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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4880/2017

ATA/351/2018 du 17.04.2018 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; SUSPENSION TEMPORAIRE D'EMPLOI ; SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL) ; SALAIRE ; DÉCISION INCIDENTE ; DOMMAGE IRRÉPARABLE ; VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.57.letc; LTF.93.al1; LPAC.16.al1.letc.ch5; LPAC.27; LPAC.28
Résumé : Rejet, en tant qu'il est recevable, du recours interjeté par un fonctionnaire contre la décision du Conseil d'État de le suspendre provisoirement de ses fonctions, avec suppression du traitement, durant l'enquête administrative en raison de la suspicion de graves manquements aux devoirs de service.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4880/2017-FPUBL ATA/351/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 avril 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Françoise Markarian, avocate

contre

CONSEIL D’ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1968, a été engagé à l’État de Genève le 1er septembre 1988 et nommé fonctionnaire le 1er novembre 1991.

2) À compter du 1er décembre 1989, M. A______ a commencé à travailler à l’office des poursuites (ci-après : l’office), actuellement rattaché au département des finances (ci-après : le département), où il occupe depuis le 1er novembre 2002 l’un des deux postes de chef de service ayant sous sa responsabilité plusieurs secteurs. La réorganisation de l’office intervenue à compter du mois de mars 2017 a toutefois conduit à la mise en place d’un seul chef de service.

3) Durant sa carrière, M. A______ a régulièrement fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP), puis d’entretiens d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM).

4) Le 30 octobre 2009, M. A______ a fait l’objet d’un avertissement pour avoir procédé à une surestimation des kilomètres parcourus avec son véhicule privé en vue d’obtenir le remboursement de ses frais de déplacement lors de ses activités à l’extérieur de l’office.

5) Le 18 février 2011, M. A______ a fait l’objet d’un autre avertissement pour avoir eu un comportement et des propos inadéquats à l’encontre de certains de ses collaborateurs.

6) Le 6 juin 2012, M. A______ a fait l’objet d’un EEDP, duquel il résulte notamment qu’il devait apprendre à modérer ses propos, son langage étant parfois déplacé et sa manière de communiquer abrupte. Il devait veiller à user de plus de diplomatie et éviter d’utiliser la force comme moyen de conviction, en gardant son calme en toutes circonstances.

7) En septembre 2013, Madame B______, substitut à l’office et alors supérieure hiérarchique de M. A______, a écrit une note à ce dernier au sujet de divers manquements dans l’exécution de son travail, en particulier le fait qu’il ne lui avait pas transmis la candidature de Madame C______ pour le poste de gestionnaire comptable « volante ».

8) Le 12 décembre 2013, M. A______ a fait l’objet d’un EEDM périodique, duquel il résulte notamment qu’il devait asseoir son « leadership » autrement que de manière autoritaire.

9) Le 14 février 2014, M. A______ a fait l’objet d’un nouvel EEDM, aux termes duquel il lui était rappelé qu’il devait veiller à adopter une attitude identique avec tous ses collaborateurs et apprendre à modérer ses propos. Il avait tendance à imposer son point de vue, laissant peu de liberté d’action à ses collaborateurs, et devait accepter avec plus de souplesse les décisions imposées par sa hiérarchie, même s’il n’y adhérait pas totalement.

10) Par courriel du 2 novembre 2015, Monsieur D______, préposé de l’office, a invité M. A______ à faire preuve de plus de « rondeur » dans ses communications, comme il le lui avait déjà demandé, notamment en employant systématiquement des formules de politesse et des termes moins injonctifs.

11) Le 11 janvier 2016, le secrétariat général du département a autorisé M. A______, pour une durée d’un an, à exercer une activité accessoire, rémunérée, en qualité de sapeur-pompier surnuméraire.

12) Le 21 juillet 2016, M. A______ a transmis à l’adjointe administrative des ressources humaines (ci-après : RH) de l’office la candidature qu’il avait retenue pour un poste d’auxiliaire au sein de son service.

13) Le 25 juillet 2016, l’adjointe administrative des RH a requis de M. A______ des précisions à ce sujet, le dossier lui ayant été soumis étant largement incomplet.

14) Le 7 novembre 2016, M. A______ a établi une fiche d’engagement pour un autre candidat au poste d’assistant auxiliaire volant d’une durée de douze mois au sein de son service. Selon ce document, la case « pas de poursuite » était cochée. Au verso était indiqué que le candidat avait trois poursuites ouvertes et faisait l’objet d’actes de défaut de biens (ci-après : ADB). Il ne voyait pas d’inconvénient à cet engagement.

15) Par courriel du 25 novembre 2016, M. D______ a prié M. A______ de lui présenter, à l’avenir, des fiches conformes à la réalité des personnes à engager, un examen méticuleux au niveau de l’absence de poursuites et d’ADB devant être effectué. L’acceptation du candidat qu’il lui avait présenté n’était pas tolérable, puisqu’il faisait l’objet d’ADB pour plus de CHF 26'000.-, la fiche étant au demeurant trompeuse dans sa rédaction.

16) Par courriel du 22 décembre 2016, M. D______ a transmis aux collaborateurs de l’office un nouvel organigramme du personnel.

17) Le même jour, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, ce message aux adresses électroniques « E______@______.com » et « F______@_____gc.ch ».

18) Durant l’année 2016, les relevés mensuels du contrôle horaire de M. A______ font état d’un solde d’heures négatives en juin (-11h00), septembre (-13h00) et octobre (2h54), ainsi que plusieurs arrivées après 9h00 entre juin et décembre 2016.

19) Entre décembre 2016 et avril 2017, M. A______ a envoyé plusieurs courriels de nature privée au moyen de sa messagerie professionnelle en lien avec son activité de tir et de sapeur-pompier surnuméraire. Il a également commandé, par le même biais, des armes et du matériel de tir.

20) Durant la même période, M. D______ a procédé, en présence d’un responsable des RH, à l’audition de certains collaborateurs de l’office, en particulier ceux de M. A______.

a. Selon Monsieur G______, M. A______ le traitait « comme un chien », l’ayant humilié devant ses collègues et lui ayant fait savoir que s’il n’était pas content de ses conditions de travail, il serait remplacé. M. A______ prenait également de longues pauses, le plus souvent avec Mme C______, qu’il favorisait, l’ayant fait participer à un entretien d’embauche alors qu’elle n’avait aucune charge d’encadrement. Il avait en outre entendu parler d’un complot à son encontre, consistant en l’engagement d’une assistante sur des critères de beauté, ce qui devait conduire à son licenciement pour harcèlement.

b. Madame H______ avait constaté que M. A______ favorisait Mme C______, qui s’adressait à lui en lui manquant de respect et avait fomenté un complot consistant dans le recrutement d’une assistante sur des critères de beauté afin de conduire M. G______ à la faute. Les pauses de M. A______ pouvaient en outre excéder une trentaine de minutes, l’intéressé n’ignorant pas non plus les pratiques de certains de ses collaborateurs, qui pointaient « entrant » tout en prenant leur déjeuner dans les locaux de l’office.

c. Madame I______ avait été engagée le 21 novembre 2016 à l’office, après que Mme C______ eut participé à son recrutement pour une raison qu’elle ignorait. Lors de ses entretiens d’embauche, M. A______ avait fréquemment consulté son téléphone portable, ce qui l’avait surprise. Quand elle avait commencé ses activités à l’office, M. A______ lui avait fait savoir que c’était grâce à lui et à Mme C______ qu’elle avait été engagée, alors qu’il n’était pas son supérieur direct.

d. Monsieur J______ avait constaté des « guéguerres » ouvertes, notamment entre M. A______ et son subordonné, Monsieur K______, tous deux sapant leur travail respectif, ainsi qu’un langage familier de Mme C______ envers M. A______, qui s’adressait à lui de manière irrespectueuse. Par ailleurs, M. A______ avait rapporté des éléments personnels, qu’il lui avait confiés, à d’autres collaborateurs. Il avait également entendu parler d’un plan consistant à engager une collaboratrice pouvant pousser M. G______ à la faute, au vu de ses penchants pour la gent féminine. En outre, certains collaborateurs, au su de M. A______, pointaient « entrant », tout en déjeunant dans les locaux de l’office.

e. Madame L______ avait entretenu de bonnes relations avec M. A______ jusqu’à l’intégration, dans son secteur, de Monsieur M______, le frère de Mme C______. Proche de M. M______, M. A______ lui avait rapporté qu’elle-même supérieure hiérarchique de M. M______ s’était rendu compte qu’il trichait sur ses heures de présence. La relation hiérarchique entre M. A______ et Mme C______ était en outre inversée, celle-ci s’adressait à celui-là sur un ton déplacé. M. A______ procédait à un « management de la terreur », s’étant montré peu respectueux, agressif et dénigrant à son encontre, ce dont elle avait fait part à Monsieur N______, alors substitut, qui avait toutefois cautionné ce comportement. Par ailleurs, M. A______ avait déplacé deux de ses collaborateurs dans un autre secteur, sans discussion ni information préalable.

21) Par courriel du 11 janvier 2017, M. A______ a rappelé à l’un de ses collaborateurs que sa fonction l’obligeait à répondre aux demandes qui lui étaient faites et le priait, à l’avenir, de s’abstenir d’envoyer des courriels inappropriés.

22) Le même jour, M. A______ a transféré ce courriel à Mme C______.

23) Le 25 janvier 2017, M. D______ a écrit à M. A______, faisant suite à leur entretien du même jour au sujet d’une insulte proférée par l’un de ses collaborateurs à l’encontre de M. K______, qu’il apparaissait avoir justifiée. Sa réaction n’avait pas été adéquate et il l’invitait à l’avenir à se ressaisir et à garder son calme en pareilles circonstances.

24) Par courriel du 15 février 2017, le laboratoire RIFT de l’Université de Genève a transmis à plusieurs cadres de l’office une première version du rapport intitulé « le travail individuel et collectif dans quatre secteurs de l’office, service des saisies » (ci-après : le rapport RIFT) afin d’obtenir leurs remarques, ainsi que celles de leurs collaborateurs. Leur attention était attirée sur le fait que ce texte était une version provisoire, dont la distribution devait être restreinte aux collaborateurs de leurs secteurs, un usage confidentiel devant en être fait.

25) Ce message et le rapport RIFT ont été transférés à M. A______ par courriel du 17 février 2017.

26) Par courriel du 27 février 2017, M. D______ a écrit à M. A______ et à son homologue, faisant suite à une séance s’étant tenue quelques jours plus tôt concernant le futur poste de chef des saisies dans le cadre de la nouvelle organisation de l’office. Il les remerciait de lui indiquer s’ils faisaient acte de candidature pour cette nouvelle fonction, dont les attentes et exigences étaient élevées.

27) Le 1er mars 2017, M. A______ a répondu à M. D______ qu’il se portait candidat pour ce poste.

28) Le 8 mars 2017, M. A______ a transféré le rapport RIFT à certains collaborateurs de l’office ainsi qu’aux adresses « E______@______.com » et « F______@_____gc.ch ».

29) Le 14 mars 2017, M. D______ a convié M. A______ à un entretien en présence de Mme B______ et du directeur des RH.

30) Le 16 mars 2017, M. D______ a informé M. A______ que sa candidature n’avait pas été retenue pour ce poste. Il était en conséquence soit envisagé de procéder à une suppression de poste, soit à un entretien de service en lien avec la qualité de son management, ce qui était susceptible de conduire à une résiliation des rapports de service.

31) À compter du 6 avril 2017, M. A______ a été en incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie.

32) Le 24 avril 2017, le conseiller d’État en charge du département (ci-après : le conseiller d’État) a écrit aux collaborateurs de l’office, les informant d’une conférence de presse devant avoir lieu le lendemain aux fins de démentir certains propos discréditant l’office tenus par la commission de gestion du Grand Conseil.

33) Le même jour, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, ce message aux adresses « O______@______.ch » et « P______@______.fr ».

34) Par courriel du 27 avril 2017, M. D______ a écrit aux collaborateurs de l’office suite à la présentation aux médias d’un rapport de la sous-commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. Le contenu de ce rapport et la manière avec laquelle il avait été élaboré jetaient le discrédit sur l’office alors qu’il délivrait des prestations de qualité. Il manquait en particulier de rigueur intellectuelle et faisait état de nombreuses hypothèses non vérifiées, les auditions menées étant en outre contestables.

35) Le même jour, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, ce message aux adresses « P______@______.fr » et « Q______@______.ch ».

36) Le 27 avril 2017 également, M. A______ a transféré, au moyen de son téléphone portable, aux adresses « P______@______.fr », « R______@______.com », « O______@______.ch » et « E______@______.com » la réponse à son précédent message que lui a envoyé l’adresse « Q______@______.ch », libellé de la manière suivante : « Cher Monsieur, voici pour votre dossier 3 documents "officiels" sur ce qui est fait au sein du Dept Avec mes meilleurs messages, S______ ».

37) Le 12 mai 2017, Monsieur T______, député, a déposé au Grand Conseil une question écrite urgente à l’attention du Conseil d’État intitulée « le directeur de l’office a-t-il le droit de dénigrer le travail d’une commission du Grand Conseil ? » qui faisait référence à un courriel de M. D______ à l’ensemble des collaborateurs de l’office, dans le cadre duquel il qualifiait le travail de la sous-commission comme manquant de « rigueur intellectuelle », parlant d’« hypothèses non vérifiées », tout en contestant la teneur des auditions menées par la sous-commission.

38) Le 21 juillet 2017, M. D______ a convoqué M. A______ à un entretien de service devant se tenir le 23 août 2017, dont l’objectif était de l’entendre au sujet de la transmission à des tiers d’informations couvertes par le secret de fonction, du non-respect de son obligation de fidélité envers son employeur, de son comportement inique et incorrect envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés ainsi que son manque de conscience et de diligence dans l’exécution de ses prestations. Ces griefs, s’ils étaient avérés, constituaient une violation des devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire au prononcé d’une sanction disciplinaire.

39) Le 4 août 2017, M. A______ a informé M. D______ qu’étant en incapacité de travail, il n’était pas en mesure de prendre part à cet entretien, de sorte qu’il ferait valoir son droit d’être entendu par écrit.

40) Le 6 septembre 2017, le département a transmis à M. A______ le procès-verbal de l’entretien de service et lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

Il lui était reproché d’avoir transmis des informations relevant du secret de fonction à des tiers. Il en allait ainsi du rapport RIFT, qu’il avait transféré par courriel à plusieurs destinataires, dont à certains externes à l’État, à ses collaborateurs directs ainsi qu’à un auxiliaire affecté à son service. En outre, lors d’une conférence de presse s’étant tenue le 25 avril 2017 relative au rapport de la sous-commission de gestion du Grand Conseil, un journaliste avait fait mention de l’existence du rapport RIFT et de son contenu. Il avait également transféré à des destinataires externes à l’office le courriel du 24 avril 2017 du conseiller d’État, ainsi que le message du 27 avril 2017 de M. D______, ce qui avait donné lieu à une question écrite urgente d’un député à l’attention du Conseil d’État.

Les méthodes de management de M. A______ étaient inadéquates, l’intéressé adoptant un comportement indigne et incorrect envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés. Il s’était montré agressif, humiliant ou irrespectueux à l’égard des collaborateurs, privilégiant un management basé sur des menaces et des sanctions, ce qui avait généré un climat de peur dans son service et valu plusieurs recadrages. Il avait en outre favorisé certains collaborateurs en les laissant prendre des libertés, notamment pour l’enregistrement du temps de travail, et cautionné les comportements inadéquats de Mme C______, sans intervenir.

Il avait manqué de conscience et de diligence dans l’exécution de ses prestations de hiérarchie et transmis des informations confidentielles de ses collègues. Sur instigation de Mme C______, qui avait participé au recrutement d’une collaboratrice alors qu’elle n’avait aucune fonction d’encadrement, il avait consenti à la mise en œuvre d’un stratagème destiné à faire licencier M. G______. Il avait régulièrement pris des pauses excédant vingt minutes et se présentait au travail après 9h00. Il avait transmis un courriel à Mme C______ au sujet de reproches qu’il avait faits à l’un de ses collaborateurs, tout en manquant de rigueur dans l’engagement de ceux-ci. Pendant les séances de travail, ainsi que les recrutements, il consultait de manière fréquente et répétée son téléphone portable à des fins privées, ce qui lui avait valu plusieurs recadrages, et avait utilisé sa messagerie professionnelle à des fins privées de manière répétée, alors même que son solde d’heures travaillées était négatif. Sa communication était insuffisante vis-à-vis de ses collaborateurs, ce qui lui avait déjà été rappelé à plusieurs reprises. Par ailleurs, il n’avait pas non plus informé certains collaborateurs de leur changement d’affectation, situation ayant conduit à la détérioration des relations de travail au sein de son service. Il avait, enfin, exercé l’activité accessoire de sapeur-pompier surnuméraire sans autorisation, celle accordée en janvier 2016 n’ayant pas été renouvelée.

Si ces faits étaient avérés, ils seraient constitutifs de manquements aux devoirs du personnel, susceptibles de conduire au prononcé d’une sanction disciplinaire. Au préalable, il était envisagé d’ordonner l’ouverture d’une enquête administrative à son encontre, ainsi que sa suspension provisoire avec suppression de toute prestation à la charge de l’État.

41) Le 16 octobre 2017, M. A______ a transmis au département ses déterminations au sujet de l’entretien de service, indiquant que celui-ci reposait principalement sur des déclarations de collaborateurs malintentionnés.

Il contestait les faits qui lui étaient reprochés, précisant avoir transféré le rapport RIFT aux collaborateurs de l’office afin de recueillir leurs observations, comme il y avait été invité, et ne l’avait pas transmis, pas plus que d’autres courriels, à des destinataires externes, mais avait eu le sentiment que des tiers avaient accès à sa messagerie. Les critiques en lien avec son management et son comportement reposaient sur les seules déclarations de collaborateurs lui vouant un ressenti évident, lesquels, face à M. D______, n’avaient eu d’autre choix que de délivrer un témoignage conforme aux attentes de ce dernier. Il ne prenait pas de pauses excessives et ses retards le matin étaient dus au syndrome d’apnée du sommeil dont il souffrait, sa hiérarchie étant au courant. Bien qu’il eût renoncé à exercer son activité de sapeur-pompier surnuméraire, il continuait à recevoir des courriels à ce sujet, auxquels il ne répondait pas.

42) Par arrêté du 29 novembre 2017, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______, confiant sa conduite à Monsieur U______, juge à la Cour de justice, ainsi que sa suspension provisoire et la suppression de toute prestation à la charge de l’État.

Il lui était notamment reproché d’avoir mis en œuvre un stratagème destiné à faire licencier l’un de ses subordonnés, de consulter fréquemment son téléphone portable pendant les séances, de privilégier un management basé sur des menaces de punitions et de sanctions en générant ainsi un climat de peur dans son service, d’avoir un comportement agressif, de favoriser certains subordonnés et d’en humilier d’autres, d’avoir changé d’affectation certains subordonnés sans concertation ni avertissement préalable, d’avoir sciemment cautionné la violation des règles d’enregistrement du temps de travail par certains subordonnés, d’avoir régulièrement utilisé sa messagerie professionnelle à des fins privées, d’avoir transmis un rapport ainsi que certains courriels soumis au secret de fonction à des personnes extérieures au service, voire à l’administration, de ne pas respecter lui-même les règles d’enregistrement du temps de travail et d’avoir exercé une activité accessoire alors que son supérieur avait refusé de renouveler l’autorisation d’exercer ladite activité.

43) a. Par acte déposé le 11 décembre 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours, principalement à l’annulation de la décision entreprise, à la constatation de son droit au traitement à compter du 29 novembre 2017 et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

L’ouverture d’une enquête administrative n’était pas remise en cause, seule étant contestée sa suspension provisoire avec suppression de traitement, qui lui causait un préjudice irréparable, tant moral que financier. Célibataire vivant seul, il ne pouvait compter sur le soutien de ses proches, étant précisé qu’il avait accumulé un retard important dans le paiement de ses primes d’assurance-maladie et de ses impôts et devait honorer le remboursement d’un prêt privé. En incapacité de travail depuis le 6 avril 2017, il était inapte au placement et ne pouvait ainsi bénéficier des prestations de l’assurance-chômage, dont le montant ne correspondait au demeurant qu’à 70 % du gain assuré.

Les conditions présidant à la prise d’une telle mesure n’étaient en outre pas réalisées, malgré les multiples griefs élevés à son encontre. Les accusations portées contre lui étaient en particulier mal fondées et ne justifiaient pas le recours à une telle décision, ce d’autant que les faits étaient contestés et apparaissaient d’emblée invraisemblables pour avoir été recueillis auprès d’une poignée de collaborateurs hostiles qui n’avaient d’autre volonté que de lui nuire. S’il estimait qu’il avait failli à ses devoirs, le Conseil d’État devait prendre une mesure moins incisive, eu égard notamment à ses états de service, à son ancienneté, au caractère invraisemblable des reproches formulés et à la manière insolite par laquelle sa hiérarchie les avait collectés, sa mise à l’écart ayant en réalité été motivée par la suppression de son poste.

b. Il a versé au dossier :

– plusieurs rappels et sommations pour le paiement de ses primes d’assurance-maladie pour les mois de juin à novembre 2017 ;

– un courrier de l’AFC-GE indiquant un solde d’impôts de CHF 22'568.35 à payer avant le 9 novembre 2017 ;

– des reconnaissances de dette en faveur de Monsieur V______ signées entre mars 2014 et février 2015, selon lesquelles il lui devait les sommes de CHF 5'000.-, CHF 3'000.-, CHF 4'000.-, CHF 5'600.-, CHF 6'000.-, CHF 500.-, CHF 2'500.- et CHF 7'000.-, ainsi qu’un récapitulatif indiquant un solde dû de CHF 13'600.- au 31 janvier 2017 après des remboursements par 17'500.- ;

– une attestation d’un médecin pneumologue du 19 septembre 2017 indiquant qu’il était suivi depuis le 8 septembre 2015 pour un « SAHS ».

44) Le 20 décembre 2017, le Conseil d’État, soit pour lui l’office du personnel de l’État (ci-après : OPE), a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

45) Le 22 décembre 2017, M. A______ a versé au dossier une attestation de l’agence chargée de la gestion des salaires des sapeurs-pompiers surnuméraires de W______ du 15 décembre 2017, selon laquelle il n’avait exécuté aucune heure de travail en tant que sapeur-pompier surnuméraire pour l’année 2017.

46) Le 4 janvier 2018, M. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions. Certains des allégués de l’OPE devaient être écartés, dès lors que les pièces y relatives issues de son dossier administratif remontaient à plus de dix ans.

47) Le 11 janvier 2018, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours, réservant le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

48) Le 19 janvier 2018, l’OPE a répondu sur le fond du recours, concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

M. A______ n’avait pas rendu vraisemblable l’existence d’un préjudice irréparable, au regard des documents qu’il avait produits, étant précisé qu’il pouvait s’inscrire au chômage puisqu’il était apte à reprendre le travail dès le 12 décembre 2017.

Sa demande consistant à écarter certaines pièces du dossier était infondée, puisque celles-ci se limitaient à clarifier les allégués figurant dans son recours, en lien avec les références faite à sa longue carrière à l’office.

Les faits qui lui étaient reprochés constituaient de graves violations des devoirs de service, susceptibles de conduire à sa révocation, en particulier la transmission de documents internes à des tiers, malgré trente ans de carrière à l’État, ce qu’il avait fini par reconnaître durant l’enquête, sans pour autant exprimer des regrets ni présenter ses excuses à son employeur. D’autres manquements venaient s’ajouter à ce comportement, notamment une absence de rigueur et de transparence lors des recrutements, une violation de ses devoirs d’autorité, le fait d’avoir cautionné la transgression des règles applicables à l’enregistrement du temps de travail, qu’il n’avait lui-même pas respectées, ainsi que l’utilisation de sa messagerie professionnelle à des fins privées durant les heures de travail. Les conditions pour suspendre provisoirement un fonctionnaire étaient dès lors réalisées.

Il en allait de même de la suppression de toute prestation à la charge de l’État, étant précisé que la procédure disciplinaire serait diligentée avec célérité. L’intérêt privé de M. A______ à percevoir son traitement devait ainsi céder le pas face à l’intérêt public.

49) Le 22 janvier 2018, M. A______ a versé au dossier le procès-verbal de son audition par l’enquêteur du 10 janvier 2018.

Selon ses déclarations, en raison de l’incertitude quant à son avenir professionnel suite à la réorganisation de l’office, il s’était ouvert à des proches pour attester de la suppression de son poste, leur transférant divers courriels internes avec leurs annexes.

50) Le 25 janvier 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 23 février 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

51) a. Dans ses observations du 22 février 2018, M. A______ a persisté dans les conclusions et les termes de son recours. Il ne pouvait être exigé qu’il fasse l’objet de poursuites pour que la cessation du versement de son traitement puisse constituer un préjudice irréparable. De fait, il s’était retrouvé sans traitement depuis le 1er décembre 2017 et n’avait pu s’inscrire à l’assurance-chômage qu’à compter du 13 décembre 2017. Sa caisse lui avait toutefois infligé une suspension provisoire de trente et un jours, de sorte qu’il n’avait perçu aucun montant à ce titre en janvier et février 2018, ce qui avait encore aggravé sa situation financière, déjà précaire.

S’il avait certes transmis à des tiers des documents internes, c’était en raison du désarroi, lié à la réorganisation de l’office et à la suppression de son poste, dans lequel il se trouvait alors, étant précisé que ces courriels et leurs annexes n’avaient pas de réel intérêt et qu’il n’avait jamais eu l’intention de nuire à son employeur.

b. Il a produit une décision de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC) du 22 janvier 2018, selon laquelle une suspension du droit à l’indemnité de trente-et-un jours lui était infligée ainsi qu’un décompte de la même caisse pour le mois de janvier 2018 indiquant un paiement de CHF 0.-.

52) a. Le 23 février 2018, l’OPE a versé au dossier les procès-verbaux d’audition des témoins dans le cadre de l’enquête administrative ouverte à l’encontre de M. A______, indiquant n’avoir pas d’autre requête ou observation à formuler.

b. Il ressort de ces procès-verbaux qu’en date du 17 janvier 2018, l’enquêteur a auditionné un conseiller en sécurité de l’information à la direction générale des systèmes d’information de l’État (ci-après : DGSI), lequel avait procédé à l’exploitation des données de la messagerie de M. A______. Selon ses explications, la DGSI ne procédait à aucun contrôle ni filtrage de l’utilisation de l’adresse électronique d’un collaborateur à des fins privées ni n’effectuait de surveillance « en direct ». S’agissant de M. A______, une autorisation du secrétaire général, qu’il versait au dossier, lui avait été octroyée aux fins d’obtenir la liste des messages envoyés et reçus, puis l’extraction du contenu de sa boîte aux lettres électronique.

53) Le 26 février 2018, le juge délégué a imparti à M. A______ un délai au 9 mars 2018 pour se déterminer au sujet de ces pièces, après quoi la cause serait gardée à juger.

54) Dans ses observations du 8 mars 2018, M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours. Les audiences tenues jusqu’à présent n’offraient qu’une vision partielle des faits et de la situation juridique tels qu’ils pourraient être établis à l’issue de l’enquête administrative et du rapport y relatif, de sorte que ces pièces ne pouvaient être prises en compte qu’avec circonspection.

55) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Selon la jurisprudence constante rendue par la chambre de céans, une décision de suspension provisoire d’un fonctionnaire est une décision incidente contre laquelle le délai de recours devant ladite chambre est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 et les références citées).

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. S’agissant d’une décision incidente, en vertu de l’art. 57 let. c LPA, ne sont susceptibles de recours que les décisions qui peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 422 n. 126). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 précité et les références citées), même si cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l’estiment trop restrictive (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

c. Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95 ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015).

d. De manière générale, la chambre de céans considère que la condition du préjudice irréparable n’est pas réalisée (ATA/1622/2017 précité et les références citées). Toutefois, dans sa jurisprudence plus récente, la chambre de céans a admis un tel préjudice pour un sergent téléphoniste suspendu sans traitement au motif qu’il « [ressortait] du dossier que la décision [était] susceptible de causer un préjudice irréparable » (ATA/735/2013 du 5 novembre 2013). Elle a également admis un préjudice irréparable pour un fonctionnaire des Hôpitaux universitaires de Genève, suspendu sans traitement, qui a produit un certain nombre de pièces démontrant sa situation économique difficile (ATA/506/2014 du 1er juillet 2014).

3) a. En l’espèce, l’admission du recours ne mettrait pas fin au litige, puisque l’enquête administrative, dont la mise en œuvre n’est pas contestée, suivra son cours quel que soit le sort de la mesure de suspension querellée. La seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est ainsi pas réalisée.

b. Le recourant soutient que l’arrêté entrepris lui cause un préjudice irréparable, dès lors que, célibataire et sans famille, il ne peut compter sur le soutien financier d’aucun proche, sa situation étant déjà obérée au vu de ses dettes. Le fait de ne plus recevoir de traitement n’est toutefois pas suffisant pour retenir l’existence d’un préjudice irréparable, dans la mesure où il faut encore que l’intéressé rende vraisemblable un tel préjudice (ATA/1622/2017 précité).

Si le recourant a certes produit une décision de la CCGC suspendant son droit à l’indemnité de trente-et-un jour ainsi que le décompte de la CCGC pour le mois de janvier 2018 indiquant un paiement de CHF 0.-, rien n’indique qu’il ne percevra pas d’indemnité de chômage à l’issue de cette suspension, dont le montant, même s’il est inférieur à son traitement, lui permettra de subvenir à ses besoins. Quant au prêt qui lui a été accordé entre mars 2014 et février 2015, il apparaît avoir été partiellement remboursé, au vu du décompte produit, rien n’indiquant que son cocontractant aurait dénoncé le contrat. Le recourant n’a, au demeurant, produit aucun relevé de son compte en banque mentionnant l’état de sa fortune, de sorte qu’il n’est pas possible de se déterminer sur la question de savoir s’il s’est acquitté de sa dette d’impôt ainsi que des primes d’assurance-maladie impayées pour la période durant laquelle il percevait encore son traitement.

Ces éléments font ainsi naître un doute sérieux quant à l’existence d’un préjudice irréparable. La question peut toutefois souffrir de rester indécise au regard de ce qui suit.

4) À teneur de l’art. 16 al. 1 let. c ch. 5 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), les fonctionnaires qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l’objet d’une révocation prononcée par le Conseil d’État.

L’art. 27 LPAC prévoit que le Conseil d’État peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC (al. 2). L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (al. 3).

Dans l’attente du résultat d’une enquête administrative ou d’une information pénale, le Conseil d’État, peut, de son propre chef ou à la demande de l’intéressé, suspendre provisoirement, au moyen d’une lettre motivée, un membre du personnel auquel il est reproché une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction (art. 28 al. 1 et 2 LPAC). La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l’État ou de l’établissement (art. 28 al. 3 LPAC). À l’issue de l’enquête administrative, il est veillé à ce que l’intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l’ouverture de l’enquête administrative (art. 28 al. 4 LPAC).

Sur la question de la suppression de traitement, l’intérêt de l’État à ne pas verser au recourant son traitement aussi longtemps que dure la procédure est essentiel, puisqu’il court le risque de ne pas pouvoir récupérer les montants versés, à supposer que ceux-ci l’aient été à tort (ATA/510/2017 du 9 mai 2017 et les références citées).

5) a. Selon la jurisprudence, la suspension provisoire peut être ordonnée lorsqu’il est reproché à un fonctionnaire une faute de nature à compromettre la confiance ou l’autorité qu’implique l’exercice de sa fonction (ATA/335/2000 du 23 mai 2000). La mesure n’est justifiée que si la faute reprochée à l’intéressé est de nature, a priori, à conduire à une cessation immédiate de l’exercice de sa fonction, que la prévention de la faute à son encontre est suffisante, même si, s’agissant d’une mesure provisionnelle prise précisément pendant la durée d’une enquête administrative ou pénale, une preuve absolue ne peut pas être exigée, et que la suspension apparaît comme globalement proportionnée, compte tenu de la situation de l’intéressé et des conséquences de sa suspension, de la gravité de la faute qui lui est reprochée, de la plus ou moins grande certitude quant à sa culpabilité, ainsi que de l’intérêt de l’État à faire cesser immédiatement tant les rapports de service que, s’il y a lieu, ses propres prestations (ATA/1295/2017 du 19 septembre 2017 et les références citées).

b. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1039/2013 du 16 avril 2014 consid. 6.1 ; ATA/1295/2017 précité).

6) a. En l’espèce, le recourant est soupçonné d’avoir transmis des informations relevant du secret de fonction à des tiers, adopté des méthodes de management inadéquates en ayant un comportement indigne et incorrect envers sa hiérarchie, ses collègues et ses subordonnés et manqué de conscience et de diligence dans l’exécution de ses prestations de hiérarchie et transmis des informations confidentielles de ses collègues.

b. Bien que le recourant conteste la plupart des faits reprochés et même s’il minimise ses agissements, il a néanmoins admis avoir transmis différents documents à caractère interne à des tiers, extérieurs à l’office, à savoir le nouvel organigramme de l’office, le rapport RIFT ainsi que les courriels du conseiller d’État du 24 avril 2017 et celui du préposé du 27 avril 2017, lequel a donné lieu à une question urgente d’un député au Conseil d’État le 12 mai 2017. Si elle était avérée à l’issue de l’enquête administrative, une telle violation du secret de fonction constituerait un grave manquement aux devoirs du personnel, tout comme les autres faits qui lui sont reprochés, en particulier d’avoir volontairement toléré une indication inexacte du temps de travail introduit dans le système de timbrage par ses collaborateurs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_301/2017 du 1er mars 2018 consid. 4.3.3), ces éléments étant susceptibles de justifier une sanction disciplinaire.

c. Les deux premières conditions retenues par la jurisprudence étant réalisées, il reste à déterminer si une mesure de suspension provisoire assortie d’une suppression de traitement respecte le principe de la proportionnalité tant dans son principe que dans sa durée.

Comme précédemment rappelé, les soupçons sont extrêmement graves et seraient susceptibles de conduire au prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre du recourant. Au vu de la gravité de ces soupçons, les besoins de l’enquête administrative commandent que le recourant soit suspendu provisoirement de sa fonction, étant précisé qu’il a admis une partie des faits reprochés.

S’agissant de la question du traitement, il n’est pas certain que l’État de Genève soit en mesure de récupérer les salaires payés en cas de révocation ultérieure, alors qu’il serait à même de verser les montants qui seraient mis à sa charge en cas d’issue favorable pour le recourant. De plus, l’enquête administrative a débuté et des audiences ont déjà eu lieu, étant précisé que l’art. 29 al. 2 LPAC impose à l’autorité de diligenter la procédure disciplinaire de manière rapide (ATA/215/2017 du 21 février 2017), de sorte que l’intimé devra s’y conformer.

Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, l’intérêt privé du recourant à percevoir son traitement doit céder le pas face à l’intérêt public, étant précisé que rien n’indique que le recourant ne pourrait percevoir aucune prestation de l’assurance-chômage à l’issue de la suspension de son droit.

C’est dès lors conformément au droit que le Conseil d’État a suspendu provisoirement le recourant et qu’il a assorti cette mesure de la suppression de toute prestation à la charge de l’État de Genève, étant précisé que la question de l’application de l’art. 17 al. 4 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ne se pose pas à ce stade, dès lors que la décision entreprise ne s’appuie pas sur les allégués invoqués par le recourant comme étant litigieux.

7) Le recours sera par conséquent rejeté en tant qu’il est recevable.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

9) Une copie du présent arrêt sera en outre transmise au Ministère public, compétent pour décider de l’éventuelle ouverture d’une procédure pénale à l’encontre du recourant en relation avec ces faits (art. 33 al. 1 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 - LaCP - E 4 10 ; art. 302 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 - CPP - RS 312.0).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 11 décembre 2017 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 29 novembre 2017 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Françoise Markarian, avocate du recourant, au Conseil d’État, ainsi qu’au Ministère public pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :