Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/9/2012

ATA/266/2013 du 30.04.2013 sur JTAPI/646/2012 ( LDTR ) , REJETE

Parties : ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES / KOSSOY Edward, SARTORIO Pietro, DPF MOSER & CONSORTS, SOCIETE EN COMMANDITE, COMPTOIR HYPOTHECAIRE ET INDUSTRIEL SA ET AUTRES, PHILIPPE Georges, HOIRIE DE FEU M. EDWARD KOSSOY, PHILIPPE Georges, SARTORIO Pierre, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/9/2012-LDTR ATA/266/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2013

 

dans la cause

ASSOCIATION GENEVOISE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Romolo Molo, avocat

contre

Hoirie de feu Monsieur Edward KOSSOY, soit pour elle,
Madame Karine OHRY-KOSSOY
et Madame Agnieszka PTAK KOSSOY
et
Monsieur Georges PHILIPPE
Monsieur Pietro dit Pierre SARTORIO
DPF MOSER & CONSORTS
COMPTOIR HYPOTHÉCAIRE ET INDUSTRIEL S.A.

représentés par Me François Bellanger, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mai 2012 (JTAPI/646/2012)


EN FAIT

Cadastré sous n° E643, l'immeuble situé à l’angle des 23, chemin des Tulipiers et 17, avenue de Rosemont, sur la parcelle n° 3'126, feuille 26 de la Ville de Genève, section Eaux-Vives, en zone de développement 3, a été construit en 1996. Selon le cahier de répartition des locaux déposé au service du cadastre en juin 1996, il était dès ce moment soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE).

Les deux appartements litigieux nos 5.01 et 7.01, de 97 m2 chacun, situés respectivement au 3ème et 5ème étage, comportent 4 pièces et un balcon. Une cave et un box y sont rattachés. Ils se trouvent dans un immeuble d’habitation de cinq étages sur rez-de-chaussée avec attique et garage souterrain.

L’immeuble a fait l’objet de l’autorisation de construire n° DD 90'463 accordée le 21 avril 1992 aux consorts Ricou ainsi que d’un accord de principe au sujet du plan financier délivré à ces derniers en février 1992.

En juin 1994, les travaux n’avaient pas encore commencé et l’accord financier précité a été renouvelé au profit des consorts suivants formant une société simple, à savoir Remob S.A (ci-après : Remob), Comptoir hypothécaire et industriel S.A. (ci-après : Comptoir hypothécaire et industriel), DPF Moser & consorts (ci-après : DPF), Madame Eve Brantschen et Messieurs Pietro dit Pierre Sartorio, Georges Philippe et Edward Kossoy. Ces derniers avaient acquis la parcelle des consorts Ricou avant le début de la construction. Ils devaient faire figurer sur le panneau de chantier l’indication suivante : « Construction de 19 logements à vendre en PPE, soumis au contrôle de l’Etat selon la loi du 29 juin 1957 ».

Selon les extraits du registre foncier (ci-après : RF) du 14 mars 2012, les appartements litigieux appartenaient en PPE, depuis le 20 juin 1996, à la société simple composée des sept membres susmentionnés.

Suite à la faillite de Remob en 1997, les six autres membres de la société simple ont acheté, en propriété commune, à la masse en faillite de Remob, les droits indivis liés à l’immeuble susmentionné, par acte notarié du 23 mars 1998 et inscrit au RF le 30 avril 1998. Les droits indivis ainsi transférés portaient notamment sur sept appartements, parmi lesquels figuraient les deux appartements litigieux.

En mars 2002, Madame Brantschen a vendu aux cinq autres membres restants de la société simple, à savoir Comptoir hypothécaire et industriel, DPF, Messieurs Sartorio, Philippe et Kossoy (ci-après : les propriétaires), en propriété commune, ses droits indivis liés à l’immeuble susmentionné. Ceux-ci portaient entre autres sur sept appartements, parmi lesquels figuraient les deux appartements litigieux. Ce transfert de propriété a été inscrit au RF le 6 juin 2002. Les acheteurs ont repris les droits et obligations découlant des contrats de bail en cours.

L’appartement n° 5.01 a été loué à Monsieur Brian Harris entre le 1er décembre 1996 et le 30 juin 2011. L’appartement 7.01 a été loué à Madame et Monsieur Marie-Claude et Alain Motz du 1er décembre 1996 au 30 novembre 2012.

Le 18 octobre 2011, les propriétaires, par l’intermédiaire de leur notaire, ont requis l’autorisation de vendre l’appartement n° 5.01, ainsi que la cave et le box y afférents, au profit de Madame Christiane Pranal-Mayor pour le prix de CHF 1'500'000.-.

Par arrêté du 14 novembre 2011, le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département de l’urbanisme (ci-après : le département), a autorisé l’aliénation sollicitée au prix précité (VA 11'475). L’appartement était compris dans un immeuble soumis au régime de la PPE depuis sa construction et était destiné à la vente dès l’origine.

L'autorisation de vente VA 11'475 a été publiée le 18 novembre 2011 dans la Feuille d’Avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

Le 21 décembre 2011, les propriétaires, par l’intermédiaire de leur mandataire, ont requis l’autorisation de vendre l’appartement 7.01, ainsi que la cave et le box y afférents, au profit de Sogeprim S.A., pour le prix de CHF 1'400'000.-. Le nouvel acquéreur s’engageait à reprendre les droits et obligations découlant du contrat de bail de Mme et M. Motz.

Le 2 janvier 2012, l’Association genevoise des locataires (ci-après : ASLOCA) a recouru contre l’autorisation VA 11'475 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant principalement à son annulation et préalablement à ce que le département produise un certain nombre de pièces. Le recours a été enregistré sous la cause n° A/9/2012.

Par arrêté du 6 février 2012, le département a autorisé la seconde aliénation sollicitée au prix susmentionné (VA 11'550). L’appartement était compris dans un immeuble soumis au régime de la PPE depuis sa construction et était destiné à la vente dès l’origine. L’acquéreur s’engageait à reprendre les droits et obligations découlant du contrat de bail conclu avec Mme et M. Motz.

L'autorisation de vente VA 11'550 a été publiée le 10 février 2012 dans la FAO.

Le 5 mars 2012, le département a transmis au TAPI le dossier VA 11'475.

Le 12 mars 2012, l’ASLOCA a recouru contre l’autorisation VA 11'550 auprès du TAPI, en concluant préalablement à ce que le département produise un certain nombre de pièces, et principalement à son annulation. Le recours a été enregistré sous la cause n° A/812/2012.

Le 21 mars 2012, les propriétaires ont conclu principalement à l’irrecevabilité du recours A/9/2012 et subsidiairement à son rejet.

Le 20 avril 2012, l’ASLOCA a persisté dans ses conclusions relatives au recours A/9/2012.

Les 19 et 26 avril 2012, les parties ont sollicité la suspension de l’instruction de la procédure A/812/2012, au motif qu’elle soulevait les mêmes questions que celles de la procédure A/9/2012.

Le 30 avril 2012, le département a transmis au TAPI le dossier VA 11'550.

Les 4 et 7 mai 2012, le département et les intimés ont respectivement maintenu leur position dans le cadre du recours A/9/2012.

Par jugement du 15 mai 2012, le TAPI a joint les deux recours susmentionnés sous la cause n° A/9/2102 et refusé de suspendre l’instruction de la procédure A/812/2012. Il les a rejetés, au motif que les deux appartements litigieux étaient soumis au régime de la PPE dès leur construction achevée en 1996 et que le département devait autoriser leur aliénation en vertu de l’art. 39 al. 4 let. a de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

En application de l’art. 72 LPA, le recours n° A/812/2012 n’avait pas à être instruit davantage, dans la mesure où il apparaissait d’emblée manifestement mal fondé.

Par acte posté le 15 juin 2012, l’ASLOCA a fait « appel » du jugement du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation des autorisations de vente n° VA 11'475 et VA 11'550. Elle a préalablement conclu à la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties afin de vérifier le statut des appartements de l’immeuble en cause. Malgré une écriture difficilement compréhensible, les griefs soulevés sont en substance les suivants.

La let. c de l’art. 39 al. 4 LDTR primait la let. a de cette même disposition. Bien que reconnaissant le caractère alternatif des conditions de cette norme, l’ASLOCA estimait qu’il n’était pas possible de choisir entre les quatre lettres de ladite disposition pour accorder l’autorisation d’aliéner. De plus, l’art. « 29 » al. 2 LDTR l’emportait sur les quatre motifs de l’art. 39 al. 4 LDTR. La revente d’appartement devait porter sur tous les appartements locatifs et ne pouvait pas démanteler de tels blocs. Les deux appartements litigieux avaient été loués et étaient intégrés dans un bloc de sept appartements. Il incombait aux propriétaires de prouver que les cinq autres appartements étaient aussi loués.

Le 21 juin 2012, le TAPI a transmis son dossier sans observations.

Le 25 juillet 2012, le département a conclu au rejet du recours au motif que l’immeuble litigieux était soumis, depuis sa construction, au régime de la PPE et qu’il n’était pas affecté à la location. Comme l’art. 39 al. 4 let. a LDTR était réalisé, il devait octroyer l’autorisation d’aliéner.

Le 6 août 2012, les propriétaires ont conclu au rejet du recours au motif que les conditions de l’art. 39 al. 4 LDTR étaient alternatives et que la lettre a de cette disposition trouvait application. Les autorisations d’aliéner litigieuses devaient donc être octroyées.

Les deux appartements avaient été construits en 1996 sous le régime de la PPE dans le cadre d’une opération immobilière visant à mettre sur le marché dix-neuf appartements en PPE. Les appartements avaient été construits de manière individualisée et il n’y avait jamais eu de bloc d’appartements. Ils avaient été mis en location car les propriétaires ne trouvaient pas d’acquéreurs.

Les appartements litigieux étaient détenus, dès l’origine, en propriété commune par les membres de la société simple, et non par la seule société Remob. Ils avaient ainsi toujours appartenu en propriété commune aux intimés. Seule la composition de la société simple avait varié, passant de sept membres originels aux cinq membres actuels, en raison de la faillite de Remob et de la sortie de Madame Brantschen. Il n’y avait pas eu de vente en bloc des appartements litigieux.

Le 20 septembre 2012, les intimés ont déclaré n'avoir aucune observation ou requête à formuler.

Le 21 septembre 2012, l’ASLOCA a persisté dans ses conclusions et en a pris deux nouvelles à titre « préparatoire ». L’une tendait à « ordonner au DCTI tous les arrêtés de vente délivrés par le service adéquat pour l'historique », et l’autre à ordonner l’audition du conseiller d'Etat en charge du DCTI ou de l’un de ses collaborateurs.

Les appartements n’avaient pas été vendus individuellement car ils étaient détenus en copropriété par les intimés formant une société simple avec des droits indivis. Ils étaient de ce fait « ensemble ». Les appartements litigieux n’étaient pas soumis à la PPE dès leur construction « puisqu’il n’y avait pas d’appartements en PPE qui soient individualisés à cette époque ». Ayant été loués pendant seize ans, les appartements en PPE en cause étaient « convertis en des appartements locatifs ».

Le 15 octobre 2012, les intimés ont contesté les allégués de l’ASLOCA et persisté dans leurs conclusions. Ils ont également conclu à ce que l’ASLOCA soit condamnée à une amende pour plaideur téméraire.

Par courrier du 13 décembre 2012, le conseil des intimés a informé le juge délégué du décès de M. Kossoy survenu le 11 octobre 2012. Ses deux héritières étaient Mesdames Karin Ohry-Kossoy et Agnieszka Ptak Kossoy, domiciliées à Genève. Elles demandaient la reprise de la procédure dans l’hypothèse où elle devait être suspendue en raison du décès. Elles adhéraient aux conclusions prises dans l’écriture des intimés du 15 octobre 2012.

Mme Ohry-Kossoy avait été désignée aux fonctions d’exécutrice testamentaire, comme le confirmait l’attestation de la Justice de paix du 27 novembre 2012. Elle avait établi, le 30 novembre 2012, une procuration en faveur de Monsieur François Moser et/ou Monsieur Stéphane Jaggi aux fins de signer tout acte portant promesse de vente et vente des droits de copropriété dépendant de la succession de M. Kossoy liés à la parcelle n° 3'126 susmentionnée et en particulier au bâtiment n° E643.

Le 17 décembre 2012, le juge délégué a informé les parties qu'il n'y avait pas lieu de suspendre la cause, et que celle-ci était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

De jurisprudence constante, l’ASLOCA a qualité pour agir au sens de l’art. 45 al. 5 LDTR (ATA/143/2013 du 5 mars 2013 ; ATA/725/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/270/2012 du 8 mai 2012 consid. 3 ; ATA/130/2007 du 20 mars 2007 consid. 2 ; ATA/571/2006 du 31 octobre 2006 consid. 2 et les arrêts cités).

La qualité pour défendre de de M. Kossoy sera reprise par ses héritières et le nom des parties modifié en ce sens.

La recourante sollicite différentes mesures d'instruction, soit une audience de comparution personnelle des parties afin de vérifier le statut des appartements de l’immeuble en cause, l'audition du conseiller d'Etat en charge du département et - pour autant que l'on puisse comprendre la conclusion y afférente - la production par ce dernier de l'ensemble des arrêtés d'autorisation de vente relatifs à l'immeuble.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

Au vu des questions juridiques à résoudre, les mesures d'instruction sollicitées ne sont pas pertinentes pour l'issue du litige, les éléments nécessaires au prononcé du présent arrêt figurant déjà au dossier. Les demandes de la recourante seront donc rejetées.

L’aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d’étages ou de parties d’étages, d’actions, de parts sociales), d’un appartement à usage d’habitation jusqu’alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l’appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR).

Le Conseil d’Etat a constaté qu’il y a pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d’une à sept pièces inclusivement (Arrêtés du Conseil d’Etat déterminant les catégories d’appartements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 LDTR, du 27 juillet 2011 - ArAppart - L 5 20.03).

En l’espèce, les appartements nos 5.01 et 7.01 comportent quatre pièces chacun et étaient respectivement jusqu’en juin 2011 et novembre 2012 sur le marché locatif. Ils entrent ainsi en raison de leur type dans la catégorie de logements où sévit la pénurie, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Ils sont à ce titre soumis à autorisation d’aliéner en vertu de cette loi et la chambre de céans est compétente ratione materiae pour contrôler la conformité à la loi des opérations d'aliénation en question.

Le département doit refuser l’autorisation lorsqu’un motif prépondérant d’intérêt public ou d’intérêt général s’y oppose. L’intérêt public et l’intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l’affectation locative des appartements loués.

Selon l’art. 39 al. 4 LDTR, le département autorise l’aliénation d’un appartement si celui-ci a été, dès sa construction, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue (let. a) ; s’il était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu’il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; s’il n’a jamais été loué (let. c) ; ou s’il a fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L’autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d’assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d’habitation ayant été mis en PPE et jusqu’alors offerts en location, avec pour condition que l’acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l’obtention d’une autorisation individualisée. L’hypothèse visée à la lettre a n’exige pas l’individualisation de l’appartement, mais sa soumission au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue dès sa construction.

En cas de réalisation de l’une des hypothèses de l’art. 39 al. 4 LDTR, le département est tenu de délivrer l’autorisation d’aliéner (ATA/215/2013 du 9 avril 2013 consid. 7 ; ATA/784/2012 du 20 novembre 2012 consid. 7 ; ATA/725/2012 déjà cité consid. 8 ; ATA/826/2001 du 11 décembre 2001 consid. 2 ; ATA/647/2000 du 24 octobre 2000 consid. 4), ce qui résulte d’une interprétation tant littérale (le texte indique que l’autorité « accorde » l’autorisation, sans réserver d’exception) qu’historique (l’art. 9 al. 3 aLDTR, dont le contenu est repris matériellement à l’art. 39 al. 4 LDTR, prévoyait expressément que l’autorité ne pouvait refuser l’autorisation) du texte légal. Il n’y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l’art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l’art. 39 al. 4 LDTR sont par ailleurs alternatives, ce qui résulte notamment de l’incompatibilité entre les let. a et b de cette disposition (ATA/784/2012 déjà cité consid. 7 ; ATA/725/2012 déjà cité consid. 8).

A l’inverse, au vu de la marge d’appréciation dont elle dispose, et lorsqu’aucun des motifs d’autorisation expressément prévus par l’art. 39 al. 4 LDTR n’est réalisé, l’autorité doit rechercher si l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt privé du recourant à aliéner l’appartement dont il est propriétaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.2/1999 du 19 avril 1999, consid. 2f, rés. in SJ 1999 II 287 ; ATA/104/2011, ATA/103/2011, ATA/102/2011 et ATA/101/2011 du 15 février 2011, confirmés par les Arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011, 1C_139/2011, 1C_141/2011 et 1C_143/2011 du 14 juillet 2011).

En l'espèce, selon les extraits du RF et le cahier de répartition des locaux déposé au service du cadastre en juin 1996, les appartements nos 5.01 et 7.01 ont été constitués en PPE depuis la construction de l’immeuble en 1996. Ils appartenaient, depuis le 20 juin 1996, aux membres de la société simple constituée des propriétaires actuels et de deux autres personnes, à savoir Remob et Mme Brantschen, en propriété commune. Les parts indivises de Remob, qui a fait faillite en 1997, ont été rachetées par les propriétaires actuels et Mme Brantschen en 1998. Cette dernière a quitté la société simple en 2002 et a alors vendu ses parts indivises aux cinq membres actuels de la société simple, à savoir les propriétaires intimés.

Dès lors et conformément à la jurisprudence précitée, le département était tenu de délivrer l’autorisation d’aliéner.

Les autres arguments soulevés par la recourante, en particulier le bloc que formaient les deux appartements litigieux avec cinq autres appartements du même immeuble, sont sans pertinence pour l'issue du litige, du moment que l'une des conditions alternatives de l'art. 39 al. 4 LDTR est réalisée.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

En l’espèce, la chambre de céans renoncera à infliger à la recourante une amende en application de l’art. 88 LPA, étant précisé que la conclusion des intimés à cet égard est irrecevable (ATA/781/2012 du 19 novembre 2012 consid. 10 ; ATA/27/2010 du 19 janvier 2010 consid. 10 ; ATA/31/2009 du 20 janvier 2009).

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée aux intimés, pris conjointement et solidairement, à charge de la recourante, dès lors qu'ils y ont conclu et qu'ils ont eu recours aux services d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2012 par l’ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de l’ASLOCA un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de procédure unique de CHF 2'000.-, à charge de l’ASLOCA, à l’Hoirie de feu Monsieur Edward Kossoy, soit pour elle, Madame Karine Ohry-Kossoy et Madame Agnieszka Ptak Kossoy, à Messieurs Georges Philippe et Pietro dit Pierre Sartorio, à DPF Moser et consorts et au Comptoir hypothécaire et indusrtiel S.A., pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romolo Molo, avocat de la recourante, à Me François Bellanger, avocat de l'hoirie de Monsieur Edward Kossoy, soit pour elle, Madame Karine Ohry-Kossoy et Madame Agnieszka Ptak Kossoy, de Messieurs Georges Philippe et Pietro dit Pierre Sartorio, de DPF Moser & consorts et de Comptoir hypothécaire et industriel S.A., au département de l'urbanisme ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :