession, à savoir une convention signée avec la D______ qui prévoyait un abandon de créances à imposer en 2004.

Sur cette base, le total des impôts s'élevait à CHF 1’041’256.90 pour l'ICC et à CHF 384'410.- pour l'IFD.

6) Le 8 mai 2006, par l'intermédiaire de leur avocat, les époux A______ ont formé réclamation contre les bordereaux de taxation précités.

Ils contestaient la prise en compte comme revenu imposable des CHF 3'248'580.- retenu à titre d'abandon de créances. De jurisprudence constante, un abandon de créances n'était qualifié de revenu imposable que pour les contribuables astreints à tenir une comptabilité. Les prêts consentis par la D______ n'étaient pas liés à des opérations commerciales menées par M. A______ et obligeant ce dernier à tenir une comptabilité.

L'un des crédits était en fait une garantie donnée par M. A______ à une amie sous la forme d'un engagement conjoint et solidaire. À son souvenir, les autres crédits étaient liés à deux biens immobiliers situés à E______ et à F______, qui avaient successivement constitué le domicile des époux. Il s'agissait dès lors de prêts purement privés, raison pour laquelle il était exclu de considérer cet abandon de créances comme un revenu imposable.

7) Le 15 mai 2006, les époux A______ ont fait parvenir à l'AFC-GE copie des différents contrats de prêt à l'origine de la convention du 29 janvier 1999.

Le premier des quatre crédits (compte 1______) concernait une garantie sous forme d'engagement conjoint et solidaire que M. A______ avait fourni à une amie, Mme G______. Le crédit initial de
CHF 50'000.- avait fait l'objet d'un contrat le 25 juin 1980, et avait été augmenté à CHF 410'000.- le 10 avril 1987 ; M. A______ avait alors donné en garantie une cédule hypothécaire grevant son domicile privé d'alors, à savoir une villa sise ______, chemin du H______ à F______. Mme G______ et M. A______ n'avaient jamais fait d'affaires ensemble.

Un deuxième crédit de CHF 40'000.- (compte 2______) avait été accordé à M. A______ le 13 novembre 1979. Il ne se souvenait plus de l'affectation de cette somme.

Un crédit d'un montant initial de CHF 1'600'000.- (prêt 3______) avait été accordé à M. A______ pour lui permettre l'acquisition d'un bien-fonds sis ______, route de I______ à E______, qui avait aussi constitué à un autre moment son domicile privé. Au moment de la vente de l'immeuble, il subsistait un solde qui avait fait l'objet de la convention du 29 janvier 1999.

Enfin, un crédit initial de CHF 1'000'000.- le 13 janvier 1986 (prêt 4______), augmenté à CHF 1'900'000.- le 19 novembre 1990 en raison des problèmes d'encaissement du prix de vente de la villa de E______, avait été accordé à M. A______ pour l'acquisition d'un nouveau bien immobilier – encore une fois son domicile privé – sis ______, chemin du H______ à F______.

8) Le 9 décembre 2009, l'AFC-GE s'est adressée aux époux A______. À la lumière des différents documents analysés, elle entendait retenir que seule la vente de la parcelle de F______ était de nature non professionnelle. Dès lors, l'abandon de créances faisant l'objet de la convention du 29 janvier 1999 et imposé dans la taxation 2004 avait un caractère professionnel ; compte tenu du fait qu'au moment de la cessation d'activité de la raison individuelle il restait un solde de pertes non compensées de CHF 2'092'927.- et que CHF 220'896.- (compte 1______) avaient été prêtés à titre privé, il convenait de déduire ces deux montants de l'abandon de créances de CHF 3'248'580.-. Il subsistait dès lors un abandon de créances imposable en 2004 de CHF 934’756.40.

Pour autant que les époux A______ acquiescent à ce calcul, leur réclamation serait traitée en conséquence.

9) Le 8 janvier 2010, les époux A______ ont répondu à l'AFC-GE. Ils contestaient à nouveau la nature professionnelle des lignes de crédit faisant l'objet de l'abandon de créances, à l'exception du compte 2______. L'abandon de créances y relatif, à hauteur de CHF 360’226.97, pouvait donc être qualifié de revenu imposable, mais était compensé à due concurrence par les pertes non compensées des années antérieures, laissant un solde à reporter pour les périodes futures.

10) Par deux décisions sur réclamation du 6 décembre 2010, l'AFC-GE a ramené à CHF 934'756.-, en se référant à son courrier du 9 décembre 2009, le revenu imposable en lien avec l'abandon de créances, tant pour l'IFD que pour l'ICC, et a maintenu ses taxations pour le surplus, invoquant la théorie de l'accroissement net du patrimoine dominante en droit positif suisse, et selon laquelle un revenu était également acquis lorsque le contribuable était libéré d'une dette.

Elle a émis concurremment deux nouveaux bordereaux de taxation, calculés sur un revenu imposable total IFD de CHF 1'028'900.- et un revenu imposable total ICC de CHF 1'013'735.-. Sur cette base, le total des impôts s'élevait à CHF 299’129.80 pour l'ICC et à CHF 118'323.- pour l'IFD.

11) Le 23 décembre 2010, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative, devenue dès le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l'annulation des décisions sur réclamation, au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour nouvelle taxation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Dans sa pratique constante fondée sur de nombreuses jurisprudences cantonales, l'AFC-GE ne qualifiait de revenu imposable que les abandons de créances portant sur des dettes de la fortune commerciale. De plus, la créance de la D______ envers M. A______ n'avait plus aucune valeur, le patrimoine immobilier de ce dernier ayant été liquidé. Seul l'abandon de créances relatif au compte 2______ pouvait être qualifié de revenu imposable selon « la conception traditionnelle prévalant à Genève », et il était largement compensé par les pertes commerciales reportées. Le revenu imposable devait donc être ramené à zéro.

12) Par jugement du 30 mai 2012, le TAPI a rejeté le recours et a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles taxations au sens des considérants.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en application de la théorie de l'accroissement net du patrimoine, tout abandon de créances avait un caractère imposable. L'AFC-GE devait imposer dans tous les cas la totalité de la valeur nominale de la dette abandonnée, même s'il s'agissait d'une dette privée. Il importait dès lors peu de déterminer si les crédits octroyés à M. A______ l'avaient été à titre commercial ou privé. Une reformatio in pejus des taxations sur réclamation était effectuée, l'entier de l'abandon de créances, soit
CHF 3'248'580.-, devant être intégré dans le revenu brut des époux A______.

13) Par acte posté le 10 juillet 2012, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, au renvoi de la cause au TAPI pour complément d'instruction et nouveau jugement, et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI avait fait une interprétation trop extensive d'un arrêt du Tribunal fédéral qu'il citait. La définition de l'accroissement de la fortune nette impliquait notamment l'entrée de biens économiques dans le patrimoine d'un contribuable dont celui-ci pouvait disposer pour satisfaire ses besoins sans diminuer le patrimoine qu'il avait au début de la période. En l'espèce, ils ne disposaient d'aucune fortune nette au début et à la fin de la période fiscale 2004, de sorte que l'abandon de créances consenti par la D______ – qui s'élevait au total à CHF 3'247'920.- et non à CHF 3'248'580.- – ne leur avait permis de disposer d'aucun bien économique au sens précité. Considérer qu'une personne qui, grâce à un abandon de créances, voyait évoluer sa situation financière de très négative à moins négative avait réalisé un revenu contrevenait au principe de réalisation. Le Tribunal fédéral avait du reste approuvé une solution cantonale consistant à considérer qu'il n'y avait de revenu imposable que dans la mesure où la créance abandonnée avait conservé une valeur – ce qu'en l'espèce l'AFC-GE n'avait pas prouvé.

Les époux A______ reprenaient pour le surplus leur argumentaire au sujet des dettes privées et commerciales. Le TAPI n'avait pas déterminé quelles dettes étaient privées ou commerciales et la cause devait lui être renvoyée sur ce point pour complément d'instruction.

14) Le 28 septembre 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Plusieurs arrêts du Tribunal fédéral confirmaient que l'abandon d'une créance bancaire en faveur d'un client débiteur était fiscalement considéré comme un revenu, et non comme un don exonéré d'impôt, y compris s'il s'agissait d'une dette privée. Ceci valait également lorsque l'abandon de créances n'avait pas eu pour effet de permettre au contribuable de bénéficier d'une fortune positive en fin d'exercice fiscal.

15) Le 1er novembre 2012, les époux A______ ont persisté dans leurs conclusions.

La jurisprudence fédérale visait des dettes commerciales. La prise en compte comme revenu imposable d'un montant dont les contribuables ne pouvaient effectivement disposer serait contraire au principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité contributive.

16) Par arrêt ATA/332/2013 du 28 mai 2013, la chambre a déclaré recevable le recours des époux A______. Elle l’a partiellement admis, a annulé le jugement du TAPI du 30 mai 2012 et lui a renvoyé la cause au sens des considérants. Elle a mis à la charge des recourants un émolument de CHF 1’000.- et a alloué aux recourants, à la charge de l’État de Genève, une indemnité de procédure de
CHF 1'000.-.

Selon les jurisprudences examinées par la chambre (consid. 5 à 7), il en résultait que si l’abandon de créances privées était également imposable, la distinction entre dettes privées et commerciales conservait selon les espèces un intérêt. En effet, dans le second cas, le contribuable pouvait, le cas échéant, déduire de ce revenu imposable d’éventuelles pertes, qu’elles soient nées lors de l’exercice fiscal considéré ou reportées.

La cause a été renvoyée au TAPI, afin que ce dernier détermine la nature privée ou commerciale des prêts octroyés au recourant et ayant fait l’objet de la convention du 29 janvier 1999. Le ou les abandons de créances relatifs à des prêts privés devaient être retenus comme revenus imposables au titre de l’art. 16 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD -RS 642.11), sans déduction possible de pertes commerciales. Le ou les abandons de créances relatifs à des prêts de nature commerciale devaient être retenus comme revenus au sens de l’art. 18 LIFD. Il convenait de vérifier si le solde de pertes non compensées, issu de la cessation d’activité du recourant en raison individuelle, pouvait en être déduit.

17) Par arrêt du 17 juillet 2013, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours en matière de droit public dirigé contre l’arrêt du 28 mai 2013 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_623/2013 et 2C_624/2013). Il a considéré que l’arrêt de la chambre administrative n’était pas une décision finale au sens de l’art. 90 de la loi sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

18) Par courrier du 2 septembre 2013, les recourants ont sollicité du TAPI la reprise de l’instruction.

19) Le 30 janvier 2014, les recourants ont considéré que le Tribunal fédéral laissait une marge de manœuvre au TAPI. Sur le fond, ils ont persisté à considérer que la taxation d’un abandon de dette privée était contraire aux art. 16 LIFD et
7 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) d’une part, ainsi qu’aux principes de la capacité contributive et de l’égalité de traitement consacrés par les art. 8 et 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Ils ont rappelé leur appréciation des différents prêts. Le premier prêt résultait d’une dette privée ; le deuxième prêt était de nature commerciale, ce qui n’était pas contesté ; le troisième prêt, concernant l’acquisition d’un logement à E______, était un crédit privé ; enfin, le quatrième prêt, concernant l’acquisition d’un nouveau logement familial à F______, était aussi un prêt de nature privée. Ainsi, seul le (deuxième) prêt d’un montant en capital de CHF 360'226.97 était de nature commerciale.

Le recourant pouvait invoquer le report de pertes commerciales pour un montant total de CHF 2'092'927.-. La déduction des pertes commerciales était alors prévue par les art. 211 LIFD et 67 LHID et portait sur l’entier des revenus du contribuable. Le tribunal devait donc dire que les pertes subies pouvaient être déduites de l’intégralité des revenus imposables des contribuables, quelle qu’en soit la source.

Enfin, les recourants persistaient à signaler une erreur de calcul résultant du premier arrêt du TAPI. Le montant total de l’abandon de créance dont ils avaient bénéficié correspondait au total des dettes constatées par la convention conclue avec la D______ le 29 janvier 1999, soit CHF 3'277'920.-, sous déduction des mensualités prévus pour un montant cumulé de CHF 30'000.-, soit un total d’abandon de CHF 3'247'920.-, et non pas CHF 3'248'580.- comme retenu de manière erronée par le TAPI.

20) Le 16 avril 2014, l’AFC-GE s’est déterminée et a conclu au rejet du recours. Le recourant avait une activité indépendante en tant que « professionnel de l’immobilier ». Le troisième et le quatrième crédit étaient de nature professionnelle.

S’agissant du troisième crédit, le 21 février 1996, lors de la vente de la parcelle de E______, le recourant n’était pas domicilié dans cette commune. En effet, le recourant et sa famille avaient été domiciliés comme suit : de 1974 à 1986 à E______, de 1986 à 2000 à F______, puis dès 2000 à B______. La vente de 1996 n’avait pas été soumise à l’IBGI, contrairement aux autres ventes effectuées par le recourant, et avait été taxée selon l’ancien art. 16 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) (actuel art. 80 LCP), ces qualifications et taxations n’ayant jamais été contestées.

S’agissant du quatrième crédit, c’est dans le cadre de l’activité professionnelle de promoteur immobilier du recourant qu’il lui avait été octroyé par la banque.

Ainsi, les dettes en cause et l’abandon de créance y relatif concernaient la fortune commerciale du contribuable, recourant, par rattachement à son activité de commerçant d’immeubles.

Enfin, conformément à la jurisprudence, l’abandon de créance à titre privé devait aussi être considéré comme un revenu imposable.

21) Par jugement JTAPI/996/2014 du 18 septembre 2014, le TAPI a déclaré le recours recevable, l’a rejeté et a renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelles taxations dans le sens des considérants.

L’entier de l’abandon de créances faisant l’objet de la convention du
29 janvier 1999, que celles-ci soient de nature privée ou commerciale, devait être intégré dans le revenu brut 2004 des recourants. L’erreur de calcul signalée par les recourants devait être prise en compte, à savoir un abandon de créance s’élevant à CHF 3'247'910.- (CHF 3'277'910.- - 30'000.-).

Sous l’angle de l’IFD, le renvoi de la cause au tribunal était inutile, puisqu’une perte reportée était déductible sur l’entier des revenus des recourants et qu’il importait peu de déterminer si les crédits octroyés au recourant l’avaient été à titre privé ou commercial. En principe, les recourants pouvaient donc déduire leur perte reportée (CHF 2'092'927.-) des revenus réalisés en 2004 ; cette déduction n’était toutefois possible que si l’activité indépendante était encore exercée en 2004. Or, le recourant ne l’exerçait plus en 2004 ; il avait cessé son activité indépendante à la fin des années 1990. En 2004, le recourant était salarié, ce qui était confirmé par la déclaration fiscale 2004. Par conséquent, les recourants ne pouvaient pas bénéficier du report de CHF 2'092'927.- lors de l’année fiscale 2004.

Sous l’angle de l’ICC, c’étaient les anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP I à V) qui s’appliquaient. Tant les notions de revenu (art. 3 al. 1 aLIPP-IV) que de pertes déductibles (art. 3 al. 3 let. f aLIPP-V) correspondaient à la LIFD, de sorte que les considérations relatives à l’IFD s’appliquaient aussi à l’ICC.

22) Par acte posté le 9 octobre 2014, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative à l’encontre du jugement précité, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour complément d’instruction et nouveau jugement, et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

 

Le recourant avait conservé au moins une dette commerciale liée à son activité indépendante antérieure. La négociation avec la banque d’un plan de remboursement de cette dette s’inscrivait dans le cadre de la liquidation de son entreprise, qui ne s’était achevée que par l’exécution de la convention conclue avec la banque le 29 janvier 1999, qui avait permis définitivement de liquider les passifs de l’entreprise. C’était ainsi de manière erronée que le TAPI avait refusé la déduction d’une perte commerciale au motif que l’activité indépendante du recourant avait pris fin. Enfin, le jugement aboutissait à un résultat choquant, car le recourant se voyait taxer sur un revenu de l’activité indépendante découlant de l’abandon d’une dette commerciale sans pouvoir déduire les pertes résultant de la même activité.

Par ailleurs, l’abandon de créance consenti par la banque en faveur du recourant avait fait l’objet d’une compensation. Le recourant n’avait pas pu disposer effectivement d’un montant dans le cadre de cette opération ; sa fortune nette était restée négative. Dans le cas précis, les recourants ne disposaient d’aucune fortune, ni avant, ni après l’abandon de la créance dont ils avaient bénéficié. La valeur de la créance de la banque était nulle, ou plutôt n’excédait pas les mensualités convenues entre les recourants et la banque pour un total de
CHF 30'000.-. Ainsi, l’abandon de dettes privées dont les recourants avaient bénéficié n’était générateur d’aucun revenu imposable.

Enfin, les recourants ont persisté à considérer que, à l’exception du prêt de CHF 360'226.97, tous les crédits visés par la convention conclue avec la banque le 29 janvier 1999 étaient de nature privée. Le premier compte concernait un prêt à une amie du recourant, que ce dernier avait garanti sous forme d’un engagement conjoint et solidaire. Il s’agissait d’un prêt de nature privée, en raison d’un lien personnel, même si ledit prêt avait été utilisé par sa bénéficiaire dans le cadre de son entreprise.

Les deux crédits relatifs à l’acquisition des domiciles successifs à E______ et F______ étaient aussi de nature privée.

23) Le 16 octobre 2014, le TAPI a renoncé à formuler des observations.

24) Le 12 décembre 2014, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Selon la jurisprudence, la nature du crédit octroyé aux contribuables importait peu, car l’abandon de créance bancaire était fiscalement considéré comme un revenu.

La jurisprudence exigeait que, d’un point de vue fiscal et notamment pour faire valoir la déduction de pertes commerciales (art. 27 al. 2 let. b et 125 al. 2 LIFD), un professionnel de l’immobilier tienne une comptabilité, ou à tout le moins l’état de ses actifs et passifs, les relevés de ses recettes et dépenses ainsi que ses prélèvements et apports privés. En outre, la comptabilisation des pertes constituait une condition nécessaire à leur déductibilité.

Le recourant avait exercé sa profession en raison individuelle jusqu’à la fin des années 1990 en tant qu’indépendant. En 2004, il était salarié. Il avait cessé son activité lucrative indépendante et les effets qui s’y rattachaient en 1999 ; il n’avait remis en annexe de ses déclarations fiscales aucun bilan et compte de pertes et profits le concernant. Un bilan de liquidation n’avait pas non plus été produit. Enfin, s’agissant des bordereaux et avis de taxation 2001 à 2003, qui n’avaient pas été contestés, aucun élément relatif à une activité indépendante n’avait été appréhendé. Le TAPI avait donc retenu à juste titre que le recourant avait cessé son activité indépendante en 1999 et qu’il n’était ensuite que salarié.

25) Le 16 janvier 2015, les recourants ont brièvement répliqué. Ils ont persisté dans leurs conclusions.

La perte dont le report était demandé avait été régulièrement comptabilisée dans la période fiscale au cours de laquelle elle avait été subie ; c’est l’AFC-GE elle-même qui en avait proposé la déduction dans son courrier du 9 décembre 2009.

26) Le 2 février 2015, la cause a été gardée à juger. Des éléments factuels complémentaires seront repris ci-dessous en tant que de besoin.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le litige porte encore sur le caractère imposable, dans le cadre des taxations IFD et ICC 2004 des contribuables, de l’abandon de créance prévu par la convention du 29 janvier 1999.

Comme le veut la jurisprudence, les deux impôts seront abordés séparément (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262).

b. Le TAPI n’a pas examiné la nature privée ou commerciale des prêts, considérant que cette problématique n’avait pas d’importance dès lors que le recourant n’exerçait plus son activité indépendante en 2004, car elle avait cessé en 1999.

 

 

Impôt fédéral direct

3) Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques. Sont aussi considérés comme revenu les prestations en nature de tout genre dont bénéficie le contribuable, notamment la pension et le logement, ainsi que les produits et marchandises qu’il prélève dans son exploitation et qui sont destinés à sa consommation personnelle ; ces prestations sont estimées à leur valeur marchande (art. 16 al. 2 LIFD).

4) Tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante sont imposables (art. 18 al. 1 LIFD).

Selon l’art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33 LIFD.

5) Aux termes de l’art. 27 al. 1 LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel. L’art. 27 al. 2 let. b LIFD prévoit que font notamment partie de ces frais les pertes effectives réalisées sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu’elles aient été comptabilisées.

Faisant partie de la Section 3 « Activité lucrative indépendante » et intitulé
« Déduction des pertes », l'art. 31 LIFD dispose que les pertes subies durant les trois périodes de calcul précédentes peuvent être déduites du revenu moyen de la période de calcul au sens de l'art. 43 LIFD - qui est basé sur le mode de taxation praenumerando bisannuel - à condition qu'elles n'aient pas pu être prises en considération lors du calcul du revenu imposable des années précédentes (al. 1). Dans le système d'imposition des personnes physiques postnumerando annuel applicable à Genève depuis 2001, et qui fait l'objet des art. 208 ss LIFD – la disposition correspondante est l'art. 211 LIFD, selon lequel les pertes des sept exercices précédant la période fiscale peuvent être déduites, à condition qu'elles n'aient pas été prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années (selon les textes allemand et italien de l'art. 211 LIFD, il faut qu'elles n'aient pas pu être prises en compte et non seulement qu'elles ne l'aient pas été, comme l'indique la version française).

Outre l’exercice d’une activité commerciale indépendante par le contribuable, la comptabilisation des pertes constitue donc une condition nécessaire à leur déductibilité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_711/2012 du
20 décembre 2012 consid. 7.2 ; 2A.300/2006 du 27 février 2007 consid. 10.2 ; 2P.185/2006 du 27 novembre 2006 consid. 3.5 ; ATA/93/2013 du 19 février 2013 consid. 4). De plus, lorsque la compensation n’intervient pas durant un exercice bénéficiaire et que le contribuable ne conteste pas la taxation concernée, le report des pertes est alors réputé « épuisé » de sorte que celui-ci ne peut plus être invoqué lors de périodes fiscales ultérieures (ATA/648/2012 du 25 septembre 2012 consid. 10 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Commentaire romand - impôt fédéral direct, 2008, p. 882 et les références citées).

6) Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/714/2012 du 30 octobre 2012 consid. 6b). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs.

7) Selon la jurisprudence fédérale, l'abandon d'une créance bancaire en faveur d'un client débiteur est fiscalement considéré comme un revenu pour ce dernier et non comme un don exonéré en vertu de l'art. 24 let. a LIFD. Dans la mesure où la dette est commerciale, la remise sera traitée en tant que revenu provenant d'une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 18 LIFD. Si la dette remise est privée, il s'agit, selon la théorie de l'accroissement de la fortune nette, d'un revenu imposable en vertu de la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_187/2012 du 15 octobre 2012 consid. 3.6.2 et les références citées ; 2C_276/2010 du 19 octobre 2010 consid. 3.2 ; 2C_120/2008 du 13 août 2008 consid. 2.2).

Ce faisant, le Tribunal fédéral n'a pas considéré qu'une telle pratique serait contraire au principe de l'imposition selon la capacité contributive ; il résulte du reste d'autres arrêts qu'il considère le principe de l'imposition du revenu global net comme découlant de celui de l'imposition selon la capacité contributive
(ATF 133 I 206 consid. 8.2).

Le Tribunal fiscal de Bâle-Ville a pour sa part aussi considéré récemment qu'un abandon de créances par une société en faveur de l'un de ses clients privés constituait un revenu imposable au sens de la norme générale définissant le revenu (arrêt du Steuergericht/BS in StE 2012 B 21.1 n. 20 consid. 5).

Quant à la juridiction de céans, si elle a le plus souvent traité d'abandons de créances de nature commerciale (ATA/544/2012 du 21 août 2012 ; ATA/469/2012 du 31 juillet 2012 consid. 5c ; ATA/241/2012 du 24 avril 2012 consid. 4c ; ATA/778/2011 du 20 décembre 2011 consid. 7 ; ATA/110/2009 du
3 mars 2009 ; ATA/956/2004 du 7 décembre 2004), elle a aussi déjà admis l'imposition d'un abandon de créances portant sur une dette de nature privée (ATA/167/2012 du 27 mars 2012 consid. 7 et 9) ou sur une dette mixte (ATA/503/2009 du 6 octobre 2009).

8) a. Dans un premier grief, les recourants considèrent que le TAPI ne pouvait pas refuser de prendre en compte la perte commerciale (CHF 2'092'927.-) au motif que l’activité indépendante avait pris fin. Ils estiment au contraire avoir le droit de faire valoir la déduction d’une perte reportée.

b. En droit suisse, le principe de périodicité est ancré dans la loi (pour l'imposition des personnes morales, art. 79 LIFD en relation avec l'art. 58 LIFD ; art. 63 s. LHID ; Peter BRÜLISAUER/Flurin POLTERA, in : Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, I/2a - Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG], Art. 1-82, 2ème éd., 2008, p. 853-854, n. 43 ad art. 58 LIFD). Il est ainsi un principe de droit matériel et non seulement une règle de nature technique servant à la perception de l'impôt. Au vu de son importance, il doit être pris en compte, de préférence au principe de l'imposition du bénéfice total, lors de la mise en œuvre du principe de l'imposition selon la capacité contributive. Il s'ensuit que ce dernier n'impose pas une interprétation large des dispositions sur le report des pertes. Au contraire, compte tenu de l'importance du principe de périodicité, les dispositions qui y dérogent, telles que les art. 31 et 211 LIFD, doivent être interprétées de manière plutôt restrictive. Au vu de ce qui précède et notamment au regard de la systématique de la loi, il convient d'interpréter l'art. 211 LIFD en ce sens que le report de pertes n'est possible qu'aussi longtemps que le contribuable exerce une activité lucrative indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 du 27 novembre 2009
consid. 3.3).

Ainsi, à compter de la période fiscale suivant celle durant laquelle l'activité indépendante a été abandonnée, le contribuable ne peut plus bénéficier du report de pertes, étant précisé qu'une telle activité est censée prendre fin au terme de la dernière opération de liquidation (Markus REICH, in : Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.], op. cit., p. 198, n. 39 ad art. 18 LIFD). L'arrêt 2C_101/2008 a précisé que le report demeure possible si le contribuable exerce une autre activité indépendante (consid. 3.3). Il en découle que le report de pertes est en principe lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante ; il dépend généralement du statut d'indépendant, et non de l'entreprise éventuellement exploitée (la notion d'activité lucrative indépendante au sens de l'art. 18 al. 1 LIFD étant plus large que celle d'entreprise : ATF 125 II 113 consid. 5b p. 121). Le contribuable qui, ayant cessé une activité indépendante, en commence ou en poursuit une autre, peut donc bénéficier du report. La règle en question ne suppose en conséquence pas la continuité dans l'exercice de cette activité ou dans l'exploitation de l'entreprise, à la différence du principe de l'imposition du bénéfice total, lequel envisage une seule et même entreprise. Ce dernier principe obéit par conséquent à une autre logique. Pour ce motif également, il ne saurait être invoqué par un contribuable qui cesse d'exercer toute activité indépendante, aux fins de pouvoir néanmoins compenser les pertes non prises en considération avec les revenus réalisés lors des périodes fiscales ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.4).

La règle selon laquelle le report de pertes est lié à la personne du contribuable exerçant une activité indépendante connaît une exception dans le cas où une entreprise individuelle ou une entreprise exploitée sous la forme d'une société de personnes est transférée à une personne morale aux conditions de l'art. 19 al. 1 lettre b LIFD. Dans cette situation, en effet, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) considère que la personne morale reprenante bénéficie du report des pertes de l'entreprise qui n'ont pas pu être prises en compte fiscalement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_33/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.2 à 3.4).

Le Tribunal fédéral a également eu l’occasion de préciser que l’abandon de l’exploitation active de son entreprise par le contribuable n’équivaut en principe pas encore à une cessation de l’activité indépendante ; la liquidation des valeurs patrimoniales commerciales constitue en effet aussi une telle activité, qui peut s’étendre sur une longue période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_376/2011 et 2C_377/2011 du 27 avril 2012, consid. 6.3.2).

c. En l’espèce, le recourant était indépendant jusqu’à la fin des années 1990. Il a ensuite fondé une société à responsabilité limitée, inscrite au registre du commerce en octobre 2000. En 2004, le recourant était salarié de cette société. De même, il ressort du dossier de taxation 2001 à 2003 qu’aucun élément relatif à une activité indépendante n’a été appréhendé pour la détermination de l’assiette fiscale.

Le recourant ne remet pas en question la fin de son statut d’indépendant, mais considère qu’il avait conservé au moins une dette commerciale liée à son activité indépendante. Il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas fourni d’indications fiscales relatives à cette dette entre 2001 et 2003 et qu’il n’a pas fourni de bilans de liquidation depuis la cessation de son activité.

La « liquidation des valeurs patrimoniales commerciales » s’est concrètement limitée pour le recourant à attendre l’expiration du délai convenu avec la banque et au paiement de modestes mensualités. S’agissant des valeurs commerciales, selon la propre analyse du recourant, elle n’aurait visé qu’un seul prêt sur quatre, dont la valeur correspond d’ailleurs à moins de 10 % de la convention. Dans sa réplique, le recourant persiste à considérer que la partie prépondérante des prêts qui lui avaient été consentis par la banque devait être qualifiée de privée. Le recourant ne saurait donc alléguer que l’essentiel des prêts est de nature privée, puis faire référence au seul prêt dont lui-même admet la valeur commerciale pour considérer qu’il exerçait encore en 2004 une activité indépendante.

Le courrier de l’AFC-GE du 9 décembre 2009, auquel le recourant fait référence dans sa réplique du 16 janvier 2015, n’a pas la portée que le recourant en déduit. L’AFC-GE a certes admis qu’au moment de la cessation d’activité de la raison individuelle il restait un solde de pertes non compensées. L’AFC-GE a cependant aussi retenu la fin des activités comme indépendant en 1999 et la continuation des activités du recourant dès 2000 dans le cadre d’une Sàrl. Enfin, contrairement à ce que le recourant écrit dans sa réplique, il n’a pas été contesté que le recourant ait été taxé en 1999 sur le résultat d’une activité indépendante.

d. Le TAPI a donc à juste titre considéré que l’activité commerciale du recourant avait pris fin en 1999 et qu’il n’y avait donc plus d’activité indépendante en 2004, même de liquidation.

9) a. Dans un deuxième grief, les recourants font valoir que le patrimoine net du contribuable est resté négatif après l’abandon de son solde de créance consenti par la banque. Il n’y aurait eu un revenu que si le contribuable avait pu en disposer effectivement, ce que l’abandon de créance n’était pas.

Ils reviennent ainsi sur l’arrêt de la chambre de céans du 28 mai 2013, où il avait déjà été retenu que l’abandon de créances privées était également imposable. Ils considèrent en effet que l’irrecevabilité de leur recours au Tribunal fédéral impliquerait que le TAPI, puis la chambre de céans disposeraient d’une marge de manœuvre.

En tout état, la solution adoptée par la chambre de céans dans son arrêt du 28 mai 2013 doit être confirmée pour les motifs qui suivent.

b. En droit suisse, l'impôt cantonal sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 7 LHID, dont le contenu est le même que celui des art. 16 et 17 LIFD). Le revenu imposable se détermine d'après les revenus acquis pendant la période fiscale (art. 64 al. 1 LHID dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2013 [RO 2013 2397]). La loi genevoise du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques sur le revenu (aLIPP-IV) et la loi genevoise du 31 août 2000 sur l'imposition dans le temps des personnes physiques (aLIPP-II), applicables à la période fiscale 2004, prévoient des dispositions similaires. Un bien économique est imposable en vertu de la clause générale des art. 16 al. 1 LIFD et 7 al. 1 LHID, si, selon la théorie de l'accroissement de la fortune nette dominante en Suisse, il entre dans l'ensemble des biens économiques qui affluent vers le contribuable pendant une période déterminée et dont il peut disposer, sans diminuer son patrimoine, pour satisfaire ses besoins personnels et couvrir les dépenses personnelles du ménage et qu'il n'entre pas dans la catégorie des revenus exonérés exhaustivement énoncés par les art. 24 LIFD et 7 al. 4 LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015, consid. 4.1 et les références citées ; 2C_692/2013 du 24 mars 2014
consid. 4.2 et les références citées ; ATF 114 Ia 221 consid. 4a p. 226 ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., 2002, p. 170ss).

La jurisprudence admet qu’un abandon de créance de la part d’une banque en faveur d’un client débiteur constitue un revenu imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_276/2014 et 2C_277/2014 du 22 janvier 2015, consid 4.3 ; 2C_1007/2012 du 15 mars 2013, consid. 5.1 ; 2C_276/2010 du 19 octobre 2010 consid. 3.2 ; 2C_120/2008 et 2C_121/2008 du 13 août 2008, consid. 2.2 =
RDAF 2009 II 34 ; 2C_224/2008, 2C_225/2008 et 2C_226/2008 du 1er avril 2009 consid. 2.2 = RDAF 2009 II 555 ; ATF 115 Ib 269 consid. 4b p. 272).

Selon le Tribunal fédéral, la créance d'impôt naît sitôt que les faits générateurs prévus par la loi sont réalisés. La créance fiscale prend naissance ex lege, sans aucune autre intervention extérieure : la doctrine parle de la naissance immédiate de la créance fiscale. La taxation n'a aucun effet constitutif, elle n'est pas une condition de l'existence de la créance d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2 ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, op. cit., p. 308 ; ATF 107 Ib 376 consid. 3 p. 378 et les références citées). L'existence et le contenu de la créance fiscale sont fixés par la loi, raison pour laquelle dite créance est en principe irrévocable : dès l'instant où une créance fiscale est née, elle ne peut être réduite à néant par une opération destinée à effacer les faits générateurs lui ayant donné naissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2 ; 2C_692/2013 du 24 mars 2014 consid. 4.2 et les références citées). La naissance ex lege de la créance fiscale a également pour conséquence que le moment de la réalisation du revenu ne saurait dépendre de la seule volonté du contribuable ; si tel était le cas, le contribuable pourrait différer et, par là, déterminer lui-même en fonction de ses convenances personnelles à quel moment ce revenu est imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2 ; 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.2 in RDAF 2010 II 474 et les références citées).

Le revenu n'est imposable que s'il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l'imposition du revenu. Le principe de réalisation n'est pas explicite dans le texte légal. Il découle de l'interprétation du texte légal par la jurisprudence. La réalisation détermine en effet le point d'entrée de l'avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable. Tant que l'avantage économique n'est pas réalisé, il demeure une expectative non-encore-imposable. Selon la jurisprudence, un revenu est réalisé lorsqu'une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l'acquisition d'une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n'est que si cette exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015
consid. 4.3 ; 2C_692/2013 du 24 mars 2014 consid. 4.2; 2C_683/2013 du
13 février 2014 consid. 6.4 et les références citées; ATF 95 I 21 consid. 5a p. 23). Le caractère certain de l'exécution de la prestation ne saurait dépendre de la seule volonté du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3).

En règle générale, le contribuable exerçant une activité lucrative dépendante réalise le revenu de cette activité durant la période pendant laquelle il a fourni sa prestation de travail, puisqu'il acquiert dès ce moment-là une prétention ferme à obtenir son salaire. Cette prétention prend naissance au fur et à mesure que le travail est fourni, même si le terme de paiement est usuellement fixé à la fin de chaque mois (art. 323 al. 1 CO). En pratique, le revenu de l'activité lucrative est assurément imposé au moment de son paiement mais au plus tôt lors de son exigibilité ou de sa cession. La date de comptabilisation par l'employeur ne joue à cet égard aucun rôle. Le revenu n'est en revanche pas réalisé si l'employeur est incapable de payer ou refuse de payer le salaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.4 ; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 1ère partie, 2001, p. 286, n. 63 ad art. 17 LIFD et les références citées).

c. En l’espèce, le recourant fait référence à la réalité du revenu et considère que, comme l’abandon de créance consenti par la banque en sa faveur a fait l’objet d’une compensation, il n’a pu disposer effectivement d’aucun montant dans le cadre de cette opération. Sa fortune nette serait restée négative. Il en déduit que l’exécution de la convention avec la banque n’était génératrice d’aucun revenu.

Le recourant interprète un obiter dictum du Tribunal fédéral, où ce dernier avait uniquement considéré que la solution du cas d’espèce était justifiable compte tenu du principe de la « réalité » du revenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_120/2008 du 13 août 2008 consid. 3.1). Il se réfère ensuite à la jurisprudence de la chambre de céans concernant la remise d’une dette commerciale (ATA/57/2014 du 6 février 2014 consid. 6) pour l’appliquer à l’abandon d’une dette privée ; dans cette arrêt, la chambre de céans avait retenu que seule la valeur comptable était décisive. Or, le recourant n’a justement pas tenu, et encore moins fourni de comptabilité. De même, il essaie absolument de distinguer les dettes privées et les dettes commerciales. On ne saurait donc sortir une citation de son contexte pour l’appliquer à la présente situation. En outre, la doctrine explique que le « principe de réalisation du revenu » (« Grundsatz der Realität des Einkommens ») implique qu’est imposable le revenu effectivement réalisé, et non le revenu possible (par exemple : Markus REICH, in : Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.], op. cit., p. 154, n. 21 ad art. 16 LIFD ; voir aussi : Yves NOËL, in : Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., p. 201, n. 27 ad art. 16 LIFD).

La règle jurisprudentielle selon laquelle l’abandon de créance par une banque est un revenu imposable doit donc être confirmée et appliquée à la situation d’espèce : la mise en œuvre de la convention avec la banque implique un accroissement du revenu imposable du contribuable recourant.

Ce grief du recourant doit ainsi être écarté.

10) a. Dans un dernier chapitre, le recourant revient encore sur la qualification de dette privée ou commerciale des soldes de prêts ayant fait l’objet de l’abandon de créance de la part de la banque.

b. À titre subsidiaire, même si cela n’est pas essentiel pour la résolution du litige, il faut encore examiner s’il s’agit d’une dette privée ou commerciale. Dans son arrêt du 28 mai 2013, la chambre de céans avait partiellement admis le recours pour que le TAPI statue à ce sujet. Le TAPI n’a pas examiné cette question dans son arrêt, rejetant le recours pour d’autres motifs. Le recourant avait cependant évoqué cette question tant dans ses observations au TAPI du 30 janvier 2014 que dans son recours du 9 octobre 2014. Par souci d’économie de procédure, la chambre de céans peut par conséquent statuer à ce sujet.

c. Le recourant considère qu’à l’exception du (deuxième) prêt, dont le solde est de CHF 360'226.97, tous les autres crédits visés étaient de nature privée. Il ressort de la détermination de l’AFC-GE devant le TAPI du 16 avril 2014 que le premier prêt, dont le solde était de CHF 220’896.60, était considéré comme de nature privée et les autres de nature commerciale. Il en résulte que les parties sont d’accord de considérer le premier prêt comme de nature privée et le deuxième comme de nature commerciale ; elles divergent en revanche sur la nature des troisième et quatrième prêts, qui seraient de nature privée pour le recourant et de nature commerciale pour l’AFC-GE.

d. Déterminer si l’on a affaire à une dette privée ou commerciale suppose d’examiner si celle-ci se rapporte à la fortune privée ou commerciale du contribuable. Cet examen doit se faire sur la base d’une appréciation de l’ensemble des circonstances. La comptabilisation de l’élément doit en particulier être considérée comme un indice de son caractère commercial. Cependant, un actif (ou passif) nécessairement commercial fait partie du patrimoine commercial même s’il ne figure pas dans la comptabilité. À l’inverse, une dette qui n’a aucun lien avec une activité indépendante doit être considérée comme privée, même si elle figure dans les comptes de l’indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_276/2010 du 19 octobre 2010 consid. 3.2 ; ATA/682/2014 du 26 août 2014 consid. 3d).

e. En l’espèce, la nature privée du premier prêt n’est pas contestée. La nature commerciale du deuxième prêt ne l’est pas davantage.

La nature du troisième prêt (solde : CHF 762'361.58) est en revanche contestée. Les recourants considèrent qu’il s’agit d’une dette privée pour acheter leur domicile de E______. Il découle du contrat de prêt hypothécaire conclu entre D______ et le recourant le 11 novembre 1988 pour un montant de
CHF 1'600'000.-, avec comme garantie une cédule hypothécaire au porteur de CHF 1’600'000.- en 1er rang grevant la villa de E______.

Il résulte cependant des registres de l’OCP, consultés par l’AFC-GE et invoqués dans sa réponse au TAPI du 16 avril 2014, rappelés dans le jugement du TAPI du 18 septembre 2014 et faisant partie du dossier soumis à la chambre de céans, que les recourants étaient domiciliés de 1986 à 2000 à F______. Ils avaient en revanche habité à E______ de 1974 à 1986. Autrement dit, au moment de la conclusion, en 1988, du contrat de prêt hypothécaire pour l’acquisition du logement de E______, les recourants étaient déjà domiciliés à F______, commune qu’ils n’ont quittée qu’en 2000 pour B______. Le logement de E______ ne saurait donc être considéré comme le domicile des recourants au moment de la conclusion du prêt, ni dans les années qui ont suivi d’ailleurs. La nature privée de ce troisième prêt doit donc être niée.

La nature du quatrième prêt (solde : CHF 1'934'434.83) est aussi contestée. Les recourants considèrent qu’il s’agit aussi d’une dette privée pour acheter leur nouveau domicile à F______. Un premier crédit a été conclu le 13 janvier 1986 pour un montant de CHF 1'000'000.-. Dans un courrier du 19 novembre 1990 adressé au recourant, et expédié à une adresse à I______, D______ confirme la limite de crédit à CHF 1'900'000.-. Cette limite est conditionnée au nantissement d’une cédule hypothécaire de 2ème rang de CHF 1'500'000.- sur la parcelle de F______ et à la cession du produit de la vente, à concurrence de CHF 1'900'000.- de la villa sise à E______. En 1986 et en 1990, le domicile des recourants selon l’OCP se trouvait effectivement à F______. Dans son courrier du 9 décembre 2009, l’AFC-GE a considéré que la vente de la parcelle sise à F______ était qualifiée de non professionnelle. L’AFC-GE ne s’est pas déterminée clairement à ce sujet dans sa réponse du 12 décembre 2014 ; dans ses écritures du 15 septembre 2011 et du 16 avril 2014 au TAPI, l’AFC-GE s’était limitée à alléguer que le contribuable n’y habitait pas au moment de l’octroi du crédit, sans aucun élément complémentaire. Il n’y a donc pas d’élément factuel qui permette de remettre en cause les allégations des recourants ; les pièces au dossier rendent au contraire crédible la proximité géographique et temporelle entre le domicile des recourants et le prêt. La nature privée de ce quatrième prêt peut donc être admise.

f. De manière récapitulative, les prêts doivent ainsi être considérés comme
suit :

– premier prêt dont le solde est de CHF 220'896.60 (référence 1______) : nature privée ;

– deuxième prêt dont le solde est de CHF 360'226.97 (référence 2______) : nature commerciale ;

– troisième prêt dont le solde est de CHF 762'361.58 (référence 3______) : nature commerciale ;

–      quatrième prêt dont le solde est de CHF 1'934'434.83 (référence 4______) : nature privée.

La chambre constatera donc que le quatrième prêt est de nature privée. Pour le surplus, le jugement du TAPI est confirmé.

Impôt cantonal et communal

11) Conformément à l’art. 72 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) entrée en vigueur le 1er janvier 2010, c’est l’ancien droit, soit la LHID, encore en vigueur, et les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP - I à V), qui s’appliquent à la résolution du présent litige dans la mesure où il porte sur la période fiscale 2004.

12) En l'espèce, les règles légales et principes jurisprudentiels applicables sont semblables à ceux prévalant en matière d'IFD (les art. 7 LHID et 1 aLIPP-IV correspondant à l'art. 16 LIFD ; les art. 8 LHID et 3 aLIPP-IV à l'art. 18 LIFD ; les art. 9 al. 1 LHID et 1 aLIPP-V à l'art. 25 LHID ; et les art. 10 LHID et 3
al. 3 aLIPP-V aux art. 27 et 211 LIFD ; M. REICH, in : Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/1 - Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2ème éd., 2002, p. 106, n. 34 ad art. 7 LHID). Les considérations émises ci-dessus pour l’IFD 2004 sont donc, mutatis mutandis, applicables à l’ICC 2004.

Émolument et indemnité de procédure

13) Les recourants succombant dans une large mesure, un émolument de
CHF 1'000.- sera mis à leur charge (art. 87 al. 1 LPA). Le fait que la nature d’un prêt soit qualifiée de manière différente de celle initialement retenue par l’AFC-GE n’a pas d’influence sur l’issue du litige, de sorte qu’il convient de renoncer à accorder une indemnité aux recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 octobre 2014 par Mme et M. A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2014 ;

au fond :

constate que le prêt dont le solde est de CHF 1'934'434.83 (référence 4______) est de nature privée ;

au surplus confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du
18 septembre 2014 ;

rejette le recours ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, juge, M. Hofmann, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :