Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1351/2015

ATA/583/2016 du 08.07.2016 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Parties : MAULINI Charles dit Michel / COMMUNE DE VERNIER
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1351/2015-AMENAG ATA/583/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 juillet 2016

 

dans la cause

 

Monsieur Charles Michel MAULINI
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

COMMUNE DE VERNIER
représentée par Me Delphine Zarb, avocate



EN FAIT

1. Par contrat notarié signé le 5 mars 2012, Monsieur Charles Michel MAULINI a acquis d’une hoirie la parcelle n° 2'805 de la commune de Vernier
(ci-après : la commune), 9, chemin des Myosotis, sise en zone 5 de développement 4B et étant grevée d’une mention inscrite le 17 février 1992 en garantie du droit de préemption de l’État et de la commune, d’une surface de 1'877 m2 et comprenant une habitation à un seul logement (villa) de 132 m2 et un garage privé de 12 m2.

Le prix d’achat s’est monté à CHF 2'500'000.-, auquel se sont ajoutés les honoraires de notaire de CHF 93’421.15.

2. Par lettre du 10 avril 2012, la notaire ayant instrumentalisé cet acte, déposé le même jour au registre foncier, l’a transmis pour éventuel exercice du droit de préemption à la commune, comme à l’État de Genève.

3. Par courrier de l’office du logement du 26 avril 2012, l’État de Genève a renoncé à exercer son droit de préemption, ce dont il a informé la commune par courrier du même jour et reçu le 2 mai 2012 par celle-ci.

4. Par lettre de son secrétaire général du 16 mai 2012, la commune a informé M. MAULINI de ce qu’elle envisageait d’user de son droit de préemption, droit déjà inscrit au registre foncier sur la base des dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), subsidiairement à l’État.

5. Dans un rapport du 22 mai 2012, le conseil administratif de la commune a recommandé au conseil municipal d’accepter l’exercice du droit de préemption.

Le conseil municipal s’était unanimement prononcé défavorablement sur le projet de plan localisé de quartier 29’735-540 (« Écharpine ») (ci-après : PLQ) – à l’intérieur duquel se trouvait la parcelle n° 2’805 en cause –, délibération qu’il avait assorti d’un certain nombre d’amendements et demandant par ailleurs que le plan soit accompagné d’un règlement de quartier qui présiderait aux exigences qualitatives sur le concept général des espaces extérieurs ainsi que sur les espaces publics. La population de Vernier devant pouvoir bénéficier de logements abordables, la volonté du conseil administratif était de développer les logements d’utilité publique. En exerçant son droit de préemption, la commune se doterait de moyens supplémentaires pour faire évoluer dans le sens des recommandations de son préavis du 8 mars 2011 le projet de PLQ, et acquerrait en outre une position de force dans le développement du projet au niveau de l’autorisation de construire. Cela permettrait à la commune de faire évoluer ce projet vers un développement urbanistique qualitatif incluant non seulement la mixité dans le logement mais également de la très haute performance énergétique du bâti, de la haute qualité des aménagements extérieurs et un contrôle des loyers à long terme.

6. Lors de sa délibération du 29 mai 2012, le conseil municipal a décidé d’exercer son droit de préemption en vue de l’achat de la parcelle n° 2’805 pour y réaliser des logements (ch. 1), d’ouvrir à cet effet au conseil administratif un crédit de CHF 2'800'000.- permettant l’acquisition de la parcelle concernée, y compris ses frais d’actes, ainsi que le remboursement des frais des intérêts courus payés par l’acquéreur évincé (ch. 2), et, notamment, de prier le conseil administratif de désigner deux de ses membres en vue de la signature des actes nécessaires à l’exécution de la présente délibération (ch. 5).

7. Par courrier de son secrétaire général du 4 juin 2012, expédié le lendemain et reçu le 6 juin 2012, la commune a informé M. MAULINI de ce que, lors de la séance extraordinaire du 29 mai 2012, le conseil municipal avait décidé de faire exercice de son droit de préemption aux conditions de l’acte notarié du 5 mars 2012, à savoir pour un prix de CHF 2'500'000.-.

La commune tenait à l’informer de cette décision qui ne deviendrait exécutoire qu’à l’échéance du délai référendaire et après son approbation par le Conseil d’État.

8. Par acte du 5 juillet 2012, M. MAULINI a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et au déboutement de tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions (cause A/2082/2012).

Il admettait l’existence d’un droit de préemption en faveur de l’État de Genève et de la commune, mais arguait de la tardiveté de l’exercice de ce droit par cette dernière – le dernier jour du délai de trente jours de l’art. 5 al. 2 LGL étant selon lui le 1er juin 2012 –, d’une violation disproportionnée de la garantie de la propriété privée et de la liberté économique ainsi que de l’absence d’intérêt public de la commune.

9. Par réponse du 31 août 2012, la commune a conclu au rejet du recours et au déboutement de M. MAULINI de toutes autres ou contraires conclusions.

Notamment, l’exercice de son droit de préemption n’était pas tardif, ayant eu lieu à l’intérieur du délai général de nonante jours voulu par le législateur.

En outre, la commune avait appris le 23 août 2012 que M. MAULINI avait récemment été inscrit comme propriétaire de la parcelle n° 2'805, malgré l’exercice du droit de préemption.

10. Par décision du 19 novembre 2012 faisant suite à un accord des parties – qui étaient alors en pourparlers en vue d’une transaction – intervenu le 14 novembre 2012, la chambre administrative a prononcé la suspension de la procédure.

11. Dans le cadre de ces pourparlers, à tout le moins en janvier 2013, M. MAULINI a proposé à la commune de collaborer avec une société coopérative dont il était membre, en vue du développement du projet de la parcelle n° 2’805.

12. Par lettre de son maire du 11 avril 2013, faisant suite au projet du Plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDC 2030), plus précisément à sa fiche A20 (« Gérer l’évolution de l’urbanisation dans les secteurs soumis au bruit des avions »), afférent au périmètre du PLQ, la commune a réitéré à l’office de l’urbanisme sa ferme volonté d’y réaliser des logements et restait « dans l’attente qu’une nouvelle image soit rapidement proposée ».

13. Le 24 mai 2013, l’office de l’urbanisme a répondu à la commune que le secteur de l’Écharpine faisait effectivement partie des secteurs exposés au bruit de l’aéroport. Ce secteur devait être principalement affecté à de l’activité et/ou des équipements sans locaux à usage sensible au bruit ; toutefois, une pesée des intérêts y était prévue pour déterminer la marge de dérogation possible. Le groupe interdépartemental chargé de cette mission se pencherait sur ce dossier dans le courant de l’été. Étaient par ailleurs rappelées les contraintes liées à la présence d’un gazoduc à proximité du périmètre du PLQ, qui, selon les dispositions de l’ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991 (OPAM - RS 814.012), limitaient fortement la possibilité d’y construire du logement.

14. La commune, ayant demandé le 19 juin 2013 son intégration au groupe interdépartemental lors de tout examen portant sur son territoire, a participé à la séance dudit groupe du 19 septembre 2013 relative au secteur de l’Écharpine et y a été auditionnée.

15. Le 20 septembre 2013, le Grand Conseil a adopté le PDC 2030.

16. Par décision du 12 novembre 2013, à la demande des parties, la chambre administrative a prononcé la reprise et la suspension à nouveau de la procédure.

17. Par lettre du 16 décembre 2013 du conseiller administratif chargé de l’aménagement de son territoire, la commune a fait part au conseiller d’État en charge du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE) de ce qu’elle avait été informée des contraintes liées tant à l’OPAM qu’à l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB -
RS 814.41) et s’était beaucoup investie dans l’élaboration du projet de PLQ, en particulier concernant les parcelles n° 3'075 et 2'805, cette dernière ayant par ailleurs fait l’objet de l’exercice d’un droit de préemption communal. Elle demandait de connaître les perspectives en matière de construction de logements dans ce secteur ainsi que son affectation probable et souhaitait en particulier savoir s’il serait possible de maintenir l’affectation en zone de développement 4B (DS II) des deux parcelles susmentionnées au vu de la configuration du tissu déjà bâti.

18. Par courrier du 5 février 2014, le conseiller d’État en charge du DALE a répondu que, d’une part, le gazoduc limitait fortement les possibilités constructives dans le périmètre du PLQ et nécessitait la modification de ce dernier, d’autre part, l’affectation de logements envisagée dans le PLQ entrait en conflit avec les objectifs en matière de protection acoustique inscrits dans la fiche A20 du PDC 2030, le niveau de bruit des avions étant bien supérieur aux valeurs de l’OPB, et une exception au titre de l’art. 31 al. 2 OPB (intérêt public prépondérant reconnu) ne semblait pas opportune. Néanmoins, une piste restait à évaluer par le groupe de travail interdépartemental et consistait à proposer une modification du programme du PLQ en intégrant une majorité d’activités (51 % minimum), de sorte que le périmètre accueille un programme mixte activités/logements. Il devrait être débattu de cette piste lors d’une prochaine séance avec la commune. En cas d’accord des parties intéressées, ce travail d’adaptation du PLQ avec modification du programme serait à mener en collaboration avec le service en charge de ce dossier au sein de l’office de l’urbanisme.

19. Par lettre du 3 mars 2014 déposée le même jour au greffe de la chambre administrative et adressée en copie à la commune, M. MAULINI a sollicité la reprise de la procédure et retiré son recours interjeté contre la décision du 4 juin 2012 de la commune d’exercer son droit de préemption sur la parcelle n° 2'805.

20. Par courrier du 4 mars 2014 se référant à la lettre de la veille de
M. MAULINI, la commune a fait savoir à la chambre administrative que, comme l’intéressé et son conseil le savaient, le PLQ, non encore adopté, faisait actuellement l’objet d’une revue intégrale par le DALE. Les modifications prévues portaient notamment sur l’affectation des parcelles : il apparaissait que la parcelle n° 2'805, objet du litige, ne permettrait plus, une fois ce PLQ adopté, de construire des logements mais serait vouée à des activités. Or, le droit de préemption n’avait été exercé – et n’était possible aux termes de la LGL – que pour y construire des logements. La commune s’apprêtait donc à faire adopter par son conseil municipal une délibération afin de renoncer à l’exercice de la préemption. Les critères légaux en vue d’une préemption n’étant plus remplis, elle ne pouvait qu’acquiescer au recours de M. MAULINI. La convocation d’une audience pour débattre du dossier serait utile.

21. Par lettre du 5 mars 2014, M. MAULINI a rétorqué que, dans la mesure où il avait procédé au retrait de son recours, il n’y avait pas lieu de convoquer une audience ni de procéder à de quelconques mesures d’instruction. Ce retrait avait mis un terme à la procédure de recours.

22. Par courrier du 13 mars 2014 avec copie au recourant, la commune a transmis à la chambre administrative une copie de la délibération du 11 mars 2014 du conseil municipal.

Celui-ci, « vu les éléments nouveaux qui [mettaient] en péril la réalisation du [PLQ] (OPAM, OPB) et [compromettaient] la réalisation de logements sur cette parcelle » et en suivant la proposition motivée formulée le 3 mars 2014 par le conseil administratif selon lequel « les conditions matérielles de l’exercice du droit de préemption au sens de la LGL ne [semblaient] plus remplies », décidait de renoncer à exercer son droit de préemption sur la parcelle n° 2'805, pour le prix de CHF 2'800'000.-, et d’annuler sa délibération du 29 mai 2012 ouvrant au conseil administratif un crédit de CHF 2'800'000.- afin d’acquérir, par l’exercice du droit de préemption, ladite parcelle.

23. Par lettre du 24 mars 2014, M. MAULINI s’est étonné de ce qu’il n’avait pas encore été pris acte du retrait du recours et que la cause n’avait pas encore été rayée du rôle.

24. Par décision du 25 mars 2014, la chambre administrative, considérant que, vu le retrait du recours et la radiation de la cause du rôle, les mesures d’instruction seraient sans objet, a prononcé la reprise de la procédure, rayé la cause du rôle et dit qu’il n’était pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure.

25. Par courrier du 1er avril 2014, M. MAULINI, se référant à l’acte par lequel il avait acquis la parcelle n° 2'805 et qui avait été déposé le 10 avril 2012 au registre foncier, et suite au retrait de son recours contre la décision de la commune d’exercer son droit de préemption, a demandé audit registre de procéder au transfert de propriété, la commune étant devenue propriétaire de ladite parcelle.

26. Par arrêté du 14 mai 2014, le Conseil d’État a approuvé la délibération du conseil municipal du 11 mars 2014.

27. Par lettre du 16 mai 2014, le conseiller d’État en charge du DALE a fait part à la commune de ce qu’après analyse du dossier, il n’était plus envisageable de construire des logements dans le périmètre du PLQ, ledit périmètre devant être affecté exclusivement à de l’activité et/ou à des équipements sans locaux à usage sensible au bruit. Vu les importantes contraintes auxquelles ce site était soumis, le projet de PLQ était abandonné.

28. Par lettre du 5 juin 2014, le registre foncier a, afin de procéder à l’inscription en ses registres de l’acquisition de la parcelle n° 2'805 par la commune, prié celle-ci de lui faire parvenir une réquisition d’exercice du droit de préemption signée par le conseil administratif.

29. Par courrier du 11 juin 2014, la commune lui a répondu qu’elle avait décidé de renoncer à son droit de préemption sur la parcelle en cause et avait annulé la délibération du 29 mai 2012 par la délibération du 11 mars 2014, de sorte qu’elle ne requerrait pas le transfert de propriété de ladite parcelle.

30. Par lettre du 17 juin 2014, le registre foncier en a pris note et a annulé dès lors la procédure de transfert de propriété.

31. Par courrier du 18 juin 2014 adressé à la commune, M. MAULINI a indiqué avoir appris ce jour que le registre foncier avait refusé de manière inexplicable d’inscrire celle-ci comme propriétaire de la parcelle n° 2'805. La commune avait visiblement prétendu avoir opportunément renoncé à exercer son droit de préemption suite au retrait du recours.

À ce jour, elle n’avait pas jugé bon de lui notifier une décision en ce sens afin qu’il puisse recourir. En effet, la révocation des décisions des entités publiques était soumise à des conditions extrêmement restrictives qui n’étaient pas remplies en l’espèce.

M. MAULINI invitait donc la commune à lui notifier dans les plus brefs délais une décision en ce sens contre laquelle il ne manquerait pas de recourir, à défaut de quoi il déposerait un recours pour déni de justice. Il restait néanmoins ouvert à la discussion si la commune revenait à de meilleurs sentiments.

32. La commune n’ayant pas répondu, M. MAULINI a, par lettre du 5 août 2014, réitéré sa demande.

33. La commune ne s’étant toujours pas prononcée, M. MAULINI a, par courrier du 29 octobre 2014, fait part à la commune de ce qu’à défaut de recevoir la décision attendue dans les dix jours, il se verrait contraint de déposer un recours pour déni de justice.

34. Il n’est pas contesté que suite à cette lettre et à plusieurs échanges téléphoniques, une réunion s’est déroulée le 13 janvier 2015 entre M. MAULINI et le conseil administratif in corpore de la commune. Lors de cette réunion, la commune a promis une prise de position rapide à M. MAULINI.

35. Par lettre du 6 mars 2015 faisant suite audit entretien lors duquel il avait selon lui été convenu que la commune reviendrait rapidement vers lui avec une décision, M. MAULINI a demandé à celle-ci une prise de position claire d’ici au 16 mars 2015, à défaut de quoi il se verrait contraint de saisir la justice.

36. Par acte déposé le 24 avril 2015 au greffe de la chambre administrative,
M. MAULINI a formé recours pour déni de justice à l’encontre de la commune, concluant à ce que ladite chambre, au fond et principalement, condamne la commune à lui verser la somme de CHF 1'500'000.- plus intérêts à 2,25 % l’an entre le 3 avril 2012 et le 2 septembre 2013, 2 % l’an entre le 3 septembre 2013 et le 24 mars 2014, puis de 5 % l’an dès le 25 mars 2014, la condamne à lui verser également la somme de CHF 1'000'000.- plus intérêts à 2,25 % l’an entre le 5 avril 2013 et le 2 septembre 2013, de 2 % entre le 3 septembre 2013 et le 24 mars 2014, puis de 5 % l’an dès le 25 mars 2014, la condamne à lui verser la somme de
CHF 93'421.10 plus intérêts à 5 % l’an dès le 24 mars 2014, donne acte au recourant de son engagement à signer tout acte/document/réquisition requis par la commune afin que celle-ci puisse être inscrite comme propriétaire de la parcelle n° 2'805, réserve son droit d’amplifier ses conclusions, subsidiairement, ordonne à la commune de rendre une décision, en tout état déboute tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions et lui alloue une indemnité à titre de dépens.

À la suite de l’exercice du droit de préemption par la commune, qui était une décision formatrice, celle-ci aurait dû être inscrite comme propriétaire de la parcelle n° 2'805. Par le retrait de son recours du 3 mars 2014, la décision de la commune était devenue exécutoire, faute de recours, de sorte que celle-ci était devenue propriétaire de ladite parcelle.

La commune n’avait jamais révoqué sa décision par une nouvelle décision motivée. En tout état de cause, elle ne pouvait pas révoquer ladite décision, cette dernière ne reposant sur aucun vice ni erreur.

37. Dans sa réponse du 12 juin 2015, la commune a conclu préalablement à l’audition des parties, au fond au rejet du recours de M. MAULINI.

Étaient notamment produits les échanges de courriers entre la commune et le DALE.

La renonciation de la commune d’exercer son droit de préemption n’avait pas à faire l’objet d’une décision, dès lors que ladite décision ne changeait pas la situation juridique de M. MAULINI. Celui-ci était devenu, en 2012 déjà, propriétaire de la parcelle n° 2'805. La délibération adoptée par la commune ne visait pas à changer cette situation mais au contraire à la faire perdurer. En outre, l’intimée avait respecté les formalités légales puisque la décision concernant l’exercice d’un droit de préemption devait faire l’objet d’une délibération du conseil municipal, de sorte que le parallélisme des formes avait été respecté, une décision de renonciation ou de révocation devant être prise dans les mêmes formes.

Il était étonnant que le recourant ait attendu plus d’un an entre la délibération qui le heurtait et la saisine de la chambre administrative pour déni de justice, la question se posant si cette tardiveté ne relevait pas de l’abus de droit. En effet, M. MAULINI en tant que citoyen de la commune, promoteur et entrepreneur avisé, avait une parfaite connaissance de la situation factuelle ainsi que des délibérations intervenues, notamment des discussions relatives à l’évolution du PLQ ainsi que de la délibération du 11 mars 2014 affichée au pilier public de la commune.

Si on forçait la commune à acquérir la parcelle n° 2'805, celle-ci ne pourrait pas construire de logements et agirait en violation de l’art. 3 al. 1 LGL.

La commune pouvait valablement révoquer sa décision. Étant donné que depuis début 2014, il apparaissait que le PLQ était abandonné, elle n’avait pas d’autre choix que de renoncer à la préemption.

38. Dans sa réplique du 6 août 2015, M. MAULINI a persisté dans ses conclusions, tout en sollicitant préalablement la comparution personnelle des parties.

39. Lors de l’audience du 3 novembre 2015, les parties ont été entendues par le juge délégué de la chambre administrative.

À la connaissance des parties, le PLQ était actuellement abandonné et celles-ci ignoraient ce qui pourrait être fait de ce quartier.

M. MAULINI n’avait eu connaissance du courrier du conseiller d’État du
5 février 2014 que dans le cadre de la présente procédure. Selon la commune, c’était à réception du courrier du conseiller d’État du 5 février 2014 qu’elle avait décidé de renoncer à l’exercice de son droit de préemption ; c’était le 28 février 2014 que le conseil administratif avait préparé des documents pour qu’ils puissent être traités lors de la séance du bureau du conseil municipal du 3 mars 2014 en vue de la séance plénière du 11 mars 2014 ; ainsi, au 28 février 2014 déjà, le conseil administratif voulait renoncer à l’exercice du droit de préemption.

Selon M. MAULINI, c’était à tort qu’il avait été inscrit au registre foncier vu la préemption de la commune. Trois ou quatre mois après la signature du contrat de vente de la parcelle, il avait remis en état la maison qu’il avait louée à des tiers, ce qui était encore le cas actuellement. La commune a déclaré ne pas être concernée par l’inscription de M. MAULINI au registre foncier. Aux yeux du conseil de ce dernier, les époux vendeurs auraient dû rester inscrits au registre foncier en tant que propriétaires jusqu’à ce que soit tranchée la question de savoir qui était le légitime nouveau propriétaire de la parcelle, « à l’issue du délai de préemption » et, vu le recours contre l’exercice du droit de préemption de la commune (cause A/2082/2012).

M. MAULINI a indiqué n’avoir pas recouru contre la décision du conseil municipal du 11 mars 2014, transmise le 13 mars 2014, pour les motifs suivants. Il avait retiré son recours le 3 mars 2014, de sorte que la décision de la commune d’exercer son droit de préemption était devenue définitive et exécutoire ; il n’attendait pas une délibération du conseil municipal, mais une décision du conseil administratif, autorité qui avait rendu la décision d’exercice du droit de préemption du 4 juin 2012, par parallélisme des formes ; cette décision devait être individuelle et concrète selon la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), désignée comme telle et avec indication des voies de recours.

M. MAULINI n’a pas contesté la déclaration de la commune selon laquelle, lors de la réunion du 13 janvier 2015, elle lui avait fait part de ce qu’il n’y avait pas de parallélisme des formes, raison pour laquelle une décision n’avait pas été prise. La commune a reconnu qu’il y avait eu un manquement de sa part dans l’absence ultérieure de courrier confirmant ce point. M. MAULINI a dit avoir attendu, suite à cette séance, un courrier de la commune qui, soit lui indiquait ne pas entendre rendre de décision, soit rendait une décision d’annulation ou de révocation de l’exercice de son droit de préemption ; si la commune lui avait adressé un courrier confirmant qu’elle n’avait pas à rendre de décision, il aurait interjeté un recours pour déni de justice.

Le juge délégué a informé les parties de ce que, pour trancher le présent litige, il utiliserait si besoin le dossier A/2082/2012 tel qu’archivé.

40. Dans leurs observations finales du 4 décembre 2015, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

41. Par écriture du 16 février 2016 répondant à des questions complémentaires du juge délégué, la commune a produit un courrier du directeur du service de surveillance des communes du 13 juin 2012 accusant réception de la délibération du 29 mai 2012 et constatant que cette dernière avait été affichée le 6 juin 2012 et que le délai référendaire finirait le 6 juillet 2012.

Elle a aussi déposé l’arrêté du 21 août 2012 du Conseil d’État approuvant ladite délibération.

42. Le 19 février 2016, M. MAULINI a répliqué en se déclarant surpris de ce que la commune, en mentionnant son grief de tardiveté de l’exercice du droit de préemption invoqué dans son recours du 5 juillet 2012, tente de suggérer qu’elle n’aurait pas respecté le délai de trente jours de l’art. 5 al. 2 LGL, ce contrairement aux principes de la bonne foi et de la sécurité du droit.

43. À la demande du plenum de la chambre administrative, le Conseil d’État a, par lettre du DALE du 9 mai 2016, formulé son avis sur la présente cause.

Par ses arrêtés des 21 août 2012 et 14 mai 2014 approuvant les délibérations du conseil municipal de la commune, il n’avait fait que respecter le principe de l’autonomie communale.

Au demeurant, dès lors que le droit de préemption prévu par l’art. 3 LGL ne pouvait être exercé qu’aux fins de la construction de logements d’utilité publique et que le PLQ permettant la création de tels logements était abandonné, il ne voyait pas quelle disposition légale lui aurait permis d’annuler la délibération du conseil municipal du 11 mars 2014 annulant celle du 29 mai 2012.

44. Par courrier du 1er juin 2016, M. MAULINI s’est déterminé au sujet de la lettre du Conseil d’État du 9 mai 2016 et a persisté intégralement dans ses conclusions.

45. Par lettre du 9 juin 2016, la commune n’ayant pas déposé d’observations dans le délai imparti, la chambre administrative a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

46. Pour le reste, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Elle examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 LPA).

Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), elle statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et c et 57 LPA (art. 132 al. 2 LOJ).

La chambre administrative connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de l’art. 132 al. 2 LOJ et qui découlent d’un contrat de droit public ; les dispositions de la LPA en matière de recours s’appliquent par analogie à ces actions (art. 132 al. 3 LOJ).

b. Saisie d'un recours, la chambre administrative applique le droit d'office (ATA/909/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2 ; ATA/402/2012 du 26 juin 2012 consid. 4). Elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/909/2015 précité consid. 2 ; ATA/402/2012 précité consid. 4).

2. La chambre administrative a jugé que la délibération d’un conseil municipal d’exercer son droit de préemption est une mesure individuelle et concrète prise par l’autorité compétente et fondée sur le droit public cantonal, soit la LGL. Il s’agit d’une décision au sens de la LPA (ATA/970/2014 du 9 décembre 2014 consid. 2a, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_86/2015 et 1C_87/2015 du 20 avril 2016 ; ATA/819/2014 du 28 octobre 2014 ; ATA/573/2014 du 29 juillet 2014).

Dans la mesure où un recours formé contre une décision exerçant le droit de préemption de l’autorité peut être porté devant la chambre administrative
(art. 132 LOJ ; notamment ATA/970/2014 du 9 décembre 2014 consid. 1), celle-ci est également compétente pour trancher un litige concernant une décision de révocation ou annulation d’une telle décision et, par voie de conséquence, un déni de justice au sujet de l’absence d’une telle décision.

Partant, la chambre de céans est compétente pour se prononcer sur le chef de conclusion subsidiaire du recourant tendant à ce que la commune rende une décision.

3. En revanche, la chambre administrative n’est pas compétente pour se prononcer sur les conclusions principales du recourant, tendant à la condamnation de la commune aux versements de montants en sa faveur et à l’inscription de celle-ci comme propriétaire de la parcelle n° 2'805, vu l’absence de décision préalable de cette dernière ainsi que de contrat de droit public (art. 132 al. 3 LOJ).

Ces conclusions sont donc irrecevables.

4. a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Dans un tel cas, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié, si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 -
Cst. - RS 101). Il y a déni de justice formel lorsqu’une autorité n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit. L’autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement alors qu’elle est compétente pour le faire viole l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 229 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1 ; 2C_601/2010 du 21 décembre 2010 consid. 2).

b. En cas de recours pour déni de justice ou retard injustifié, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/1337/2015 du
15 décembre 2015 consid. 1c) et la juridiction qui admet alors un tel recours renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (art. 69 al. 4 LPA).

c. Pour déterminer si l’autorité a commis un déni de justice, il convient préalablement d’examiner si elle avait l’obligation de rendre une décision, cette question étant dépendante de l’examen du fond du litige (ATA/768/2014 du
30 septembre 2014 consid. 1d).

5. a. L’État encourage la construction de logements d’utilité publique et s’efforce d’améliorer la qualité de l’habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (art. 1 al. 1 LGL). À cet effet, l’État acquiert des terrains en usant notamment des droits de préemption et d’expropriation que lui confère la LGL (art. 1 al. 2
let. a LGL).

Les biens-fonds sis en zone de développement, au sens de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), qui peuvent être affectés à la construction de logements, sont grevés d’un droit de préemption au profit de l’État et des communes intéressées. Le droit de préemption ne peut s’exercer qu’aux fins de construction de logements au sens de la LGL (art. 3
al. 1 LGL). Le droit de préemption de l’État et des communes fait l’objet d’une mention au registre foncier (art. 3 al. 2 LGL). Le droit de préemption en faveur de l’État et des communes est subsidiaire au droit de préemption légal de l’art. 682 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; art. 4 al. 4 LGL).

Le propriétaire qui aliène ou promet d’aliéner avec octroi d’un droit d’emption un bien-fonds soumis au droit de préemption en vertu de la LGL est tenu d’en aviser immédiatement le Conseil d’État et la commune du lieu de situation, au plus tard lors du dépôt de l’acte au registre foncier. Il leur communique simultanément une copie certifiée conforme de cet acte (art. 4
al. 1 LGL). Lorsque le Conseil d’État ou la commune envisage d’exercer son droit de préemption, le préempteur doit interpeller préalablement le propriétaire et le tiers-acquéreur en leur faisant part de ses intentions et leur offrir la possibilité de faire valoir leurs moyens (art. 4 al. 2 LGL).

Aux termes de l’art. 5 al. 1 LGL, dans un délai de soixante jours à compter de la date du dépôt de l’acte au registre foncier, le Conseil d’État notifie, de manière séparée, aux parties liées par l’acte, soit sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption (let. a), soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte (let. b), soit son offre d’acquérir le
bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui (let. c), à défaut d’acceptation de l’offre visée sous let. c, sa décision de recourir, s’il maintient sa volonté d’acquérir le bien-fonds et si les conditions légales sont réunies, à la procédure d’expropriation conformément à l’art. 6 LGL (let. d).

Selon l’art. 5 al. 2 LGL, dans le cas prévu à l’art. 5 al. 1 let. a LGL, le Conseil d’État avise la commune en même temps que les intéressés. Celle-ci, dans le délai de trente jours suivant cette notification, notifie à son tour, de manière séparée, aux parties liées par l’acte soit sa décision de renoncer à l’exercice du droit de préemption (let. a), soit sa décision d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte (let. b), soit son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par elle (let. c), à défaut d’acceptation de l’offre visée sous
let. c, sa décision de recourir, si elle maintient sa volonté d’acquérir le bien-fonds et si les conditions légales sont réunies, à la procédure d’expropriation conformément à l’art. 6 LGL (let. d).

b. Le droit de préemption visé par les art. 3 ss LGL est un droit de préemption légal de droit public cantonal (Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, La maîtrise publique du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 147 ss, spéc. 150).

Pour répondre à la question de savoir si une vente de gré à gré comme mode de réalisation dans le cadre d’une faillite permettait l’exercice de droits de préemption légaux fondés sur le droit public, en l’occurrence sur les art. 3 ss LGL, le Tribunal fédéral a retenu que la solution prévalant pour les droits de préemption du droit fédéral devait également s'appliquer à ceux qui étaient institués par le droit public cantonal. Il ne voyait en effet a priori aucun motif, en droit de l'exécution forcée, de prévoir un régime différent selon le fondement du droit de préemption légal (arrêt du Tribunal fédéral 1P.639/2004 du 19 avril 2005
consid. 3.5 = SJ 2005 I 545).

Ainsi, les règles du CC, y compris les art. 681, 681a et 681b CC relatifs aux principes des droits de préemption légaux, s’appliquent au droit de préemption fondé sur les art. 3 ss LGL, sauf règles ou motifs spécifiques exigeant de s’en écarter. En outre, tout en prévoyant des règles particulières, ce droit de préemption légal de droit public cantonal s’insère dans le cadre des principes et mécanismes du droit privé fédéral.

c. En droit privé, le droit de préemption se définit comme la faculté en vertu de laquelle une personne (le préempteur) peut exiger d’une autre personne (le promettant) le transfert de la propriété d’une chose, dans l’hypothèse où le promettant la vend à un tiers (Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, tome II, 2012, n. 1719 ; Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, p. 149).

L’exercice du droit de préemption par le préempteur consiste en une déclaration unilatérale de volonté, sujette à réception, qui doit être précise et univoque. En tant qu’acte formateur (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1736), cette déclaration ne peut comporter ni conditions, ni réserves. Le préempteur peut néanmoins, lors de sa déclaration, réserver la validité de certaines conditions convenues entre le vendeur et l’acquéreur. Cela étant, sa déclaration est irrévocable (ATF 117 II 30 consid. 2a = JdT 1993 I 12 ; ATA/234/2016 du
15 mars 2016 consid. 3d ; aussi José-Miguel RUBIDO, Le droit de préemption immobilier en droit privé et le Registre foncier : Questions choisies, in RNRF 96/2015 p. 1 ss, spéc. 3 s.) et ne peut pas être limitée dans le temps. Elle peut en revanche être invalidée pour vice de la volonté (art. 23 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1736).

Lorsque le préempteur a exercé son droit de préemption, le promettant (ou son ayant cause) est obligé de vendre l’immeuble au préempteur, et celui-ci est obligé de l’acheter ; la situation est la même que s’ils étaient liés par un contrat de vente. Un nouveau contrat n’a pas à être passé. Le préempteur ne devient pas propriétaire de l’immeuble du seul fait de l’exercice de son droit ; il n’a qu’une créance tendant au transfert de la propriété, créance qu’il peut au besoin faire valoir en justice en vue de l’inscription au registre foncier (art. 665 al. 1 CC) suivant les conditions et qui se prescrit par dix ans (art. 127 CO ; Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1737, 1739, 1740 et 1743 ; aussi ATF 90 II 393
consid. 2b = JdT 1965 I 597).

d. Aux termes de l’art. 35 de la loi sur l’administration des communes du
13 avril 1984 (LAC - B 6 05), la commune du lieu de situation a un droit de préemption sur tout immeuble propriété de l’État dont la vente ne sert pas un but d’intérêt public ou général (al. 1) ; elle exerce son droit dès que la délibération y relative devient exécutoire (al. 2) ; les échanges d’immeubles, les cessions de propriétés reçues à titre fiduciaire et la rectification de limites cadastrales sont exclus (al. 3). À teneur de l’art. 70 al. 1 let. d aLAC, en vigueur avant le
21 novembre 2015, et de l’art. 91 al. 1 let. d nLAC, ne sont exécutoires qu’après avoir été approuvées par le Conseil d’État les délibérations du conseil municipal concernant l'exercice d'un droit de préemption.

En vertu de l’art. 66 aLAC dans sa teneur en vigueur avant le 21 novembre 2015 et son remplacement par l’art. 88 nLAC, toutes les délibérations du conseil municipal sont transmises au département (al. 1) ; sous réserve des dispositions concernant le référendum facultatif et des art. 67, 68, 70, 71 et 72 – art. 89, 90, 91, 92 et 93 selon l’art. 88 nLAC – ainsi que de toute loi spéciale, elles sont exécutoires de plein droit (al. 2).

Selon l’art. 59 de l’ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (aCst-GE - A 2 00) en vigueur jusqu’au 31 mai 2013, les délibérations des conseils municipaux sont soumises à la sanction des électeurs de la commune lorsque le référendum est demandé par 3’000 électeurs dans les communes de plus de 30’000 électeurs – comme l’intimée –, à l'exception de la Ville de Genève (al. 1 let. d) ; le référendum doit être demandé dans un délai de : a) vingt-et-un jours après l'affichage de la délibération dans les communes de 1’000 électeurs ou moins ; b) trente jours après l'affichage dans les autres communes, à l'exception de la Ville de Genève (al. 2). L’art. 77 de la nouvelle Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012
(nCst-GE - A 2 00), contient des règles similaires, si ce n’est que
l’art. 68 nCst-GE auquel l’al. 2 renvoie ne prévoit qu’un seul délai référendaire de quarante jours dès la publication de l’acte. L’art. 63 aCst-GE précise que le Conseil d'État n'approuve les délibérations des conseils municipaux qu'après les délais référendaires ; toutefois, il annule immédiatement celles qui sont contraires aux lois.

6. Le retrait du recours – dont la déclaration doit être pure et simple, sans condition – met fin à la procédure (art. 89 al. 1 LPA) et la cause est radiée du rôle de l’autorité de recours (ATA/379/2009 du 29 juillet 2009 consid. 2a et 2b ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, volume II, 2011, n. 5.8.4.1
p. 822).

Un tel retrait a tous les effets d'un désistement d'instance et il entraîne l'entrée en force de chose jugée de la décision contre laquelle le recours était dirigé (ATF 107 V 246 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_299/2009 du
28 juin 2010 consid. 1.3.3 ; ATA/379/2009 précité consid. 2c ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 388 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER,
op. cit., n. 5.8.4.1 p. 822).

7. a. En l’espèce, la délibération du conseil municipal de l’intimée du 29 mai 2012 décidant d’exercer son droit de préemption sur la parcelle en cause n’a pas fait l’objet d’un référendum municipal – ou communal – et elle a été approuvée par l’arrêté du Conseil d’État du 21 août 2012. Après cette dernière date, conformément aux art. 66 al. 2 et 70 al. 1 let. d aLAC, toutes les conditions étaient réunies pour que ladite délibération soit exécutoire.

Toutefois, de par l’art. 66 al. 1 LPA afférent à l’effet suspensif, le recours interjeté le 5 juillet 2012 par le recourant contre la lettre de la commune du 4 juin 2012 lui notifiant la délibération du 29 mai 2012 a suspendu le caractère exécutoire de cette dernière.

Le retrait de ce recours intervenu par la déclaration du 3 mars 2014 du recourant a mis fin à la procédure (art. 89 al. 1 LPA) et entraîné l'entrée en force de chose jugée de la décision de l’intimée d’exercer son droit de préemption.

b. En conséquence, par le simple effet de ce retrait de recours, la délibération du 29 mai 2012 est devenue exécutoire, ce qui a eu pour effet, en application de l’art. 35 al. 2 LAC – quand bien cette dernière disposition légale ne porte que sur les immeubles propriétés de l’État dont la vente ne sert pas un but d’intérêt public ou général –, que la commune a exercé son droit de préemption, ce au sens du droit privé comme au sens du droit administratif.

Rien, notamment aucune norme légale ou réglementaire, ne permet en effet de penser que l’exercice du droit de préemption au sens du droit administratif ne correspondrait pas à celui au sens du droit privé, lequel ne consiste qu’en une déclaration unilatérale de volonté, sujette à réception, qui doit être précise et univoque.

La décision d’une autorité d’exercer un droit de préemption légal de droit public constituant un droit formateur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2007 du
2 juin 2008 consid. 3.3 = SJ 2008 I 416), les effets dudit exercice sont ceux prévus par le droit privé, en particulier le CC, auxquels le droit cantonal, en application du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), n’a pas le droit de déroger (dans ce sens, arrêt du Tribunal fédéral 1P.639/2004 précité =
SJ 2005 I 545). Un arrêt de la chambre de céans – et donc aussi un retrait du recours – dans le cadre d’une procédure contre la décision de l’État ou d’une commune d’exercer son droit de préemption met fin à la procédure administrative concernant l’exercice de ce droit formateur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2007 précité consid. 3.3 = SJ 2008 I 416).

8. Dans ces conditions et quand bien même les conditions matérielles requises pour l’exercice de son droit de préemption n’auraient plus été remplies, il n’était, dès le 3 mars 2014, plus dans le pouvoir de l’intimée de le révoquer, comme elle l’a fait par sa décision prise lors de la délibération du 11 mars 2014, à moins que sa décision d’exercer son droit de préemption, prise lors de la délibération du conseil municipal du 29 mai 2012 et notifiée par écrit le 6 juin 2012 au recourant, n’ait pas produit d’effets juridiques.

9. a. Le but du législateur, lorsqu’il a adopté le délai de trente jours de l’art. 5
al. 2 LGL, était que l’on ne dépasse en aucun cas nonante jours, « en ventilant soixante jours pour l’État et trente jours pour la commune », entre la date du dépôt de l’acte au registre foncier (art. 5 al. 1 LGL) et la notification de la décision d’exercice du droit de préemption aux intéressés (art. 5 al. 2 LGL ;
MGC 1993 I 720 ss, spéc. 725). Toutefois, la loi ne prévoit expressément aucune conséquence en cas de non-respect du délai de trente jours de l’art. 5 al. 2 LGL (ATA/234/2016 précité consid. 3c).

b. En droit privé fédéral, la déclaration de l’exercice du droit de préemption, manifestation de volonté sujette à réception, doit parvenir à son destinataire à l’intérieur du délai de trois mois, s’agissant tant du droit de préemption conventionnel (art. 216e CO) que du droit de préemption légal
(art. 681a al. 2 CC).

Il s’agit d’un délai de péremption (Bénédict FOËX, in Commentaire romand, CO I, 2012, n. 3 s. ad art. 216e CO). À la différence de la prescription, la péremption entraîne l’extinction du droit subjectif et le juge doit la relever d’office (ATF 140 III 244 consid. 5.3 ; 131 III 566 consid. 3.2 ; Pierre TERCIER/Pascal PICHONNAZ, Le droit des obligations, 2012, n. 1552).

Ainsi, si la déclaration de l’exercice du droit de préemption intervient après l’expiration du délai, il n’y pas eu de déclaration valable dans ce délai
(ATF 81 II 239 consid. 1 = JdT 1956 I 7).

c. Le droit administratif connaît aussi le délai de péremption, de manière non absolue et avec certaines particularités par rapport au droit privé (ATF 116 Ib 386 consid. 53c.bb = JdT 1992 I 642, sans traduction sur ce point ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, n. 746 ss ; Jacques DUBEY/
Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1258 ss).

d. Cela étant, contrairement aux art. 681a al. 1 CO et 216e CO, qui ne prévoient aucune forme particulière pour la déclaration d’exercice du droit de préemption (Paul-Henri STEINAUER, op. cit., n. 1736b ; Bénédict FOËX,
op. cit., n. 5 ad art. 216e CO), l’exigence de la notification d’une décision, en vertu de l’art. 5 al. 2 LGL, implique, en application de l’art. 46 al. 1 LPA, que ladite décision soit en principe désignée comme telle, motivée et signée, et indique les voies et délais de recours (ATA/234/2016 précité consid. 4 ; ATA/573/2014 précité consid. 1 et 2), et donc écrite.

e. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsqu’il s’agit d’examiner la péremption de prétentions de droit public, il faut certes partir des principes généraux (de droit privé), mais il convient de tenir compte simultanément du but que le législateur poursuit avec la disposition de péremption dans le domaine juridique en question, de même que des circonstances concrètes du cas. La péremption ne peut pas être prise en considération d’office lorsque pareille objection apparaît comme un abus de droit manifeste, respectivement comme une violation du principe de la bonne foi (ATF 131 II 65 consid. 1.3 =
JdT 2005 I 700 ; 116 Ib 386 consid. 3c/bb = JdT 1992 I 642, sans traduction sur ce point ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1261), ce qui constitue un assouplissement de la règle générale selon laquelle le délai de péremption n’est susceptible d’aucune prolongation, interruption ou restitution (ATF 126 II 145 consid. 3b.aa = JdT 2003 I 71 ; 116 Ib 386 consid. 3c/bb = JdT 1992 I 642, sans traduction sur ce point ; 114 V 123).

10. a. Dans le cas présent, en 2012, après la réception, le 2 mai 2012, du courrier de l’État de Genève renonçant à l’exercice de son droit de préemption, la commune a, par lettre expédiée le 5 juin 2012 et reçue le lendemain, soit cinq jours après l’échéance, le 1er juin 2012 (dernier jour du délai), du délai de trente jours prévu par l’art. 5 al. 2 LGL, notifié par écrit au recourant sa décision, prise le 29 mai 2012 par le conseil municipal, d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés dans l’acte, au sens de l’art. 5 al. 2 let. b LGL.

Il importe donc peu, concernant le respect du délai de péremption, que, comme l’a relevé un conseiller municipal à teneur du procès-verbal de la délibération du 29 mai 2012 et comme l’a allégué l’intimée dans sa réponse du
31 août 2012, le recourant ait été présent à ladite délibération, seule valant exercice du droit de préemption la notification écrite.

b. Il s’ensuit que la commune, en n’exerçant pas son droit de préemption dans le délai de péremption de l’art. 5 al. 2 let. b LGL, n’a pas valablement, dans le délai légal, exercé ledit droit en tant que cet exercice faisait suite à la vente de la parcelle au recourant le 5 mars 2012 et a laissé en principe s’éteindre, depuis le
2 juin 2012, le droit audit exercice.

c. La constatation – d’office – de la péremption de l’exercice du droit de préemption en lien avec cette vente, décidé le 29 mai 2012 et notifié le 6 juin 2012 par la commune, ne pose, dans les circonstances tout particulières du présent cas, pas de problèmes relevant d’un abus de droit ou d’une violation du principe de la bonne foi. En effet, l’art. 5 al. 2 let. b LGL a en premier lieu pour but de protéger le vendeur et l’acquéreur de la parcelle, non la collectivité publique (par analogie, ATF 131 II 65 consid. 1.3 = JdT 2005 I 700). Par ailleurs, c’est le recourant qui s’est d’emblée prévalu de la tardiveté de l’exercice par l’intimée de son droit de préemption, dans son recours du 5 juillet 2012, soit bien avant que la décision de celle-ci du 29 mai 2012 soit apparemment devenue exécutoire ; à aucun moment, la commune n’a invoqué la péremption de ce droit, pas même dans son écriture du 16 février 2016, où elle a simplement mentionné que l’intéressé avait formulé ce grief dans le cadre dudit recours. L’attitude de la commune n’a pas été d’une autre manière abusive, dans la mesure notamment où, dès qu’elle a su, à réception de la lettre du 5 février 2014 du conseiller d’État en charge du DALE, qu’elle ne pourrait plus construire des logements conformément à la loi et à sa volonté, elle a très rapidement, soit par la proposition de son conseil administratif du 3 mars 2014 – la même date que le retrait du recours par le recourant –, entamé une procédure tendant à la révocation de sa décision du 29 mai 2012.

La constatation de la péremption de l’exercice du droit de préemption dans le présent cas ne met pas non plus sérieusement en danger la sécurité du droit, en particulier pour le recourant. En effet, celui-ci a, dans son recours du 5 juillet 2012, invoqué la tardiveté de l’exercice du droit de préemption dont la décision lui avait été notifiée le 6 juin 2012 et conclu à l’annulation de cette décision, position qu’il a maintenue jusqu’au 3 mars 2014, quelques jours avant la transmission au recourant et à la chambre de céans de la révocation de cette décision par l’intimée. En outre, cette dernière n’a à aucun moment été inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire de la parcelle litigieuse, ni n’a exercé des droits sur celle-ci à quelque titre que ce soit. C’est l’intéressé qui a, peu de temps après la conclusion le 5 mars 2012 de l’acte de vente, été inscrit au registre foncier en tant que propriétaire de la parcelle, et a exercé des droits sur cette dernière et l’a louée à des tiers, réalisant ainsi un revenu régulier. Enfin, les droits de tiers ne sont en l’occurrence pas susceptibles d’être lésés par la constatation de péremption. Dans ces circonstances toutes particulières, la sécurité du droit n’est pas mise en danger par la constatation de la péremption de l’exercice du droit de préemption de la commune sur la parcelle en cause à la suite de la vente du 5 mars 2012.

11. Vu ce qui précède, la décision de l’intimée prise par la délibération de son conseil municipal du 29 mai 2012, notifiée le 6 juin 2012 au recourant, d’exercer son droit de préemption sur la parcelle n° 2'805 sise sur son territoire et d’ouvrir au conseil administratif un crédit de CHF 2’800’000.- afin de l’acquérir est dénuée d’effets, ce qu’il y a lieu de constater d’office.

En conséquence, la décision prise par la commune, par la délibération de son conseil municipal du 11 mars 2014, de renoncer à exercer son droit de préemption sur la parcelle n° 2'805, pour le prix de CHF 2’800'000.-, et d’annuler sa délibération du 29 mai 2012, était sans objet.

12. Faute d’objet, le recours pour déni de justice est irrecevable (à tout le moins par analogie, ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ATA/1257/2015 du 24 novembre 2015 ; ATA/412/2013 du 2 juillet 2013), la décision sollicitée par le recourant, consistant en la notification par le conseil administratif de la décision du conseil municipal dont l’absence d’objet vient d’être constatée, ne pouvant pas être rendue par l’intimée.

13. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate que la décision de la commune de Vernier prise par la délibération de son conseil municipal du 29 mai 2012, notifiée le 6 juin 2012 à Monsieur Charles Michel MAULINI, tendant à l’exercice de son droit de préemption sur la parcelle
n° 2'805 sise sur son territoire et ouvrant au conseil administratif un crédit de
CHF 2'800'000.- afin de l’acquérir, est sans effets ;

constate que la décision prise par la commune de Vernier, par la délibération de son conseil municipal du 11 mars 2014, de renoncer à exercer son droit de préemption sur la parcelle n° 2'805, pour le prix de CHF 2'800'000.-, et d’annuler sa délibération du
29 mai 2012 ouvrant au conseil administratif un crédit de
CHF 2'800'000.- afin de l’acquérir par l’exercice dudit droit, est sans objet ;

déclare irrecevable le recours formé le 24 avril 2015 par Monsieur Charles Michel MAULINI pour déni de justice à l’encontre de la commune de Vernier, y compris les conclusions principales tendant au paiement de montants et à l’inscription de la commune de Vernier comme propriétaire de la parcelle n° 2’805 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Charles Michel MAULINI ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, à
Me Delphine Zarb, avocate de la commune de Vernier, ainsi que, pour information, au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :