Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/718/2017

ATA/260/2017 du 03.03.2017 ( AIDSO ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/718/2017-AIDSO ATA/260/2017

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 mars 2017

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Emmanuel Hoffmann, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______ est né le ______ 1959 au Burkina Faso, pays dont il est originaire et qu’il a quitté en 1979 pour la Suisse, où il est titulaire d’un permis d’établissement depuis 1994.

2. M. A______ est domicilié à la route de B______ 1______ à Thônex et a exercé en dernier lieu la profession d’ingénieur en informatique.

3. À compter du 1er juillet 2003, M. A______ a été mis au bénéfice des prestations d’aide financière délivrées par l’Hospice général (ci-après : l’hospice).

4. En février 2015, l’hospice a procédé à une enquête au sujet de M. A______, au terme de laquelle il est apparu que ce dernier était détenteur d’un véhicule de type Mercedes-Benz GLA 200, année 2014 (ci-après : le véhicule), d’une valeur d’achat par un garagiste d’environ CHF 20'730.- et immatriculé à son nom le 5 août 2014.

5. Par décision du 8 mai 2015, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l’hospice a mis un terme à l’aide financière accordée à M. A______ dès le 1er mai 2015.

L’enquête menée à l’encontre de M. A______ avait révélé que le montant de sa fortune dépassait la limite admise par la loi, fixée à CHF 4'000.-, dès lors qu’il était détenteur d’un véhicule dont la valeur marchande était évaluée à CHF 20'730.-. Bien qu’ayant affirmé que le véhicule ne lui appartenait pas, il en était le détenteur et n’avait pu justifier de la provenance de l’argent ayant permis le paiement de l’assurance et de l’impôt de la voiture. Il avait ainsi failli à son devoir de collaboration après avoir été averti des conséquences de ce manquement.

6. Le 9 juin 2015, M. A______ a formé opposition contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement à son annulation.

7. Par décision du 1er juillet 2015, l’hospice a rejeté l’opposition de M. A______ et confirmé la décision du 8 mai 2015, la demande de restitution de l’effet suspensif étant devenue sans objet.

8. Par acte du 23 juillet 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et à ce que le versement de l’arriéré de l’aide sociale depuis le 1er avril 2015 soit ordonné et, principalement, à l'annulation de la décision attaquée, à ce qu’il soit dit que l’aide sociale n’était pas interrompue et qu’il pouvait en bénéficier à nouveau dès le 1er avril 2015 et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

9. Par décision du 13 août 2015, la présidence de la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, constaté en tant que de besoin que le recours avait effet suspensif et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

10. Par arrêt du 18 octobre 2016 (ATA/878/2016), la chambre administrative a rejeté le recours.

Bien que M. A______ alléguât que la voiture appartient à son cousin, il n’avait corroboré ses explications par aucun élément probant. Il n’avait en particulier produit aucun document attestant que tel était le cas, comme un contrat conclu avec lui ou une inscription dans le permis de circulation du véhicule sous le « code 178 ».

Il n'avait de plus jamais été en mesure d’établir la provenance des fonds ayant servi au financement du véhicule ni au paiement des impôts et de l’assurance de la voiture, malgré les demandes répétées de l’hospice.

Les explications de M. A______, selon lesquelles le véhicule était destiné à l’exportation, n'étaient par ailleurs pas crédibles pour n’être corroborées par aucun élément du dossier. Le témoin qui s’était occupé de toutes les formalités relatives à la vente du véhicule avait formellement déclaré que les clients n’avaient pas formulé une telle demande, puisqu’il n’avait pas établi la formule correspondante ni fait appel à un transitaire. La facture indiquait également les options du véhicule choisies par les clients, qui n’apparaissaient que peu compatibles avec son utilisation alléguée au Burkina Faso, comme le choix de pneus d’hiver en lieu et place de pneus d’été ainsi qu’une boîte de vitesses et un train de roulement sport et des jantes en alliage.

11. Le 18 novembre 2016, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt précité.

12. Par arrêt du 16 janvier 2017 (8C_764/2016), le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable, M. A______ n'ayant pas versé l'avance de frais demandée.

13. Le 30 janvier 2017, le conseil de M. A______ a écrit à l'hospice. M. A______ n'avait ni le droit ni le pouvoir juridique de vendre le véhicule qu'il utilisait car il ne lui appartenait pas.

Dès lors, soit il déposait les plaques d'immatriculation et présenterait une attestation de restitution du véhicule à son propriétaire, soit l'hospice tenait compte de la valeur « Argus » du véhicule, dont devaient être ôtés CHF 4'000.- de fortune admissible ainsi que CHF 3'500.- par mois pendant lesquels il n'avait pas perçu de prestations sociales, soit bientôt cinq mois.

L'hospice était prié de rendre une décision formelle sur la base de cette proposition, avec mention des voies de recours utiles et dans un délai des plus brefs.

14. Par courrier du 1er février 2017 non encore au dossier, l'hospice a répondu sans rendre de décision désignée comme telle.

15. Le 14 février 2017, le conseil de M. A______ a écrit à nouveau à l'hospice. Il n'avait pas obtenu le prononcé d'une décision, si bien qu'il priait l'hospice d'en rendre une à très bref délai, sans quoi le déni de justice serait plaidé.

16. Par acte posté le 1er mars 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative pour déni de justice, concluant principalement à la reprise des prestations d'assistance par l'hospice avec effet au 1er février 2017 et à l'octroi d'une indemnité de procédure, subsidiairement à l'annulation de la décision querellée (sic) et au renvoi de la cause à l'hospice pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. La conclusion principale devait en outre être, préalablement accordée à titre « superprovisionnel et avant audition des parties ».

L'urgence était donnée vu sa situation qui devenait dramatique ; il était en passe de perdre son logement faute de paiement du loyer.

Sur le fond, le déni de justice était caractérisé, l'hospice ayant été interpellé plusieurs fois et n'ayant jamais rendu de décision formelle au sujet de la reprise des prestations d'assistance.

Il y avait inégalité de traitement à ne pas reconnaître ses revendications, dans la mesure où il devait être traité de la même façon qu'une personne qui serait dans le même cas et aurait vendu le véhicule litigieux et en aurait épuisé le prix de vente pour son entretien. Étaient également plaidés la bonne foi de l'administration, l'inopportunité de la position de l'hospice et l'arbitraire de celle-ci.

17. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1. Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010).

2. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Par ailleurs, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

3. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

4. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Le prononcé de telles mesures ne saurait, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265 ; Cléa BOUCHAT, l’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 21 n. 50).

5. a. Une décision déclarée immédiatement exécutoire par l’autorité fait courir le risque de rendre totalement illusoire la protection juridique que devraient offrir les voies de droit à celui qui veut la contester (Cléa BOUCHAT, op. cit. p. 299 n. 797) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

6. a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 135 I 6 ; 134 I 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3).

b. En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/609/2016 du 12 juillet 2016 consid. 2). En effet, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (art. 69 al. 4 LPA).

7. La procédure administrative genevoise ne connaît pas en tant que telle l'institution des mesures superprovisionnelles. Des mesures provisionnelles très rapides sont en revanche possibles si l'urgence le commande, au vu de la formulation large de l'art. 21 LPA.

8. Le présent recours concerne une absence de décision. Les conclusions principales du recours paraissent dès lors, prima facie, irrecevables, et les conclusions subsidiaires devraient, pour être recevables, être comprises comme tendant uniquement au prononcé d'une décision à bref délai.

Dans cette mesure, la conclusion du recourant tendant à l'octroi, à titre provisionnel, de prestations d'assistance, reviendrait non seulement à lui accorder à titre provisoire ce qu'il demande sur le fond, mais encore à aller au-delà, ce qui signifierait que s'il était fait droit à la demande de mesures provisionnelles, la chambre de céans rendrait une décision allant au-delà des compétences qui sont les siennes sur le fond, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder en l’espèce à une pesée des intérêts en présence (ATA/790/2015 du 31 juillet 2015 consid. 6 et les arrêts cités).

À titre superfétatoire, il convient de noter que la première proposition alternative contenue dans le courrier du recourant du 30 janvier 2017 ne nécessitait pas, ou du moins pas immédiatement, le prononcé d'une décision formelle de l'hospice, et aurait probablement pu débloquer la situation du recourant, tandis que la seconde proposition contenue dans ledit courrier, sur laquelle le recourant fonde le raisonnement juridique de son acte de recours, apparaît prima facie peu compatible avec l'art. 1 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), un élément de fortune tel qu'un véhicule pouvant difficilement perdre chaque mois une valeur de CHF 3'500.-, et la fortune ne pouvant à l'évidence pas s'évaluer en fonction de sommes qui n'ont pas été reçues.

9. Vu ce qui précède, la demande de mesures provisionnelles sera rejetée, sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'acte d'instruction à son sujet (art. 72 LPA par analogie), et le sort des frais réservé jusqu'à droit jugé sur l'ensemble de la cause.

Vu le recours interjeté le 1er mars 2017 par Monsieur A______ pour déni de justice contre le refus de statuer de l'Hospice général ;

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Emmanuel Hoffmann, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :