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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4008/2016

ATA/876/2018 du 28.08.2018 sur JTAPI/1033/2017 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.10.2018, rendu le 29.08.2019, REJETE, 2C_896/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4008/2016-ICCIFD ATA/876/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 aout 2018

4ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Alexandre Faltin et Me Grégory Clerc, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2  octobre 2017 (JTAPI/1033/2017)


EN FAIT

1. La A______ (ci-après : A______ ou la société), dont le siège est à Genève, a pour but l’acquisition, la possession, l’exploitation et la vente d'immeubles sis dans le canton de Genève. Son capital-actions est de CHF 50'000.-.

2. Monsieur B______ a été administrateur de la société depuis sa fondation jusqu’en janvier 2004, date à laquelle sa fille, Madame C______, lui a succédé en tant qu’administratrice avec signature collective à deux, puis en tant qu’administratrice unique depuis 2005.

Conformément à l’article 3 de ses statuts, A______ peut, depuis 1986, « consentir et/ou garantir des avances à ses actionnaires ou en faveur de tiers ».

3. M. B______ et Mme C______ sont également administrateurs, aux côtés de D______ et de Monsieur E______, respectivement fille et beau-fils de M. B______, de la société F______ (ci-après : F______), société ayant pour but « toutes opérations commerciales, achat, vente, représentation, conseils techniques, gérance, participations et toutes opérations financières s'y rapportant ». Son capital-actions est de CHF 25'000'000.-.

Années fiscales 2006 et 2007

4. Par bordereaux de taxation du 19 novembre 2007, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a établi la taxation d’office de A______ pour l’année 2006, fixant les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) à CHF  65'981.85 et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) à CHF 527.-.

5. Par bordereaux et avis de taxation du 11 décembre 2008, l’AFC-GE a établi la taxation d’office de A______ pour l’année 2007, fixant l’ICC à CHF 89'435.25, couplé à une amende de CHF 1'000.-, et l’IFD à CHF 663.-, couplé à une amende de CHF 1'000.-.

6. Le 11 décembre 2008, la société a déposé sa déclaration fiscale pour l’année 2007.

Étaient joints le bilan et le compte de pertes et profits de la société au 31 décembre 2007, lesquels comprenaient également les chiffres de la société au 31  décembre 2006, et desquels il ressortait notamment les éléments suivants :

 

 

Actif :

 

2007

2006

Avances à des tiers

CHF 16'543'506.49

CHF 16'273'764.49

Provisions sur avances à des tiers

CHF 6'193'980.18

CHF 5'693'980.18

Total de l’actif

CHF 14'984'862.84

CHF 15'295'570.47

Passif :

 

2007

2006

Provision pour grands travaux

CHF 1'280'200.-

CHF 1'130'200.-

Compte de profits et pertes :

 

2007

2006

Variation de la provision sur

créance

CHF 500'000.-

CHF 800'000.-

Intérêts créanciers sur avances

de tiers

CHF 447'142.-

CHF 251'700.-

La société a par ailleurs déclaré à l’annexe A détenir une créance envers un proche de l’actionnaire de CHF 10'349'526.- amortie à la valeur de CHF 500'000.- et dont le rendement comptabilisé s’élevait à CHF 447'142.-.

7. Par courrier envoyé le 18 décembre 2008, la société a élevé réclamation contre la taxation d’office ICC et IFD 2007 selon le bordereau et relevés de comptes établis le 11 décembre 2008.

8. Par courrier du 5 février 2009, l’AFC-GE a informé la société de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt concernant l'ICC et l'IFD 2006, dans la mesure où elle avait constaté que des éléments de bénéfice et de capital n’avaient pas été correctement taxés.

9. Les 26 avril et 4 juin 2012, l’AFC-GE a adressé à la société une demande de renseignement puis un rappel. Devaient lui être remis par écrit :

- l’identité et le domicile du bénéficiaire du prêt octroyé par la société figurant à l’actif du bilan à la fin de l’exercice pour le montant de CHF  10'349'526.-, ainsi que sa position par rapport à la société (actionnaire, personne physique proche de l’actionnaire, société sœur, filiale, etc.) ;

- l’identité et le domicile de tous les détenteurs de droits de participation de la société en précisant le pourcentage du capital-actions ou du capital social détenu par chacun de ceux-ci ;

- une copie du contrat de prêt en question établi entre la société et l’emprunteur. À défaut, l’indication des modalités, soit le montant du prêt, la devise dans laquelle le prêt a été accordé, la durée du prêt, le taux d’intérêt appliqué, le plan de remboursement du prêt et les clauses de résiliation ainsi que les garanties données par l’emprunteur ;

- la preuve de la solvabilité de l’emprunteur ainsi que de sa capacité de remboursement ;

- le détail et la justification du poste provision de CHF 500'000.- comptabilisé sur le prêt en question, en précisant les procédures entreprises en vue de recouvrer la créance y relative, le calcul de la provision et la date à laquelle le risque de perte couvert par la provision avait pris naissance.

10. A______ a répondu que l’emprunteur était M. B______, ancien actionnaire de la société, dont la preuve de la solvabilité pouvait être obtenue au travers de ses anciennes déclarations fiscales.

Les actionnaires de la société depuis 2003 étaient Mesdames C______, D______ et G______, respectivement détentrices de 17, 17 et 16 actions.

Il n’existait pas de contrat écrit et le montant du prêt, conclu pour une durée indéterminée, avait fluctué depuis 1993, année où le compte courant de l’ancien actionnaire était devenu débiteur. Il portait intérêts au taux annuel défini selon la lettre circulaire de l’AFC-GE.

Le montant de l’attribution à la provision de CHF 500'000.- en 2007 consistait, à peu de choses près, en la somme des intérêts et commissions de fiducie de l’exercice. L’emprunteur faisant face à de sérieuses difficultés financières, le montant du prêt avait été considéré comme une non-valeur et avait fait l’objet d’une provision en intégralité durant l’exercice 2009.

11. Le 22 octobre 2013, l’AFC-GE a notifié à A______ les bordereaux rectificatifs de rappel d’impôts 2006. Les montants totaux des impôts dus s’élevaient en ICC à CHF 566'416.10 et en IFD à CHF 179'800.50, assortis chacun d’une amende de CHF 400.-.

Elle retenait comme non autorisées une provision sur créance de CHF  800'000.- et une provision pour grands travaux de CHF 1'130'200.-.

L’insolvabilité de M. B______ était établie depuis au moins 2001. Le prêt qui lui avait été octroyé aurait dû être amorti dans son intégralité antérieurement et non pas seulement en 2006 par le biais d’un amortissement s’élevant à CHF  800'000.-. Ledit amortissement ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial déductible sur le plan fiscal.

La provision pour grands travaux d’entretien, qui possédait un caractère propre de charge pouvant être qualifiée de future, était admise à titre tout à fait exceptionnel par le canton de Genève, uniquement sous certaines conditions, qui figuraient dans leur instruction n° 125 du 6 février 1979 relative aux sociétés immobilières (ci-après : instruction n° 125). La société ne remplissait pas celle figurant au n° 5. En effet, à la lecture des comptes 2006 remis avec la déclaration, aucune contrepartie de la provision n’avait été bloquée dans un compte spécial, à l’actif du bilan. Dès lors, une reprise à hauteur de CHF 1'130'200.- avait été opérée en bénéfice et capital.

12. Par courrier du même jour, l’AFC-GE a informé la société que sa déclaration datée du 4 décembre 2008, reçue le 11 décembre 2008, était considérée comme une réclamation à l’encontre des bordereaux de taxation d’office de la période fiscale 2007.

Elle entendait rectifier les taxations querellées en sa défaveur. Un délai au 22 novembre 2013 lui était fixé afin de remettre sa détermination accompagnée des moyens de preuve. Un amortissement non autorisé par l’usage commercial de CHF 500'000.- avait été opéré sur le prêt à l’actionnaire (provision sur créance). L’insolvabilité de M. B______ était établie depuis 2001 au moins. Le prêt qui lui avait été octroyé aurait dû être amorti dans son intégralité antérieurement et non pas seulement en 2007 par le biais d’un amortissement s’élevant à
CHF  500'000.-. Ainsi, l’amortissement opéré du prêt à hauteur de CHF 500'000.- ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial déductible sur le plan fiscal.

En outre, une provision non autorisée par l’usage commercial avait été enregistrée sur la provision pour grands travaux de CHF 150'000.- (redressement en bénéfice) et de CHF 1'280'200.- (redressement en capital). Ces montants devaient être repris.

13. Dans le délai utile, A______ a formé réclamation à l’encontre des bordereaux de rappel d’impôt 2006. Sa détermination et le dossier complet seraient remis dans les meilleurs délais.

L’AFC-GE lui a fixé un délai au 28  février 2014 pour compléter sa réclamation.

 

Année fiscale 2008

14. Le 15 décembre 2009, A______ a remis sa déclaration fiscale 2008 à laquelle étaient joints ses comptes faisant notamment état des éléments suivants :

Actif :

Avances à des tiers

CHF 17'141'170.44

Provisions sur avances à des tiers

CHF 7'193'980.18

Total de l’actif

CHF 14'581'551.56

Passif :

Provision pour grands travaux

CHF 1'530'200.-

Compte de profits et pertes :

Variation de la provision sur créance

CHF 1'000'000.-

Intérêts créanciers sur avances de tiers

CHF 537'663.95

15. Le 22 octobre 2013, l’AFC-GE a notifié à A______ les bordereaux et avis de taxation 2008. Le montant total de l’impôt dû s’élevait en ICC à CHF  380'143.50 et en IFD à CHF 113'687.50.

L’insolvabilité de M. B______ était établie depuis au moins 2001. Le prêt qui lui avait été octroyé aurait dû être amorti dans son intégralité antérieurement et non pas seulement en 2008 par le biais d’un amortissement s’élevant à CHF  1’000'000.-. Ledit amortissement ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial déductible sur le plan fiscal.

La provision pour grands travaux d’entretien, qui possédait un caractère propre de charge pouvant être qualifiée de future, était admise à titre tout à fait exceptionnel par le canton de Genève, uniquement sous certaines conditions, qui figuraient dans leur instruction no 125 du 6 février 1979. La société ne remplissait pas celle figurant au no 5. En effet, à la lecture des comptes 2008 remis avec la déclaration, aucune contrepartie de la provision n’avait été bloquée dans un compte spécial à l’actif du bilan. Dès lors, une reprise à hauteur de CHF 250'000.- avait été opérée en bénéfice et de CHF 1'530'200.- en capital.

16. Dans le délai utile, A______ a formé réclamation à l’encontre des bordereaux précités. Sa détermination et le dossier complet serait remis dans les meilleurs délais.

L’AFC-GE lui a fixé un délai au 28  février 2014 pour compléter sa réclamation.

Année fiscale 2009

17. Le 9 mai 2011, la société a remis sa déclaration fiscale 2009, à laquelle étaient joints ses comptes faisant notamment état des éléments suivants :

Actif :

Avances à des tiers

CHF 17'629'670.-

Provisions sur avances à des tiers

CHF 17'629'669.-

Total de l’actif

CHF 5'203'874.-

Passif :

Provision pour grands travaux

CHF 1'530'200.-

Compte de profits et pertes :

Attribution au ducroire (variation
de la provision sur créance)

CHF 10'435’690.-

18. Par bordereaux et avis de taxation 2009 du 22 octobre 2013, l’AFC-GE a taxé A______ en ICC à CHF 328'341,90 et en IFD à CHF 99'858.-.

L’insolvabilité de M. B______ était établie depuis au moins 2001. Le prêt qui lui avait été octroyé aurait dû être amorti dans son intégralité antérieurement et non pas seulement en 2009 par le biais d’un amortissement s’élevant à CHF  10'435’690.-. Ledit amortissement ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial déductible sur le plan fiscal.

La provision pour grands travaux d’entretien, qui possédait un caractère propre de charge pouvant être qualifiée de future, était admise à titre tout à fait exceptionnel par le canton de Genève, uniquement sous certaines conditions, qui figuraient dans leur instruction no 125 du 6 février 1979. La société ne remplissait pas celle figurant au no 5. En effet, à la lecture des comptes 2009 remis avec la déclaration, aucune contrepartie de la provision n’avait été bloquée dans un compte spécial, à l’actif du bilan. Dès lors, une reprise à hauteur de CHF 1’530'000.- avait été opérée en capital.

19. Dans le délai utile, A______ a formé réclamation à l’encontre des bordereaux précités. Sa détermination et le dossier complet serait remis dans les meilleurs délais.

L’AFC-GE a également fixé à la société un délai au 28  février 2014 pour compléter sa réclamation.

Année fiscale 2010

20. Le 31 octobre 2011, A______ a remis sa déclaration fiscale, à laquelle étaient joints ses comptes faisant notamment état des éléments suivants :

Actif :

Avances à des tiers

CHF 17'209'420.-

Provisions sur avances à des tiers

CHF 117'209'420.-

Total de l’actif

CHF 4'918'751.-

Passif :

Provision pour grands travaux

CHF 1'530'200.-

Compte de profits et pertes :

Variation ducroire

CHF 420'250.-

À titre d’observation, la société a indiqué que l’État de Genève détenait à titre de garantie d’une dette de M. B______ trois cédules hypothécaires et avait requis la vente aux enchères de l’immeuble. En cas de vente de l’immeuble en réalisation forcée, la continuation de l’exploitation s’avérerait impossible.

21. Par bordereaux et avis de taxation 2010 du 22 octobre 2013, l’AFC-GE a taxé A______ en ICC à CHF 214'290.45 et en IFD à CHF 56'210.50.

L’insolvabilité de M. B______ était établie depuis au moins 2001. Le prêt qui lui avait été octroyé aurait dû être amorti dans son intégralité antérieurement et non pas seulement en 2010 par le biais d’un amortissement s’élevant à CHF  129'256.-. Ledit amortissement ne constituait pas une charge justifiée par l’usage commercial déductible sur le plan fiscal.

22. Dans le délai utile, A______ a formé réclamation à l’encontre des bordereaux précités et précisé que sa détermination et un dossier complet serait remis dans les meilleurs délais.

L’AFC-GE a fixé à la société un délai au 28  février 2014 pour compléter sa réclamation. La société ne s’est pas manifestée dans le délai imparti.

Procédure en rappel d’impôt (2006) et procédures rectificatives (2007 à 2010)

23. Par courriers du 30 juin 2016, l’AFC-GE a informé A______ de son intention de modifier les taxations 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 et lui a imparti un délai pour se déterminer.

Le prêt octroyé à M. B______, ancien actionnaire de la société, devait être considéré fiscalement comme un actif fictif, soit une prestation appréciable en argent (distribution dissimulée de bénéfice). En effet, la preuve de la solvabilité de M. B______ était insuffisante, sa capacité de remboursement n’avait pas été apportée valablement et aucun contrat de prêt n’avait été présenté. Ainsi, un tel prêt n’aurait pas été octroyé à des tiers dans des circonstances identiques. Le fait de ne pas avoir opéré de corrections lors des années fiscales précédentes ne fondait aucun droit au maintien de cette situation.

Sur la base de ce qui précédait, les intérêts de 2006 à 2009, provenant du prêt fictif et comptabilisés, devaient être déduits du résultat net.

En outre, la provision sur le prêt qualifié de fictif comptabilisée dans le compte de profits et pertes n’était pas admise et compensait partiellement dans le bilan la réserve négative résultant de la distribution dissimulée de bénéfice.

24. Le 29 juillet 2016, A______ a indiqué remettre en cause l’appréciation de l’AFC-GE pour les années 2006 à 2010, notamment le caractère insolvable de l’emprunteur. Elle sollicitait un délai au 30 septembre 2016 afin de compléter son courrier.

25. Par décisions sur réclamation du 24 octobre 2016, l’AFC-GE a rejeté les réclamations de A______ pour les années 2006 à 2010 et a reconsidéré les taxations.

La provision pour grands travaux était non autorisée par l’usage commercial, le prêt versé à M. B______ ne pouvait être comptabilisé, les intérêts provenant de celui-ci devaient être déduits, et la provision/amortissement comptabilisé sur le prêt fictif à charge du compte de produits et pertes n’était pas admise. Malgré les engagements pris dans son courrier du 29 juillet 2016, aucun élément n’avait été transmis par la société.

Étaient annexés les documents suivants :

- les bordereaux ICC et IFD rectificatifs ainsi que les avis de taxation y relatifs, lesquels fixaient les montants suivants :

Année

Impôt

Montant

Rappel

2006

ICC

CHF 500'167.95

CHF 66'878.10

IFD

CHF 158'806.-

CHF 21'394.50

2007

ICC

CHF 135'958.30

 

IFD

CHF 30'625.50

 

2008

ICC

CHF 238'368.25

 

IFD

CHF 67'983.-

 

2009

ICC

CHF 229'094.80

 

IFD

CHF 63'928.50

 

2010

ICC

CHF 214'290.70

 

IFD

CHF 56'210.50

 

- les décomptes finaux ;

- des bulletins de versement.

Année fiscale 2011

26. Le 17 octobre 2012, la société a remis sa déclaration fiscale, à laquelle étaient joints ses comptes faisant notamment état des éléments suivants :

Actif :

Avances à des tiers

CHF 34'459'180.-

Provisions sur avances à des tiers

CHF 34'459'179.-

Débiteur actionnaire et
proches

CHF 9'694'390.-

Provision sur débiteur et risques divers

CHF 1'000'000.-

Total de l’actif

CHF 19'464'607.-

Passif :

Provision pour grands travaux

CHF 0.-

Compte de profits et pertes :

Variation ducroire

CHF 17'700'254.-

Elle avait cédé l’immeuble sis______, rue H______, réalisant un gain de CHF  42'929'024.-. Il ressortait également de l’annexe G de la déclaration fiscale que la société avait comptabilisé CHF 78'723.- au titre d’intérêts sur les créances et prêts aux actionnaires, associés et personnes proches.

27. Par demande de renseignements du 2 octobre 2013, l’AFC-GE a sollicité de la part de A______ qu’elle lui remette notamment les identités et les domiciles des bénéficiaires des prêts de CHF 34'459'180.- et CHF 9'694'390.- ainsi que leur position par rapport à la société, les identités et les domiciles de tous les détenteurs de droits de participation, une copie des contrats de prêt en question, à défaut, l’indication de leurs modalités (montants, devise, durée, taux d’intérêt appliqué, plan de remboursement, clause de résiliation et garantie donnée par l’emprunteur), la preuve de la solvabilité des emprunteurs (salaire, montant de la valeur locative de leur logement, montant de leur fortune, etc.) ainsi que le détail et la justification des postes provisions de CHF 34'459'179.- et CHF 1'000'000.- comptabilisées sur les prêts en question.

28. La société a répondu que le bénéficiaire du prêt de CHF 34'459'180.- était M. B______. Mme G______, actionnaire de la société, et F______ étaient bénéficiaires de prêts s’élevant à un total de CHF 8'694'390.-. Le solde de CHF 1'000'000.- consistait en une prétention envers Mme G______. Le reflet de ladite prétention était visible au compte de profits et pertes sous le poste « commission ». La provision de CHF 1'000'000.- avait été constituée à charge de la créance envers Mme  G______, afin de pallier le risque que la débitrice conteste la créance.

Les actionnaires, Mmes D______, C______ et G______ détenaient respectivement 34 %, 34 % et 32 % du capital-actions de A______.

Était joint le contrat relatif au prêt accordé à Mme G______ pour un montant de CHF 2'350'000.- plus intérêt au taux de 2,25 %. Les autres avances n’avaient pas fait l’objet d’un contrat. Celle accordée à F______ ne prévoyait pas de montant fixe ni de durée limite. L’avance portait intérêt à 2,25 %.

L’augmentation de la créance de la société à l’encontre de M. B______ provenait de l’activation par le créancier gagiste, à savoir l’État de Genève, des garanties émises par la société au bénéfice de M. B______, ceci ensuite de la réalisation de son immeuble, rendue inévitable à la suite de l’action en remboursement effectuée par l’État de Genève. La provision de CHF 34'459'179.- se rapportant à la créance envers M. B______ avait ainsi été augmentée en 2011.

La preuve de la solvabilité de M. B______ et des autres débiteurs, tous domiciliés à Genève, pouvait être obtenue au travers de leurs déclarations fiscales.

Était notamment annexé le contrat de prêt du 28 juin 2011 conclu entre A______ et Mme G______, dont il ressortait que la société lui avait prêté la somme de CHF 2'350'000.- avec intérêt à 2,25 % l’an. Ledit contrat était valable jusqu’au 31 décembre 2011 et automatiquement renouvelable, jusqu’à ce qu’un paiement soit effectué sur les comptes de A______, valeur 1er janvier 2012.

29. Par bordereaux et procès-verbaux de taxation du 30 juin 2016, l’AFC-GE a taxé A______ en ICC à CHF 8'920'388.40 et en IFD à CHF 3'240'225.50.

Le prêt de CHF 1.- au 31 décembre 2011 octroyé à M. B______ (prêt de CHF 16'700'254.- moins provision de CHF 16'700'253.-) devait être considéré comme un prêt simulé constituant une prestation appréciable en argent et une distribution dissimulée de bénéfice, dans la mesure où il n’aurait manifestement pas été octroyé à des tiers dans des circonstances identiques (preuve de la solvabilité insuffisante, plan de remboursement non respecté et garanties insuffisantes). La provision y relative ne pouvait, par ailleurs, pas être admise.

Il en allait de même concernant le prêt de CHF 0.- (prêt de CHF  17'758'926.- moins provision de CHF 17'758'926.-) consenti à M. B______ qui devait être considéré comme fictif en raison de la preuve de la solvabilité insuffisante, de l’absence de contrat de prêt et de la capacité de remboursement non démontrée. La provision y relative ne pouvait pas non plus être admise.

Les prêts consentis à F______ et à Mme G______, respectivement proche et actionnaire de la société, étaient également considérés comme des prêts simulés constituant une prestation appréciable en argent et une distribution dissimulée de bénéfice, dans la mesure où ils n’auraient manifestement pas été octroyés à des tiers dans des circonstances identiques (preuve de la solvabilité insuffisante et garanties insuffisantes). La provision de CHF 1'000'000.- comptabilisée sur ces prêts ne pouvait pas être admise.

Finalement, les intérêts de CHF 78'723.- sur les prêts précités devaient être déduits du résultat net comptable.

30. Dans le délai utile, A______ a élevé réclamation à l'encontre des bordereaux ICC et IFD 2011. Elle contestait le caractère insolvable de ses emprunteurs et sollicitait un délai 30 septembre 2016 pour compléter ses écritures.

31. Par décisions du 24 octobre 2016, l’AFC-GE a rejeté la réclamation de A______ pour l’année 2011 et maintenu la taxation. La société n’avait pas fait parvenir les éléments nécessaires à l’application de la loi, ne respectant pas ses engagements, pris dans sa réclamation.

Années fiscales 2012 et 2013

32. A______ a déposé des déclarations fiscales auprès de l’AFC-GE pour les années 2012 et 2013, auxquelles étaient annexés ses comptes qui faisaient notamment état des éléments suivants :

Actif :

 

2012

2013

Avances à des tiers

CHF 34'459'180.74

CHF 34'459'180.74

Provisions sur avances à des tiers

CHF 34'459'179.74

CHF 34'459'179.74

Créances sur des tiers proches des actionnaires

CHF 6’994'575.66

CHF 9'627'055.66

Avances actionnaires

CHF 3'350'000.-

CHF 3'350'000.-

Provision sur actionnaires (litiges)

CHF 1'000'000.-

CHF 1'000'000.-

Total de l’actif

CHF 15'060'748.12

CHF 15'754'913.07

Compte de profits et pertes :

 

2012

2013

Intérêts créanciers sur avances de tiers

CHF 50'962.10

CHF 50'250.-

À teneur des annexes aux comptes 2012 et 2013, la société précisait que l’actif de son bilan englobait une créance envers une société proche d’un montant de CHF 6'994'576.- au 31 décembre 2012, CHF 9'627'055.66 au 31 décembre 2013, laquelle était alors en difficulté financière du fait qu’elle possédait elle-même une créance non recouvrée qui faisait l’objet d’un litige et pour lequel elle avait mis en œuvre des mesures judiciaires. Ils étaient convaincus de l’issue favorable de celles-ci.

Il ressortait également des annexes G aux déclarations fiscales précitées que la société avait comptabilisé respectivement CHF 145'676.- en 2012 et CHF 175'051.- en 2013 au titre d’intérêts sur les créances et prêts aux actionnaires, associés et personnes proches.

33. Par bordereaux et procès-verbaux de taxation du 30 juin 2016, l’AFC-GE a taxé A______ pour les années 2012 et 2013 en ICC à, respectivement, CHF  262.80 et 262.70, et en IFD à CHF 0.-.

Le prêt de CHF 0.- (prêt total de CHF 17'758'926.- moins provision cumulée de CHF 17'758'926.-) consenti à M. B______ était considéré comme un prêt fictif constituant une prestation appréciable en argent (distribution dissimulée de bénéfice), qui n’aurait pas été octroyé à des tiers, compte tenu du fait que sa solvabilité ainsi que sa capacité de remboursement n’avait pas été démontrées et en raison de l’absence d’un contrat de prêt.

Le prêt de CHF 1.- (prêt total de CHF 16'700'254.- moins provision cumulée de CHF 16'700'253.-) consenti à M. B______ était considéré comme une avance à caractère simulée constituant une prestation appréciable en argent et une distribution dissimulée de bénéfice, qui n’aurait pas été octroyée à des tiers, compte tenu des garanties insuffisantes, de la solvabilité non avérée de l’emprunteur et de l’irrespect du plan de remboursement du contrat.

Les prêts consentis à Mme G______ ainsi qu’à F______, de respectivement CHF 9'596'004.- (prêts de CHF 10'596'004.- moins provision de CHF 1'000'000.-) en 2012 et CHF 11'977'056.- (prêts de CHF 12'977'056.- moins provision de CHF 1'000'000.-) en 2013, devaient également être considérés comme simulés, compte tenu des garanties insuffisantes présentées par les emprunteurs et de leur solvabilité non avérée. En outre, ces prêts étant supérieurs aux réserves ouvertes additionnées aux réserves latentes, ils devaient être considérés comme des restitutions d’apports prohibées par la loi.

Finalement, les intérêts comptabilisés sur les prêts à Mme G______ et à F______, de respectivement CHF 145'676.- en 2012 et CHF 175'051.- en 2013, devaient être déduits du résultat net comptable.

34. Dans le délai utile, A______ a élevé réclamation à l'encontre des bordereaux ICC et IFD 2012 et 2013. Elle contestait le caractère insolvable de ses emprunteurs et concluait à ce que les taxations précitées soient laissées ouvertes jusqu’à droit jugé sur les périodes fiscales 2006 à 2011.

35. Par décisions du 24 octobre 2016, l’AFC-GE a rejeté les réclamations de A______ et maintenu la taxation. La société n’avait pas fait parvenir les éléments nécessaires à l’application de la loi, ne respectant pas ses engagements pris dans sa réclamation.

Années fiscales 2014 et 2015

36. Par courriers des 20 janvier et 17 mars 2015, A______ a signalé à
l’AFC-GE ne plus avoir d’activité depuis la vente de son immeuble en 2011.

Par bordereaux et avis de taxation du 30 juin 2016, l’AFC-GE a taxé d’office A______ pour les années 2014 et 2015 de la manière suivante :

Année

Impôt

Montant

Amende

2014

ICC

CHF 11'105.80

CHF 300.-

IFD

CHF 85.-

CHF 200.-

2015

ICC

CHF 11'350,30

CHF 600.-

IFD

CHF 425.-

CHF 400.-

Le montant des réserves latentes imposées s’élevait à CHF -11'977'057.-.

37. A______ a également élevé réclamation à l'encontre de ces bordereaux, concluant, principalement, à ce que les taxations précitées soient laissées ouvertes jusqu’à droit jugé sur les périodes fiscales 2006 à 2013, et subsidiairement, à ce qu’un délai au 30 septembre 2016 lui soit imparti pour compléter lesdites réclamations.

Les montants des réserves latentes imposées correspondaient, comme pour les périodes précédentes, notamment au refus de la comptabilisation par
l’AFC-GE des divers prêts versés à M. B______. Or, il était inexact de considérer ce dernier comme insolvable, dans la mesure où F______, dont il était actionnaire à 100 %, avait conclu un accord avec la Fédération de Russie (ci-après : la Russie) le 31 juillet 2002, duquel il ressortait que cette dernière devait à la société précitée le montant de USD 800'000'000.- plus intérêts à compter du 1er janvier 1999, soit environ CHF 2'000'000'000.-. De nombreuses démarches (séquestres, arbitrages, etc.) étaient entreprises pour recouvrer le montant en question, de sorte que M. B______ devait être considéré comme solvable et le refus de comptabilisation des prêts reconsidéré.

Si par impossible et à titre d’exemple seul 10 % du montant figurant dans l’accord devait être recouvré par F______, il serait très largement supérieur aux prêts octroyés.

Les problématiques précitées étaient les mêmes que pour les années précédentes (2006 à 2013).

L’accord conclu entre F______ et la Russie était notamment annexé.

38. Par décisions du 24 octobre 2016, l’AFC-GE a rejeté les réclamations de A______ et maintenu la taxation. La société n’avait pas fait parvenir les éléments nécessaires à l’application de la loi, ne respectant pas ses engagements pris en ce sens dans son courrier du 2 août 2016.

Procédure judiciaire

39. Par acte du 23 novembre 2016, la société a interjeté recours contre les décisions sur réclamation en ICC et IFD 2006 à 2015 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à leur annulation, à l’admission en déduction du bénéfice imposable des provisions relatives aux prêts, ainsi que de la provision pour grands travaux, et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour nouvelles taxations dans le sens des considérants.

Son droit d’être entendu n’avait pas été respecté. L’AFC-GE avait refusé des preuves complémentaires qu’elle était en train de collecter, comme annoncé, en lui refusant tacitement l’octroi d’une prolongation de délai afin de compléter ses écritures. De plus, les décisions de l’AFC-GE n’étaient pas suffisamment motivées.

Les prêts consentis n’étaient pas fictifs. F______, dont M. B______ était l’actionnaire unique, disposait d’une créance envers la Russie de l’ordre de CHF 2'000'000'000.-. Diverses procédures étaient en cours ou envisagées afin de recouvrer ce montant. La société avait simplement respecté ses obligations comptables en provisionnant certains montants relatifs aux prêts.

La provision pour grands travaux d’entretien devait être admise. Elle était clairement comptabilisée au passif de la société sous la dénomination « provision pour grands travaux d’entretien ». Si elle ne ressortait pas spécifiquement d’un poste de l’actif, il paraissait toutefois excessif d’exiger une comptabilisation séparée au vu de la masse globale des actifs de la société.

La société a produit de nombreuses pièces, dont notamment :

- un courrier de F______ à M. B______ du 23 octobre 1992 sollicitant son aide pour recouvrer la dette de la société ;

- un extrait de la Feuille d’avis officielle du 23 décembre 1998, dont il ressortait que F______ avait cédé, dans le cadre d’un concordat, une part du produit de la créance russe à des banques ;

- un rapport complet du 26 juin 2012 rédigé par le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) sur la situation entre F______ et la Russie, expliquant notamment que la procédure de validation des saisies-arrêts de biens et avoirs russes auprès de trente-trois établissements bancaires luxembourgeois était toujours en cours ;

- un courrier de Mme G______ du 22 novembre 2016 à A______ dans lequel elle indiquait que sa fortune nette était, en 2011, supérieure à CHF 5'000'000.-, ainsi qu’une attestation de non-poursuite.

40. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être entendu de la société avait été respecté. Par courrier envoyé en recommandé le 30 juin 2016, l’AFC-GE avait informé A______ de son intention de procéder à la reformation in pejus de ses taxations ICC et IFD 2006 à 2010 et lui avait imparti un délai au 29 juillet 2016 pour se déterminer et produire ses moyens de preuve. Par courrier du 29 juillet 2016, la société avait requis une prolongation du délai au 30 septembre 2016, qui lui avait été accordée dans les faits. En effet, à cette date elle avait encore attendu près d’un mois avant de notifier le 24 octobre 2016 ses décisions sur réclamation.

L’AFC-GE était en droit de se prononcer sur les taxations 2006 à 2011, avant de procéder à la taxation des années 2012 à 2015, dès lors que la société avait déclaré vouloir remettre en cause l’appréciation de l’AFC-GE dans ses courriers recommandés des 2 et 17 août 2016, relatifs respectivement aux périodes fiscales 2012, 2013 et 2014 et 2015, mais n’y avait jamais donné suite, quand bien même elle s’était engagée à le faire avant l’échéance du délai requis par elle, au 30 septembre 2016.

La société n’avait pas comme but statutaire de prêter de l’argent. Les prêts consentis devaient être qualifiés de fictifs, soit de prestations appréciables en argent. Ils avaient été accordés à des proches de l’actionnaire et administrateur de la société, voire à des actionnaires telle que Mme G______. Il s’agissait de nouveaux prêts non garantis et l’insolvabilité des débiteurs était établie par leurs déclarations fiscales, soit notamment pour M. B______ depuis 2001. Il n’existait pas d’états financiers de F______ après 2007, lesquels attestaient, cette année-là, de son incapacité à rembourser le prêt. Les garanties étaient insuffisantes, voire nulles. Il n’y avait pas de plan de remboursement ou il n’avait pas été communiqué, ni contrat de prêt (à l’exception de celui conclu avec Mme G______), dont la durée était indéterminée. Il en allait de même pour les clauses de résiliation et il n’avait pas été démontré qu’un prêt semblable aurait été octroyé à un tiers aux mêmes conditions.

Le prêt octroyé à M. B______ représentait, en 2006, 69,17 % des actifs de la société. En 2011, le montant du prêt, considéré comme simulé, avait été augmenté d’une nouvelle avance de CHF 16'700'254.-, laquelle avait donc été qualifiée de nouveau prêt simulé pour les mêmes raisons. Le prêt octroyé en 2011 à Mme G______ représentait 12,07 % des actifs. Malgré le contrat signé, il n’existait aucune volonté de rembourser A______, le prêt continuant d’exister au-delà de la période 2011. Le prêt octroyé à F______ représentait, en 2011, 39,53 % des actifs de la société.

Finalement, la provision pour grands travaux d’entretien ne pouvait être admise puisque la condition contraignante, selon laquelle une contrepartie devait figurer à un poste à l’actif du bilan, n’était pas remplie.

Étaient notamment annexés, sous couvert du secret fiscal, les documents suivants :

- l’état des titres 2001 et bordereaux de taxation ICC 2006 à 2011 de M. B______ desquels il ressortait que tant le revenu que la fortune imposables étaient nuls ;

- les bordereaux de taxation ICC 2006 à 2013 de Mme G______ et de son époux lesquels faisaient état d’un revenu et d’une fortune imposables nuls en 2010 et 2011 ;

- les comptes 2006 et 2007 de F______, faisant état à l’actif d’un poste « créance litige avec la Russie » de CHF 1'506'700'001.- en 2007 et CHF 1'447'420'001.- en 2006, ainsi que de la provision y relative de CHF 1'273'895'788.- en 2007 et CHF 1'214'615'788.- en 2006.

- les bordereaux de taxation ICC 2006 et 2007, ainsi que les bordereaux de taxation d’office ICC 2008 à 2015 de F______.

41. Dans sa réplique, la société a contesté l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt et persisté dans ses conclusions pour le surplus.

La créance que détenait F______ à l’encontre de la Russie existait, était garantie par des saisies de biens et avoirs russes, effectuées en mains de trente-trois établissements bancaires au Luxembourg, et était dirigée contre un débiteur solvable.

Les procédures étaient poursuivies, notamment au Luxembourg, afin de faire valider les saisies précitées, les plus hautes instances politiques suisses suivaient de près le dossier et un avocat russe avait été mandaté pour notamment négocier avec le gouvernement russe. Le Ministre russe de la justice avait d’ailleurs confirmé que les actifs saisis au Luxembourg étaient propriété de la Russie.

En outre, la solvabilité de Mme G______, de M. B______ et de F______ ne pouvait être niée. Mme G______ détenait, par l’intermédiaire de I______, cinq appartements. Elle était actionnaire et présidente de J______. Elle était propriétaire d’un appartement en attique sis ______, avenue K______ et d’une villa à Cologny. Son patrimoine était ainsi structuré qu’il ne ressortait pas explicitement d’une lecture rapide de sa déclaration fiscale.

Il était contradictoire et malvenu de la part de l’AFC-GE de plaider que F______ était insolvable, alors qu’elle avait fait l’objet d’une taxation faisant état d’un capital imposable de CHF 27'000'000.- environ et d’un bénéfice imposable allant jusqu’à CHF 250'000.- en 2007. Il était par ailleurs établi que F______ disposait de chances raisonnables de recouvrer une part substantielle de sa créance à l’encontre de la Russie. À cet égard, une société tierce s’était montrée disposée à acquérir la créance de F______ pour USD 400'000'000.-.

M. B______ s’était quant à lui délesté de nombreuses dettes, tel que cela ressortait de la comparaison de ses taxations 2006 et 2009. En tant qu’actionnaire unique de F______, il bénéficierait « par ricochet » du recouvrement de la créance à l’encontre de la Russie.

L’augmentation progressive de la dette de M. B______ n’était que le résultat de l’exécution d’engagements contractuels, à savoir la mise à disposition de cédules en échange du versement d’une commission rémunérant le risque de manière adéquate et conforme au marché.

Ainsi, l’augmentation progressive de la dette de M. B______ consistait en une augmentation de son compte courant débiteur à hauteur de ce qui serait intervenu en présence de tiers. Ainsi, il n’était pas question de prêt simulé.

L’AFC ne pouvait ouvrir un rappel d’impôt que lorsqu’elle était en présence de faits nouveaux. Or, elle disposait de tous les éléments nécessaires et pertinents pour la taxation exacte de la société en 2006. À titre d’exemple, les bordereaux du 22 octobre 2013 mentionnaient « les comptes 2006 remis avec la déclaration ».

Étaient notamment annexés les documents suivants :

- un courrier de Monsieur L______ du 9 janvier 2014, alors Président de la Confédération, à l’attention de F______, rappelant la difficulté de la situation, la Russie faisant valoir qu’elle s’était acquittée de sa dette. Il espérait toutefois que les avancées positives dans la procédure luxembourgeoise permettraient un règlement définitif du dossier ou que les biens séquestrés pourraient servir au versement des sommes dues ;

- un avis du Ministre russe de la justice non daté, ainsi que sa traduction confirmant que « les comptes arrêtés le 11 juin 1993 à la décision du tribunal de la ville de Luxembourg indépendamment de leur appartenance, [étaient] absolument la propriété du Gouvernement de la Fédération de Russie » ;

- des extraits du registre du commerce de I______ et de J______ du 25 avril 2017, dont Mme G______ était l’administratrice ;

- les bordereaux de taxation d’office en ICC et IFD 2007 à 2015 de F______, retenant un capital propre total de CHF 27'515'495.- en 2011 et un bénéfice net de CHF 19'531.- ;

- un contrat conclu le 30 novembre 2009 entre F______ et M______, principale créancière de la société précitée et de M. B______, selon lequel elle acceptait de subordonner l’échéance du remboursement de sa créance de USD 200'000'000.- au moment où F______ recouvrerait son dû auprès de la Russie ;

- les avis de taxation 2006 et 2009 de M. B______ faisant état d’un revenu et d’une fortune imposable de CHF 0.- pour les deux années en question ;

- un projet de courrier de Me N______ à l’attention de l’AFC-GE du 24 juin 2011 expliquant la situation ainsi que l’état des charges de l’immeuble de A______ établi par l’Office des poursuites le 29 octobre 2009 dans le cadre de sa vente aux enchères ensuite de poursuites d’un créancier-gagiste de M. B______.

42. Dans sa duplique, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

Le litige ne portait pas sur le point de savoir si la dette à l’encontre de la Russie existait ou non et sur la solvabilité de celle-ci. Les débiteurs dont il était question étaient M. B______, Mme G______ et F______ et non pas la Russie.

Les comptes 2010 signés et remis en annexe de la déclaration de la société faisaient expressément référence à l’insolvabilité de M. B______. Venir soutenir le contraire serait dès lors mal venu. Enfin, la procédure de rappel d’impôt concernait uniquement 2006. La société n’avait pas remis sa déclaration fiscale et s’était vue notifier, après rappels en bonne et due forme, des bordereaux de taxation d’office 2006 le 19 novembre 2007. N’ayant pas été contestés, ils étaient entrés en force. Mi-décembre 2008, l’AFC-GE avait reçu la déclaration fiscale 2007, contenant les comptes 2007 mais également 2006. Elle avait alors ouvert la procédure de rappel d’impôt.

Était annexé un document dénommé « annexe aux comptes de l’exercice arrêté au 31 décembre 2010 » établi par A______, lequel informait de l’insolvabilité de M. B______.

43. Par jugement du 2 octobre 2017, le TAPI a rejeté le recours.

Les conditions légales autorisant l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt étaient réalisées. En effet, en 2006, A______ avait été taxée d’office puisqu’elle n’avait pas remis de déclaration d’impôt et que l’AFC-GE n’avait pas eu accès à ses documents comptables. Ce n’était qu’en décembre 2008, lors de la remise de la déclaration fiscale 2007 à laquelle étaient joints le bilan et le compte de profits et pertes 2007 faisant état des résultats de la société au 31 décembre 2006, qu’elle avait découvert des faits nouveaux.

Le droit d’être entendu de A______ avait été respecté. Son éventuelle violation, à supposer qu'elle doive être admise, avait pu être réparée efficacement durant la procédure devant le TAPI.

En outre, il ne pouvait être reproché à l’AFC-GE d’avoir violé le droit d’être entendu de A______, en ne lui accordant pas un délai supplémentaire pour compléter ses réclamations comme sollicité. Alors que A______ avait sollicité qu’un délai au 30  septembre 2016 lui soit accordé pour se prononcer sur la modification envisagée des taxations 2006 à 2010 et pour compléter ses réclamations s’agissant des périodes 2011 à 2015, l’AFC-GE avait attendu le 24 octobre 2016 pour rendre ses décisions sur réclamation, lui laissant ainsi presque deux mois pour faire valoir ses arguments. A______ n’en avait pas profité. Ayant requis un délai supplémentaire au 30 septembre 2016 pour faire part de sa motivation, il pouvait être attendu de A______, représentée par ses conseils, qu’elle prenne contact avec l’AFC-GE avant ce terme pour s’assurer que sa requête avait été prise en compte et solliciter, le cas échéant, une réponse formelle de sa part. A______ avait disposé de plusieurs années pendant que la procédure était pendante auprès de l’AFC-GE pour consulter son dossier et faire part de ses observations, étant rappelé que lors de ses réclamations contre les taxations rectificatives 2006 à 2010, elle avait déjà indiqué faire parvenir « dans les meilleurs délais » sa détermination complète, ce qu’elle n’avait pas fait.

Enfin, dans ses réclamations du 2 août 2016 à l’encontre des taxations 2014 et 2015, la société avait fait part de ses déterminations, reprises dans son recours subséquent, tout en indiquant que ces problématiques concernaient également les années 2006 à 2013.

De même, il ne saurait être reproché à l’AFC-GE d’avoir violé le droit d’être entendu de A______, en ne motivant pas ses décisions sur réclamations. Celles-ci étaient certes succinctes, mais motivées. Elles renvoyaient pour le surplus au courrier de l’AFC-GE du 30 juin 2016, lequel expliquait clairement la situation. S’agissant des années subséquentes, les décisions n’étaient pas motivées, mais reposaient sur le même complexe de fait, de sorte que la société, qui était assistée d’un mandataire qualifié, pouvait largement en saisir le sens et la portée. Elle avait par ailleurs bien motivé son recours.

Les prêts consentis à M. B______, Mme G______ et F______ devaient être qualifiés de fictifs. Les prêts accordés par A______ à M. B______ en 2006 et en 2011 représentaient une prestation appréciable en argent. La société s’était réservée le droit depuis 1986, conformément à ses statuts, de conclure des prêts avec ses actionnaires ou des proches. Toutefois, les conditions relatives aux prêts litigieux ne soutenaient pas la comparaison avec des prêts accordés à des tiers, les éléments au dossier démontrant qu’il s’agissait de prestations appréciables en argent et/ou de prêts simulés.

S’agissant des prêts à M. B______, l’AFC-GE et la société s’accordaient pour dire que le premier prêt, s’élevant en 2006 à CHF 10'579'785.-, avait été octroyé à M. B______ bien avant l’année précitée, en 1993. Cependant, aucun élément au dossier n’indiquait le montant du prêt en 1993, la situation de la société ou encore la solvabilité du débiteur. Il était ainsi impossible pour les premiers juges, en l’état du dossier, de déterminer si les conditions permettant de qualifier le prêt en question de prestation appréciable en argent, étaient remplies lors de son octroi. Or, pour juger si le crédit de A______ à M. B______ constituait une prestation appréciable en argent, il fallait partir du moment où le prêt avait été accordé.

Selon la société, dès 1992, F______ était en difficultés en raison du non-remboursement de la créance russe, ce qui avait mis M. B______, en sa qualité d’unique actionnaire de F______, et le groupe, dans une situation financière compliquée. La société pouvait ainsi se douter qu’en octroyant un prêt à M. B______ en 1993, ce dernier ne pourrait vraisemblablement pas le rembourser.

Par ailleurs, il ne ressortait pas du dossier que la société s’était enquise de la situation financière de son emprunteur avant de lui verser le prêt. M. B______ n'avait jamais montré de volonté de rembourser son prêt. En 2006, sa situation financière s'était encore péjorée. Il disposait en effet d’un revenu et d’une fortune nuls, ne lui permettant pas de rembourser sur la durée les intérêts ou d’amortir le prêt. Celui-ci n’avait fait qu’augmenter jusqu’à 2015, sans que la société ne le dénonce. D’ailleurs, A______ s’était vue dans l’obligation de vendre son immeuble sis ______, rue du H______ afin de payer les créanciers-gagistes de M. B______. De plus, en 2006, le prêt représentait 69,17 % de ses actifs, ce qui apparaissait comme excessivement élevé et représentait un risque important. Par conséquent, c’était à juste titre que l’AFC-GE avait qualifié le premier prêt accordé à M. B______ de simulé.

En 2011, le prêt avait été augmenté de CHF 16'700'254.-, représentant ainsi 85,80 % du total des actifs de la société à cette date, ce qui apparaissait comme excessivement élevé. M. B______ ne disposait alors d’aucune fortune ni d’aucun revenu imposable. La société était consciente de ce risque dans la mesure où elle avait constitué des provisions du même montant, moins CHF 1.-, dès son octroi, ainsi que les années suivantes. En 2011, l’annexe aux comptes de l’exercice arrêté au 31 décembre 2010 ne faisait d’ailleurs que confirmer que la société considèrait elle-même M. B______ comme insolvable.

M. B______ n’était pas créancier de la dette de la Russie et ne pourrait prétendre, potentiellement, pour autant que celle-ci soit acquittée et que les créanciers de F______ soient payés, qu’à un montant encore inconnu de la créance et dont on ignorait s’il serait suffisant pour rembourser le prêt. Par conséquent, la société ne pouvait soutenir que M. B______ était solvable depuis 2006 du fait qu’il bénéficierait « par ricochet » de la créance de F______ contre la Russie. Ainsi, M. B______ n’était pas un créancier solvable et n’était objectivement pas en mesure de rembourser sa dette eu égard à sa situation financière.

De plus, la société avait concédé ce nouveau prêt alors même que M. B______ n’avait pas remboursé un centime du prêt précédent, ce qu’elle n’aurait vraisemblablement pas accepté de la part d’un tiers. Finalement, aucun contrat n’avait été signé s’agissant du prêt octroyé en 2011, aucune garantie n’avait été donnée par M. B______, le remboursement et ses délais n’avaient pas été envisagés contractuellement et les intérêts n’avaient pas été acquittés entre 2011 et 2015. Par conséquent, le prêt accordé par A______ à M. B______ en 2011 représentait également une prestation appréciable en argent.

En 2011, A______ avait octroyé un prêt à Mme G______, l’une de ses actionnaires, de CHF 2'350'000.-, ce qui représentait à l’époque 12,07 % de l’actif total de la société. Celle-ci n’avait jamais commencé à rembourser ce prêt, ni n’en avait eu la volonté. En effet, le contrat stipulait prendre fin le 31 décembre 2011, mais le prêt avait été reconduit d’année en année jusqu’en 2015 à tout le moins et sans que les intérêts ne soient acquittés.

En outre, la société n’avait pas démontré que Mme G______ était solvable. En effet, aucune pièce ne venait documenter la situation financière de celle-ci ou les allégations selon lesquelles elle disposerait de revenus et de fortune importants. La seule déclaration de l’emprunteuse n’était pas suffisante et il ressortait de ses bordereaux de taxation 2011, qu’elle ne disposait pas des moyens suffisants pour rembourser le prêt et les intérêts y relatifs. En 2011, sa fortune et ses revenus imposables étaient nuls. Il en était de même en 2010. Le prêt n’aurait jamais été accordé à un tiers aux mêmes conditions.

En 2011, la société avait également octroyé un prêt à F______, dont M. B______ était l’actionnaire unique, de CHF 7'694'390.-, soit 39,53 % du total de ses actifs, ce qui représentait un montant et un risque importants pour elle, ce d’autant plus que la totalité des prêts aux actionnaires ou proches en 2011 était supérieure aux actifs de la société. Aucun contrat de prêt écrit n’avait été conclu et il ressortait des comptes de F______ de 2007, aucun bilan n’ayant été produit depuis lors, que la société ne disposait des moyens suffisants ni pour rembourser le prêt ni pour payer les intérêts.

Le recouvrement de la créance que F______ possédait envers la Russie n’était pas garanti. Des procédures étaient encore en cours et les saisies y relatives effectuées n’avaient toujours pas été validées. Tant à l’époque de l’octroi du prêt qu’à ce jour, F______ ne disposait pas des moyens financiers et de solvabilité suffisants pour rembourser la société. Ce prêt constituait ainsi également une prestation appréciable en argent.

Enfin et s’agissant des intérêts comptabilisés sur ces prêts, c’était de manière correcte que l’AFC-GE avait exclu ces produits du bénéfice imposable de la société.

À juste titre, l’AFC-GE n’avait pas admis la provision pour grands travaux d’entretien. Dans sa pratique, l’AFC-GE admettait depuis de très nombreuses années la constitution de provisions pour grands travaux d'entretien, dans les limites prévues par l’instruction no 125. Selon celle-ci, la constitution d’une provision pour grands travaux d’entretien était admise pour les immeubles des sociétés immobilières, aux conditions suivantes : 1. le calcul annuel de la provision s’élèverait, au maximum, à 10 % des loyers encaissés ; 2. la provision globale ne pourrait être supérieure à deux fois la somme des loyers encaissés au cours du dernier exercice ; 3. elle serait comptabilisée au passif sous la dénomination « provision pour grands travaux d’entretien » ; 4. une perte résultant de la constitution annuelle de la provision ne serait pas admise fiscalement ; 5. la contrepartie de cette provision serait bloquée dans un compte spécial à l’actif du bilan. Par compte spécial, il fallait entendre un actif réel représenté par un dépôt bancaire, des titres ou autres valeurs ; 6. la provision devrait être, si elle n’avait pas été utilisée, dissoute et reconstituée, exercice par exercice, dès la dixième année ; 7. l’instruction n° 115 du 16 mars 1978 relative aux provisions pour grands travaux dans les SI d’actionnaires-locataires restait applicable ; 8. ces dispositions étaient valables tant pour l’ICC que pour l’IFD.

L’AFC-GE avait toujours eu pour pratique de ne pas admettre la provision précitée lorsque la constitution d’un actif réel « bloqué » n’avait pas été constitué (information du 11 mai 1981, révisée en mai 1986 concernant la taxation des sociétés immobilières dès 1981).

La société admettait ne pas avoir respecté la cinquième condition figurant dans l’instruction n° 125, tout en la jugeant excessive. Or, les provisions pour des charges futures, notamment pour des grands travaux d’entretien, étaient admises uniquement à titre exceptionnel, l’instruction n° 125 posant les limites dans lesquelles elles pouvaient l’être. L’une des conditions de l’instruction n’étant pas remplie, c’était à bon droit que l’AFC-GE avait refusé la constitution de la provision litigieuse et avait effectué une reprise au niveau du bénéfice et du capital de la société.

44. Par acte déposé au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 6 novembre 2017, A______ a conclu, principalement, à ce que le jugement précité soit réformé dans le sens des considérants ; subsidiairement à ce qu’il soit annulé, à ce que les provisions relatives aux prêts soient admises en déduction du bénéfice imposable et la cause renvoyée à l’AFC-GE en lui ordonnant d’émettre des taxations dans le sens des considérants ; plus subsidiairement encore, le jugement devait être annulé et la cause renvoyée au TAPI pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

Il était erroné d’estimer que les prêts contestés, à savoir les prêts octroyés par la société en conformité avec ses statuts à M. B______ ainsi qu’à Mme G______ et à F______, soient qualifiés de prêts simulés. En effet, la preuve de la solvabilité des emprunteurs n’était pas insuffisante. Par ailleurs, quand l’AFC-GE retenait que la capacité de remboursement des emprunteurs n’avait pas été apportée, il devait être relevé que l’offre de preuve en avait été faite, mais que le fisc n’y avait pas donné suite. Enfin, l’absence de contrat de prêt telle que retenue par l’AFC-GE n’était pas déterminante conformément à la jurisprudence.

Pour ce qui était de la solvabilité des emprunteurs tout comme pour ce qui était de leur capacité de remboursement, il devait être relevé que F______, dont M. B______ était l’actionnaire unique, disposait d’une créance à l’encontre de la Russie de l’ordre de CHF 2'000'000'000.-. Cette créance faisait l’objet de diverses procédures, telles que rappelées ci-dessus, tendant à son recouvrement depuis plus de vingt ans. Dès lors, et comme indiqué à l’AFC-GE dans les courriers des conseils de A______ des 2 août 2016 et 17 août 2016, si par impossible seul 10 % de la créance de F______ à l’encontre de la Russie devait être recouvré, cela représenterait près de CHF 200'000'000.-, soit plus de quatre fois le montant des prêts octroyés.

Plusieurs procédures au Luxembourg et à Paris étaient alors en cours ou envisagées, afin de recouvrer le montant total de la créance à l’encontre de la Russie. F______ disposait d’un protocole d’accord signé avec la Russie, le 31 juillet 2002, selon lequel cette dernière s’engageait à lui verser USD 800'000'000.- plus intérêts. Dès lors, au vu de ces éléments, l’AFC-GE, suivie par le TAPI, ne pouvait pas soutenir que la preuve de la solvabilité des emprunteurs était insuffisante. En outre, les diverses procédures engagées démontraient clairement la volonté des emprunteurs de rembourser les prêts octroyés par A______. Il ne fallait pas perdre de vue qu’il s’agissait de procédures longues et complexes au demeurant diligentées à l’encontre de la Russie, qui ne faisait notoirement pas partie des pays les plus coopérants en la matière. Il devait être également gardé à l’esprit que la Russie avait mis dix années avant de signer le Protocole d’accord (1992-2002). Cela démontrait, une fois de plus, la lenteur du système et du processus, mais également le fait qu’au final, la situation évoluait de manière positive.

Il découlait également du « décret 1______ » du 19 juin 1993 (pièce 139 du dossier) du Conseil des ministres de la Fédération de Russie que des instructions avaient été données à différents ministères d’entreprendre des démarches dans le but de nuire et discréditer F______. Ces éléments expliquaient, entre autre, les difficultés auxquelles s’étaient heurtés pendant de longues années F______ mais également son actionnaire, M. B______, dans le cadre du recouvrement de la créance dont il était question.

Par ailleurs, la qualification du prêt comme prestation appréciable en argent intervenait lorsque l’AFC-GE était en mesure de prouver qu’il n’y aurait plus de remboursement. Toutefois, les démarches qui avaient été entreprises, celles qui étaient en cours et celles qui étaient prévues étaient autant d’éléments qui démontraient justement qu’un remboursement était à attendre. Les emprunteurs de la société se battaient depuis de nombreuses années pour pouvoir la rembourser et avaient l’intime conviction qu’ils étaient à bout touchant. Si tel ne devait pas être le cas, ces démarches longues et très coûteuses ne seraient pas/plus soutenues et auraient été arrêtées. Or, tel n’était pas le cas, bien au contraire. Des contacts extrêmement récents avaient eu lieu avec le ministère des finances de la Russie démontrant que la situation évoluait dans le bon sens. Pour mémoire, un temps, la Russie niait l’existence même de cette créance.

En outre, le fait que A______ avait provisionné certains montants relatifs aux prêts découlait simplement de ses obligations comptables, notamment du principe de prudence. Dès lors, il ne pouvait être reproché à A______ de respecter des obligations qui lui étaient imposées.

L’AFC-GE se fourvoyait lorsqu’elle indiquait que le litige ne portait pas sur la question de savoir si la créance à l’encontre de la Russie existait ou non, ni sur la question de la solvabilité de la Russie, les débiteurs des prêts étant notamment M. B______ et F______, et non pas la Russie. En effet, il s’agissait là d’un élément absolument central de la problématique dont il était question. Si la créance envers la Russie existait, ce qui n’était pas contesté, que la Russie était solvable, ce qui était notoire, et que F______ dont M. B______ était l’unique actionnaire détenait cette créance de plus de CHF 2'000'000'000.-, il était incompréhensible que le TAPI retienne que ces derniers étaient insolvables. Cela était d’autant moins justifié que les démarches avec la Russie évoluaient positivement.

Comme rappelé par le TAPI dans son jugement, citant la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’admission d’une simulation n’était possible que sur la base d’indices clairs, faute de quoi l’autorité fiscale devait attendre que les indices s’intensifient jusqu’à constituer une preuve indiscutable. Or, il n’existait pas de preuve indiscutable, bien au contraire, renvoi étant fait, notamment, à la problématique des cédules hors bilan. De plus, l’existence d’une simulation ne pouvait être simplement retenue du fait que le prêt n’aurait pas été octroyé entre tiers. Il fallait au contraire démontrer qu’il n’était pas possible de compter sérieusement sur un remboursement au moment de l’octroi du prêt. Tel n’était pas le cas. Les prêts avaient été octroyés à des moments où leur remboursement n’était pas uniquement envisageable, mais bien attendu. Il s’agissait, notamment, de moments où les avancées avec la Russie étaient significatives.

Comme cela ressortait des déclarations et taxations fiscales de 1993 et 1994 de M. B______, sa fortune imposable au moment de l’octroi du prêt était de CHF  104'505'627.-. Sa solvabilité était, dès lors, indiscutable. Quant à F______, ses comptes pour la même année ainsi que le rapport d’expertise de la société zurichoise O______ démontraient que sa solvabilité n’était pas problématique étant donné que ses fonds propres dépassaient le montant de CHF 130'000'000.-, que son chiffre d’affaires s’approchait de CHF  2'000'000'000.- et que la société était bénéficiaire.

Par la suite, la situation de M. B______, telle que décrite ci-dessus, s’était effectivement péjorée en raison des problèmes qui étaient intervenus avec la Russie. Toutefois ce n’était pas parce que l’on était considéré, comptablement parlant, comme insolvable à un moment « T » que l’on était voué à rester dans cette situation pour le restant de ses jours. Au demeurant, les montants prêtés à M. B______ était couverts par les dispositions de l’accord de soutient. Qui plus est, ces montants étaient désormais couverts par les cessions susmentionnées, similaires à celles qui avaient été acceptées par d’autres créanciers.

De plus, si l’enjeu consistait à déterminer si un prêt était simulé, il fallait alors démontrer que sur la base des rapports particuliers entre les parties et de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, on ne pouvait pas ou on ne pouvait plus compter sérieusement sur le remboursement du prêt. Tel n’était pas le cas. Le remboursement du prêt était lié au remboursement par la Russie de sa créance qui existait et qui était garantie par les saisies effectués au Luxembourg estimées par le DFAE à USD 2'000'000'000.-. Il s’agissait, certes, d’une procédure longue, mais qui devait être analysée en prenant en compte tous les paramètres du cas d’espèce (les pays impliqués, les montants dont il était question, etc.) et dont les chances de succès n’étaient clairement pas nulles. Il était donc possible de compter sur le remboursement des prêts. Le délai octroyé à la Russie au 22 décembre 2017 pour déposer son écriture et conclure dans le cadre des procédures pendantes devant les autorités du Luxembourg démontrait également que l’issue de cette longue saga était proche.

Pour ces motifs, les prêts ne devaient pas être considérés comme simulés.

45. Le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

46. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle a repris les arguments déjà développés dans ses écritures de première instance.

47. Dans sa réplique, la société a persisté dans ses conclusions. Elle a en particulier relevé qu’une rencontre avait eu lieu en novembre 2017 entre l’avocat russe de F______ et le Vice-président de la Russie, laquelle avait débouché sur une directive du gouvernement russe du 29 décembre 2017 enjoignant les Ministères des finances, de la justice et le service fédéral de la sécurité de la Russie à étudier le dossier et à lui faire parvenir des conclusions.

48. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

49. Les arguments des parties dans la procédure de recours ainsi que les pièces produites seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17  ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige concerne les périodes fiscales 2006 à 2015 tant en matière d’ICC qu’en matière d’IFD. Il convient préalablement d’examiner le droit matériel applicable.

a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; ATA/1417/2017 du 17 octobre  2017 ; ATA/1017/2015, ATA/1018/2015 et ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015). Le rappel d’impôts relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 précité consid. 4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1 ; ATA/1417/2017 précité ; ATA/1017/2015, ATA/1018/2015 et ATA/1019/2015 précités).

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/1417/2017 précité).

b. Le présent litige porte sur la procédure en rappel d’impôt (2006) ouverte en 2009, les procédures rectificatives (2007 à 2010) ouvertes en 2016 et les taxations 2011 à 2015. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD et celles de la loi cantonale sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), sous réserve de l’amende, pour laquelle le principe de la lex mitior s’applique.

3. Il convient, en outre, de relever que la recourante ne se plaint, à juste titre, plus de la violation de son droit d’être entendue. Elle a, en effet, eu l’occasion de présenter ses preuves tant au cours de la procédure de réclamation que devant les premiers juges. Par ailleurs, elle a, en sus, pu présenter l’ensemble des pièces qu’elle souhaitait déposer ainsi que ses arguments également devant la chambre de céans, qui dispose du même pouvoir d’examen que le TAPI. Partant, son droit d’être entendue à pleinement été respecté.

4. Il n’est plus contesté que l’AFC-GE était en droit d’ouvrir une procédure en rappel d’impôt. La contestation ne porte plus que sur le traitement fiscal des prêts accordés à deux personnes physiques et une société proches de la recourante.

a. Selon l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui-ci comprend – outre le bénéfice net résultant du solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l’exercice précédent (art. 58 al. 1 let.  a  LIFD) – tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l’usage commercial tels que notamment les frais d’acquisition, de production ou d’amélioration d’actifs immobilisés, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial ainsi que les produits qui n’ont pas été comptabilités dans le compte de résultats (art. 58 al. 1 let. b et c LIFD).

Dans le canton de Genève, en matière d’ICC, est entrée en vigueur le 30 mars 2016 la nouvelle teneur de l’art. 12 LIPM, adoptée le 29 janvier 2016 par le Grand Conseil. La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l’application de la nouvelle teneur de son art. 12 aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des
dispositions légales idoines dans leurs teneurs immédiatement antérieures aux
décisions de taxation en cause (ci-après : aLIPM ; ATA/1270/2017 du 12 septembre 2017 ;  ATA/778/2016 du 13 septembre 2016).

b. En matière d’ICC, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) dispose que l’impôt sur le bénéfice a pour objet l’ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l’usage commercial portées au débit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a LHID). L’art. 12 let. h aLIPM prévoit que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société sont considérées comme bénéfice net imposable. Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les deux dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice, soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable. Ainsi, même s’il est rédigé différemment de l’art. 24 al. 1 let. a LHID, l’art. 12 let. h aLIPM est conforme à cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011 consid. 5.1 et les références citées).

Selon l’art. 12 let. a aLIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvements énoncés aux art. 12 let. b à i aLIPM, ainsi que des produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation ou de liquidation, ainsi que les montants des réserves et provisions transférées à l’étranger qui avaient été constituées en franchises d’impôt (art.  12  let. j aLIPM). L’art. 12 aLIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l’art. 58 al. 1 LIFD (ATA/1270/2017 précité ; ATA/869/2015 du 25  août 2015 ; ATA/337/2013 du 28 mai 2013 et les arrêts cités).

c. Font partie des avantages appréciables en argent au sens de ces dispositions les distributions dissimulées de bénéfice (art. 58 al. 1 let. b LIFD ; art. 12 let.  h  aLIPM), soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspondent aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d’un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 du 25 février 2015 consid. 6 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/56/2017 du 24 janvier 2017 ; ATA/17/2016 du 12  janvier 2016).

De jurisprudence constante, il y a un avantage appréciable en argent si la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante, que cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près, qu’elle n’aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers, que la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société savaient ou aurait pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6).

L’évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre des parties non liées entre elles et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d’espèce, soit si elle a respecté le principe de pleine concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6). En application de l’approche économique qui prévaut en la matière, les faits doivent être appréciés non seulement du point de vue de leur forme de droit civil, mais également du point de vue de leur contenu réel, en particulier économique (arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2015 et 2C_899/2015 du 12 octobre 2016 consid. 3.3 et les références citées).

Les formes d’apparition des prestations appréciables en argent sont multiples : elles peuvent être réalisées par un accroissement injustifié des frais généraux (salaire excessif, paiement d’intérêts disproportionnés pour un prêt de l’actionnaire, rémunération trop importante d’un service rendu par l’actionnaire), ou par une comptabilisation insuffisante d’un produit (la société n’exige pas une contre-prestation appropriée pour un service rendu à l’actionnaire). Elles peuvent également apparaître sous la forme d’une diminution exagérée d’actifs (acquisition d’actifs sans valeur, octroi d’un prêt dont le remboursement n’est pas concevable, renonciation à une créance) ou d’un accroissement de passifs (la société se reconnaît débitrice pour une prestation qu’elle n’a jamais reçue ; ATA/1417/2017 précité et la référence citée).

Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice lorsque quatre conditions cumulatives sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 et les références citées). Il convient ainsi d'examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« dealing at arm's length » ; ATF 138 II 545 consid. 3.2 ; 138 II 57 consid. 2.2 et les références citées, traduit in RDAF 2012 II p. 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_644/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, une société anonyme est libre d'accorder même à son actionnaire un prêt, dans la mesure et aux conditions à la jouissance duquel un tiers non participant pourrait accéder dans les mêmes circonstances. Une prestation appréciable en argent est néanmoins réalisée dans la mesure où l'opération s'écarte des usages et des affaires habituelles conformes au marché (ATF 138 II 57 consid. 3.1 in RDAF 2012 II 299 p. 303).

Le Tribunal fédéral a développé un certain nombre de critères dont la réalisation permet de conclure qu'un prêt à l'actionnaire constitue une prestation appréciable en argent. Tel est notamment le cas lorsque le prêt octroyé par la société n'est pas couvert par le but social ou qu'il s'avère inhabituel dans la structure globale du bilan (autrement dit, lorsque le prêt ne peut pas être couvert par les moyens existants de la société, ou qu'il apparaît excessivement élevé en comparaison avec les autres actifs et qu'il génère ainsi un gros risque), ensuite, en cas de doutes sérieux sur la solvabilité du débiteur ou lorsqu'aucune garantie n'est prévue et qu'il n'existe aucune obligation de remboursement, que les intérêts ne sont pas payés mais qu'ils sont portés constamment en augmentation du compte d'emprunt et qu'il n'existe pas de convention écrite (ATF 138 II 57 consid. 3.2).

Par conséquent, à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral
(ATF 138 II 57 consid. 5.1 à 5.3), les critères susmentionnés revêtent une importance différente :

- à elle seule, l'absence d'une convention écrite ne s'avère que peu concluante (Archives 64 641 consid. 4a) puisqu'elle peut reposer sur d'autres raisons qu'une intention de simulation (RF 64/2009 308 consid. 3.1). Il est plus parlant que le prêt ne figure au bilan ni de la créancière ni du débiteur et que l'emprunteur ne revendique aucune déduction d'intérêts passifs auprès des autorités fiscales. Une telle manière d'agir peut signifier que les intéressés eux-mêmes partent du principe de la non-existence (comptable) de l'emprunt ;

- le fait que le but statutaire de la prêteuse ne comprenne pas l'octroi de crédits ne permet pas non plus de conclure nécessairement à une simulation. L'existence d'une telle simulation doit cependant être admise lorsque les moyens qui ont afflué chez le bénéficiaire ont servi à financer des dépenses de son train de vie privé ou qu'ils ont permis à ce dernier de rembourser des dettes privées à l'aide d'un crédit commercial, soit en définitive, lorsqu'un prêt au sens étroit n'est certainement pas voulu ;

- pareillement, il y a lieu de faire des distinctions en rapport avec les situations de fortune respectives de la prêteuse et de l'emprunteur ; ainsi il peut bien paraître très insolite en comparaison avec des tiers que l'attribution effectuée atteigne une hauteur inhabituelle ; cela peut se produire dans la mesure où le prêt constitue le seul actif notable de la société ou qu'il dépasse le capital propre existant. Tout cela ne permet cependant pas encore de tirer la conclusion qu'il ne faut pas compter avec un remboursement du prêt. Le fait doit en tout cas être apprécié différemment si la prêteuse n'est certainement pas en mesure d'octroyer des prêts au moyen de ses propres ressources mais qu'elle doit elle-même se procurer ces moyens auprès d'un tiers. Les conditions pour reconnaître une simulation sont seulement clairement remplies lorsque le débiteur de l'emprunt se trouve dans des circonstances financières extrêmement serrées et qu'il ne lui est pas possible de satisfaire dans la durée, par ses propres moyens, aux obligations résultant de l'emprunt (paiement de l'intérêt et de l'amortissement, p. ex. dans un excédent de passifs de plusieurs millions de francs).

d. En matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/652/2016 du 26 juillet 2016).

De même, en ce qui concerne les prestations appréciables en argent faites par la société sans contre-prestation à ses actionnaires, il appartient en principe à l’autorité fiscale de les prouver, de sorte que le contribuable n’a pas à supporter les conséquences d’un manque de preuves, à moins qu’une violation de ses devoirs de collaboration puisse lui être reprochée (ATF 138 II 57 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_606/2014 précités consid. 6 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/778/2016 précité). En présence d’une prestation à caractère insolite, la preuve directe que le bénéficiaire en est un actionnaire ou une personne proche de la société contribuable n’est pas nécessaire ; il suffit qu’une autre explication du déroulement de l’opération ne puisse être trouvée (ATF 119 Ib 431 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.2 in RDAF 2009 II 566). Dans la mesure où l’autorité fiscale a pu prouver qu’une prestation de la société est effectuée sans contrepartie correspondante, il appartient au contribuable de renverser cette présomption et de prouver le fondement de la charge invoquée (ATA/1270/2017 précité et la référence citée).

Dans la taxation des sociétés, s’agissant de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d’établir leur caractère de charge justifiée par l’usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation en cause (ATF 119 Ib 431 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 et 2A.355/2004 du 20 juin 2005 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/17/2016 précité ; ATA/995/2014 du 16 décembre 2014).

Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l’usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d’apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l’acquisition ou le maintien du chiffre d’affaires (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/1270/2017 précité ; ATA/562/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/201/2014 du 1er avril 2014).

5. En l’espèce, les statuts de la recourante prévoient la possibilité pour celle-ci d’octroyer des prêts à ses actionnaires ; il ne s’agit toutefois pas d’un but poursuivi par la société, celle-ci se vouant à l’acquisition, l’exploitation et la vente d’immeubles. Conformément à ce qui vient d’être exposé, il convient d’examiner si les prêts litigieux présentent, comme le soutient l’AFC-GE, un caractère insolite et sont dépourvus de contre-prestation, justifiant alors de les qualifier de fictifs et constitutifs de prestations appréciables en argent.

a. Le premier prêt a été consenti à M. B______ en 1993. Son montant dépassait alors 20 % du capital-actions. En 2006, il s’élevait à CHF 10'579'784.-, représentant près de 70 % des actifs de CHF 15'295'570.- de la société. Pendant toute la période précédant 2006, l’emprunteur n’a remboursé aucun montant, ni versé des intérêts. Le prêt ne reposait sur aucun document écrit. Aucun plan de remboursement n’a été mis en place, aucune échéance d’intérêts non plus n’a été fixée. À l’évidence, la société n’aurait pas accordé un prêt dépourvu de toute condition d’amortissement et de remboursement à un tiers.

En outre, la recourante a indiqué dans sa réplique de première instance que dès 1992, F______ était en difficultés en raison du non-remboursement de la créance russe, ce qui avait mis M. B______, en sa qualité d’unique actionnaire de F______, et le groupe dans une situation financière difficile. Les difficultés financières de M. B______ étaient donc connues de la recourante en 1993. À teneur du dossier, celle-ci n’a cependant requis aucune garantie de la part de M. B______. Par ailleurs, la recourante ne soutient pas qu’alors que la dette de M. B______ à son encontre ne faisait qu’augmenter, elle aurait – outre la réserve comptable inscrite dès 2006 - pris une quelconque mesure pour se prémunir ou limiter la perte qu’elle était en train de subir. Elle n’expose pas qu’elle l’aurait invité à lui soumettre un échéancier ou à constituer des garanties en vue du remboursement du prêt. De son côté, M. B______ n’a manifesté aucune volonté de s’acquitter de sa dette. Aucune raison commerciale non plus n’a justifié ce prêt insolite, accordé sans contre-prestation. Par conséquent, c’est à juste titre que l’AFC-GE a qualifié le premier prêt accordé à M. B______ de fictif.

En 2011, le prêt a été augmenté de CHF 16'700'254.-, représentant ainsi 85,80 % du total des actifs de la recourante à cette date, soit un montant excessivement élevé. Comme l’ont retenu les premiers juges, la recourante était consciente du risque représenté par ce prêt dès lors qu’elle a constitué des provisions du même montant, moins CHF 1.-, dès son octroi ainsi que les années suivantes. En 2011, M. B______ ne disposait d’aucune fortune ni d’aucun revenu imposable. L’annexe aux comptes de l’exercice arrêté au 31 décembre 2010 ne fait d’ailleurs que confirmer que la recourante considérait elle-même M. B______ comme insolvable. Par ailleurs, ce prêt n’a pas non plus fait l’objet d’une convention ; aucun terme de remboursement, date d’échéance des intérêts ou quotité de ceux-ci n’ont été convenus. L’absence de toute condition à l’octroi de ce prêt complémentaire - qui plus est alors que le précédent prêt n’était pas remboursé et faisait, de ce fait, l’objet de provisions - démontre à nouveau qu’un tel prêt n’aurait pas été accordé à un tiers. Il doit ainsi, comme le précédent, être considéré comme un prêt fictif et constitue une prestation appréciable en argent.

Dans ses écritures de recours ainsi que par les pièces produites, la recourante tente de démontrer l’existence d’une créance de la société F______ à l’encontre de la Russie, ainsi que les démarches entreprises afin de la recouvrer. Toutefois, M. B______ n’est pas titulaire de cette créance. En tant qu’actionnaire de la société, le montant dont il pourrait bénéficier reste inconnu, dès lors que de potentiels créanciers de la société devraient être remboursés en priorité. De plus, cette créance qui existe depuis 1992, n’a, à ce jour, pas été honorée par la Fédération de Russie. La recourante concède d’ailleurs dans ses écritures que ce recouvrement reste incertain, malgré les nombreuses procédures introduites et l’aide diplomatique apportée par la Suisse. Les récents développements allégués par la recourante ne comportent aucun élément permettant de conclure, ne serait-ce sous l’angle de la vraisemblance, à un paiement prévisible effectif des montants réclamés par F______. Par conséquent, une double incertitude demeure quant à cette créance, soit le remboursement effectif de cet emprunt et le montant qui serait alors effectivement perçu par M. B______.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’intimée était fondée à qualifier les prêts en faveur de M. B______ de simulation, respectivement de prestation appréciable en argent.

b. Le TAPI a considéré qu’il n’existait aucune volonté de la part de Mme G______ de rembourser le prêt qui lui a été accordé en 2011 par la recourante. En effet, l’emprunteuse n’avait pas commencé à le rembourser ni versé d’intérêts. En outre, aucune pièce ne rendait vraisemblable la solvabilité de Mme G______. Au contraire, ses bordereaux de taxation 2011 montraient que ses revenus et sa fortune étaient nuls. Cette situation était similaire en 2010. Le prêt n’aurait jamais été accordé à un tiers dans de pareilles circonstances. Il devait donc être considéré qu’il constituait une prestation appréciable en argent.

La recourante ne critique pas ces constations et ce raisonnement. Ceux-ci sont pertinents et fondés, de sorte que la chambre de céans les faits siens. Les prétendues avancées dans la procédure de recouvrement de la créance de F______ envers la Russie ne se rapportent pas à une créance détenue par Mme G______ et ne sont pas de nature à renverser le raisonnement précité. En particulier, ils ne démontrent ni la solvabilité de l’emprunteuse ni le fait qu’un tel prêt aurait été accordé, dans les mêmes circonstances, à un tiers.

c. Enfin, la recourante ne conteste pas non plus le raisonnement tenu par les premiers juges concernant le prêt octroyé à F______ en 2011. Celui-ci ne prête, au demeurant, pas le flanc à la critique. En effet, ledit prêt présentait un risque substantiel pour la recourante, dès lors qu’en 2011 les prêts aux actionnaires dépassaient ses actifs. En outre, il ne se fondait sur aucun contrat et il ressort des comptes 2007 de F______ – aucun état financier n’ayant depuis lors été produit – que celle-ci ne disposait pas des moyens lui permettant de rembourser le prêt. Comme évoqué plus haut (consid. 5a), les efforts de recouvrement effectués depuis 1992 ne permettent pas de conclure que F______ disposerait, de ce fait, de garanties suffisantes pour rembourser le prêt consenti par la recourante. En outre, il n’existe pas de plan de remboursement. Compte tenu de ces éléments, le prêt constitue une prestation appréciable en argent.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2017 par la A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2  octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 3'500.- à la charge de la A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature des recourants ou de leur mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Alexandre Faltin et Grégory Clerc, avocats de la recourante, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :