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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/877/2016

ATA/1419/2017 du 17.10.2017 sur JTAPI/997/2016 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL ; IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL ; IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT ; TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE ; IMPÔT SUR LE REVENU ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; PRESTATION EN NATURE ; REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; MAXIME INQUISITOIRE ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIPP.69 ; LIFD.16 ; aLIPP-IV.1 ; LIFD.18 ; aLIPP-IV.3 ; LIFD.27 ; LIFD.34.leta ; aLIPP-V.9.leta ; LPA.19 ; LPA.22
Résumé : Rejet du recours de l'AFC et confirmation du jugement du TAPI annulant les reprises se rapportant aux travaux entrepris par le recourant sur sa villa familiale. Ces travaux doivent être qualifiés de prestations à soi-même et ne constituent pas un revenu imposable provenant de l'activité indépendante du contribuable, ni un transfert de sa fortune commerciale dans sa fortune privée Ils doivent plutôt être considérés comme un hobby, car le contribuable n'avait pas l'intention de réaliser un bénéfice ainsi qu'il n'appert pas qu'il ait prélevé des marchandises ou produits de son entreprise.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/877/2016-ICCIFD ATA/1419/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 octobre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame et Monsieur A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
3 octobre 2016 (JTAPI/997/2016)


EN FAIT

1) Le litige concerne les taxations 2007 et 2009 de Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______).

2) Durant les années en cause, le contribuable exerçait une activité indépendante dans le cadre de son entreprise individuelle « B______ », dont le but consistait en : « studio d'enregistrement, production import-export de marchandises de toute sorte, rénovation, transformation et construction en plâtrerie, peinture, carrelage et maçonnerie ». La société a été transformée en C______ SA en 2010.

3) Le 1er avril 2009, les contribuables ont été taxés d’office pour l'année 2007.

4) Dans leur déclaration fiscale 2007, remise dans le délai de réclamation, les intéressés ont déclaré un revenu imposable de CHF 116'138.- pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et de CHF 92'587.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD). Concernant l'activité indépendante du contribuable, le chiffre d'affaires brut déclaré s'élevait à CHF 101'198.-, les frais généraux à CHF 65'207.- et le bénéfice net à CHF 35'991.-.

5) Le 23 décembre 2010, les contribuables ont été taxés d'office pour l'année 2009.

6) Dans leur déclaration fiscale 2009, remise dans le délai de réclamation, les contribuables ont déclaré un revenu imposable de CHF 32'775.- pour l'ICC et de CHF 25'797 pour l'IFD. Concernant l'activité indépendante du contribuable, le chiffre d'affaires brut déclaré s'élevait à CHF 386'788.-, les frais généraux et autres charges d'exploitation à CHF 342'281.- et le bénéfice net à CHF 44'507.-.

7) Le 6 février 2012, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a remis des bordereaux de taxation rectificatifs pour l'année 2007 fondés sur un revenu imposable de CHF 113'648.- pour l'ICC et de CHF 95'700.- pour l'IFD. Ces bordereaux sont entrés en force.

8) Le 3 septembre 2012, l'AFC-GE leur a remis des bordereaux de taxation rectificatifs pour l'année 2009 fondés sur un revenu imposable de CHF 102'015.- pour l'ICC et de CHF 87'100.- pour l'IFD. Ces bordereaux sont entrés en force.

9) Le 19 août 2014, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a communiqué à l’AFC-GE les résultats d’un contrôle en matière de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : TVA) effectué auprès de l'entreprise individuelle du contribuable pour la période fiscale 2007-2010. Elle constatait les éléments suivants :

– le 4 janvier 2007, E______ Sàrl avait versé une contre-prestation de CHF 6'000.- qui ne figurait pas dans les comptes présentés ;

– des travaux pour lui-même effectués en 2007 sur la villa familiale, à hauteur de CHF 65'000.- selon une facture interne présentée, n'avaient pas été comptabilisés ;

– des travaux à plus-value avaient été également réalisés sur la même villa en 2009, lesquels avaient été évalués à CHF 141'877.- sur la base du crédit de construction obtenu de CHF 250'000.-, déduction faite des travaux de tiers ;

– des prestations fournies à fin 2009 et encaissées en 2010 en faveur de D______ SA (ci-après : GS) à hauteur de CHF 75'090.- n’avaient pas été comptabilisées.

10) Le 3 décembre 2014, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture à leur encontre d’une procédure en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2007, 2009 et 2010.

L’AFC-CH lui avait communiqué l’existence d’un chiffre d’affaires non déclaré. En cas de déclaration inexacte, des reprises de CHF 71'000.- en 2007, de CHF 141'877.- en 2009 et de CHF 75'090.- en 2010 étaient envisagées. Un délai de dix jours était imparti aux contribuables pour se déterminer à ce sujet.

11) Le 29 janvier 2015, les intéressés ont exposé, concernant les années 2007 et 2009, que leur fiduciaire tentait de réconcilier les éléments déclarés et imputés avec les documents comptables et les montants découlant du contrôle. Concernant l'année 2010, la totalité des revenus en question avait été imputée dans les comptes d'exploitation lors de la procédure de taxation.

12) Le 24 septembre 2015, l’AFC-GE a informé les précités de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2007 à 2009. Elle leur a notifié quatre bordereaux de rappel d’impôt, par lesquels elle a ajouté respectivement CHF 71'000.- et CHF 141'877.- au bénéfice net de l’activité indépendante du contribuable pour les années 2007 et 2009. Pour l'année 2010, elle n'a retenu aucun supplément d'impôt ni amende.

Elle a également remis, à M. A______ seul, quatre bordereaux d’amende pour ces mêmes périodes fiscales. L’AFC-CH lui avait communiqué l’existence d’irrégularités dans la comptabilité du contribuable, qui avait bénéficié d’une imposition plus favorable. Elle avait retenu comme circonstance atténuante la négligence ainsi que sa bonne collaboration. À titre de circonstance aggravante, elle avait pris en compte le fait que des prestations à soi-même avaient déjà été relevées par le passé (à savoir par lettre du 22 novembre 2007). La quotité de l’amende a ainsi été réduite à deux tiers de l’impôt soustrait.

13) Par réclamation du 22 octobre 2015, complétée le 26 octobre 2015, les contribuables ont contesté lesdits bordereaux.

Ils demandaient la diminution des reprises pour les années 2007 et 2009, en mettant en lumière la différence entre la TVA finalement due et la TVA déclarée. Aucune TVA n’avait été facturée par le contribuable sur les prestations à soi-même, et le supplément de TVA constituait par conséquent une charge qu'ils demandaient d'imputer dans les comptes d'exploitation à hauteur de CHF 9'231.- pour l'année 2007 et CHF 10'021.- pour l'année 2009. Pour cette dernière année, ils demandaient également de mettre en charge les factures des fournisseurs non soumises à la TVA, totalisant CHF 32'110.83.

Ils demandaient l’annulation des amendes, respectivement la réduction de leur quotité à un quart de l’impôt éludé. Ils avaient délégué l’établissement de leurs comptes à une société fiduciaire qui n’existait plus et qui n’avait pas effectué son travail avec tout le soin nécessaire. Le contribuable n’avait jamais ordonné que des éléments soient dissimulés au fisc.

Ils ne percevaient plus de salaire depuis plusieurs mois et ils n’étaient pas les seuls responsables de cette « histoire », puisque leurs papiers se trouvaient en possession de leur fiduciaire, qui s’occupait de leurs déclarations d’impôt.

14) Par décisions du 8 février 2016, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation, en ce sens qu’elle a pris en considération les factures de TVA à concurrence de respectivement CHF 9'231.- pour 2007 et de CHF 10'021.- pour 2009. S’agissant de l’année 2009, elle a également admis, à titre de charges, des frais de fournisseurs totalisant CHF 32'111.-.

Les reprises ont été abaissées à CHF 61'769.- pour 2007 et CHF 99'745.- pour 2009. Les amendes, ramenées à la moitié de l'impôt soustrait, ont été recalculées en conséquence.

15) Le 28 février 2016, les contribuables ont expliqué à l'AFC-GE qu’ils avaient réglé toutes les taxes de TVA ainsi que les impôts pour les années 2007 et 2009. Ils avaient mandaté une fiduciaire afin d’éviter de devoir payer des amendes, ainsi que d’énormes sommes d’impôts. Ils demandaient d’annuler à tout le moins les amendes. Ils s’efforceraient de s’acquitter de leurs impôts par mensualités.

16) Le 14 mars 2016, l’AFC-GE a informé les contribuables qu’elle avait déjà statué sur leur réclamation, le 8 février 2016.

Leur lettre du 28 février 2016 devait être considérée comme un recours qui serait transmis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). S’ils n’entendaient pas recourir, ils devaient aviser le TAPI, dans les quinze jours.

17) Le 17 juin 2016, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les déclarations fiscales 2007 et 2009 ne contenaient aucun indice donnant à penser que le contribuable n’aurait pas déclaré la totalité de son chiffre d’affaires. L’AFC-GE n’avait eu connaissance de cet élément qu’à la suite de la communication provenant de l’AFC-CH (Division TVA). Aucune négligence ne pouvait lui être reprochée. Les conditions légales autorisant l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt étaient remplies.

Les reprises se fondaient sur l’estimation du chiffre d’affaires non déclaré effectuée par l’AFC-CH. Sur réclamation, l’autorité intimée avait réduit les redressements pour tenir compte des factures de TVA, ainsi que des charges de fournisseurs, afin que les reprises correspondent à la réalité, ce que les recourants ne contestaient pas. Les reprises se révélaient dès lors justifiées.

S’agissant du bien-fondé des amendes, le recourant n’avait pas déclaré l’intégralité de son chiffre d’affaires, ce qui avait abouti à des taxations inexactes et incomplètes. Les soustractions avaient été commises par négligence. L’attention du recourant avait déjà été attirée en 2007 sur le fait que sa comptabilité devait être tenue conformément aux prescriptions des art. 957 et ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220). Par ailleurs, les prestations à soi-même devaient être comptabilisées comme produits. Le contribuable ne pouvait donc soutenir qu’il ignorait le caractère incomplet de ses comptes et de ses déclarations fiscales.

Le recourant ne saurait rejeter la faute sur son mandataire en se prévalant du fait que celui-ci n’aurait pas fait preuve de diligence, alors qu’il avait toute confiance en lui. Il lui incombait d’indiquer à sa fiduciaire tous les prestations, y compris à soi-même, dont il avait bénéficié. En ce qui concernait la quotité des amendes, l’AFC-GE avait pris en considération, au titre de circonstance atténuante, la bonne collaboration des contribuables et comme circonstance aggravante, le fait que des faits similaires s’étaient déjà produites par le passé. Afin de tenir compte des difficultés financières des contribuables, la quotité des amendes avait été réduite à la moitié de l’impôt éludé.

Les arguments relatifs aux problèmes de règlement de la somme due devaient être exposés dans le cadre d’une demande de remise d’impôt, pour laquelle le TAPI n’était pas compétent.

18) Par réplique du 30 juin 2016, les contribuables ont exposé que les travaux non déclarés entrepris sur leur villa familiale, n’avaient pas été déduits dans le compte privé, si bien que le résultat était « nul ». S’agissant des travaux effectués en 2009, ils avaient obtenu un crédit hypothécaire de CHF 250'000.- et n’avaient jamais réalisé de plus-value de CHF 141'877.-. La somme perçue de GS, de CHF 75'090.-, avait été comptabilisée en 2010 et était donc imposable cette année-là.

19) Par duplique du 11 juillet 2016, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Elle avait fixé le montant des reprises d'après l'estimation du chiffre d'affaires non déclaré faite par l'AFC-CH dans le cadre du contrôle fait en matière de TVA.

Les propres travaux effectués sur la villa familiale, non déclarés, pour un montant de CHF 65'000.-, figuraient sur une facture interne.

Le montant de CHF 75'090.- n’avait pas fait l’objet d’une reprise. Aucun rappel d’impôt n’avait été notifié en lien avec la période 2010.

20) Par jugement du 3 octobre 2016, le TAPI a admis partiellement le recours.

Le contribuable ne contestait pas avoir perçu en 2007 CHF 6'000.- de la part de E______ Sàrl. Cette reprise devait par conséquent être confirmée.

Les reprises de CHF 65'000.- et CHF 141'877.- se rapportant à des travaux respectivement entrepris par le recourant sur la villa familiale en 2007 et 2009, qualifiés de prestations à soi-même, ne constituaient pas un revenu imposable provenant de l'activité indépendante du contribuable, ni un transfert de sa fortune commerciale dans sa fortune privée. Ces reprises devaient par conséquent être annulées.

Les amendes étaient fondées dans leur principe ainsi que dans leur quotité fixée à la moitié de l'impôt éludé.

Le dossier était renvoyé à l'AFC-GE pour notification de nouveaux bordereaux de rappels d'impôt et d'amende pour l'année 2007.

21) Par acte posté le 26 octobre 2016, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à la confirmation de ses décisions du 8 février 2016.

Le raisonnement du TAPI concluant que les prestations à soi-même n'étaient pas imposables était incorrect et violait les dispositions en matière d'imposition du revenu de l'activité indépendante, les règles de répartition du fardeau de la preuve et l'interdiction de l'arbitraire.

La notice 1/2001 de l'AFC-CH sur la manière d'estimer les prélèvements en nature et les parts privées aux frais généraux des propriétaires d'entreprises précisait que les prélèvements de marchandises opérés par le contribuable dans sa propre exploitation devaient être comptés au montant qu'il aurait dû payer en dehors de son entreprise.

Les prestations effectuées ne pouvaient pas être considérées comme des prestations de service à soi-même. Il s'agissait manifestement de prélèvements de marchandises ressortant de la communication TVA, devant faire l'objet d'une imposition. Il incombait au contribuable d'apporter la preuve du contraire, ce qu'il n'avait pas fait.

22) Le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

23) Les contribuables n'ont également pas formulé d'observations.

24) Le 8 février 2017, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

25) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne les périodes fiscales 2007 et 2009, tant en matière d'ICC qu'en matière d'IFD. Il convient préalablement d'examiner le droit matériel applicable.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 et 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1155/2017 du 2 août 2017 consid. 5a). Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 précité consid. 4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1 ; ATA/1270/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2a).

b. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 et 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/1270/2017 précité consid. 2b).

c. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

d. En l'espèce, le recours concerne les périodes fiscales 2007 et 2009. Dès lors, c'est l'ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) qui s'applique pour les deux années, ainsi que la LIFD dans sa teneur lors des périodes fiscales en cause, sous réserve de l’amende, pour laquelle le principe de la lex mitior s’applique.

3) L'objet du litige est la légitimité des diverses reprises effectuées par l'AFC-GE pour les années 2007 et 2009, dans le cadre d'une procédure en rappel et soustraction d'impôt ouverte en 2014, en lien avec des travaux réalisés par le contribuable sur sa maison familiale. Le bien-fondé du rappel d'impôt n'est pas contesté devant la chambre de céans.

a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD et 1 aLIPP-IV). Sont aussi considérés comme revenus les prestations en nature de tout genre dont bénéficie le contribuable, notamment la pension et le logement, ainsi que les produits et marchandises qu'il prélève dans son exploitation et qui sont destinées à sa consommation personnelle ; ces prestations sont estimées à leur valeur marchande (art. 16 al. 2 LIFD).

b. Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 142 II 197 consid. 6 ; 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/332/2013 du 28 mai 2013 ; ATA/714/2012 du 30 octobre 2012 consid. 6b). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs.

N'est pas considérée comme revenu la prestation à soi-même, par exemple celle du maçon, mettant à profit ses loisirs pour construire son propre logement, à moins qu'il n'ait l'intention de le revendre par la suite. L'accroissement de fortune qui résulte de son travail n'est pas imposable (ATF 108 Ib 227).

La doctrine précise que les prestations à soi-même en dehors de l'activité indépendante, sous la forme de prestations de services, à soi-même ou aux membres de la famille, ou sous la forme de constitution d'un élément de fortune, constituent des accroissements de fortune endogènes et sont uniquement imposables en tant que tels, selon la notion de revenu fondée sur la théorie de l'accroissement de fortune, si elles conduisent à un accroissement provenant de l'extérieur. En d'autres termes, les prestations à soi-même sont imposables uniquement et pour autant qu'elles soient aliénées contre une contre-prestation, respectivement réalisées (Markus REICH in Martin ZWEIFEL/Peter ATHANAS, Bundesgesetz über die direkte Steuer, 2ème éd., ad art. 16 LIFD p. 157). Chez les indépendants, l'on n'impose que la consommation de biens qui ont une valeur bilancielle, non celle de services tels que le médecin soignant sa famille ou l'avocat procédant dans sa propre cause (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2001, ad art. 16 LIFD n. 50).

4) a. Les art. 18 LIFD et 3 al. 1 aLIPP-IV concernent plus particulièrement le produit de l'activité lucrative indépendante. Ainsi, sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante). Tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante. Le transfert d'éléments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l'étranger est assimilé à une aliénation. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante.

b. La notion d'activité lucrative indépendante est une notion de droit fiscal qui n'est pas définie clairement dans la pratique, eu égard aux états de fait diversifiés auxquels elle doit s'appliquer (arrêt du Tribunal fédéral 2A.40/2003 du 12 septembre 2003, consid. 2.2). De manière générale, on y englobe toute activité par laquelle un entrepreneur participe à la vie économique à ses propres risques, avec l'engagement de travail et de capital, selon une organisation librement choisie, et avec l'intention de réaliser un bénéfice (ATF 125 II 113 consid. 5b ; 121 I 259 consid. 3c). Pour le Tribunal fédéral, les critères de cette activité ne doivent pas être considérés de manière isolée et peuvent apparaître avec des intensités variables. L'analyse se concentre sur cinq éléments principaux : (a) une activité aux risques du contribuable ; (b) la mise en œuvre de travail et de capital ; (c) une organisation librement choisie ; (d) une organisation reconnaissable de l'extérieur ; (e) un but lucratif (ATA/388/2010 du 8 juin 2010 consid. 9 ; rapport du Conseil fédéral sur un traitement uniforme et cohérent des activités lucratives dépendantes et indépendantes en droit fiscal et en droit des assurances sociales, FF 2002 1076, 1090 ; Danielle YERSIN/Yves. NOËL, Impôt fédéral direct – Commentaire romand, 2ème éd., 2017, n. 2 ad art. 18 LIFD).

Toutefois, de par l'extension jurisprudentielle de la notion d'« autre activité lucrative indépendante » de l'art. 18 al. 1 in fine LIFD, seuls sont impondérables le premier et le dernier de ces critères (Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., n. 3 ad art.18 LIFD). La notion des risques encourus par le contribuable signifie qu'il agit pour son propre compte, et qu'il supporte cas échéant personnellement une perte (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., 2007, § 7 n. 43). Quant au but lucratif à l'activité, il est un critère subjectif que l'on mesure à l'aide d'indices extérieurs, et non par de simples déclarations de l'intéressé. L'absence d'un tel motif est toutefois l'élément caractéristique du hobby (Xavier OBERSON, op. cit., § 7 n. 45).

5) D'après la doctrine, l'activité exercée par des architectes indépendants dans des affaires privées ne conduit pas à un revenu imposable provenant de l'activité indépendante, s'agissant de prestations à soi-même sans pertinence d'un point de vue fiscal, qui ne conduisent pas à un accroissement provenant de l'extérieur et qui ne représentent pas non plus un transfert de la fortune commerciale à la fortune privée (Markus REICH, op. cit., ad art. 18 LIFD p. 196).

6) Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel, dont notamment les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al.1 et 2 let. b LIFD et art. 3 al. 3 aLIPP-V). En revanche, ne peuvent pas être déduits les frais d'entretien du contribuable et de sa famille, y compris les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle (art. 34 let. a LIFD et 9 let. a aLIPP-V).

7) L’utilisation, en matière d’impôts directs, de données d’expérience collectées par l’AFC-CH dans le cadre d’une reprise de TVA est admise par la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_32/2012 et 2C_33/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3 ; 2C_543/2012 du 12 novembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/218/2016 du 8 mars 2016 consid. 7).

8) La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015 ; ATA/769/2015 du 28 juillet 2015 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015).

9) En matière fiscale, il appartient à l’autorité de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d’impôts. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1309/2015 du 8 décembre 2015 consid. 5a).

10) En l'espèce, l’AFC-GE a effectivement fixé le montant des reprises d'après l'estimation du chiffre d’affaires non déclaré faite par l'AFC-CH dans le cadre du contrôle en matière de TVA effectué en 2014. L'AFC-CH avait notamment relevé que divers travaux sur la maison des intéressés n'avaient pas été déclarés dans le chiffre d'affaires du contribuable.

11) Il s'agit tout d'abord de déterminer si les travaux effectués par le contribuable sur sa propre maison rentrent dans la définition de prestations en nature imposables de l'art. 16 al. 2 LIFD, plus précisément celle de produits et marchandises prélevés dans sa propre exploitation et destinés à sa consommation personnelle ou dans celle d'activité lucrative indépendante de l'art. 18 LIFD.

a. À l'instar du maçon mettant à profit ses loisirs pour construire son propre logement, le contribuable effectuant des travaux sur sa propre maison ne réalise pas de revenu s'il n'a pas d'intention de vendre ladite villa. L'accroissement de fortune qui peut en résulter n'est pas imposable.

b. Les travaux effectués ne peuvent non plus être qualifiés d'activité lucrative indépendante, le contribuable n'ayant obtenu aucune contre-prestation ou accroissement fiscalement pertinent de patrimoine à la suite de ces travaux. En effet, le contribuable n'avait pas l'intention de réaliser un bénéfice en réalisant ces travaux. Il s'agit au contraire plutôt d'un hobby qui constitue précisément une activité non dirigée vers l'obtention d'un profit matériel (ATA/388/2010 du 8 juin 2010 consid. 14 ; Walter RYSER/Bernhard ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 4ème éd. 2002, p. 197-198 n. 5).

L'activité exercée sous la forme d'un hobby est en règle générale exempte d'impôt, sauf selon certains auteurs si elle dégage des revenus (Revue fiscale n. 2/2004, p. 108), selon la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD (Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., n. 25 ad art. 16 LIFD) ; ce qui est conforme au principe de l'imposition du revenu global net comme découlant de celui de l'imposition selon la capacité contributive (ATF 133 I 206 consid. 8.2).

c. Toutefois, dans l'état actuel de la pratique fiscale en Suisse, les autorités de taxation s'en tiennent, en dehors des relations de travail, à une approche mesurée et proportionnée de l'imposition des revenus en nature. Elles saisissent avant tout lesdits revenus donnés à titre d'exemples à l'art. 16 al. 2 LIFD, soit les avantages d'hébergement ainsi que la consommation des produits de sa propre exploitation. Le revenu en nature sous forme de pension et de logement se rencontre avant tout dans le cadre de l'activité lucrative dépendante. Les prélèvements de produits et de marchandises ne concernent quant à eux que les indépendants, et l'on n'impose que la consommation de biens qui ont une valeur bilancielle, non celle de services. Les circulaires édictées par l'AFC-CH sur l'estimation des prestations en nature sont cantonnées aux deux exemples donnés à l'art. 16 al. 2 LIFD précités (ATA/388/2010 précité consid. 15 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, op. cit., n. 58 ad. art.16 LIFD et les références citées).

Quant à la jurisprudence, elle s'est le plus souvent déterminée sur des situations où le contribuable entendait déduire les pertes de ses activités, en faisant valoir leur caractère commercial (arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2008 du 10 août 2009 ; ATF 133 II 287 ; ATA/258/2007 du 22 mai 2007).

d. En l'occurrence, il n'appert pas que le contribuable ait prélevé des marchandises ou produits de son entreprise mais plutôt qu'il ait travaillé lui-même pour effectuer des rénovations chez lui. Quant aux achats de matériaux ou fournitures pour l'exécution desdits labeurs, aucune preuve au dossier ne laisse présumer qu'ils auraient été déduits à titre de frais de sa société comme étant justifiés pour l'usage commercial, ou comptabilisés comme charges dans le compte d'exploitation, et en tout état de cause tel n'est pas l'objet du présent litige.

Par conséquent, et ainsi que l'a retenu le TAPI, les travaux entrepris sur la villa familiale des contribuables doivent être qualifiés de prestations à soi-même et ne constituent pas un revenu imposable provenant de l'activité indépendante, ni un transfert de sa fortune commerciale à sa fortune privée.

12) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

13) Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument, le recours ayant été interjeté par une administration défendant ses propres décisions (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). Il ne sera pas non plus alloué d'indemnité de procédure, les contribuables n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2016 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 octobre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Madame et Monsieur A______, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance .

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :