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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3911/2010

ATA/69/2013 du 06.02.2013 sur JTAPI/389/2012 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 12.03.2013, rendu le 27.05.2014, ADMIS, 2C_240/2013
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3911/2010-ICCIFD ATA/69/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2013

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame et Monsieur A______

représentés par Me Antoine Berthoud, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2012 (JTAPI/389/2012)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______), nés respectivement les ______ 1952 et ______ 1953, sont domiciliés à B______ et sont donc contribuables dans le canton de Genève.

Les époux A______ exploitent depuis le 28 octobre 1998 une société à responsabilité limitée sise à B______, dont le nom est depuis novembre 2006 « C______ S.à r.l. » (ci-après : la société). Son capital est de CHF 40'000.-, chacun des époux en détenant CHF 19'000.-. Elle a pour but social le commerce, la distribution, l'importation et l'exportation de matières premières en relation avec le paysagisme et l'agriculture.

M. A______ exploite aussi depuis le 4 février 2004 une entreprise individuelle sous la raison de commerce « entreprise A______ » (ci-après : l'entreprise individuelle), sise à B______, et dont le but social est le même que celui de la société.

2) M. A______ est par ailleurs propriétaire des parcelles nos 1______ (qu'il a reçue en donation de ses parents en avril 2008) et 2______ de la commune de B______, tandis que les époux A______ sont copropriétaires des parcelles nos 3______ et 4______ de la même commune.

La parcelle n° 1______ correspond à l'adresse ______, chemin D______. Sise en zone agricole et soumise à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11), elle s'étend sur 9'984 m2. Elle comprend trois dépôts - dont deux, contigus, forment un seul bâtiment principal - ainsi que des serres sur 5'562 m2, celles-ci ne formant toutefois qu'une partie d'un ensemble de 13'493 m2 partagé avec la parcelle voisine (parcelle n° 5______, qui est propriété d'une tierce personne).

Aucune des autres parcelles susmentionnées n'inclut de serres qui soient cadastrées.

3) Selon son bilan 2007, la société a réalisé un bénéfice de CHF 35'211,97. Dans la rubrique des actifs immobilisés figurent un poste « installations de production » (CHF 43'680.-) et un poste « serres » (CHF 6'151.-) ; dans le compte de résultat 2007 figurent deux postes d'amortissements y relatifs, l'un de CHF 2'298.- (installations de production) et l'autre de CHF 1'537.- (serres).

Ce bénéfice n'a toutefois pas été taxé dans le cadre de l'impôt sur les personnes morales, les pertes commerciales cumulées de la société pour les 7 exercices précédents s'élevant à CHF 276'519.-.

4) Le 8 août 2008, les époux A______ ont retourné leur déclaration fiscale 2007 à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

Leur revenu imposable s'élevait à CHF 62'642.- pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), à CHF 77'759.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), et leur fortune imposable ICC à CHF 342'767.-.

5) Le 15 mai 2009, l'AFC-GE a fait parvenir aux époux A______ le formulaire annexe à la déclaration 2007 servant à déterminer le revenu et la fortune des professionnels de l'agriculture, en leur demandant de le retourner complété d'ici au 5 juin 2009.

6) Le 26 mai 2009, les époux A______, par l'intermédiaire d'un comptable, ont retourné le formulaire précité à l'AFC-GE.

Sous la rubrique « amortissements sur immeubles agricoles (en propriété) » étaient indiqués, dans la colonne relative aux « constructions légères (hangars, ateliers, halles, couverts, box et stabulation) » mais sans autre précision, un montant de CHF 57'956.- correspondant à un report de l'année précédente, et un autre de CHF 2'897.- comme amortissement admis en déduction.

Le 1er janvier 2007, M. A______ avait vendu, à leur valeur comptable, tous les actifs et passifs de son exploitation à la société, dont il était devenu salarié, ne conservant en nom propre que le bâtiment qu'il mettait gratuitement à disposition de la société.

Un document était joint qui reprenait les différents postes avec leur valeur comptable. Le total des actifs s'élevait à CHF 249'655.-. Un poste d'actifs était intitulé « serres » et s'élevait à CHF 7'688.-.

7) Le 19 août 2009, l'AFC-GE a fait parvenir aux époux A______ leurs bordereaux de taxation ICC et IFD 2007. L'ICC, d'un montant total de CHF 148'062.-, était calculé sur la base d'un revenu imposable de CHF 529'802.- au taux de CHF 529'802.- et d'une fortune imposable de CHF 392'300.- au taux de CHF 392'300.-. L'IFD, d'un montant total de CHF 58'001.-, était calculé sur la base d'un revenu imposable de CHF 543'500.- au taux de CHF 543'500.-. Il était retenu, au titre des revenus, un bénéfice net de CHF 492'043.- tant pour l'ICC que pour l'IFD.

8) Le 26 août 2009, les époux A______ ont élevé réclamation auprès de l'AFC-GE contre les bordereaux précités.

Etaient contestées la prise en compte d'un bénéfice de CHF 492'043.- relatif au transfert de la fortune commerciale à la fortune privée, la détermination d'une cotisation à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) y relative ainsi que la détermination d'un rendement imposable de la fortune mobilière pour un montant de CHF 35'211.-.

M. A______ avait transféré son activité commerciale agricole à la société et avait mis « ses locaux » à disposition de celle-ci. Toutefois, l'entreprise individuelle avait conservé le hangar dans l'attente d'une future activité commerciale. Dès lors, il n'y avait pas transfert d'un bien immobilier de la fortune commerciale à la fortune privée puisque l'entreprise individuelle existait toujours. Un extrait du registre du commerce (ci-après : RC) était fourni à ce propos. Dans la mesure où la prise en compte de ce bénéfice ne se justifiait pas, il n'y avait pas lieu de calculer une cotisation AVS y afférente.

A la lecture de l'avis de taxation et des explications fournies, on ne comprenait pas la motivation de la reprise de CHF 35'211.- relative au rendement de la fortune mobilière.

9) Le 4 octobre 2010, statuant sur réclamation, l'AFC-GE a partiellement modifié ses taxations 2007 .

Dans la mesure où l'ensemble des actifs de l'entreprise individuelle avait été transféré le 1er janvier 2007 à la société, le bien immobilier utilisé à titre professionnel devait être requalifié selon les principes de la prépondérance, et les réserves latentes devaient être imposées. Compte tenu du fait que la parcelle litigieuse était assujettie à la LDFR, la taxation était rectifiée en considérant uniquement les amortissements admis à ce jour en taxation. Ceux-ci se montaient à CHF 91'177.- pour le « verger » et à CHF 30'353.- pour le hangar. Le montant de la cotisation AVS était ajusté au nouveau bénéfice retenu.

La taxation était pour le surplus maintenue. La société était en effet surendettée et le capital-actions n'était plus couvert. De fait, les bénéfices futurs réalisés par la société devaient être appréhendés pour l'actionnaire, jusqu'à concurrence du capital-actions de CHF 40'000.-, comme un rendement imposable.

Le nouveau revenu imposable ICC s'élevait à CHF 205'439.- au taux de CHF 205'439.-, le nouveau revenu imposable IFD à CHF 219'300.- au taux de CHF 219'300.-.

10) Le 11 octobre 2010, l'AFC-GE a transmis au mandataire des époux A______ le détail des amortissements retenus dans le cadre des décisions sur réclamation du 4 octobre 2010 pour le verger et le hangar. Ces amortissements étaient relatifs aux années 1992 à 2006.

11) Le 3 novembre 2010, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation du 4 octobre 2010.

L'immeuble figurant au bilan 2007 de la société était un hangar situé en zone agricole, et ils résidaient ailleurs, au ______, chemin E______ (soit la parcelle n° 3______), si bien que la théorie de la prépondérance ne trouvait pas à s'appliquer dès lors qu'il n'y avait en aucun cas affectation mixte. M. A______ n'avait pas mis fin à son activité indépendante, dans la mesure où il était toujours inscrit au RC, et que ni son âge, ni l'existence d'un bail à long terme conclu sur l'immeuble ne permettaient de considérer qu'il y avait eu définitivement transfert de la fortune commerciale à la fortune privée. La seule exception était le hangar agricole, pour lequel une reprise des amortissements à hauteur de CHF 30'353.- n'était pas contestée.

Même si tel était le cas, seule la reprise des amortissements devait être soumise à l'impôt sur le revenu, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'AFC-GE entendait reprendre à ce titre un montant de CHF 91'177.- pour un verger, alors qu'ils n'en avaient jamais exploité. En outre, à l'exception du hangar agricole, la société avait repris tous les actifs de l'entreprise individuelle à leur valeur comptable, opération expressément exonérée d'impôts de par la loi.

Les motifs ayant mené l'AFC-GE à reprendre un montant de CHF 35'211.- correspondant au bénéfice de la société étaient incompréhensibles et allaient à l'encontre de tous les principes régissant les rapports entre une personne morale et les détenteurs de droits de participation.

Il convenait donc d'annuler (recte : d'annuler partiellement) les décisions sur réclamation et de retenir que les montants de CHF 91'177.- et CHF 35'211.- n'étaient pas imposables.

12) Le 15 juin 2011, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Dans un premier temps, elle avait repris un montant de CHF 492'043.-, qui correspondait au bénéfice réalisé sur le transfert de la fortune commerciale à la fortune privée du bien immobilier sis chemin D______ ______(valeur de transfert CHF 550'000.- – valeur comptable CHF 57'957.- = bénéfice 492'043.-).

Dans les décisions sur réclamation attaquées, elle avait admis de ne considérer que les amortissements, soit CHF 91'177.- pour le verger, c'est-à-dire le terrain agricole, et CHF 30'353.- pour le hangar. En effet, du moment que M. A______ avait cessé son activité lucrative indépendante agricole au 1er janvier 2007, le bien-fonds (parcelle n° 1______) était passé de la fortune professionnelle à la fortune privée. Ce dernier était constitué d'un verger/terrain et d'un hangar, et était soumis à la LDFR. Seuls les amortissements admis en taxation étant imposables pour ce genre d'immeubles, la nouvelle taxation était conforme au droit. La reprise sur la cotisation AVS était justifiée, ladite cotisation étant proportionnelle au bénéfice.

Le montant de CHF 35'211.- avait été repris également à juste titre en tant que rendement imposable de la fortune mobilière. En effet, la société était surendettée, son capital-actions n'étant plus couvert, et les bénéfices futurs de celle-ci devaient être appréhendés pour l'actionnaire comme rendement imposable jusqu'à concurrence du capital-actions de CHF 40'000.-.

13) Par jugement du 23 mars 2012, le TAPI a admis le recours et renvoyé la cause à l'AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens des considérants.

Les amortissements relatifs à la parcelle n° 1______ imposés par le fisc concernaient les années fiscales 1992 à 2001, soit une période antérieure à l'acquisition de la parcelle par M. A______, qui l'avait reçue en donation de ses parents en 2008. C'était donc à tort que le montant de CHF 91'177.- avait été ajouté au revenu des époux A______.

La société, en tant que société de capitaux, était un sujet de droit assujetti à l'impôt en tant que telle. Seul son actif répondait des dettes, notamment fiscales ; son bénéfice ne pouvait être imposé dans le chef des associés. Le montant de CHF 35'211.- avait ainsi été ajouté à tort au revenu des époux A______.

14) Par acte déposé le 4 mai 2012, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant « partiellement » à son annulation et à la confirmation de ses décisions du 4 octobre 2010.

Le terrain de la parcelle n° 1______ appartenait en 2007 aux parents de M. A______. Toutefois, les serres construites sur ce terrain appartenaient à ce dernier depuis 1984. C'étaient ces serres qui avaient été désignées comme « verger ». La terminologie utilisée ne modifiait cependant en rien la valeur d'amortissement de ces serres, qui restait arrêtée à CHF 91'177.-.

L'AFC-GE reprenait pour le surplus l'argumentation développée devant le TAPI.

15) Le 14 mai 2012, le TAPI a communiqué son dossier sans émettre d'observations.

16) Le 2 juillet 2012, les époux A______ ont conclu à la confirmation du jugement du TAPI et à l'octroi d'une équitable indemnité de procédure.

Ils avaient conclu devant le TAPI à ce que l'« immeuble litigieux » fasse l'objet d'un transfert volontaire de la fortune commerciale à la fortune privée moyennant, exclusivement, la reprise des amortissements à hauteur de CHF 30'353.-. Malgré la formulation utilisée, le TAPI avait retenu cette conclusion. En confirmant le dispositif du jugement attaqué, la chambre administrative devait dire que la taxation en cause impliquait le transfert de la fortune commerciale à la fortune privée de la parcelle n° 1______ et de l'ensemble des constructions qui y étaient édifiées.

On ne pouvait pour le surplus retenir un tel transfert, dans la mesure où M. A______ n'était âgé en 2007 que de 54 ans, qu'il restait inscrit au RC comme exploitant d'une entreprise individuelle dans le domaine paysager et agricole, et que l'immeuble litigieux avait été mis gratuitement à disposition de la société, si bien qu'aucun bail de longue durée n'avait été conclu. Il n'avait donc pas mis un terme définitif à son activité indépendante d'exploitant agricole. L'AFC-GE n'avait versé à la procédure aucune pièce démontrant que les contribuables étaient propriétaires des serres avant 2007 et qu'ils avaient procédé à leur amortissement.

Le montant de CHF 35'211.- n'avait pas à être repris, puisqu'ils étaient porteurs de parts de la société à hauteur de 95 % du capital de celle-ci, que la société n'avait pas racheté ses propres parts de participation et qu'il n'y avait pas eu non plus de distribution gratuite d'actions. Le simple fait qu'une personne morale ait subi des pertes lors des exercices antérieurs avant de réaliser un bénéfice ne suffisait pas à considérer qu'il y avait eu distribution de dividende en faveurs des porteurs de parts.

17) Le 11 juillet 2012, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) s'est ralliée aux conclusions de l'AFC-GE et a renoncé à déposer de plus amples observations.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 12 juillet 2012.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur l'ICC et l'IFD 2007.

Comme le veut la jurisprudence, les deux impôts seront abordés séparément (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1).

Impôt fédéral direct

3) Selon l’art. 16 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), l’impôt sur le revenu a pour objet l’ensemble des revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature. Sont imposables tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre d’un rapport de travail (art. 17 al. 1 LIFD). Sont également imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD).

Tous les bénéfices en capital provenant de l’aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d’éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l’activité lucrative indépendante ; le transfert d’éléments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l’étranger est assimilé à une aliénation (art. 18 al. 2 LIFD).

4) L'art. 18 al. 4 LIFD pose toutefois que les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles ou sylvicoles ne sont ajoutés au revenu imposable que jusqu’à concurrence des dépenses d’investissement.

La notion d'immeuble agricole et sylvicole n'est pas définie plus précisément en droit fiscal, et doit donc s'interpréter à la lumière de la LDFR, en particulier de son art. 2 al. 2, de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et de la loi fédérale sur l’agriculture du 29 avril 1998 (LAgr - RS 910.1 ; ATF 138 II 32 consid. 2.2.1 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_873/2011 du 22 octobre 2012, consid. 5.1 ; 2C_359/2010 du 15 décembre 2011, consid. 3.2).

L'art. 18 al. 4 LIFD n'impose les gains en capital réalisés sur des immeubles agricoles qu'à concurrence de la part correspondant aux amortissements récupérés, soit la différence entre la valeur comptable des biens-fonds en cause et leur prix d'acquisition augmenté des dépenses d'investissement ; cette disposition s'applique non seulement aux gains d'aliénation mais également à ceux issus de réévaluation ou de transfert dans la fortune privée (ATF 126 II 473 consid. 3c).

A l'origine du litige à la base de l'arrêt précité, un agriculteur avait annoncé au fisc la cessation de son activité lucrative indépendante. En outre, compte tenu de son âge au moment de l'affermage de son domaine (65 ans révolus) et de la durée du contrat conclu (quinze ans, renouvelable tacitement pour de nouvelles périodes de six ans), cette remise à bail apparaissait définitive ; cette opération représentait dès lors la réalisation des biens-fonds concernés, de sorte que la reprise d'amortissements sur ces derniers devait être imposée (ATF 126 II 473 consid. 4).

5) Selon la jurisprudence fédérale, ne peut en principe appartenir à la fortune commerciale qu'un bien qui est propriété – au sens du droit civil – de celui qui exploite l'entreprise (ATF 110 Ib 121 consid. 2a ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_379/2008 du 4 décembre 2008, consid. 2.4 ; J. VON AH, Die Besteuerung Selbständigerwerbender, 2e éd., 2011, p. 38).

Il existe toutefois des exceptions à cette règle, en particulier dans le cas où l'exploitant dispose à la manière d'un propriétaire du bien en question, et que ce dernier peut ainsi être porté au bilan conformément au droit comptable (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_379/2008 du 4 décembre 2008, consid. 2.5 ; 2A.52/2003 du 23 janvier 2004, consid. 3.1 ; 2A.107/2002 du 6 septembre 2002, consid. 1.3 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4e éd., 2012, § 7 n. 53 ; J. VON AH, op. cit., p. 38 ss ; M. ZWEIFEL/P. ATHANAS [éd.], Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I / 2a Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG], Art. 1-82, 2000, n. 46 ad art. 18 LIFD).

6) En matière fiscale, les règles sur le fardeau de la preuve veulent que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôt et de ses explications ultérieures ; on ne peut pas demander au contribuable de prouver un fait négatif, par exemple qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés. Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables qui n'ont pas été annoncés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices clairs et précis révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012, consid. 4.4 ; 2C_574/2009 du 21 avril 2010, consid. 4.2 ; ATA/8/2013 du 8 janvier 2013 consid. 7b ; ATA/483/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/283/2011 du 10 mai 2011). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (art. 142 al. 4 LIFD ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_47/2009 du 26 mai 2009 = RDAF 2009 II 408 consid. 5 et les références citées ; ATA/8/2013 précité consid. 7b).

7) En l'espèce, la parcelle n° 1______, sur laquelle sont construits le(s) hangar(s) et les serres, n'est devenue propriété du contribuable, au sens du droit civil, qu'au cours de l'année 2008.

Il ressort néanmoins du dossier constitué par la recourante, en particulier des comptes 2007 de la société et du document inventoriant les actifs à elle cédés par l'entreprise individuelle, que ces documents comportent un poste intitulé « serres », avec des amortissements correspondants dans le compte de résultat 2007. Il n'est pas contesté par ailleurs que durant les années précédant l'exercice 2007, le contribuable avait l'usage de ces serres et qu'il utilisait celles-ci dans le cadre de l'exploitation de son entreprise agricole et horticole, étant précisé que la parcelle en cause appartenait à ses parents déjà retraités.

Dans cette mesure, l'AFC-GE pouvait considérer que les serres - qu'elle a improprement qualifiées de verger dans un premier temps - faisaient partie de la fortune commerciale de l'intimé. Ce dernier n'a par ailleurs pas démontré le contraire, se contentant de contester l'existence d'un verger, puis d'invoquer que l'AFC-GE n'avait pas démontré que les serres lui appartenaient avant 2007. A cet égard, le contribuable a adopté une position contradictoire puisqu'il a admis explicitement que le hangar était passé de sa fortune commerciale à sa fortune privée le 1er janvier 2007 (en n'hésitant pas du reste à déclarer à l'AFC-GE qu'il avait « conservé en nom propre » un bâtiment qui ne lui appartenait pas encore), tout en rejetant cette hypothèse pour les serres y attenantes.

Il y a par ailleurs bien eu transfert de la fortune commerciale à la fortune privée, dans la mesure où les actifs considérés - serres et hangars - ont été intégralement acquis par un sujet de droit fiscal indépendant, soit la société, qui salarie désormais le contribuable. Il n'y a ainsi pas eu d'affermage ou de mise à bail, si bien que les différents points examinés par le Tribunal fédéral dans l'arrêt cité plus haut ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige.

Compte tenu de ce qui précède, la reprise des CHF 91'177.- d'amortissements cumulés était justifiée.

8) Reste à examiner la reprise de CHF 35'211.- au titre de rendement de la fortune mobilière.

Selon la recourante, la société étant surendettée et son capital-actions n'étant plus couvert, les bénéfices futurs de celle-ci doivent être appréhendés pour l'« actionnaire » comme rendement imposable jusqu'à concurrence du capital-actions de CHF 40'000.-.

9) Est imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc.) ; lorsque des droits de participation sont vendus conformément à l’art. 4a de la loi fédérale sur l’impôt anticipé du 13 octobre 1965 (LIA - RS 642.21), à la société de capitaux ou à la société coopérative qui les a émis, l’excédent de liquidation est considéré comme étant réalisé dans l’année pendant laquelle la créance de l’impôt anticipé prend naissance au sens de l'art. 12, al. 1 et 1bis, LIA (art. 20 al. 1 let. c LIFD).

Dans le cas d'une société de capitaux, le revenu de la participation n'est imposable que lorsqu'il est mis à la disposition du sociétaire, par une distribution décidée par l'organe suprême de la société – distribution ouverte – ou d'une manière non statutaire – distribution dissimulée – ; il n'y a pas de transparence entre société et associé, chacun étant un contribuable distinct (D. YERSIN/ Y. NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, n. 41 ad art. 20 LIFD).

10) En l'espèce, la société n'a pas payé d'impôts sur le bénéfice en 2007, dans la mesure où les pertes commerciales des exercices précédents excédaient ce dernier. Les explications de l'AFC-GE pour considérer ce bénéfice comme un rendement imposable de la fortune mobilière des contribuables sont cependant fort peu compréhensibles, et ne sont au demeurant étayées ni par une quelconque référence jurisprudentielle ou doctrinale, ni par les pièces du dossier. Ainsi, il n'apparaît pas que les intimés, bien qu'associés détenteurs de 95 % des parts sociales, aient perçu des dividendes sur ce bénéfice ; cela ne résulte pas de leur déclaration fiscale 2007 telle que figurant au dossier, et l'AFC-GE ne produit aucune pièce démontrant que tel aurait néanmoins été le cas de manière dissimulée. Comme elle n'indique pas quelle autre hypothèse prévue par l'art. 20 al. 1 let. c LIFD viendrait à s'appliquer, le jugement du TAPI ne peut qu'être confirmé sur ce point.

Impôt cantonal et communal

11) L'ICC 2007 est régi par l'ancienne loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP), divisée en quatre parties (LIPP-I, LIPP-II, LIPP-III et LIPP-IV), conformément à l’art. 72 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2010 du 8 décembre 2011, consid. 2). Trouve en particulier application la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV).

12) Sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, et de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante. Sont également considérées comme une activité lucrative indépendante, les opérations portant sur des éléments de la fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune (art. 3 al. 1 aLIPP-IV). Les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles et sylvicoles sont soumis à l'impôt sur le revenu pour la part du gain représentée par la différence entre la valeur totale des biens avant amortissements et leur valeur comptable lors de l'aliénation. Le bénéfice constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur totale des investissements est, quant à lui, assujetti à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (art. 3 al. 5).

13) Les dispositions qui précèdent sont conformes à la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et correspondent à l'art. 18 al. 2 et 4 LIFD (ATF 138 II 32 consid. 2.1.1).

14) L'art. 6 let. c aLIPP-IV prévoit que les dividendes, les parts de bénéfice, l'excédent de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (comme par exemple les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale) sont imposables en tant que rendement de la fortune mobilière. Cette disposition est identique à l'art. 20 al. 1 let. c LIFD.

15) Le droit cantonal étant ainsi matériellement identique à la LIFD, les considérants qui précèdent relatifs à l'IFD valent également, mutatis mutandis, pour l'ICC.

16) Le recours sera ainsi partiellement admis. Le jugement entrepris sera annulé en tant qu'il retient que la nouvelle taxation ne doit pas inclure le montant de CHF 91'177.- au titre de l'IFD et de l'ICC 2007, et confirmé pour le surplus.

17) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des époux A______, qui succombent pour une large part (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mai 2012 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2012 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mars 2012 en tant qu'il retient que la nouvelle taxation ne doit pas inclure le montant de CHF 91'177.- au titre de l'IFD et de l'ICC 2007 ;

confirme ledit jugement pour le surplus ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

 

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, à Me Anthoine Berthoud, avocat de Madame et Monsieur A______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :