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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3317/2016

ATA/105/2018 du 06.02.2018 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.03.2018, rendu le 29.01.2019, REJETE, 8C_252/2018
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; FONCTIONNAIRE ; POLICE ; EMPLOYÉ PUBLIC ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; LIBERTÉ D'EXPRESSION ; INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR ; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; DÉPLACEMENT DISCIPLINAIRE ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; PRESCRIPTION ; ANTÉCÉDENT
Normes : LPol.18.al1; aLPol.26; LPol.18.al2; RCIAC.2.al2; ROPol.5; Cst.29.al2; LPAC.16.al1; LPAC.36.al1; aLPol.36.al1; RGPPol.18.al2; LPol.36.al2; aLPol.36.al4; aLPol.36.al3; LPol.37.al2; aLPol.37.al2; LPol.38; LRGC.32B.al1; aLPol.37.al6; LPol.36.al3; LPAC.27.al7; LPLA.16.al1; LPA.61.al2; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.22.al1; LPol.1.al2; LPol.1.al3.leta; CP.174.ch1; OS.1; OS.3; OS.20.leth
Résumé : Le recourant n'a pas agi selon les règles de la bonne foi pour obtenir des images de surveillance. Les propos qu'il a tenus dans ses blogs à l'encontre de deux magistrats contreviennent notamment à ses devoirs de membres de personnel de l'État. Il en est de même s'agissant du contenu de son blog à l'encontre d'un parti politique. La dégradation prononcée pour quatre ans, avec diminution d'une classe de traitement, est conforme au droit. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3317/2016-FPUBL ATA/105/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marc-Alec Bruttin, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Après une nomination en tant que gendarme pour un an et à titre d’épreuve, Monsieur A______, né en 1970, a, à compter du 1er août 1994, été confirmé par le Conseil d’État dans ses fonctions de gendarme au sein de la gendarmerie genevoise.

À la suite de promotions à des grades supérieurs à celui de gendarme – appointé à partir du 1er août 1999 puis sous-brigadier dès le 1er janvier 2005 –, et par arrêté du conseiller d’État alors en charge du département de la sécurité, de la police et de l’environnement, devenu le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE ou le département), il a été, avec effet au 1er avril 2012, promu à la fonction de brigadier-chef de groupe à 100 %, en classe 16.

2) Au cours de sa carrière au sein de la police, M. A______ a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes :

-                 un blâme le 28 avril 1998, pour un manque de conscience lors des formalités suite à un accident de circulation, notamment omission d’informer le cadre de service de la durée de son absence et de prendre un moyen de liaison, ainsi que mensonge lors de l’établissement de la note d’emploi du temps ;

-                 un blâme le 16 octobre 1998, pour des manquements aux règles et instructions prescrites ainsi qu’un manque de conscience professionnelle dans le cadre de l’accomplissement d’un service dans un pays étranger 

-                 un avertissement le 15 août 2002, pour avoir tenté d’infléchir un gendarme au sujet d’infractions commises par son oncle, puis prononcé, respectivement colporté à son encontre des paroles et rumeurs déplacées ;

-                 un avertissement le 14 septembre 2006, pour avoir remis à un administré un polo avec l’inscription « POLICE » dans le dos ;

-                 un avertissement le 20 avril 2007, pour avoir demandé à un jeune collaborateur en service de conduire le véhicule d’un ami qui avait fait l’objet d’un contrôle de police malgré le retrait de permis de conduire dont celui-ci faisait l’objet, l’intéressé le précédant dans une voiture de service.

En date du 10 septembre 2012, M. A______ a fait l’objet d’un entretien de service, en raison de l’utilisation de son titre professionnel dans un document annonçant la tenue d’une réunion concernant l’insécurité dans un quartier de B______, sa commune de domicile (ci-après : la commune), sans l’aval de sa hiérarchie.

Par écrit du 16 mai 2013, à la suite d’un litige opposant M. A______ à une fondation de droit public et à son secrétaire général, la cheffe de la police, devenue le 1er mai 2016 la commandante de la police (ci-après : la commandante), a rappelé à celui-là qu’il avait été rendu attentif à de réitérées reprises aux règles de bienséance que sa profession exigeait, hors service également, nonobstant la liberté d’expression attachée à l’exercice de ses droits politiques ; elle ne tolérerait plus d’être interpellée à ce propos par lui-même ou ses adversaires ; la retenue qu’elle s’imposait à l’égard de ces règlements de compte ne sauraient excuser un véritable débordement, qu’elle ne manquerait pas de sanctionner sévèrement s’il devait advenir.

3) Dès le début de son engagement dans la gendarmerie, M. A______ a fait l’objet de rapports de qualifications de base, puis, les 6 juin et 11 novembre 2011, 10 avril 2014 et 17 mai 2016, d’entretiens d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP), positifs sur la majorité des points, une minorité de points étant à améliorer mais aucun n’étant inadéquat. Il était apte à s’améliorer sur les points requis par sa hiérarchie et à atteindre des objectifs.

À teneur des comptes rendus de ces EEDP, l’intéressé entretenait de bonnes relations avec la hiérarchie et tous les collaborateurs. En 2011, il était noté qu’il maîtrisait les procédures du service et connaissait les limites légales en relation avec sa fonction ; en 2014, la légalité et la proportionnalité étaient respectées ; en 2016, il avait un sens très développé du service public et respectait les principes de légalité, de proportionnalité et d’égalité de traitement. Le 11 novembre 2011, il a été noté qu’il savait prendre le recul nécessaire face aux situations incertaines ou imprévisibles, abordait les situations nouvelles avec objectivité et fournissait un effort afin de ne pas s’emporter lors de situations complexes. En 2013, son comportement avait été conflictuel avec la hiérarchie du poste et s’était amélioré avec un changement de chef de poste. Au 10 avril 2014, il devait encore faire un effort pour converser avec ses supérieurs sans hausser le ton ou déblatérer inutilement. Au 17 mai 2016, il devait faire un effort dans la gestion de ses obligations politiques de telle sorte qu’elles n’empiètent pas sur la planification de ses activités professionnelles, afin d’atteindre l’objectif fixé.

4) Parallèlement à sa fonction de gendarme, M. A______ est député au Grand Conseil depuis le 3 novembre 2005 (avec réélections en 2009 et 2013). À ce titre, il est membre de plusieurs commissions parlementaires, dont celle du contrôle de gestion.

Depuis octobre 2012, il est administrateur des C______, en tant que membre désigné par le Grand Conseil.

Il est également membre du conseil municipal de la commune, dont il a de plus été conseiller administratif lors de la législature 2008-2011, notamment maire en 2009 et 2010.

5) À tout le moins jusqu’au 3 mars 2017, M. A______ a également tenu un blog hébergé par le journal Tribune de Genève (ci-après : TDG), dans lequel il se présentait comme « député – Maire de [la commune] 2009/2010 ».

6) Par courriel du 20 août 2013, le conseiller d’État en charge du DSE
(ci-après : le chef du DSE ou le conseiller d’État) a demandé à la commandante d’investiguer sur l’usage que M. A______ aurait fait de sa fonction de gendarme pour obtenir des C______ une vidéo d’un incident survenu dans un tram alors qu’il n’était pas chargé de l’enquête, ce dont il avait été informé par une source interne aux C______.

7) Par courrier du 28 août 2013, adressé à la commandante et faisant suite à une demande du chef du service juridique de la police, le directeur général des C______ alors en fonction a fait état des deux affaires suivantes.

Madame D______ avait été contrôlée à bord d'un bus le 7 février 2013, sans titre de transport, à la suite de quoi les C______ avaient déposé plainte pénale le 3 mai 2013. M. A______ s'était rendu le 8 mai 2013 au service juridique des C______ pour consulter le dossier et, à sa demande, l’ensemble des pièces lui avaient été envoyées au poste de police où il officiait (ci-après : le poste de police). Il s'était également adressé au coordinateur sécurité réseau des C______ (ci-après : le coordinateur sécurité réseau), qui lui avait transmis une copie des images de vidéosurveillance. Mme D______ ayant payé le 29 juillet 2013 la surtaxe que les C______ lui réclamaient, la plainte pénale avait été retirée et le dossier définitivement clôturé.

Madame E______ avait été contrôlée le 25 mars 2013. Le lendemain, le gendarme F______, dans le cadre d’une main courante et à la demande de Mme E______, avait obtenu les images de vidéosurveillance. Le 8 mai 2013, M. A______ avait demandé au coordinateur sécurité réseau de pouvoir examiner ces images, lui indiquant qu'il était désormais en charge de l'enquête policière. Le jour même, à sa demande, les images lui avaient été adressées au poste de police. Par la suite, Mme E______ s’étant acquittée du montant réclamé par les C______, son dossier avait été également clôturé.

Le 3 juin 2013, le directeur général des C______ s'était entretenu avec M. A______ et avait relevé une incompatibilité pour l'exercice de sa fonction professionnelle dans le cadre des affaires relatives aux C______. M. A______ avait appuyé cette position et avait dit qu’il en référerait à son supérieur hiérarchique. À la suite de cet entretien, il avait remis au coordinateur sécurité réseau les DVD contenant les images relatives à l'affaire de Mme E______.

8) En réponse à une question posée par la commandante par écrit du 20 septembre 2013 et relative aux raisons de son intervention dans le dossier de Mme E______, M. A______ a, par note interne du 4 octobre 2013, répondu que sa fonction d’administrateur au sein des C______ étant concernée, il n’était pas autorisé à lui fournir des informations qui devaient être traitées sous le couvert de la confidentialité.

À une seconde question de la commandante relative aux références qu’il avait faites à son métier de policier lors d’une émission télévisée, il a répondu avoir présenté une motion qu’il avait déposée en qualité de député et exposé la situation d’une manière générale, vécue en tant qu’élu politique exerçant la profession de gendarme.

9) a. Par lettre du 16 octobre 2013, la commandante a dénoncé au procureur général le fait que M. A______ avait fait valoir son statut de policier afin de procéder à la consultation des images de vidéosurveillance des C______ alors qu’un autre policier était en charge de l’enquête portant sur l’objet de ces images, à savoir un différend entre un contrôleur des C______ et Mme E______ qui s’en plaignait (ci-après : affaire des C______). Ces faits étaient susceptibles de constituer un abus d’autorité au sens de l’art. 312 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

b. Une procédure pénale, enregistrée sous n° 1______, a alors été ouverte.

10) Par pli du 18 octobre 2013, le chef du département a informé M. A______ de son intention d’ouvrir une enquête administrative sur les deux points correspondant aux questions que lui avait posées la commandante dans son écrit du 20 septembre 2013, ce sur quoi l’intéressé s’est déterminé par écriture de son conseil nouvellement constitué du 4 novembre 2013.

11) Par lettre du 15 novembre 2013, le procureur général a transmis à la commandante, avec copie au chef du DSE, le blog du 29 août 2013 de M. A______ auprès de la TDG qui reproduisait sa question écrite urgente du 26 août 2013 au Conseil d’État intitulée « L'AFFAIRE ______, - et comment la justice socialiste genevoise a le label, "justice bananière" ! » (QUE 111).

Il s’interrogeait sur la compatibilité des propos publiés par M. A______ sur son blog avec sa fonction de policier et écrivait : « (…), il m’apparaît délicat qu’un policier emploie des termes visant à ridiculiser un magistrat, qualifié à plusieurs reprise de "bébé […]". Il m’apparaît tout aussi problématique qu’il lui reproche de mentir ("qui ne dit pas la vérité sur son appartenance à une association"), respectivement d’avoir un comportement "pas très éthique". Enfin, je suis troublé par la défiance manifestée par l’intéressé à l’égard du Ministère public en général, accusé de "manque de contrôle de cette instruction", respectivement de se livrer à une "mascarade judiciaire" ».

12) Par arrêté du 26 novembre 2013, le DSE, sous la signature de son chef, a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______, visant les faits afférents à l’affaire des C______ ainsi que tous autres faits répréhensibles susceptibles d’apparaître au cours de l’enquête, cette dernière étant toutefois suspendue dans l’attente du résultat de la dénonciation adressée le 16 octobre 2013 au Ministère public.

13) a. Par lettre du 19 juin 2014 adressée au DSE, plus précisément au conseiller d’État, et reçue le 23 juin 2014, le procureur général a dénoncé le comportement de M. A______.

Au cours de l’instruction de la plainte pénale dirigée contre Monsieur G______, l’intéressé avait pris publiquement fait et cause pour celui-ci, respectivement contre la procédure conduite par le premier procureur, qu’il avait personnellement attaqué. Le procureur général avait dénoncé ce comportement auprès de la commandante.

À l’occasion du procès de M. G______ du 15 mai au 6 juin 2014, M. A______ avait récidivé, s’attaquant cette fois-ci non seulement au premier procureur, mais aussi à la présidente du Tribunal criminel. Étaient joints les blogs de l’intéressé des 3 et 8 juin 2014.

Il était parfaitement inadmissible qu’un policier, sous couvert de sa liberté de parole de citoyen, injurie deux magistrats et accuse ouvertement la justice d’être vendue à de sombres intérêts et de comploter pour faire condamner des innocents. Le conseiller d’État était invité à prendre toute mesure immédiate utile pour faire cesser les agissements de M. A______.

b. À teneur du blog du 15 mai 2014, après s’être référé à un ancien procureur général dont l’ère n’aurait « laissé des bons souvenirs que dans chez (sic) ses groupies », puis à un article de journal qu’il considérait comme « édifiant sur les méthodes mafieuses de certains pour faire condamner un innocent et ainsi régler des comptes personnels », M. A______ écrivait : « 20 ans plus tard, comme dans la saga "balasaquienne" (sic), voilà que Genève grâce au système de la justice politisée, le PS parvient à placer le fiston. (…) "junior" était prêt à tout pour couper ce cordon ombilical bien encombrant, seule voie possible vers une notoriété tant désirée et, qui sait, aux ors de la république. Pas totalement idiot, il a réalisé que (…). L’occasion tant attendue arrive dans son cabinet par le dossier G______, (…). Dans son esprit c’est le lapin blanc qu’il rêvait de pouvoir sortir de son grand chapeau. (…). Notre prestigitateur (sic) (ne devrait-on pas dire
presto-agitateur) accuse le commandant G______ (…) Ce qu’oublie surtout de signaler notre apparente blanche colombe c’est le lien étroit, voire particulier, qu’il entretient avec le plaignant, l’association […]. Ces relations, quasi incestueuses, sont-elles compatibles avec la neutralité et l’impartialité de l’accusateur public ? Ne lui demande-t-on pas de juger "sans haine ni faveur" ? Certes ces notions sont très éloignées d’un juge politisé, a fortiori s’il est du camp opposé à celui de l’accusé. Se pose donc une réelle question de fond à propos du système genevois. Comment peut-on s’assurer de la neutralité d’un juge lorsqu’on sait qu’il est parvenu là où il se trouve par le biais des arcanes partisanes ? (…) En qualité de député, donc de représentant élu par le Souverain, je me pose sincèrement la question de la légitimité de ces pseudos élections qui sont orchestrées par les coulisses et dont les dindons de la farce sont, outre les justiciables qui tombent dans un guêpier politisé, les partis minoritaires. (…) ».

Dans ce même blog du 15 mai 2014, M. A______ se moquait également de la présidente du Tribunal criminel et, dans un commentaire du lendemain lié au blog, écrivait : « De qui se moque cette présidente socialiste, comment ose-t-elle ironiser !!!! Elle oublie qu’elle occupe son poste actuel non par ses compétences mais parce qu’elle a été placée par ses amis socialistes, la seule marionnette au sein de cette farce, c’est ELLE ! Pathétique de constater au combien la justice est moche à Genève, un procureur socialiste assister (sic) par une présidente socialiste ABE Répondre ».

Dans son blog du 3 juin 2014, M. A______ tenait les propos suivants : « Une fois n’est pas coutume, nous assistons depuis un certain temps, au cœur même du palais de justice genevois à la plus grande farce, depuis l’affaire Mikhaïlov, que les camarades du "socialisme populaire" – dont l’apogée a été la période stalinienne –, nous jouent avec le plus grand sérieux. (…) Mais il est vrai que les arrangements de coulisses entre le PS et le PLR cèdent volontiers la place à la neutralité du troisième pouvoir. C’est d’ailleurs la seule explication plausible de ce plaidoyer pathétique de l’accusateur public, rejeton cherchant par la vindicte à tuer le père pour se faire un prénom, piétine le droit. C’est également la seule explication qui justifie la cohabitation entre ce populisme juridique et le défenseur habituel des patriciens qui se permet, en toute impunité, de se confondre dans cette fange. Pas la moindre preuve honnête. (…) Que dire du rôle tenu de celle qui du haut de sa tour d’ivoire, arrogante et suffisante, la pom-pom girl socialiste présidente, fondatrice du club des adorateurs du père fondateur de […]. Et pour ne pas déplaire au Maître, telle la soumise, laisse le gosse l’interrompre, lui donner des ordres et mener la séance à sa place. C’est à se demander pourquoi les autres acteurs ne réagissent pas et laisse (sic) ces mauvais joueurs, se moquer d’un innocent. (…) ».

Dans son blog du 8 juin 2014, M. A______ écrivait : « La Genève bien pensante des juges politisés à outrance ne peut que produire une justice orientée en fonction de l’origine de celles et ceux qui composent un tribunal. J’en veux pour preuve le jugement rendu récemment dans l’affaire de ________. Celui qui avait la charge de soutenir l’accusation fait partie de ces dogmatiques pour lesquels on juge d’abord sur une base d’accords politiques et on arrange les faits en fonction pour atteindre l’objectif visé. (…) Ce petit personnage en manque de reconnaissance à la victoire modeste, en public certes, mais derrière les fagots, tel le puceau qui va connaître son premier baiser, sautille de joie et fait sabrer le champagne avec papa, la pom-pom girl et ses deux acolytes. Le goût de cette victoire a bien une odeur nauséabonde, celle des caniveaux, ça pue ! Une fois de plus, la justice politique à la genevoise nous montre son vrai visage, celui de la combine politique qui n’a rien à envier à ces états voyous que la Suisse officielle combat en surface mais que ces tristes individus sanctifient pas leurs prises de position officielles au travers de jugements. La farce était trop bien posée pour ne pas enclencher la mascarade ! (…) Comme tous les supporters du
"national-socialisme" on s’en prend au lampiste qui était chargé de ramener l’ordre face à des "révolutionnaires-trafiquants en tous genres". (…) Il est consternant que Genève s’abaisse au rang d’une justice bananière. (…) Mais le plus scandaleux, au demeurant, reste le refus de ce justicier de pacotille d’auditionner les témoins de la défense. (…) La meilleure preuve que ces gens n’ont agi qu’avec la haine en tête et non l’impartialité à laquelle leur serment de juge les oblige, est (…) Il est vrai que dans ce procès, la vérité ne comptait point et n’intéressait pas cette justice asservie à des visées politiques, seul un verdict de culpabilité devait être présent. Même sans preuve s’il le fallait. (…) Cette affaire apporte une démonstration éclatante que cette justice "entre amis" est un non-sens. (…) Il est désormais de devoir de celles et ceux qui croient en une justice sans parti pris politique de lancer une initiative populaire afin de réinstaurer le jury populaire, le seul garant d’un contre poids à ces magouilles de coulisses que nous avons vues dans ce procès inique conduit et défendu par des cyniques. Ce sont eux les auteurs d’un acte odieux et de froid calcul, pas F______ ».

c. Les deux magistrats visés par ces blogs n’ont pas porté plainte contre M. A______.

14) Par arrêté du 4 mai 2015, le département, sous la signature du conseiller d’État, a inclus dans le cadre de l’enquête administrative ouverte le 26 novembre 2013 contre M. A______ les faits portés à sa connaissance le 23 juin 2014, à savoir les propos tenus dans son blog en lien avec la procédure pénale visant M. G______ (ci-après : affaire G______), ladite enquête administrative étant toutefois suspendue dans l’attente du résultat de la procédure 1______ en cours.

15) a. Le 23 juin 2015, le chef du DSE a reçu du procureur général une ordonnance pénale rendue le 10 juin 2015 dans la cause 2______suite à une plainte du Parti socialiste de B______ (ci-après : PSV), déclarant M. A______ coupable de calomnie (art. 174 ch. 1 CP), condamnant celui-ci à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende de CHF 210.- chacun, avec mise au bénéfice du sursis et délai d’épreuve pendant trois ans, et le condamnant à une amende de CHF 5'000.-, la peine privative de liberté de substitution étant de vingt jours, enfin renvoyant le PSV à agir par la voie civile s’agissant de ses éventuelles conclusions civiles.

Le 3 juillet 2014, M. A______ avait publié sur son blog hébergé par la TDG des propos contre le PSV (annexe 1 à la plainte pénale de ce parti du 11 juillet 2014) – à la suite de la présentation par ce parti du candidat H______ à sa réélection au conseil administratif de la commune (en 2015) après avoir fait usage de l’art. 40 de ses statuts soumettant à une dérogation de l’assemblée générale votée à la majorité des membres présents par bulletin secret la présentation de candidats ayant rempli la même fonction dans la commune pendant plus de douze ans consécutifs. Ces propos avaient été retirés de son blog le 8 juillet suivant à la demande dudit parti, leur contenu étant toutefois maintenu dans sa page Facebook dans une forme allégée (annexe 2 à la plainte), de la manière suivante, étant précisé que les mots en italique et entre crochets sont ceux qui figuraient dans le blog et non plus dans la page facebook :

« LE POKER MENTEUR DU PS B______

Comme l’ont fait avant lui tous les mouvements socialistes, notamment le parti national-socialiste d'Adolf, les s'cialistes (sic) de B______ s'apprêtent à entériner la demande de prolongation de mandat de leur campéone. Il serait formidable qu'ils l'acceptent, car ils prouveraient ainsi que la seule chose qu'ils savent faire ce sont des promesses, ici celle de la démocratie interne.

Permettre à un élu de braver les interdits est une façon de signifier aux membres qu'il est interdit de braver les chefs.

C'est de cette façon que fonctionnent les partis totalitaires. C'est sur cette promesse de proximité avec le peuple que le parti national socialiste a entamé sa marche vers le succès [à partir de 1929] et c'est en phagocytant le pouvoir une fois arrivés aux commandes de l'appareil qu'une poignée de dirigeants ont introduit les dérives qui ont conduit à la catastrophe [de 1939]. [Non sans préciser que ce parti et son leader étaient cités en exemple par le socialiste genevois Léon Nicole, ce qui tout (sic) sur cette longue tradition du PS genevois.]

(…)

Je saisis l’occasion de ce putsch, qui n’est soutenu que par les caciques et non par la base, pour mettre à nu les manœuvres de coulisses dont Sieur M______ est passé maître et rappeler ici qu’il n’en est pas à son coup d’essai.

(…)

On reconnaît les grands à finir en apothé(l)ose et non par des trafics d’influence [qu’ils orchestrent en se présentant en sauveur] ».

b. Il est précisé que M. A______ a, à la suite d’un communiqué de presse du PSV critiquant le contenu de son blog du 3 juillet 2014, tendu à justifier ce dernier dans un blog du 8 juillet 2014 dans la TDG intitulé « Le PS section B______, nous fait un nouvel épisode de la "La vérité si je mens" ».

c. M. A______ a formé opposition le 19 juin 2015 contre l’ordonnance pénale du 10 juin 2015.

16) Par arrêté du 26 octobre 2015 signé par le conseiller d’État, le DSE, étendant l’enquête administrative aux faits ayant donné lieu à l’ordonnance pénale précitée du 10 juin 2015 ainsi qu’à tous autres faits répréhensibles susceptibles d’être retenus ou révélés par l’enquête, a ordonné la reprise de ladite enquête et en a confié la conduite à un ancien juge de la Cour de justice, Monsieur I______ (ci-après : l’enquêteur administratif).

17) a. Dans le cadre de son mandat, l’enquêteur administratif a eu accès aux pièces de la procédure pénale 1______ portant sur l’affaire des C______, parmi lesquelles plusieurs auditions de témoins devant l’inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) et devant le procureur général, dont il ressort notamment ce qui suit.

À teneur de l’instruction de service n° 54/01 des C______ du 31 janvier 2013 intitulée « Lecture des disques de vidéosurveillance » et destinée à tout le personnel de l’entreprise, c’est-à-dire portée à la connaissance des collaborateurs des C______ notamment par voie d’affichage, les séquences conservées étaient transmises aux instances officielles moyennant une demande préalable auprès du service juridique ou du coordinateur sécurité réseau, un document écrit attestant la remise des séquences aux autorités ; sept personnes étaient autorisées à visionner les images, en premier lieu le coordinateur sécurité réseau. Ni le directeur général ni les administrateurs n’étaient mentionnés dans cette liste.

À cet égard, M. A______ a déclaré devant l’IGS qu’il ignorait l’existence de cette instruction de même que celle de l’ordonnance du Conseil fédéral sur la vidéosurveillance dans les transports publics du 4 novembre 2009
(OVid-TP - RS 742.147.2) sur laquelle elle était fondée. Le directeur général des C______ a quant à lui indiqué qu’il ne connaissait pas par cœur le cercle des personnes habilitées par ladite instruction à regarder les images de vidéosurveillance, mais savait qu’il n’était lui-même pas inclus dans cette liste et qu’il s’agissait d’un cercle très restreint.

Il y avait eu un entretien de M. A______ avec le directeur général et le responsable du management aux C______ peu avant le 8 mai 2013 au sujet de l’usage de la contrainte par les contrôleurs, lors duquel le cas de Mme E______ avait été évoqué. Le directeur général et le responsable du management ont contesté les déclarations de M. A______ selon lesquelles ils lui avaient proposé de visionner les images de vidéosurveillance concernant celle-ci, que ce soit lors dudit entretien ou à un autre moment.

Pour le directeur général, lors de ses discussions avec M. A______ et Mme E______, il était clair que celui-là agissait comme administrateur.

Le 8 mai 2013, alors que le coordinateur sécurité réseau des C______ était en train d’établir une copie du DVD concernant Mme D______ à l’intention de M. A______ en tant que policier chargé de l’enquête et à la demande de la juriste des C______ compétente pour autoriser la remise d’images aux autorités, M. A______ avait frappé à la porte de son bureau, était entré et avait discuté avec lui. Selon les déclarations de M. A______ faites devant l’IGS, il avait demandé au coordinateur sûreté des C______ de voir les images concernant Mme E______, mais celui-ci n’avait pas été en mesure de les lui faire visionner et lui avait proposé de lui en envoyer une copie au poste de police. À teneur des déclarations faites par M. A______ devant le procureur général, il avait, dans le bureau du coordinateur sécurité réseau, dit au coordinateur sûreté ce qu’il venait y faire ; ce dernier s’était tourné vers le coordinateur sécurité réseau, lequel avait alors répondu qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper et qu’il lui préparerait la bande ; M. A______ avait répondu qu’il n’avait pas besoin d’une copie de la bande parce qu’il voulait seulement la regarder. Tant devant l’IGS que devant le procureur général, le coordinateur sûreté a indiqué avoir entendu M. A______ aborder la problématique de l’usage de la contrainte par les contrôleurs, sans mention d’un cas précis ou d’un nom, et n’être resté que trois minutes dans le bureau du coordinateur sécurité réseau. Selon le coordinateur sécurité réseau, au cours de la discussion relative à l’usage de la contrainte par les contrôleurs, M. A______ avait dit « concernant l’autre affaire, celle de Mme E______, les contrôleurs avaient là aussi usé de mesures de contrainte », et poursuivi que c’était lui qui reprenait cette affaire et qu’il souhaitait obtenir les images afin de se rendre compte des faits ; dans l’esprit du coordinateur sécurité réseau, il était évident que M. A______ agissait dans ce cadre en qualité de gendarme et il était clair que, si celui-ci ne lui avait pas dit qu’il reprenait l’affaire, il ne lui aurait pas donné accès aux images de vidéosurveillance ; les deux hommes avaient convenu que le coordinateur sécurité réseau ferait livrer le jour même le DVD concernant Mme E______ à M. A______ au poste de police.

Cela avait effectivement été fait par porteur le jour même, la lettre d’accompagnement indiquant : « Comme convenu, lors de votre passage au Bachet-de-Pesay, je vous fais parvenir le DVD-rom de la bande de vidéosurveillance relative à l’événement qui s’est produit (…) en date du 25 mars 2013 à 1105 ». Selon ses déclarations, M. A______ avait découvert plusieurs jours plus tard cette bande dans sa case ; cela l’avait fait sourire car il n’avait jamais demandé que celle-ci lui soit livrée et encore moins sur son lieu de travail ; il ne l’avait pas regardée, ayant perdu entretemps son intérêt pour cette affaire ; il l’avait ultérieurement restituée au directeur général des C______. Concernant ce dernier élément de fait, le coordinateur sécurité réseau a déclaré que M. A______, après avoir vu le directeur général, était venu lui rendre le DVD en lui disant qu’il le rendait parce qu’en tant qu’administrateur, il ne pouvait pas être juge et partie.

Selon les déclarations de la juriste des C______ susmentionnée et du coordinateur sécurité réseau, ce dernier avait, après le 8 mai 2013, évoqué avec elle la remise des images de vidéosurveillance concernant Mme E______ à M. A______ et dit que celui-ci était en charge de l’enquête de police la concernant.

Après avoir contacté Mme E______ et appris d’elle qu’elle ne souhaitait pas déposer une plainte pénale mais qu’elle avait eu un contact avec M. A______ pour visionner les images du véhicule des C______, le gendarme F______ avait demandé par téléphone à celui-ci s’il reprenait l’affaire, ce à quoi l’intéressé avait répondu qu’il avait été sollicité par Mme E______ en sa qualité d’administrateur des C______ et que la « partie police » restait du ressort de M. F______.

Il ressort d’un écrit du 30 mai 2013 et des déclarations de Mme E______ que M. A______ était intervenu pour elle en sa qualité d’administrateur des C______ ; celui-ci ne lui avait jamais montré les images de vidéosurveillance ; lorsqu’elle était venue le remercier au poste de police pour son intervention une fois l’affaire réglée, il avait refusé la petite boîte de chocolat qu’elle voulait lui offrir.

b. Par ailleurs, l’enquêteur administratif a entendu le 10 décembre 2015 M. A______ et reçu trois courriers de l’avocat de celui-ci. Lors de cette audition, l’intéressé a fait part à l’enquêteur administratif de ce qui suit.

La procédure pénale 1______ sus-décrite ferait l’objet d’une prochaine décision de classement. Pour ce qui était de ses blogs dans la TDG relativement à l’affaire G______, il n’avait cité les noms des magistrats critiqués que dans le premier, n’avait pas attaqué le Ministère public en tant qu’institution et avait toujours agi en tant que député ayant le droit de juger et critiquer de manière libre les activités de l’État. S’il s’était intéressé à cette affaire, c’était parce qu’il estimait qu’il s’agissait d’une affaire à caractère politique et d’une condamnation de même nature. Si sa hiérarchie était intervenue après la diffusion du premier blog pour lui demander de modérer ses propos, il aurait obtempéré. D’une manière générale, il s’interdisait de critiquer le DSE, le conseiller d’État ainsi que ses supérieurs hiérarchiques, y compris la commandante, qui étaient ses répondants.

18) Le 15 mars 2016, l’enquêteur administratif a rendu son rapport et retenu en particulier ce qui suit.

a. S’agissant de l’affaire des C______, M. A______, dans le but d’obtenir les images de vidéosurveillance du cas de Mme E______ qu’il savait n’avoir pas le droit de visionner – que ce soit à titre d’administrateur des C______ non habilité à regarder de telles images ou comme policier non chargé de cette enquête –, avait induit en erreur le coordinateur sécurité réseau, que ce soit en lui affirmant être en charge de l’affaire ou en passant sous silence qu’il n’agissait pas à titre de policier. Il avait ainsi laissé croire à celui-ci – profitant de la similitude des situations avec l’affaire D______, traitée quelques minutes auparavant, et dans le cadre de laquelle le coordinateur sécurité réseau lui avait remis le DVD de la bande de vidéosurveillance – qu’il agissait également comme gendarme chargé de l’enquête E______. En procédant de la sorte, il n’avait pu qu’agir intentionnellement, que ce soit la forme du dol direct ou du dol simple, voire du dol éventuel.

Ce faisant, il avait contrevenu à plusieurs règles, qu’elles soient légales ou internes à la police, afférentes à sa fonction et également violé son devoir de fidélité.

Au vu de l’ensemble des circonstances, la faute commise par M. A______ apparaissait être de gravité moyenne.

b. Les termes utilisés par M. A______ sur ses blogs concernant l’affaire G______ et la cause 2______faisant suite à une plainte du PSV tombaient manifestement, y compris sous l’aspect intentionnel, sous l’une ou l’autre des dispositions du CP (art. 173 à 178) réprimant les atteintes à l’honneur.

L’intéressé était une figure du canton bien connue du grand public aussi bien en tant qu’homme politique, qu’en tant que policier et les propos avaient été diffusés sur son blog hébergé par la TDG, c’est-à-dire auprès d’un large public se situant dans la sphère géographique d’influence de l’administration à laquelle il était rattaché.

M. A______ ne pouvait pas se prévaloir de sa liberté d’expression de député, voire d’homme politique, pour s’affranchir – comme il l’avait fait – de ses devoirs de réserve et de fidélité que lui imposait sa profession de fonctionnaire de police.

Ces fautes commises par M. A______ sur ses blogs ne pouvaient qu’être qualifiées de lourdes.

c. On pouvait se poser la question si M. A______ était désormais prêt à renoncer à ses multiples « casquettes » – gendarme, député cantonal, conseiller communal et administrateur des C______ –, cause de nombreux conflits évidents d’intérêts, et à respecter ses obligations de policier et fonctionnaire. Au vu de ses déclarations faites dans le cadre de la procédure pénale et devant l’enquêteur administratif, on pouvait malheureusement en douter, malgré le timide premier pas effectué dans ce sens par l’intéressé, qui avait renoncé désormais à se servir, dans le cadre de ses activités politiques, du numéro de téléphone utilisé professionnellement et attribué par le DSE, afin, selon ses dires, d’éviter « confusion et quiproquo » à ce sujet.

19) En réponse à un courrier du 13 avril 2016 du conseiller d’État au sujet d’une plainte déposée par une personne pour abus d’autorité, M. A______ lui a transmis le 25 avril 2016 une ordonnance de classement du 3 mars 2016 d’un premier procureur.

20) Dans des observations du 6 mai 2016, M. A______ s’est déterminé sur le rapport de l’enquêteur administratif précité et a conclu à la constatation qu’il ne s’était fait l’auteur d’aucun comportement répréhensible ou manquement susceptible d’entraîner une quelconque sanction à son égard, de même qu’à la clôture immédiate de l’enquête administrative en cours.

21) Par lettre du 13 mai 2016, la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, par la signature de son vice-président et du secrétaire général du Pouvoir judiciaire, a fait part au conseiller d’État de ce qu’en qualité de député au Grand Conseil, M. A______ avait déposé quinze questions écrites urgentes entre le 14 octobre 2015 et mars 2016, portant toutes sur le fonctionnement du Ministère public et, par extension, du Pouvoir judiciaire.

L’intéressé mettait systématiquement et gratuitement en cause le fonctionnement du Ministère public, dénonçant la durée excessive des procédures, l’inefficience de la juridiction, le temps d’attente des avocats ou le mode arbitraire de désignation des avocats d’office, l’absence de règles sur les frais de justice ou encore les violations quotidiennes de leur serment par les magistrats. Il jetait sans motif objectif le discrédit sur l’ensemble des magistrats et collaborateurs du Ministère public, respectivement sur l’ensemble des autorités judiciaires, qu’il assimilait expressément à l’autorité de poursuite pénale. Les termes utilisés étaient pour le moins tendancieux et irrespectueux.

La commission de gestion du Pouvoir judiciaire avait acquis la conviction, question urgente après question urgente, que M. A______ poursuivait en outre des intérêts particuliers. En effet, le lien entre ses questions et la procédure pénale ouverte contre lui pour calomnie paraissait évident, celui-ci sollicitant notamment des statistiques portant sur les infractions contre l’honneur et s’attaquant très frontalement à la juridiction chargée d’instruire ladite procédure pénale.

Au vu de ces circonstances, M. A______ avait violé, intentionnellement et à réitérées reprises, ses devoirs de service, en particulier les devoirs de fidélité et de réserve à l’égard des autorités en général et du Ministère public en particulier.

22) Par pli du 19 mai 2016, le conseiller d’État a informé M. A______ qu’après avoir pris connaissance de ses observations consécutives au rapport d’enquête administrative et de la lettre de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016, il envisageait de proposer sa révocation au Conseil d’État. Il lui a imparti un délai de trente jours pour formuler ses observations.

23) Par ordonnance rendue aussi le 19 mai 2016 et transmise le même jour au département, le procureur général a ordonné le classement de la procédure 1______ (affaire des C______), a condamné M. A______ au paiement de la moitié des frais de procédure, soit CHF 490.-, et lui a alloué une indemnité pour ses frais de défense réduite à CHF 4'318.25.

M. A______, qui certes agissait dans son esprit en qualité d’administrateur des C______ mais n’avait pas le droit d’accéder aux images de vidéosurveillance à ce titre, n’y avait eu accès qu’en raison de la manière dont il avait présenté sa requête le 8 mai 2013 au coordinateur sécurité réseau, indiquant qu’il reprenait l’affaire. En recevant ces images, il avait obtenu un avantage illicite et son comportement réunissait sur un plan objectif les éléments constitutifs de l’abus d’autorité (art. 312 CP).

Il en allait différemment sur le plan subjectif. Dès lors qu’il entendait agir comme administrateur et qu’il en avait fait part au directeur général des C______, M. A______ n’avait pas intentionnellement induit le coordinateur sécurité réseau en erreur. Si ce dernier avait été abusé, c’était parce que l’intéressé s’était adressé à lui simultanément avec ses deux « casquettes » de gendarme et d’administrateur. En outre, les mots choisis par M. A______ étaient à l’évidence de nature à tromper le coordinateur sécurité réseau, l’expression « reprendre l’affaire » ne pouvant faire allusion qu’à sa fonction de gendarme.

Malgré le classement de la procédure en raison de l’absence du caractère intentionnel de la commission de l’infraction, M. A______ s’était comporté contrairement aux règles de la bonne foi et avait violé des normes de comportement à quatre reprises, provoquant ainsi l’ouverture de la procédure pénale : c’était en raison de son mélange des rôles (gendarme et administrateur) et de ses propos trompeurs que les faits avaient été dénoncés au conseiller d’État, à la commandante et au Ministère public, alors que si l’intéressé avait clairement fait état de sa qualité d’administrateur en sollicitant l’accès aux images de vidéosurveillance, le coordinateur sécurité réseau des C______ lui aurait opposé un refus ; lorsqu’il avait reçu le support des images à son poste de police comme lorsqu’il avait reçu l’appel de son collègue F______, il aurait dû au plus tard à ce moment prendre conscience de la confusion qu’il avait générée, restituer les images et avertir les C______ et sa hiérarchie de la situation ; en requérant et en obtenant les images de vidéosurveillance, il avait violé la réglementation interne des C______ y relative, à savoir l’instruction de service n° 54/01, alors qu’il aurait dû prendre ses précautions à cet égard et se renseigner sur son droit d’accès ; enfin, en répondant évasivement à la question posée par la commandante par écrit du 20 septembre 2013, il avait manqué la dernière occasion de s’exprimer sur cette affaire avant la dénonciation.

24) Par jugement du 20 mai 2016 dans la cause 2______faisant suite à la plainte du PSV, transmis les 24 mai et sous forme motivée le 13 juin 2016 par le procureur général à la commandante, le Tribunal de police a reconnu M. A______ coupable de calomnie (art. 174 ch. 1 CP), l’a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende au montant de CHF 210.- chacun, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans, ainsi qu’à une amende de CHF 3'500.-.

25) Par écrit du 25 mai 2016, le Conseil d’État a fait suite à la lettre du 13 mai 2016 de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire et l’a informée que, dans la mesure où les termes employés par M. A______ l’avaient été dans le cadre de sa fonction de député, il avait transmis ladite lettre au bureau du Grand Conseil et, au surplus, qu’en sa qualité d’employeur, il donnerait toute suite utile aux propos de l’intéressé.

26) Par courrier adressé le 6 juin 2016 au conseiller d’État, M. A______ a estimé que la sanction envisagée dans le pli de celui-ci du 19 mai 2016 était inacceptable, étant donné qu’il n’avait commis aucun manquement ni aucune infraction, et s’est étonné de la lettre de la commission de gestion du Pouvoir de gestion du 13 mai 2016.

Il entendait se défendre devant une délégation du Conseil d’État.

27) En date du 14 juillet 2016, M. A______ a été auditionné par le conseiller d’État, en présence de son avocat et de la secrétaire générale adjointe du DSE.

S’agissant de l’affaire des C______, le coordinateur sécurité réseau, s’il avait fait son travail dans l’idée que l’intéressé était policier, aurait dû faire remplir à celui-ci le formulaire ad hoc.

À l’époque de la rédaction de ses blogs concernant l’affaire G______, M. A______ était dans une situation personnelle difficile, étant en procédure de divorce et ayant des problèmes de santé. Il avait toujours réagi avec sa « casquette » d’homme politique. Il regrettait ce qui avait été dit et aurait été prêt à formuler des excuses si cela lui avait été demandé, en particulier si le courrier du procureur général lui avait été adressé rapidement. Il ne supportait pas l’injustice et, dans cette affaire, l’injustice était manifeste.

Pour ce qui était des propos tenus dans son blog à l’égard du PSV, il avait formé appel contre le jugement du Tribunal de police, en soulevant les griefs nouveaux suivants : il avait été condamné en raison d’un blog, introuvable, qu’il n’avait pas rédigé ; les propos figurant réellement dans son blog n’étaient pas identiques à ceux qui ressortaient de la procédure pénale ; il n’y avait pas eu d’instruction dans cette affaire.

Dans ces trois affaires, M. A______ n’avait jamais agi comme policier. À son avis, le devoir de réserve ne s’appliquait pas lorsqu’il agissait en qualité de député, mais lorsque c’était en tant que gendarme. Les juges étaient ses partenaires, non ses supérieurs hiérarchiques.

28) Par écrit du 22 juillet 2016, soit dans le délai que lui avait imparti le conseiller d’État pour émettre ses observations, M. A______ a persisté dans ses conclusions et la teneur de son écriture du 6 mai 2016, relevant en outre ne pas avoir reçu de réponse à la suite de son interrogation concernant l’intervention de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016.

29) Le 28 juillet 2016, M. A______, assisté de son conseil, a été, à sa demande, auditionné par une délégation du Conseil d’État composée de trois membres autres que le chef du DSE.

Il connaissait très bien M. G______, ainsi que sa famille. Il avait émotionnellement été très touché par ce procès, selon lui politique, et choqué par la manière dont M. G______ avait été mal traité, et il regrettait la violence de ses écrits. N’ayant pas eu l’occasion de rencontrer les deux magistrats visés par ses blogs, il ne leur avait pas formulé d’excuses, mais il était disposé à le faire.

À la fin de l’audition, l’avocat de l’intéressé a attiré l’attention de la délégation sur la lettre du 13 mai 2016 de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, ayant demandé au chef du DSE à quel titre celle-ci intervenait.

30) Par courrier du 19 août 2016, le chef du département a fait part à M. A______ qu’en tant que conseiller d’État chargé du DSE, il ne lui appartenait pas de se déterminer sur son interrogation relative à l’intervention de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016.

31) Par arrêté du Conseil d’État du 31 août 2016 déclaré exécutoire nonobstant recours, M. A______ a été dégradé en tant que sous-brigadier, fonction située en classe 15, annuité 18 – alors qu’il percevait actuellement un traitement correspondant à une classe 16, annuité 14 –, pour une période de quatre ans.

Il avait gravement enfreint ses devoirs de service par les actes qui suivent.

Le 8 mai 2013, il s’était adressé au coordinateur de la sécurité du réseau des C______ en lui faisant croire, de manière à le tromper, à tout le moins par négligence, qu’il était chargé de l’enquête policière dans une affaire concernant Mme E______ – alors qu’il ne pouvait s’y intéresser qu’en sa qualité d’administrateur des C______ –, afin d’obtenir un extrait de la vidéosurveillance de ces derniers. Il avait contrevenu à ses devoirs de service et sa faute devait être considérée comme de gravité moyenne.

Au printemps 2014, concernant une procédure pénale diligentée contre M. G______, il avait tenu dans son blog, à l’égard de magistrats, des propos « extrêmement choquants tant par leur violence que par leur caractère méprisant et rabaissant » et clairement attentatoires à l’honneur. Le fait qu’il « [reconnaissait] des maladresses dans ses écrits » (observations du 6 mai 2016) démontrait à quel point il n’avait aucune conscience de la gravité des termes employés.

Les termes que M. A______ avait employés le 3 juillet 2014 dans son blog à l’égard du PSV étaient de nature à discréditer les membres de ce parti et porter atteinte à leur honneur, et étaient inacceptables, incompatibles avec les valeurs qu’il devait protéger en sa qualité de policier et préjudiciables aux intérêts de l’État, en tant qu’ils nuisaient à son image, l’intéressé étant l’un de ses représentants.

Par les quinze questions écrites urgentes portant sur le fonctionnement du Ministère public, respectivement du Pouvoir judiciaire qu’il avait déposées en sa qualité de député au Grand Conseil entre le 14 octobre 2015 et le mois de mars 2016, il avait discrédité gravement le Pouvoir judiciaire et les magistrats qui le composaient.

32) Par acte déposé le 30 septembre 2016 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cet arrêté, concluant, « avec suite de frais et dépens », à la restitution immédiate de l’effet suspensif et à la mise en œuvre de mesures d’instruction, principalement à l’annulation de la décision querellée et, cela fait, à la constatation qu’il n’avait commis aucun manquement dans ses fonctions de policier, notamment pas ceux reprochés dans les arrêtés du DSE des 26 novembre 2013, 4 mai et 26 octobre 2015 (concernant l’ouverture de l’enquête administrative et l’élargissement de son champ d’investigation) ni ceux en lien avec le courrier de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016, à la constatation qu’il avait agi en conformité avec les règles en vigueur, notamment celles internes à la police, subsidiairement à l’annulation de l’arrêté attaqué et, cela fait, au renvoi de la cause au Conseil d’État afin que celui-ci rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Relativement à l’intervention de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire concernant les questions écrites urgentes, il a sollicité l’audition des deux signataires de la lettre de celle-ci du 13 mai 2016 ainsi que du chef du DSE.

Sous l’angle notamment de l’effet suspensif, si le caractère exécutoire de l’arrêté nonobstant recours devait être confirmé, il risquait de ne plus pouvoir suivre sa formation – déjà entamée – de cadre supérieur (accession au poste de commissaire de police), ce qui était extrêmement choquant et dommageable.

Sur le fond, il n’avait commis ni faute, ni manquement dans le cadre de sa profession. Sa dégradation était une sanction de nature politique.

33) Dans ses observations sur effet suspensif du 19 octobre 2016, le Conseil d’État, soit pour lui le DSE, a conclu à l’irrecevabilité – faute de préjudice irréparable démontré –, subsidiairement au rejet de la demande de restitution dudit effet.

34) Par écriture complémentaire du 18 novembre 2016 en réponse à des questions du juge délégué de la chambre administrative du 11 novembre 2016, le Conseil d’État a fourni des précisions au sujet des changements de grade avec le passage de l'ancienne loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol - F 1 05) à la nouvelle loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05) et au nouveau règlement sur l'organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), ainsi que des effets desdits changements sur la situation de M. A______.

S’agissant des nouveaux grades, qui deviendraient effectifs d’ici le 31 décembre 2016 (art. 23 al. 1 ROPol), les sergents deviendraient sergents-chefs, après une période de deux ans et pour autant que leurs évaluations de prestations soient bonnes.

Si la situation de l’intéressé n’était pas bloquée par l’exécution de l’arrêté querellé, celui-ci pourrait continuer son évolution professionnelle et notamment être promu à un grade supérieur, à savoir celui de brigadier-chef de poste ou maréchal, avant que la chambre administrative, voire le Tribunal fédéral, ne statuent sur le fond.

En annexe était produite une liste, non encore définitive, des grades anciens avec leur concordance par rapport aux nouveaux grades.

35) Par courrier du 22 novembre 2016, M. A______ a informé la chambre administrative avoir appris ce jour avec stupéfaction que son grade avait subrepticement été modifié par le DSE dans l’Intrapol, après qu’il avait fait l’objet de très nombreuses railleries de la part de tous ses collègues.

36) Par réponse au fond du 28 novembre 2016, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

37) Par écriture du 1er décembre 2016, M. A______ a contesté les conclusions de l’écrit complémentaire du DSE du 18 novembre 2016.

Plus grave encore que les railleries de ses collègues, la presse, par un article de journal paru la veille, s’était fait l’écho de sa dégradation, « une sanction symbolique rare, considérée comme un déshonneur dans la profession » à teneur dudit article.

38) Par écriture du 1er décembre 2016, le Conseil d’État s’est déterminé sur l’écrit de M. A______ du 22 novembre 2016.

Le 4 novembre 2016, le Grand Conseil avait adressé au Conseil d’État deux questions urgentes écrites par M. A______ concernant le Ministère public.

39) Par arrêt du 7 décembre 2016, transmis pour information à la chambre administrative, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice
(ci-après : la chambre pénale d’appel et de révision) a rejeté l’appel formé par M. A______ dans la procédure 2______faisant suite à la plainte du PSV.

Il était établi que M. A______ était l’auteur du texte du blog figurant à l’annexe 1 de la plainte pénale du PSV. Il ne pouvait sérieusement penser que ce ce parti souscrivait aux thèses soutenues par le parti national-socialiste, qu’il fonctionnait comme ce dernier et que l’arrivée au pouvoir d’un candidat élu sous cette bannière politique « [conduirait] à la catastrophe de 1939 », sous-entendu à l'une des guerres mondiales durant laquelle il était notoire qu’avaient été perpétrées parmi les pires atrocités qu’avait connues l’histoire contemporaine. À titre superfétatoire, le texte de l’annexe 2 contenait aussi tous les éléments constitutifs de l’infraction de calomnie.

La faute de M. A______ n'était pas anodine dès lors qu'il s'en était pris à l'honneur du PSV de manière purement égoïste, profitant de ce qu'il croyait être une fraude pour dénigrer allègrement son principal adversaire politique au-delà de ce qui était admissible, même en période électorale. La collaboration de l’intéressé à la procédure était mauvaise dans la mesure où il n’avait cessé de fuir ses responsabilités, jusqu’à plaider, au stade de l’appel, que son identité avait en réalité été usurpée. Sa prise de conscience était timide, son changement de ligne de défense laissant à penser qu’il avait compris qu’il avait atteint une limite de la liberté d’expression. Les maigres regrets exprimés étaient contrebalancés par la persévérance de l’intéressé à minimiser le sens et la portée de ses propos.

40) Par décision du 22 décembre 2016, la présidence de la chambre administrative a refusé la restitution de l’effet suspensif au recours de M. A______ formé contre l’arrêté du Conseil d’État du 31 août 2016 et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

41) Le 7 mars 2017, une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue devant le juge délégué.

a. Concernant l’affaire des C______, M. A______ a déclaré qu’il ne savait pas qu’un administrateur n’avait pas le droit de visionner des images de vidéosurveillance. C’était le directeur général des C______ qui lui avait suggéré de le faire. Le règlement l’interdisant avait été adopté au mois de janvier de la même année (2013). Auparavant, les C______ avaient montré aux administrateurs dans le cadre de leur mandat, dont l’intéressé, des images de vidéosurveillance.

Pour ce qui était des propos qu’il avait tenus à l’égard de deux magistrats du Pouvoir judiciaire en lien avec l’affaire G______, M. A______ reconnaissait qu’ils étaient durs et extrêmement maladroits. Il n’aurait jamais dû écrire ces textes. C’était la seule fois qu’il s’était prononcé, même en tant que député, sur un procès pénal concernant une tierce personne, en dehors des affaires qui le concernaient personnellement, ce en vingt-trois ans de carrière. Il n’y avait eu aucune discussion à ce sujet avec ces deux magistrats, qu’il croisait de temps en temps.

S’agissant du PSV, il avait formé recours au Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision du 7 décembre 2016. Il n’avait pas rédigé le texte de l’annexe 1 de la plainte pénale du PSV, mais le texte de l’annexe 2. C’était ce dernier texte qui se trouvait encore sur son blog à la TDG, sous archives, inaccessible au public. La chambre pénale d’appel et de révision ne l’avait pas cru. Il avait des regrets par rapport à ce texte, car il n’avait jamais voulu comparer le PSV au régime nazi et à ses atrocités, mais ce texte se référait au seul aspect politique, en ce sens qu’il voulait dénoncer l’opacité des méthodes de désignations à l’intérieur de ce parti. Cette dénonciation s’était avérée erronée, puisqu’il y avait eu une assemblée générale, ce qu’il ne savait pas au moment où il avait rédigé son texte.

b. La secrétaire générale adjointe du DSE, représentant le Conseil d’État, a confirmé les reproches de celui-ci contre M. A______ concernant ses questions écrites urgentes relatives au Pouvoir judiciaire. L’intéressé a alors maintenu sa demande d’entendre les membres de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire qui avaient signé la lettre du 13 mai 2016 ainsi que le conseiller d’État.

Selon les déclarations de M. A______, à réception de la lettre de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016 que lui avait transmise le Conseil d’État le 25 mai 2016, le bureau du Grand Conseil n’avait rien fait contre lui. Il n’avait en particulier pas ouvert de procédure, ni n’avait émis de grief ou de remarque concernant ces questions urgentes. L’intéressé n’avait pas reçu de nouvelles de sa part. Un député pouvait poser toutes les questions qu’il voulait.

c. M. A______ s’est, relativement aux félicitations et remerciements de ses supérieurs à son égard, dit surpris que seules deux félicitations – en 2005 et 2008 à la suite de deux arrestations d’auteurs d’infractions – aient été retrouvées selon les observations du Conseil d’État du 28 novembre 2016, alors qu’il avait accompli un très grand nombre d’arrestations entre 1993 et 2005 et qu’il y avait toujours des félicitations à ces occasions.

La représentante du Conseil d’État a expliqué que, sauf erreur, les félicitations plus anciennes que deux ans avaient été supprimées des fichiers, pour tous les collaborateurs.

d. Depuis 2005, M. A______ était gendarme, enquêteur de police de proximité, y compris en matière administrative (contact avec d’autres polices cantonales, avec le Ministère public et avec diverses autorités administratives cantonales). Lorsqu’il y avait une présentation de la police de proximité dans son secteur, à savoir celui autour de son poste, pour des jeunes intéressés par la police, son maréchal chef de poste lui demandait en général de faire la présentation du service.

42) Par écriture du 26 avril 2017 le Conseil d’État a formulé ses observations après comparution personnelle.

43) Le 10 mai 2017, M. A______ en a fait de même, sollicitant en outre l’audition en qualité de témoins du lieutenant J______ et de Messieurs K______ et L______, respectivement président et ancien président de l’Union du personnel du corps de police du canton de Genève (ci-après : UPCP) – dont il était membre du comité –, censés démontrer qu’il était un gendarme compétent et digne de confiance.

Les faits qui lui étaient reprochés dans l’affaire G______ étaient prescrits au plan disciplinaire.

Était produit un courrier de M. K______ du 9 avril 2017 – auquel était annexé un tableau des nouveaux grades ainsi qu’un tableau de concordance entre les anciens grades et les nouveaux, entrés en vigueur le 1er avril 2017 – ainsi que du 10 mai 2017.

44) Sur requête de M. A______, les parties ont, le 4 juillet 2017, plaidé devant le plenum de la chambre administrative.

45) Par lettre du 5 juillet 2017, le juge délégué n’a pas donné une suite favorable à la demande du Conseil d’État formulée la veille et tendant à la fixation d’un délai pour pouvoir répondre à des arguments nouveaux de M. A______, dans la mesure où il avait eu la possibilité de le faire lors de l’audience de plaidoiries. Il a en outre fait part aux parties que la cause était gardée à juger.

46) La presse, notamment dans la TDG du 20 décembre 2017, a fait état d’une confirmation par le Tribunal fédéral de la condamnation de M. A______ pour calomnie contre le PSV (arrêt 3______du 12 décembre 2017).

47) Pour le reste, les arguments des parties, de même que certains faits, seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le recourant, en tant que policier, était soumis à l’aLPol et l’est, depuis le 1er mai 2016, à la LPol et au ROpol, lequel a abrogé l’ancien règlement d’application de la loi sur la police du 25 juin 2008 (aRPol - F 1 05. 01).

b. En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2011, n. 403 ss). Toutefois, en matière de sanction disciplinaire, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4 ; ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 consid. 11 et les références citées). La LPol ne contenant pas de dispositions transitoires traitant de la question, la décision litigieuse sera donc examinée au regard des dispositions de l’aLPol et de le l’aRPol, à moins que la LPol ne soit plus favorable (ATA/1052/2017 précité consid. 4).

c. Que ce soit en application de l’art. 18 al. 1 LPol ou de l’art. 26 aLPol, le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses dispositions d’application, en particulier le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol, respectivement aLPol. En vertu de l’art. 18 al. 2 LPol, il est, de même, soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait B 5 15), et à ses dispositions d’application (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 3).

d. Par ailleurs, l’intéressé, dont la fonction implique une responsabilité d’encadrement du personnel, est soumis au règlement sur les cadres intermédiaires de l'administration cantonale du 23 septembre 1981 (RCIAC - B 5 05.06), conformément à l’art. 2 al. 2 de ce règlement.

3) Le recourant, gendarme, auparavant brigadier-chef de groupe (premier grade des sous-officiers), a, par l’arrêté du Conseil d’État du 31 août 2016, été dégradé au grade de sous-brigadier (plus haut grade des collaborateurs), et il a perdu une classe de traitement. Vu le refus de restitution de l’effet suspensif, cette dégradation est devenue exécutoire avant l’entrée en vigueur des nouveaux grades. Ainsi, dans le cadre de l’art. 5 ROPol, dont les grades sont en tout état de cause entrés en vigueur le 1er avril 2017, le recourant est désormais caporal, grade correspondant à l’ancien grade de sous-brigadier.

Certes, conformément aux explications – non contestées – formulées le 18 novembre 2016 par le Conseil d’État, si l’arrêté querellé n’avait pas été prononcé ou si l’effet suspensif avait été restitué au recours, il aurait été possible que le recourant soit, dès le 1er avril 2017 à tout le moins, sergent-chef au lieu d’être sergent (dans les deux cas sous-officier 1), vu son ancienneté de plus de deux ans (1er avril 2012) au grade de brigadier-chef de groupe ; une telle promotion aurait probablement dépendu de l’appréciation de ses chefs de service, conformément à la directive de service « Promotion à un grade
supérieur – principes applicables » (ci-après : DS ADPERS.06). Toutefois, la dégradation étant devenue exécutoire avant le passage des anciens grades aux nouveaux, l’intéressé a le grade de caporal (policier 2), correspondant à celui, ancien, de sous-brigadier.

Dans ces conditions, il n’y a pas place pour une éventuelle application du nouveau droit en tant que lex mitior (au sujet de celle-ci, ATA/1052/2017 précité consid. 4) et l’argumentation du recourant reprenant la prise de position du président de l’UPCP, formulée dans un courrier du 9 avril 2017, à teneur de laquelle l’intéressé serait passé du grade de sergent-chef à celui de sergent et qui repose sur l’hypothèse qu’il n’aurait pas été dégradé, n’est en tout état de cause pas applicable à celui-ci. La sanction litigieuse ne constitue pas, contrairement à ce que fait valoir le recourant, une « double dégradation ».

En définitive, c’est bien sur la dégradation du recourant d’un grade, soit du grade de brigadier-chef de groupe à celui de sous-brigadier, que porte le présent litige.

4) a. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. – RS 101), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

b. En l’occurrence, il n’y a pas lieu à procéder aux auditions, en qualité de témoins, des signataires de la lettre de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, du conseiller d’État, de même que de l’actuel président de l’UPCP et de l’ancien, enfin du supérieur direct du recourant.

En effet, les résultats de telles mesures d’instruction seraient, comme exposé plus bas, sans pertinence pour l’issue du litige. En outre, le dossier est complet.

5) a. En vertu de l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions disciplinaires énumérées dans ledit alinéa.

Aux termes de l’art. 36 al. 1 LPol – qui correspond en substance à l’art. 36 al. 1 aLPol –, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : a) le blâme ; b) les services hors tour ; c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée – alors que l’art. 36 al. 1 aLPol ne mentionnait aucune limite de temps – ; e) la révocation.

L’art. 18 al. 2 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07) précise que la dégradation au sens de l’art. 36 al. 1 let. d de la loi peut être prononcée pour une période allant de un à quatre ans.

L’art. 36 al. 2 LPol et l’art. 36 al. 4 aLPol prescrivent notamment que la dégradation entraîne une diminution de traitement, les dispositions en matière de prévoyance demeurant réservées.

b. Avant le 1er mai 2016, la compétence pour prononcer la dégradation relevait du Conseil d’État (art. 36 al. 3 aLPol), cette compétence appartenant désormais au chef du département (art. 37 al. 2 1ère phr. LPol).

6) a. Selon l’art. 37 al. 2 aLPol – qui n’est en tout état de cause pas moins favorable au recourant que l’art. 38 LPol –, sauf les cas de crime ou de délit, la réduction du traitement pour une durée déterminée, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat ; les résultats de l'enquête et la sanction proposée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles.

b. Le recourant fait valoir qu’en l’absence d’enquête administrative portant sur les questions écrites urgentes qu’il avait déposées à l’endroit du Conseil d’État en sa qualité de député du Grand Conseil, des reproches y afférents ne pouvaient pas être invoqués à l’appui de sa dégradation par son employeur. Ce dernier rétorque qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne l’empêchait de tenir compte de manquements intervenus postérieurement à l’instruction d’une enquête administrative, sans formellement les inclure dans celle-ci.

En vertu de l’art. 37 al. 2 aLPol, la dégradation ne peut être prononcée sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée. La question se pose ainsi de savoir si les faits nouveaux reprochés à l’intéressé, consistant en ses questions écrites urgentes, ne nécessitaient pas, au regard notamment de leur caractère établi, un complément d’enquête administrative.

En outre, la lettre de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016 a été transmise par le Conseil d’État au bureau du Grand Conseil, mais celui-ci n’a, selon les allégations non contestées de l’intéressé, pas infligé de sanction disciplinaire à ce dernier. À cet égard, en vertu de l’art. 32B al. 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01), si un député enfreint le règlement, ne se conforme pas à une injonction du bureau ou viole son secret de fonction, le bureau peut, sans préjudice des sanctions plus sévères prévues par le droit fédéral ou cantonal : a) lui infliger un blâme ; b) l’exclure pour six mois au plus des commissions dont il est membre.

Enfin, selon les propos tenus par la représentante du Conseil d’État lors de l’audience de plaidoiries, même si le reproche afférent au contenu des questions écrites urgentes était écarté, les trois autres manquements seraient suffisants pour justifier la sanction querellée.

Au regard des considérants qui suivent, la question de savoir si l’intimé était fondé à sanctionner disciplinairement le recourant pour ces faits pourra souffrir de demeurer indécise. Partant, l’audition des deux signataires de la lettre de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire du 13 mai 2016 ainsi que du chef du DSE est en tout état de cause inutile.

7) a. Une éventuelle prescription de la responsabilité disciplinaire doit en tout état être constatée d’office par l’autorité en droit public (ATF 73 I 129, cité par Pierre MOOR, in Les actes administratifs et leur contrôle, vol II, 2002, ch. 1.3.1 p. 87 ; ATA/450/2011 du 26 juillet 2011 consid. 5).

Conformément à l’art. 37 al. 6 aLPol – plus favorable au recourant que l’art. 36 al. 3 LPol et donc en tout état de cause seul applicable (ATA/1052/2017 précité consid. 5a) –, la responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation ; la prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative.

b. Les travaux préparatoires relatifs aux modifications de la LPAC (PL 9'904), entrées en vigueur le 31 mai 2007, ayant également entraîné plusieurs modifications de l’aLPol, en introduisant dès cette même date, entre autres l’art. 37 al. 6 aLPol, dont le contenu est identique à celui de l’art. 27 al. 7 LPAC (ATA/215/2017 du 21 février 2017 consid. 11 ; ATA/680/2009 du 22 décembre 2009 consid. 5).

Ces travaux préparatoires (MGC 2006-2007/VI A – 4524) reflètent notamment deux soucis du législateur, à savoir, d'une part, le maintien d'une prescription relative (un an) et absolue (cinq ans) « de manière à contraindre l'employeur à prendre des mesures dans un délai relativement bref après la découverte de la violation des devoirs de service, pour éviter de laisser le fonctionnaire concerné dans l'incertitude », et, d'autre part, la suspension de la prescription pendant l'enquête administrative pour garantir « dans tous les cas la possibilité pour l'État de sévir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui » (ATA/680/2009 précité consid. 9).

c. Concernant le dies a quo du délai de prescription, l’art. 37 al. 6 aLPol ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant « découverte » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l’ATA/652/2015 du 23 juin 2015).

La chambre de céans a déjà jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l’art. 37 al. 6 aLPol faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police – la commandante – (ATA/1052/2017 précité consid. 5b, et les arrêts cités ; ATA/215/2017 précité consid. 11c), compétente pour prononcer ces deux peines disciplinaires (art. 36 al. 2 aLPol). Or, pour une dégradation comme pour une révocation, c’est le Conseil d’État qui est seul compétent (art. 36 al. 3 2ème phr. aLPol). Dans un arrêt concernant une fonctionnaire non soumise à l’aLPol mais à la seule LPAC, la chambre administrative a jugé que c'était au moment où le Conseil d’État, en tant qu'autorité disciplinaire ayant le pouvoir de prononcer la révocation litigieuse (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC) – comme du reste pour le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (art. 16 al. 1 let. c ch. 4 LPAC) qui a pour pendant dans l’aLPol la dégradation –, avait eu connaissance de la violation des devoirs de service de la recourante qu'il avait pu décider de la suite à donner au dossier et, par conséquent, que le délai de prescription avait commencé à courir (ATA/215/2017 précité consid. 11, auquel s’est en outre référé l’ATA/1295/2017 du 19 septembre 2017 afférent à un fonctionnaire soumis à la LPol). Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 précité consid. 2.5).

La question de l’éventuelle application de l’ATA/215/2017 précité au dies a quo dans le cas de la révocation ou de la dégradation d’un policier peut souffrir de demeurer indécise (dans ce sens ATA/1052/2017 précité consid. 5).

d. À teneur des travaux préparatoires précités, si l'employeur suspend l'enquête administrative en attendant le résultat, par exemple, d'une enquête pénale, la prescription cesse de courir, ce qui garantit dans tous les cas la possibilité pour l'État de sévir (MGC 2006-2007/VI A – 4524 ; ATA/215/2017 précité consid. 11b ; ATA/27/2012 du 17 janvier 2012 consid. 4). Le délai de prescription de l'art. 27 al. 7 LPAC et, partant, de l’art. 37 al. 6 aLPol ne peut être suspendu que pendant la durée de l'enquête administrative, toute autre suspension pour un autre motif que celui expressément énoncé par la loi, par exemple une procédure pénale, étant exclue. L'enquête administrative se clôture par la remise du rapport d'enquête et non à la date voulue par l’autorité disciplinaire (ATA/215/2017 précité consid. 15).

e. En l’espèce, l’enquête administrative ouverte par l’arrêté du 26 novembre 2013 rendu par le chef du DSE en application de l’art. 37 al. 2 aLPol, portant sur l’affaire des C______ ainsi que sur tous autres faits répréhensibles susceptibles d’apparaître au cours de l’enquête, a été suspendue par le même arrêté dans l’attente du résultat de la dénonciation adressée le 16 octobre 2013 au Ministère public, qui concernait l’affaire des C______. Par arrêté du 4 mai 2015, le département, par son chef, a inclus dans le cadre de l’enquête administrative ouverte le 26 novembre 2013 les faits portés à sa connaissance le 23 juin 2014, à savoir les propos tenus par l’intéressé dans son blog en lien avec la procédure pénale visant M. G______, ladite enquête demeurant toutefois suspendue dans l’attente du résultat de la procédure pénale 1______ afférente à l’affaire des C______. Par arrêté du 26 octobre 2015, le DSE, par le conseiller d’État, étendant l’enquête administrative aux faits ayant donné lieu à l’ordonnance pénale prononcée le 10 juin 2015 par le procureur général dans l’affaire du PSV ainsi qu’à tous autres faits répréhensibles susceptibles d’être retenus ou révélés par l’enquête, a ordonné la reprise de ladite enquête et en a confié la conduite à l’enquêteur administratif.

Il ressort de ces faits que l’enquête administrative a, dans l’attente du résultat de l’enquête pénale concernant l’affaire des C______, été suspendue entre son ouverture le 26 novembre 2013 et sa reprise le 26 octobre 2015. La prescription disciplinaire a en tout état de cause été suspendue pendant la même période.

Entre cette reprise de l’enquête administrative le 26 octobre 2015 et la remise du rapport de l’enquêteur administratif le 15 mars 2016, la prescription disciplinaire a continué à être suspendue.

Or, le conseiller d’État a été mis au courant des agissements du recourant dans le cadre de l’affaire des C______ au mois d’août 2013. Les blogs dans le cadre des affaires G______ et du PSV ont, quant à eux, été publiés entre le 15 mai et le 8 juillet 2014, alors que l’enquête administrative était en tout état de cause suspendue, ce pour tous faits répréhensibles susceptibles d’apparaître au cours de celle-ci en plus de l’affaire des C______, donc y compris pour les blogs présentement en cause.

L’arrêté querellé prononcé le 31 août 2016 par le Conseil d’État a ainsi, compte tenu de la suspension de la prescription disciplinaire du 26 septembre 2013 au 15 mars 2016, été rendu dans un délai d’un peu moins de dix mois s’agissant de l’affaire des C______ et d’environ cinq mois et demi concernant les affaires G______ et du PSV.

f. Il s’ensuit que la responsabilité disciplinaire de l’intéressé tant pour les blogs que concernant l’affaire des C______ n’est pas prescrite.

8) a. Le droit disciplinaire se rattache au droit administratif, car la mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à la préservation de la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (ATF 142 II 259 consid. 4.4 ; 108 Ia 230 consid. 2b et 5b = JdT 1984 I 21 ; arrêt du Tribunal fédéral 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 1.1 ; ATA/729/2016 du 30 août 2016 consid. 8a ; ATA/1255/2015 du 24 novembre 2015 consid. 7b ; ATA/632/2014 du 19 août 2014 consid. 14 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ] 1998, p. 1ss, spéc. 10 s. n. 10 ss).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1228).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/729/2016 précité consid. 8b ; ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 5e ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., p. 29 n. 55, p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., p. 28 n. 50).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/987/2016 du 22 novembre 2016 consid. 5e ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/987/2016 précité consid. 5e ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/888/2015 du 1er septembre 2015 consid. 7b).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1052/2017 précité consid. 6c ; ATA/118/2016 précité consid. 3a).

c. Comme précédemment mentionné, le recourant est soumis à l’aLPol et à son règlement d’application. Il est également soumis, non seulement à la LPAC et au RPAC, mais aussi au code de déontologie de la police genevoise du 1er août 1997, mis à jour le 1er janvier 2013 et appelé aussi OS DERS I 1.01
(ci-après : code de déontologie), à l’ordre de service (ci-après : OS) 1 A 1c relatif au comportement des policiers et à l’OS 1 A 1 relatif à la discipline (ATA/1052/2017 précité consid. 6b).

Au terme de l’art. 6 aRPol, les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

En vertu de l’art. 20 RPAC, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. À teneur de l’art. 21 RPAC, ils se doivent, par leur attitude, d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b), de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c). Conformément à l’art. 22 al. 1 RPAC, ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence.

Le code de déontologie vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. Selon son art. 1, la police est le bras armé de l'État. Aux termes de l’art. 3 § 1 – repris dans sa substance dans l’art. 1 al. 2 LPol –, en qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens, et, à teneur du § 8, la disponibilité et la courtoisie caractérisent tout policier.

L’OS 1 A 1c relatif au comportement des policiers prévoit que les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté, non seulement dans l’exercice de leurs fonctions, mais aussi dans leur vie privée (art. 1) ; par ailleurs, lorsque les fonctionnaires de police interviennent en dehors de leur service, ils doivent le faire en conformité avec tous les ordres de service (art. 3).

Selon l’art. 20 let. h de l’OS 1 A 1 relatif à la discipline, sont notamment des fautes de discipline la mauvaise conduite en ou hors service, la participation à des rixes, l’ivresse en service ou non.

Dans un arrêt relativement récent, la Haute Cour a rappelé qu’un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014 consid. 5.5). Le comportement extra-professionnel d’un fonctionnaire peut également être retenu comme un élément pertinent au plan disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.6)

d. Selon la jurisprudence et la doctrine, le devoir de réserve peut être décrit comme la retenue que doit s’imposer l’agent public dans l’exercice de certains de ses droits fondamentaux – au travail comme en dehors de celui-ci – en raison de son statut ou de son activité au service de l’État (ACST/11/2016 du 10 novembre 2016 consid. 7c ; ATA/1264/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 ; ATA/714/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3a ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, Le devoir de réserve des fonctionnaires - Spécialement sous l’angle du droit genevois, in PJA 2008 p. 810 ss, spéc. p. 811).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fonctionnaire jouit aussi de la protection de la liberté d'expression. Il peut en particulier exercer une activité politique et s'adonner en public ou en privé à la critique politique. Mais il doit cependant s'imposer certaines limites que commande sa situation spéciale (ATF 108 Ia 172 consid. 4b/aa = JdT 1984 I 258 ; 101 Ia 172 consid. 6 = JdT 1977 I 162). Le devoir de réserve comprend notamment une possible restriction de la liberté d’expression, celle-ci pouvant être limitée si l’exécution de la tâche ou le maintien de la confiance du public dans l’administration l’exigent (ATF 120 Ia 203 consid. 3a = JdT 1996 I 622 ; Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 822).

La pesée entre l'intérêt privé de l'agent public qui s'est exprimé ou souhaite le faire, et l'intérêt public à la discrétion dudit agent (proportionnalité) s'effectue en fonction d'un certain nombre de critères (Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 823). S’agissant du critère de la personne qui s’exprime, les exigences quant au comportement d'un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires ; sous peine de mettre en péril l'autorité de l'État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre publics (dans le canton de Genève, cf. art. 1 al. 3 let. a LPol) et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 2P.273/2000 du 11 avril 2001 consid. 3b/bb ; ACST/11/2016 précité consid. 7c). Sous l’angle du critère du contexte dans lequel le fonctionnaire s’exprime, le fait que, dans son discours ou son écrit, celui-ci indique parler ès qualités, ou au contraire exclusivement en son nom propre, est susceptible de mitiger la contrariété au devoir de réserve, dans la mesure où le public visé peut ainsi davantage faire la part des choses et se rendre compte que le point de vue qu'il lit ou entend n'est pas forcément celui de l'État ; en outre, plus le public visé – par exemple dans un blog informatique – est large, et plus il se situe dans la sphère géographique d'influence de l'administration à laquelle est rattaché le fonctionnaire, plus le manquement au devoir de réserve peut être important (Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 824). Concernant le critère du contenu de l’expression, certains comportements liés à l'expression de la personne peuvent entamer son crédit (et donc, indirectement, celui de l'État) auprès des administrés ; de plus, sont inadmissibles toutes les expressions constitutives d'une infraction réprimée par les lois pénales, telles que, notamment, les atteintes à l'honneur au sens des art. 173 à 177 CP (Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 826). Enfin, la forme de l'expression constitue un dernier critère pour juger de la conformité d'un discours ou d'un écrit au devoir de réserve des agents publics ; dans certains cas, le même contenu peut ainsi passer pour admissible ou non selon qu'il sera présenté avec subtilité, respect de l'autre, ou avec les précautions oratoires qui s'imposent, ou au contraire conçu comme une diatribe ou un pamphlet méprisant voire injurieux (Jean-Marc VERNIORY/Fabien WAELTI, op. cit., p. 827).

e. À teneur de la directive départementale sur le devoir de réserve dans l'usage des réseaux sociaux émise par le DSE, entrée en vigueur le 12 octobre 2012 et mise à jour le 11 décembre 2013 (ci-après : la directive), dans le chapitre 3 « rappels sur le devoir de réserve » (p. 5), le devoir de réserve est une composante du devoir de fidélité du collaborateur, et appelle les précisions qui suivent. Au titre de règle générale, le collaborateur doit s'abstenir, dans le cadre de sa fonction mais également dans le cadre privé, de tout propos ou acte qui peut porter préjudice à l'État et doit prendre soin de s'exprimer avec le tact et la bienséance requis. Par ailleurs, tout collaborateur doit, en tant que représentant de l'État, inspirer la confiance du citoyen envers l'État et ses institutions et s'efforcer de véhiculer fidèlement ses valeurs ; dans ce cadre, toute déclaration qui porte atteinte à la dignité de l'État ou qui peut entamer son crédit est proscrite, par exemple des propos attentatoires à l’honneur. Le devoir de réserve impose au collaborateur de respecter sa hiérarchie et de lui obéir ; de la même manière, le collaborateur s'abstiendra de critiquer, de quelque manière que ce soit, les décisions politiques, administratives ou judiciaires prises ; il doit, en particulier, s'abstenir de faire état de ses opinions personnelles sur des questions relatives à son activité ou d'avoir des comportements incompatibles avec la dignité, l'impartialité ou la probité. Les rapports avec les administrés et partenaires doivent être empreints de respect, de disponibilité et de courtoisie, et doivent refléter la neutralité et l'impartialité. L'exercice d'une activité politique est possible au collaborateur, et elle est une composante de la liberté d'expression ; elle trouve toutefois sa limite lorsqu'elle est préjudiciable à l'exercice de la charge du collaborateur, notamment au regard des devoirs généraux de sa fonction. Le devoir de réserve est apprécié selon les responsabilités assumées par le collaborateur et sa place dans la hiérarchie ; plus celle-ci est élevée, plus l'obligation de réserve est stricte ; les fonctions de membre du corps de police et celle d'agent de détention, notamment, constituent une incarnation de la puissance publique ; les exigences relatives au comportement de celles et ceux qui les assument en sont accrues. Le devoir de réserve s'applique non seulement au personnel en service mais aussi hors service, dans la mesure où il a des effets négatifs sur la fonction exercée, en particulier sur la réputation et la crédibilité de l'administration. Dans le chapitre 5 « inobservations » (p. 6), l’attention du personnel est explicitement attirée sur le fait que toute inobservation des dispositions contenues dans la directive est susceptible d’entraîner des suites administratives, disciplinaires ou pénales.

9) Dans le cas présent, il convient d’examiner chacun des trois reproches retenus à l’encontre du recourant par le Conseil d’État à l’appui de son arrêté querellé, celui afférent aux questions écrites urgentes ne nécessitant pas d’être traité comme énoncé plus haut.

a. Pour ce qui est de l’affaire des C______, il n’y a aucun motif de s’écarter des conclusions de l’enquêteur administratif et du procureur général, qui sont motivées de manière circonstanciée et concordantes pour l’essentiel, ne différant en réalité que sur l’élément constitutif subjectif de l’infraction d’abus d’autorité reprochée à l’intéressé.

Il peut être admis que le recourant a, dans le cadre de sa demande d’accès au DVD de vidéosurveillance relatif au différend entre Mme E______ et des contrôleurs des C______, agi en sa qualité d’administrateur de ceux-ci. Même s’il est possible qu’il ne connaissait alors pas l’existence des règles, notamment l’instruction de service n° 54/01 ne permettant pas la transmission de telles données aux administrateurs, il n’en demeure pas moins qu’il a, le 8 mai 2013, dit au coordinateur sécurité réseau des C______ qu’il reprenait l’affaire afférente à Mme E______ ou n’a à tout le moins pas précisé – comme il lui incombait de le faire vu le contexte et sa « double casquette » d’administrateur des C______ et de gendarme – qu’il agissait en qualité d’administrateur, profitant de la similitude de la situation avec celle de Mme D______ et conduisant le coordinateur sécurité réseau à croire qu’il prenait la suite du gendarme F______ dans l’enquête policière ; il doit notamment être retenu que, s’il n’avait pas entendu que l’intéressé reprenait l’affaire, le coordinateur sécurité réseau aurait compris qu’il agissait en tant qu’administrateur et non comme policier chargé de l’enquête.

La divergence résultant du fait que le coordinateur sécurité réseau a déclaré devant l’IGS que c’était le recourant qui lui avait demandé de lui envoyer le DVD au poste de police alors qu’il a indiqué devant le procureur général qu’il avait
lui-même dit à l’intéressé qu’il lui enverrait le DVD audit poste ne porte que sur un point de détail, et n’est pas de nature à remettre en cause la crédibilité des déclarations du coordinateur sécurité réseau. Le recourant est malvenu de faire un reproche, dans son recours, au coordinateur sécurité réseau de ne pas avoir respecté l’instruction de service n° 54/01 en n’exigeant pas qu’il remplisse le formulaire de demande d’images puis qu’il signe un document attestant la remise du DVD ; en effet, c’est à la suite de la confusion des rôles (administrateur et gendarme) créée par l’intéressé que le coordinateur sécurité réseau lui a remis le DVD, et le recourant n’a pas relevé cette informalité lorsqu’il a reçu ce support au poste de police, ni n’a réagi.

S’il n’est pas établi que le recourant a agi le 8 mai 2013 avec l’intention d’induire le coordinateur sécurité réseau en erreur, il n’en demeure pas moins qu’il a créé une confusion sur la fonction – administrateur des C______ ou gendarme – en vertu de laquelle il s’adressait à lui, confusion dont il ne pouvait que se rendre compte vu notamment qu’il venait de se voir remettre un DVD concernant la cause de Mme D______ et qu’il n’a pas tenté de résorber en retournant ce support immédiatement au coordinateur sécurité réseau après l’avoir reçu au poste de police, ni même lorsqu’il a reçu l’appel de son collègue F______.

Au regard de ce qui précède, même si l’élément intentionnel fait défaut pour que l’abus d’autorité soit retenu, l’intéressé n’a en tout état de cause pas agi selon les règles de la bonne foi, ni, partant, avec un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne et des biens (art. 3 § 1 du code de déontologie), ni avec honneur, tact et honnêteté, y compris hors de son service de policier (art. 1 de l’OS 1 A 1c), et a contrevenu à l’art. 20 RPAC.

b. Dans ses blogs publiés dans la TDG des 15 mai, 3 et 8 juin 2014, le recourant a en substance reproché au premier procureur et à la présidente du Tribunal criminel d’agir, dans le procès de M. G______ et d’une manière générale, comme des magistrats politisés placés à leurs fonctions respectives par leurs amis politiques et « arrangeants » les faits pour atteindre une issue du procès décidée à l’avance, en l’occurrence la condamnation d’une personne selon lui innocente, sans impartialité mais avec haine, et en utilisant si besoin des méthodes mafieuses. De plus, dans ces accusations contre le premier procureur et la présidente du Tribunal criminel, l’intéressé a utilisé des termes incontestablement irrespectueux, insultants et dégradants, par exemple « pas totalement idiot » pour le premier et « arrogante et suffisante, la pom-pom girl socialiste présidente » pour la seconde. Ces blogs n’ont pas fait l’objet de plaintes pénales des deux magistrats visés.

Le fait que le recourant soit autorisé à exercer un mandat de député tout en étant policier ne le dispensait nullement du respect de son devoir de réserve et, si besoin, d’une limitation de l’exercice plein et entier de sa liberté d’expression. Les critiques, sur la manière dont était mené le procès pénal de M. G______, même vigoureuses, ne nécessitaient aucunement les attaques dont il a fait usage contre la probité professionnelle et morale des deux magistrats visés, même formulées en tant qu’homme politique, de sorte que son grief de discrimination ou d’inégalité de traitement par rapport aux députés qui ne sont pas fonctionnaires et policiers est sans objet. Ces attaques étaient gratuites et d’une très grande gravité, puisqu’elles tendaient à rendre méprisables aux yeux des lecteurs ces deux magistrats. Elles étaient d’autant plus graves qu’elles visaient, d’une part, un magistrat du Ministère public, qui est une autorité de poursuite pénale
(art. 12 let. b du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 -
CPP - RS 312.0) comme la police (art. 12 let. a CPP), à la surveillance et aux instructions duquel cette dernière est soumise (art. 15 al. 2 CPP), d’autre part, la présidente d’un tribunal au sens de l’art. 13 CPP.

En définitive, quand bien même il se présentait dans les blogs en tant que député et sans aucune mention de sa profession de gendarme, le recourant a violé les art. 20, 21 let. b et c ainsi que 22 RPAC, l’art. 3 § 1 du code déontologie, l’art. 1 de l’OS 1 A 1c, l’art. 20 let. h de l’OS 1 A 1 et la directive, laquelle proscrit toute déclaration qui porte atteinte à la dignité de l'État ou qui peut entamer son crédit ainsi que toute critique des décisions politiques, administratives ou judiciaires prises.

c. Par ailleurs, le recourant a été condamné par le procureur général, puis par le Tribunal de police et, sur appel, par la chambre pénale d’appel et de révision, à une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour calomnie (art. 174 ch. 1 CP), sur plainte du PSV, en raison du contenu de son blog du 3 juillet 2014. Il est notoire que le recours que l’intéressé a formé contre l’arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision du 7 décembre 2016 a été rejeté récemment par le Tribunal fédéral (arrêt 3______du 12 décembre 2017). Dans cet arrêt, et quand bien même la réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée et que, dans la discussion politique, l'atteinte à l'honneur punissable ne doit être admise qu'avec retenue et, en cas de doute, niée (consid. 3.1), la Haute Cour a retenu notamment qu’il n'était pas insoutenable de retenir, comme l'a fait la chambre pénale d’appel et de révision, qu'il devait apparaître évident au recourant, en tant que policier et politicien expérimenté, que des propos assimilant l'intimé aux partis totalitaires, notamment le parti national-socialiste, étaient attentatoires à l'honneur, peu importe la qualification juridique exacte (calomnie, diffamation ou injure ; consid. 4.2).

Le contenu de ce blog était en tout état de cause inadmissible, en tant qu’il était constitutif d’une atteinte à l’honneur du PSV réprimée par l’art. 174 ch. 1 CP, incompatible avec le comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens que l’on peut attendre en tout temps et en tout lieu d’un policier, et préjudiciable à sa charge de policier et au respect dont doit bénéficier l’État auprès de ses administrés. Au demeurant, vu sa condamnation pénale, confirmée par le Tribunal fédéral, le comportement de l’intéressé n’était pas admissible même en tant qu’homme politique, député, conseiller municipal et candidat au conseil administratif de la commune.

Le recourant, bien que n’ayant pas fait allusion à sa fonction de policier, a ainsi violé les art. 20, 21 let. b et c ainsi que 22 RPAC, l’art. 3 § 1 du code déontologie, l’art. 1 de l’OS 1 A 1c, l’art. 20 let. h de l’OS 1 A 1 et la directive, laquelle prévoit entre autres que l’exercice d’une activité politique par un policier trouve sa limite lorsqu'elle est préjudiciable à l'exercice de la charge du collaborateur, notamment au regard des devoirs généraux de sa fonction.

d. Selon un grief de l’intéressé évoqué lors de l’audience de comparution personnelle des parties et développé dans son écriture du 10 mai 2017, le fait que ce soit le commandant de la gendarmerie qui serait venu lui remettre, sur son lieu de travail, le vendredi soir 18 octobre 2013, la lettre du conseiller d’État datée du même jour est contraire à l’usage constant dans la gendarmerie selon lequel ce serait le subalterne qui se déplacerait et non le supérieur. À teneur du courrier adressé le 10 mai 2017 par le président de l’UPCP au recourant, la procédure usuelle en cas de signification de l’ouverture d’une procédure disciplinaire est la convocation du membre du personnel au service de l’état-major.

On ne voit pas en quoi la manière dont le commandant de gendarmerie a notifié à l’intéressé la lettre du chef du DSE le 18 octobre 2013 aurait constitué un quelconque vice de forme ou serait pertinente, étant relevé qu’il ne s’en est plaint que tard dans la présente procédure.

D’une manière générale, les considérants qui précèdent conduisent à retenir que la sanction querellée repose sur des fondements objectifs et pertinents, conformes à la loi et ne dépendant d’aucune considération politique.

e. Sous l’angle du principe de la proportionnalité, concernant l’affaire des C______, à la décharge du recourant, celui-ci n’a pas agi dans son propre intérêt mais dans celui d’une utilisatrice des C______, n’a pas cherché à nuire à autrui, et il a rendu le DVD au coordinateur sécurité réseau à la première demande du directeur général. Comme l’ont considéré l’enquêteur administratif puis l’intimé, sa faute dans cette affaire doit être qualifiée de gravité moyenne, suffisante pour fonder une sanction disciplinaire.

Dans ses blogs afférents à l’affaire G______, le recourant n’a apparemment pas agi dans son intérêt personnel, et, à l’époque où il a rédigé ces blogs, il se trouvait à une période difficile de sa vie au plan personnel et il était émotionnellement particulièrement touché par le procès pénal visant M. G______, qu’il connaissait bien. Il a en outre, devant la délégation du Conseil d’État et devant le juge délégué, regretté la violence de ses écrits. Ces circonstances atténuent légèrement la gravité de sa faute. Le recourant ne semble toutefois pas avoir procédé à une remise en cause profonde de son attitude et il n’a pas pris l’initiative de s’excuser auprès des deux magistrats qu’il a attaqués dans ses blogs.

S’agissant de l’affaire du PSV, son blog visant ce parti a été rédigé dans le contexte de futures élections communales. Les regrets que l’intéressé a exprimés lors de l’audience devant le juge délégué atténuent légèrement la gravité de sa faute.

Néanmoins, les blogs publiés dans le cadre de ces deux affaires constituent, vu la violence des attaques qui y sont contenues, des fautes particulièrement graves, d’autant plus au vu de ses antécédents ainsi que de l’écrit que lui a adressé la commandante le 16 mai 2013, lui rappelant les règles de la bienséance que sa profession de policier exigeait également hors service, nonobstant la liberté d’expression attachée à l’exercice de ses droits politiques.

Le travail de l’intéressé a été jugé par sa hiérarchie positivement sur la majorité des points dans les EEDP. Quoi qu’il en soit, la qualité de son travail, de même que le nombre et la nature des félicitations qu’il a reçues de ses supérieurs ne font pas l’objet de contestations de la part de l’intimé. C’est pourquoi l’audition, en qualité de témoins, du lieutenant J______ et des présidents, respectivement ancien président de l’UPCP n’est pas nécessaire.

Certes, la dégradation litigieuse est de nature à entraver ou freiner l’avancement souhaité par le recourant. En outre, cette sanction est ressentie comme humiliante par l’intéressé, qui a fait état de moqueries de la part de collègues. Enfin, son traitement a été diminué d’une classe.

Ces conséquences, certes préjudiciables à l’intérêt du recourant, ne sauraient toutefois conduire à considérer la dégradation comme disproportionnée, vu notamment la grande gravité des manquements, ce d’autant moins que cette sanction est d’une durée limitée à quatre ans.

f. Vu ce qui précède, en prononçant la dégradation de l’intéressé pour quatre ans, avec diminution d’une classe de traitement, le Conseil d’État n’a pas abusé ou mésusé de son pouvoir, de sorte que l’arrêté querellé est conforme au droit.

10) Le recours sera rejeté.

11) Vu l’issue du litige et compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment des audiences de comparution personnelle des parties et de plaidoiries, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2016 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 31 août 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 2’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc-Alec Bruttin, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mme Galeazzi, MM. Pagan et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :