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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/771/2015

ACST/15/2015 du 27.08.2015 ( INIT ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/771/2015-INIT ACST/15/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 27 août 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

CONSEIL D’ÉTAT

COMITÉ D'INITIATIVE "HALTE AUX MAGOUILLES IMMOBILIERES"

_________


 

 

 


EN FAIT

1.                                Monsieur A______, citoyen suisse, est domicilié à Troinex, dans le canton de Genève, où il exerce ses droits politiques.

2.                                Le 14 mars 2013, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d’État) a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi modifiant la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (LGZD – L 1 35).

Pour l’essentiel, ce projet de loi (ci-après : PL 11141) prévoyait d’obliger les propriétaires de logements destinés à la vente situés en zone de développement à les occuper eux-mêmes, sauf justes motifs agréés par le département compétent (art. 5 al. 1 let. b LGZD), et il préconisait de ne pas permettre, en principe, l’aliénation de tels logements qui seraient loués durant la période de contrôle pour le motif qu’ils avaient été dès leur construction soumis au régime de la propriété par étages (art. 8A LGZD), soit pour l’un des motifs d’autoriser l’aliénation d’appartements destinés à la location prévu par l’art. 39 al. 4 let. a de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Il s’agissait de remédier à des pratiques auxquelles certains promoteurs-constructeurs et certains acquéreurs de logements PPE en zone de développement se livraient, à savoir la thésaurisation de tels appartements aux fins de revente avec une forte plus-value à l’issue de la période de contrôle.

3.                                Le 7 janvier 2014, la commission du logement a rendu son rapport sur le PL 11141 (ci-après : PL 11141-A).

Pour l’essentiel, la majorité de la commission acceptait l’obligation faite par le PL 11141 au propriétaire d’un logement destiné à la vente de l'habiter, mais elle proposait d’énumérer à titre exemplatif les justes motifs de déroger à cette obligation et de modifier l’art. 39 al. 4 let. a LDTR par une réserve du régime applicable à l’aliénation d’appartements destinés à la vente régi par le nouvel art. 8A LGZD.

Lors de sa séance du 23 janvier 2014, le Grand Conseil a renvoyé le PL 11141 à la commission du logement.

4.                                Le 20 février 2014, la commission du logement a déposé un nouveau rapport sur le PL 11141 (ci-après : PL 11141-B).

Proposant l’abandon de l’obligation d’occuper les logements destinés à la vente que le PL 11141-A imposait aux acquéreurs de tels logements, la majorité de la commission prévoyait de limiter le droit d’aliéner de tels appartements « à une personne physique qui n’est pas déjà propriétaire d’un logement dans le canton » (ci-après : « primo-acquéreur »), sauf justes motifs énumérés à titre exemplatif, et de ne pas retenir l’art. 8A LGZD.

5.                                Le 14 mars 2014, le Grand Conseil a adopté le PL 11141-B, en l’amendant sur quelques points.

Aucun référendum n’ayant été lancé contre la L 11141, après sa publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 18 mars 2014, le Conseil d’État l’a promulguée par un arrêté du 30 avril 2014, publié, avec la L 11141, dans la FAO du 2 mai 2014.

6.                                La L 11141 a fait l'objet de trois recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (causes 1C_223/2014, 1C_225/2014 et 1C_289/2014).

7.             a. Le 19 mai 2014, un comité d’initiative « Halte aux magouilles immobilières » a lancé une initiative législative cantonale intitulée « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! » (ci-après : IN 156).

L’objectif du comité d’initiative était de faire modifier la LGZD et la LDTR dans le sens qu’avait proposé le PL 11141-A alors soutenu par la majorité de la commission du logement, comportant l’idée maîtresse – défendue par le conseiller d’État François LONGCHAMP, en charge du département s’occupant notamment du logement lors du dépôt du PL 11141, devenu le président du Conseil d’État élu pour la législature 2013-2018 – que l’acquéreur d’un logement destiné à la vente sis en zone de développement doive l’occuper personnellement.

Le lancement et le texte de l’IN 156 ont été publiés dans la FAO du 23 mai 2014. L’échéance du délai de récolte des signatures était fixée au 23 septembre 2014.

b. L’IN 156 comporte le bref exposé des motifs suivant : « Contre les accapareurs d’appartements et la spéculation en zone de développement, pour des logements en PPE accessibles à la classe moyenne. »

Son texte est le suivant :

Article 1 La loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, est modifiée comme suit :

Art. 5, al. 1, lettre b (nouvelle teneur)

1 En exécution de l’article 2, alinéa 1, lettre b, la délivrance de l’autorisation de construire est subordonnée à la condition que :

Logements destinés à la vente

b) les bâtiments d’habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d’aliénation (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de partie d’étages, d’actions ou de parts sociales), répondent, par le nombre, le type et le prix des logements prévus, à un besoin prépondérant d’intérêt général ; les logements destinés à la vente doivent être occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département. Sont notamment considérés comme justes motifs :

1° des circonstances imprévisibles au moment de l’acquisition du logement, soit, notamment, le divorce des acquéreurs, le décès, la mutation temporaire dans un autre lieu de travail ou un état de santé ne permettant plus le maintien dans le logement ;

2° le fait que le propriétaire du bien-fonds ait reçu le ou les appartements concernés en paiement du prix du terrain pour permettre la construction de logements prévus sur son bien-fonds ou une circonstance d’échange analogue ;

3° une situation sur le marché du logement ne permettant pas de trouver un acquéreur au prix contrôlé et admis par l’État.

Art. 8A Aliénation des logements destinés à la vente (nouveau)

Si un logement destiné à la vente selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, est loué pendant la période de contrôle instituée par l’article 5, alinéa 3, son aliénation ne peut en principe pas être autorisée en application de l’article 39, alinéa 4, lettre a, de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, du 25 janvier 1996.

Art. 9 Mesures et sanctions (nouvelle teneur)

1 Tout contrevenant aux dispositions légales et réglementaires ou aux conditions fixées pour le déclassement est passible d’une amende administrative n’excédant pas 20 % du prix de revient total de l’immeuble tel qu’il a été prévu par le plan financier.

2 Au surplus, les mesures et sanctions prévues aux titres V et VI de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, sont applicables par analogie.

Art. 12 Dispositions transitoires, al. 4 et 5 (nouveaux)

4 Les articles 5, alinéa 1, lettre b, et 8A sont applicables à compter du lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle aux logements destinés à la vente, situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010 et n’ayant fait l’objet d’aucune acquisition.

5 Les articles 5, alinéa 1, lettre b, et 8A sont applicables à compter du premier jour du mois suivant un délai de 3 ans après la publication de la présente initiative dans la FAO aux logements situés dans des bâtiments dont la date d’entrée moyenne des habitants est postérieure au 1er janvier 2010, ayant fait l’objet d’au moins une acquisition. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations, à la date fixée ci-avant.

6 Les mesures et sanctions administratives selon l’article 9 ne sont applicables, en lien avec l’obligation d’occupation par les propriétaires selon l’article 5, alinéa 1, lettre b, qu’aux logements construits après la date fixée à l’alinéa 1. Le délai peut être prolongé si le propriétaire a fait preuve de diligence pour libérer l’appartement de ses occupants mais se trouve encore en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué à l’article 271a, alinéa 1, lettre e, du code des obligations, à la date fixée à l’alinéa 1.

Article 2 La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi), du 25 janvier 1996, est modifiée comme suit :

Art. 39, al. 4, let. a (nouvelle teneur) Motifs d’autorisation

4 Le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci :

a)   a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue, sous réserve du régime applicable à l’aliénation d’appartements destinés à la vente régi par l’article 8A de la loi générale sur les zones de développement.

Article 3 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de son approbation en votation populaire.

c. Par arrêté du 29 octobre 2014, publié dans la FAO du 31 octobre 2014, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’IN 156.

8.             a. En vue de l’examen par le Conseil d’État de la validité de l’IN 156, la chancellerie d’État, par courrier du 6 novembre 2014, a invité le comité d’initiative à lui faire part de sa détermination sur trois points, dont la conformité du titre de l’IN 156 au regard de la garantie des droits politiques en tant qu’il faisait référence à la « loi Longchamp ».

b. Le comité d’initiative a répondu à la chancellerie d’État par courrier du 19 novembre 2014.

Le titre de l’initiative ne posait pas de problème de clarté, l’appellation « loi Longchamp » étant celle attribuée publiquement et médiatiquement au PL 11141, émanant du conseiller d’État François LONGCHAMP, y compris dans sa version adoptée par la majorité de la commission du logement selon le rapport PL 11141-A du 7 janvier 2014, ne différant du PL 11141 que sur des points de détail.

9.                                Par un arrêt 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 statuant sur les trois recours interjetés contre la L 11141, le Tribunal fédéral a admis les recours et a annulé la L 11141.

L’exigence du « primo-acquéreur » n’offrait aucune garantie quant aux motifs de l’acquisition, qui pouvaient relever de la spéculation, et elle ne garantissait aucunement que le logement considéré soit utilisé par son acquéreur. L’art. 5 al. 1 let. b LGZD enfreignait ainsi la règle d’aptitude. Cette disposition impliquait une restriction au droit d’acquérir un logement dans de nombreux cas sans nécessité ; elle faisait obstacle à l’acquisition d’un logement destiné à la vente, par exemple par des copropriétaires (notamment des époux) vivant séparés, des propriétaires en main commune (en particulier des héritiers) ou le propriétaire d’un logement ne correspondant pas à ses propres besoins. Des exceptions au principe du « primo-acquéreur » étaient prévues, à titre d’exemples, mais il était douteux que ceux-ci puissent être étendus à l’ensemble des cas problématiques ; rien dans les travaux préparatoires ne laissait entrevoir une application souple de la loi ; une interprétation conforme au droit supérieur n’apparaissait donc pas possible. L’interdiction d’acquérir prévue par la loi ne s’étendait pas aux propriétaires de biens sis en dehors du canton, qu’il s’agît d’un logement, d’autres types de biens voire d’immeubles entiers, et que l’intéressé résidât ou non dans le canton de Genève, et ce sans que cette inégalité de traitement ne soit justifiée. La L 11141 ne permettait ainsi pas clairement d’atteindre le but recherché, portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et violait le principe de l’égalité de traitement. Elle devait être annulée dans son intégralité, ce qui rendait sans objet les griefs relatifs aux art. 9 et 12 LGZD.

10.                            Par arrêté du 4 février 2015, publié dans la FAO du 6 février 2015, le Conseil d’État a déclaré l’IN 156 valide.

L’IN 156 était une initiative législative entièrement formulée. Elle visait à ajouter aux conditions auxquelles pouvaient être aliénés les logements destinés à la vente l’obligation que ceux-ci soient occupés par leur propriétaire, sauf justes motifs agréés par le département, à exclure la possibilité pour le département d’autoriser les ventes de tels logements qui seraient loués pendant la période de contrôle, à supprimer certaines sanctions énumérées à l’art. 9 LGZD, en faveur d’un renvoi aux mesures et sanctions prévues par la loi sur les constructions et les installations diverses, 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), et à ajouter diverses dispositions transitoires tendant à mettre en œuvre ces modifications. Elle respectait les principes de l’unité de la matière, de l’unité du genre et de la clarté, et elle était conforme au droit supérieur ; ses dispositions transitoires ne posaient pas de problème de rétroactivité.

L’appellation « loi Longchamp » était un nom sous lequel la thématique du PL 11141 avait été relayée par les médias durant les travaux parlementaires relatifs à ce projet de loi, en particulier la facilitation de l’accès de la classe moyenne à la propriété du logement par l’exigence que l’acquéreur occupe son logement sis en zone de développement. Dès lors que c’était l’idée défendue par l’IN 156, la référence que son titre faisait à la « loi Longchamp » n’était pas trompeuse, quand bien même le texte de l’IN 156 ne correspondait pas en tous points au PL 11141.

Toutes les conditions de validité de l’initiative étaient ainsi remplies.

L’arrêté du Conseil d’État déclarant l’IN 156 valide était susceptible d’un recours à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice dans un délai de 30 jours dès sa notification.

11.                            Le même 4 février 2015, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un rapport sur la prise en considération de l’IN 156.

L’IN 156 reprenait essentiellement le texte du PL 11141 que le Conseil d’État avait déposé le 14 mars 2013 dans le but d’expliciter l’idée que les appartements PPE en zone de développement devaient être mis en vente et en principe occupés par leurs propriétaires. Il s’agissait de mettre un terme aux pratiques certes pas illicites mais contraires à l’esprit de la loi et à la volonté du législateur, dès la modification de la LGZD du 25 février 1972, de lutter contre la spéculation immobilière et de permettre à la classe moyenne d’acheter un appartement pour y vivre, selon un dispositif similaire pour les bâtiments d’habitation destinés à la location ou à la vente. Des dérives avaient été constatées, rendues possibles par le fait que le texte de la LGZD définissait à qui les appartements étaient destinés mais ne contraignait pas les destinataires souhaités à les occuper. L’écart entre le prix de vente autorisé en zone de développement et le prix de vente du marché était tel que tant des promoteurs que des propriétaires s’étaient mis à conserver des appartements destinés à la vente situés en zone de développement, ne les avaient pas mis en vente mais les avaient loués, dans le but de les vendre ou revendre à l’issue de la période de contrôle et réaliser ainsi une plus-value importante. Parfois, plusieurs appartements PPE avaient été cédés aux mêmes personnes, qui les thésaurisaient à des fins d’investissement, les soustrayaient au marché, déjà très tendu, et en empêchaient ainsi l’acquisition et l’habitation par ceux à qui ils étaient destinés.

En cas de non-respect de l’obligation d’occuper proposée par l’art. 5 al. 1 let. b LGZD selon le PL 11141 et désormais l’IN 156, une sanction était prévue, sous la forme d’une amende administrative, mais aussi une mesure, consistant à considérer un appartement PPE en zone de développement loué pendant la période de contrôle comme un appartement locatif dont la revente ne pouvait en principe pas être autorisée en application de l’art. 39 al. 4 let. a LDTR (les autres cas de vente prévus par l’art. 39 LDTR restant ouverts).

Par son arrêt 1C_223/2014 du 15 janvier 2015, le Tribunal fédéral avait censuré la L 11141 sur des points sur lesquels celle-ci s’était écartée du PL 11141, en particulier le principe du « primo-acquéreur ». Mais il avait admis que l’objectif visant à lutter contre la spéculation ou la détention d’appartements à des fins d’investissement poursuivait un intérêt public et que le fait de réserver les appartements PPE en zone de développement à ceux qui entendaient y habiter constituait un moyen proportionné de l’atteindre.

Le Conseil d’État soutenait sans réserve l’IN 156, dès lors que celle-ci reprenait très largement le texte du PL 11141 ; il approuvait aussi ses dispositions transitoires, qui revenaient à une notion de rétroactivité improprement dite.

12.         a. Par acte du 6 mars 2015, Monsieur A______ (ci-après : le recourant) a recouru à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté du Conseil d’État du 4 février 2015 relatif à la validité de l’IN 156, en concluant à l’annulation partielle de l’arrêté attaqué et à la suppression dans l’intitulé de l’IN 156 du nom « Longchamp », à renommer « Halte aux magouilles immobilières ! » ou, subsidiairement, « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi 11141 ! ».

b. L’intitulé d’une initiative populaire était important non seulement pour la récolte des signatures (comme il l’était à l’appui d’une demande de référendum), mais plus encore au moment du scrutin populaire, car il jouissait alors d’une visibilité accrue, notamment dans la brochure explicative envoyée à tous les citoyens et sur le bulletin de vote lui-même. Si la presse et les partis politiques étaient libres d’employer la terminologie qu’ils voulaient pour désigner des propositions législatives, l’utilisation dans l’intitulé d’une initiative populaire du nom propre d’une personnalité politique pouvait être contraire à l’exigence de clarté et, partant, à la garantie des droits politiques consacrée par les art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

Tel était le cas de l’utilisation des termes « loi Longchamp » dans l’intitulé de l’IN 156. Ces termes étaient certes connus des spécialistes et des initiés politiques comme ayant été couramment utilisés en lien avec le PL 11141 et le PL 11141-A, mais cela ne signifiait pas qu’ils étaient connus et compris de l’ensemble des citoyens, d’autant plus qu’ils avaient aussi été utilisés pour désigner la L 11141 et que le texte de l’IN 156 ne correspondait exactement ni avec celui du PL 11141 ni avec celui de la L 11141.

La fonction de président du Conseil d’État, occupée actuellement par le conseiller d’État dont le nom figurait dans l’intitulé de cette initiative, était centrale dans la République et canton de Genève. Toute première personne par ordre d’importance en matière protocolaire, le président du Conseil d’État présidait le gouvernement durant les cinq ans de la législature. Il était chargé notamment de la cohérence de l’action gouvernementale, et avait sous son autorité la chancellerie d’État, chargée notamment du traitement des initiatives populaires. Il devait veiller au respect des « règles du jeu ». Il devait rester autant que possible « au-dessus de la mêlée », et n’apparaître pas impliqué dans des polémiques politiques. L’utilisation de son nom dans l’intitulé d’une initiative populaire constituait un mélange des genres problématique. Elle détournait l’attention du corps électoral du contenu de l’initiative et dénaturait l’institution. Elle pouvait être source de confusion dans l’esprit des citoyens, en leur laissant penser qu’ils se prononçaient soit sur une proposition du Conseil d’État, soit sur un texte identique à celui de la proposition ayant émané du Conseil d’État (en particulier du conseiller d’État en question). Le scrutin populaire sur l’IN 156 risquait d’être compris par certains électeurs comme un scrutin plébiscitaire, posant la question de la confiance accordée au président du Conseil d’État et au Conseil d’État lui-même. Peu importait que ledit conseiller d’État et président du Conseil d’État ait ou non donné son accord à l’utilisation de son nom dans l’intitulé de cette initiative, la question n’étant pas celle du droit d’une personne à son nom, mais une question d’équilibre institutionnel. Si le Conseil d’État s’était prononcé dans l’intervalle en faveur de l’IN 156, le texte de cette dernière n’en était pas moins un peu différent de celui du PL 11141.

c. L’interdiction de mentionner le nom du président du Conseil d’État dans l’intitulé de l’initiative considérée ne porterait pas une atteinte disproportionnée aux intérêts des initiants. Elle n’aboutirait pas à ce que l’initiative soit invalidée et soustraite au scrutin populaire. Elle pourrait se traduire par une correction dudit intitulé. Ce dernier pourrait être « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi ! », même s’il ne serait alors pas très clair en tant qu’il ne définirait pas la « loi » évoquée, ou, de façon préférable, suffisamment parlante, « Halte aux magouille immobilières ! », ou, plus subsidiairement, « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi 11141 ! », avec une référence plus claire à un projet de loi déterminé.

d. Le recours n’était pas prématuré, parce qu’il n’était pas encore certain qu’il y aurait un scrutin populaire sur cette initiative. Tel ne serait pas le cas si le Grand Conseil l’adoptait sans lui opposer de contreprojet, celle-ci se transformant alors en loi, et si, dans ce cas, il n’y avait pas de référendum contre cette loi. À défaut de recours contre l’arrêté du Conseil d’État relatif à la validité de l’IN 156, qui considérait l’intitulé de cette dernière comme valable, la question de la validité dudit intitulé ne pourrait plus être posée à la chambre constitutionnelle à un stade ultérieur de la procédure.

13.         a. Par mémoire du 22 avril 2015, le Conseil d’État, soit pour lui la chancellerie d’État, a répondu au recours, en concluant à son rejet et à la condamnation du recourant aux frais de la procédure.

b. Le Conseil d’État n’avait pas à examiner la validité d’une initiative populaire sous d’autres aspects, en particulier politiques, que l’unité du genre, l’unité de la matière, la conformité au droit supérieur, l’exigence de clarté et celle d’exécutabilité. La condition de la clarté découlait de la garantie des droits politiques, protégeant la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté, mais elle représentait aussi une condition indépendante de validité des initiatives, voulant que les initiatives populaires soient claires et cohérentes quant à la forme et surtout au fond. L’intitulé d’une initiative ne pouvait être trompeur. Même un intitulé polémique ne conduisait pas nécessairement à créer une confusion inacceptable sur l’objet de l’initiative. L’intitulé de l’IN 156 était clair et non mensonger. Les citoyens étaient tout à fait à même de comprendre l’objet de cette initiative. Il n’y avait aucun risque de confusion, d’autant plus qu’il s’agissait bien d’une initiative populaire, et non d’un acte émanant du Conseil d’État.

14.         Par mémoire du 13 mai 2015, le comité d’initiative a conclu au rejet du recours.

Rien n’interdisait d’utiliser un patronyme dans l’intitulé d’une initiative populaire. Le concept de « loi Longchamp » s’était forgé au cours des débats publics autour du PL 11141, et il avait été et était largement utilisé dans les médias pour désigner la loi proposée par le Conseil d’État, même dans sa mouture modifiée dans le premier rapport de la commission du logement, dont l’IN 156 reprenait le mécanisme. Les citoyens n’étaient nullement trompés, car ils savaient que François LONGCHAMP était le « père » de l’idée de légiférer pour maîtriser la spéculation sur les PPE nouvellement construites en zone de développement.

Il n’y avait aucune atteinte à la fonction de président du Conseil d’État, assumée actuellement par le conseiller d’État François LONGCHAMP, ni à celle de conseiller d’État. L’IN 156 ne faisait aucune référence à ces fonctions. On ignorait si, lors de l’éventuel scrutin populaire sur cette initiative, ledit conseiller d’État serait encore membre du gouvernement. Le concept de « loi Longchamp » persisterait en tout état au-delà de la fin de ses fonctions, dès lors qu’il était devenu un qualificatif des diverses déclinaisons de la loi dont l’idée principale était que si un logement PPE soumis à la LGZD n’était pas occupé par son propriétaire, il acquérait un caractère locatif au sens de la LDTR et devait rester affecté à l’usage locatif.

15.         a. Par mémoire du 3 juin 2015, le recourant a formulé des observations sur les déterminations du Conseil d’État et du comité d’initiative.

b. Le Conseil d’État semblait surestimer les connaissances des citoyens, dont la majorité ne suivait que d’assez loin les débats politiques, sans maîtriser le jargon utilisé par les politiques et les médias. Le contenu de l’IN 156 différait tant du PL 11141 que du PL 11141-A proposé en janvier 2014 par la majorité de la commission du logement. Le président du Conseil d’État avait lui-même utilisé récemment, sur la question de fond, les termes de « loi Longchamp 1 », « loi Longchamp 2 » et « loi Longchamp 3 », ce qui démontrait que si ces termes pouvaient renvoyer à un sujet donné, ils ne se référaient pas pour autant à un contenu précis. Le risque de confusion pour l’électeur ordinaire provenait de la mention dans l’intitulé de l’initiative tant du mot « loi » que du patronyme « Longchamp », celui du président du Conseil d’État. L’importance de l’intitulé d’une initiative populaire était sous-estimé.

C’était le choix du patronyme retenu qui n’était en l’espèce pas admissible. Il était douteux que, dans leur majorité, le citoyens comprissent le concept de « loi Longchamp » de la manière précise et détaillée évoquée par le comité d’initiative dans sa réponse au recours. Le problème serait d’autant plus important si l’intitulé de l’IN 156 faisait référence explicitement à la fonction de président du Conseil d’État (ou même de conseiller d’État) de François LONGCHAMP, mais il n’en était pas moins réel sans une telle référence, ladite personnalité politique étant connue par la majorité des électeurs comme le président du Conseil d’État, et étant par ailleurs en fonction comme conseiller d’État depuis 2005 alors que le plus ancien de ses collègues n’était en fonction que depuis 2012. Il était vraisemblable qu’un scrutin populaire intervienne sur l’IN 156 le cas échéant avant le renouvellement du Conseil d’État au printemps 2018, donc alors que son actuel président serait encore en fonction. Le comité d’initiative ne faisait pas valoir d’intérêt particulier au maintien des termes « OUI à la loi Longchamp » dans l’intitulé de l’IN 156.

c. Le recourant a persisté dans les conclusions de son recours, en y ajoutant une conclusion préalable consistant à faire procéder par un institut spécialisé à un sondage auprès d’un échantillon représentatif des électeurs genevois visant à déterminer ce que peuvent évoquer pour eux les termes « loi Longchamp ».

16.                            Le 5 juin 2015, le greffe de la chambre constitutionnelle a communiqué les observations du recourant au Conseil d’État et au comité d’initiative.

17.                            Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             a. Selon l'art. 124 Cst-GE, la Cour constitutionnelle, à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 1er tiret de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ - E 2 05]), a pour compétences de contrôler sur requête la conformité des normes cantonales au droit supérieur, de traiter les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale, et de trancher les conflits de compétence entre autorités. À ces trois compétences, le législateur cantonal a ajouté celle de connaître des recours en matière de validité des initiatives populaires (art. 30B al. 1 let. c LOJ), compte tenu de l'étroite parenté de cette matière-ci, ressortissant désormais à la compétence décisionnaire du Conseil d'État (art. 60 al. 1 et art. 72 al. 1 Cst-GE), avec à la fois le contrôle abstrait des normes et le traitement des litiges relatifs à l'exercice des droits politiques (exposé des motifs du PL 11311, p. 12 s., MGC [en ligne], http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010102/5/20).

b. La chambre de céans est donc compétente pour connaître tant d’un recours contre la décision du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative populaire que d’un recours contre les « violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision », au sens de l’art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05).

En l’espèce, le recourant a déposé un recours contre l’arrêté du Conseil d’État relatif à la validité de l’IN 156. La question se pose néanmoins de savoir si – au regard de l’unique grief qu’il soulève, tenant à une prétendue violation des droits politiques – il n’aurait pas dû s’en prendre à cette initiative dès le lancement de cette dernière. Elle sera examinée plus loin.

2. Le législateur genevois a défini la qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle de la même manière que pour les recours devant les autres juridictions administratives, sans faire de distinction selon les actes attaqués. Concernant les personnes privées, physiques ou morales, voire les personnes morales de droit public agissant à l'égal de personnes morales de droit privé, elles ont qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle si elles sont touchées directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et ont un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte attaqué soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Telle qu'elle a été interprétée par les juridictions genevoises (ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 2 ; ACST/1/2015 précité consid. 3 ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014), la qualité pour recourir prévue par l'art. 60 al. 1 let. b LPA s'avère substantiellement similaire à celle que le législateur fédéral a définie pour le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, même s’il l’a différenciée selon le type de recours (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. I, 2014, n. 320 in fine, 325 ss, 329 ss et 332 ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 68 ss). Cela s'explique par le fait que, selon l'art. 111 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédant le Tribunal fédéral doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d'autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie (en particulier la qualité pour recourir), notamment devant la chambre constitutionnelle, de manière plus restrictive que ne le fait l'art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5 ; ACST/1/2015 précité consid. 3a ; ACST/2/2014 précité consid. 2c).

Au regard de la LTF, tant les violations de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP que les décisions relatives à la validité d’initiatives populaires doivent le cas échéant être portées devant le Tribunal fédéral par la voie du recours concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires (art. 82 let. c LTF ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2013 du 19 mai 2014 consid. 1 ; 1C_306/2012 du 25 février 2013 consid. 1 ; 1C_261/2997 consid. 11, non publié in ATF 134 I 172 ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 110 ss, 121, p. 859 ad art. 82 LTF ; Christoph HILLER, Die Stimmrechtsbeschwerde, 1990, p. 104 ss). Sont donc recevables à interjeter de tels recours quiconque a le droit de vote dans l’affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), et ce non seulement devant le Tribunal fédéral, en application de l’art. 82 let. c LTF, mais aussi devant la chambre constitutionnelle, compte tenu du sens minimal que l’art. 111 al. 1 LTF exige que soit donné à l’art. 60 al. 1 let. b.

En l’espèce, le recourant est titulaire des droits politiques dans le canton de Genève. Il a qualité en tout état pour recourir à ce titre.

3. a. En mettant en œuvre l’art. 124 Cst-GE instituant la Cour constitutionnelle, le législateur genevois n’a pas précisé dans quel délai un recours doit être déposé contre la décision du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative. Il a ajouté – à l’art. 62 LPA, consacré aux délais de recours – une let. d stipulant que le délai de recours est de 30 jours « s’il s’agit d’une loi constitutionnelle, d’une loi ou d’un règlement du Conseil d’État ». Or, si le délai de recours est de trente jours – et est au surplus suspendu durant les périodes visées par l'art. 63 al. 1 LPA – contre les décisions finales ou les décisions en matière de compétence ainsi que contre les actes normatifs (art. 62 al. 1 let. a et d LPA), il est de six jours, sans suspension durant lesdites périodes (art. 63 al. 2 let. a LPA), « en matière de votations et d'élections » (art. 62 al. 1 let. c LPA), expression se trouvant également à l’art. 130B al. 1 let. b LOJ.

Les recours en matière de votations et d’élections au sens de ces dispositions sont les recours ouverts « contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision », au sens de l’art. 180 LEDP, à savoir contre tout acte destiné aux électeurs de nature à influencer la libre formation du droit de vote telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE.

b. Même si une initiative est destinée – sous réserve, précisément, qu’elle soit valide, mais aussi ne soit pas acceptée par le Grand Conseil – à faire l’objet d’un scrutin populaire, le contrôle de sa validité ne fait pas, en tant que tel, partie de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP (ATF 121 I 252 ; ATA/331/2012 du 5 juin 2012 consid. 7 ; ATA/769/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/650/2010 du 21 septembre 2010 consid. 4). Dans l’énumération des cas de recours à la chambre constitutionnelle, le législateur genevois a différencié les recours en matière de votations et d’élections des recours en matière de validité des initiatives populaires, en les citant respectivement aux let. b et c de l’art. 130B al. 1 LOJ. Pour ces derniers, il est manifestement et raisonnablement parti de l’idée que, comme pour les recours contre les actes normatifs, auxquels ils s’apparentent, et les décisions en général (art. 62 al. 1 let. a LPA), le délai de recours de 30 jours doit s’appliquer (exposé des motifs du PL 11311, p. 14, MGC [en ligne], http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010102/5/20). Il se justifie donc, en principe, de retenir que le délai de recours contre la décision du Conseil d’État relatif à la validité d’une initiative est de 30 jours, ainsi que le Conseil d’État l’a d’ailleurs indiqué dans l’arrêté entrepris (cf. art. 62 al. 2 LPA).

Encore faut-il cependant que, sous le couvert d’un recours en matière de validité d’une initiative populaire, le recours ne soit pas un pur recours pour violation de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP. La validité de tels actes doit, si elle est contestée, pouvoir être contrôlée dans des temps relativement brefs, ce qui se traduit déjà par la fixation d’un bref délai de recours, mais aussi, pour des motifs de bonne foi et d’économie de procédure démocratique, par l’exigence que le recours soit formé dès que le recourant a ou est censé avoir connaissance de l’acte préparatoire qu’il critique (ACST/10/2015 du 11 mai 2015 consid. 3b et jurisprudence citée).

c. En l’espèce, l’arrêté par lequel le Conseil d’État a statué sur la validité de l’IN 156, rendu le 4 février 2015, a été publié dans la FAO du 6 février 2015. Le délai de recours contre cet arrêté a commencé à courir le lendemain de cette date-ci (art. 17 al. 1 et 62 al. 3 LPA), à tout le moins à l’égard des tiers. Il est arrivé à échéance le lundi 9 mars 2015 (art. 17 al. 3 LPA). Le présent recours a été déposé le 6 mars 2015, donc en temps utile pour autant que l’acte attaquable soit ledit arrêté. Tel ne serait pas le cas si l’unique grief soulevé par le recourant pouvait et devait déjà être soulevé à l’encontre d’un acte antérieur, faisant partie de la procédure des opérations électorales.

d. À teneur de la jurisprudence, sont attaquables pour violation de la procédure des opérations électorales les mesures d’organisation d’élections ou votations, le matériel de vote en général, la brochure explicative, des circulaires et des tracts, la constatation du résultat d’élections ou de votations (ACST/10/2015 précité ; ACST/6/2015 du 26 mars 2015 ; ACST/5/2015 du 4 mars 2015 ; jurisprudence antérieure de la chambre administrative, citée par ces arrêts), mais aussi le lancement d’un référendum en tant que le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures (art. 86 al. 1 let. c LEDP) ne serait prétendument pas conforme aux prescriptions, notamment comporterait un intitulé ou un argumentaire contraire à la liberté de vote (arrêt du Tribunal administratif en la cause B. Annen et consorts du 18 mars 1992 consid. 1, RDAF 1993 p. 45 ; arrêt du Tribunal administratif en la cause Payot et consorts du 7 mars 1988, ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral du 2 décembre 1988, SJ 1989 p. 90).

Il n’y a pas de motif de traiter différemment le lancement d’un référendum et celui d’une initiative populaire. Peu importe que le contrôle qu’effectue à ce stade le service des votations et élections lorsqu’il approuve ou refuse d’approuver le spécimen des listes destinées à recevoir les signatures soit essentiellement sinon exclusivement formel (art. 86 al. 1 let. c LEDP ; cf. arrêt du Tribunal fédéral précité du 2 décembre 1988 consid. 2, où le Tribunal fédéral a indiqué, à propos du titre d’un référendum, qu’il aurait été souhaitable que l’autorité ne se limitât pas à ce stade à examiner le seul respect des conditions formelles de l’art. 87 LEDP sur les formules destinées à recevoir les signatures ; Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 261 s. n. 924 s. ; Michel BESSON, Behördliche Information vor Volksabstimmungen, 2002, p. 236 ; Yvo HANGARTNER/ Andreas KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, n. 2077 ; Andreas AUER, Problèmes et perspectives du droit d’initiative à Genève, 1987, n. 137). Si un citoyen estime qu’un acte, se traduisant par une telle approbation ou la publication du lancement d’un référendum ou d’une initiative, consacre une violation des droits politiques, il lui incombe de l’attaquer sans attendre les étapes ultérieures du traitement du référendum ou de l’initiative, dès qu’il en a connaissance. Or, en matière cantonale, le lancement d’un référendum ou d’une initiative est publié dans la FAO (art. 89 al. 2 et 3 LEDP).

e. En l’espèce, le lancement de l’IN 156 a été publié dans la FAO du 23 mai 2014, avec le texte intégral de ladite initiative, y compris son intitulé. Le recourant doit être réputé en avoir eu connaissance le jour même de ladite parution dans la FAO. Il devait donc saisir cette occasion pour contester, dans les six jours à compter du lendemain de cette date (art. 17 al. 1 LPA), l’utilisation du nom du conseiller d’État et président du Conseil d’État LONGCHAMP dans l’intitulé de l’IN 156 dès lors qu’elle consacrait, à son avis, une violation des droits politiques. Ne l’ayant pas fait, il est forclos pour soulever ce grief à titre exclusif dans un recours ultérieur dirigé contre l’arrêté du Conseil d’État sur la validité de ladite initiative, quand bien même celui-ci a traité cette question dans son arrêté du 4 février 2015. La question se présenterait sous un jour différent si la contestation ne relevait pas purement des droits politiques, mais soulevait un problème de contrariété au droit supérieur, en particulier de droit au nom.

Le recours sera donc déclaré irrecevable.

f. À titre subsidiaire, la chambre constitutionnelle traitera néanmoins le recours sur le fond, étant précisé qu’il satisfait aux exigences de forme et de contenu prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

4. a. Dans sa détermination sur la réponse au recours de l’autorité intimée, le recourant a ajouté à son recours une conclusion tendant à ce que la chambre constitutionnelle fasse procéder par un institut spécialisé à un sondage auprès d’un échantillon représentatif des électeurs genevois aux fins de déterminer ce que peut évoquer pour eux les termes « loi Longchamp ».

b. De façon générale, les conclusions d’un recours ne sont recevables que si elles figurent dans l’acte de recours et ont été formées durant le délai de recours (art. 65 al. 1 LPA ; ACST/5/2015 du 4 mars 2015 consid. 4). Un recourant conserve cependant tout au long de la procédure le droit de solliciter des actes d’instruction, en vertu de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst. ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, vol. II, n. 1317 ss, 1342 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 175 ss, 176 p. 301 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1526 ss, 1528). Ladite conclusion n’est donc pas irrecevable.

c. À l’instar des autres juridictions administratives, la chambre constitutionnelle établit les faits d’office (art. 19 et 76 LPA ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1559 ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 292 ss). Si, se fondant sur une appréciation consciencieuse des faits pertinents de la cause, elle s’estime convaincue qu’une preuve dont l’administration est requise n’est pas déterminante pour l’établissement des faits pertinents ou ne pourrait pas modifier cette appréciation, elle peut écarter la requête. Une telle appréciation anticipée des preuves ne viole pas le droit d’être entendu (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c ; 122 V 157 consid. 1d ; ATAS/1256/2012 du 16 octobre 2012 consid. 9).

En l’espèce, la chambre constitutionnelle s’estime à même d’apprécier elle-même, sans avoir besoin qu’un sondage soit effectué sur cette question par un institut spécialisé, si et le cas échéant dans quelle mesure l’intitulé de l’IN 156, en tant qu’il comporte les mots « OUI à la loi Longchamp », risquerait de tromper les citoyens. Cette conclusion préalable du recourant est donc rejetée.

5. a. Le présent recours porte exclusivement sur l’utilisation dans l’intitulé de l’IN 156 du patronyme « Longchamp », à savoir celui du conseiller d’État à l’origine du PL 11141, devenu depuis lors président du Conseil d’État pour la législature en cours. Le recourant estime que cette utilisation est contraire à l’exigence de clarté à laquelle toute initiative doit satisfaire et porte atteinte à ses droits politiques.

b. Comme l’autorité intimée l’a rappelé dans la décision attaquée (ch. 4), les trois conditions de validité d’une initiative que prévoit l’art. 60 Cst-GE sont l’unité du genre, l’unité de la matière et la conformité au droit, et s’y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 Cst. et 44 Cst-GE, l’exigence de clarté du texte de l’initiative et celle d’exécutabilité de l’initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2012 du 24 septembre 2013 consid. 5.1 ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol. I, 2014, n. 145 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. I, n. 885 ss ; Stéphane GRODECKI, L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, p. 280 ss et 308 ss ; Bénédicte TORNAY, La démocratie directe saisie par le juge - L’empreinte de la jurisprudence sur les droits populaires en Suisse, 2008, p. 71 ss ; Étienne GRISEL, Initiative et référendum populaires - Traité de la démocratie semi-directe en droit suisse, 3ème éd., 2004, p. 261 ss).

c. L’exigence de clarté se rattache tant à la garantie des droits politiques qu’à l’exigence de densité normative comprise dans le principe de la légalité. Elle signifie que les initiatives populaires doivent être claires et cohérentes quant à la forme et surtout au fond et, de ce fait, assurer la liberté de vote (Bénédicte TORNAY, op. cit., p. 115 s.). En l’espèce, elle est invoquée en tant qu’elle traduit l’exigence, rattachée à la garantie des droits politiques, que l’opinion des citoyens se forme librement et leur volonté s’exprime de façon fidèle et sûre (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 301 s.). Les deux griefs soulevés par le recourant se confondent donc.

6. a. L’art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Selon l’art. 34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral sous l’empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (arrêt du Tribunal fédéral 1P.298/2000 du 31 août 2000 consid. 3a), cette garantie protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté (ATF 131 I 126 consid. 5.1 ; 130 I 290 consid. 3 ; 121 I 252 consid. 2 et les références citées ; ATA/181/2011 du 17 mars 2011 consid. 5 ; ATA/163/2009 du 31 mars 2009 consid. 9 et 10 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. I, n. 150 ss ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., n. 913 ss). L’art. 44 Cst-GE garantit les droits politiques en des termes similaires (ACST/11/2015 du 22 mai 2015 consid. 4a ; ACST/10/2015 précité consid. 4 ; ACST/5/2015 précité consid. 6a ; ATA/181/2011 précité consid. 5).

b. Un intitulé d’initiative qui serait trompeur ou mensonger peut être susceptible d’induire les citoyens en erreur sur le sens et la portée de l’initiative, et ainsi les inciter, dans un premier temps, à signer ou au contraire à ne pas signer la demande d’initiative, puis, dans un second temps, lors du scrutin populaire sur l’initiative, à accepter ou refuser l’initiative ou s’abstenir, en étant dans l’un et l’autre cas sous l’empire d’une erreur de compréhension ou d’appréciation pouvant porter sur des points essentiels de la proposition formulée par l’initiative. Il pourrait alors y avoir atteinte à la liberté de vote (Stéphane GRODECKI, op. cit., p. 262 n. 924 in fine ; Stephan WIDMER, Wahl- und Abstimmungsfreiheit, 1989, p. 94 ss ; Nicolas VON ARX, Ähnlich aber anders. Die Volksinitiative in Kalifornien und in der Schweiz, 2002, p. 121).

Encore faut-il, pour que l’initiative puisse être considérée comme viciée de ce chef, que l’intitulé de l’initiative – comme, plus généralement, un bref exposé des motifs susceptible de figurer sur la liste des signatures (art. 86 al. 2 LEDP) – ne soit pas qu’inexact ou quelque peu racoleur, mais en nette contradiction avec le contenu de la proposition formulée par l’initiative. Un intitulé polémique, partial ou en forme de proclamation ne conduit pas nécessairement à créer une confusion inacceptable sur l’objet de l’initiative (arrêt du Tribunal fédéral 1P.338/2006 et 1P.582/2006 du 12 février 2007 consid. 3.6, 3.7, 4 et 5, ZBl 2007 p. 313 ; arrêt du Tribunal fédéral du 2 décembre 1988 consid. 2, SJ 1989 p. 90 ss ; arrêt du Tribunal administratif genevois du 18 mars 1992 consid. 4 ss, RDAF 1993 p. 45).

7. En l’espèce, l’IN 156 reprend fondamentalement l’idée maîtresse du PL 11141 d’obliger les propriétaires de logements PPE en zone de développement à habiter personnellement leur logement durant la période de contrôle, sous réserve de justes motifs, sous peine de sanctions et mesures, comprenant l’impossibilité de se prévaloir, pour l’aliéner, du fait que leur appartement avait été soumis dès l’origine au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue. Elle énumère les mêmes situations de justes motifs que le PL 11141-A de déroger à cette obligation personnelle d’habiter, et elle retient la même idée d’une prolongation possible du délai d’adaptation laissé aux propriétaires de tels logements les ayant mis en location sans justes motifs pour les libérer de leurs occupants dans l’hypothèse où, nonobstant leur diligence à entreprendre les démarches nécessaires à cette fin, ils se trouveraient encore, à l’issue du délai prévu, en cours de procédure judiciaire ou dans le délai de protection institué par l’art. 271a al. 1 let. e de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Ce n’est guère que sur la durée du délai d’adaptation laissé aux propriétaires que l’IN 156 diffère tant du PL 11141 que du PL 11141-A alors soutenu par la majorité de la commission précitée.

Il n’est pas contesté que le conseiller d’État François LONGCHAMP, alors en charge du département s’occupant notamment du logement, a soutenu, sinon même proposé l’idée maîtresse précitée du PL 11141, sans doute d’abord au sein du Gouvernement, puis qu’il l’a défendue devant le Grand Conseil et la commission du logement, en se montrant pour l’essentiel favorable au PL 11141-A dans sa version soumise au Parlement dans un premier temps, alors soutenue par la majorité de la commission du logement. Ledit conseiller d’État est devenu dans l’intervalle président du Conseil d’État élu pour la législature 2013-2018.

Il est avéré – et d’ailleurs admis par le recourant lui-même – que l’appellation « loi Longchamp » est un nom sous lequel la thématique du PL 11141 a été relayée par les médias et dans les milieux politiques durant les travaux parlementaires relatifs à ce projet de loi, y compris pour en désigner la version soutenue dans un premier temps par la majorité de la commission du logement.

8. a. À ce stade, il doit déjà être constaté que l’intitulé de l’IN 156 ne saurait amener les citoyens à être trompés sur le contenu essentiel des propositions formulées par ladite initiative, du fait qu’il comporte les mots « OUI à la loi Longchamp ».

Sans doute le Conseil d’État a-t-il indiqué, dans son rapport au Grand Conseil sur la prise en considération de l’IN 156, que le « principe phare du projet de loi déposé par le Conseil d’État, et repris par l’IN 156 » est « l’obligation pour un propriétaire d’habiter son bien en zone de développement » (p. 5 dudit rapport), tandis que, dans sa détermination sur les recours déposés contre l’arrêté attaqué, le comité d’initiative a relevé que la « mesure centrale de l’initiative populaire, reprise de la "loi Longchamp" » est de « soumettre les appartements nouvellement construits en PPE, soumis à la LGZD, et non occupés par leur acquéreur, au régime juridique des logements locatifs de la LDTR » (réponse au recours, p. 3 ch. 5). Si, à cet endroit, le Conseil d’État a mis l’accent sur l’obligation d’habiter et le comité d’initiative sur la conséquence de la violation de cette obligation, le PL 11141 (et le PL 11141-A) et l’IN 156 n’en visent pas moins des propositions législatives au contenu pour l’essentiel identique, correspondant au concept visé par l’appellation « loi Longchamp ». D’ailleurs, dans le même rapport au Grand Conseil, le Conseil d’État a souligné qu’à l’instar du PL 11141, l’IN 156 prévoit une « mesure, consistant à considérer un appartement PPE en zone de développement loué pendant la période de contrôle comme un appartement locatif, dont la revente ultérieure ne (pourrait) en principe pas être autorisée en application de l’article 39, alinéa 4, lettre a LDTR » (p. 4). Il y a au surplus dit lui-même soutenir sans réserve l’IN 156 « dès lors qu’elle reprend très largement le texte du PL 11141 tel que déposé par le Conseil d’État le 14 mars 2013 » (p. 6 dudit rapport).

b. La fonction de conseiller d’État est de grande importance dans la vie politique, et celle de président du Conseil d’État de première importance, d’autant plus depuis que la nouvelle constitution genevoise a rendu cette fonction présidentielle permanente pour la durée de la législature et non plus tournante de façon annuelle (art. 105 al. 2 Cst-GE ; Michel HOTTELIER/ Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341 ss, 375). Par ailleurs, le département présidentiel comprend la chancellerie d’État, chargée notamment du traitement des initiatives populaires (art. 4 ss du règlement pour l’organisation du Conseil d’État de la République et canton de Genève, du 25 août 2005 - B 1 15.03 ; art. 2 al. 1 let. a et 9 let. e du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale, du 11 décembre 2013 - B 4 05.10).

Il n’en résulte cependant pas que la mention du patronyme d’un conseiller d’État ou du président du Conseil d’État dans l’intitulé d’une initiative populaire est de nature à créer la confusion sur le fait que l’initiative émane d’électeurs (dont l’identité d’au moins neuf d’entre eux doit figurer sur les listes des signatures [art. 86 al. 1 let. d LEDP]). Les citoyens ne sont pas de ce fait amenés à penser, tant lors de la collecte des signatures que lors du scrutin, que la proposition leur étant soumise serait celle du Conseil d’État, ni à imaginer que l’objet soumis à leur suffrage consisterait à exprimer sa confiance ou sa défiance à l’endroit du Conseil d’État ou du conseiller d’État considéré. L’institution de l’initiative populaire ne se trouve pas détournée de sa finalité et de sa légitimité par le fait que le nom d’une personnalité politique, fût-elle conseiller d’État et même président du Conseil d’État, soit associé par les initiants à l’objet de l’initiative, pour peu que, comme en l’espèce, la référence faite à une proposition de loi largement connue sous une appellation comportant le patronyme d’une telle personnalité ne soit pas matériellement mensongère ou trompeuse.

c. Rien – sous la réserve déjà évoquée de la garantie constitutionnelle de la liberté de vote – n’interdit d’intégrer un nom de famille évocateur de l’objet d’une initiative dans l’intitulé de cette dernière, en particulier celui d’un conseiller d’État ou du président du Conseil d’État, même si le procédé n’est pas courant. Il n’est même guère usuel – dans le droit fil d’un système et d’une culture politiques non marqués par la personnalisation du débat politique – de désigner un texte législatif par le nom d’une personnalité politique. Mais lorsque tel est le cas, une telle appellation n’est pas ressentie comme inconciliable avec le fait que des modifications soient le cas échéant apportées au projet présenté et défendu par la personnalité politique dont le nom est utilisé. L’historique de la LGZD l’illustre, puisque cette loi de 1957 a été appelée la « loi Dutoit », du nom du conseiller d’État alors en charge du logement et de l’aménagement du territoire, quand bien même le Grand Conseil a apporté des modifications au projet de loi que le Conseil d’État lui avait soumis (BOACG tome XIX p. 9890 ; cf. la loi sur la procédure civile, du 29 septembre 1819 [ROLG 1819 p. 101 ss], appelée « loi Bellot », du nom de son auteur, Pierre-François BELLOT, avoué, avocat, bâtonnier, professeur, doyen de la faculté de droit, parlementaire [Bernard BERTOSSA/ Louis GAILLARD/ Jaques GUYET/ André Diego SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, 1988, ad Bref historique ch. I § 3 ss] ; cf. les cas de la « lex Koller » puis de la « lex Friedrich » désignant couramment des versions de la législation fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des étrangers).

Il n’en va pas différemment de la proposition législative évoquée dans la présente procédure. Dans un premier temps, la majorité de la commission du logement avait apporté, dans le PL 11141-A, quelques modifications au PL 11141, dont elle avait cependant conservé l’idée maîtresse de l’obligation d’habiter, puis elle avait abandonné cette idée maîtresse pour lui préférer celle du « primo-acquéreur » dans la L 11141, loi annulée par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_223/2014 précité). L’ IN 156 vise fondamentalement à redonner vie au PL 11141-A, lui-même fidèle à l’esprit du PL 11141. Peu importe que les termes de « loi Longchamp » aient le cas échéant pu – comme le prétend le recourant sans le prouver – être utilisés aussi pour désigner cette L 11141, alors abusivement. Cet abus de langage ne rend pas trompeuse la référence que l’IN 156 fait à la « loi Longchamp » pour désigner le projet législatif qu’elle reprend, étant en outre précisé que, fréquemment, les médias présentent des projets de loi comme des lois (comme s’ils étaient déjà adoptés sinon même déjà en vigueur).

d. S’il est sans doute susceptible d’orienter les citoyens sur les propositions formulées par une initiative, l’intitulé qui est donné à cette dernière n’en constitue pas pour autant – et de loin – le seul moyen dont ceux-ci disposent pour se forger une opinion sur ces projets législatifs, déjà au stade de la collecte des signatures, et aussi lors du scrutin. Il leur est loisible, voire leur incombe, de lire le texte de l’initiative, puis, au moment du scrutin, de s’intéresser aux commentaires des initiants, à la présentation contenue dans la brochure explicative, aux prises de position des partis politiques, autres associations ou groupements, aux travaux préparatoires des textes soumis à votation (accessibles sur internet), aux débats publics et aux articles de presse, émissions radiophoniques et télévisées et autres produits des médias (ATF 130 I 290 consid. 3.2 ; ACST/5/2015 précité consid. 7 in fine ; ATA/583/2008 du 18 novembre 2008 consid. 9c in initio).

e. Le grief de violation des droits politiques soulevé par le recourant à l’encontre de l’intitulé de l’IN 156 est mal fondé.

9. a. La chambre constitutionnelle rejettera donc le recours à titre subsidiaire.

b. Le recourant, qui succombe, sera astreint au paiement d’un émolument, qui sera fixé à CHF 1'000.- (art. 87 al. 1 LPA ; art. 1 s. du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative, du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

c. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mars 2015 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 4 février 2015 relatif à la validité de l’initiative populaire cantonale 156 « Halte aux magouilles immobilières, OUI à la loi Longchamp ! » ;

subsidiairement, le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;


communique le présent arrêt au recourant, au Conseil d’État, au Comité d’initiative « Halte aux magouilles immobilières » et, pour information, au Grand Conseil.

Siégeants : M. Verniory, président, Mmes Baldé et Cramer, MM. Dumartheray et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

Le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

 

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :