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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/831/2015

ACST/17/2015 du 02.09.2015 ( INIT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 19.10.2015, rendu le 05.04.2016, REJETE, 1C_529/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/831/2015-INIT ACST/17/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 2 septembre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Mes Malek Adjadj et Steve Alder, avocats

contre

CONSEIL D’ÉTAT

COMITÉ D’INITIATIVE « HALTE AUX MAGOUILLES IMMOBILIÈRES »

_________


EN FAIT

1.                                Monsieur A______, citoyen suisse, est domicilié à Bernex, dans le canton de Genève, où il exerce ses droits politiques. Il est copropriétaire avec son épouse, Madame A______, du logement que tous deux occupent personnellement, sis sur la parcelle 1______ de la commune de Bernex. Il est en outre propriétaire de trois lots de propriété par étages (ci-après : PPE), sis en zone de développement, dans deux immeubles de logements, à Satigny (GE), à savoir le lot 2______ de la parcelle 3______ et les lots 4______ et 2______ de la parcelle 5______ de la commune de Satigny. Il a remis à bail les trois appartements dont il est propriétaire dans l’immeuble édifié sur ces parcelles. Cet immeuble a été construit au bénéfice d’une autorisation de construire délivrée le 30 juin 2008. Sa construction a été achevée le 30 novembre 2010, et l’entrée moyenne des habitants dans cet immeuble est survenue entre octobre et novembre 2010.

2. Le 14 mars 2013, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d’État) a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi modifiant la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

Pour l’essentiel, ce projet de loi (ci-après : PL 11141) prévoyait d’obliger les propriétaires de logements destinés à la vente situés en zone de développement à les occuper eux-mêmes, sauf justes motifs agréés par le département compétent (art. 5 al. 1 let. b LGZD), et il préconisait de ne pas permettre, en principe, l’aliénation de tels logements qui seraient loués durant la période de contrôle pour le motif qu’ils avaient été dès leur construction soumis au régime de la propriété par étages (art. 8A LGZD), soit pour l’un des motifs d’autoriser l’aliénation d’appartements destinés à la location prévu par l’art. 39 al. 4 let. a de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Il s’agissait de remédier à des pratiques auxquelles certains promoteurs-constructeurs et certains acquéreurs de logements PPE en zone de développement se livraient, à savoir la thésaurisation de tels appartements aux fins de revente avec une forte plus-value à l’issue de la période de contrôle.

3. Le 7 janvier 2014, la commission du logement a rendu son rapport sur le PL 11141 (ci-après : PL 11141-A).

Pour l’essentiel, la majorité de la commission acceptait l’obligation faite par le PL 11141 au propriétaire d’un logement destiné à la vente de l'habiter, mais elle proposait d’énumérer à titre exemplatif les justes motifs de déroger à cette obligation et de modifier l’art. 39 al. 4 let. a LDTR par une réserve du régime applicable à l’aliénation d’appartements destinés à la vente régi par le nouvel art. 8A LGZD.

Lors de sa séance du 23 janvier 2014, le Grand Conseil a renvoyé le PL 11141 à la commission du logement.

4. Le 20 février 2014, la commission du logement a déposé un nouveau rapport sur le PL 11141 (ci-après : PL 11141-B).

Proposant l’abandon de l’obligation d’occuper les logements destinés à la vente que le PL 11141-A imposait aux acquéreurs de tels logements, la majorité de la commission prévoyait de limiter le droit d’aliéner de tels appartements « à une personne physique qui n’est pas déjà propriétaire d’un logement dans le canton » (ci-après : « primo-acquéreur »), sauf justes motifs énumérés à titre exemplatif, et de ne pas retenir l’art. 8A LGZD.

5. Le 14 mars 2014, le Grand Conseil a adopté le PL 11141-B, en l’amendant sur quelques points.

Aucun référendum n’ayant été lancé contre la L 11141, après sa publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 18 mars 2014, le Conseil d’État l’a promulguée par un arrêté du 30 avril 2014, publié, avec la L 11141, dans la FAO du 2 mai 2014.

6. La L 11141 a fait l'objet de trois recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (causes 1C_223/2014, 1C_225/2014 et 1C_289/2014).

7. a. Le 19 mai 2014, un comité d’initiative « Halte aux magouilles immobilières » a lancé une initiative législative cantonale intitulée « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! » (ci-après : IN 156).

L’objectif du comité d’initiative était de faire modifier la LGZD et la LDTR dans le sens qu’avait proposé le PL 11141-A alors soutenu par la majorité de la commission du logement, comportant l’idée maîtresse – défendue par le conseiller d’État François LONGCHAMP, en charge du département s’occupant notamment du logement lors du dépôt du PL 11141, devenu le président du Conseil d’État élu pour la législature 2013-2018 – que l’acquéreur d’un logement destiné à la vente sis en zone de développement doive l’occuper personnellement.

Le lancement et le texte de l’IN 156 ont été publiés dans la FAO du 23 mai 2014. L’échéance du délai de récolte des signatures était fixée au 23 septembre 2014.

b. L’IN 156 comporte le bref exposé des motifs suivant : « Contre les accapareurs d’appartements et la spéculation en zone de développement, pour des logements en PPE accessibles à la classe moyenne. »

Son texte est le suivant :

Article 1 La loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, est modifiée comme suit :

Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)

1 En exécution de l’article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l’autorisation de construire est subordonnée à la condition que :

Logements destinés à la vente

b) les bâtiments d’habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d’aliénation (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de partie d’étages, d’actions ou de parts sociales), répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus, à un besoin prépondérant d’intérêt général ; les logements destinés à la vente doivent être occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Sont notamment considérés comme justes motifs :

1° des circonstances imprévisibles au moment de l’acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement ;

2° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou une circonstance d’échange analogue ;

3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l’État.

Art. 8A Aliénation des logements destinés à la vente (nouveau)

Si un logement destiné à la vente selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, est loué pendant la période de contrôle instituée par l’article 5, alinéa 3, son aliénation ne peut en principe pas être autorisée en application de l’article 39, alinéa 4, lettre a, de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, du 25 janvier 1996.

Art. 9 Mesures et sanctions (nouvelle teneur)

1 Tout contrevenant aux dispositions légales et réglementaires ou aux conditions fixées pour le déclassement est passible d’une amende administrative n’excédant pas 20 % du prix de revient total de l’immeuble tel qu’il a été prévu par le plan financier.

2 Au surplus, les mesures et sanctions prévues aux titres V et VI de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, sont applicables par analogie.

Art. 12 Dispositions transitoires, al. 4 et 5 (nouveaux)

4 Les articles 5, alinéa 1, lettre b, et 8A sont applicables à compter du lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle aux logements destinés à la vente, situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010 et n’ayant fait l’objet d’aucune acquisition.

5 Les articles 5, alinéa 1, lettre b, et 8A sont applicables à compter du premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO aux logements situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010, ayant fait l’objet d’au moins une acquisition. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations, à la date fixée ci-avant.

6 Les mesures et sanctions administratives selon l’article 9 ne sont applicables, en lien avec l’obligation d’occupation par les propriétaires selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, qu’aux logements construits après la date fixée à l’alinéa 1. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations, à la date fixée à l’alinéa 1.

Article 2 La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi), du 25 janvier 1996, est modifiée comme suit :

Art. 39, al. 4, let. a (nouvelle teneur) Motifs d’autorisation

4 Le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci :

a)   a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue, sous réserve du régime applicable à l’aliénation d’appartements destinés à la vente régi par l’article 8A de la loi générale sur les zones de développement.

Article 3 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de son approbation en votation populaire.

c. Par arrêté du 29 octobre 2014, publié dans la FAO du 31 octobre 2014, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’IN 156.

8. a. En vue de l’examen par le Conseil d’État de la validité de l’IN 156, la chancellerie d’État, par courrier du 6 novembre 2014, a invité le comité d’initiative à lui faire part de sa détermination sur trois points, à savoir la conformité du titre de l’IN 156 au regard de la garantie des droits politiques en tant qu’il faisait référence à la « loi Longchamp », la mise en œuvre des termes « en principe » figurant à l’art. 8A LGZD proposé par l’IN 156 et leur conformité au droit supérieur, et le renvoi à « l’alinéa 1 » figurant à l’art. 12 al. 6 LGZD proposé par l’IN 156.

b. Le comité d’initiative a répondu à la chancellerie d’État par courrier du 19 novembre 2014.

Le titre de l’initiative ne posait pas de problème de clarté, l’appellation « loi Longchamp » étant celle attribuée publiquement et médiatiquement au PL 11141, émanant du conseiller d’État François LONGCHAMP, y compris dans sa version adoptée par la majorité de la commission du logement selon le rapport PL 11141-A du 7 janvier 2014, ne différant du PL 11141 que sur des points de détail. Les termes « en principe » figurant à l’art. 8A LGZD signifiaient que des exceptions étaient envisageables si le propriétaire pouvait se prévaloir de justes motifs au sens de l’art. 5 al. 1 let. b LGZD, auquel cette disposition faisait d’ailleurs référence, en dépit de l’omission par inadvertance d’une incise le précisant explicitement. Dans les dispositions transitoires, il n’avait pas été possible, pour des raisons formelles, de reprendre telle quelle la date figurant quatre fois dans le PL 11141-A (à savoir la date « correspondant au premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après l’adoption de la présente loi »). Tenant compte du fait que la loi serait adoptée par voie d’initiative, il avait été fait référence, à l’art. 12 al. 5 LGZD, au « premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO », une seule fois, pour éviter d’alourdir le texte, la mention de la « date fixée ci-avant » ayant ensuite été préférée à cet alinéa 5, puis, à l’alinéa 6, celle de la « date fixée à l’alinéa 1 », au lieu – du fait d’une erreur de plume, susceptible d’être rectifiée – de la « date fixée à l’alinéa 5 ».

9. Par un arrêt 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 statuant sur les trois recours interjetés contre la L 11141, le Tribunal fédéral a admis les recours et a annulé la L 11141.

L’exigence du « primo-acquéreur » n’offrait aucune garantie quant aux motifs de l’acquisition, qui pouvaient relever de la spéculation, et elle ne garantissait aucunement que le logement considéré soit utilisé par son acquéreur. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD enfreignait ainsi la règle d’aptitude. Cette disposition impliquait une restriction au droit d’acquérir un logement dans de nombreux cas sans nécessité ; elle faisait obstacle à l’acquisition d’un logement destiné à la vente, par exemple par des copropriétaires (notamment des époux) vivant séparés, des propriétaires en main commune (en particulier des héritiers) ou le propriétaire d’un logement ne correspondant pas à ses propres besoins. Des exceptions au principe du « primo-acquéreur » étaient prévues, à titre d’exemples, mais il était douteux que ceux-ci puissent être étendus à l’ensemble des cas problématiques ; rien dans les travaux préparatoires ne laissait entrevoir une application souple de la loi ; une interprétation conforme au droit supérieur n’apparaissait donc pas possible. L’interdiction d’acquérir prévue par la loi ne s’étendait pas aux propriétaires de biens sis en dehors du canton, qu’il s’agît d’un logement, d’autres types de biens voire d’immeubles entiers, et que l’intéressé résidât ou non dans le canton de Genève, et ce sans que cette inégalité de traitement ne soit justifiée. La L 11141 ne permettait ainsi pas clairement d’atteindre le but recherché, portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et violait le principe de l’égalité de traitement. Elle devait être annulée dans son intégralité, ce qui rendait sans objet les griefs relatifs aux art. 9 et 12 LGZD.

10. a. Par arrêté du 4 février 2015, publié dans la FAO du 6 février 2015, le Conseil d’État a déclaré l’IN 156 valide.

b. L’IN 156 était une initiative législative entièrement formulée.

Elle visait à ajouter aux conditions auxquelles pouvaient être aliénés les logements destinés à la vente l’obligation que ceux-ci soient occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département, à exclure la possibilité pour le département d’autoriser les ventes de tels logements qui seraient loués pendant la période de contrôle, à supprimer certaines sanctions énumérées à l’art. 9 LGZD, en faveur d’un renvoi aux mesures et sanctions prévues par la loi sur les constructions et les installations diverses, 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), et à ajouter diverses dispositions transitoires tendant à mettre en œuvre ces modifications. Elle traitait ainsi d’un seul thème, à savoir des logements destinés à la vente soumis à la LGZD, en particulier de l’obligation faite à l’acquéreur d’occuper ledit logement et des restrictions des conditions de vente durant la période de contrôle, en coordonnant entre elles les dispositions topiques de la LGZD et de la LDTR. Elle respectait ainsi le principe de l’unité de la matière.

L’IN 156 prévoyait la modification de la LGZD et de la LDTR, soit de normes de même rang. Elle était conforme au principe de l’unité du genre.

L’appellation « loi Longchamp » était un nom sous lequel la thématique du PL 11141 avait été relayée par les médias durant les travaux parlementaires relatifs à ce projet de loi, en particulier la facilitation de l’accès de la classe moyenne à la propriété du logement par l’exigence que l’acquéreur occupe son logement sis en zone de développement. Dès lors que c’était l’idée défendue par l’IN 156, la référence que son titre faisait à la « loi Longchamp » n’était pas trompeuse, quand bien même le texte de l’IN 156 ne correspondait pas en tous points au PL 11141. Les quelques erreurs de légistique que comportait le texte de l’IN 156 n’induisaient pas en erreur sur le sens du texte législatif proposé par cette initiative ; elles seraient corrigées selon la procédure de rectification d’erreurs matérielles, avant la publication de l’initiative dans l’hypothèse où le Grand Conseil l’accepterait, ou avant la promulgation si l’initiative était acceptée par le corps électoral. La double référence erronée « à la date fixée à l’alinéa 1 » que faisait l’art. 12 al. 6 LGZD proposé par l’IN 156 constituait une erreur matérielle manifeste, ledit alinéa 1 ne comportant pas de date. Il convenait, en application de l’interprétation la plus favorable aux initiants et des règles d’interprétation usuelles des normes, de ne pas s’arrêter à la lettre du texte de l’IN 156 et de privilégier l’interprétation qui correspondait le mieux au sens et au but de l’initiative et conduisait à un résultat raisonnable, tout en étant le plus compatible avec le droit supérieur fédéral et cantonal. Ainsi que le comité d’initiative l’avait expliqué, c’était à la date fixée à l’alinéa 5 (et non 1) de l’art. 12 que l’alinéa 6 faisait en réalité référence, à savoir au « premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO », référence qui s’inspirait, à l’instar globalement de l’IN 156, du PL 11141-A dans sa version proposée le 7 janvier 2014 par la majorité de la commission du logement, qui, lui, mentionnait le « premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après l’adoption de la présente loi ». L’art. 12 al. 6 LGZD proposé par l’IN 156 devait être lu et serait corrigé comme renvoyant à la date fixée à l’alinéa 5. L’IN 156 respectait le principe de clarté.

c. S’agissant de la conformité de l’IN 156 au droit supérieur, le droit public fédéral ne comportait pas de normes touchant à des questions du droit du logement qui primeraient les dispositions proposées, principalement à l’obligation imposée au propriétaire d’occuper le logement et à l’interdiction qui lui était faite de revendre ce logement si celui-ci avait été mis en location durant la période de contrôle. L’IN 156 contenait des règles de droit public, et non de droit privé ; les mesures qu’elle proposait n’avaient pas pour objectif d’intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de vente ; ces mesures de droit public étaient motivées par un intérêt public pertinent et elles n’éludaient pas le droit civil ni n’en contredisaient le sens ou l’esprit, et le législateur fédéral n’avait pas entendu ne laisser aucune place pour du droit public cantonal dans la matière considérée. L’IN 156 ne posait pas de problème de compatibilité avec le droit fédéral.

d. En tant qu’elle proposait des mesures contraignantes en matière d’aliénation, l’IN 156 soulevait la question d’une éventuelle atteinte aux garanties constitutionnelles de la propriété et de la liberté économique, ainsi que du respect du principe de la proportionnalité.

L’obligation d’occuper le logement acquis en zone de développement, sauf justes motifs agréés par le département, causait certes une atteinte à la garantie de la propriété, mais elle ne touchait pas à l’essence de cette garantie, seul le mode d’utilisation de la propriété étant restreint par l’obligation faite au propriétaire d’occuper son appartement personnellement. Cette obligation reposait sur une base légale, et elle poursuivait un intérêt public, en tant qu’elle avait pour but d’éviter que les logements considérés ne soient acquis à des fins de spéculation immobilière ou d’investissement par des personnes n’entendant pas y résider. Elle était propre à contraindre de tels potentiels investisseurs à se retirer du marché de ces logements, donc propre à atteindre le résultat escompté de lutte contre la spéculation en zone de développement. Il n’y avait pas de mesure moins incisive permettant d’arriver au même résultat. Il était tenu compte des intérêts privés en balance par une exception à l’obligation d’occuper en cas de justes motifs, que l’art. 5 al. 1 let. b LGZD réservait, en les énumérant de manière exemplative, laissant au département une marge d’appréciation pour examiner les situations au cas par cas, dans le respect du principe de la proportionnalité. Cette disposition respectait ainsi le principe de la proportionnalité.

Selon l’art. 8A LGZD proposé par l’IN 156, les logements destinés à la vente qui seraient loués sans justes motifs pendant la période de contrôle devenaient des logements destinés à la location, soumis au régime de la LDTR, et leur revente ultérieure ne pourrait intervenir qu’en application de l’art. 39 al. 2 ou 3 LDTR. L’IN 156 restreignait les possibilités d’une catégorie de personnes physiques (celles ayant acquis un logement destiné à la vente en zone de développement et le louant) de revendre librement leur logement. Ladite mesure ne touchait pas à l’essence même de la garantie de la propriété, mais prévoyait une sanction de fraude à la loi ; elle ne limiterait l’aliénation de la propriété qu’à un nombre restreint de personnes, de plus dans la seule zone de développement. Elle prévenait que des logements destinés à la vente qui seraient loués dans des situations de justes motifs échappent à la LDTR à l’issue de la période de contrôle et puissent être vendus sans autre, et qu’ainsi les ventes de logements loués soient soumises à deux régimes différents. Revêtant un intérêt public important, les restrictions d’aliénation fixées à l’art. 8A LGZD étaient propres à atteindre l’intérêt public précité, puisqu’elles se coordonnaient avec le système instauré à l’art. 39 LDTR. Il n’y avait pas de mesure moins incisive permettant d’atteindre ce but. Il était suffisamment tenu compte des intérêts privés en présence, si – ainsi qu’il le fallait – on interprétait l’art. 8A LGZD dans le sens que si un logement destiné à la vente était loué pendant la période de contrôle, son aliénation ne pourrait pas être autorisée, mais que si le propriétaire pouvait faire état de justes motifs d’avoir loué son logement, il lui serait possible de revendre son logement aux conditions de l’art. 39 al.  4 let. a LDTR, les justes motifs en question pouvant être notamment ceux que visent l’art. 5 al. 1 let. b ch. 1° à 3° LGZD. L’art. 8A LGZD respectait ainsi le principe de la proportionnalité.

e. L’IN 156 comportait trois dispositions transitoires, dont il convenait d’examiner si elles déployaient des effets rétroactifs.

L’art. 12 LGZD proposé par l’IN 156 n’instituait pas, à son alinéa 4, un régime rétroactif, car si l’initiative était acceptée, elle n’aurait aucune conséquence juridique sur ce qui se serait déjà passé avant son entrée en vigueur. L’obligation d’occuper le logement et l’interdiction d’aliénation en cas de location durant la période de contrôle ne déploieraient leurs conséquences juridiques qu’après l’entrée en vigueur du texte et ne concerneraient que les bâtiments n’ayant fait l’objet d’aucune acquisition au lendemain de la promulgation dans la FAO. Les décisions déjà rendues par le département ne seraient pas touchées. Il n’y avait qu’une rétroactivité improprement dite, sans atteinte à des droits acquis, donc une rétroactivité admissible.

Le délai de trois ans que l’art. 12 LGZD proposé par l’IN 156 prévoyait à son alinéa 5 arriverait à échéance le 23 mai 2017, soit, compte tenu des délais impératifs applicables au traitement d’une initiative populaire, après que l’IN 156 serait entrée en vigueur si elle était acceptée. Cette disposition transitoire ne pouvait donc avoir d’effet rétroactif.

Il en allait a fortiori de même, mutatis mutandis, de l’art. 12 al. 6 LGZD proposé par l’IN 156, qui renvoyait en réalité à la date visée à l’alinéa 5 (et non 1), si bien que les autorités chargées de l’application de cette disposition transitoire devraient l’interpréter en ce sens que « Les mesures et sanctions administratives selon l’article 9 ne sont applicables, en lien avec l’obligation d’occupation par les propriétaires selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, qu’aux logements dont l’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010. Les propriétaires de ces logements auront 3 ans pour se mettre en conformité avec la loi. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations après un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO ». Le Grand Conseil pourrait procéder à une rectification matérielle de cette disposition.

L’IN 156 ne comportait pas de disposition transitoire de la modification qu’elle prévoyait de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR. La date d’entrée en vigueur de cette disposition devrait recevoir la même interprétation que celle de l’art. 8A LGZD proposé par l’IN 156.

La date d’entrée en vigueur du texte de l’IN 156 fixée par l’article 3souligné n’était pas compatible avec les règles relatives à la validation des opérations électorales et la promulgation des lois acceptées par le corps électoral « dans le plus bref délai après la validation des opérations électorales ». Cela n’avait toutefois in casu aucune incidence concrète sur la mise en œuvre de l’initiative, au vu des dispositions transitoires figurant à l’art. 12.

L’IN 156 ne posait ainsi pas de problème de rétroactivité.

f. Elle ne posait pas non plus de problème de compatibilité avec le droit constitutionnel cantonal. Les art. 34 et 35 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), ne conféraient pas une protection plus étendue à la garantie de la propriété et la liberté économique que celle résultant des art. 26 et 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Des modifications aux lois genevoises régissant l’aménagement du territoire, dont notamment la LGZD, pouvaient être proposées par le biais d’une initiative populaire.

g. En cas d’acceptation de l’IN 156, les personnes désireuses d’acquérir un logement destiné à la vente sis en zone de développement devraient l’occuper, et si ce logement était loué, ces personnes se verraient en principe refuser une éventuelle revente durant la période de contrôle, sauf justes motifs. Ces mesures étaient réalisables. L’IN 156 respectait l’exigence d’exécutabilité.

h. Toutes les conditions de validité de l’initiative étaient ainsi remplies.

i. L’arrêté du Conseil d’État déclarant l’IN 156 valide était susceptible d’un recours à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice dans un délai de 30 jours dès sa notification.

11. Le même 4 février 2015, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un rapport sur la prise en considération de l’IN 156.

L’IN 156 reprenait essentiellement le texte du PL 11141 que le Conseil d’État avait déposé le 14 mars 2013 dans le but d’expliciter l’idée que les appartements PPE en zone de développement devaient être mis en vente et en principe occupés par leurs propriétaires. Il s’agissait de mettre un terme aux pratiques certes pas illicites mais contraires à l’esprit de la loi et à la volonté du législateur, dès la modification de la LGZD du 25 février 1972, de lutter contre la spéculation immobilière et de permettre à la classe moyenne d’acheter un appartement pour y vivre, selon un dispositif similaire pour les bâtiments d’habitation destinés à la location ou à la vente. Des dérives avaient été constatées, rendues possibles par le fait que le texte de la LGZD définissait à qui les appartements étaient destinés mais ne contraignait pas les destinataires souhaités à les occuper. L’écart entre le prix de vente autorisé en zone de développement et le prix de vente du marché était tel que tant des promoteurs que des propriétaires s’étaient mis à conserver des appartements destinés à la vente situés en zone de développement, ne les avaient pas mis en vente mais les avaient loués, dans le but de les vendre ou revendre à l’issue de la période de contrôle et réaliser ainsi une plus-value importante. Parfois, plusieurs appartements PPE avaient été cédés aux mêmes personnes, qui les thésaurisaient à des fins d’investissement, les soustrayaient au marché, déjà très tendu, et en empêchaient ainsi l’acquisition et l’habitation par ceux à qui ils étaient destinés.

En cas de non-respect de l’obligation d’occuper proposée par l’art. 5 al. 1 let. b LGZD selon le PL 11141 et désormais l’IN 156, une sanction était prévue, sous la forme d’une amende administrative, mais aussi une mesure, consistant à considérer un appartement PPE en zone de développement loué pendant la période de contrôle comme un appartement locatif dont la revente ne pouvait en principe pas être autorisée en application de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR (les autres cas de vente prévus par l’art. 39 LDTR restant ouverts).

Par son arrêt 1C_223/2014 du 15 janvier 2015, le Tribunal fédéral avait censuré la L 11141 sur des points sur lesquels celle-ci s’était écartée du PL 11141, en particulier le principe du « primo-acquéreur ». Mais il avait admis que l’objectif visant à lutter contre la spéculation ou la détention d’appartements à des fins d’investissement poursuivait un intérêt public et que le fait de réserver les appartements PPE en zone de développement à ceux qui entendaient y habiter constituait un moyen proportionné de l’atteindre.

Le Conseil d’État soutenait sans réserve l’IN 156, dès lors que celle-ci reprenait très largement le texte du PL 11141 ; il approuvait aussi ses dispositions transitoires, qui revenaient à une notion de rétroactivité improprement dite.

12. a. Par acte du 9 mars 2015, Monsieur A______ (ci-après : le recourant) a recouru à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté du Conseil d’État du 4 février 2015 précité, en concluant à l’octroi de l’effet suspensif, à l’annulation de l’arrêté attaqué, à l’invalidation de l’IN 156 et à l’allocation d’une indemnité de procédure pour les frais indispensables causés par le recours.

b. L’IN 156 contrevenait aux droits politiques des citoyens, en tant qu’elle contenait à la fois une modification de la LGZD, qui serait soumise au référendum facultatif ordinaire, et une modification de la LDTR, qui serait soumise au référendum facultatif facilité. L’art. 85A al. 2 de la loi sur l’exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), s’opposait à ce que la loi qu’adopterait le Grand Conseil à la suite de l’IN 156 soit soumise in globo au vote du peuple. Une scission de la loi ne serait pas envisageable.

c. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD prévu par l’IN 156 était doublement contraire à la force dérogatoire du droit fédéral, dès lors qu’il entraînait les deux conséquences de prohiber d’une part l’acquisition d’un appartement en zone de développement par toute autre entité qu’une personne physique (seule à même d’occuper personnellement le logement acquis), et d’autre part l’achat d’un tel logement à titre de résidence secondaire.

Ainsi, du fait de la condition d’occupation personnelle prévue par l’initiative, des États étrangers (pour leur mission diplomatique ou consulaire) et des organisations internationales ne pourraient acquérir à des fins officielles un logement PPE sis en zone de développement, en violation de la loi fédérale du 22 juin 2007 sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte (LEH - RS 192.12).

De même, les ressortissants de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE), qui auraient leur résidence principale dans leur pays d’origine, ne pourraient pas acquérir un logement en zone de développement à titre de résidence secondaire, contrairement à l’art. 7 let. j de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE - RS 211.412.41) et à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes [ALCP - RS 0.142.112.681]).

d. L’obligation que l’art. 5 al. 1 let. b LGZD imposait au propriétaire d’occuper personnellement son logement était contraire à la garantie de la propriété ainsi qu’à la liberté économique. Les trois règles constituant le principe de la proportionnalité n’étaient pas respectées.

La condition de l’occupation personnelle du logement par son propriétaire semblait être une mesure apte à lutter contre la spéculation immobilière en zone de développement. Elle n’était en revanche pas apte à atteindre le second intérêt public poursuivi, à savoir permettre à la classe moyenne d’accéder à la propriété. La revente d’un tel bien se trouvait en effet restreinte au seul marché, concernant une infime partie de la population, des acquéreurs souhaitant habiter les logements acquis ; tout marché locatif se trouvait exclu dans les lots de PPE, vu l’obligation d’habiter effectivement le logement déjà durant toute la période de contrôle (sous peine d’intégration de l’appartement dans le système de contrôle institué par la LDTR et d’une amende administrative), mais aussi de manière durable sans restriction de temps après la période de contrôle (sous peine d’une amende administrative). Instituer un tel système excluait toute forme de valorisation du bien, même à terme, tout en maintenant le risque économique du propriétaire, avec l’effet de faire perdre tout intérêt à l’acquisition de son logement en zone de développement et donc de dissuader la classe moyenne d’accéder à la propriété.

Ladite obligation ne respectait pas non plus la règle de la nécessité. Les circonstances imprévisibles au moment de l’acquisition susceptibles, selon l’art. 5 al. 1 let. b ch. 1 LGZD, de justifier une dérogation à cette obligation ne permettaient de prendre en compte que de manière très limitée les événements pouvant se produire dans la vie d’un propriétaire. Ne pouvaient ainsi se prévaloir d’un juste motif, faute de pouvoir faire état d’une circonstance imprévisible au moment de l’acquisition du logement, l’employé d’une société multinationale sachant qu’il serait très certainement muté provisoirement à l’étranger dans les dix prochaines années, vu que c’était la politique de son entreprise, ou la personne très âgée dont l’état de santé se dégraderait à tel point qu’elle ne pourrait plus demeurer dans son logement, ou le jeune père de famille en début de carrière voulant acquérir un, voire deux logements en zone de développement dans la prévision d’y loger un fils ou une fille une fois ceux-ci majeurs et de le(s) louer dans l’intervalle, sans aucun motif spéculatif. Le caractère exemplatif des justes motifs cités à ce ch. 1 ne permettait pas d’interpréter différemment la notion claire de « circonstances imprévisibles ». Des mesures moins incisives existaient pour atteindre les intérêts publics poursuivis. Dans les exemples cités ci-dessus, de même que dans le cas précités de l’État étranger ou de l’organisation internationale ou encore du travailleur frontalier, les intéressés ne se livraient pas à de la spéculation immobilière, pas plus d’ailleurs que des personnes morales telles que des caisses de prévoyance professionnelle voulant acquérir des immeubles entiers pour ensuite en louer les appartements à leurs pensionnés à des prix attractifs, ou encore des sociétés anonymes de type sociétés immobilières, dont les statuts créaient un lien strict entre les actionnaires-locataires et les lots de PPE.

L’obligation d’occuper personnellement le logement acquis ne respectait pas non plus l’exigence d’un rapport raisonnable entre les buts visés et les intérêts compromis. Il y avait disproportion à ne pas limiter dans le temps cette obligation, ainsi qu’à sanctionner sa violation par une amende administrative pouvant aller jusqu’à 20 % du prix de revient total de l’immeuble, couplée, en cas de mise en location pendant les dix ans de la période de contrôle, à une intégration de l’appartement dans la catégorie des logements destinés à la location et l’exclusion de la possibilité de le revendre.

e. La combinaison du nouvel art. 8A LGZD et de la modification de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR impliquait que le propriétaire d’un logement en zone de développement qui le louerait pendant la période de contrôle ne pourrait le revendre que dans les cas visés par l’art. 39 al. 2 LDTR, soit dans des cas en pratique presque jamais réalisés, voire par l’art. 39 al. 3 LDTR en cas de revente au locataire.

À teneur des art. 178, 179 et 180 Cst-GE, la politique genevoise du logement reposait sur la combinaison de trois types de mesures, à savoir la production de logements bon marché, la politique d’acquisition foncière de l’État et le soutien à l’accès à la propriété. L’intérêt public en résultant était de produire suffisamment de logements bon marché et de logements à vendre, en garantissant un équilibre entre les différents types de logements, sociaux ou libres, et parmi ces derniers ceux en location et ceux en PPE, de façon différenciée selon la zone de base à laquelle la zone de développement se superposait. Dans cette perspective, des unités de logements conçues dès leur construction pour être des objets de propriété individuelle n’étaient pas visées par la protection de la LDTR, même si elles étaient louées entre leur construction sous le régime de la propriété par étages et leur vente, si bien que l’autorisation de les aliéner devait automatiquement être délivrée. Il n’y avait pas d’intérêt public à faire passer un logement destiné à la vente dans la catégorie des logements destinés à la location du fait qu’il serait loué temporairement. L’interdiction de vente résultant de la combinaison des art. 8A LGZD et 39 al. 4 let. a LDTR proposés par l’IN 156 en cas de location même temporaire remettait en cause tout le système imposé par la constitution genevoise d’équilibre entre les formes de nouveaux logements et le soutien à l’accession à la propriété.

La sanction très lourde d’interdire toute revente d’un appartement PPE sis en zone de développement qui serait loué même temporairement produisait l’effet contraire de soustraire un logement au marché, dès lors que, pour éviter cette sanction, le propriétaire qui ne pourrait l’occuper sans juste motif au sens de l’art. 5 al. 1 let. b LGZD préférerait le laisser vide, plutôt que de le louer, afin de pouvoir le revendre ultérieurement. Elle ne respectait pas la règle de l’aptitude.

Des mesures moins incisives permettaient d’atteindre le but visé de garantir que le propriétaire occupe son logement sauf justes motifs. L’art. 9 al. 1 LGZD prévoyait une amende administrative substantielle, et l’al. 2 que l’IN 156 proposait d’introduire dans cette disposition permettait en outre au département compétent de prendre les mesures et sanctions prévues aux titres V et VI LCI, donc en particulier d’ordonner la remise en état des lieux. Cela était suffisant. À une interdiction d’acquisition ou de revente pouvaient être préférées une confiscation de la marge bénéficiaire du produit de la location, ou une prolongation de la période de contrôle des prix et des loyers à définir de façon à valoriser l’habitation par le propriétaire durant la période de contrôle par rapport à une location à un tiers. De telles mesures, moins incisives, seraient plus efficaces, en tant que le propriétaire n’aurait rien à gagner mais au contraire à perdre tant de louer son logement que de le laisser vide.

L’interdiction considérée de revente ne respectait pas non plus la règle de proportionnalité au sens étroit. En l’absence d’un renvoi plus explicite, les mots « en principe » figurant à l’art. 8A LGZD n’autorisaient pas à considérer que les justes motifs réservés à l’art. 5 al. 1 let. b LGZD l’étaient aussi pour déroger à ladite interdiction. Quoi qu’il en soit, lesdits justes motifs ne suffisaient pas à résoudre toutes les situations problématiques susceptibles de se présenter, pour les mêmes raisons que celles avancées à l’encontre de l’obligation d’occupation personnelle du logement. De nombreuses personnes seraient privées de la faculté de pouvoir acheter un appartement en zone de développement dès lors qu’elles seraient exposées au risque de ne plus jamais pouvoir le revendre, et elles seraient discriminées par rapport aux personnes non exposées à ce risque, soit aux personnes d’âge moyen ayant un emploi local dans la région genevoise. En toute hypothèse, la privation de la possibilité de revente impliquée par la disposition était excessive, étant précisé que la vente d’un appartement en dehors des cas visés par l’art. 39 al. 4 LDTR était extrêmement difficile, voire impossible.

f. Les dispositions transitoires que l’IN 156 introduirait à l’art. 12 al. 4 et 5 LGZD ne prévoyaient pas une rétroactivité improprement dite, en principe admissible sous réserve des droits acquis, mais bien une rétroactivité proprement dite, sans que les conditions d’une telle rétroactivité ne soient remplies.

L’art. 12 al. 4 LGZD ne précisait pas – et rien ne permettait de préciser – la date à laquelle les bâtiments visés (soit ceux, situés en zone de développement, dont la date d’entrée moyenne des habitants était postérieure au 1er janvier 2010) ne devaient avoir fait l’objet d’aucune acquisition pour que les art. 5 al. 1 let. b et 8A LGZD s’appliquent à compter du lendemain de leur promulgation dans la FAO. On ne savait pas si cette date était aussi le 1er janvier 2010, ou celle de l’entrée en vigueur de la loi, ou celle de la publication de l’IN 156 dans la FAO. Pour le cas où cette date serait le 1er janvier 2010, l’idée serait que le propriétaire de la parcelle sur laquelle l’immeuble avait été construit avait uniquement loué les appartements PPE qu’il y avait réalisés ; ledit propriétaire serait contraint de résilier les baux conclus et de vendre les appartements. De même, dans l’hypothèse où, dans de tels immeubles, des ventes seraient intervenues postérieurement au 1er janvier 2010 et où certains des acquéreurs de tels appartements auraient loué ces derniers, lesdits acquéreurs seraient soumis à l’obligation d’occuper personnellement leur logement dès le lendemain de l’entrée en vigueur de la loi. Cette dernière attachait ses effets à des faits entièrement révolus, à savoir à l’acquisition de tels appartements ; c’était de la rétroactivité proprement dite.

Dans les cas visés par l’art. 12 al. 5 LGZD, lesdites dispositions s’appliqueraient à compter d’un délai de trois ans ayant déjà commencé à courir avant que la loi ne soit entrée en vigueur. Vu la brièveté du délai imparti, les propriétaires concernés étaient contraints d’entreprendre par anticipation les démarches en vue de se mettre en conformité avec la loi, sans savoir si l’obligation que celle-ci comportait existerait et entrerait un jour en vigueur. À un effet rétroactif proprement dit s’ajoutait un effet anticipé.

La rétroactivité prévue par ces deux dispositions transitoires n’était pas raisonnablement limitée dans le temps. L’obligation d’occupation personnelle pouvait s’appliquer à des appartements acquis en 2007 ou 2008, et la loi ne pouvait entrer en vigueur avant 2016 voire, plus raisonnablement, 2017 ; elle déploierait des effets à des faits remontant à plus de dix ans dans le cas du recourant. Pire, l’acquéreur d’un logement en 2007 dans un immeuble concerné et qui aurait loué son appartement dès janvier 2010 serait dans l’impossibilité de le revendre, même s’il décidait de résilier le bail de son locataire et d’intégrer son appartement, du seul fait que ce dernier avait été loué durant la période de contrôle.

Le choix du 1er janvier 2010 comme date de rétroactivité des dispositions considérées créait des inégalités choquantes, par exemple entre un propriétaire ayant acquis un logement le 1er décembre 2009 dans un immeuble dont la date moyenne d’entrée des habitants serait le 20 décembre 2009 (et qui ne serait pas contraint d’occuper personnellement son logement et pourrait le remettre à bail sans s’exposer à des sanctions), et un propriétaire en ayant acquis un en 2007 déjà, mais dans un immeuble dont la date moyenne d’entrée des habitants serait postérieure au 1er janvier 2010 (et qui serait tenu d’occuper personnellement son appartement, sous peine des sanctions prévues par les dispositions considérées).

La rétroactivité prévue par l’art. 12 al. 4 et 5 LGZD n’était pas justifiée par un intérêt public pertinent. Les initiants entendaient changer les règles du jeu non seulement pour le futur, mais aussi pour le passé, en réalité pour appréhender la promotion immobilière ayant défrayé la chronique, à savoir l’opération dite de la « Tulette », qui avait comporté, sans violation de la loi, l’acquisition en 2010-2011 de 53 % de 149 appartements destinés à la vente par des acquéreurs en ayant acheté deux ou plus (11 d’entre eux en ayant acquis même cinq ou six), certains d’entre eux étant au surplus déjà propriétaires de plusieurs biens immobiliers dans le canton de Genève, notamment en zone de développement.

La rétroactivité prévue par ces deux dispositions transitoires portait atteinte à des droits acquis, dans la mesure où elle visait à revenir sur des autorisations de construire ayant permis de réaliser des logements en zone de développement et ayant comporté la fixation d’un loyer admissible auquel le propriétaire pouvait louer l’appartement durant la période de contrôle.

13. Par courrier du 26 mars 2015, le recourant a déclaré renoncer à sa conclusion préalable visant à l’octroi de l’effet suspensif, tout en se réservant la possibilité, suivant l’évolution d’un traitement qui se poursuivrait de l’IN 156, de déposer une nouvelle demande d’octroi de l’effet suspensif ou de mesures provisionnelles.

14. a. Par mémoire du 22 avril 2015, le Conseil d’État, soit pour lui la chancellerie d’État, a répondu au recours, en concluant à son rejet et à la condamnation du recourant aux frais de la procédure.

b. La chambre constitutionnelle n’avait pas à examiner au stade de la validité de l’initiative si le texte devait le moment venu et le cas échéant être soumis au référendum facultatif ordinaire ou au référendum facultatif facilité ; cette question ne faisait pas partie des conditions de validité d’une initiative. Le processus référendaire était différent du processus poursuivi par une initiative populaire, même si, en cas d’approbation par le Grand Conseil de l’IN 156, cette dernière deviendrait une loi ; c’est alors seulement que le Conseil d’État devrait se pencher sur la question d’une éventuelle scission de cette loi en vertu de l’art. 85A al. 2 LEDP, ce qu’il ferait à l’aune des critères dégagés par la chambre constitutionnelle dans son arrêt ACST/1/2015 du 23 janvier 2015. L’impossibilité de scinder une loi avait pour effet la soumission de l’entier de la loi au régime référendaire facilité et non l’invalidité du texte ; cela devait valoir aussi pour une loi concrétisant l’IN 156. Le grief de violation des droits politiques était mal fondé.

c. L’IN 156 ne violait pas le principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

L’art. 16 LEH ne donnait pas aux bénéficiaires institutionnels un droit à obtenir du département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) une autorisation d’acquisition, ni préalablement des autorités cantonales compétentes une autorisation de construire si les conditions n’en étaient pas données. Il n’empêcherait pas les autorités cantonales compétentes de tenir compte de l’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 si celle-ci était adoptée, en particulier de refuser les autorisations de construire en faveur de bénéficiaires institutionnels au sens de la LEH dès lors que la disposition précitée limitait l’acquisition de logements destinés à la vente aux personnes physiques. Les bénéficiaires institutionnels n’étaient empêchés d’acquérir un bien immobilier dans le canton de Genève que pour des logements destinés à la vente sis en zone de développement.

De même, la LFAIE ne donnait pas un droit inconditionnel à acquérir un bien immobilier si les conditions préalables à cette acquisition découlant du droit cantonal n’étaient pas remplies, le cas échéant celles de l’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156. Admettre le contraire reviendrait d’ailleurs à créer une inégalité de traitement contraire au droit entre les personnes cherchant à acquérir un bien immobilier destiné à la vente situé en zone de développement sans l’intention d’y habiter et les ressortissants des États membres de l’UE ou de l’AELE.

d. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 n’était pas contraire à la garantie de la propriété et à la liberté économique, en particulier respectait le principe de la proportionnalité.

L’actuel art. 5 al. 1 let. b LGZD engendrait des dysfonctionnements contraires au but et à l’esprit de la LGZD, mais possibles au regard du texte de la loi. Certains appartements situés en zone de développement étaient achetés à un prix modéré, puis loués durant la période de contrôle, puis revendus à l’issue de cette dernière au prix du marché, ce qui permettait de réaliser une importante plus-value par rapport au prix d’acquisition. Des lots entiers de tels appartements étaient quelquefois vendus à des personnes pourtant déjà propriétaires dans le canton de Genève. Obliger l’acquéreur d’un logement destiné à la vente en zone de développement à l’occuper personnellement permettait d’empêcher de tels dysfonctionnements, en écartant du marché de tels logements les acquéreurs dont le profil ne correspondait pas à celui des personnes auxquelles les dispositions de la LGZD sur les logements destinés à la vente étaient vouées à s’appliquer. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 n’avait pas pour but de permettre la valorisation d’un appartement acquis en zone de développement. L’exclusion de tout marché locatif dans les lots PPE ne limiterait pas le cercle des potentiels acquéreurs à une infime partie de la population. Les potentiels acquéreurs cherchant à proposer des logements à la location demeuraient libres d’acquérir de tels logements aux conditions prévues par l’art. 5 al. 1 let. a LGZD.

Pour permettre la construction de logements correspondant à un besoin d’intérêt général en zone de développement, et en particulier permettre à la classe moyenne d’accéder à des logements PPE, il était nécessaire d’écarter de ce marché des acquéreurs qui n’entendaient d’emblée pas vivre dans ces logements. L’examen des exceptions devant être apportées à l’obligation d’occupation personnelle de tels appartements par leur propriétaire relevait de celui de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une balance des intérêts en présence.

Les justes motifs pour lesquels le propriétaire des logements considérés pourraient ne pas y habiter devraient pouvoir être appréciés par les organes d’exécution de la loi, au bénéfice de leur pouvoir d’appréciation, plutôt que fixés dans la loi, compte tenu de la multitude des exceptions imprévisibles. Comme le PL 11141-A, l’IN 156 comportait une liste exemplative de justes motifs, dont l’esprit était de ne pas péjorer la situation de personnes dont les circonstances de vie se trouvaient subitement modifiées indépendamment de leur volonté. Ladite disposition laissait au département compétent un large pouvoir d’appréciation lui permettant d’appréhender les situations justifiant une exception à la loi, dans le respect du principe de la proportionnalité. Les exceptions prévues et leur caractère non exhaustif assuraient qu’il y ait un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts éventuellement compromis. L’examen de la validité d’une initiative populaire rédigée de toutes pièces ne s’apparentait pas à un contrôle abstrait d’un acte normatif ; il s’agissait uniquement de s’assurer que les citoyens ne seraient pas appelés à voter sur un objet qui, d’emblée, ne pourrait pas être finalement concrétisé conformément à la volonté exprimée. L’autorité de validation d’une telle initiative n’avait pas à se livrer à un examen définitif de constitutionnalité, ni à résoudre par avance tous les cas d’application qui pourraient se présenter ; la protection des droits politiques devait être distinguée de celle des autres droits constitutionnels des citoyens.

Toutes les facettes du principe de la proportionnalité étaient ainsi respectées, si bien que l’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 était conforme au droit supérieur.

e. Les art. 8A LGZD et 39 al. 4 let. a LDTR proposés par l’IN 156 ne violaient pas la garantie de la propriété.

Ces dispositions visaient à préserver le parc locatif et à assurer la coordination entre la LGZD et la LDTR. Elles limitaient les possibilités de vente des appartements situés en zone de développement destinés à la vente qui seraient mis en location sans justes motifs durant la période de contrôle. D’après le système actuellement en vigueur, de tels logements, détournés de leur destination initiale, devaient être considérés comme des logements destinés à la location, soumis au régime de la LDTR. Des exceptions à l’obligation d’occuper étant prévues par l’initiative, qui ouvrait la voie à la location de tels appartements, il fallait éviter que ceux-ci, à l’échéance de la période de contrôle, échappent à la LDTR et soient vendus sans autre, et que soient ainsi instaurés deux régimes différents de ventes de logements loués. Les deux objectifs poursuivis répondaient à un intérêt public.

Le système prévu satisfaisait aux exigences du principe de la proportionnalité.

En empêchant un propriétaire de bénéficier d’une autorisation de vente d’un logement PPE sis en zone de développement mis en location sans justes motifs pour la raison que cet appartement avait été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages, la combinaison des deux dispositions considérées avait un effet dissuasif sur les investisseurs qui souhaiteraient louer leur bien durant la période de contrôle sans justes motifs, puis le revendre à l’issue de cette dernière avec une importante plus-value. La règle d’aptitude était ainsi respectée.

Celle de la nécessité l’était aussi, dès lors que les deux dispositions en question, dûment coordonnées, étaient nécessaires pour éviter que des logements destinés à la location – à considérer comme tels, dans le cas de logements destinés à l’origine à la vente mais loués sans justes motifs (situation qu’aucune disposition de la LGZD ou de la LDTR ne réglementait) – ne soient soumis à deux régimes différents au terme de la période de contrôle, à moins que, s’agissant des logements destinés à l’origine à la vente, leur mise en location soit intervenue pour de justes motifs. La combinaison des deux dispositions, limitant l’applicabilité de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR aux seuls cas de justes motifs de ne pas occuper personnellement les logements considérés, poursuivait ainsi le but de dissuader les investisseurs d’acquérir des logements dans lesquels ils n’entendaient pas habiter.

La règle de la proportionnalité au sens étroit était respectée en raison des exceptions à l’interdiction de vente prévues pour de justes motifs, réservées par les mots « en principe » figurant à l’art. 8A LGZD, et de la manière souple, déjà évoquée, dont le département appliquerait cette disposition.

f. Les dispositions transitoires prévues à l’art. 12 al. 4 et 5 LGZD ne portaient pas atteinte à des droits acquis susceptibles de découler de la garantie de la propriété ou du principe de la bonne foi. Il n’existait pas de droit au maintien d’une certaine législation, à moins que – ce qui n’était pas le cas en l’espèce – les modifications considérées ne contredissent des assurances précédemment données par le législateur ou ne fussent décidées de façon imprévisible dans le dessein d’empêcher l’exécution d’un projet qui serait réalisable. Seul le mode d’utilisation de la propriété foncière était restreint ; il n’y avait pas d’atteinte à l’institution même de la propriété. L’exigence d’un régime transitoire pouvant s’imposer au regard du principe de la bonne foi était respectée. Les propriétaires des logements ayant fait l’objet au moins d’une acquisition pourraient s’adapter à la nouvelle réglementation. Les effets juridiques de l’IN 156 ne se déploieraient qu’aux échéances indiquées à l’art. 12 LGZD, dont le propriétaire pourrait au surplus requérir le report à certaines conditions.

15. Par mémoire du 13 mai 2015, le comité d’initiative a conclu au rejet du recours.

Le Conseil d’État avait parfaitement anticipé les griefs du recourant dans son arrêté validant l’IN 156. L’arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 précité permettait de considérer les propositions formulées par cette dernière comme valables. La mesure centrale de l’initiative, reprise de la « loi Longchamp », de soumettre au régime juridique de la LDTR les appartements nouvellement construits en PPE en zone de développement non occupés par leurs acquéreurs permettait d’atteindre l’objectif visé de favoriser l’accession de la classe moyenne à la propriété de son propre logement, sans porter atteinte à la liberté contractuelle ni créer d’inégalité de traitement entre les justiciables. L’effet rétroactif prévu par les dispositions transitoires, qui n’était qu’indirect, ne posait aucun problème. D’une part, l’autorité compétente pourrait accorder des prolongations des délais fixés, pour éviter toute situation qui porterait atteinte aux droits des justiciables, et ses décisions seraient sujettes à recours ; d’autre part, lesdites dispositions étaient rédigées de façon à permettre de les interpréter de manière conforme à la garantie des droits fondamentaux des justiciables et à la sécurité du droit.

16. a. Par mémoire du 3 juin 2015, le recourant a formulé des observations sur les déterminations du Conseil d’État et du comité d’initiative. Il a persisté dans les conclusions de son recours.

b. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 violait l’art. 16 al. 3 LEH. La réserve que cette disposition-ci comportait en faveur des autorisations cantonales se rapportait soit à la police des constructions au sens large, soit à des problématiques de sécurité. La LEH était une transposition, en droit fédéral suisse, de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 (RS 0.191.01), dont l’art. 21 prévoyait que l’État hôte accordât aux bénéficiaires institutionnels des facilités d’acquisition des biens immobiliers sur son territoire. L’exigence d’occupation personnelle posée par l’IN 156 n’appartenait ni au corpus des règles de la police des constructions ni à celui de la sécurité, mais poursuivait un but de politique du logement, étranger à la réserve figurant à l’art. 16 al. 3 LEH. Subsidiairement, si cette exigence pouvait conditionner l’octroi d’une autorisation réservée par l’art. 16 al. 3 LEH, elle n’en serait pas moins contraire à cette disposition-ci, en tant que, par définition, un bénéficiaire institutionnel ne pourrait jamais habiter personnellement l’immeuble qu’il acquerrait, si bien que le DFAE, devant constater que les conditions de l’art. 16 al. 3 LEH n’étaient pas remplies, ne pourrait jamais délivrer l’autorisation d’acquisition au bénéficiaire institutionnel.

L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 ne respectait pas la répartition des compétences entre la Confédération, compétente pour autoriser l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger, et les cantons, compétents pour délivrer les autorisations de construire, dès lors qu’il imposait une obligation d’occupation personnelle du logement qui faisait obstacle, si elle n’était pas remplie, à l’acquisition d’un immeuble par un frontalier comme résidence secondaire, et non à sa construction. Il prohibait une telle acquisition, qu’elle fût le fait d’individus résidant en Suisse ou de personnes résidant à l’étranger, ce qui posait problème au regard de l’art. 7 let. j LFAIE en tant que la question était du ressort de la Confédération.

c. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 violait la garantie de la propriété.

Il était apte à lutter contre la spéculation immobilière, mais pas à faciliter l’accession de la classe moyenne à la propriété du logement. Obliger l’acquéreur à occuper personnellement un tel logement n’incitait nullement à en acquérir un. Comme indiqué dans le recours, il existait des mesures moins incisives pour lutter contre la spéculation immobilière, et, en dépit de leur caractère exemplatif, les justes motifs prévus par l’initiative ne permettaient pas de tenir compte de situations dans lesquelles l’exigence d’occupation personnelle n’était pas justifiée.

d. Les arguments du Conseil d’État ne renversait pas le raisonnement contenu dans le recours s’agissant de la violation de la garantie de la propriété qu’engendraient les art. 8A LGZD et 39 al. 4 let. a LDTR proposés par l’IN 156.

e. L’IN 156 était contraire au principe de la non-rétroactivité. L’art. 12 al. 4 et 5 LGZD qu’elle comportait rendait applicables de nouvelles règles à des situations de fait dont les effets s’étaient déjà entièrement produits. Il s’agissait de rétroactivité proprement dite, dont les conditions d’admissibilité exceptionnelle n’étaient pas remplies.

17. Le 5 juin 2015, le greffe de la chambre constitutionnelle a communiqué les observations du recourant au Conseil d’État et au comité d’initiative.

18. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.                                Selon l'art. 124 Cst-GE, la Cour constitutionnelle, à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ - E 2 05]), a pour compétences de contrôler sur requête la conformité des normes cantonales au droit supérieur, de traiter les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale, et de trancher les conflits de compétence entre autorités. À ces trois compétences, le législateur cantonal a ajouté celle de connaître des recours en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ), compte tenu de l'étroite parenté de cette matière-ci, ressortissant désormais à la compétence décisionnaire du Conseil d'État (art. 60 al. 1 et art. 72 al. 1 Cst-GE), avec à la fois le contrôle abstrait des normes et le traitement des litiges relatifs à l'exercice des droits politiques (exposé des motifs du PL 11311, p. 12 s., MGC [en ligne], http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010102/5/20).

La chambre de céans est donc compétente pour connaître du présent recours.

2. a. Le législateur genevois a défini la qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle de la même manière que pour les recours devant les autres juridictions administratives, sans faire de distinction selon les actes attaqués. Concernant les personnes privées, physiques ou morales, voire les personnes morales de droit public agissant à l'égal de personnes morales de droit privé, elles ont qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle si elles sont touchées directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et ont un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte attaqué soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Telle qu'elle a été interprétée par les juridictions genevoises (ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 2 ; ACST/1/2015 précité consid. 3 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014), la qualité pour recourir prévue par l'art. 60 al. 1 let. b LPA s'avère substantiellement similaire à celle que le législateur fédéral a définie pour le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, même s’il l’a différenciée selon le type de recours (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. I, 2014, n. 320 in fine, 325 ss, 329 ss et 332 ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 68 ss). Cela s'explique par le fait que, selon l'art. 111 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédant le Tribunal fédéral doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. Le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie (en particulier la qualité pour recourir), notamment devant la chambre constitutionnelle, de manière plus restrictive que ne le fait l'art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5 ; ACST/1/2015 précité consid. 3a ; ACST/2/2014 précité consid. 2c).

b. Au regard de la LTF, le recours contre une décision relative à la validité d’une initiative populaire concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires (art. 82 let. c LTF ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2013 du 19 mai 2014 consid. 1 ; 1C_306/2012 du 25 février 2013 consid. 1 ; 1C_261/2997 consid. 11, non publié in ATF 134 I 172 ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 110 ss, 121, p. 859 ad art. 82 LTF ; Christoph HILLER, Die Stimmrechtsbeschwerde, 1990, p. 104 ss), si bien qu’est recevable à l’interjeter quiconque a le droit de vote dans l’affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), non seulement devant le Tribunal fédéral (art. 111 al. 1 LTF), mais aussi devant la chambre constitutionnelle.

En l’espèce, le recourant est titulaire des droits politiques dans le canton de Genève. Il a qualité pour recourir à ce titre.

3. a. En mettant en œuvre l’art. 124 Cst-GE instituant la Cour constitutionnelle, le législateur genevois n’a pas précisé dans quel délai un recours doit être déposé contre la décision du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative. Il a ajouté – à l’art. 62 LPA, consacré aux délais de recours – une let. d stipulant que le délai de recours est de 30 jours « s’il s’agit d’une loi constitutionnelle, d’une loi ou d’un règlement du Conseil d’État ». Or, si le délai de recours est de 30 jours – et est au surplus suspendu durant les périodes visées par l'art. 63 al. 1 LPA – contre les décisions finales ou les décisions en matière de compétence ainsi que contre les actes normatifs (art. 62 al. 1 let. a et d LPA), il est de 6 jours, sans suspension durant lesdites périodes (art. 63 al. 2 let. a LPA), « en matière de votations et d'élections » (art. 62 al. 1 let. c LPA), expression se trouvant également à l’art. 130B al. 1 let. b LOJ.

Les recours en matière de votations et d’élections au sens de ces dispositions sont les recours ouverts « contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision », au sens de l’art. 180 LEDP, à savoir contre tout acte destiné aux électeurs de nature à influencer la libre formation du droit de vote telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE. Sont ainsi attaquables, dans un délai de 6 jours, les mesures d’organisation d’élections ou votations, le matériel de vote en général, la brochure explicative, des circulaires et des tracts, la constatation du résultat d’élections ou de votations (ACST/10/2015 du 11 mai 2015 ; ACST/6/2015 du 26 mars 2015 ; ACST/5/2015 du 4 mars 2015 ; jurisprudence antérieure de la chambre administrative, citée par ces arrêts), mais aussi le lancement d’un référendum en tant que le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures (art. 86 al. 1 let. c LEDP) ne serait prétendument pas conforme aux prescriptions, notamment comporterait un intitulé ou un argumentaire contraire à la liberté de vote (arrêt du Tribunal administratif en la cause B. Annen et consorts du 18 mars 1992 consid. 1, RDAF 1993 p. 45 ; arrêt du Tribunal administratif en la cause Payot et consorts du 7 mars 1988, ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral du 2 décembre 1988, SJ 1989 p. 90). La validité de tels actes doit, si elle est contestée, pouvoir être contrôlée dans des temps relativement brefs, ce qui se traduit déjà par la fixation d’un bref délai de recours.

Cette exigence de célérité accrue ne se justifie pas pour tout recours soulevant le grief de violation des droits politiques ou dirigé contre toute décision comportant l’examen, entre autres questions, du respect de règles en lien avec les droits politiques, comme, précisément, la décision sur la validité d’une initiative. Même si une initiative est destinée – sous réserve qu’elle soit valide, mais aussi ne soit pas acceptée par le Grand Conseil – à faire l’objet d’un scrutin populaire, le contrôle de sa validité ne fait pas partie de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP (ATF 121 I 252 ; ATA/769/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/331/2012 du 5 juin 2012 consid. 7 ; ATA/650/2010 du 21 septembre 2010 consid. 4). Dans l’énumération des cas de recours à la chambre constitutionnelle, le législateur genevois a différencié les recours en matière de votations et d’élections des recours en matière de validité des initiatives populaires, en les citant respectivement aux let. b et c de l’art. 130B al. 1 LOJ. Pour ces derniers, il est manifestement et raisonnablement parti de l’idée que, comme pour les recours contre les actes normatifs, auxquels ils s’apparentent, et les décisions en général (art. 62 al. 1 let. a LPA), le délai de recours de 30 jours doit s’appliquer (exposé des motifs du PL 11311, p. 14, MGC [en ligne], http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010102/5/20).

Il se justifie donc de retenir que le délai de recours contre la décision du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative est de 30 jours, ainsi que l’a d’ailleurs indiqué le Conseil d’État dans l’arrêté entrepris (cf. art. 62 al. 2 LPA).

b. En l’espèce, l’arrêté par lequel l’intimé a statué sur la validité de l’IN 156, rendu le 4 février 2015, a été publié dans la FAO du 6 février 2015. Le délai de recours a commencé à courir le lendemain de cette date-ci (art. 62 al. 3 LPA par analogie), à tout le moins à l’égard des tiers (sinon aussi du comité d’initiative, auquel elle doit avoir été notifiée spécifiquement). Il est arrivé à échéance le lundi 9 mars 2015 (art. 17 al. 1 et 3 LPA), jour du dépôt du présent recours. Ce dernier a donc été interjeté en temps utile.

c. Satisfaisant pour le surplus aux exigences de forme et de contenu prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA, le présent recours sera déclaré recevable. Il est amplement motivé, alors même que l’exigence d’un exposé détaillé des griefs du recourant prévu pour les recours contre un acte normatif (art. 65 al. 3 LPA) ne l’est pas pour le recours en matière de validité des initiatives populaires.

4. a À défaut de disposition spécifique à ce sujet, les règles générales de la LPA régissent le pouvoir d’examen de la chambre constitutionnelle, aussi sur recours en matière de validité des initiatives populaires. La chambre constitutionnelle applique donc le droit d’office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA), dans la mesure où le recours est recevable.

b. Le pouvoir d’examen de la chambre constitutionnelle n’est pas limité, dans l’examen des griefs relatifs à la conformité au droit de l’initiative, par une exigence de ne sanctionner le cas échéant qu’une non-conformité manifeste au droit, contrairement à ce que prévoyait la constitution genevoise abrogée dès le 1er juin 2013 (art. 66 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847 - aCst-GE ; Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 353 ss). Le constituant a en effet entendu prévenir qu’un même texte ne soit pas invalidé au stade du contrôle de la validité de l’initiative le proposant, mais le soit ensuite, une fois celui-ci devenu loi du fait de l’adoption de l’initiative, dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes (BOACG tome V, p. 2342 ; Michel HOTTELIER/ Thierry TANQUEREL, La constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341 ss, p. 373 ; Thierry TANQUEREL, Note sur l’ATF 132 I 282, RDAF 2007 I 332 ss, 335, où l’auteur estime douteux qu’une telle situation soit « institutionnellement acceptable »).

c. Contrairement à ce qu’avance le Conseil d’État dans sa réponse au recours, le contrôle de la conformité au droit d’une initiative rédigée de toutes pièces s’apparente à un contrôle abstrait des normes. Il ne s’agit pas de prévenir uniquement que les citoyens ne soient exposés à être appelés à voter sur un objet, qui, d’emblée, ne pourrait pas être finalement concrétisé conformément à la volonté exprimée. Une initiative populaire législative formulée se transforme en loi si elle est acceptée par le Grand Conseil ou en votation populaire (art. 61 et 53 Cst-GE ; art. 122A et 122B de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985 [LRGC – B 1 01] ; art. 94 al. 2 et 3 LEDP ; art. 5 ss de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels, du 8 décembre 1956 [LFPP – B 2 05]), sans que son texte puisse être modifié (sous réserve de la correction d’erreurs matérielles de pure forme ou de peu d’importance mais manifeste [art. 216A LRGC]). Il n’y a pas lieu de prévoir deux intensités différentes du pouvoir d’examen de la chambre constitutionnelle, selon que celle-ci examine la conformité au droit respectivement de l’initiative formulée ou, subséquemment sur recours abstrait, de la loi adoptée.

Il s’agit donc d’appliquer au recours en matière de validité des initiatives populaires formulées pour l’essentiel les mêmes principes d’interprétation, pouvoir d’examen et pouvoir de décision qu’en matière de contrôle abstrait des normes. Il y a lieu de contrôler librement la conformité du texte considéré avec le droit supérieur, tout en s'imposant une certaine retenue et d’annuler les dispositions considérées seulement si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut tenir compte notamment de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée, sans pour autant négliger les exigences qu’impose le principe de la légalité (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 327 consid. 4 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/12/2015 précité consid. 5 ; ACST/7/2015 du 31 mars 2015 consid. 3b ; ACST/2/2014 précité consid. 5b).

5. a. Pour contrôler la validité d’une initiative populaire, il est nécessaire d’abord d’en interpréter le texte, afin de dégager le sens des propositions qu’elle contient. Il y a lieu à cette fin d’utiliser les méthodes habituelles d’interprétation – littérale, historique, systématique et téléologique (ACST/2/2014 précité consid. 7e) –, ainsi que les règles de l’interprétation objective, de l’interprétation la plus favorable aux initiants (qu’exprime l’adage in dubio pro populo) et de l’interprétation conforme au droit supérieur (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 280 ss ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 67 ss). L’importance d’une interprétation historique se trouve a priori réduite par la règle de l’interprétation objective, n’attribuant pas de caractère décisif à la volonté des initiants, en plus que des travaux préparatoires (au sens usuel d’un exposé des motifs du Conseil d’État et des débats au Grand Conseil) n’existent généralement pas. À ce dernier égard, l’IN 156 fait exception, dans la mesure où elle s’inscrit à l’évidence dans le contexte du PL 11141 et des débats auxquels celui-ci a donné lieu.

b. En l’espèce, il s’impose d’autant plus de dégager préliminairement le sens de l’IN 156 que si son idée maîtresse est claire – à savoir que l’acquéreur d’un logement destiné à la vente sis en zone de développement doit l’occuper personnellement –, elle prévoit, pour la concrétiser, des conditions et conséquences pour les unes explicites, mais pour d’autres implicites, au point qu’elles ne sont pas toutes identifiées ni comprises de la même manière, déjà par les parties. La compréhension des propositions formulées par cette initiative passe par celle des lois dont celle-ci prévoit la modification, en particulier la LGZD.

6. a. La LGZD fixe les conditions applicables à l'aménagement et à l'occupation rationnelle des zones de développement affectées à l'habitat, aux commerces et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d'État peut autoriser l'application des normes d'une telle zone (art. 1 LGZD). En principe, la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée à l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier, assorti d’un règlement (art. 2 al. 1 let. a LGZD), ainsi que de conditions particulières applicables au projet (art. 2 al. 1 let. b LGZD). Au nombre de ces conditions figurent – à teneur de l’art. 5 al. 1 LGZD, intitulé « Besoins d’intérêt général » – celles que, s’agissant des logements destinés respectivement à la location (let. a) et à la vente (let. b), les bâtiments d'habitation répondent à un besoin prépondérant d'intérêt général, par le nombre, le type et respectivement les loyers ou prix des logements prévus. Les loyers et les prix des bâtiments destinés respectivement à la location ou à la vente sont soumis au contrôle de l'État pendant une durée de dix ans (art. 5 al. 3 LGZD).

b. Dès l’origine – en ayant d’abord eu d’autres intitulés (ROLG 1957 p. 237, 1962 p. 38, 1978 p. 244) –, la LGZD a été conçue comme un instrument de lutte contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière. Il a été considéré que le déclassement de parcelles résultant de l’application des normes d’une zone de développement, au lieu de celles de la zone primaire, produisait une plus-value devant aussi profiter à la collectivité publique, autrement dit en échange de laquelle le promoteur-constructeur et, partant, le propriétaire des parcelles devaient concéder des sacrifices, notamment « sous la forme de création de logements à des conditions raisonnables » (MCG 1957 II 1386, 1390). Les limitations de loyers, restreignant le rendement des opérations immobilières, devaient se répercuter sur les prix des terrains constructibles que les promoteurs-constructeurs étaient disposés à payer et, partant, auxquels les propriétaires pouvaient les vendre (MGC 1962 IV 2508 s.).

La vente d’appartements a été appréhendée par la LGZD par une modification du 25 février 1972 (ROLG 1972 p. 110 ; cf. aussi ROLG 1970 p. 106 et ATF 98 Ia 194), parce qu’elle représentait une échappatoire aux restrictions de loyers jusqu’alors seules prévues, « servait de palliatif dans les cas où le prix de la réalisation immobilière devenait excessif » (MGC 1971 I 370 ; MGC 1972 I 413). Elle contribuait à rouvrir les possibilités de réaliser des appartements de luxe sur des parcelles chèrement vendues par des « propriétaires de terrains gagnés par la fièvre spéculative » (MGC 1971 I 369), alors que l’objectif du législateur était, fondamentalement, de « favoriser la construction de logements (répondant) à un besoin d’intérêt public et en particulier la mise sur le marché de logements à caractère social » (MGC 1972 I 410), « en faveur d’une population aux ressources modestes, de la classe moyenne en particulier » (MGC 1971 I 369). Pour enrayer cette évolution et éviter que la construction d’immeubles de luxe continue à drainer des capitaux, qui n’étaient ainsi pas consacrés au lancement d’opérations immobilières en faveur de la classe moyenne (MGC 1972 I 411), il fallait appliquer « à ce genre de construction (…) des restrictions identiques à celles prévues pour les immeubles locatifs » (MGC 1971 I 370). Aussi a-t-il été prévu qu’en zone de développement, non seulement les bâtiments d’habitation locatifs mais aussi les « bâtiments d’habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d’aliénation (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de parties d’étages, d’actions ou de parts sociales) » répondent obligatoirement à un besoin prépondérant d’intérêt général et que les prix et loyers de ces bâtiments (mais aussi des logements s’y trouvant) soient soumis au contrôle de l’État durant une période de dix ans. C’est toujours ce que prévoit l’art. 5 LGZD dans sa teneur actuelle, remontant au 18 septembre 1987 (ROLG 1987 p. 773 et 779 ss), étant précisé que, dans l’intervalle, le champ d’application de la LGZD s’est étendu à des périmètres plus larges et à d’autres normes plus favorables que celles de la seule 3ème zone de construction, initialement seule visée (modification du 19 mai 1978 [ROLG 1978 p. 244]).

c. Ainsi, pour lutter contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière (la favorisation de l’accès à la propriété n’ayant eu historiquement qu’une finalité secondaire, intrinsèquement liée à cette lutte), la LGZD restreint les droits des propriétaires originaires des terrains ainsi que des promoteurs-constructeurs, des acquéreurs et des propriétaires de logements PPE en zone de développement. Jusqu’à sa version actuelle, elle ne s’est cependant pas opposée à ce que ces personnes réalisent des revenus, puis même de réels profits, tant par la mise en location que par la vente de tels appartements, revenus certes contrôlés pendant la période initiale de dix ans, mais ensuite soustraits aux restrictions concernant ces opérations et donc susceptibles de produire alors de substantiels profits.

d. Il a été constaté, ces dernières années, que des promoteurs-constructeurs ne mettaient pas en vente de tels logements PPE pourtant destinés à la vente, ou que des personnes acquéraient un tel appartement à des fins d’investissement, en profitant de la limitation de son prix durant la période de contrôle, sans l’occuper personnellement, ou encore que des personnes en acquéraient même plusieurs ; dans les trois cas, les appartements considérés étaient mis en location au loyer maximum fixé par l’État, et les propriétaires agissaient dans la perspective finale de revendre leur(s) appartement(s) au prix du marché, avec une forte plus-value, à l’échéance de la période de contrôle de dix ans (exposé des motifs du PL 11141, p. 3 et 6 s.).

C’est pour mettre fin à ces pratiques qu’à l’instar du PL 11141-A, auquel elle vise fondamentalement à redonner vie, l’IN 156 prévoit un dispositif, dont la clé de voûte est une obligation d’occupation personnelle imposée aux propriétaires de logements PPE situés en zone de développement. Cette obligation d’habiter se traduit dans le texte de l’IN 156 d’une part par l’insertion à l’art. 5 al. 1 let. b LGZD du membre de phrase « les logements destinés à la vente doivent être occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département » et l’énumération dans cette disposition, à titre exemplatif, de trois situations dans lesquelles il y a de justes motifs de déroger à cette obligation, et d’autre part par l’ajout d’un art. 8A LGZD stipulant que si « un logement destiné à la vente (…) est loué pendant la période de contrôle (…), son aliénation ne peut en principe pas être autorisée en application » de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR, lui-même complété par une « réserve du régime applicable à l’aliénation d’appartements destinés à la vente régi par » l’art. 8A LGZD.

La portée de cette obligation d’occupation personnelle et des conséquences de sa violation doit être précisée.

7. a. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’initiative ne limite pas explicitement dans le temps la durée de l’obligation d’habiter qu’il prescrit. Cependant, au ch. 7 de l’arrêté attaqué, le Conseil d’État indique que l’initiative traite en particulier de « l’obligation faite à l’acquéreur d’occuper ledit logement et des restrictions des conditions de vente durant la période de contrôle ». Dans le rapport de majorité de la commission du logement sur le PL 11141-A, il est mentionné que le conseiller d’État LONGCHAMP avait confirmé, en réponse à une question d’un commissaire, que « la période de dix ans serait applicable dans tous les cas » (PL 11141-A. p. 7). Dans son rapport au Grand Conseil sur la prise en considération de l’IN 156, le Conseil d’État a relevé que le « principe phare du projet de loi déposé par le Conseil d’État, et repris par l’IN 156 » était « l’obligation pour un propriétaire d’habiter son bien en zone de développement pendant la période de contrôle » (p. 5 dudit rapport). Il est vrai que dans sa réponse au recours, l’autorité intimée – comme d’ailleurs le comité d’initiative dans la sienne – n’a pas contesté la compréhension inverse que le recourant a de l’initiative sur ce point, à savoir que l’obligation d’habiter prévue par l’IN 156 serait illimitée dans le temps, mais que sa sanction serait différenciée selon que l’inobservation de cette obligation interviendrait avant ou après l’échéance de la période de contrôle.

Reposant sur une interprétation littérale des art. 5 al. 1 let. b et 8A LGZD proposés par l’IN 156, qui comportent toutefois des références au contrôle des prix des logements prévu à l’art. 5 al. 3 LGZD, cette compréhension de l’initiative sur ce point contredit les propos précités du Conseil d’État. Elle ne s’harmonise pas avec le principe que les avantages d’un déclassement et d’une application des normes plus favorables d’une zone de développement doivent être contrebalancés par des restrictions qui, à l’égal de ces avantages, sont limitées dans le temps, comme l’exprime, au-delà de sa lettre, l’art. 5 al. 3 LGZD (ATF 99 Ia 604 consid. 5a ; Pierre-Louis MANFRINI, Avis de droit relatif aux PL 11141 et 11144, du 19 juillet 2013, p. 5 ss, annexé au PL 11141-A). L’interprétation historique, systématique et téléologique fournit ainsi un appui à la thèse selon laquelle l’obligation d’occuper prévue par l’initiative doit être comprise comme étant limitée à la durée de la période de contrôle. L’interprétation conforme au droit supérieur renforce cette thèse ; en effet, une pérennisation de cette obligation au-delà de l’échéance du contrôle des prix et des loyers serait manifestement excessive, tant par la contrainte qu’elle impliquerait d’habiter ou de vendre mais pas de louer, que par la négation qui lui serait immanente du droit d’acquérir et conserver un logement PPE aussi à d’autres fins que d’y habiter soi-même, y compris à des fins d’investissement. L’interprétation la plus favorable aux initiants achève de convaincre que le sens à donner à l’initiative est que l’obligation d’occuper qu’elle prescrit est limitée à la durée de la période de contrôle.

b. L’IN 156 ne précise pas que seules des personnes physiques peuvent occuper des logements PPE destinés à la vente. Les logements considérés, se trouvant dans des bâtiments d’habitation (art. 5 al. 1 let. b in initio LGZD), sont eux-mêmes destinés à l’habitation. L’obligation d’occuper ces appartements est synonyme d’obligation de les habiter. Il est logique de considérer que seules des personnes physiques peuvent satisfaire à cette exigence. Dès lors que cette obligation est imposée aux propriétaires, les personnes morales sont exclues du cercle des propriétaires possibles de logements PPE en zone de développement, comme cela résulte d’ailleurs des explications et débats ayant entouré le PL 11141 et le PL 11141-A, dont la déclaration suivante du Conseil d’État : « La formulation de cette obligation évite également l’acquisition pendant la période de contrôle par une personne morale » (PL 11141, p. 9 ; cf. aussi PL 11141-A, p. 14, 15, 18, 28, 31, 32, 63, 64 ; MCG [en ligne] http://ge.ch/grandconseil/memorial/ seances/010106/31/19/).

Il sied néanmoins de relever que ne serait-ce que des impératifs de cohérence interne à l’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 amènent à nuancer la notion de propriétaires soumis à l’obligation d’habiter, dès lors que cette disposition évoque elle-même tout « mode d’aliénation (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de parties d’étages, d’actions ou de parts sociales) » de logements PPE (cf. aussi art. 39 al. 4 let. a LDTR, parlant du régime de la PPE « ou une forme de propriété analogue »). L’art. 5 al. 1 let. b LGZD, repris sur ce point par l’IN 156, admet que d’autres régimes que celui de la PPE sont envisageables pour les logements destinés à la vente en zone de développement, en particulier tant la construction et l’achat de bâtiments d’habitation que l’acquisition de logements destinés à la vente par des sociétés immobilières d’actionnaires-locataires ou des sociétés coopératives, à la condition qu’y soient associés des systèmes d’actionnariat ou de sociétariat assurant que les logements considérés soient occupés personnellement par des actionnaires ou sociétaires des catégories qu’il s’agit de favoriser au regard des buts poursuivis. Dans de tels cas, les bénéficiaires ne sont pas propriétaires stricto sensu de leur logement, mais en ont un droit d’usage exclusif, une « propriété économique », qui leur permet d’occuper personnellement leur logement, à l’instar d’un propriétaire en nom.

c. L’IN 156 n’indique pas explicitement qu’une même personne ne saurait être propriétaire de plusieurs appartements PPE situés en zone de développement. La thésaurisation de plusieurs appartements représente toutefois l’une des trois formes de pratiques auxquelles l’IN 156 entend remédier, à l’instar du PL 11141. De plus, une même personne physique ne peut satisfaire à l’obligation d’occupation personnelle prévue par l’initiative en habitant simultanément à deux endroits différents. Il s’impose donc, dans l’interprétation à donner de l’IN 156, de retenir que cette dernière comporte cette limitation.

d. Quoique non explicite non plus, une interdiction de laisser les logements considérés vides se déduit également de l’obligation d’habiter ces derniers.

e. Le texte de l’initiative – comme d’ailleurs celui du PL 11141 – ne fait pas mention d’une obligation de domicile, mais d’une obligation d’occupation. En rapport avec cette obligation, les travaux préparatoires du PL 11141 parlent systématiquement d’habiter dans l’appartement (exposé des motifs du PL 11141, p. 3, 7 et 9 ; PL 11411-A, p. 3, 4, 6, 7, 13, 15, 25, 26, 31, 32, 35, 41, 43, 45, 47, 49, 55, 57, 61, 65, 66, 67, 85, 86, 90 et 92 ; PL 11141-B, p. 2, 3, 4, 7, 8, 9, 15, 17, 18, 19 et 20), quelquefois d’y résider (exposé des motifs du PL 11141, p. 9 ; PL 11141-A, p. 56, 90, 91, 92, 96 et 101), mais pas d’en faire son domicile, sauf deux fois, dans les termes suivants, prêtés au conseiller d’État LONGCHAMP : « … si le propriétaire n’a pas son domicile fiscal qui correspond à l’adresse de cet appartement, (celui-ci) est réputé non occupé » ; « la loi oblige les propriétaires à être légalement domiciliés à cet appartement » (PL 11141-A, p. 90 et 92). Cela correspond au principal cas de figure susceptible de se présenter et envisagé comme devant en principe être réalisé que le propriétaire d’un logement destiné à la vente sis en zone de développement y ait son domicile, défini en droit civil comme le lieu où la personne réside avec l’intention de s’y établir (art. 23 al. 1 phr. 1 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [CC - RS 210] ; ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2014 du 7 juillet 2015 consid. 2.2). L’IN 156 n’exclut cependant pas que, dans des situations particulières, le propriétaire d’un logement PPE situé en zone de développement l’occuperait effectivement et personnellement alors même que, juridiquement, il aurait son domicile ailleurs.

8. a. S’agissant de la portée du nouvel art. 8A LGZD et de la modification de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR proposés par l’IN 156, les initiants (réponse du comité d’initiative au recours, p. 3 ch. 5) et le Conseil d’État (arrêté attaqué, ch. 57 ; rapport sur la prise en considération de l’IN 156, p. 4) indiquent que l’initiative attache à la mise en location d’un logement PPE situé en zone de développement une double conséquence, à savoir l’assimilation d’un tel appartement PPE à un logement locatif au sens de la LDTR et l’exclusion du motif d’autorisation d’aliénation tenant au fait que ce logement « a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue » (art. 39 al. 4 let. a LDTR). Elle prévient – ajoute le Conseil d’État (arrêté attaqué, ch. 60) – que des logements destinés à la vente qui seraient loués dans des situations de justes motifs échappent à la LDTR à l’issue de la période de contrôle et puissent être vendus sans autre, et qu’ainsi les ventes de logements loués soient soumises à deux régimes différents.

b. Il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si, en l’état actuel du droit, un logement destiné à la vente situé en zone de développement qui est loué ne devient pas de ce fait un appartement à usage d’habitation offert en location, soumis à l’art. 39 LDTR. La LDTR s’applique aussi aux bâtiments construits au bénéfice des normes de l’une des quatre premières zones de construction en vertu de la LGZD, et comportant des locaux affectés à l’habitation, sous réserve des maisons individuelles ne comportant qu’un seul logement (art. 2 LDTR) ; des logements destinés à la vente situés en zone de développement peuvent être loués, tant pendant qu’après la période de contrôle ; or, l’aliénation d’un appartement loué soumis à la LDTR représente un changement d’affectation (art. 3 al. 3 let. c LDTR) ; elle est soumise à autorisation, en application de l’art. 39 LDTR ; cette dernière disposition s’applique aux appartements destinés à la location (selon l’intitulé de la section 3 du chap. VII), c’est-à-dire – précise l’art. 39 al. 1 LDTR – aux appartements à usage d’habitation jusqu’alors offerts en location (les mots « jusqu’alors » faisant référence au moment de leur vente). Dans ce cas, l’IN 156 ne créerait pas cette assimilation, mais, la constatant, elle ne ferait qu’écarter l’applicabilité du motif d’autorisation figurant à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR. S’il fallait considérer que l’art. 8A LGZD proposé par l’IN 156 produirait cette assimilation, de façon constitutive – bien qu’il ne le dise pas explicitement –, il n’en resterait pas moins que la mesure essentielle (sinon alors la nouveauté exclusive) prévue par cette disposition serait l’inapplicabilité du motif d’autorisation figurant à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR. Dans l’une et l’autre des deux interprétations, serait écartée la règle selon laquelle un appartement soumis dès sa construction au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue doit pouvoir retrouver en tout temps son affectation d’origine, comme objet de propriété individuelle, quand bien même il a été loué entre sa construction et sa vente (Emmanuelle GAIDE/ Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR, 2014, p. 417).

c. Cet effet ne se produirait que pour des logements destinés à la vente construits au bénéfice d’un déclassement et de l’application des normes plus favorables d’une zone de développement. Étant conçu comme la conséquence d’une location faite en violation de l’obligation d’occuper prescrite par l’art. 5 al. 1 let. b LGZD, il n’interviendrait pas dans les cas de justes motifs de déroger à cette obligation ; ce sont ces justes motifs que réservent les mots « en principe » figurant à l’art. 8A, à lire en lien avec ledit art. 5 al. 1 let. b. De plus, il n’y aurait inapplicabilité de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR qu’en cas de mise en location durant la période de contrôle, et non si un tel logement était laissé vide, hypothèse dans laquelle une sanction, en particulier une amende administrative, pourrait entrer en ligne de compte à l’encontre d’un administré fautif, en application de l’art. 9 LGZD, voire une expropriation temporaire de l’usage d’un tel appartement aux conditions et selon les modalités prévues par les art. 26 ss LDTR (cf. IN 27 « Contre les logements vides et la spéculation », acceptée en votation populaire le 27 septembre 1992 [ROLG 1992 p. 515 et 537 s.], et ATF 119 Ia 348, avalisant lesdites dispositions).

d. Cet art. 8A LGZD laisserait certes subsister des possibilités d’obtenir une autorisation d’aliénation en application de l’art. 39 al. 2, 3 et 4 let. b à d LDTR. Il n’en prévoirait pas moins en réalité une inaliénabilité quasi absolue, tant lesdites possibilités seraient limitées (Valérie DÉFAGO GAUDIN/ Emmanuelle GAIDE, La LDTR à Genève : impact pour les constructeurs, DC 2015 p. 65 ss, 67). En effet, en période de pénurie de logements, il ne peut être fait exception que très restrictivement à l’intérêt au maintien de l’affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.4). L’hypothèse d’une vente à un locataire occupant effectivement son logement depuis trois ans au moins, souhaitant l’acquérir et obtenant l’accord de 60 % des autres locataires de l’immeuble est très spécifique et non aisément réalisable (art. 39 al. 3 LDTR). Et sur les quatre motifs d’autorisation prévus par l’art. 39 al. 4 LDTR – qui sont des motifs automatiques, ne laissant pas place à une pesée d’intérêts (ATA/266/2013 du 30 avril 2013 consid. 7 ; ATA/356/2012 du 5 juin 2012 consid. 11b) –, seul entrerait en ligne de compte le cas visé par la let. d d’un appartement ayant fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR ; le cas de la let. a se trouve exclu par l’art. 8A LGZD proposé par l’initiative, et ceux des let. b et c n’ont pas de sens dans l’hypothèse ici considérée.

e. Enfin, du moins en l’absence d’indication explicite contraire dans la disposition visée, l’exclusion du motif visé d’autoriser automatiquement l’aliénation serait limitée dans le temps à la durée de la période de contrôle. Le Conseil d’État le laisse entendre au ch. 85 de l’arrêté attaqué, en disant que « si ce logement [était] loué, ces personnes se verraient en principe refuser une éventuelle revente durant la période de contrôle, sauf justes motifs », même s’il n’a pas réfuté par la suite la compréhension inverse que le recourant a exprimée à ce propos. L’art. 8A LGZD prévu par l’IN 156 n’institue pas à proprement parler une sanction, qui ferait doublon avec celle(s) de l’art. 9 LGZD, mais une mesure, dont la finalité est – par les contraintes et incertitudes que ladite inaliénabilité quasi absolue fait peser sur le propriétaire qui, finalement, souhaiterait vendre son bien durant la période de contrôle – de prévenir qu’il mette ce dernier en location sans justes motifs plutôt que de l’habiter lui-même ou, le cas échéant, de l’inciter à rétablir une situation conforme au droit. Il est vrai que le propriétaire qui louerait son appartement PPE sans justes motifs dans le but de le vendre à l’échéance de la période de contrôle en réalisant une forte plus-value ne serait pas contrarié par ladite mesure limitée à la période de contrôle, abstraction faite toutefois des amendes même successives et autres mesures auxquelles il s’exposerait en louant son logement sans justes motifs durant la période de contrôle. On voit cependant mal que, telle que proposée par l’IN 156, ladite mesure puisse avoir une durée plus longue que l’obligation dont elle vise à assurer le respect, et surtout qu’elle puisse être illimitée dans le temps, autrement dit contraindre le propriétaire d’un logement PPE en zone de développement à n’être, à vie (puis même ses héritiers), plus guère qu’un bailleur, conservant néanmoins les charges incombant à un propriétaire, et privé, sous réserve d’exceptions assez théoriques, de la faculté d’aliéner son logement, quand bien même, au-delà de la période de contrôle, il pourrait louer son logement à un loyer non limité au montant fixé par le Conseil d’État. Une interprétation conforme au droit supérieur conforte dans la compréhension que le sens à donner à l’IN 156, à tout le moins dans sa teneur, est que la portée de l’art. 8A est limitée à la période de contrôle.

f. Le sens à donner aux justes motifs de déroger à l’obligation d’habiter ainsi qu’aux dispositions prévoyant l’application de l’initiative à des situations déjà en cours lors de son entrée en vigueur sera abordé, dans la mesure utile, dans le cadre de l’examen de la conformité au droit supérieur respectivement desdits justes motifs et des dispositions transitoires.

9. Les trois conditions de validité d’une initiative que prévoit l’art. 60 Cst-GE sont l’unité du genre, l’unité de la matière et la conformité au droit supérieur ; s’y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE, l’exigence de clarté du texte de l’initiative et celle d’exécutabilité de l’initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2012 du 24 septembre 2013 consid. 5.1 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 145 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. I, n. 885 ss ; Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 280 ss et 308 ss ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 71 ss ; Étienne GRISEL, Initiative et référendum populaires - Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 3ème éd., 2004, p. 261 ss).

10. Le recourant voit dans l’IN 156 une contrariété aux droits politiques, faisant partie du droit supérieur, tenant au fait que cette initiative contient à la fois une modification de la LGZD, qui serait soumise au référendum facultatif ordinaire, et une modification de la LDTR, qui serait soumise au référendum facultatif facilité (art. 67 al. 1 et 2 let. b et art. 230 al. 2 Cst-GE), en violation de l’art. 85A al. 2 LEDP, qui participe de l’aménagement et de la concrétisation des dispositions constitutionnelles garantissant les droits politiques en matière référendaire, à savoir des art. 67 et 44 al. 2 Cst-GE (ACST/1/2015 précité consid. 9c).

La validité d’une initiative populaire législative même formulée ne dépend pas du respect anticipé de la compréhension que l’art. 85A al. 2 LEDP exprime du référendum facultatif ordinaire et facilité. Il n’y a pas d’initiative populaire législative ordinaire et facilitée ; toute initiative populaire législative (formulée ou non formulée) doit être demandée par 3 % des titulaires des droits politiques (art. 57 al. 1 Cst-GE). L’IN 156 est d’ailleurs composée de deux dispositions distinctes pour modifier respectivement la LGZD et la LDTR. Si ladite initiative était acceptée par le Grand Conseil de façon à ce qu’elle devienne une loi exposée au référendum, il serait possible au Conseil d’État d’en définir le régime référendaire (ACST/1/2015 précité consid. 12). Au demeurant, au regard des critères applicables (ACST/1/2015 précité consid. 9), soit de l’interdépendance des modifications apportées à la LGZD et à la LDTR, il appert que l’intégralité du texte devrait être soumise au référendum facultatif facilité, car dans ce cas, l’art. 85A al. 2 LEDP s’avérerait inconstitutionnel et devrait être ignoré. Ce premier grief soulevé par le recourant doit être rejeté.

11. a. Selon le recourant, l’obligation d’occupation personnelle faite par l’IN 156 enfreint le principe de la primauté du droit fédéral, en tant que, selon lui, elle empêche le DFAE, en dehors des prévisions de l’art. 16 al. 3 LEH, de délivrer l’autorisation d’acquérir un bien immobilier dont cette disposition requiert l’obtention de la part d’un bénéficiaire institutionnel voulant l’affecter à des fins officielles.

b. Selon le principe de la primauté du droit fédéral, consacré à l’art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne peuvent adopter des règles qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou en contredisent le sens ou l'esprit, ou encore empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive. Une loi cantonale peut cependant subsister dans un même domaine que celui régi par le droit public fédéral si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral, à moins que la législation fédérale n’exclue toute réglementation cantonale en la matière (ATF 137 I 167 consid. 3.4 ; 133 I 110 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_659/2009 du 24 juillet 2010 consid. 6.3 et 2C_312/2009 du 5 octobre 2009 consid. 4.1 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 7).

c. Fondée sur l’art. 54 al. 1 Cst., selon lequel les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération, la LEH retranscrit dans une loi formelle l’importante composante de la politique étrangère de la Suisse qu’est la politique de l’État hôte, que le Conseil fédéral a menée de longue date conformément au droit international, en particulier aux deux conventions de Vienne respectivement du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques (RS 0.191.01) et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires (RS 0.191.02), à la convention du 8 décembre 1969 sur les missions spéciales (RS 0.191.2), ainsi qu’à un arrêté fédéral du 30 septembre 1955 concernant la conclusion ou la modification d’accords avec des organisations internationales en vue de déterminer leur statut juridique en Suisse (RO 1956 1216 ; Message du Conseil fédéral du 23 septembre 2006, FF 2006 7603 ss, 7611 s. ; BO 2007 N 179 et BO É 365, interventions CALMY-REY).

Selon l’art. 21 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, l’État accréditaire doit, dans le cadre de sa législation, faciliter l’acquisition sur son territoire par l’État accréditant des locaux nécessaires à sa mission, ou aider l’État accréditant à se procurer des locaux d’une autre manière (al. 1) ; il doit également, s’il en est besoin, aider les missions à obtenir des logements convenables pour leurs membres (al. 2). Les art. 30 de la convention de Vienne sur les relations consulaires et 23 de la convention sur les missions spéciales ont une teneur analogue.

La LEH prévoit les privilèges, immunités et facilités que la Confédération peut accorder aux bénéficiaires institutionnels qu’elle énumère, notamment aux organisations intergouvernementales et institutions internationales ainsi qu’aux missions diplomatiques, postes consulaires et missions permanentes (art. 2 al. 1 LEH), pour ceux-ci par le truchement des États étrangers qu’ils représentent, dès lors qu’ils n’ont pas la personnalité juridique. Ces privilèges, immunités et facilités peuvent être octroyés non seulement aux bénéficiaires institutionnels eux-mêmes, mais aussi – dans le but d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions de ces derniers (art. 9 al. 1 de l’ordonnance relative à la LEH, du 7 décembre 2007 [OLEH - RS 192.121]) – aux personnes physiques appelées, à titre permanent ou non, en qualité officielle auprès de l’un d’eux (art. 2 al. 2 let. a LEH), ainsi qu’à celles qui sont autorisées à accompagner ces dernières, comme les conjoints, compagnons, ascendants à charge, enfants et autres personnes à charge (art. 2 al. 2 let. b LEH ; Message précité, FF 2006 7629). Au titre des facilités, l’art. 3 al. 2 LEH ne mentionne pas des facilités d’acquisition, sous forme de propriété ou de location, des locaux nécessaires à l’accomplissement des fonctions des bénéficiaires institutionnels ou à l’habitation des personnes bénéficiaires (Message précité, FF 2006 7636 s.). En revanche, à son chap. 3 (art. 16 et 17), la LEH traite de l’acquisition d’immeubles à des fins officielles par des bénéficiaires institutionnels, mais pas par des personnes bénéficiaires ou leurs accompagnants. Ainsi, selon l’art. 16 LEH, les bénéficiaires institutionnels peuvent acquérir des immeubles pour leurs besoins officiels (al. 1 phr. 1). L’acquéreur adresse sa requête au DFAE, avec copie à l’autorité compétente du canton intéressé (al. 1 ; cf. art. 25 OLEH). Après avoir consulté l’autorité compétente du canton intéressé, le DFAE vérifie si l’acquéreur est un bénéficiaire institutionnel visé à l’art. 2 al. 1 LEH, et si l’acquisition est effectuée à des fins officielles, puis il rend une décision (al. 3 phr. 1 ; cf. art. 26 OLEH). Une décision positive présuppose que les autorisations nécessaires ont été accordées par les autorités cantonales compétentes, notamment les autorisations de construire et celles requises en matière de sécurité (al. 3 phr. 2).

d. Les travaux préparatoires de la LEH ne fournissent guère de précisions sur la délimitation des compétences respectives du DFAE et des autorités cantonales compétentes. Il résulte néanmoins de l’art. 16 LEH, dont le Message précité reprend le texte (FF 2006 7648), qu’il appartient au DFAE de vérifier la qualité de bénéficiaire institutionnel du requérant et la finalité officielle de l’acquisition projetée, et de rendre une décision à ce double sujet, et ce après que les autorisations nécessaires ont été délivrées, « soit en particulier les autorisations de construire relevant des autorités cantonales et celles requises en matière de sécurité » (FF 2006 7648 ; L’acquisition d’immeubles à des fins officielles, Avis de droit du 3 mars 2008 de la direction du droit international public du DFAE, JAAC 2/2008 p. 284 ss). La décision du DFAE n’évince pas les autorisations prescrites par le droit cantonal aux fins d’atteindre d’autres buts que la LEH, dans la sphère de compétence des cantons. Elle n’implique pas non plus que la notion d’autorisations cantonales, dont la délivrance par les autorités cantonales représente un préalable à celle du DFAE, soit comprise dans un sens étroit, renvoyant à de simples prescriptions de police des constructions ou en matière de sécurité. L’autorisation de construire prévue par l’art. 1 LCI s’analyse comme une décision portant sur le respect, au-delà de prescriptions techniques, également des normes relatives à la destination des constructions, partant à leur conformité aux dispositions régissant les plans d’affectation du sol, dont celles des zones de développement (cf. not. art. 2 al. 1 in initio LGZD ; art. 40 LDTR ; FF 2006 7649). La LEH n’affranchit pas les bénéficiaires institutionnels des contraintes liées aux mesures d’aménagement du territoire, comme les plans d’affectation du sol et la destination des immeubles. La compétence cantonale en la matière subsiste pleinement.

e. Il est vrai que l’affectation d’immeubles acquis par des bénéficiaires institutionnels à des fins officielles comprend leur utilisation comme résidence du chef de mission (art. 16 al. 1 et 17 al. 3 LEH ; art. 25 al. 2 let. b OLEH). Il serait toutefois compatible avec une interprétation conforme au droit supérieur, sinon dicté par cette règle d’interprétation, de considérer que l’obligation d’occupation personnelle prévue à l’art. 5 al. 1 let. b LGZD proposé par l’IN 156 serait respectée si ledit appartement était effectivement occupé par le chef de mission. Subsidiairement, force serait de retenir qu’il y aurait un juste motif de déroger à cette obligation en tant qu’elle ne pourrait s’appliquer stricto sensu au bénéficiaire institutionnel lui-même (qui n’est pas une personne physique), mais en revanche bien au chef de mission en personne ; ce juste motif serait suffisamment spécifique, particulier et peu important pour pouvoir être appréhendé par le caractère exemplatif des justes motifs réservés par ladite disposition.

f. Le grief de non-conformité de l’obligation d’occuper litigieuse au droit supérieur qu’est la LEH est entièrement mal fondé.

12. a. Pour le recourant, cette obligation d’occupation personnelle viole le principe de la primauté du droit fédéral, en tant qu’elle empêcherait, selon lui, les ressortissants de l’UE et de l’AELE qui travailleraient dans le canton de Genève comme frontaliers, en conservant leur résidence principale dans leur pays d’origine, d’acquérir un logement destiné à la vente sis en zone de développement pour y faire leur résidence secondaire, alors qu’à teneur de l’art. 7 let. j LFAIE, ils ne sont dans ce cas pas assujettis au régime de l’autorisation.

b. Selon l’art. 6 al. 1 CC, les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public. Les cantons conservent ainsi la compétence d'édicter des règles de droit public dans des matières appréhendées par le droit privé fédéral, à condition toutefois que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler ces dernières de façon exhaustive (en ce sens qu'il n'entendait laisser aucune place pour du droit public cantonal dans les domaines considérés), que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 137 I 135 consid. 2.5.2 ; 135 I 106 consid. 2.1 ; 131 I 333 consid. 2.1 ; 130 I 169 consid. 2.1 ; 129 I 330 consid. 3.1 ; 129 I 402 consid. 2).

c. En application de l’actuel art. 122 al. 1 Cst., le législateur fédéral a adopté, dans les domaines de l’acquisition des droits réels et de la liberté contractuelle, en sus des dispositions générales figurant dans le CC et la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) (CO - RS 220), des dispositions régissant l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger, dans le but de prévenir l’emprise étrangère sur le sol suisse, à savoir la LFAIE. Cette loi fédérale subordonne de telles acquisitions à une autorisation de l’autorité cantonale compétente, sauf dans un certain nombre de cas, dont celui dans lequel des ressortissants de l’UE ou de l’AELE qui acquièrent en tant que frontaliers une résidence secondaire dans la région de leur lieu de travail (art. 7 let. j LFAIE). Au sens de cette disposition-ci, l’exception vaut pour une (seule) résidence secondaire, mais pas pour un logement de vacances (FF 1999 5622 ch. 273.14, 5670 ch. 275.31, 5671 ch. 275.32 ; ATF 135 II 128 consid. 2.1). Depuis le 1er juin 2007 (soit cinq ans après l’entrée en vigueur de l’ALCP), il n’y a plus de zones frontalières, de sorte que les frontaliers, salariés ou indépendants, sont définis par les art. 7 et 13 de l’Annexe I à l’ALCP. Il s’agit en substance des ressortissants d’une partie contractante qui ont leur résidence sur le territoire d’une partie contractante (leur pays d’origine ou un autre) et qui exercent une activité lucrative sur le territoire d’une autre partie contractante en retournant à leur domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine (Alvaro BORGHI, La libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, 2010, p. 219 ss n. 472 ; Gian Sandro GENNA, Personen im Ausland und schweizerisches Grundeigentum, in Ausländerrecht, 2ème éd., 2009, p. 935 ss. ; Jacques TISSOT, Questions choisies en matière de LFAIE, RNRF 87/2006 p. 69 ss, 70 s. ; Minh Son NGUYEN, Libre circulation des personnes et acquisition d'immeubles par des personnes titulaires d'une autorisation de courte durée, in Mélanges publiés par l'Association des Notaires Vaudois, 2005, p. 381 ss ; Félix SCHÖBI, Das Abkommen über die Freizügigkeit der Personen und der Erwerb von Grundstücken in der Schweiz, in Accords bilatéraux Suisse - UE [Commentaires], 2001, p. 417 ss, 425). Concernant les acquisitions immobilières, l’art. 25 ch. 3 de l’annexe I à l’ALCP prévoit – sous réserve de mesures transitoires relatives à l’acquisition de terrains et de résidences secondaires, ici non déterminantes – qu’un frontalier bénéficie des mêmes droits qu’un ressortissant national en ce qui concerne l’acquisition des immeubles qui servent à l’exercice d’une activité économique et d’une résidence secondaire, ainsi que d’un logement de vacances, ces droits n’impliquant aucune obligation d’aliénation lors de son départ de l’État d’accueil. Pour cette catégorie de ressortissants, l’ALCP n’affecte pas les règles en vigueur dans l’État d’accueil concernant le placement pur de capitaux et le commerce de terrains non bâtis et de logements.

d. Il se pourrait donc qu’un frontalier au sens des dispositions précitées – par exemple un Allemand domicilié à Bruxelles (Belgique), où il conserverait en l’état sa résidence principale – travaille cinq jours par semaine dans le canton de Genève et retourne en principe systématiquement en Belgique pour les week-ends, et qu’il souhaite faire l’acquisition, dans le canton de Genève, d’un logement destiné à la vente situé en zone de développement et l’occuper effectivement durant la semaine. Il n’est cependant pas exclu que, dans des situations particulières, l’obligation d’habiter prévue par l’initiative puisse voire doive être considérée comme respectée dès l’instant qu’un tel frontalier résiderait de façon effective et intense dans son logement PPE en zone de développement, sans même y être domicilié d’un point de vue juridique, ou alors il se trouverait dans une situation de justes motifs, susceptible d’être appréhendée par le caractère exemplatif des justes motifs réservés par l’art. 5 al. 1 let. b LGZD.

e. Au demeurant, en ce qui concerne l’obligation d’occupation personnelle qu’elle propose, quel qu’en soit le sens exact, l’IN 156 ne place pas les ressortissants de l’UE et de l’AELE ayant la qualité de frontaliers dans le canton de Genève dans une situation différente de celle de tout autre acquéreur ou propriétaire d’un logement destiné à la vente sis en zone de développement. Le non-assujettissement desdits étrangers au régime de l’autorisation, dans les conditions prévues par l’art. 7 let. j LFAIE, vise à les mettre sur le même pied que les personnes qui ne sont pas des personnes à l’étranger au sens de cette loi, comme les ressortissants suisses. Elle n’a pas le sens de les avantager par rapport à ces dernières, autrement dit de les soustraire à certaines obligations s’appliquant à ces dernières. La finalité de prévenir l’emprise étrangère sur le sol suisse, que poursuit la LFAIE, n’est nullement exclusive des fins visées par des normes cantonales de droit public édictées dans la sphère de compétence des cantons, en particulier dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’affectation, la destination et la construction des immeubles, afin de lutter contre la spéculation immobilière et la pénurie de logements et de favoriser l’accès à la propriété à des fins d’habitation. Les conditions précitées auxquelles des règles cantonales enfreindraient le principe de la primauté du droit fédéral ne sont pas réalisées.

f. Le grief de non-conformité de l’obligation d’habiter litigeuse à l’art. 7 let. j LFAIE et au droit international s’associant à cette disposition doit être rejeté.

13. a. Le recourant invoque une violation conjointement de ses deux droits fondamentaux que sont la garantie de la propriété et la liberté économique, à l’encontre tant de l’obligation d’occupation personnelle des logements considérés que des sanctions et mesures assortissant la violation de cette obligation, telles que l’IN 156 les prévoit respectivement à l’art. 5 al. 1 let. b LGZD et aux art. 8A et 9 LGZD et 39 al. 4 let. a LDTR. Selon lui, les conditions auxquelles ces droits fondamentaux peuvent être retreints ne sont pas toutes réalisées.

b. La garantie de la propriété est ancrée à l’art. 26 al. 1 Cst., de même que, sans qu’il en résulte une protection plus étendue, à l’art. 34 al. 1 Cst-GE.

Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, elle protège l’existence de la propriété, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du CC, les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; 113 Ia 126 consid. 6 ; 88 I 248 consid. II.3 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 810 ss. ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 136 ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, in Bernhardt EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, p. 575 ad art. 26). Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 807 ss. ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 134 p. 218 ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, St. Galler Kommentar, p. 569 ss ad art. 26 ; Jean-François AUBERT/ Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999, 2003, ad art. 26, p. 222 ss).

Sont titulaires de la garantie de la propriété tant les personnes physiques – de nationalité suisse ou étrangère – que les personnes morales de droit privé, voire les collectivités publiques, sans préjudice de leur obligation de respecter les droits fondamentaux (art. 35 al. 2 Cst. ; ATF 127 I 84 consid. 4c), dans la gestion de leur patrimoine financier (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 822 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 134 ss ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, St. Galler Kommentar, p. 573 ad art. 26).

c. L’art. 27 Cst., ainsi que, dans la même mesure, l’art. 35 Cst-GE garantissent la liberté économique. Cette dernière comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst. ; art. 35 al. 2 Cst-GE). Elle a également une fonction institutionnelle, en tant qu’elle exprime, conjointement avec d’autres dispositions constitutionnelles (notamment l’art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d’un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence (ATF 138 I 378 consid. 6.1), et une fonction individuelle, en tant qu’elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d’exercer toute activité économique privée tendant à la production d’un bien. Elle protège une activité exercée aussi bien à titre accessoire qu’à titre principal (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 882 ss, 904 ss et 909 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol II, n. 121 ss et n. 123 p. 195 ; Klaus A. VALLENDER, St. Galler Kommentar, p. 594 ss ad art. 27 ; Jean-François AUBERT/ Pascal MAHON, op. cit., ad art. 27, p. 235 ss).

Les titulaires de la liberté économique sont tant les personnes physiques que les personnes morales de droit privé, de nationalité suisse de même que les étrangers ayant droit à une autorisation de séjour en vertu de la législation fédérale ou d’un traité international, dont les ressortissants de l’UE et l’AELE (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 931 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 124 ; Klaus A. VALLENDER, St. Galler Kommentar, p. 608 ss ad art. 27).

d. Dans la mesure de leur pertinence au regard des droits et activités considérés, la garantie de la propriété et la liberté économique s’appliquent de façon coordonnée, sans préjudice de l’application des principes et règles s’imposant, non sans restrictions non plus, en vertu de la primauté du droit supérieur, dont la liberté contractuelle énoncée aux art. 1 et 19 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), et l’égalité de traitement consacrée par les art. 8 Cst. et 15 Cst-GE. Les limitations susceptibles d’être apportées à ces droits fondamentaux sont subordonnées, sur le plan du principe, au respect des exigences d’intérêt public, de base légale et de proportionnalité, mais l’étendue de ces dernières peut varier selon qu’est en jeu prioritairement la garantie de la propriété ou la liberté économique, les prérogatives que confèrent ces droits fondamentaux ne se confondant pas entièrement ni n’ayant forcément la même importance (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 260 ss ; ATF 137 I 167 consid. 3.7 ; 111 Ia 23 consid. 4a).

e. L’acquisition, la jouissance et l’aliénation d’un appartement soumis au régime de la propriété par étages ou une forme de propriété analogue sont protégées par la garantie constitutionnelle de la propriété, de même que toute autre forme de droits patrimoniaux portant sur des biens immobiliers (tels que ceux que citent l’art. 5 al. 1 let. b LGZD). Ladite garantie est source de libertés (ATF 195 Ia 330 consid. 3c ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 791), en tant que la propriété porte sur des droits patrimoniaux dont la titularité ouvre des perspectives de mise en œuvre de prérogatives couvertes par d’autres libertés, en particulier la liberté économique.

Ainsi donc, en soi, l’acquéreur et le propriétaire d’un logement PPE peuvent se réclamer de ces deux droits fondamentaux pour poursuivre – simultanément, alternativement ou successivement – tant le but d’y habiter que celui de le mettre en location puis de le revendre en escomptant réaliser des gains économiques grâce à ces opérations. Si celles-ci sont couvertes principalement par la garantie de la propriété, elles peuvent néanmoins relever aussi de la liberté économique, de façon plus marquée pour un propriétaire qui l’est ou entend l’être de plusieurs appartements PPE à des fins lucratives même accessoires. Quant à lui, le promoteur-constructeur d’un immeuble soumis au régime de la PPE a des visées économiques prioritaires, protégées par la liberté économique, mais les droits patrimoniaux qu’il détient sur les logements PPE non encore vendus de son immeuble sont protégés aussi par l’art. 26 al. 1 Cst.

f. Comme les autres droits fondamentaux, ni la garantie de la propriété, ni la liberté économique ne sont absolues. Dans leur dimension tant institutionnelle qu’individuelle, elles peuvent faire l’objet de restrictions de la part de l’État, aux conditions cumulatives de reposer sur une base légale, de poursuivre un intérêt public et de respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; art. 43 Cst-GE).

14. a. Pour être valable, l’obligation d’habiter litigieuse doit reposer sur une base légale, de même que les conséquences attachées à sa violation, en tant que restrictions à la garantie de la propriété et à la liberté économique. Quand bien même elles n’affectent pas leur fonction institutionnelle (cf. sur la restriction du « primo-acquéreur » prévue par la L 11141, Michel HOTTELIER, PJA 5/2015 p. 810), ces mesures apportent des restrictions suffisamment graves à ces deux droits fondamentaux pour que la base légale requise doive être une loi au sens formel. C’est bien à l’adoption d’une loi formelle que tend l’IN 156, en tant qu’initiative législative rédigée, qui, si elle était acceptée, se transformerait en loi.

b. Ce constat n’amène pas forcément à considérer que l’exigence d’une base légale est satisfaite pour les restrictions considérées. Encore faut-il que la base légale soit suffisamment claire et précise (ATF 140 I 168 consid. 4 ; 119 Ia 362 consid. 3a ; 115 Ia 333 consid. 2a ; 108 Ia 33 consid. 3a). Il faut qu’elle ait une densité normative suffisante, pour que son application soit prévisible, compte tenu de la teneur du texte considéré, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires, aussi pour que l’égalité de traitement soit garantie, qu’aucune place ne soit laissée à l’arbitraire, et pour que les citoyens puissent, en cas de scrutin populaire, se représenter les conséquences réelles du texte soumis à leur suffrage (ATF 138 I 6 consid. 4.2 ; 136 I 87 consid. 3.1 ; 131 II 13 consid. 6.5 ; 117 Ia 472 consid. 3e ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 33 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 189 ss ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 674 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 476 ss ; Pierre TSCHBANNEN, op. cit., p. 566 ; Rainer J. SCHWEIZER, St. Galler Kommentar, p. 830 ss ad art. 36 ; Jean-François AUBERT/ Pascal MAHON, op. cit., ad art. 36, p. 323 ss).

Au niveau général et abstrait caractérisant un acte normatif – et donc aussi le texte d’une initiative populaire rédigée de toutes pièces –, il est inévitable de recourir à des termes vagues et à des notions juridiques aux contours flous, à concrétiser par voie d’interprétation au stade de l’application (ATF 128 I 295 consid. 5b/aa). On ne saurait non plus poser des exigences trop élevées quant à l’exhaustivité et, sous l’angle de la technique législative, la perfection d’une loi ou d’une initiative législative formulée. Il faut cependant que les normes considérées, insérées dans leur contexte et plus généralement dans l’ordre juridique, ne présentent pas de carence qui affecterait leur cohérence, leur effectivité ou leur prévisibilité, ou générerait une insécurité juridique, ou ouvrirait la voie, de par des généralisations excessives, à des inégalités de traitement ou à l’arbitraire. Une réserve toute générale du droit supérieur ou de principes d’ordre constitutionnel ne suffit pas à rendre des normes valides, pas plus que l’adjonction des mots « en principe » à l’énoncé d’une règle de droit par ailleurs pas aussi nuancée qu’elle pourrait l’être sans difficulté. Si le mot « notamment » exprime le caractère exemplatif de situations visées par une norme et peut servir d’assise à l’application de cette dernière à des situations analogues marginales, il ne peut suppléer à l’omission de la mention de cas à la fois assez différents mais aussi importants que ceux qui sont explicitement cités, dans la mesure où cela reviendrait à circonscrire de façon trop incertaine le champ d’application de la norme (arrêt du Tribunal fédéral du 15 janvier 2015 sur la L 11141, consid. 4.4.2 § 2 in medio). De tels mots n’ont par ailleurs pas valeur de clause de délégation législative autorisant le Conseil d’État à compléter la loi (Pascal MAHON, op. cit., vol. I n. 233, et vol. II, n. 33 p. 58 s.).

c. En l’espèce, l’obligation de principe que l’IN 156 impose aux propriétaires de logements PPE destinés à la vente de les occuper eux-mêmes sauf justes motifs est exprimée de façon explicite, de même que les trois situations de justes motifs d’y déroger. De même, l’exclusion du motif d’autorisation de vente prévu par l’art. 39 al. 4 let. a LDTR en cas de mise en location sans justes motifs d’un logement PPE durant la période de contrôle, est ancrée de façon suffisante dans le texte de l’IN 156. Il est vrai qu’à plusieurs égards, l’obligation d’habiter et les conséquences de son inobservation auraient mérité d’être explicitées dans le texte même de l’initiative. Les restrictions que celle-ci apporte implicitement aux droits fondamentaux des intéressés peuvent cependant se déduire de façon encore suffisante par les méthodes usuelles d’interprétation des textes normatifs et le renfort des principes d’interprétation d’initiatives, pour que les exigences de densité normative puissent être considérées comme respectées, de même que le principe de clarté.

15. a. Il convient de vérifier si l’obligation d’habiter contestée, avec les conséquences de sa violation, telles que l’IN 156 les propose, poursuivent un intérêt public.

La détermination de l’intérêt public, auquel toute activité étatique doit répondre (art. 5 al. 2 Cst.) et toute restriction aux droits fondamentaux doit satisfaire (art. 36 al. 2 Cst.), est une question de nature éminemment politique, qui est prioritairement du ressort des pouvoirs législatif et exécutif. Elle est susceptible de varier dans le temps et l’espace, mais aussi au regard des droits fondamentaux considérés. Est toujours d’intérêt public la protection de l’ordre public, englobant la sécurité, la tranquillité, la santé et la moralité publiques, ainsi que la bonne foi en affaires. L’intérêt public comprend aussi la promotion du bien-être général de la population, l’utilisation rationnelle du territoire, la sauvegarde des bases vitales de l’homme, des espèces animales et végétales, ainsi que la défense et le développement de valeurs esthétiques ou culturelles. La chambre constitutionnelle doit faire montre d’une certaine réserve dans l’examen de la question de l’intérêt public poursuivi. Il lui faut cependant s’assurer que l’intérêt public invoqué n’ait pas simple valeur d’antienne, mais concerne une réelle problématique appelant une intervention étatique. Elle peut se référer à cet effet aux valeurs communément ressenties comme importantes au sein de la population, en particulier à celles qu’expriment les constitutions fédérale et cantonale, et elle n’est pas limitée, contrairement au Tribunal fédéral, dans l’appréciation des circonstances locales ou régionales relevant principalement de la compétence cantonale (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 212 ss, 831 ss et 983 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 35, n. 126 p. 199 ss, n. 137 p. 221 ss ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, p. 756 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 527 ss ; Pierre TSCHBANNEN, Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 3ème éd., 2011, p. 138 s. ; Rainer J. SCHWEIZER, St. Galler Kommentar, p. 836 s. ; Jean-François AUBERT/ Pascal MAHON, op. cit., ad art. 36, p. 325 ss).

b. Selon le très bref exposé des motifs de l’IN 156, cette dernière vise à lutter contre « les accapareurs d’appartements et la spéculation en zone de développement », et pour « des logements en PPE accessibles à la classe moyenne ». À l’instar du PL 11141 (exposé des motifs, p. 3 et 6 s.), dont elle est substantiellement la reprise, elle entend remédier à des pratiques auxquelles certains promoteurs-constructeurs et certains acquéreurs de logements PPE en zone de développement se livrent, à savoir la thésaurisation de tels appartements aux fins de réalisation d’une forte plus-value à l’échéance de la période de contrôle. Comme ledit projet de loi, elle se réclame de l’intérêt public poursuivi par la loi qu’elle tend à modifier, à savoir la LGZD, qui a pour vocation, alors que sévit une sévère et pérenne pénurie de logements affectant l’ensemble des catégories de logement et de la population, de permettre la production et – logiquement sous-entendu – l’utilisation comme habitation de logements répondant aux besoins prépondérants de la population, ainsi que de faciliter l’accès de la classe moyenne à la propriété du logement (exposé des motifs du PL 11141, p. 3).

Il ne fait pas de doute que, de façon générale, la lutte contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière, de même que la facilitation de l’accès à la propriété du logement font partie des tâches qu’assument les collectivités publiques en réponse à une préoccupation essentielle de la population, confrontée, pour se loger, à d’importantes difficultés tenant à la rareté des appartements disponibles ainsi qu’aux montants élevés de leurs loyers et prix de vente, notamment dans le canton de Genève. Tant la constitution fédérale, à son art. 108, que la constitution genevoise, à ses art. 178 à 182, chargent respectivement la Confédération et le canton d’agir en la matière. Il sied de souligner que la finalité historiquement secondaire de favoriser l’accès à la propriété du logement a acquis, de façon plus contemporaine, davantage de poids, voire une certaine autonomie par rapport aux finalités de lutter contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière. Tant au regard de l’art. 108 Cst. que de l’art. 180 Cst-GE, c’est cependant l’acquisition de la propriété à des fins d’habitation personnelle qu’il s’agit prioritairement de promouvoir, même si lesdites dispositions ne le précisent pas explicitement (Cipriano ALVAREZ, St. Galler Kommentar, p. 1954 ss, ad art. 108 ; BOACG tome X p. 5688 ss, tome XIX p. 9888, tome XXIII p. 12037 ss, tome XXVI p. 13480). Sans se trouver condamnées pour autant, des visées lucratives sont reléguées à l’arrière-plan. Aussi la facilitation de l’accès à la propriété du logement, qui est d’intérêt public, peut-elle impliquer des restrictions nouvelles.

c. En l’espèce, il se justifie de retenir, dans la perspective des finalités poursuivies, que si l’obligation d’habiter et les conséquences de sa violation, telles que les prévoit l’IN 156, tendent à durcir la politique du logement en n’admettant la propriété de logements PPE en zone de développement plus que prioritairement à des fins d’habitation personnelle des propriétaires, elles poursuivent la réalisation d’intérêts publics, en tant qu’instruments à la fois de lutte contre la pénurie de logement et la spéculation immobilière et de facilitation de l’accès à la propriété du logement. Ces intérêts publics ne s’attachent pas qu’aux objectifs finaux énoncés. Ils qualifient aussi les objectifs plus immédiats des mesures proposées en vue de poursuivre ces finalités, pouvant impliquer des restrictions à la garantie de la propriété et à la liberté économique. Les restrictions considérées en l’espèce s’inscrivent dans la ligne de celles que le Tribunal fédéral a reconnues comme relevant d’un intérêt public, comme la condition du « primo-acquéreur » qu’instituait la L 11141 et d’autres restrictions relevant de la politique du logement (arrêt du Tribunal fédéral précité 1C_223/2014 consid. 4.3 et jurisprudence citée).

d. Enfin, la condition de l’intérêt public est remplie même en l’absence de certaines données statistiques venant renforcer la justification des restrictions prévues.

Sans doute seuls ont été cités des exemples de cas de pratiques abusives auxquelles l’IN 156, à l’instar du PL 11141, visent à remédier, sans qu’on ne connaisse la fréquence des « dysfonctionnements » considérés au regard de l’ensemble du parc des logements destinés à la vente situés en zone de développement. En tout état, la possibilité de telles pratiques justifierait, du point de vue des intérêts publics poursuivis, qu’il y soit remédié. L’éventualité qu’en réalité peu de personnes soient destinataires des mesures prévues à cet effet amoindrirait non les intérêts publics poursuivis, mais le nombre de situations dans lesquelles ces mesures porteraient atteinte à des intérêts privés. De même, peu importe que l’applicabilité des restrictions prévues par l’initiative soit quasi généralisée du fait d’une large extension géographique des zones de développement, ou qu’elle soit marginale dans l’hypothèse inverse. Dans l’un et l’autre cas, lesdites restrictions resteraient, à l’instar des autres mesures de contrôle étatiques prévues par la LGZD, la contrepartie des avantages liés au déclassement de parcelles et à l’application des règles plus favorables de zones de développement aux constructions y étant édifiées.

16. Pour être conformes au droit, l’obligation d’habiter et les conséquences de sa violation doivent respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), dans ses trois composantes que sont la règle d’aptitude – voulant qu’une mesure choisie soit propre à atteindre le but visé –, la règle de nécessité – exigeant que la mesure considérée soit celle qui, parmi les mesures alternatives envisageables, porte l’atteinte la moins rigoureuse aux droits et intérêts touchés tout en atteignant le but visé –, et la règle de proportionnalité au sens étroit – commandant qu’un rapport raisonnable subsiste entre l’atteinte portée aux droits fondamentaux considérés et le(s) but(s) d’intérêt public visé(s) (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 ; 130 I 65 consid. 3.5.1 ; 128 II 292 consid. 5.1 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 226 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 38, n. 126 p. 201 s., n. 137 p. 223 ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, p. 814 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 552 ss ; Rainer J. SCHWEIZER, St. Galler Kommentar, p. 839 s. ad art. 36 ; Jean-François AUBERT/ Pascal MAHON, op. cit., p. 328 s.).

17. L’IN 156 fait obligation aux propriétaires de logements PPE situés en zone de développement de les occuper personnellement durant la période de contrôle, sauf justes motifs, obligation renforcée par des sanctions (en particulier une amende administrative) et mesures, dont l’exclusion, en cas de mise en location durant la période de contrôle, de la possibilité, durant cette dernière, d’aliéner lesdits appartements pour le motif qu’ils avaient été soumis dès leur construction au régime de la PPE ou à une autre forme de propriété analogue. Ce faisant, l’initiative est propre à écarter du marché desdits appartements des acquéreurs poursuivant des fins d’investissement, sans vouloir habiter eux-mêmes de tels appartements. L’IN 156 prévoit des moyens propres à lutter déjà contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière.

D’après le recourant, ladite initiative n’est pas apte à promouvoir l’accès de la classe moyenne à la propriété, parce qu’en raison d’un rigorisme excessif – exposant les propriétaires à des sanctions et mesures drastiques, excluant toute valorisation de leur appartement, et en tout état limitant le cercle des acquéreurs potentiels de tels logements « à une infime partie de la population » –, elle dissuaderait les personnes qu’elle est censée favoriser de s’intéresser à acquérir des appartements PPE en zone de développement. Or, même en l’absence de données statistiques précises sur le sujet, il appert que la demande d’achat de tels logements resterait soutenue, y compris avec les restrictions accompagnant leur propriété. Il est au surplus erroné de dire que l’initiative exclut toutes visées économiques de la part d’acquéreurs de tels appartements. Elle ne modifie pas l’art. 5 al. 3 LGZD ne prévoyant de limitation du prix de vente et de revente que pendant la période décennale de contrôle. À la condition d’accepter d’habiter dans un tel logement durant la période de contrôle, l’acquéreur resterait libre de revendre son logement, déjà durant les dix ans de la période de contrôle (certes sans gains ni pertes), puis après l’échéance de cette période (avec la perspective de réaliser une sensible plus-value).

La validité de l’IN 156 ne saurait donc être niée sous l’angle de l’aptitude à atteindre ses buts ou même l’un de ses buts.

18. Dans l’arrêté attaqué (ch. 54 et 61), le Conseil d’État indique qu’il n’y a pas de mesures moins incisives pour atteindre le but visé que l’obligation d’occuper et ses conséquences, prévues l’une et les autres par l’IN 156. Les intimés n’ont pas répondu aux critiques que le recourant a formulées à l’encontre de ces restrictions sous l’angle de la règle de nécessité, en tant qu’elles relèvent bien de cette composante du principe de la proportionnalité.

L’affirmation péremptoire qu’il n’y a pas de mesures moins incisives ne saurait suffire à convaincre que – selon la définition même de la règle de nécessité – les restrictions litigieuses soient celles qui, parmi les mesures alternatives envisageables, portent l’atteinte la moins rigoureuse aux droits et intérêts touchés tout en atteignant le(s) but(s) visé(s). Cette règle implique « une comparaison des divers moyens disponibles ou envisageables » (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 232), l’étude des « effets de solutions alternatives » (Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 818), et, en conséquence, d’abord la recherche, en vue de les examiner, d’autres mesures a priori propres à atteindre les objectifs poursuivis. Le devoir en incombe principalement à l’Exécutif et au Législatif. Si des initiants sont certes moins en mesure d’y satisfaire eux-mêmes, il n’en appartient pas moins au Conseil d’État, lors du contrôle de la validité d’une initiative, de ne pas escamoter la question, particulièrement en présence d’une initiative législative rédigée de toutes pièces, étant précisé que les initiants faisant le choix d’une telle initiative, plutôt que celui d’une initiative non formulée, ne sauraient déduire de leurs droits politiques qu’il soit fait l’impasse sur le respect notamment de la règle de nécessité. Quant à elle, la chambre constitutionnelle se trouve à cet égard confrontée aux mêmes devoirs et limites que pour la vérification de l’intérêt public.

19. L’alternative suggérée par le recourant de prévoir une obligation d’habiter limitée dans le temps est sans objet, dès lors que, contrairement à sa compréhension de l’IN 156, il faut retenir que cette dernière limite l’obligation d’occuper qu’elle prescrit à la durée de la période de contrôle. Or, ainsi limitée dans le temps, ladite obligation représente une restriction nécessaire, efficace et pondérée. Elle n’enfreint ni la règle de nécessité, ni celle de proportionnalité au sens étroit.

20. a. S’agissant des justes motifs permettant de déroger à l’obligation d’habiter considérée, l’IN 156, à l’inverse du PL 11141, énumère des situations dans lesquelles des propriétaires seraient dispensés d’occuper personnellement leur logement PPE en zone de développement. Cette obligation d’habiter serait certes moins incisive si elle était assortie d’autres dérogations encore. Encore faut-il, pour devoir être retenues au titre de la proportionnalité, que des exceptions supplémentaires soient justifiées, s’imposent même impérativement, et qu’elles n’amoindrissent guère l’efficacité de la restriction considérée.

Le recourant estime qu’en prévoyant le cas « des circonstances imprévisibles au moment de l’acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement », l’art. 5 al. 1 let. b ch. 1 LGZD proposé par l’IN 156 n’appréhende pas tous les événements pouvant survenir dans la vie d’un propriétaire qui justifieraient de l’autoriser à mettre son appartement en location. Il cite plusieurs situations appelant selon lui l’ajout de cas de justes motifs.

b. La vraisemblance de l’application qui serait faite concrètement des dispositions considérées entre aussi en ligne de compte dans l’appréciation de leur proportionnalité. En l’espèce, toutefois, force est de constater que, tout en évoquant une application souple de l’initiative s’agissant des justes motifs de déroger à l’obligation d’habiter, le Conseil d’État s’est refusé à prendre position sur les situations citées par le recourant, pour le motif que le contrôle de la validité d’une initiative populaire ne s’apparenterait pas – ce qui est faux s’agissant à tout le moins d’une initiative législative formulée – à un contrôle abstrait des normes, et alors même que, certes à l’égard de dérogations libellées différemment dans la L 11141, le Tribunal fédéral a jugé que « rien dans les travaux préparatoires ne (laissait) entrevoir une application souple de la loi, le département compétent n’ayant pas encore pris position à ce propos » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 consid. 4.4.2 in fine). Cette absence de prise de position n’incline pas à tabler sur une application souple de l’initiative si celle-ci était adoptée.

c. Comme cela a déjà été indiqué, les cas, très spécifiques, de l’État étranger ou de l’organisation internationale entendant acquérir un appartement PPE en zone de développement pour la résidence du chef de mission, ou du frontalier ressortissant de l’UE ou de l’AELE propriétaire d’un tel logement comme résidence secondaire et y vivant effectivement cinq jours par semaine, se résoudraient par l’interprétation de la notion d’obligation d’occupation personnelle ou celle de justes motifs.

d. Les cas d’une succession et d’une famille recomposée ne sont certes pas cités explicitement par l’IN 156 comme motifs de déroger à l’obligation d’habiter. L’art. 5 al. 1 let. b ch. 1 LGZD proposé par l’IN 156 fait en revanche mention des cas de décès et de divorce, auxquels ces situations peuvent se rattacher. À l’évidence, des hoirs ne peuvent le plus souvent pas tous vivre ensemble sous le même toit, et il se peut même qu’aucun d’eux ne soit en mesure de satisfaire à l’obligation d’habiter héritée du de cujus avec la propriété, désormais en main commune, de son logement, sans pour autant que la vente de ce dernier ne puisse être imposée comme seule solution. L’ex-conjoint, appelé à recevoir régulièrement chez lui ses enfants, qui fonderait un nouveau foyer avec une femme ayant elle-même déjà des enfants, peut ne plus pouvoir vivre dans un logement PPE dont il serait propriétaire en zone de développement parce que cet appartement serait trop exigu pour la famille recomposée, là aussi sans qu’il se justifie – au regard de la règle de proportionnalité au sens étroit – de l’empêcher de louer son appartement. De telles situations seraient appréhendées par l’interprétation tant des cas explicitement prévus de justes motifs que par le caractère exemplatif de ces derniers.

e. Il est vrai que la disposition considérée restreint doublement l’admission comme justes motifs des situations qu’elle cite, en posant l’exigence que les situations visées aient été imprévisibles, et ce au moment de l’acquisition du logement. Prise au pied de la lettre, en plus de produire les conséquences le cas échéant de la violation de l’obligation d’habiter, cette double condition commanderait de refuser de déroger à cette obligation par exemple à l’employé d’une société multinationale sachant qu’il sera très certainement muté provisoirement à l’étranger durant les années à venir, parce que c’est la politique de son entreprise, ou à la personne âgée dont l’état de santé se dégraderait à tel point qu’elle ne pourrait plus demeurer dans son logement, parce que ceci n’est imprévisible à aucun moment de la vie. Les exemples précités fournissent cependant eux-mêmes la justification que seule une interprétation très restrictive devrait être faite de cette exigence d’imprévisibilité au moment de l’acquisition du logement, en tant qu’ils sont mentionnés comme des circonstances imprévisibles constituant de justes motifs de déroger à l’obligation d’habiter. Il s’imposerait de retenir qu’un refus d’une dérogation dans de telles situations ne serait fondé que si elles étaient concrètement en voie de se réaliser lors de l’acquisition du logement, au point que cette acquisition viserait manifestement d’autres fins que l’habitation personnelle des acquéreurs. Un tel refus ne serait pas excessif au regard de la finalité admissible de l’obligation d’habiter. C’est au demeurant à l’administration qu’il incomberait de prouver le caractère prévisible de ces situations au moment de l’acquisition, en vertu de la maxime inquisitoire prévalant en matière administrative (art. 19 ss LPA), sans préjudice du devoir de coopération des intéressés en tant que parties (art. 22 ss LPA).

f. La situation d’un jeune père de famille en début de carrière voulant acquérir un, voire deux logements PPE en zone de développement dans la prévision d’y loger un fils ou une fille une fois ceux-ci majeurs, et de le(s) louer dans l’intervalle, n’est pas similaire aux cas de justes motifs énumérés par ladite disposition. Elle ne pourrait pas en constituer un, pas même au bénéfice du caractère exemplatif des justes motifs admis par le texte de l’IN 156. Sans doute une telle personne n’agirait-elle dans le but de revendre le(s) logement(s) considérés à l’échéance de la période de contrôle et de réaliser ainsi une sensible plus-value compte tenu du prix modéré fixé par l’État auquel elle le(s) aurait acquis, mais pour des motifs de prévoyance familiale. Leur réalisation n’en impliquerait pas moins qu’un voire deux logements PPE destinés à la vente ne serviraient pas à l’habitation de leur propriétaire, durablement. La mise en location de tels logements PPE, même au loyer fixé par l’État, les détournerait de leur destination originaire, en même temps qu’elle les soustrairait au marché d’acquéreurs entendant habiter eux-mêmes leur logement, et ce précisément durant le temps où il est légitime que des restrictions affectent leur utilisation en contrepartie des avantages liés au déclassement et à l’application des normes d’une zone de développement. Cette limitation n’est pas excessive.

Il en va de même de la personne qui acquerrait un logement PPE en zone de développement pour permettre à un membre de sa famille d’y habiter, fût-ce sans contreprestation. Ce serait une question d’opportunité, qui n’est pas de la compétence de la chambre constitutionnelle (art. 61 al. 2 LPA), que de savoir s’il se justifierait de prévoir un cas supplémentaire de justes motifs pour appréhender une telle situation.

g. L’IN 156 exclurait que des caisses de prévoyance professionnelle – sous la réserve des sociétés immobilières d’actionnaires-locataires ou des sociétés coopératives – acquièrent de tels immeubles ou logements pour ensuite louer les appartements à leurs pensionnés à des prix attractifs. Aucun des justes motifs prévus par l’IN 156 ne permettrait d’appréhender une telle situation, comme plus généralement celle des personnes morales. La lutte contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière ainsi que la promotion de l’accès à la propriété du logement justifient des restrictions d’accès des personnes morales au marché des bâtiments et des logements d’habitation destinés à la vente en zone de développement, dans la logique que de tels bâtiments et appartements ne soient pas des objets servant principalement et prioritairement à la réalisation de profits, ainsi que le viseraient naturellement des personnes morales poursuivant des buts économiques. L’accession à la propriété que les art. 108 Cst. et 180 Cst-GE chargent la Confédération et le canton de favoriser est celle du logement à des fins d’habitation personnelle. Sous la réserve précitée, exclure les personnes morales, y compris les caisses de prévoyance professionnelle, du cercle des acquéreurs potentiels de logements PPE en zone de développement n’est pas contraire au principe de la proportionnalité, d’autant moins qu’à l’égal de cette obligation, cette exclusion est limitée à la durée de la période de contrôle.

21. a. Concernant les conséquences d’une violation de l’obligation d’habiter, il s’avère qu’en dépit de son caractère quasi absolu, l’inaliénabilité prévue par l’art. 8A LGZD proposé par l’IN 156 n’est pas une mesure excessive, dès lors qu’elle ne s’applique pas en cas de justes motifs de déroger à l’obligation d’habiter et qu’au surplus elle est limitée dans le temps, contrairement à la compréhension qu’en a le recourant. Tout futur acquéreur d’un logement PPE en zone de développement saura nécessairement, lors de l’acquisition de son appartement, qu’il devra y habiter personnellement durant les dix années de la période de contrôle, sauf justes motifs. Il n’y a nul excès à quasiment le priver de la possibilité d’aliéner son logement durant la période de contrôle si, sans justes motifs, il ne respecte pas ladite obligation.

b. Sans doute une amende administrative – surtout qu’elle peut aller « jusqu’à 20 % du prix de revient total de l’immeuble » (art. 9 al. 1 LGZD tant actuel que prévu par l’initiative) – peut suffire, suivant les circonstances, à assurer le respect de l’obligation d’habiter prescrite par l’IN 156. Elle peut néanmoins s’avérer nécessaire, comme sanction, conjointement avec la mesure de l’inapplicabilité du motif d’autorisation d’aliéner figurant à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR, de même que pour sanctionner d’autres formes d’inobservation de l’obligation d’habiter que la mise en location, en particulier le fait de laisser vides de tels appartements PPE en zone de développement. C’est au contrôle concret que doit, pour le surplus, être renvoyé l’examen de la question de la conformité au droit de l’application qui serait faite de la mesure et de la sanction évoquées.

c. À l’instar du PL 11141, l’IN 156 ajoute à l’art. 9 LGZD un alinéa 2 déclarant au surplus applicables par analogie les mesures et sanctions prévues aux titres V et VI LCI, soit de mesures et sanctions dont le Conseil d’État a dit lui-même qu’elles constituaient des « dispositifs efficaces », dont l’ancrage dans la LGZD devait permettre « notamment de prononcer une interdiction d’utiliser (art. 129 let. d LCI), d’ordonner la remise en état (art. 129 let. e LCI), mesure dont la jurisprudence indiqu(ait) qu’elle fond(ait) l’ordre de restituer les loyers perçus en trop ou d’infliger des amendes de CHF 100.- à CHF 150'000.- (art. 137 LCI) » (exposé des motifs du PL 11141, p. 10). S’il est vrai que certaines d’entre elles peuvent n’être pas toujours d’un maniement facile pour prévenir et contrer une inobservation de l’obligation d’habiter prévue par l’IN 156, et que l’amende administrative fait double emploi avec celle l’art. 9 al. 1 LGZD, la déclaration de leur applicabilité par analogie élargit la panoplie des mesures et sanctions susceptibles d’être prises pour assurer le respect de ladite obligation, sans du tout contraindre, au niveau de l’application, à cumuler ces mesures et sanctions. Le contrôle concret permettrait de vérifier qu’une application respectueuse du principe de la proportionnalité serait faite, le cas échéant, de ces mesures et sanctions.

d. Le recourant suggère, comme alternatives moins incisives à l’inaliénabilité prévue par l’art. 8A LGZD, la confiscation de la marge du loyer dont bénéficierait le propriétaire après déduction de ses charges, ou un allongement de la période de contrôle des loyers et des prix de vente ou revente des logements PPE en zone de développement, selon un système tenant compte différemment des années durant lesquelles le propriétaire ou des locataires auraient occuper lesdits logements.

Envisageables, à la condition de reposer sur une base légale suffisante, de telles restrictions présenteraient cependant l’inconvénient d’admettre que l’obligation d’occuper imposée au propriétaire puisse n’être pas respectée, alors que cette idée maîtresse a toute sa justification. Il ne serait pas mis assez d’accent sur l’objectif poursuivi de favoriser l’accès à la propriété du logement à des fins d’habitation, ni prévenu que des logements PPE soient détournés de leur destination originaire, autrement dit qu’ils soient soustraits au marché d’acquéreurs entendant habiter eux-mêmes leur logement, et ce précisément durant le temps où il est légitime que des restrictions affectent leur utilisation en contrepartie des avantages liés au déclassement et à l’application des normes d’une zone de développement. La confiscation suggérée pourrait en outre s’avérer difficile à mettre en œuvre. Ces alternatives s’imposent d’autant moins que l’inaliénabilité à laquelle elles devraient se substituer doit être comprise comme limitée à la durée de la période de contrôle.

22. Des modalités nuancées sont envisageables, concernant la durée de l’obligation d’habiter, celle de la période de contrôle des loyers et des prix, les cas de justes motifs de déroger à l’obligation d’habiter, et les mesures et sanctions devant ou pouvant être prises en cas de violation de cette obligation. Il faut cependant éviter de verser dans une trop grande complexification du système, et le choix entre les mesures envisageables et leurs modulations relève aussi de l’opportunité.

Les restrictions prévues par l’IN 156 ne sont pas critiquables sous l’angle de leur proportionnalité.

23. a. Le recourant considère que les dispositions transitoires prévues par l’IN 156 sont contraires au principe de non-rétroactivité des lois, violent des droits acquis ou ne prévoient pas un délai d’adaptation suffisant.

b. Pour des motifs de sécurité et de prévisibilité du droit, immanents aux principes de la légalité, de la bonne foi et de l’interdiction de l’arbitraire, il ne peut en principe être adopté de normes, ni en être proposé par voie d’initiative législative, qui déploieraient des effets juridiques à des faits entièrement révolus avant leur mise en vigueur. Une telle rétroactivité, appelée proprement dite, n’est admise qu’exceptionnellement, à savoir seulement si, cumulativement, elle se justifie en considération d’un intérêt public suffisamment important pour l’emporter sur les intérêts opposés et sur le principe même de la sécurité du droit sous-tendant l’interdiction de principe de la rétroactivité, si elle est prévue par une loi, est raisonnablement limitée dans le temps, n’engendre pas d’inégalités choquantes, et ne porte pas atteinte à des droits acquis (ATF 125 I 182 consid. 2b/cc ; 122 V 405 consid. 3b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 7c ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 167 p. 281 s. ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 198 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 417 ss). Il n’y a pas rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend régler, de façon nouvelle pour l’avenir, un état de fait qui a pris naissance dans le passé et perdure au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit ; ce dernier attache des conséquences juridiques à des faits ayant pu se produire antérieurement, mais uniquement pour la période future et en tant que leur survenance passée a créé une situation qui continue à déployer ses effets. La rétroactivité improprement dite, n’ayant en réalité que l’apparence d’une rétroactivité, est admissible, sous réserve de respecter les droits acquis des individus ; en effet, sauf situation particulière, nul n’a droit au maintien d’un régime juridique (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2 ; 138 I 189 consid. 3.4 ; 122 II 113 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_273/2014 du 23 juillet 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 190 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 418 s. ; Pierre-Louis MANFRINI, Avis de droit cité, p. 11 ss).

c. Des droits acquis, qui sont réservés dans les deux situations de rétroactivité évoquées, sont des droits que l’administré a envers l’État en vertu d’une garantie particulière que celui-ci lui a donnée, le prémunissant contre une atteinte future. Une telle garantie peut être conférée par la loi, lorsque celle-ci qualifie comme tels des droits qu’elle institue, garantit expressément leur pérennité, donne l’assurance qu’elle ne sera pas modifiée ou qu’une modification ultérieure ne les affectera pas (ATF 134 I 123 consid. 7.1 ; ACST/13/2015 du 30 juillet 2015 consid. 6 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 167 p. 280 s. ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 19 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 756 ss). Elle peut aussi résulter d’assurances données par une autorité ; elle se trouve protégée aux conditions d’application du droit constitutionnel de toute personne d'être traitée par les organes de l’État conformément aux règles de la bonne foi (art. 9 Cst.). L'administration est en effet liée par des renseignements inexacts (et a fortiori des assurances erronées) qu'elle a donnés, cumulativement si elle était compétente (à tout le moins apparemment) pour ce faire, si les renseignements en question étaient inexacts, ont été fournis sans réserve, en termes clairs et catégoriques, en rapport avec une situation concrète déterminée, si l'inexactitude ne tient pas à un changement subséquent de la loi, si l'administré n'a pas été en mesure, en faisant preuve d'un minimum d'attention, de reconnaître l'erreur, et s'il a pris, en se fiant à ces renseignements, des dispositions irréversibles (Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 917 ss).

d. Compte tenu de la rigueur des conséquences que peut avoir la modification d’un régime juridique, le législateur peut être tenu, en vertu des principes de la proportionnalité et de la confiance, d’adopter des règles transitoires aux fins de permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation légale, autrement dit de faciliter le passage d’un régime juridique à l’autre (ATF 134 I 23 ; 130 I 26 consid. 8.1 ; 123 II 385 consid. 9 ; 122 V 405 consid. 3b/bb ; ACST/13/2015 précité consid. 7 et jurisprudence citée ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 167 p. 279 s. ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 193).

24. a. Selon l’art. 12 al. 4 et 5 LGZD proposé par l’IN 156, l’obligation d’habiter et l’exclusion de l’applicabilité du motif d’autorisation figurant à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR, dont l’initiative prévoit l’introduction aux art. 5 al. 1 let. b et 8A LGZD, s’appliqueraient aux logements destinés à la vente en zone de développement situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010. La ligne de démarcation entre ces deux dispositions transitoires réside dans le fait qu’aucun logement n’aurait été acquis (al. 4) ou qu’au moins un appartement l’aurait été (al. 5) dans de tels bâtiments. En l’absence de précision contraire à ce sujet se déduisant de l’initiative, la date déterminante pour départager les deux cas de figure doit être comprise comme étant celle de l’entrée en vigueur de l’initiative, comme le Conseil d’État l’a retenu dans l’arrêté attaqué (ch. 68), et non le 1er janvier 2010 comme le suppose le recourant. L’objectif de ces deux dispositions transitoires est de contraindre les propriétaires concernés à se conformer aux obligations instituées par l’initiative, en particulier à résilier les baux portant sur leur(s) appartement(s), le(s) libérer de leurs locataires et l’occuper ou en occuper un eux-mêmes (avec les changements que cela peut impliquer dans l’organisation de la vie personnelle, familiale et professionnelle), et/ou à le(s) vendre ou revendre au prix fixé par l’État. Il n’est toutefois pas clair de savoir si l’acquisition (autrement dit la vente) d’au moins un appartement ferait basculer tous les logements du bâtiment considéré dans le régime juridique institué par l’al. 5, qu’ils aient ou non déjà fait l’objet d’une acquisition à la date d’entrée en vigueur de l’initiative, ou si le partage se ferait appartement par appartement. La question peut être laissée ouverte, dans la mesure où, dans l’une et l’autre de ces deux interprétations, des problèmes de constitutionnalité se posent.

b. Le premier tient au fait qu’aucun délai d’adaptation ne serait accordé dans l’hypothèse où aucune acquisition ne serait intervenue, alors qu’il en serait accordé un dans l’hypothèse où il y en aurait eu au moins une.

Tant que l’initiative ne serait pas acceptée et en vigueur, nul ne serait tenu de se conformer par anticipation aux obligations qu’elle introduirait. De surcroît, quand bien même ils auraient profité d’une brèche du système, les propriétaires originaires d’appartements situés dans un bâtiment visé par lesdites dispositions transitoires qui n’en auraient vendu aucun (ou ne les auraient pas tous vendus) n’auraient, en s’en abstenant, pas enfreint d’obligation ; ni le Conseil d’État ni les initiants n’ont d’ailleurs allégué ni a fortiori démontré le contraire. Quoi qu’il en soit, la mise en location de tels logements pendant la période de contrôle (mais antérieurement à l’entrée en vigueur de l’initiative) n’aurait pas constitué la violation d’une obligation, que ce soit par des propriétaires originaires ou des acquéreurs.

Il n’y aurait certes que rétroactivité improprement dite à obliger lesdits propriétaires originaires et acquéreurs à entreprendre les démarches précitées aux fins de s’adapter aux nouvelles contraintes liées à la propriété d’appartements PPE situés en zone de développement durant la période de contrôle, aux fins d’habiter eux-mêmes leur logement. Certes aussi, lesdits propriétaires et acquéreurs ne pourraient se prévaloir de droits acquis à être soustraits à cette obligation, dans la mesure où la loi ne leur a pas donné l’assurance qu’elle ne serait pas modifiée à cet égard, ni qu’une modification ultérieure ne les affecterait pas sur cette question. Il n’apparaît par ailleurs pas que des assurances, en lesquelles ils étaient légitimés à se fier, leur ont été données par l’autorité compétente qu’ils pourraient continuer à louer leur appartement durant la période de contrôle nonobstant un changement de régime légal. De telles assurances ne sauraient se déduire du fait que les autorisations de construire ont comporté la fixation non seulement d’un prix de vente mais aussi d’un loyer de tels logements PPE en zone de développement, dès lors que ladite fixation ne serait pas intervenue nonobstant une éventuelle modification ultérieure du régime juridique de ces appartements. S’il s’avérait que de telles assurances auraient néanmoins été données dans des cas particuliers, les propriétaires en étant bénéficiaires pourraient s’en prévaloir, sans qu’il soit besoin que la loi réserve explicitement de tels droits acquis.

En revanche, il est impératif que la loi – donc en l’occurrence l’initiative – prévoie un délai d’adaptation en faveur des propriétaires originaires de tels logements PPE ou des acquéreurs en étant devenus propriétaires avant l’entrée en vigueur de l’initiative, pour qu’ils puissent entreprendre et faire aboutir lesdites démarches. Il n’y a à cet égard aucune différence à faire, sur le principe, entre les deux catégories soumises respectivement aux alinéas 4 et 5, quand bien même, dans la première hypothèse (celle de l’al. 4), la thésaurisation des appartements considérés serait le plus souvent le fait de propriétaires originaires étant eux-mêmes des promoteurs-constructeurs ou à tout le moins étant assistés de tels professionnels de la branche, alors que, dans la seconde situation (celle de l’al. 5), elle serait en général le fait d’acquéreurs individuels. Tout au plus cette différence de qualité serait susceptible de justifier la fixation d’un délai d’adaptation différent, compte tenu de moyens différents dont disposent en général respectivement des professionnels et des particuliers pour mener les démarches considérées (Pierre-Louis MANFRINI, Avis de droit précité, p. 19, faisant référence à l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_139/2011 du 14 juillet 2011), mais en aucune façon le refus dans l’un ou l’autre de ces cas de tout délai d’adaptation.

c. Pour s’adapter aux nouvelles contraintes, les propriétaires de logements PPE en zone de développement l’étant dès l’origine ou l’étant devenus par acquisition avant l’entrée en vigueur de l’initiative devraient aussi pouvoir aliéner leur(s) appartement(s), parce qu’ils ne pourraient ou ne voudraient l’occuper eux-mêmes ou en occuper un eux-mêmes, sans qu’ils se trouvent dans un cas de juste motif. Leur opposer l’inapplicabilité du motif d’autorisation automatique figurant à l’art. 39 al. 4 let. a LDTR du fait qu’ils auraient mis leur appartement en location durant la période de contrôle, mais avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de le faire, les empêcherait de vendre, sauf circonstances particulières visées par une autre disposition de la LDTR. Cela serait non seulement contraire au principe de la proportionnalité, mais aussi arbitraire, en tant que cela irait à fins contraires du but poursuivi que les logements PPE en zone de développement soient dorénavant habités par leur propriétaire durant la période de contrôle.

d. Le délai d’adaptation de trois ans prévu par l’art. 12 al. 5 LGZD proposé par l’IN 156 est trop court, dès lors que son dies a quo a été fixé en lien avec un événement s’étant produit le 23 mai 2014 et donc que son échéance serait le 23 mai 2017. Il ne serait déjà plus de trois ans lors de l’entrée en vigueur de l’initiative, mais au mieux d’une année et demie. Notamment en cas de recours au Tribunal fédéral contre le présent arrêt, d’opposition d’un contreprojet à l’IN 156 ou d’une non-acceptation à bref délai de l’initiative par le Grand Conseil ou le corps électoral, il ne serait plus que de quelques mois, voire aurait déjà expiré lors de l’entrée en vigueur de l’initiative. Or, compte tenu du temps que prendraient les démarches à effectuer, la durée restante du délai d’adaptation serait d’une brièveté violant les trois exigences d’aptitude, de nécessité et de rapport raisonnable composant le principe de la proportionnalité. Un délai de trois ans apparaît en effet nécessaire pour mener lesdites démarches à terme, eu égard à la nécessité de respecter les délais et termes de résiliation des baux, à la perspective d’une prolongation de bail qui serait accordée (art. 272 ss CO) et à la durée globale moyenne de traitement des procédures judiciaires, immanquables (Pierre-Louis MANFRINI, Avis de droit précité. p. 16 ss, qui, statistiques des tribunaux à l’appui, fait référence à des durées moyennes de 508 jours devant le Tribunal des baux et loyers, 219 jours devant la chambre d’appel des baux et loyers de la Cour de justice et de 103 jours devant le Tribunal fédéral, sans compter les délais de recours et les suspensions des délais). C’était le délai retenu par le Conseil d’État dans le PL 11141. D’après leur explication, les initiants n’ont semble-t-il pas entendu retenir un délai d’adaptation plus court que trois ans, mais au contraire reprendre le délai des PL 11141 et PL 11141-A, en croyant par erreur que du fait que la loi serait adoptée par voie d’initiative, il fallait faire référence au « premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO », plutôt qu’à la date « correspondant au premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après l’adoption de la présente loi ».

Il est vrai que l’IN 156 reprend du PL 11141-A que ledit délai d’adaptation pourrait être prolongé si le propriétaire avait fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouvait encore, au 23 mai 2017, en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’art. 271a al. 1 let. e CO. Toutefois, la première condition apparaît trop incertaine en tant que sa réalisation dépend d’une question d’appréciation, quand bien même cette « Kannvorschrift » devrait être comprise comme une « Mussvorschrift » (« doit s’il le peut » et non « peut s’il le doit »).

e. Les motifs de prolongation prévus, tous axés sur un contentieux du droit du bail, ne couvrent pas toutes les situations dans lesquelles une prolongation du délai d’adaptation devrait pouvoir être obtenue, comme l’hypothèse nullement académique, pour un propriétaire entendant vendre son appartement, qu’il doive résilier de façon anticipée un contrat d’emprunt hypothécaire et soit tenu au paiement d’une pénalité pouvant être d’un montant élevé.

f. Par ailleurs, compte tenu de l’importance des restrictions considérées, les règles de nécessité et de proportionnalité au sens étroit s’opposent à ce que des propriétaires de logements PPE l’étant dès l’origine ou l’étant devenus par acquisition avant l’entrée en vigueur de l’initiative soient tenus de s’adapter au nouveau régime prévu par cette dernière, alors que le solde de la période de contrôle restant à courir serait insuffisant pour que cela en vaille la peine, parce qu’il resterait quelques mois seulement avant que leur obligation d’habiter, nouvelle pour eux, ne prenne fin et que ne se rouvre à eux la possibilité de louer leur(s) appartement(s).

Si, en mars 2013, lors du dépôt du PL 11141, il apparaissait concevable de prévoir une rétroactivité improprement dite remontant au début de l’année 2010, cela n’est d’ores et déjà plus compatible avec le principe de la proportionnalité que des propriétaires originaires ou ayant acquis un ou des appartements situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants remonte au tout début des années 2010 soient contraints de s’adapter au nouveau régime prévu par l’initiative, car l’échéance de la période de contrôle serait trop proche pour leurs appartements. Toute date fixée dans cette perspective comporte une part d’arbitraire, comme d’ailleurs le critère même de la date d’entrée moyenne des habitants dans le bâtiment (mais cette date d’entrée moyenne des habitants a le mérite d’être connue de la législation genevoise notamment sur le logement et la protection des locataires [art. 39D al. 3 LGL ; art. 50 al. 1, 56 al. 1 et 76 let. g du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01]). Pour qu’il reste justifié d’imposer à un propriétaire d’accomplir les démarches précitées, il faut que l’obligation d’habiter qu’il s’agit de lui faire respecter subsiste pour au moins deux ans depuis l’échéance d’un délai d’adaptation de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de l’initiative (et à cet égard non prolongeable). Ainsi, lorsqu’il resterait au moins cinq années à courir jusqu’à l’échéance de la période de contrôle, il pourrait y avoir rétroactivité improprement dite pour la durée de la période de contrôle antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’initiative, donc en l’état au maximum sur cinq ans. Il sied de noter que la rétroactivité prévue par le PL 11141 aurait été de quatre ans dans l’hypothèse où la loi, supposée adoptée dans sa teneur proposée par le Conseil d’État, serait entrée en vigueur le 1er janvier 2014.

25. a. L’alinéa 6 des dispositions transitoires proposées par l’IN 156 traite des mesures et sanctions visées à l’art. 9 LGZD susceptibles d’être prononcées en cas de violation de l’obligation d’habiter prévue par l’initiative. Les mesures et sanctions considérées ne pourraient être appliquées, « en lien avec l’obligation d’occupation par les propriétaires » selon l’art. 5 al. 1 let. b LGZD qu’aux logements « construits après la date fixée à l’alinéa 1 » (recte alinéa 5), c’est-à-dire après le 23 mai 2017. Cette disposition transitoire est la reprise de l’art. 12 al. 5 du PL 11141-A. Dans une phrase 2 (qui ne figurait pas dans le PL 11141, proposé par le Conseil d’État), elle prévoit la possibilité d’une prolongation de ce délai aux mêmes conditions qu’à l’alinéa 5 (correction étant faite de l’erreur matérielle qui consistait à faire référence à l’alinéa 1), donc en considération d’un contentieux du droit du bail qui ne serait pas encore clos à l’échéance du délai. Il n’est toutefois pas compréhensible que pour des logements « construits » – recte (en corrigeant cette erreur de plume supplémentaire) : situés dans des bâtiments construits – après l’entrée en vigueur de l’initiative, il soit premièrement nécessaire d’accorder un délai d’adaptation et, deuxièmement, d’en prévoir la prolongation en considération d’un contentieux qui n’aurait pas lieu d’être.

En effet, pour de tels logements, il n’y aurait aucune rétroactivité, ni proprement dite, ni improprement dite, ni non plus de droits acquis (sous réserve d’assurances données dans des cas très particuliers, n’ayant pas besoin d’être réservés explicitement), à exiger de leurs propriétaires originaires (ou promoteurs-constructeurs) qu’ils les vendent et, surtout, que ni eux-mêmes ni les acquéreurs de tels appartements ne mettent ces derniers en location, et ce dès l’entrée en vigueur de l’initiative. Il ne devrait donc pas y avoir de baux à résilier ni d’appartements à libérer de locataires pour de tels logements, sauf à considérer que, paradoxalement, la loi permettrait aux propriétaires originaires et aux acquéreurs de logements situés dans des bâtiments construits après l’entrée en vigueur de l’initiative de n’être temporairement pas soumis aux obligations qu’elle impose pour remédier à des pratiques qualifiées de dysfonctionnements.

Peut-être pourrait-il se trouver quelques cas dans lesquels les autorisations de construire des bâtiments d’habitation destinés à la vente en zone de développement auraient été délivrées avant l’entrée en vigueur de l’initiative, mais que lesdits bâtiments aient été construits après cette date. Dans ce cas de figure, le délai initial et fixe du délai d’adaptation serait trop court, sans que le motif de le prolonger soit pertinent. L’applicabilité de cette disposition transitoire, telle que libellée, devrait n’être au mieux qu’exceptionnelle. Le Conseil d’État a en effet déclaré, dans l’exposé des motifs du PL 11141 déposé en mars 2013 (p. 7 à 9), qu’il avait modifié la pratique administrative suivie jusqu’alors pour déterminer les loyers des logements PPE en zone de développement et réorienter dans la catégorie des bâtiments d’habitation locatifs des opérations immobilières n’apparaissant pas procéder d’une réelle volonté de vendre les appartements à construire en zone de développement sous le régime de la PPE.

b. Le Conseil d’État interprète cette disposition transitoire de façon différente, au regard d’une explication du comité d’initiative n’étayant pourtant guère son interprétation. Selon l’arrêté attaqué (ch. 71), cet alinéa 6 doit être compris comme suit : « Les mesures et sanctions administratives selon l’article 9 ne sont applicables, en lien avec l’obligation d’occupation par les propriétaires selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, qu’aux logements dont l’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010. Les propriétaires de ces logements auront 3 ans pour se mettre en conformité avec la loi. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations après un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO ». Cette compréhension de l’alinéa 6 considéré paraît comporter deux erreurs : d’une part l’entrée moyenne des habitants ne doit pas se référer aux logements PPE, mais aux bâtiments dans lesquels ces derniers sont situés ; d’autre part, à s’en tenir à l’explication donnée par les initiants, le dies a quo d’un délai de trois ans ne serait pas la date d’entrée en vigueur de l’initiative, mais celle de publication de l’initiative dans la FAO, soit le 23 mai 2014.

Il est douteux que le texte d’une initiative populaire puisse être modifié à ce point sous le couvert de la correction de prétendues erreurs matérielles. Quoi qu’il en soit, les interprétations variées auxquelles cet art. 12 al. 6 LGZD proposé par l’IN 156 donnent lieu démontrent que cette disposition ne satisfait pas à l’exigence de clarté.

De surcroît, alors qu’elle apparaît n’avoir guère de sens dans l’interprétation proche de son libellé, elle se heurte, dans l’interprétation que lui donne le Conseil d’État, aux mêmes motifs d’inconstitutionnalité que les deux premières dispositions transitoires, en tant que, censée s’appliquer à des propriétaires originaires et des acquéreurs de logements PPE en zone de développement l’étant devenus avant l’entrée en vigueur de l’initiative, elle prévoit un délai d’adaptation trop court, ne tenant pas compte de motifs pertinents d’en obtenir la prolongation (comme les pénalités pour résiliation anticipée de contrats d’emprunts hypothécaires), et peut conduire, du fait de la référence qu’elle fait à la date du 1er janvier 2010, à une obligation de s’adapter pour une trop courte période aux obligations introduites par l’initiative.

26. a. Il s’ensuit que les trois dispositions transitoires prévues par l’IN 156 sont inconstitutionnelles. La question est de savoir s’il est possible de les annuler sans invalider simultanément le reste de l’initiative, autrement dit si les autres parties de l’IN 156 (en particulier les art. 5 al. 1 let. b, 8A et 9 LGZD et l’art. 39 al. 4 let. a LDTR dans leur version prévue par l’initiative) peuvent subsister sans être accompagnées de dispositions transitoires.

. b. Selon l’art. 60 al. 4 Cst-GE, l’initiative dont une partie n’est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides ; à défaut, l’initiative est déclarée nulle, c’est-à-dire, plus justement dit, est invalidée ou annulée (Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1181). Concrétisant le principe de la proportionnalité, cette disposition commande de préférer l’invalidation partielle à une annulation totale lorsque le texte de l’initiative peut être amputé de certains de ses éléments sans être dénaturé, en d’autres termes lorsque la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides, conservent un sens pouvant raisonnablement être imputé à ses auteurs et forment un tout cohérent (ATF 105 Ia 362 consid. 3 ; Stéphane GRODECKI, op. cit., n. 1182 ss ; Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 118 ss ; Étienne GRISEL, op. cit., p. 272 s.).

De façon générale, le pouvoir de décision de la chambre constitutionnelle est de nature cassatoire, dans le cadre du contrôle abstrait des normes (ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 4c ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 337 s.), mais aussi de celui de la validité d’initiatives populaires, formulées ou non. La chambre constitutionnelle peut, en vertu de l’art. 60 al. 4 Cst-GE, annuler une disposition entière, un alinéa ou quelques mots d’un article d’un acte normatif ou du texte d’une initiative législative, mais elle ne peut en principe en corriger le texte par l’ajout de mots ou d’un membre de phrase (contrebalançant ou non le biffage d’autres mots).

c. En l’espèce, la chambre constitutionnelle avalise fondamentalement le dispositif prévu pour remédier aux pratiques auxquelles cette initiative entend mettre fin. Elle n’exclut pas qu’une rétroactivité improprement dite puisse être conférée à ce dispositif, à la condition qu’un délai d’adaptation suffisant, tenant compte des principaux motifs légitimes de le prolonger, soit accordé aux propriétaires originaires ou aux acquéreurs d’appartements PPE l’étant devenus avant l’entrée en vigueur de l’initiative. Si elle ne saurait équivaloir à la création prétorienne d’un délai d’adaptation, une invalidation des dispositions transitoires de l’IN 156 peut cependant être comprise – tant qu’il n’en serait pas adopté de nouvelles, conformes au droit supérieur – comme l’exclusion de l’applicabilité de l’initiative aux propriétaires originaires d’appartements PPE ou l’étant devenus avant l’entrée en vigueur de cette dernière, autrement dit comme une limitation de son applicabilité aux nouveaux acquéreurs de tels logements, en faveur desquels une période d’adaptation n’a pas lieu d’être. La règle de l’interprétation la plus conforme aux initiants justifie en l’espèce de retenir cette approche, dont le corollaire est que, le moment venu, la portée de l’initiative soit présentée correctement, tant devant le Grand Conseil que devant le corps électoral en cas de scrutin populaire.

Seules donc les dispositions transitoires proposées par l’IN 156 seront invalidées.

27. a. La chambre constitutionnelle admettra le recours partiellement. Elle annulera l’art. 12 al. 4, 5 et 6 LGZD prévus par l’IN 156, et rejettera le recours pour le surplus.

b. Vu l’issue donnée au recours, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA).

Le recourant obtenant partiellement gain de cause et y ayant conclu, une indemnité de procédure d’un montant réduit, de CHF 2'000.-, lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires d’un mandataire (art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative, du 30 juillet 1986 - E 5 10.3).

* * * * *

 


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2015 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 4 février 2015 relatif à la validité de l’initiative populaire cantonale 156 « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! » ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule les dispositions transitoires prévues par l’initiative populaire cantonale 156 « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! », à savoir l’article 12 alinéas 4, 5 et 6 dont celle-ci prévoit l’introduction dans la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Malek Adjadj et Steve Alder, avocats du recourant, au Conseil d’État, au comité d’initiative « Halte aux magouilles immobilières » et, pour information, au Grand Conseil.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Baldé et Cramer, MM. Dumartheray et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

Le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

 

Le président siégeant :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière