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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1033/1997

ATA/162/1998 du 24.03.1998 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; AUTORISATION(EN GENERAL); PERMIS DE DEMOLIR; RECONSTRUCTION; RENOVATION D'IMMEUBLE; ESTHETIQUE; COLLABORATION ENTRE AUTORITES; ORGANISATION(PROCEDURE); PROCEDURE; LOGEMENT SOCIAL; LOYER; ETAGE; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITE; HYGIENE; MESURE DE PROTECTION; SURFACE; LOGEMENT; PROPORTIONNALITE; QUALITE POUR RECOURIR; ASSOCIATION; TPE
Normes : LCI.89; LDTR.45 al.6
Parties : ACTION PATRIMOINE VIVANT / COMMISSION DE RECOURS LCI, COOPERATIVE LYON-DELICES, C. DESHUSSES, DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'ENERGIE
Résumé : Dès lors que le but de l'Association Patrimoine Vivant réside essentiellement, voire exclusivement, dans la protection du patrimoine et non pas dans celle des locataires, elle ne peut se prévaloir de la qualité de partie au sens des art. 60 LPA et 45 al. 6 LDTR. "S'il est concevable d'imposer à un propriétaire le coût d'une rénovation pour sauvegarder un immeuble d'une valeur architecturale certaine, ou selon les cas, simple témoin d'une époque, une retenue s'impose lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d'immeubles sans style ni caractère particulier (...). Considéré sous l'angle de la proportionnalité, l'on doit constater que l'intérêt public à la création de nouveaux logements correspondant au besoin prépondérant de la population doit céder le pas devant le maintien d'immeubles, lesquels, mêmes rénovés à grand frais, n'offriraient des conditions d'habitabilité que très relatives". Une association d'importance cantonale, au sens de l'article 45, alinéa 6 LDTR dont le but statutaire réside essentiellement dans la protection du patrimoine et non pas dans celle des locataires, n'a pas la qualité pour recourir contre une décision du Département de l'aménagement de l'équipement et de logement prise en application de l'article 6 LDTR. Rappel des principes de coordination matérielle et formelle des décisions fondée sur le droit fédéral de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. En particulier lorsqu'une construction implique une démolition et qu'une autorisation préalable de construire est requise, l'autorisation de démolir doit être délivrée à ce premier stade. Peut être démoli au regard des articles 89 ss LCI, un ensemble d'immeubles du début du XXe siècle qui n'appartient pas à un périmètre protégé, qui est de construction banale, dans un quartier sans unité architecturale digne de protection, dont la reconstruction permettra une meilleure qualité de vie et d' habitat que la rénovation et dont les loyers des nouveaux logements seront plus intéressants. .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 24 mars 1998

 

 

 

dans la cause

 

 

ACTION PATRIMOINE VIVANT

 

 

contre

 

 

COMMISSION DE RECOURS INSTITUÉE PAR LA LOI SUR LES

CONSTRUCTIONS ET LES INSTALLATIONS DIVERSES

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

COOPÉRATIVE LYON-DELICES

représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat



EN FAIT

 

 

1. La ville de Genève (ci-après : la ville) est propriétaire de la parcelle no 2486/1, feuille 83 de la commune de Genève-Cité, située en zone de construction 3, sur laquelle s'élèvent deux immeubles d'habitation (35 appartements/105 pièces) à l'adresse 33, rue des Délices et 35-37 rue de Lyon.

 

La parcelle précitée est englobée dans un plan d'aménagement no 23613/49 du 15 juin 1957 du quartier des Délices.

 

2. A la fin des années 1980, la ville a lancé un concours public d'architecture portant sur la démolition-reconstruction des immeubles précités.

 

Le projet primé a débouché sur celui qui a été soumis à autorisation de construire.

 

3. Par décision du 7 septembre 1993, publiée dans la Feuille d'avis officielle (FAO) le 13 septembre 1993 (DP 16848), le département des travaux publics et de l'énergie, devenu depuis lors le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département), a délivré une autorisation préalable de construire un immeuble d'habitation et commercial avec garages souterrains sur la parcelle susmentionnée, faisant application de l'article 6 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 22 juin 1989 (LDTR - L 5 20) et de l'article 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05; dérogation aux gabarits de hauteur).

 

Tous les préavis recueillis par le département étaient favorables.

 

Cette autorisation préalable est entrée en force, étant précisé qu'elle a été valablement prolongée au 13 septembre 1996.

 

Le projet impliquant la démolition des bâtiments existants, l'issue de la requête en autorisation de démolir a été réservée.

 

4. Le 18 juin 1996, la coopérative d'habitation Lyon-Délices (ci-après : la coopérative, bénéficiaire de l'autorisation de construire, en sa qualité de titulaire d'un droit de superficie concédé par la ville), a déposé une demande définitive d'autorisation de construire un immeuble d'habitation et de commerces avec garages souterrains. Le futur bâtiment abriterait 25 appartements, totalisant 125 pièces. Selon le plan financier initial du 23 août 1996, le loyer des logements reconstruits, en catégorie HLM, n'excédera pas CHF 3'870.- la pièce par an.

 

5. a. Par décision du 5 novembre 1996, publiée dans la FAO le 8 novembre 1996, le département a délivré l'autorisation sollicitée (DD 94349).

 

La décision se référait aux projets 2 du 7 août 1996 et 28 février 1996 et aux plans modifiés du 30 octobre 1996.

 

Tous les préavis recueillis par le département étaient positifs.

 

b. Par décision du même jour et publiée parallèlement à la précédente dans la FAO, le département a accordé l'autorisation de démolir les bâtiments existants (M 4346).

 

Les préavis recueillis par le département étaient favorables.

 

c. Les deux autorisations précitées étaient fondées sur l'article 6 LDTR, l'autorisation de construire réservant en outre l'application de l'article 11 LCI.

 

6. Le 9 décembre 1996, Action patrimoine vivant (ci-après : APV) a recouru contre les deux autorisations précitées auprès de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après : la commission de recours).

 

Les immeubles formaient un ensemble bâti du début du XXème siècle de très grande qualité, marquant de façon remarquable l'angle formé par la rue de Lyon et la rue des Délices. La démolition de cet ensemble, protégé par la loi Blondel, constituerait une perte particulièrement grave pour le patrimoine bâti.

 

APV demandait à consulter l'expertise d'ingénieur effectuée quelques années auparavant à la demande de la ville, selon laquelle des mesures de consolidation pouvaient être prises permettant de sauver ces immeubles, qui ne s'étaient du reste pas effondrés depuis lors.

 

7. La coopérative s'est opposée au recours.

 

En tant qu'elles étaient dirigées contre la ville, propriétaire de la parcelle mais qui n'était pas partie à la procédure, les conclusions d'APV étaient irrecevables.

 

APV n'avait jamais remis en cause l'autorisation préalable de construire. Dès lors, toutes les questions relatives à l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet étaient réglées définitivement et ne pouvaient pas être remises en cause à l'occasion d'un recours contre l'autorisation définitive. En tant qu'il portait sur ces objets, le recours devait être déclaré irrecevable.

 

8. Le 14 janvier 1996, APV a versé aux débats un rapport provisoire sur les structures et la sécurité de l'immeuble rue des Délices 35 établi le 16 avril 1996 par l'Institut d'architecture de l'Université de Genève. Les auteurs du rapport, MM. Cêtre et Marco, arrivaient à la conclusion que des investigations complémentaires étaient nécessaires pour se déterminer sur la stabilité des porteurs verticaux. En revanche, les planchers de trop grande portée devaient être consolidés par un étayage immédiat dont le coût était de l'ordre de CHF 15'000.-.

 

9. La coopérative a produit divers documents techniques concernant les immeubles existants. En particulier, un avis des ingénieurs civils Fol et Duchemin du 7 février 1997, basé sur des rapports existants, en conclusion duquel les experts constataient que la réhabilitation de l'immeuble 35 rue de Lyon nécessiterait une reprise très profonde des structures puisqu'aucun élément, mis à part les murs porteurs en pierre de Meillerie, ne pouvaient être utilisés en l'état. La réhabilitation serait d'un coût prohibitif, ce qui amènerait à abandonner ce genre d'intervention.

 

10. La commission de recours a entendu les parties lors d'une audience le 28 février 1997.

 

Pour APV, se référant au rapport précité du mois d'avril 1996, il n'était pas démontré que les immeubles ne puissent pas être rénovés et que l'intérêt public commande leur démolition.

 

Pour les architectes du projet, il y avait des problèmes statiques auxquels se heurterait l'habitabilité future des immeubles en cas de rénovation. Quant à la typologie des appartements, elle ne correspondait plus à la demande actuelle.

 

11. Suite à l'audience de comparution personnelle, APV a fait parvenir à la commission de recours des observations complémentaires.

 

Elle ignorait si l'autorisation préalable était encore valable et si l'autorisation définitive était conforme à l'autorisation préalable.

 

Dans l'hypothèse où l'autorisation préalable serait en force et le projet, objet de l'autorisation définitive, conforme à l'autorisation préalable, APV relevait que l'autorisation de démolir n'avait pas été publiée à l'occasion de la délivrance de l'autorisation préalable. Or, selon la jurisprudence du Tribunal administratif, il convenait de respecter le principe de la simultanéité de la délivrance des diverses autorisations nécessaires pour un même projet. Dès lors que la question de la démolition des immeubles 35, 37 rue de Lyon et 33 rue des Délices ne pouvait pas être déférée devant la commission de recours avant la délivrance de l'autorisation de démolir, le recours d'APV n'était pas tardif. Les requérants ne sauraient se prévaloir du fait que l'autorisation préalable n'avait pas été contestée, puisque l'autorisation de démolir risquait d'être contestée, ce qui aurait forcément pour conséquence de remettre en cause l'autorisation de construire.

 

Sur le fond, elle persistait dans ses conclusions en annulation de l'autorisation de construire, celle-ci violant les articles 89 et 92 alinéa 1 LCI.

 

12. Le 2 mai 1997, la coopérative a sollicité de la commission de recours le retrait de l'éventuel effet suspensif attaché à l'autorisation de démolir. Les immeubles en cause avaient été occupés illicitement au cours des derniers mois alors qu'ils représentaient une source de danger évidente pour les personnes qui les fréquentaient. Il convenait donc non seulement de pallier la survenance d'un accident, mais également, au vu des lenteurs de la procédure, d'éviter une nouvelle occupation illicite des bâtiments, rendant difficile - voire même impossible - le démarrage ultérieur du chantier.

 

APV s'est opposée formellement à cette demande, susceptible de créer une situation irréversible.

 

13. La commission de recours a procédé à un transport sur place le 16 mai 1997. A cette occasion, elle a constaté que l'immeuble 35, rue de Lyon, qui avait été squatté pendant plusieurs mois, avait subi de graves détériorations au niveau du second oeuvre. Dans le même immeuble, la commission de recours a constaté que le sol du hall d'un appartement penchait. Dans un appartement sis au 37 rue de Lyon, la commission de recours a constaté qu'il existait des renforts métalliques posés depuis le sous-sol de l'immeuble par les soins de la ville de Genève.

 

L'architecte du projet a relevé qu'il existait un manque structural des fondations d'origine, ce que les rapports d'expertise avaient confirmé.

 

14. Par ordonnance du 30 mai 1997, la commission de recours a ordonné au département de soumettre le dossier à la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) afin qu'elle dépose un préavis en application de l'article 93 LCI. Elle a d'autre part ordonné à la coopérative de déposer une étude comparative indiquant le coût de la rénovation ainsi que celui d'une démolition-reconstruction avec l'incidence sur les loyers. Enfin, le département était invité à prendre position sur la notice contenue dans son dossier indiquant l'existence d'un plan localisé de quartier.

 

15. Le 17 juin 1997, la CMNS a préavisé favorablement le projet, relevant que celui-ci avait été retenu à la suite d'un concours d'architecture organisé par la ville. Quant à la démolition, elle avait déjà eu l'occasion de s'exprimer et elle estimait que les bases qui auraient permis de considérer ces immeubles comme appartenant aux ensembles à préserver avaient disparu. Leur état de vétusté très avancé aurait nécessité des interventions disproportionnées, lesquelles par la force des choses auraient porté atteinte aux structures porteuses et, par voie de conséquence, auraient gommé des éléments que la loi sur les ensembles (art. 89 ss LCI) visait justement à sauvegarder.

 

16. Le 18 juin 1997, la coopérative a transmis une étude de variante financière en rénovation lourde et en démolition-reconstruction de laquelle on retiendra les éléments suivants :

 

- L'immeuble 35, rue de Lyon compte actuellement 24 appartements dont 19 (de 1 à 3 pièces) sont mono-orientés sur la rue, alors que les cinq autres (3 pièces et un appartement de 4 pièces) sont traversants.

 

- L'immeuble 37, rue de Lyon compte 15 appartements dont 5 trois pièces mono-orientés sur la rue, les 10 autres, respectivement de 3 et 4 pièces, sont traversants.

 

- Dans l'hypothèse d'une rénovation lourde, les logements seraient maintenus dans leur distribution et leur typologie actuelle, sauf dans l'immeuble 35, rue de Lyon où les studios seraient annexés aux appartements voisins de 3 pièces, pour offrir des 4 pièces. Dans cette hypothèse, les appartements mono-orientés sur rue souffriraient définitivement de leur mauvaise situation et orientation (trafic, bruit, aération, lumière). La surface brute de planchers de logement serait alors de 3'380 m2.

 

- Le coût de la rénovation était fixé à CHF 8'400'000.-. En retenant les mêmes critères financiers que pour l'étude reconstruction-rénovation (taux d'intérêts 5 %, prix du terrain, coût des taxes diverses et imprévus, un amortissement en 25 ans et un financement en coopérative avec un cautionnement de 95 % de l'opération par l'Etat de Genève (point non acquis en l'état)), le prix à la pièce s'élèverait à CHF 4'550.- par an, après subvention.

 

- La démolition-reconstruction, devisée à CHF 8'750'000.-, permettrait la reconstruction de 25 appartements totalisant 125 pièces. La surface brute de logement serait portée à 3'588 m2. La reconstruction permettrait d'apporter une réponse à la situation particulière des nuisances sur la rue de Lyon, par des technologies et des typologies de logement appropriées. Elle permettrait en outre l'élargissement de la rue au profit des sites propres TPG et cyclistes et au profit de l'illumination naturelle des logements. Enfin, ce projet donnait des solutions de prolongement privatif aux logements et des aménagements communs en toiture, protégés des nuisances et sur la terrasse sud du premier étage.

 

17. Le département a transmis le plan d'aménagement 23613/49 adopté le 15 juin 1957 par le Conseil d'Etat, tout en relevant qu'il avait considéré que le projet autorisé respectait ledit plan, dans le mesure où il s'inscrivait dans l'enveloppe définie par celui-ci.

 

18. La commission a invité les parties à se déterminer sur les pièces produites.

 

La coopérative et le département ont persisté dans leurs précédentes explications.

 

APV a constaté que, dans le cas d'espèce, la rénovation était moins onéreuse que la démolition-reconstruction. Le fait que la seconde solution entraînât un loyer à la pièce inférieur à la première était dû uniquement au fait que les pièces étaient plus nombreuses dans le cas de la reconstruction. Par ailleurs, le projet de rénovation ne tenait pas compte du bonus à l'investissement prévu par l'article 16 LDTR, ce qui permettrait d'obtenir un abaissement supplémentaire de 15 % des loyers, ramenant ceux-ci à un montant inférieur à ceux indiqués dans le plan financier pour la solution démolition-reconstruction. Or, le bonus à l'investissement avait été précisément prévu pour contribuer à la sauvegarde du patrimoine architectural et pour permettre la rénovation d'immeubles vétustes et bon marché afin de maintenir les loyers à un montant correspondant à un besoin prépondérant de la population. A ce sujet, le montant des loyers de CHF 3'900.- la pièce par an engendré par la solution démolition-reconstruction ne répondait pas à l'exigence des besoins prépondérants de la population. En revanche, en tenant compte de la subvention de 15 % accordée sur la base de l'article 21 LDTR, le loyer futur pourrait être ramené de CHF 4'550.- à CHF 3'685.-, ce qui restait encore un peu plus haut que la norme admise par le Tribunal administratif mais serait acceptable en vertu de la jurisprudence relative à la restauration des immeubles protégés, pour lesquels un léger dépassement de la norme de loyer habituel était admis. Ces différents éléments militaient en faveur d'une préservation des immeubles en cause plutôt qu'en une démolition-reconstruction.

 

Enfin, APV faisait référence à une jurisprudence récente du Tribunal administratif ayant annulé une autorisation définitive précédée d'une autorisation préalable, lorsque cette dernière n'avait pas accordé une dérogation indispensable pour que le projet puisse être autorisé.

19. Par décision du 19 septembre 1997, la commission de recours a rejeté le recours et confirmé l'autorisation définitive de construire et l'autorisation de démolir.

 

L'autorisation préalable de construire étant entrée en force, la dérogation aux gabarits de hauteur accordée par le département en application de l'article 11 LCI, sur préavis favorable de la commission d'architecture, ne pouvait plus être revue dans le cadre de la procédure de recours contre l'autorisation définitive.

 

Le projet de construction s'inscrivait dans les limites du plan d'aménagement 23613/49 adopté par le Conseil d'Etat, celui-ci organisant notamment l'alignement des immeubles cadastrés côté impair de la rue de Lyon.

 

Les bâtiments concernés constituaient un ensemble au sens de l'article 90 alinéa 1 LCI. Toutefois, l'unité urbanistique du carrefour rue de Lyon/rue des Délices/rue Voltaire n'était plus complète en raison du problème de l'alignement des immeubles côté impair de la rue de Lyon. Dès lors, le principe du maintien des immeubles litigieux ne pouvait pas être appliqué en l'espèce. Sur la base du préavis de la CMNS selon lequel, vu l'état de vétusté très avancé des bâtiments, une opération de démolition-reconstruction entraînerait des interventions disproportionnées qui, par la force des choses, porteraient atteinte aux structures porteuses des immeubles, il fallait considérer que les dispositions de protection prévues aux articles 90 et suivants LCI ne permettaient pas le maintien des bâtiments actuels.

 

La dérogation quant au nombre de niveaux accordée en application de l'article 92 alinéa 2 LCI était justifiée, dès lors que les nouveaux gabarits de hauteur - plus haut que ceux existants actuellement - s'harmoniseraient mieux avec les immeubles voisins.

 

S'agissant de l'article 6 LDTR, la commission a constaté que le loyer à la pièce des appartements reconstruits, fixé à CHF 3'870.- la pièce par an, dépassait le montant du loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population, tel qu'il avait été fixé par la jurisprudence du Tribunal administratif, en dernier lieu dans les ATA du 8 avril 1997 (SI Dôle-Midi B et SI Résidence de la Tourelle 31 et 32). Toutefois, compte tenu de ce que le projet procurerait une meilleure habitabilité, que les logements dont la rénovation lourde était envisagée comptaient en moyenne 3 pièces alors que les nouveaux logements auraient en moyenne 5 pièces et qu'enfin le projet avait pour incidence un accroissement de 20 pièces, bien que la surface de ces dernières soit inférieure, l'on pouvait considérer qu'il y avait lieu de tenir compte de l'article 6 alinéa 2 lettre a LDTR dans le cas d'espèce. La recourante n'avait pas démontré que le coût de la démolition-reconstruction telle qu'exposée par l'intimée était manifestement disproportionnée, voire inacceptable.

 

20. APV a saisi le Tribunal administratif par acte du 27 octobre 1997. Elle a persisté dans ses précédentes explications.

 

21. La coopérative et le département se sont opposés au recours, faisant fond sur la décision de la commission de recours.

 

22. Par courrier du 9 février 1998, la coopérative a précisé qu'en raison de la baisse du taux d'intérêts hypothécaire de 5 % à 4,25 % dès le mois de mai 1998, les loyers annuels seraient désormais de CHF 3'387.- pièce/an. En outre, des tractations en cours avec la banque Migros au sujet d'un taux hypothécaire bloqué de 3,75 % permettraient de pratiquer des loyers de CHF 3'045.- pièce/an.

 

Dans ces conditions, les loyers après travaux seraient conformes aux articles 6 alinéa 2 et 15 alinéa 2 LDTR.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 al. 1 ch. 104 et 108 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E 5 05; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La qualité pour agir d'APV doit être examinée sous l'angle de la LCI d'une part, et de la LDTR d'autre part.

 

a. En tant que le recours trouve son fondement dans la LCI (gabarits de hauteur et protection des immeubles au sens des articles 89 et ss LCI) la qualité pour agir d'APV doit lui être reconnue, en application de l'article 63 LPMNS (ATA SI Les Deux-Chênes lettre F et SI rue de Carouge 11 du 22 avril 1997 et les références citées).

 

b. Dans un arrêt de principe du 8 mai 1991 et confirmé le 27 juin de la même année par le Tribunal fédéral (ATA A.H.C.V.V. et F.A.Q.H. du 8 mai 1991; cf. également Sem. Jud. 1992, p. 533, ch. 131), le tribunal de céans a interprété l'article 15 alinéa 6 a LDTR correspondant à l'article 45 alinéa 6 LDTR : pour être partie à la procédure, une association doit être représentative au niveau cantonal proprement dit; une association dont les activités couvrent le territoire de la commune de Genève n'est pas représentative au niveau cantonal.

 

S'agissant de l'importance d'APV, le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de relever dans un arrêt du 17 décembre 1996 qu'APV est une association qui étend ses activités à tout le canton de Genève en se vouant à la défense du patrimoine tant en ville de Genève que dans les différentes communes. Ses membres, qui étaient à l'époque au nombre de 850 environ, dont 13 membres collectifs, sont domiciliés dans presque toutes les communes du canton. Elle jouit donc d'une large représentativité territoriale. En conséquence, APV remplissait les critères fixés par la jurisprudence et pris en compte pour déterminer la notion d'importance cantonale.

 

A cet égard, l'on ne saurait contester la qualité pour agir d'APV.

 

La question se pose néanmoins eu égard au champ d'activité statutaire visé à l'article 45 alinéa 6 LDTR concernant la qualité pour recourir.

 

Dans un arrêt du 23 septembre 1997, le tribunal de céans a eu l'occasion de se pencher sur les statuts d'APV desquels il ressort que le but de cette association est de promouvoir la protection ainsi que la mise en valeur du patrimoine architectural genevois et des sites du canton dignes de protection, dont les espaces de verdure, tout en veillant à ce que ce patrimoine s'inscrive dans un cadre de vie de qualité. A cet effet, l'association s'efforce de prévenir les atteintes apportées à ce patrimoine en entreprenant notamment les démarches suivantes :

 

- faire connaître à la population l'intérêt du patrimoine précité et la mettre en garde lorsque ce patrimoine est en péril;

 

- intervenir auprès des propriétaires concernés et les autorités pour les inciter à préserver ce patrimoine et prendre les mesures de protection qui s'imposent;

 

- proposer à cet effet des solutions et solliciter des mesures de protection de la part des autorités, telles que décision de classement, adoption de plans de site, de zones protégées, etc.;

 

- recourir, le cas échéant, contre des décisions, notamment des autorisations de démolir ou de transformer, pouvant porter atteinte au patrimoine (art. 3 des statuts).

 

Il résulte de ce qui précède que le but d'APV réside essentiellement, voire exclusivement, dans la protection du patrimoine et non pas dans celle des locataires. La LDTR quant à elle appartient au nombre des mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi, comme cela ressort d'ailleurs du titre même de la loi. Elle a en particulier pour but de combattre la pénurie de logements. Elle cherche à conserver sur le marché certains types de logements qui répondent à un besoin en raison de leur prix et de leur conception. Elle est l'expression d'une politique du logement compatible avec la Constitution fédérale (ATF 116 Ia p. 401 ss consid. 9c).

 

Il apparaît en conséquence qu'APV ne peut pas se prévaloir de la qualité de partie au sens de l'article 60 LPA et des dispositions spéciales de l'article 45 alinéa 6 LDTR.

 

Dès lors, en tant qu'il est fondé sur l'article 6 LDTR, le recours d'APV est irrecevable.

 

3. La présente cause pose une nouvelle fois la question de la simultanéité des autorisations préalables de construire et de démolir.

 

Aux termes de l'article 146 alinéa 1 LCI, le recours dirigé contre une autorisation définitive de construire, précédée d'une autorisation préalable en force, au sens de l'article 5 alinéa 1, ne peut porter sur les objets tels qu'agréés par celle-ci.

 

Le tribunal de céans a eu plusieurs fois l'occasion de préciser la portée de la demande préalable de l'autorisation de construire : demande simplifiée, elle vise à épargner aux intéressés d'être contraints de dresser des plans de détail tant et aussi longtemps que les questions de principe ne sont pas résolues (ATA W. du 11 novembre 1997 et les références citées).

 

En l'espèce, il ressort de la lecture de l'intitulé de la demande préalable d'autorisation de construire que celle-ci vise expressément la démolition des bâtiments existants.

 

L'autorisation subséquente précise en son chiffre 8 : "L'issue de la requête en autorisation de démolir no 3496 doit en l'état être réservée".

 

4. a. Dans une jurisprudence maintenant bien établie et ayant fait l'objet de nombreuses publications, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions fondées, en tout ou partie, sur le droit fédéral de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. Ainsi, lorsque pour la réalisation d'un projet, différentes dispositions légales sont simultanément applicables et qu'il existe entre elles une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle (ATF 118 Ib 381 et les références citées; A. MARTI, Verfahrenrechtliche Möglichkeiten der Koordination bei der ersten Instanz, DEP 1991, p. 226 ss; T. TANQUEREL/R. ZIMMERMANN, Les recours, in Droit de l'environnement : mise en oeuvre et coordination, C.A. MORAND, 1992, p. 124-125). De l'exigence de coordination matérielle naît une obligation de coordination formelle (ATF 117 Ib 35 et 325).

 

b. Le Tribunal administratif a admis qu'en présence d'une autorisation préalable de construire impliquant la démolition d'un bâtiment existant, c'est dans le cadre de cette première procédure que l'autorisation de démolir devait être obtenue. Seule cette synchronisation permet de respecter les principes de coordination matérielle et formelle (ATA W. et APV c/ DTPE et M. du 11 novembre 1997).

 

c. En l'espèce, l'autorisation de démolir a été expressément reportée lors de la délivrance de l'autorisation préalable de construire. Certes, la commission d'architecture et la CMNS avaient-elles été consultées dans le cadre de l'autorisation préalable de construire, mais cette mesure ne saurait remplacer l'obtention simultanée de l'autorisation de démolition.

 

Cela étant, et à l'instar de ce qui a été jugé dans l'ATA susmentionné, il ne peut en l'espèce être considéré que le recours interjeté contre la délivrance de l'autorisation de démolir porte sur des objets agréés par l'autorisation préalable de construire passée en force.

 

En revanche, et contrairement à la procédure suivie dans l'ATA précité, le dossier ne sera pas retourné à la commission de recours pour qu'elle examine la validité de l'autorisation de démolir. Il apparaît en effet qu'en l'espèce la commission s'est penchée sur cet aspect du dossier par le biais de l'examen des dispositions 89 et ss LCI. Quant à l'objet du recours, nonobstant quelques méandres dans son raisonnement, la commission de recours s'est néanmoins prononcée sur la question des gabarits de hauteur et celle de la dérogation y relative. Il faut donc admettre que la commission de recours a en définitive considéré que le recours portait valablement sur l'autorisation définitive de construire et sur l'autorisation de démolir, sans que l'objet de celui-ci ne soit limité au sens de l'article 146 alinéa 1 LCI.

 

De la même manière, le Tribunal administratif considérera que le recours doit être traité comme si l'autorisation préalable de construire n'avait pas été délivrée.

 

5. En vertu de l'article 15 alinéa 1 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modifications toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou d'un point de vue accessible au public.

 

Quant à l'article 89 alinéa 1 LCI, il prévoit que l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXème siècle et du début du XXème siècle situés en dehors du périmètre de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi que du Vieux-Carouge, doit être préservée.

 

Sont considérés comme ensembles les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

 

Les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique et complète sont maintenus (art 90 al. 1 1ère phrase LCI).

 

Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'article 90 alinéa 1 LCI (art. 90 al. 3 LCI).

 

L'article 92 LCI pose les principes qui doivent être observés en cas de reconstruction au sein des ensembles visés à l'article 89.

 

Les demandes d'autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toitures concernant des immeubles visés à l'article 89 sont soumis au préavis de la commission d'architecture (CA) et de la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS, art. 93 al. 1 LCI).

 

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des département et organisme intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi.

 

6. a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la protection des monuments et des sites naturels ou bâtis, en particulier contre les modifications ou des adjonctions inesthétiques, répond en principe à un intérêt public (ATF 118 Ia 388/389; 116 Ia 49; 115 Ia 373, consid. 3a). Chaque cas doit être examiné sur la base de critères objectifs et scientifiques, tenant compte de la valeur esthétique des constructions et du paysage concerné (ATF du 4 octobre 1993 en la cause B., non publié). La protection des monuments s'étend aussi aujourd'hui à des objets d'une époque plus récente et aux bâtiments qui sont caractéristiques de leur époque. Dans la question de savoir si un objet mérite une protection, il convient de procéder à un examen d'ensemble, fondé sur des connaissances scientifiques, qui prenne en compte les aspects culturel, historique, artistique et urbanistique d'une oeuvre. Une construction doit être tenue pour le témoin et l'expression d'une situation historique, sociale, économique et technique. Comme les mesures de protection des monuments sont souvent liées à des restrictions à la propriété, elles ne doivent pas être prises uniquement dans l'intérêt d'un nombre limité de spécialistes. Elles doivent être plus larges, c'est-à-dire reposer sur des critères objectifs et de principe, et être approuvés par une grande partie de la population, de manière à obtenir une reconnaissance générale (JdT 1996 I p. 523 et ss et les références citées).

 

b. La protection de l'unité architecturale et urbanistique prévue aux articles 89 et suivants LCI n'est pas une protection absolue. L'article 92 alinéa 1 LCI pose le principe de l'homogénéité de l'architecture qui doit être respectée lors de la reconstruction d'immeubles appartenant à des ensembles visés à l'article 89 LCI. Selon l'alinéa 2 de cette disposition légale, une dérogation quant au nombre de niveaux peut être accordée par le département si l'esthétique de l'ensemble le justifie.

 

En édictant les dispositions légales des articles 89 et suivants LCI, le législateur a voulu avant tout préserver le caractère architectural et urbanistique des ensembles du XIXème et du début du XXème siècle et éviter des rénovations ou des transformations abusives. Comme l'a, à plusieurs reprises, relevé le Tribunal administratif, il n'a nullement prétendu vouloir figer l'aspect des bâtiments dans le temps (ATA S.I. Les Deux-Chênes lettre F du 22 avril 1997; S.I. Cours de Rive 16 du 7 mai 1996; SA de l'immeuble des Amis de l'instruction du 16 mai 1990).

 

c. Pour atteindre cet objectif, le législateur a notamment prévu que les demandes d'autorisation devaient être soumises aux préavis de la CA et de la CMNS, tout en précisant que lesdits préavis devaient être établis en fonction des considérations historiques ayant présidé à la construction des immeubles concernés.

 

En l'espèce, tant la commission d'architecture que la CMNS ont préavisé favorablement le projet, y compris la dérogation des gabarits de hauteur des immeubles.

 

La commission de recours, composée de spécialistes en matière de construction et d'architecture, a suivi ces préavis et a admis que la dérogation se justifiait aux motifs que les nouveaux gabarits s'harmonisaient mieux avec les immeubles voisins existants.

 

Le tribunal de céans n'a pas de raison de s'écarter de ces préavis ni de l'appréciation de l'autorité inférieure.

 

7. Il n'est pas contesté que les deux immeubles concernés constituent un ensemble au sens de l'article 89 alinéa 2 LCI. La seule question litigieuse est de savoir si cet ensemble est digne de protection. En d'autres termes, sont-ils d'une valeur telle qu'ils soient en cela intangibles ?

 

La première remarque qui s'impose est que ces immeubles ne sont pas intégrés dans un plan de site et qu'ils n'appartiennent pas à un périmètre protégé. Ils ne sont pas classés et ne figurent pas à l'inventaire. Dès lors, la protection légale dont ils bénéficient n'exclut pas toute intervention, ni en particulier leur démolition.

 

Concernant l'unité urbanistique des lieux, le tribunal de céans relève que le carrefour considéré est bordé d'immeubles d'une construction hétéroclite présentant une anarchie architecturale totale. Les immeubles litigieux sont de construction que seule la banalité caractérise, de surcroît de deux étages plus bas que les immeubles qui les jouxtent tant sur la rue des Délices que sur la rue de Lyon. Les trois immeubles qui leur font face à l'angle de la rue de Lyon-rue de la Prairie sont tous de construction, de style et de hauteur différents. L'angle rue des Délices-rue Voltaire est constitué par un immeuble anodin des années 40. L'immeuble situé à l'angle rue Voltaire-rue de Lyon est certes le plus intéressant tant par son angle arrondi sur le carrefour que par sa facture en pierres de taille; il rappelle celui qui jouxte les immeubles litigieux sur la rue des Délices qui est lui aussi en pierres de taille. Enfin, la description du carrefour ne serait pas complète sans celle de l'angle, quelque peu en retrait il est vrai, rue de la Prairie-rue de Lyon : en bordure du carrefour se trouve un parking, terrain d'exposition de voitures d'occasion, auquel fait suite le Technicum, construction résolument banale des années 60.

 

Ainsi, dans les lieux considérés, on voit mal quelle est l'unité architecturale digne de protection.

 

Concernant les immeubles litigieux en particulier, le degré de détérioration en a été qualifié de "lourd" par le département. Si l'argument n'est pas en soi décisif, encore convient-il de ne pas le développer de manière abstraite et bien à propos d'un cas concret. S'il est concevable d'imposer à un propriétaire le coût d'une rénovation pour sauvegarder un immeuble d'une valeur architecturale certaine, ou selon les cas, simple témoin d'une époque, une retenue s'impose lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d'immeubles sans style ni caractère particulier.

 

Il résulte de ce qui précède que, conformément à ce qu'a jugé la commission de recours, la protection légale dont jouissent les immeubles concernés ne s'oppose pas à leur démolition.

 

8. Considéré sous l'angle de la proportionnalité, l'on doit constater que l'intérêt public à la création de nouveaux logements correspondant au besoin prépondérant de la population doit céder le pas devant le maintien d'immeubles, lesquels, mêmes rénovés à grand frais, n'offriraient des conditions d'habitabilité que très relatives. L'actuelle exiguïté des logements, le peu de flexibilité d'aménagement en un seul type d'appartements ne comportant qu'une orientation et le manque de locaux communs n'en sont que quelques exemples.

 

La solution proposée s'accompagne d'avantages non négligeables, compte tenu de la situation particulière des nuisances que présente l'immeuble, liés au bruit et au manque de lumière. Ces inconvénients seront remédiés par une meilleure typologie et une meilleure technologie des logements. Enfin, le projet augmente la surface de logement de plus de 200 m2.

 

Ainsi, confronté à deux solutions dont le coût n'est pas si éloigné l'une de l'autre, il apparaît que le loyer de la démolition-reconstruction est plus intéressant et que de surcroît cette solution permet d'améliorer la qualité de vie et d'habitat par rapport à ce qui existe actuellement.

 

9. S'agissant de la dérogation des gabarits de hauteur accordée en application de l'article 92 alinéa 2 LCI, la commission de recours a relevé à juste titre que cette dérogation permettait une meilleure harmonisation de l'immeuble dans leur environnement. Il n'y a pas de raison de s'écarter de cette appréciation conforme aux pièces du dossier.

 

10. De même, la commission de recours a-t-elle jugé avec justesse que la reconstruction des immeubles permettait leur alignement tel que prévu par le plan d'aménagement, ce qui n'est pas le cas actuellement.

 

11. Reste la question du montant des loyers après travaux, question qui doit s'analyser dans le cadre de la LDTR.

 

Sur ce point, le recours d'APV n'est pas recevable. Il n'appartient donc pas au tribunal de céans d'examiner ici cette question. Ce nonobstant, au vu des dernières précisions apportées par l'intimée, il n'est pas sans intérêt de constater que, vu la baisse du taux des intérêts hypothécaires, les loyers après travaux s'inscriront dans la fourchette admise par la LDTR.

 

12. Il résulte de ce qui précède que de la mesure où il est recevable, le recours devra être rejeté et la décision de la commission de recours confirmée.

 

13. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge d'APV, laquelle sera en outre condamnée à verser à la coopérative une indemnité de procédure de CHF 1'000.-.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

rejette le recours interjeté le 27 octobre 1997 par Action patrimoine vivant contre la décision de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses du 19 septembre 1997 dans la mesure où il est recevable;

 

confirme la décision du 19 septembre 1997 de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses ainsi que l'autorisation définitive de construire du 5 novembre 1996 ainsi que l'autorisation de démolir du même jour;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-;

 

alloue à la Coopérative Lyon-Délices une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à charge d'Action patrimoine vivant;

 

communique le présent arrêt à Action patrimoine vivant, à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu'à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la Coopérative Lyon-Délices.

 

 


Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, MM. Thélin, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le greffier-juriste adj.: le vice-président:

 

N. Bolli D. Schucani

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme J. Rossier-Ischi