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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1886/2004

ACOM/41/2005 du 09.06.2005 ( CRUNI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.07.2005, rendu le 09.02.2006, REJETE, 2P.182/05
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1886/2004-CRUNI ACOM/41/2005

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 9 juin 2005

 

dans la cause

 

Madame M__________
représentée par Me Eric Beaumont, avocat

contre

UNIVERSITé DE GENèVE

et

FACULTé DES SCIENCES; éCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

 

(élimination DEA)


1. Madame M__________(ci-après : Mme M__________, l'étudiante ou la recourante), s'est immatriculée à l'université de Genève en octobre 1993 et inscrite à l'institut universitaire d'études du développement. Elle a obtenu un diplôme en études du développement en 1995.

2. En novembre 1995, Mme M__________ a demandé à être admise à la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté ou l'intimée) afin de briguer un DES en "Etudes femmes".

3. Le 13 janvier 1996, Mme M__________ a requis l'échelonnement des différents cours qui figurent au programme du DES suivi, afin d'alléger sa charge horaire. Le 31 janvier 1996, la faculté a refusé cette demande au motif qu'il est impossible de déroger aux dispositions réglementaires relatives au déroulement des études lorsqu’une autorisation de séjour en Suisse est délivrée aux fins d'y poursuivre lesdites études.

4. A la suite de divers problèmes de santé, Mme M__________ a été absente à certains examens aux sessions de février et d'octobre 1996. Ces absences ont été excusées au moyen de certificats médicaux.

5. Au mois de juin 1996, Mme M__________ a demandé à être admise à l'institut d'architecture afin d'y briguer un DES en urbanisme et aménagement du territoire. Aucun examen n'a été présenté pour ce diplôme.

6. Par courrier daté du 2 mai 1997, Mme M__________ a sollicité une prolongation de la durée de ses études afin de pouvoir rédiger et soutenir son mémoire de DES en "Etudes femmes", en argumentant sur ses problèmes de santé et sur la situation chaotique prévalant dans son pays d'origine, le Zaïre. Le 2 juillet 1997, la faculté a informé Mme M__________ que le délai imparti pour mener à terme son DES était fixé au 31 mars 1998.

7. Par courrier daté du 30 mars 1998, Mme M__________ a averti la faculté du retard pris dans la préparation de son mémoire de DES et l'a priée de lui accorder un délai jusqu'à la fin du mois de septembre 1998 afin de le présenter.

8. Le 13 juillet 1998, la faculté a refusé cette demande de prolongation et a conseillé à Mme M__________ de s'exmatriculer et de se réimmatriculer lorsque le mémoire serait en voie d'achèvement. Par courrier du 8 janvier 1999, Mme M__________ a informé la faculté de sa volonté de s'exmatriculer du DES "Etudes femmes".

9. Au mois d'août 1999, Mme M__________ a sollicité son admission à la faculté des sciences afin d'y briguer un certificat en écologie. Elle a également demandé à être réadmise à la faculté afin de soutenir son mémoire de DES "Etudes femmes". Cette dernière demande a été refusée au motif que le mémoire n'avait pas été entrepris ni effectué dans les délais prévus par le règlement d'études. La faculté a toutefois précisé ne vouloir se prononcer définitivement que lorsqu'un calendrier précis sur la préparation du mémoire aurait été établi.

10. Par lettre datée du 24 juillet 2002, Mme M__________ a prié la faculté de pouvoir se réinscrire au DEA en "Etudes Genre", qui a remplacé le DES "Etudes femmes". Le 11 octobre 2002, la faculté a accepté cette réinscription aux conditions suivantes : Semestre d'hiver 2002-2003: inscription à l'enseignement obligatoire "Réflexions autour du concept de genre", examen obligatoire à la session de mars 2003; premier exercice de recherche/Semestre d'été 2003: deuxième exercice de recherche; révision du sujet de mémoire et mise en place du calendrier de sa réalisation sous la direction de l'enseignant qui aura été désigné de concert avec la coordinatrice du DEA. La faculté a précisé que le délai de réussite de l'examen du cours obligatoire et des deux travaux de recherche était fixé au mois d'octobre 2003, sous peine d'exclusion. Quant au délai de conclusion du travail de mémoire, soutenance comprise, il était fixé au mois de mars 2004.

11. A la session de février 2003, Mme M__________ a obtenu la note de 5 à l'examen de "Réflexions autour du concept de genre". Lors de la session de juin 2003, elle a obtenu la note de 4 au premier exercice de recherche.

12. Elle a effectué un deuxième exercice de recherche sous la direction de Mme Patricia Hudelson, chargée de cours à l'université de Genève. Dans un document intitulé "suggestions de thèmes de recherches", il est indiqué qu'il est impératif d'avoir suivi le cours sur lequel l'exercice de recherche va porter, soit en l'occurrence le cours "genre et santé". Ce dernier enseignement n'a pas été donné au semestre d'été 2003, faute de participants.

13. Un entretien entre Mme Hudelson et Mme M__________ a eu lieu le 15 avril 2003 sur le mémoire de DEA. L'étudiante a transmis le projet de son travail le 17 avril 2003 par courriel.

14. Le 9 mai 2003, Mme Hudelson et Mme M__________ se sont rencontrées afin de discuter d'un exercice de recherche sur le thème "VIH/SIDA dans le contexte de conflits armés".

15. Par courriel du 17 juin 2003, Mme Hudelson a demandé à Mme M__________ de lui rendre un article qu'elle lui avait prêté. N'ayant pas eu de nouvelles de sa part, elle indiquait présumer de la volonté de l'étudiante de ne plus effectuer l'exercice de recherche discuté. Elle l'a informée de son départ en vacances programmé au 24 juin 2003

16. Mme M__________ a répondu par un courriel du 19 juin 2003. Elle avait finalisé son projet d'exercice de recherche et souhaitait le lui soumettre avant son départ en vacances. Elle tenait beaucoup à ce travail.

17. Le vendredi 3 octobre 2003, Mme M__________ a envoyé son exercice de recherche à Mme Hudelson. Le lundi 6 octobre, elle lui a transmis une nouvelle version de son travail, qui remplaçait la précédente.

18. Le 9 octobre 2003, Mme Hudelson a communiqué à Mme M__________ ses commentaires ainsi que ceux de sa collègue Mme Barbara Broers. Ce document précisait en détail les critères d'évaluation qui avaient été donnés par écrit au mois de juin à l'étudiante. Ils étaient décomposés en huit sous-critères. Les différents problèmes et critiques du travail étaient développés et motivés sur une page et demie. Les conclusions étaient les suivantes : "L'exercice montre que l'étudiante comprend bien le concept du "genre", et qu'elle justifie l'intérêt pour ce sujet important, même s'il faut chercher les raisons de l'étude un peu partout dans le texte. Mais l'exercice présente un regard très superficiel sur le problème, et ne va pas très loin dans l'analyse de l'impact du conflit armé sur les risques HIV pour les femmes et les hommes. L'exercice ne contient pas un vrai cadre conceptuel, ne formule pas des questions de recherche claires, et ne fait pas une recherche de la littérature appropriée aux questions de recherches. De plus, le document est mal organisé et pas très bien écrit (phrases incomplètes, bibliographie et références mal présentées). Le travail est dès lors considéré comme insuffisant pour le niveau d'un DEA". Le même jour, les commentaires ont été transmis à la coordinatrice du DEA, et la note de 3 a été attribuée par Mmes Hudelson et Broers.

19. Mme M__________ a demandé à pouvoir retravailler son texte afin d'en améliorer la qualité. Un ultime délai au matin du 10 octobre 2003 lui a été accordé, ce dont la coordinatrice du DEA a été informée.

20. Une nouvelle version de l'exercice de recherche a été envoyée à Mme Hudelson le 10 octobre 2003 à 12h15. Cette dernière l'a trouvé amélioré, mais toujours insuffisant. Elle a donc confirmé la note de 3 et en a informé l’étudiante ainsi que la coordinatrice du DEA.

21. Mme M__________ ayant ainsi obtenu la note de 3 au deuxième exercice de recherche, la faculté lui a notifié son exclusion le 22 octobre 2003.

22. Par courrier daté du 17 novembre 2003, Mme M__________ a formé opposition contre la décision d'exclusion du 22 octobre 2003. Le cours choisi pour effectuer le deuxième exercice de recherche n'avait pas été donné, faute de participants. Elle n'avait pu bénéficier de commentaires et d'un soutien lors de la rédaction de son exercice de recherche. Estimant avoir être traitée contrairement au principe de l'égalité de traitement, elle demandait à pouvoir bénéficier d'un délai supplémentaire afin de pouvoir retravailler son texte en fonction des remarques de Mme Hudelson.

23. Le 2 juillet 2004, Mme Hudelson s'est déterminée par écrit sur l'opposition de Mme M__________. Cette dernière lui avait demandé de superviser son mémoire de DEA. Un document de 125 pages de très mauvaise qualité lui avait été présenté. Mme M__________ avait voulu faire un de ses exercices de recherche avec elle. Cette dernière avait insisté pour faire un tel exercice, nonobstant le fait qu'elle n'avait pas suivi le cours donné sur le sujet. S'il était vrai qu'elle n'était, pour commencer, pas tout à fait au clair sur la marche à suivre, Mme M__________ attendait toutefois des détails très précis sur la manière d'écrire son exercice de recherche, précisant vouloir le retravailler jusqu'à ce qu'il soit suffisant. Mme Hudelson lui avait alors expliqué qu'un tel exercice était "un travail encadré mais indépendant". Elle lui avait donné les critères d'évaluation et avait discuté des concepts de base avec l'étudiante en lui demandant de revenir la voir, avant de commencer à écrire, lorsqu'elle aurait développé les premiers points de sa recherche. Elle n'avait plus eu de nouvelles durant plusieurs mois, avant de recevoir l'exercice peu avant l’expiration du délai.

24. Par décision du 9 août 2004, la faculté a rejeté l'opposition. Mme Hudelson avait bien rempli son rôle de directrice de recherche. Une évaluation préliminaire n'avait pu être donnée en raison de la tardiveté avec laquelle l'étudiante avait remis son travail. Rien n'obligeait en outre un enseignant à corriger plusieurs versions d'un même travail.

25. Par acte du 10 septembre 2004, Mme M__________ a saisi la commission de recours de l'université (CRUNI) d’un recours contre la décision précitée. Elle conclut à l'annulation de la décision d'élimination du 9 août 2004 et à l'octroi d'un délai raisonnable pour terminer son DEA "Etudes Genre". Elle devait être mise au bénéfice d'une dérogation en raison de l'existence de circonstances exceptionnelles. La rédaction et la présentation de l'exercice de recherche n'avaient pas bénéficié de l'encadrement nécessaire en raison de l'inexpérience de Mme Hudelson. Le cours sur lequel l'exercice de recherche portait n'avait pas été donné par la faculté. La décision violait le principe d'égalité de traitement, car les autres étudiantes avaient eu l'occasion de corriger leurs travaux.

26. Dans sa réponse du 15 octobre 2004, la faculté s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et conclut à son rejet sur le fond.

La note de 3 octroyée au deuxième exercice de recherche ne devait pas être remise en question. L'évaluation de ce travail n'était pas arbitraire. C'était l'étudiante elle-même qui n'avait pas donné de nouvelles à Mme Hudelson durant la préparation de son exercice de recherche. Il n'était pas usuel que de tels travaux soient corrigés et retravaillés jusqu'à ce que leur niveau soit suffisant. Aucune circonstance exceptionnelle n'existait dans ce cas, les spécificités de la situation de Mme M__________ ayant déjà été largement prises en compte. L'argument portant sur l'absence du cours dont le sujet avait fait l'objet d'un exercice de recherche n'était pas pertinent, un tel cours étant organisé à partir de l'inscription d'une personne. S'il n'avait pas été organisé c'est donc en raison de l'absence de toute inscription. Le parcours universitaire chaotique de Mme M__________ ne permettait pas de justifier une quelconque circonstance exceptionnelle à ce stade de la procédure.

27. Par courrier du 2 novembre 2004, le conseil de Mme M__________ a demandé à pouvoir répliquer. Le 4 novembre 2004, la CRUNI a ordonné un second échange d'écritures.

28. Dans sa réplique du 15 décembre 2004, Mme M__________ a maintenu sa position et a conclu à l'effet suspensif de son recours. Elle n'avait pas eu l'occasion de suivre le cours sur le sujet afin de préparer son exercice de recherche. Le règlement de la faculté n'autorisait des travaux obligatoires que dans le cadre d'un enseignement. Mme Hudelson n'avait remis des commentaires sur son travail que la veille de la date de remise, malgré ses demandes répétées. Son parcours universitaire ne saurait être qualifié d'incohérent. Son mémoire de DEA était pratiquement terminé en 1999.

29. Le 24 janvier 2005, la faculté a demandé à la CRUNI une prolongation de son délai pour déposer sa duplique aux motifs que certains points devaient être éclaircis, la directrice du DEA en "Etudes genre" et la coordinatrice ayant pris leur retraite le 1er septembre 2004. Une prolongation d'un mois a été accordée.

30. Dans sa duplique du 28 février 2004 (recte : 2005), la faculté a persisté dans ses conclusions. Le mémoire de Mme M__________ était loin d'être achevé. L'encadrement de l'étudiante était suffisant. Seules les prestations académiques de Mme M__________ étaient insuffisantes. La situation de cette dernière avait déjà été largement prise en compte dans son parcours universitaire.

31. Les parties et Mme Hudelson ont été entendues le 14 avril 2005 en audience de comparution personnelle et d'enquêtes à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées. Elles ont principalement confirmé leur position.

a. Mme Hudelson, entendue à titre de renseignement et dûment déliée de son secret de fonction, a précisé n'avoir jamais reçu de plan ou de projet de l'exercice de recherche avant le 6 octobre 2003. Elle n'avait, en outre, eu aucune nouvelle de Mme M__________ entre les échanges de courriels du mois de juin 2003 et ceux d'octobre 2003. Lors des deux premiers jours du cours "genre et santé" personne ne s'était présenté dans la salle. Il avait donc été annulé. Il était à son avis possible de comprendre le concept de "genre et santé" ainsi que d'écrire un exercice de recherche sur le sujet sans avoir suivi son cours. Lorsque la recourante était venue la voir au mois d'avril 2003 pour son exercice de recherche, il était déjà acquis que le cours "genre et santé" n'aurait pas lieu. Mme Hudelson avait enfin ajouté qu'elle avait donné plus de conseils à Mme M__________ et passé plus de temps avec elle qu'avec tous les autres étudiants qui avaient effectué un exercice de recherche sous sa direction.

b. Mme Christiane Antoniades, représentant la faculté, a exposé qu'il était conseillé, mais non obligatoire, aux étudiants de suivre le cours relatif au domaine dans lequel ils allaient faire leur exercice de recherche. Le premier exercice de recherche de Mme M__________ avait été refusé au mois de mars 2003. La situation de cette étudiante avait déjà été largement prise en compte, car elle avait eu à sa disposition plus de trois ans après sa première inscription, puis trois semestres lors de sa deuxième inscription, pour achever son DEA, alors que les autres étudiants bénéficiaient d'un délai total de quatre semestres.

c. Mme M__________ a affirmé avoir remis un plan de son exercice de recherche à Mme Hudelson au mois d'avril 2003. Elle avait choisi de faire son exercice de recherche dans le cadre du cours "genre et santé", car il était proche de son sujet de mémoire de diplôme. Elle avait essayé de convaincre Mme Hudelson de donner son cours. Elle n'avait pas eu de contact avec Mme Hudelson entre les mois de juin 2003 et d'octobre 2003, car cette dernière ne voulait pas voir son travail. Elle ajoutait ne pas avoir remis son exercice de recherche avant le 6 octobre 2003, car elle était à la recherche d'un document nécessaire à sa démonstration. Elle avait, en outre, eu l'occasion de modifier et de discuter son premier exercice de recherche avec l'enseignant responsable avant que la note ne soit attribuée. Elle confirmait ne pas contester la note de 3 obtenue à son deuxième exercice de recherche, mais uniquement le manque de soutien et de suivi de l'enseignante responsable.

1. a. Dirigé contre la décision sur opposition du 9 août 2004 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

b. Dans sa réplique du 15 décembre 2004, la recourante conclut à l'effet suspensif de son recours. Or, celui-ci est automatique, en application des articles 28 alinéa 1 RIOR et 66 alinéa 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Cette conclusion préliminaire est donc sans objet.

2. a. L'article 63B LU fixe les conditions d'accès à l'université et dispose en son alinéa 1 qu'elle est ouverte à toute personne remplissant les conditions d'immatriculation et d'inscription. Les conditions d'immatriculation et d'inscription dans une faculté sont donc cumulatives et sont fixées par le règlement de l'université (art. 63D, al. 3 LU). Selon l'article 20 alinéa 3 RU, après une année d'immatriculation, il faut une autorisation du doyen ou du président d'école pour changer de faculté. Cette autorisation peut être donnée conditionnellement ou refusée. La présence du verbe pouvoir dans l'alinéa précité octroie à la faculté une large liberté d'appréciation. Elle peut donc accepter l'admission, l'accepter sous condition ou la refuser. Il s'agit de ce que la doctrine appelle une "Kann-Vorschrift" (voir Pierre Tschannen, Ulrich Zimmerli, Allgemeines Verwaltungsrecht, Berne, 2005, p. 186-187).

b. La recourante a été immatriculée de 1996 à 1999 à l'université de Genève, en faculté des sciences économiques et sociales, afin d'y briguer un DES en "Etudes femmes". Elle a également été inscrite en 1996 à l'institut d'architecture et en 1999 à la faculté des sciences. Suite à ce parcours, l'intimée pouvait donc traiter la demande de réinscription du 24 juillet 2002 au DEA en "Etudes Genre" de manière similaire à une demande de changement de faculté et le doyen de l'intimée pouvait donc soumettre l'inscription de Mme M__________ à des conditions spéciales.

c. Selon l'article 5 du règlement du DEA "Etudes Genre", dans sa version valable pour l'année académique 2002-2003, la durée des études est de deux semestres au minimum et de quatre semestres au maximum, soutenance du mémoire comprise. La recourante ayant déjà suivi durant trois ans le programme du DES "Etudes femmes", qui a été remplacé par le DEA "Etudes Genre", la faculté pouvait ainsi limiter la durée des études de la recourante à trois semestres, et exiger la réussite de l'enseignement obligatoire "Réflexions autour du concept de genre" et de deux exercices de recherche avant la fin du mois d'octobre 2003, sous peine d'élimination. Il sied d'ailleurs de relever que le DES "Etudes femmes" avait, en principe une durée d'un an (voir art. 6 du règlement DES "Etudes femmes" pour l'année 1995-996 et art. 6 du règlement DES "Etudes femmes" pour l'année 1997-1998). Or, Mme M__________ a suivi cette formation durant trois ans, sans pour autant obtenir ce diplôme. Il pouvait ainsi se justifier de limiter la durée du DEA "Etudes Genre" pour la recourante, au vu de son cursus passé et des connaissances ainsi acquises.

d. Il ressort ainsi des éléments qui précèdent que l'acceptation de l'inscription sous conditions, telle qu'elle figure dans le courrier du 11 octobre 2002 de la faculté, est conforme à l'article 20 alinéa 3 RU. La recourante ne remet au demeurant pas en cause ces conditions.

3. a. Selon l'article 63D alinéa 3 LU, les conditions d'élimination des étudiants sont fixées par le RU. A teneur de l'article 22 alinéa 2 RU, est éliminé l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d'examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d'études (let. a) ainsi que l'étudiant qui ne subit pas les examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d'études (let. b). L'article 20 alinéa 3 RU prévoyant que le doyen peut fixer certaines conditions en cas de changement de faculté après un an d’immatriculation, notamment fixer des délais de réussite, le non-respect de ces conditions doit également être considéré comme un motif d'élimination au sens de l'article 22 alinéa 2 lettre b RU. Dans le cas contraire, cela signifierait que l'article 20 alinéa 3 RU permettrait de fixer des conditions spéciales à certains étudiants, mais que l'article 22 alinéa 2 lettre b RU rendrait impossible de les appliquer. Tel ne peut être la signification de cette dernière disposition.

b. En l'occurrence, Madame M__________ a obtenu la note de 3 à son deuxième exercice de recherche au mois d'octobre 2003. Ce résultat est insuffisant (art. 55 ch. 4 du règlement d'études de la faculté des sciences économiques et sociales, année 2002-2003). N'ayant ainsi pas réussi le deuxième exercice de recherche dans le délai prescrit, c'est à juste titre qu'elle a été éliminée. Cette élimination n'est d'ailleurs pas remise en cause par la recourante sous cet angle.

4. a. Dans son recours, la recourante ne conteste pas la note de 3 obtenue à son deuxième exercice de recherche. Elle se plaint en revanche de ne pas avoir été encadrée correctement. Lors de l'audience d'enquêtes, elle a, assistée de son avocat, confirmé ce point de vue. Il convient dès lors d'examiner si le résultat de l'exercice de recherche doit être remis en cause au vu du grief allégué. A cet égard, il sied de rappeler que s'agissant de domaines spécialisés qui requièrent des connaissances spécifiques, le pouvoir de cognition de la CRUNI est limité à l'examen de la régularité de la procédure menée par les autorités universitaires qui ont statué ainsi qu'à l'absence d'arbitraire dans la décision prise (ACOM 61/2004 du 8 juillet 2004).

b. La recourante se plaint que le cours dans le cadre duquel elle a effectué son exercice de recherche n'a pas été donné. Elle produit à cet égard un document intitulé "suggestion de thèmes de recherches" qui indique qu'il est impératif d'avoir suivi le cours sur lequel l'exercice de recherche va porter.

Selon la jurisprudence, de telles directives ne sont pas des règles de droit, mais uniquement l'expression de l'opinion de l'autorité qui les a émises (ATF 117 Ib 225, 231). Le juge ne doit donc en tenir compte que dans la mesure où elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce (ATF 121 II 473, 478). Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (SJ 2005 I 253, 255; ATF 126 V 64, 68).

En l'espèce, ni le règlement du DEA, ni le règlement de la faculté, ni le RU ou la LU ne contiennent une norme qui exige impérativement d'avoir suivi le cours sur lequel un exercice de recherche va porter. Bien au contraire, l'article 6 chiffre 1 du règlement du DEA prévoit, à côté des enseignements, des séminaires et du mémoire de DEA, des travaux personnels. Les travaux de recherche n'étant pas des enseignements, des séminaires ou un mémoire de DEA, ils doivent être considérés comme un travail personnel. Cela exclut, en principe, par essence une quelconque obligation de suivre un cours afin d'effectuer un tel travail de recherche.

L'article 58 du règlement d'études sur lequel la recourante fonde une telle obligation n'est pas pertinent. En effet, à teneur de cette disposition, dans la mesure où le plan d'études d'un DEA prévoit des travaux obligatoires dans le cadre d'un enseignement, l'étudiant ne peut être admis à l'examen de cet enseignement que s'il présente un certificat attestant qu'il a bien effectué les travaux obligatoires. Cette norme ne fonde ainsi pas une obligation d'avoir suivi un cours pour effectuer un travail de recherche, mais l'obligation d'avoir réussi certains travaux obligatoires afin d'obtenir l'autorisation de présenter un examen. L'article 58 du règlement d'études prévoit, en d'autres termes, uniquement l'obligation de réussir certains travaux obligatoires pour se présenter à un examen et non l'obligation de suivre un cours pour présenter des travaux personnels.

Mme Hudelson a d'ailleurs précisé qu'il était tout à fait possible d'écrire un exercice de recherche dans la matière qu'elle enseignait sans avoir suivi son cours. L'absence du cours "genre et santé" ne saurait dès lors remettre en cause le résultat du deuxième exercice de recherche. Il sied d'ailleurs de relever qu'au mois d'avril 2003, Mme M__________ savait que le cours "genre et santé" n'aurait pas lieu. Elle a malgré tout désiré faire cet exercice de recherche dans cette branche. Elle ne saurait aujourd'hui, de bonne foi, se prévaloir de l'absence de ce cours pour justifier son échec.

c. Mme M__________ allègue ne pas avoir été suffisamment encadrée par Mme Hudelson lors de son exercice de recherche. La CRUNI a déjà relevé qu'un tel exercice est considéré comme un travail personnel par l'article 6 chiffre 1 du règlement du DEA (cf. supra consid. 4.b). Contrairement à l'article 6 chiffre 2 du règlement précité qui prévoit que le mémoire de DEA est fait sous la responsabilité d'un membre du corps enseignant – ce qui comprend un minimum d'encadrement -, il n'existe pas de norme semblable pour les exercices de recherche. Point n'est toutefois besoin de déterminer si une telle exigence existe pour de tels travaux personnels. En effet, la recourante est en l'espèce elle-même responsable de sa situation.

Il résulte du dossier que Mme M__________ a donc eu plusieurs contacts avec Mme Hudelson au printemps 2003, avant de travailler seule durant trois mois. Il est par ailleurs établi que Mme M__________ n'a donné aucune nouvelle à Mme Hudelson du 19 juin au 6 octobre 2003. Ses explications à cet égard sont des plus confuses. Elle soutient, d'un part, que Mme Hudelson ne voulait pas relire son travail et, d'autre part, qu'elle cherchait un document nécessaire à sa démonstration. Au mois de juin 2003, elle a annoncé à l'enseignante qu'elle désirait lui soumettre un projet avant son départ en vacances, prévu pour la fin du mois. Elle ne l'a pas fait. Elle a, pour la première fois, transmis un projet le 6 octobre 2003, nonobstant le fait qu'elle savait devoir impérativement avoir réussi son exercice de recherche à cette époque, sous peine d'élimination. Elle ne saurait dès lors lui faire grief de ne pas lui avoir permis de corriger un travail qu'elle lui avait remis au dernier moment.

5. La recourante se plaint d'une violation de l'égalité de traitement, car d'autres étudiants auraient eu l'occasion de corriger leurs exercices de recherches avant qu'ils soient notés. Cet argument n'est pas fondé. Premièrement, si Mme M__________ avait voulu avoir l'occasion de corriger son travail avant que la note ne soit rendue, il lui aurait appartenu de ne pas le rendre au dernier moment. Deuxièmement, il ressort du témoignage de Mme Hudelson qu'elle a reçu plus de conseils et qu'elle a bénéficié de plus de temps que les autres étudiants. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute cette affirmation.

6. Au vu de ce qui précède, il n'existe aucun élément susceptible de remettre en cause la qualité de l'encadrement dont la recourante a bénéficié pour effectuer son exercice de recherche.

7. Reste toutefois à déterminer si, comme le prétend Mme M__________, la faculté devait tenir compte de circonstances exceptionnelles au sens de l'article 22 alinéa 3 RU avant de l'éliminer.

a. Selon la jurisprudence constante, n'est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave pour l'étudiant. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont la CRUNI ne censure que l'abus (ACOM/13/2005 du 7 mars 2005; ACOM/1/2005 du 11 janvier 2005; ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées).

b. La CRUNI a ainsi jugé que des graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu'un rapport de causalité soit démontré par l'étudiant (ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées). Par contre, les difficultés financières ou économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une situation exceptionnelle (ACOM/86/2004 du 2 septembre 2004; ACOM/64/2004 du 12 juillet 2004 et les références citées).

c. A noter que la preuve et la démonstration des effets perturbateurs et du rapport de causalité par l'étudiant sont conformes au principe de l'instruction d'office.

Ce principe général de procédure administrative (ATF 128 II 139, consid. 2.b; Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, 2ème éd., Berne 2002, p. 259; Alfred Kölz, Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich, 1998, p. 37) est rappelé à l'article 10 RIOR et aux articles 19 et 20 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10; applicable par renvoi de l'art. 34 RIOR). Il contraint l'autorité d'établir d'office les faits pertinents pour un litige. Le principe d'instruction d'office n'est toutefois pas absolu et trouve notamment ses limites dans le devoir de collaboration des parties (art. 22 LPA, voir aussi Moor, op. cit., p. 260 et Thomas Merkli, Arthur Aeschlimann, Ruth HerzoG, Kommentar zum Gesetz vom 23 Mai 1989 über die Verwaltungsrechtspflege des Kantons Bern, Berne, 1997, p. 179). L'autorité n'est notamment pas tenue à instruire d'office lorsqu'il s'agit de faits que l'administré est mieux à même de connaître, car ils ont spécifiquement trait à sa situation personnelle, laquelle s'écarte de l'ordinaire (Moor, op. cit., p. 260; Merkli, Aeschlimann, Herzog, op. cit., p. 179).

Les conditions fixées par la CRUNI sur la preuve des effets perturbateurs et la démonstration du rapport de causalité par l'étudiant sont donc conformes au principe d'instruction d'office, car elles concernent des faits qui touchent la situation personnelle de l'étudiant, qu'il est mieux à même de connaître (ACOM/13/2005 du 7 mars 2005).

d. En l'occurrence, la recourante prétend que l'encadrement déficient qu'elle a eu à subir fonde une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 22 alinéa 3 RU. A supposer que cet élément puisse être retenu au titre d’une circonstance exceptionnelle, il ressort de ce qui précède que tel n’est pas le cas, Mme M__________ étant seule responsable de la situation. Quant aux éventuels problèmes médicaux ou personnels dont la recourante a souffert dans le passé, ils ont déjà été largement pris en compte. Mme M__________ a en effet été inscrite durant trois ans, puis encore durant deux semestres supplémentaires, pour briguer un diplôme d'une durée d’un an lorsqu'il s'agissait d'un DES et de deux ans depuis que c'est un DEA (voir supra consid. 2c). L'article 22 alinéa 3 RU ne trouve donc pas application dans le cas d'espèce.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

10. La recourante, assistée d'un avocat, n'obtenant pas gain de cause, elle n'a pas droit à des dépens (art. 87 al. 2 LPA applicable par le renvoi de l'art. 34 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 septembre 2004 par Madame M__________ contre la décision de la faculté des sciences économiques et sociales du 9 août 2004 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité;

communique la présente décision à Me Eric Baumont, avocat de la recourante, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Mme Bovy, présidente;
MM. Grodecki et Schulthess, membres.

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

R. Falquet

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :