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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1603/2014

ATA/796/2014 du 14.10.2014 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.11.2014, rendu le 31.08.2015, SANS OBJET, 2C_1060/2014
Descripteurs : DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION ; REFUS DE STATUER ; DÉCISION FORMATRICE ; DÉCISION EN CONSTATATION DE DROIT ; DÉCISION(ART. 5 PA) ; CALCUL DU DÉLAI ; PARTIE À LA PROCÉDURE ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; RÈGLEMENT D'ENTREPRISE ; AUTORITÉ CANTONALE
Normes : Cst.5.al3 ; Cst.29.al1 ; Cst.49.al1 ; Cst.190 ; LPA.4.al4 ; LPA.4A ; LPA.62.al1.leta ; LPA.62.al6 ; LPA.69.al4 ; LTr.5 ; LTr.37 ; LTr.38 ; LTr.39 ; LTr.50 ; LTr.51 ; LTr.58 ; LIRT.1 ; LIRT.4.al3 ; OLT 1.68.al2
Résumé : Une entreprise active dans le secteur du commerce a modifié son règlement interne en y adjoignant un article concernant « les faits répréhensibles ». A teneur de ce nouvel article, les collaborateurs de l'entreprise étaient invités à signaler à leur hiérarchie ou une autre instance interne compétente les faits répréhensibles dont ils avaient connaissance. L'entreprise a soumis ce nouvel article à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT). Un syndicat a fait valoir auprès de l'OCIRT son droit d'accès à la procédure d'agrément de ce nouvel article. L'OCIRT lui a indiqué que le syndicat n'avait la qualité de partie qu'en matière contentieuse mais pas, comme en l'espèce, dans le cadre de la procédure non contentieuse préalable. En outre, dans la mesure où le nouvel article du règlement était conforme au droit fédéral, l'OCIRT estimait ne pas devoir rendre une décision. Un syndicat a recouru auprès de la chambre administrative. L'OCIRT avait commis un déni de justice et la qualité de partie devait lui être reconnue. Après avoir constaté que ce recours était recevable et que le système sciemment mis en place par le législateur fédéral consacrait indirectement une inégalité de traitement entre associations de travailleurs et d'employeurs, la chambre administrative l'a rejeté. L'OCIRT n'avait pas l'obligation de rendre une décision, la modification du règlement interne de l'entreprise ne contenant rien de contraire à la loi fédérale sur le travail. La question de la qualité de partie du syndicat est restée ouverte.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1603/2014-EXPLOI ATA/796/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 octobre 2014

 

dans la cause

 

SYNDICAT A______
représenté par Me Christian Bruchez, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

et

SOCIÉTÉ B_____

 



EN FAIT

1) La société B______ (ci-après : B______) est une société commerciale enregistrée au registre du commerce de Genève depuis le 22 août 1945. Elle a pour but social de « mettre à la disposition de ses membres et de la population en général des marchandises et des services de qualité à des conditions avantageuses, ainsi que des prestations culturelles ; promouvoir les idéaux et intérêts d'ordre économique, social et culturel de ses membres et de la population en général ». À fin 2013, elle employait environ ______ collaborateurs.

2) Le syndicat A______ (ci-après : le syndicat ou A______) est une association ayant son siège à Berne. Son but statutaire principal consiste à défendre et encourager les intérêts des travailleuses et travailleurs dans les domaines sociaux, économiques, politiques, professionnels et culturels.

3) B______ dispose d'un règlement interne unique pour toute l'entreprise depuis 2006. Le 14 novembre 2013, le bureau de direction de B______ a décidé de modifier le règlement interne de l'entreprise en lui adjoignant, dans sa prochaine édition, un article concernant les « faits répréhensibles ».

4) Le 16 décembre 2013, Monsieur C______, directeur des ressources humaines (ci-après : RH) de B______, a envoyé un courriel à Monsieur D______, inspecteur du travail à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

Il lui soumettait le projet de nouvel article du règlement interne, que B______ voulait mettre en application dès le 1er janvier 2014, en lui demandant s'il lui était possible de lui communiquer un avis à son sujet.

5) Le même jour, M. D______ a répondu à l'intéressé, lui aussi par courriel, qu'il n'avait pas d'observation majeure à formuler concernant le projet, mais qu'il conviendrait à son sens d'ajouter que l'entreprise n'accordait aucune suite aux dénonciations anonymes.

6) Le 17 décembre 2013, Monsieur E______, secrétaire syndical chez A______, s'est adressé par courriel à Madame F______, directrice générale de l'OCIRT.

Selon ses informations, B______ avait modifié son règlement d'entreprise, et avait donc dû soumettre cette modification à l'OCIRT. Le syndicat faisait valoir son droit d'accès à cette procédure d'agrément selon l'art. 58 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11), et remerciait par avance l'OCIRT de mettre à sa disposition la demande de modification de B______ et ses motivations, ainsi que l'éventuelle décision de l'OCIRT.

7) Le nouvel art. 14 du règlement interne de B______ est entré en vigueur le 1er janvier 2014 et a été diffusé dès après cette date aux employés. Sa teneur est la suivante :

« 14. Faits répréhensibles

Dans le cadre de leur obligation de fidélité, les collaborateurs signalent prioritairement à leur hiérarchie, ou à toute autre instance interne compétente (RH, Commission du personnel, ), les faits répréhensibles tels que dysfonctionnement grave, violation du règlement, dont ils ont connaissance. Ce faisant, ils s'abstiennent de faire usage de procédés anonymes d'information et ne font preuve ni de mauvaise foi, ni de volonté de nuire.

L'entreprise protège les collaborateurs qui signalent de bonne foi des faits répréhensibles contre toute mesure de représailles ».

8) Le 6 janvier 2014, le syndicat a envoyé un deuxième courriel – allant dans le même sens que le premier – à Mme F______.

9) Le 22 janvier 2014, le syndicat a écrit à l'OCIRT. Son premier courriel était resté sans réponse. Le 15 janvier 2014, M. D______ avait laissé un message vocal à M. E______, lui indiquant que l'OCIRT avait été consulté par B______ et n'avait pas rendu de décision formelle, si bien que le syndicat ne pouvait se prévaloir du droit de participation prévu à l'art. 58 LTr.

Le syndicat était désormais en possession de la nouvelle version du règlement interne. L'art. 14 de celui-ci, qui ne permettait pas de s'abstenir de dénoncer des faits répréhensibles – y compris des violations bénignes du règlement interne –, poussait les collaborateurs à la surveillance de leurs collègues et à la délation, alors que l'art. 26 de l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail, du 18 août 1993 (OLT 3 - RS 822.113), interdisait tout système de surveillance des travailleurs.

Le syndicat était en droit d'avoir accès à la procédure. B______ était en effet une entreprise comportant des bâtiments de type industriel, et était donc tenue, selon l'art. 37 al. 1 LTr, d'avoir un règlement d'entreprise. Le contenu de ce dernier devait, selon l'art. 38 LTr, respecter le droit impératif ainsi que les conventions collectives de travail (ci-après : CCT). L'entreprise devait soumettre préalablement le règlement d'entreprise à l'autorité cantonale compétente, en vertu de l'art. 39 LTr.

Le fait que B______ ait porté à la connaissance du personnel le nouveau règlement d'entreprise témoignait soit de l'approbation du règlement par l'OCIRT, soit d'une violation par l'entreprise de la LTr. Vu la valeur normative du règlement interne, son approbation par l'OCIRT valait décision, et permettait au syndicat d'exercer les droits de participation que lui ménageait l'art. 58 LTr.

L'OCIRT devait notifier par écrit au syndicat sa « décision/approbation » relatif au règlement interne de B______.

10) Le 29 janvier 2014, B______, ayant reçu le courrier du syndicat du 22 janvier 2014, s'est adressée à l'OCIRT.

Le nouvel art. 14 du règlement interne avait trait à l'obligation de signaler prioritairement en interne à toute instance compétente, de s'abstenir de faire usage de procédés anonymes et de ne faire preuve ni de mauvaise foi ni de volonté de nuire. Cette articulation était du reste celle retenue par le législateur fédéral dans son projet de nouvel art. 321abis de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

Par ailleurs, jusqu'à preuve du contraire, B______ n'était pas une entreprise industrielle, mais une grande entreprise du commerce de détail au sens de l'art. 2 de l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 1 – RS 822.111). Elle n'avait en particulier pas fait l'objet d'une décision d'assujettissement au sens de l'art. 5 LTr pour d'éventuelles parties de l'entreprise. Elle n'était dès lors pas assujettie aux art. 37 à 39 LTr, et estimait être en règle du point de vue de cette loi.

11) Le 4 février 2014, l'OCIRT a répondu au syndicat.

Les décisions étaient rendues en bout de processus de mise en conformité, lorsque l'OCIRT constatait des infractions à la législation sur le travail au sein d'une entreprise. Dans un premier temps, l'OCIRT sollicitait de l'entreprise concernée la mise en place de mesures afin de se conformer à la loi. Si elle ne le faisait pas, un avertissement était prononcé. En cas de non-respect des injonctions contenues dans cet avertissement, une décision administrative était finalement rendue sur la base de l'art. 51 LTr, avec indication des voies et délai de recours. Seule cette décision était susceptible de recours tant par l'entreprise que par les associations d'employeurs ou de travailleurs intéressés.

B______ n'était pas une entreprise industrielle au sens de la LTr, si bien que son règlement d'entreprise n'était pas soumis à l'approbation de l'OCIRT. Si l'entreprise comprenait effectivement certaines installations de nature industrielle, celles-ci n'en représentaient qu'une part minime, qui n'avait pas pour effet de catégoriser B______ en tant qu'entreprise industrielle.

L'office n'ayant pas rendu de décision, l'art. 58 LTr n'était pas applicable.

Sur le fond, il était certes exact qu'un règlement d'entreprise devait respecter le droit impératif. Cela étant, l'article en cause n'induisait nullement une obligation de dénonciation de la part des collaborateurs, et ne représentait dès lors pas une atteinte à la personnalité de ceux-ci.

12) Le 12 février 2014, le syndicat a répondu à l'OCIRT.

Dès lors que le règlement concernait des employés travaillant dans des bâtiments industriels, il devait faire l'objet d'une approbation par l'autorité compétente.

Après avoir précisé qu'il ne partageait pas l'analyse de l'administration sur la conformité du règlement au droit impératif, le syndicat a demandé à obtenir une décision formelle motivée au sujet de l'approbation du règlement interne, l'absence de possibilité pour lui de faire valoir son droit de recours en cas d'approbation d'un règlement interne étant constitutif d'un « déni de droit ».

13) Le 21 février 2014, l'OCIRT a répondu au syndicat que le droit de recours basé sur l'art. 58 LTr ne s'appliquait pas en l'absence de décision. Le fait que l'OCIRT n'ait pas rendu de décision ne pouvait constituer un déni de justice.

Au surplus, dans la mesure où une part minime de B______ comprenait effectivement certaines installations industrielles, cette partie de l'entreprise ferait prochainement l'objet d'une décision formelle d'assujettissement, et le règlement d'entreprise relatif à cette partie industrielle serait contrôlé, et une décision serait aussi rendue à ce sujet.

14) Le 25 mars 2014, le syndicat s'est à nouveau adressé à l'OCIRT, cette fois par l'intermédiaire d'un avocat.

Le refus de rendre une décision formelle constituait bien un déni de justice. Vu le droit de recours qui lui était ménagé par l'art. 58 LTr, le syndicat devait être reconnu comme partie à la procédure d'approbation du règlement et se voir notifier directement les décisions de l'OCIRT.

15) Par courrier 28 avril 2014 – tamponné par le syndicat le 29 avril 2014 –, l'OCIRT a répondu au conseil du syndicat.

Ce dernier n'avait la qualité de partie qu'en matière contentieuse, mais pas dans le cadre de la procédure non contentieuse préalable, où elle ne disposait pas des droits de l'art. 58 LTr mais de ceux de l'art. 54 LTr.

En outre, le texte clair de l'art. 39 LTr n'obligeait l'autorité cantonale à rendre une décision que si le règlement interne était non conforme, ce qui n'était à ses yeux pas le cas.

16) Par acte posté le 30 mai 2014, le syndicat a interjeté recours pour déni de justice auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à la constatation d'un déni de justice et à ce que la chambre administrative ordonne à l'OCIRT de reconnaître la qualité de partie dans la procédure relative « à la conformité à la LTr » du règlement interne de B______ et de rendre une décision à ce sujet.

Malgré plusieurs mises en demeure motifs à l'appui, l'OCIRT avait refusé de reconnaître au syndicat la qualité de partie et rendre une décision s'agissant de la conformité à la LTr du règlement interne de B______.

Sa position ne pouvait être suivie. L'art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoyait le droit à un acte attaquable. L'art. 7 LPA attribuait la qualité de partie à toute personne dont les droits et obligations pourraient être touchées par la décision à prendre, tandis que l'art. 58 LTr conférait un droit de recours aux associations de travailleurs. En sa qualité de partie, le syndicat devait aussi pouvoir avoir accès au dossier.

La position de l'OCIRT, si elle était admise, priverait les associations de travailleurs du droit de recours prévu par l'art. 58 LTr. En effet, dans ce cas, si l'autorité administrative considérait un règlement interne comme conforme à la loi, elle ne rendait pas de décision et aucune voie de droit n'était ouverte. Un tel système consacrerait une inégalité de traitement avec les associations d'employeurs, qui elles pourraient toujours faire recours dans les cas où une non-conformité à la LTr était constatée. L'OCIRT était dès lors tenu de statuer et, sa position constituant un déni de justice, la cause devait lui être renvoyée pour qu'il reconnaisse la qualité de partie du syndicat et qu'il statue.

17) Le 19 juin 2014, l'OCIRT a conclu au rejet du recours.

Il possédait certes la compétence de contrôler la conformité des règlements d'entreprise, lesquels devaient lui être soumis. L'art. 39 LTr renvoyait néanmoins à l'art. 51 al. 1 LTr. Ce n'était que dans l'hypothèse où l'entreprise contrevenante ne donnait pas suite à l'avertissement qu'une décision administrative était rendue par l'OCIRT en application de l'art. 51 al. 2 LTr. Les règlements d'entreprise étaient ainsi soumis au contrôle de l'OCIRT mais non à son approbation par une décision constitutive.

La qualification de B______ comme entreprise industrielle n'avait de conséquence que sur le caractère obligatoire – dans l'affirmative – ou non – dans la négative – de l'édiction du règlement d'entreprise. Dans les deux cas, le règlement n'avait pas à être approuvé de manière formelle par l'OCIRT.

Dans la mesure où il n'y avait pas d'obligation de rendre une décision, il n'y avait pas de déni de justice. Le syndicat critiquait donc en réalité la manière dont l'administration avait exercé son pouvoir d'appréciation.

Le syndicat ne possédait en outre pas la qualité pour se prévaloir d'un déni de justice, car il n'était pas le destinataire direct de la décision éventuellement à prendre. Le droit de recours accordé par la LTr aux associations de travailleurs n'y changeait rien ; à titre de parallèle, les voisins pouvaient recourir contre un projet de construction mais n'étaient pas légitimés à intervenir dans la procédure en amont ni à obtenir de l'administration qu'elle rende une décision dont ils n'étaient pas destinataires.

Le syndicat ne possédait pas non plus la qualité de partie. Il ne pouvait en particulier pas invoquer l'art. 4A LPA, lequel ne permettait pas d'obtenir des droits matériels qui ne seraient pas prévus par la loi, soit en l'occurrence à contraindre l'OCIRT à rendre une décision. Le droit de recours de l’art. 58 LTr ne pouvait avoir pour conséquence de permettre aux associations patronales ou syndicales d'obtenir des décisions attaquables dans tous les dossiers et d'avoir accès à ceux-ci. Le projet du Conseil fédéral de 1960 explicitait clairement qu'avait été repoussée l'idée de faire participer les associations patronales et syndicales à l'exécution de la LTr.

Le syndicat ne bénéficiait en outre pas d'un intérêt digne de protection pour faire valoir l'art. 4A LPA, car il n'était pas le destinataire direct d'une éventuelle décision, et n'était pas touché par la procédure de manière directe et concrète.

Enfin, l'art. 44 LTr instituait un secret de fonction spécifique, que le syndicat tentait de contourner par le biais de la procédure administrative cantonale.

18) Le 20 juin 2014, B______ a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.

Le syndicat n'avait pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 58 LTr, dès lors qu'aucune décision n'avait été rendue.

La clause litigieuse était pour le surplus conforme au droit, et s'inspirait largement du projet de révision du CO sur les lanceurs d'alerte. Toutefois, pour couper court à toute discussion, B______ allait procéder à l'amendement de l'art. 14 du règlement interne en y ajoutant la phrase : « Les éléments à caractère banal, respectivement les cas de peu de gravité ne sont pas visés », ceci sous réserve de l'accord de la commission du personnel.

19) Le 23 juin 2014, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 14 juillet 2014 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

20) Le 14 juillet 2014, le syndicat a persisté dans ses conclusions.

S'il était vrai que ce n'était qu'en cas d'obligation de rendre une décision que l'on pouvait avoir affaire à un déni de justice formel, et que les art. 37 à 39 LTr ne prévoyaient pas une procédure devant obligatoirement aboutir à une décision formelle, l'obligation de rendre une décision, lorsque la teneur d'un règlement d'entreprise était contestée par une association ayant le droit de recours au sens de l'art. 58 LTr, découlait de l'art. 4A LPA, qui était indiscutablement applicable aux procédures conduites par l'OCIRT.

Le syndicat ne cherchait pas à créer de nouveaux droits matériels, mais à faire contrôler l'application de la législation existante ; dans le système procédural moderne, toutes les décisions de l'administration faisaient l'objet d'un contrôle judiciaire. Il ne cherchait pas non plus à exécuter des tâches publiques à la place de ou en concours avec l'OCIRT, mais uniquement exercer les droits de partie que lui reconnaissait la législation fédérale et cantonale.

Enfin, l'octroi des droits de partie aux intéressés qui en jouissaient ne pouvait constituer une violation du secret de fonction.

21) Les autres parties ne s'étant pas manifestées, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 135 I 6 ; 134 I 6 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2013 du 27 mai 2013 consid. 5.1 ; 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 3.3).

b. Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l'autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, comme c'est le cas ici, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d'une fausse indication quant audit délai (arrêt du Tribunal fédéral 2P.16/2002 du 18 décembre 2002 consid. 2.2 ; ATAF 2008/15 consid. 3.2).

c. Le droit d’obtenir une décision formatrice ou constatatoire appartient en principe à ceux qui disposent d’un droit de recours spécial contre la décision à prendre (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1497), y compris aux associations disposant d'un droit de recours dans l'intérêt de la loi (ATA/777/2013 du 26 novembre 2013 consid. 7b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013).

d. Selon l'art. 58 LTr, les associations des employeurs et des travailleurs intéressés ont également qualité pour recourir contre les décisions des autorités cantonales et fédérales, étant précisé que l'OCIRT est à Genève l'autorité décisionnelle dans le cadre de l'application de la LTr (art. 1 al. 3 cum 2 al. 3 et 4 al. 3 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05).

3) Ainsi, dans la mesure où il disposerait d'un droit de recours au cas où l'OCIRT aurait rendu une décision, le syndicat doit se voir reconnaître la qualité pour recourir par-devant la chambre de céans contre un refus de statuer imputé à l'OCIRT, étant précisé que tout recours pour refus de statuer présuppose que la décision dont le prononcé est refusé ou tarde à venir est elle-même susceptible de recours (Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungs- verfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, n. 1308, qui se réfèrent notamment à l'art. 46a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).

4) En l'espèce, l'OCIRT a dans son courrier tout à fait explicite à ce sujet du 28 avril 2014, refusé de rendre une décision : ce courrier a apparemment été reçu par le syndicat le 29 avril 2014, ce qui faisait courir selon la jurisprudence précitée le délai légal de trente jours de l'art. 62 al. 1 let. a LPA. Ce dernier, qui venait à échéance le jeudi 29 mai 2014, tombant sur un jour férié, en l’occurrence l’Ascension, était donc repoussé au lendemain, soit le vendredi 30 mai 2014, date de dépôt du recours.

Le recours est donc recevable sur ce principe.

5) Néanmoins, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (art. 69 al. 4 LPA).

Dans cette mesure, toute autre conclusion que le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle statue est en principe irrecevable.

Quoi qu'il en soit, la conclusion du recourant visant à la reconnaissance explicite de sa qualité de partie à la procédure non contentieuse ne pourrait se voir allouée, à moins de devoir être examinée préjudiciellement, qu'en cas d'admission du recours, si bien qu'il convient d'examiner en premier lieu les mérites de ce dernier quant à sa conclusion principale, à savoir l'existence d'un refus de statuer.

6) La reconnaissance d'un tel refus ne peut être admise que si l'autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/787/2012 du 20 novembre 2012 consid. 2 ; ATA/164/2011 du 15 mars 2011 consid. 5).

Il convient donc d'examiner si la législation fédérale ou cantonale imposait à l'OCIRT de rendre une décision.

7) a. S'agissant des rapports entre législation fédérale et cantonale, selon l’art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime – lorsqu'il est édicté dans le respect du partage constitutionnel des compétences prévues à l'art. 3 Cst. – le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de manière exhaustive (ATF 135 I 106 consid. 2.1 ; 128 I 46 consid. 5a ; 128 I 295 consid. 3b ; ATA/571/2014 du 29 juillet 2014 consid. 3a). Il interdit également d'interpréter ou d'appliquer des normes de droit cantonal en soi non contraires au droit fédéral de manière à éluder ou à contredire ce dernier.

b. Par ailleurs, l'art. 190 Cst. prévoit que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international. En cas de contradiction entre une loi fédérale et la Cst., l'autorité qui statue peut relever celle-là, mais n'en doit pas moins appliquer la disposition de la loi fédérale en cause (ATF 135 II 384 consid. 3.1 et les arrêts cités). En revanche, en cas de contradiction entre une loi fédérale et le droit international, ce dernier prévaut en principe (ATF 133 V 367 consid. 11.1.1 ; 125 II 417 consid. 4c et les arrêts cités).

8) a. Selon l'art. 50 LTr, intitulé « décisions administratives », les décisions fondées sur la LTr ou sur une ordonnance doivent être communiquées par écrit ; lorsqu'il s'agit d'un refus total ou partiel de donner suite à une requête, elles doivent être motivées et mentionner le droit, le délai et l'autorité de recours (art. 50 al. 1 LTr). Il est reconnu que la notion de décision au sens de cette disposition se calque sur celle de l'art. 5 PA (Benoît BOVAY, in Thomas GEISER/Adrian von KAENEL/Rémy WYLER [éd.], Loi sur le travail – commentaire, 2005, n. 2 ad art. 50 LTr ; secrétariat d'État à l'économie [ci-après : SECO], commentaire de la loi sur le travail, ad art. 50 LTr).

b. En cas d'infraction à la loi, à une ordonnance ou à une décision, l'autorité cantonale, l'Inspection fédérale du travail ou le service médical du travail signale l'infraction au contrevenant et l'invite à respecter la prescription ou décision qu'il a enfreinte (art. 51 al. 1 LTr). Si le contrevenant ne donne pas suite à cette intervention, l'autorité cantonale prend la décision voulue, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; art. 51 al. 2 LTr).

9) a. Selon l'art. 5 al. 2 LTr, sont réputées industrielles les entreprises qui font usage d'installations fixes à caractère durable pour produire, transformer ou traiter des biens ou pour produire, transformer ou transporter de l'énergie, ceci dans trois cas de figure prévus aux let. a à c de cette disposition. Les prescriptions spéciales de la LTr relatives aux entreprises industrielles ne sont applicables à une entreprise ou à certaines parties d'une entreprise qu'en vertu d'une décision d'assujettissement rendue par l'autorité cantonale (art. 5 al. 1 LTr), soit l'OCIRT.

b. Les art. 37 à 39 LTr traitent du règlement d'entreprise. Toute entreprise industrielle est tenue d'avoir un règlement d'entreprise (art. 37 al. 1 LTr). L'établissement d'un règlement peut être prescrit par ordonnance aux entreprises non industrielles, en tant que la nature de l'entreprise ou le nombre des travailleurs le justifient (art. 37 al. 2 LTr), étant précisé toutefois que le Conseil fédéral n'a jamais encore fait usage de cette faculté. Enfin, les autres entreprises non industrielles peuvent, en se conformant au présent chapitre (ce qui signifie que les art. 37 al. 4, 38 et 39 LTr leur sont alors applicables : Wolfgang PORTMANN/Jean-Fritz STÖCKLI, Schweizerisches Arbeitsrecht, 3ème éd., 2013, n. 1218 ; Frank VISCHER, in Thomas GEISER/Adrian von KAENEL/Rémy WYLER [éd.], Loi sur le travail – commentaire, 2005, n. 12 ad art. 39 LTr), établir volontairement un règlement d'entreprise.

10) a. Le règlement d'entreprise doit être soumis à l'autorité cantonale ; lorsque l'autorité constate que les prescriptions du règlement d'entreprise ne sont pas compatibles avec la LTr, la procédure prévue à l'art. 51 est applicable (art. 39 al. 1 LTr). L'art. 68 al. 2 OLT 1 se borne à répéter que le règlement d'entreprise est remis à l'autorité cantonale.

b. Il est incontesté en doctrine que l'examen par l'autorité cantonale au titre de l'art. 39 LTr n'a pas de caractère constitutif, et que c'est seulement en cas de manquement que l'autorité peut avoir recours à la procédure prévue à l'art. 51 – et non 50 – LTr (Wolfgang PORTMANN/Jean-Fritz STÖCKLI, op. cit., n. 1221 ; Frank VISCHER, op. cit., n. 4 et 7 ad art. 39 LTr). La jurisprudence parle du reste, à propos des invitations à respecter la loi prévues par ce dernier article, de simple intervention de l'autorité et non de décision (CAPH/216/2011 du 12 décembre 2011 consid. 4, non contredit sur ce point par l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_93/2012 du 21 mai 2012 consid. 4.1 ; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_462/2011 du 9 mai 2012 consid. 3.3). Le SECO, dans son commentaire de la LTr, ne cite pas la prise de position sur le règlement d'entreprise au sens de l'art. 39 LTr comme une décision selon l'art. 50 LTr (SECO, op. cit., ad art. 50 al. 1 LTr).

c. La teneur actuelle de l'art. 39 LTr date de 1971, et a été introduite dans le cadre de la révision du droit relatif au contrat individuel de travail. Entre 1966 et cette date, l'art. 39 al. 1 LTr avait la teneur suivante : « Le règlement d'entreprise sera soumis pour approbation à l'autorité cantonale ; celle-ci doit demander l'avis de l'inspection fédérale du travail, puis approuver le règlement s'il ne contient rien de contraire au droit impératif ». Cette approbation était constitutive et devait faire l'objet d'une décision au sens de l'art. 50 LTr (Walther HUG, in Walther HUG [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur le travail, 1971, n. 8 ss ad art. 39 LTr ; cet auteur, par ailleurs auteur du projet de la révision de 1971, indique également que dans le nouvel art. 39 LTr, « lorsque [ ] l'autorité cantonale constate, lors de son examen, que la procédure d'établissement du règlement d'entreprise qui lui a été soumis est viciée ou qu'il contient des dispositions incompatibles avec la loi, c'est la procédure prévue à l'art. 51 LTr qui doit intervenir » - ibid., n. 10 ad art. 39 LTr).

d. Il y a au surplus lieu de relever le contexte dans lequel la modification de la disposition précitée a eu lieu. En effet, l'office fédéral de l'industries, des arts et métiers et du travail (ci-après : OFIAMT) avait écrit dans un rapport du 12 juillet 1968 que l'approbation des règlements d'entreprise entraînait trop de travail pour l'administration tant fédérale que cantonale et constituait un exercice largement inutile, si bien qu'il avait proposé de renoncer purement et simplement à l'approbation, en suggérant que le règlement d'entreprise devait seulement être soumis à l'autorité cantonale (Walther HUG, op. cit., n. 1 ad art. 39 LTr). Selon les travaux préparatoires (BO CE 1970 367, intervention BOREL en tant que rapporteur de commission), la modification « a été proposée par l'OFIAMT à la suggestion de milieux patronaux », étant précisé qu'elle n'a fait l'objet d'aucun débat aux chambres suite à cette présentation.

11) En l'espèce, il importe peu que B______ soit ou non une entreprise industrielle, dès lors qu'elle a choisi d'édicter un règlement d'entreprise et qu'elle est à ce titre soumise à l'art. 39 LTr.

Il ressort du dossier que B______ a, conformément à l'art. 39 al. 1 LTr, soumis son projet de modification du règlement d'entreprise à l'OCIRT. Ce dernier ayant estimé qu'il ne contenait rien de contraire à la LTr ou à ses ordonnances d'application, il n'avait pas à rendre une décision au sens de l’art. 50 LTr ; eût-il du reste constaté un manquement qu'il n'aurait dû rendre une telle décision que suite à un avertissement resté sans suite, comme le prévoit l'art. 51 al. 2 LTr.

En adoptant l'art. 39 LTr, et avant lui les art. 50 et 51 LTr, le législateur fédéral a sciemment voulu mettre en place un système qui ne correspond pas à la logique actuelle du droit administratif général, et qui consacre indirectement une inégalité de traitement entre associations de travailleurs et associations d'employeurs. Dans la mesure toutefois où ce système procède d'une loi fédérale, l'art. 190 Cst. oblige les autorités et juridictions administratives, dont la chambre de céans, à ne pas s'en écarter.

Quant à l'usage éventuel de l'art. 4A LPA, il résulte du principe de la primauté du droit fédéral que l'interprétation ou l'application du droit cantonal de procédure ne saurait avoir pour effet d'annihiler une ou plusieurs dispositions contenues dans une loi fédérale ou, plus spécifiquement en l'espèce, de revenir à l'ancien système d'approbation des règlements d'entreprise tel qu'en vigueur entre 1966 et 1971. On ne saurait donc par ce biais imposer à l'OCIRT de rendre une décision d'approbation sujette à recours.

12) Il résulte de ce qui précède que l'OCIRT n'avait pas d'obligation de rendre une décision. Le recours pour refus de statuer doit donc être rejeté dans la mesure où il est recevable, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'éventuelle qualité de partie du syndicat dans la procédure de l'art. 39 al. 1 LTr.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), pas plus qu'à B______, qui n'y a pas conclu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 30 mai 2014 par le syndicat A______ contre le refus de statuer signifié par l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail le 28 avril 2014 ;

met à la charge du syndicat A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat du recourant, à l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail, à la société B______, ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :