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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3664/2022

JTAPI/634/2025 du 12.06.2025 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3664/2022 LCI

JTAPI/634/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me B______, avocate, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______) est une société dont le siège social se trouve à ______[GE] et le but est « ______ ».

C______ SA (ci-après : C______) est une société dont le siège social se trouve à ______[GE] et le but est « ______ ».

D______ SA (ci-après : D______) est une société dont le siège social se trouve à ______[GE] et le but est « ______ ».

2.             Le 14 janvier 2020, A______, C______ et D______ ont signé une convention d’association (ci-après : la convention) pour réaliser les travaux de gros œuvre de l’Îlot A du quartier E______ à ______[GE] pour le compte de l’entreprise générale F______ SA (ci-après : F______), créant ainsi le consortium G______ (ci-après : G______). Il était notamment stipulé dans la convention que chaque partenaire devait réaliser ses travaux sous sa propre responsabilité.

A______ et D______ étaient eux-mêmes organisés en consortium pour la réalisation des travaux de la zone B de l’Ilot A, avec un pilotage assuré par A______.

Selon un plan de découpage des zones de construction du 23 janvier 2019 joint à la convention du 14 janvier 2020, l’Ilot était découpé en trois zones A, B et C. Les zones A (soit A1 et A2) et C (soit A4 et A5) étaient sous la responsabilité d’C______ et la zone B (soit A3) sous celle de A______ et D______, cette zone étant située entre les zones A et C.

3.             Le 4 février 2020, A______ et D______ ont ainsi signé un contrat d’association pour entreprise de construction (Consortium) (ci-après : le Consortium) concernant la zone B de l’Ilot A – parking, surfaces commerciales et de loisirs, résidence étudiante.

4.             Le 21 avril 2020, F______ et G______ ont signé un contrat de sous-traitance aux termes duquel F______ entendait confier, en sous-traitance, au Consortium en tant qu’entreprise, la responsabilité de la planification et de la réalisation des travaux de béton et béton armé du bâtiment constituant l’Ilot A du nouveau quartier E______, autorisé sous la DD 1______/1 délivrée le ______2018.

Un cahier des charges Hygiènes Sécurité et Environnement (ci-après : HSE) pour sous-traitants était joint au contrat.

5.             Le 25 novembre 2021 entre 7h30 et 7h45, un accident est survenu dans l’Ilot A – dans la zone A3, rez-supérieur.

6.             Un inspecteur de l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : département ou DT) s’est rendu sur place le même jour : il a réalisé un reportage photographique et établi un rapport d’enquête.

Il a constaté une absence de coordination entre les entreprises présentes, une absence de planification des travaux, un platelage non résistant aux charges envisageables et aucune délimitation physique ou visuelle mise en place, ainsi que des voies de circulation ne résistant pas à toutes les charges envisageables.

7.             Un rapport d’accident a été établi le 13 décembre 2021 par le responsable Sécurité Qualité Environnement (ci-après : SQE) d’C______.

Des photographies ont été réalisées et un arbre des causes a été établi.

8.             Par courriel du 16 décembre 2021 adressé au responsable SQE d’C______, A______ a pris position sur ce rapport, estimant que certains faits retenus dans l’arbre des causes ne devaient pas être négatifs, et qu’il était important de ne pas confondre les causes du remède. L’activité sur le chantier C______ démarrait à 7h et lors de l’accident, à 7h30, il faisait encore nuit (lever du soleil à 7h51). Aucun rapport de sécurité n’avait relevé un quelconque défaut des platelages.

Certaines mesures étaient proposées, lesquelles n’étaient pas définies par le règlement des chantiers ou l’ordonnance de la construction, et elles ne relevaient en aucun cas d’un manquement à la réglementation en vigueur.

9.             Par courriel du 17 décembre 2021, le responsable SQE d’C______ a légèrement modifié son rapport en fonction de certaines remarques. Il avait par ailleurs bien noté les mesures préconisées.

10.         Un nouveau rapport a été émis le 17 décembre 2021.

L’accident s’était produit entre 7h30 et 7h45. Lors du transport d’une palette complète de mortier de réparation au moyen d’un chariot élévateur électrique à contrepoids, un platelage s’était effondré au passage du charriot, lequel avait chuté 5.25 mètres plus bas, blessant le chauffeur, employé d’C______.

La palette avait été déchargée d’un camion grue en bordure du chemin E______ au niveau des bâtiments A4/A5 pour être ensuite reprise et transportée vers les bâtiments A1/A2. Le chauffeur roulait dans la pénombre et se dirigeait en marche avant sous l’accompagnement d’un contremaitre ; arrivé au niveau du noyau (escaliers-ascenseur entre files 15/16 et sur la file F), le contremaitre avait passé à droite du noyau tandis que le chariot l’avait contourné par la gauche : il avait continué sa progression et roulé sur le platelage en bois posé à fleur de la dalle en béton : le platelage s’était effondré au passage du chariot.

L’arbre des faits relevait qu’à l’endroit de l’accident il n’y avait pas d’indication particulières, que le platelage était affleurant et accessible, que la zone n’était pas éclairée et qu’il n’y avait pas de plan de circulation.

Le conducteur du charriot élévateur savait qu’il ne fallait pas rouler sur les platelages en bois indépendamment de la section des ouvertures dans les dalles. Par ailleurs, le chariot possédait des feux d’éclairage sans qu’il eut pu être déterminé s’ils fonctionnaient au moment de l’accident.

11.         Le 26 janvier 2022, F______ a pris position sur ce rapport.

Selon le plan HSE, l’horaire d’hiver applicable à la date de l’accident prévoyait un horaire de travail du lundi au vendredi de 8h à 12h.

Il existait une aire de livraison A1/A2 accessible depuis la route de ______ qui aurait dû être privilégiée et aurait permis d’éviter un déplacement superflu. De ce fait, un plan de circulation interne n’était pas nécessaire.

Le Plan d’hygiène et de sécurité du Consortium relatif aux travaux de gros œuvre (ci-après : PHS GO) tenait compte du phénomène des locaux non éclairés par des mesures, soit l’installation d’un éclairage suffisant permettant de se déplacer et de travailler ; le Consortium n’avait toutefois adopté aucune mesure. En tout état, le charriot possédait des feux d’éclairage permettant d’éclairer le sol devant lui.

L’accompagnement du contremaitre était distant, négligeant et insuffisant. Par ailleurs, le conducteur, plus d’un an après son arrivée sur le chantier, ne pouvait raisonnablement ignorer la présence à l’endroit de l’accident de la trémie sur laquelle C______ savait ne pas devoir rouler.

Le risque lié par la trémie était connu du Consortium. Le platelage mis en place par le Consortium n’était de toute évidence pas résistant en cas de passage d’un chariot élévateur ; il y avait violation de leurs obligations contractuelles.

Dès lors, le Consortium n’avait pas respecté ni contrôlé les impératifs de sécurité du chantier et de la protection de ses employés. Or, il était seul responsable de la sécurité sur le chantier et de la protection de ses employés.

12.         Par courrier du 7 février 2022, le Consortium a expliqué à F______ que son rapport avait été rédigé de manière à développer une compréhension objective du processus de l’accident et non la recherche de responsabilités : ce rapport n’avait que pour but la mise en évidence des faits et non pas des interprétations ou des jugements de valeur.

La démarche d’analyse servait en premier lieu à comprendre ce qui s’était passé, à en tirer les enseignements pour prévenir tout autre accident.

Dès lors, il n’allait pas répondre point par point à ses remarques, affirmations et jugements.

Il déplorait le fait qu’F______ ait utilisé un outil d’analyse et de prévention des accidents dans le but d’établir des responsabilités et mettre en cause, dès à présent, tel ou tel collaborateur.

13.         Le 19 mai 2022, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé A______ que lors d’un contrôle sur place le 25 novembre 2021, suite à l’accident survenu le même jour, il avait été constaté que le chantier situé au chemin E______ Ilot A ne se déroulait pas dans le respect des dispositions prévue par le Règlement sur le chantier, notamment les art. 1, 3 al. 1 et 7.

Les faits suivants avaient été relevés :

-          absence de coordination entre les entreprises présente en violation de l’art. 9 de l’ordonnance sur la prévention des accidents (OPA – RS 832.30) ;

-          absence de planification des travaux en violation de l’art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (OTConst - RS 832.311.141) ;

-          platelage non résistant aux charges envisageables, cette situation étant d’autant plus regrettable qu’aucune délimitation physique ou visuelle n’avait été mise en place (violation de l’art. 3 al. 5 OTConst) ;

-          voies de circulation non résistantes à toutes charges envisageables (violation art.10 al. 1 OTConst).

Un délai de 10 jours était octroyé pour faire valoir ses observations.

14.         Un courrier identique a été adressée à D______.

15.         A______ s’est déterminée sur ce courrier le 25 mai 2022.

L’accidenté, salarié d’C______, avait traversé plusieurs zones de travail (déchargement sur A4, passage de la zone A3 pour livraison en A2) et ce malgré la cinématique logistique protocolée pour ce chantier (aire de déchargement prévue sur chaque zone).

Concernant le platelage, il existait depuis de nombreux mois et n’avait pas pour vocation à résister à ce genre de charge. En effet, aucun rapport « des préventeurs sécurité du chantier (H______, F______), ni même de demande particulière de la direction des travaux, des ingénieurs civils ou du Consortium ne stipulait cette particularité ».

Le platelage en place avait été mis en œuvre selon les préconisations en vigueur pour un chantier de construction avec des cas de charge traditionnels, c’est-à-dire avec des carrelets fichés dans le béton, des plateaux de 5 cm et un carrelet placée au centre et maintenu par des pointilles.

16.         Par décision du ______ 2022, le département a infligé à A______ une amende CHF 9'000.- pour avoir contrevenu aux art. 1, 3 al. 1 et 7 al. 1 du du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03), ainsi que 9 OPA et 3 al. 1 et 3 et 10 al. 1 OTConst.

Comme cause de l’accident, le département a retenu, en sa qualité de co-responsable, l’absence de coordination entre les entreprises présentes, l’absence de panification des travaux, un platelage non résistant aux charges envisageables -  situation d’autant plus regrettable qu’aucune délimitation physique ou visuelle n’avait été mise en place - et des voies de circulation non résistantes à toutes les charges envisageables.

Le montant de l’amende tenait compte de la gravité objective et subjective du comportement tenu ainsi que du caractère récidiviste de ce dernier (cf. notamment I/ 2______, I/ 3______ et I/ 4______).

L’amende lui était infligée en tant que personne morale employant des travailleurs exécutant des travaux se rapportant à l’activité du bâtiment ou du génie civil, au sens de l’art. 1 l. 2 RChant.

17.         Par acte du 3 novembre 2022, A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement à ce que le département verse l’ensemble du dossier relatif au chantier situé au quartier E______ – Ilot A et qu’un second échange d’écritures soit ordonné, à ce que C______, D______ et F______ soient appelées en cause et, au fond, à l’annulation de la décision ; subsidiairement, à la réduction du montant de l’amende à CHF 100.- ; plus subsidiairement, à ce qu’C______ soit condamnée à la relever du payement de la totalité de l’amende, plus subsidiairement encore à ce qu’F______ soit condamnée à la relever du paiement de la totalité de l’amende et plus subsidiairement encore à ce que D______ soit condamnée à la relever du paiement de la totalité de l’amende, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle sollicitait l’appel en cause des autres membres du Consortium et de la direction des travaux.

Par le biais de la convention et du contrat, elle avait mis en place des procédures, défini des voies de circulation et des zones de déchargement ainsi que géré la zone géographique qui lui incombait. Il avait ainsi été prévu dans les protocoles de G______ qu’C______, pour se rendre de sa zone de travail A4/A5 à sa zone de travail A1/A2 ne traverse la zone A______/D______ que par les chemins d’accès prévus, ce qui n’incluait pas le passage sur le platelage ayant cédé sous le passage du chariot élévateur du salarié d’C______ le 15 novembre 2021. En outre, les platelages mis en place respectaient les prescriptions de la SUVA dans la mesure où ils n’étaient pas destinés à supporter des charges telles que celle du chariot élévateur manœuvré par le salarié d’C______.

C’était à tort que le département avait retenu que le platelage mis en place n’était pas résistant aux charges envisageables. L’accidenté avait traversé plusieurs zones de travail en dépit de la cinématique logistique protocolée, à savoir les voies de circulation et zones d’accès spécifiquement prévues par le chantier, ainsi que les aires de déchargement définies pour chaque zone. Il ne pouvait ignorer l’existence du platelage, lequel respectait les préconisations de la SUVA et n’avait fait l’objet d’aucune remarque des préventeurs sécurité ni des intervenants. L’accidenté n’avait pas respecté les horaires de travail qui lui auraient permis de disposer de la visibilité suffisante, étant rappelé qu’il avait été accompagné de manière insuffisante par un contremaitre à pied. L’accident s’était donc produit en raison du non-respect de ces protocoles.

Le déplacement ayant donné lieu à l’accident ne relevait pas d’une activité propre à G______ mais d’un transport interne d’C______, effectué par l’un de ses employés, sous sa propre responsabilité. L’accidenté et le contremaître avaient commis une négligence fautive. Dès lors, une absence de coordination entre les entreprises présentes et une absence de planification des travaux ne pouvaient lui être reprochées.

Ainsi, aucune faute ne pouvait lui être imputée. L’amende devait dès lors être annulée.

Si le tribunal retenait quand même une faute, le montant de l’amende devait être réduit au minimum légal, soit CHF 100.-. En effet, seule une négligence pouvait être retenue, à savoir ne pas avoir indiqué la charge maximale supportée par le platelage, étant toutefois rappelé qu’il n’était pas destiné à supporter des charges lourdes. Sa négligence était dès lors de peu de gravité. Concernant la récidive, les amendes infligés suite aux infractions I/ 3______ et I/ 4______ l’avaient été postérieurement au contrôle du 25 novembre 2021. De plus, l’amende I/ 4______ faisait l’objet d’un recours pendant devant le tribunal. Ces deux infractions ne pouvaient dès lors être prises en considération dans l’examen du caractère récidiviste de la décision querellée.

18.         Le département s’est déterminé sur le recours le 9 janvier 2023, concluant à son rejet. Il a produit son dossier, notamment un jeu de 14 photos avec des légendes.

Lors de la visite effectuée le 25 novembre 2021, le département avait constaté l’absence de coordination entre les entreprises présentes et l’absence de planification des travaux. A défaut d’avoir respecté cette prescription (art. 3 et 10 OTConst), la recourante avait commis une faute, à tout le moins par négligence, dont elle était responsable.

Par ailleurs, le reportage photographique suffisait à constater que la recourante n’avait pas respecté les prescriptions de sécurité découlant des art. 3 al. 1 et 7 al. 1 RChant. Le platelage n’était pas conforme aux exigences légales puisque que, de son propre aveu, il n’avait pas pour vocation de résister à ce genre de charge. Cette situation était d’autant plus regrettable qu’aucune délimitation physique ou visuelle n’avait été mise en place, faisant que les différents acteurs du chantier ne pouvaient dès lors identifier cette lacune. Pire, au vu de la pigmentation du platelage et de la dalle en béton, il était impossible de faire la différence entre les deux. Enfin, la palette de mortier qui se trouvait au-dessous du platelage aurait dû être enlevée ou recouverte selon l’art. 10 OTChant.

L’amende était ainsi fondée dans son principe.

Quant à son montant, le département avait pris en considération le fait que les manquements reprochés se rapportaient à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d’un chantier aux fins de prévenir les risques d’accident potentiellement très graves, voire fatals pour les ouvriers y travaillant et le public. La recourante ne faisait pas état de difficultés financières qui l’empêcheraient de s’acquitter du montant de l’amende et la circonstance aggravante du cas de récidive était avérée au vu de la dizaine de procédures d’infraction préexistantes ayant abouti au prononcé d’une amende à la recourante, selon liste annexée. Le montant de CHF  9'000.-, se situant au bas de la fourchette, s’avérait donc pleinement proportionné.

19.         A______ a répliqué le 2 février 2023, persistant intégralement dans ses arguments et ses conclusions.

20.         Le département a dupliqué le 14 mars 2023, persistant également dans ses conclusions.

Au surplus, il a relevé les points suivants :

1) la recourante reconnaissait que l'accident s'était produit dans une zone B (correspondant à la zone A3) dont elle s'occupait en collaboration avec D______ ;

2) la convention d'association indiquait, sous chiffre 3, que la recourante assurait le pilotage des travaux de la zone B ;

3) le plan de découpage des zones du Consortium ne faisait aucunement état de voies d'accès qui auraient été définies pour transiter entre la zone Al/A2 et la zone A4/A5, ce plan faisant uniquement état du découpage du chantier en zones, sans d'ailleurs préciser la localisation des points de livraison de chaque secteur ;

4) il ressortait du rapport d'accident du 17 décembre 2021, corrigé suite aux remarques de la recourante, en page 3, sous « arbre des faits », une absence de plan de circulation. Par ailleurs, il n'y avait pas d'indication particulière sur le fait que le platelage était affleurant et accessible et que la zone n'était pas éclairée ;

5) toujours selon le même rapport, avaient été prises comme mesures immédiates l'ajout de garde-corps, avec le prononcé d'une interdiction de toute activité ou déplacement à l'intérieur de la zone délimitée par le garde-corps. Comme mesures de corrections, la mise en place de garde-corps et de bouteroues (de manière à rendre la localisation du platelage visible et non affleurant) avait notamment été validée par le département.

Par conséquent, peu importait la responsabilité des ouvriers ayant circulé à tort ou à raison dans le périmètre du chantier sous la supervision de la recourante. Il était reproché à cette dernière une absence de mesures de protection préventives visant à éviter tout risque de circulation d'une charge excessive sur le platelage litigieux (puisque ledit platelage avait été utilisé comme voie de circulation, en l'absence de planification et de coordination en la matière, alors qu'il n'était pas résistant à toute charge envisageable). L’absence d'éclairage n'était pas reprochée à la recourante.

Concernant la question de la récidive, si les deux autres infractions « en cours » ne pouvaient certes pas être prises en considération, d’autres infractions avaient précédemment été commises par la recourante, comme indiqué sur la première page de la liste des infractions produite.

Ainsi, c'était à juste titre que le département avait amendé la recourante, ainsi qu’C______ et D______, étant rappelé qu'une éventuelle responsabilité entre les membres du Consortium relevait du droit privé.

21.         Le 20 mars 2023, A______ a transmis des écritures spontanées au tribunal et produit des pièces complémentaires, à savoir les plans avec zones de livraison et un extrait de procès-verbal de chantier du 4 novembre 2021.

C’était à F______ de manière générale, et à C______ en ce qui concernait G______, qu’il incombait de coordonner les travaux, en particulier la gestion des zones A1/A2 et A4/A5. Contrairement à ce qu’avait retenu le département, elle n’assumait elle-même aucune responsabilité pour la coordination entre les entreprises et la planification des travaux au sein du Consortium.

Cela étant, les travaux avaient été coordonnés et planifiés, et n’impliquaient en aucun cas une possibilité de livraison en zone A4/A5 pour des travaux prévus en zone A1/A2. Une zone de livraison était spécifiquement prévue pour chaque zone, ce qui excluait toute circulation à travers la zone A3 gérée par elle-même et D______. Il était ainsi démontré que des voies de circulation et des zones de livraison étaient définies pour chaque zone.

Aucun rapport de sécurité n’avait par ailleurs fait mention d’un quelconque défaut du platelage : la mesure proposée depuis lors - à savoir l’ajout de bouteroues et de garde-corps autour de toutes les dénivellations - avait été mise en place sur l’ensemble du chantier, y compris sur les ouvrages exécutés depuis des mois. Aucun manquement à la réglementation en vigueur ne pouvait lui être reproché.

F______ avait d’ailleurs relevé dans un courrier du 26 janvier 2022 adressé à G______ concernant le plan de circulation, que celui-ci n’était pas nécessaire dans la mesure où le déplacement dont il était question in casu était injustifié et aurait pu être évité.

De plus, le Consortium avait remis les plans d’hygiène et de sécurité (PHS) à H______ SA, société en charge de la sécurité du chantier, qui les avait validés, comme confirmé par l’extrait de PV de chantier du 4 novembre 2021, produit.

H______ SA et Monsieur I______, préventeur HSA d’F______, avaient effectué un passage hebdomadaire systématiquement suivi d'un rapport. Jusqu'à l'accident, ceux-ci n'avaient jamais fait état du fait que le platelage en cause ne serait pas réglementaire. Comme déjà relevé dans son courrier du 16 décembre 2021, s'agissant des platelages, aucun rapport de sécurité n'avait fait mention d'un quelconque défaut. De plus, les mesures recommandées n'étaient pas définies par le RChant ou l'OTConst et ne relevaient en aucun cas d'un manquement à la règlementation en vigueur. Elle n’avait dès lors commis aucune faute, même par négligence. Si tel avait été le cas, il aurait été de la responsabilité des préventeurs sécurité d'attirer son attention sur la nécessité de prendre des mesures de sécurité spécifiques. La responsabilité du maître d'ouvrage était dès lors engagée, raison pour laquelle F______ devait être appelée en cause.

Le département lui reprochait à tort une faute par négligence, voire intentionnelle (commission par omission). Elle avait démontré qu'elle n'avait pas violé les règles de la prudence ni commis de faute. L'acte dangereux était à l'origine d'C______, de sorte que le dommage n'était absolument pas prévisible au vu des prescriptions édictées pour la livraison des marchandises et les transports. C______ avait également été amendée, ce qui démontrait sa responsabilité dans l'accident et justifiait en soi son appel en cause. En tout état, sa propre responsabilité ne pouvait être considérée comme identique à la responsabilité assumée par C______ et F______ au regard de l'ensemble des circonstances.

Le département se méprenait lorsqu'il indiquait que la responsabilité des ouvriers ayant circulé - à tort ou à raison - dans le périmètre du chantier sous sa supervision n’importait pas. En effet, elle ne devait assumer aucune responsabilité pour le comportement des ouvriers d'C______, agissant en violation des prescriptions de chantier. Pour rappel, C______ réalisait les travaux sur les zones entourant sa zone et celle D______, sous sa propre responsabilité, tout en assumant au surplus le rôle d’entreprise du Consortium.

Concernant le reproche d'absence de mesures de protection préventives, elle avait démontré que le chemin passant par ledit platelage n'aurait pas dû être emprunté pour un quelconque déplacement par cet endroit, a fortiori avec un engin d'un tel poids. Si ce chemin avait été utilisé par les ouvriers d'C______ pour transiter de la zone C (A4/A5) à la zone A (Al/A2), cela ne découlait ni d'une absence de planification ni d’un manque de coordination entre les entreprises, mais bien du non-respect par ces ouvriers des instructions quant aux horaires de travail, aux mesures d'accompagnement à pied par un contremaître et au lieu de déchargement (l'aire de déchargement de la zone Al/A2 aurait dû être privilégiée par C______ tel qu'indiqué par F______ dans son courrier du 26 janvier 2022). Dès lors, le chemin emprunté, de nuit, hors horaires de travail, de la zone C à la zone A, par les ouvriers d’C______ n'était absolument pas prévisible. Ce trajet relevait donc d'un acte extraordinaire qui rompait le lien de causalité adéquate entre le platelage et la survenance de l'accident. Ce platelage n’était pas sensé servir à la circulation ni au transit, a fortiori d’un chariot élévateur. De plus, l'ouvrier qui conduisait ledit chariot était actif sur le chantier depuis plus d'un an et ne pouvait ignorer que la livraison devait s'effectuer à l'endroit prévu à cet effet pour la zone concernée et la présence, à cet endroit, d'une trémie. C______ avait par ailleurs indiqué qu'elle savait ne pas devoir rouler sur cette trémie.

Partant, il était manifeste que le platelage était appelé à résister à toutes les charges envisageables, parmi lesquelles ne figuraient certainement pas le passage d'un chariot élévateur.

Pour le surplus, elle persistait dans ses conclusions et se référait à ses précédentes écritures qu’elle maintenait intégralement.

22.         Le département a transmis ses observations le 5 avril 2023, soulignant que la recourante persistait à nier sa faute alors que, suite à l’accident, elle avait mis en œuvre des mesures préventives absentes jusque-là.

23.         Par courrier du 4 mai 2023, le tribunal a demandé au département de lui transmettre les décisions d’amendes notifiée à d’autres entreprise pour les mêmes faits, tous les plans relatifs aux voies de circulation établis dans le cadre du projet Îlot A, et de lui indiquer si une procédure pénale avait été ouverte suite à l’accident.

24.         Le 12 juin 2023, le département a transmis au tribunal les trois décisions prononcées le ______ 2022, à l’encontre d’D______ (procédure I/ 5______, classée), d’C______ (Procédure I/ 6______, amende de CHF 9'000.-) et d’F______ (procédure I/ 7______, amende de CHF 9'000.-) ainsi que le plan relatif aux voies de circulation établi dans le cadre du projet Îlot A.

Une procédure pénale avait été ouverte mais il n’avait pas connaissance de l’état d’avancement de cette dernière car il n’était pas partie à ladite procédure.

25.         Par courrier du 31 juillet 2023, le Ministère public a informé le tribunal qu’une procédure pénale (P/8______) avait été couverte contre inconnu pour lésions corporelles par négligence commises au détriment de Monsieur J______ et que cette procédure était en cours d’instruction.

26.         Par décision du 21 août 2023 (DITAI/373/2023), le tribunal a suspendu l’instruction du recours jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/8______.

27.         Par courrier du 18 décembre 2024, le Ministère public a informé le tribunal que la procédure pénale P/8______ avait fait l’objet d’une ordonnance de non entrée en matière le 17 juillet 2024, entrée en force le 2 septembre 2024. La procédure était par conséquent terminée et archivée.

28.         Par courrier du 20 décembre 2024, le tribunal a informé les parties de la reprise de l’instruction de la cause.

29.         Le département a produit ses observations finales le 10 janvier 2025, persistant dans les conclusions prises dans sa détermination du 9 janvier 2023.

Pour le surplus, l'ordonnance pénale de non-entrée en matière prononcée le 17 juillet 2024 par le Ministère public n'avait aucune incidence sur la décision litigieuse, étant précisé qu’une telle ordonnance signifiait simplement qu’aucune instruction ou enquête n'avait été ouverte.

30.         Dans ses observations complémentaires du 30 janvier 2025, la recourante a souligné qu’aucune enquête pénale n’avait été ouverte, ce qui signifiait qu'à aucun moment il n'avait été question de sa responsabilité pénale dans cette affaire. Si son comportement avait pu potentiellement être à l'origine des lésions corporelles pour lesquelles la procédure pénale avait été ouverte, elle aurait à tout le moins été interpellée. Or, tel n'avait pas été le cas, ce qui démontrait qu’elle n'était nullement responsable du regrettable accident subi par M. J______.

Pour le surplus, elle se référait à ses écritures précédentes et persistait intégralement dans ses conclusions.

31.         Par pli du 13 mars 2025, sur demande du tribunal du 3 mars 2025, le département a produit les dossiers d’infraction I/5______ concernant D______ et I/6______ concernant C______.

32.         Par courrier du 17 mars 2025, le tribunal a informé la recourante que les dossiers précités étaient à sa disposition pour consultation auprès de son greffe. Un délai au 9 avril 2025 lui a en outre été imparti pour produire ses éventuelles observations.

33.         Le 9 avril 2025, la recourante a produit ses observations finales, se référant à l’ensemble de ses écritures précédentes et persistant intégralement dans ses conclusions.

Concernant le dossier I/5______, aucune instruction sérieuse du dossier n’avait été conduite par l’OAC, celui-ci s’étant limité à reprendre l’affirmation d’D______ selon laquelle elle serait bornée à lui « mettre à disposition de la main-d’œuvre ». Or, à teneur des pièces du dossier, cette version des faits était inexacte et il était incompréhensible qu’elle ait été sanctionnée tandis que D______, avec laquelle elle avait agi en consortium dans la zone concernée, avait été exonérée de toute responsabilité.

C______, qui pilotait le Consortium, ne pouvait ignorer qu’il était inapproprié de livrer du matériel destiné l’ilot C (A4/A5) pour ensuite le transporter vers l’îlot A (A1/A2) via l’Îlot B (A3) alors qu’un emplacement de déchargement était prévu sur l’ilot A. Il ne pouvait dès lors lui être reproché de ne pas avoir anticipé qu’un chariot emprunterait un itinéraire inexistant. Pour rappel, la sécurité incombait à F______ en sa qualité d’entreprise générale sur le chantier.

Enfin, à teneur du dossier I/6______, C______ avait affirmé ne pas avoir été chargée de la coordination des entreprises, ce qui renforçait ses propres déclarations selon lesquelles les manquements invoqués en matière de coordination ne pouvaient lui être imputés, ladite coordination ayant relevé de la responsabilité d’F______.

34.         Le détail des pièces produites par la recourante sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             A titre préalable, la recourante sollicite les appels en cause d’C______, de D______ et d’F______ dans la présente procédure.

5.             Selon l'art. 71 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable.

6.             L'institution de l'appel en cause permet au juge de contraindre des tiers qui ne possèdent pas la qualité de partie mais qui pourraient en satisfaire les conditions, à participer à la procédure, afin de leur rendre opposable la décision, respectivement le jugement qui doit être rendu à son issue. L'appel en cause n'est pas destiné à faire intervenir ou à étendre la procédure à des personnes qui bénéficient de la qualité de partie et qui auraient omis de participer à la procédure ; il ne permet donc pas de remédier à un défaut de participation des parties. Il vise bien plutôt à préjuger un rapport de droit entre l'appelé en cause et une partie principale dans une procédure pendante entre les parties principales (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème édition, Berne 2015, p. 197 s).

7.             Ainsi, l'art. 71 LPA doit être interprété à la lumière de celle relative à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L'institution de l'appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d'obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/822/2015 du 11août 2015 ; ATA/664/2012 du 2 octobre 2012 consid. 3a ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 7 ; ATA/623/1996 du 29 octobre 1996 consid. 2a), mais a pour but de sauvegarder le droit d'être entendu des personnes n'étant pas initialement parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2 ; 1C_505/2008 et 1C_507/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2).

8.             L'appel en cause vise à préjuger un rapport de droit entre l'appelé en cause et une partie principale dans une procédure entre les parties principales. Dans la mesure où il a pour fonction d'éviter le déroulement d'une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses, l'appel en cause est dicté par un souci d'économie de procédure. Il se justifie également dans la mesure où il permet d'éviter des décisions ou des jugements contradictoires (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème édition, Berne 2015, p. 198).

9.             À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/220/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/77/2009 du 17 février 2009 et les références citées).

10.         L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant en lui évitant un préjudice de nature économique, idéale, matériel ou autre que la décision contestée lui provoquerait (ATF 133 V 239 consid. 6.2 ; 133 II 468 consid. 1 ; 131 V 298 consid. 3). Il implique que le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et qu'il soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; 135 II 172 consid. 2.1 ; 133 II 468 consid. 1 ; 131 II 649 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_96/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.2, s'agissant d'un litige relatif à un appel en cause ; 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 2C_687/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.2 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013).

11.         Il incombe à la personne intéressée d'alléguer, sous peine d'irrecevabilité, les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour agir, lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_96/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.2 et les divers arrêts cités).

12.         D'une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n'admettent que de manière relativement stricte la présence d'un intérêt propre et direct lorsqu'un tiers entend recourir contre une décision dont il n'est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3 ; 131 II 652 consid. 3.1 ; 131 V 300 consid. 3 ; 124 II 504 consid. 3b et les références citées). Pour qu'une atteinte soit assez pertinente pour léser un intérêt digne de protection, il faut qu'il y ait véritablement un préjudice porté de manière directe, réelle et pratique à la situation personnelle du recourant (cf. Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 5.7.2.1 let. d p. 734 s.).

13.         En l'espèce, la décision querellée est une amende administrative prononcée à l'encontre de la recourante sur la base de l'art. 137 al. 1 LCI, lequel prévoit qu'est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b) et aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c).

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b).

Selon la doctrine, une amende ne peut être ordonnée que contre les responsables par comportement, non contre les responsables par situation. En effet, l'amendé doit avoir commis une faute (Emmanuelle GAIDE et Valérie DEFAGO GAUDIN, La LDTR : démolition, transformation, changement d'affectation et aliénation. Immeubles de logement et appartements, 2014, p. 477).

Il résulte de ce qui précède que l'amende prononcée est de nature strictement personnelle.

Ainsi quand bien même, les appelés en cause s'estimeraient responsables de l'infraction reprochée, à l'évidence, l'issue du recours ne leur serait pas opposable. En effet, le tribunal doit en l'espèce trancher la question de savoir si, d’une part, c'est à juste titre que le département a retenu qu'une infraction avait été réalisée, et si l'autrice en est bien la recourante et, d'autre part, dans quelle mesure une faute peut lui être reprochée. En cas de réponse affirmative, il s'agira enfin d'apprécier si le département n'est pas tombé dans l'arbitraire en fixant la quotité de l'amende compte tenu de la faute retenue. Partant, les appelés en cause ne sauraient prendre la place de la recourante dans le cadre de cette procédure, étant précisé que son objet n'est pas patrimonial, mais uniquement celui de savoir si c'est à bon droit que le département a sanctionné un comportement déterminé.

14.         En l’occurrence, C______, D______, F______ n’étant pas susceptibles d'être touchées par l'issue de la présente procédure, la requête visant leur appel en cause ne peut qu'être rejetée.

15.         La recourante conteste le principe et la quotité de l’amende qui lui a été infligée le ______ 2022.

16.         Le Conseil d'Etat fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la salubrité sur les chantiers (art. 151 let. d LCI).

17.         Sur cette base, le Conseil d'État a adopté le règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03), dont la version du 30 juillet 1958 a été abrogée et remplacée par un nouveau règlement, adopté le 15 janvier 2025 et entré en vigueur le 22 janvier 2025.

18.         Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu’un changement de droit intervient au cours d’une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l’angle du nouveau ou de l’ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/1420/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4 ; ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 3c et les références citées), prévaut.

19.         En l’espèce, les faits ayant conduit au prononcé de l’amende s’étant produits en 2021, c’est l’ancienne version du RChant (ci-après : aRChant) qui reste applicable.

20.         Selon l'art. 1 al. 1 aRChant, la prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du aRChant.

Sont tenus de s'y conformer tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet. Il en est de même des personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d'ingénieurs, d'architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé (art. 1 al. 2 aRChant).

21.         Au même titre que, par exemple, la LCI dont il tire sa base légale, l’aRChant s'applique en tant que réglementation d'intérêt public sur tout le territoire cantonal, sur domaine public aussi bien que privé. Son art. 1 al. 2 mentionné ci-dessus indique clairement qu'il concerne toute personne impliquée dans l'acte de construire. La définition très large du cercle de ces personnes signifie que le critère d'application du RChant n'est pas la qualité dans laquelle elles exécutent ces travaux, mais le fait qu'elles participent à l'acte de construire, et que dans cette mesure, elles déploient une activité susceptible de faire courir des dangers à elles-mêmes ou à autrui. Pour les mêmes raisons, ce règlement ne s'applique pas uniquement dans les zones vouées à la construction, mais dans toute zone, dès lors que s'y déroule une activité de construction au sens de la LCI.

22.         In casu, le chantier visé par la sanction litigieuse tombait sous le coup de l’aRChant et, en sa qualité d’entreprise de construction, la recourante a incontestablement participé à l’acte de construire. De même, elle a œuvré sur ledit chantier en qualité de personne morale employant des travailleurs exécutant des travaux se rapportant à l’activité du bâtiment. La recourante était dès lors tenue de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers (art. 1 al. 1 et 2 aRChant).

23.         Selon l’art. 2 aRChant, en tant qu’elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents, au nombre desquelles figure notamment l’OTConst (cf. art. 1 OTConst), font partie intégrante du présent règlement dans le domaine de la prévention des accidents (al. 2).

24.         L’art. 3 OTConst prévoit que les travaux de construction doivent être planifiés de façon à ce que le risque d’accident professionnel, de maladie professionnelle ou d’atteinte à la santé soit aussi faible que possible et que les mesures de sécurité nécessaires puisent être respectées, en particulier lors de l’utilisation de d’équipements de travail (al. 1). Les mesures propres au chantier qui ne sont pas encore mises en œuvre doivent être réglées dans le contrat d'entreprise et spécifiées sous la même forme que les autres objets dudit contrat. Celles qui sont déjà mises en œuvre doivent être mentionnées dans le contrat d'entreprise (al. 5).

Sont réputées mesures propres au chantier les mesures qui sont prises lors de travaux de construction en vue de protéger les travailleurs de plusieurs entreprises, notamment: a. les mesures de protection contre les chutes, en particulier au moyen d’échafaudages, de filets de sécurité, de passerelles, d’un garde-corps périphérique ou d’obturations des ouvertures dans les sols et toitures (al.6)

25.         L’art. 10 al. 1 OTConst précise que les dispose les objets tranchants ou pointus doivent être enlevés ou recouverts, les fers d'armature saillants doivent recourbés en forme de crochet et, si cela s'avère impossible, des protections adéquates doivent être installées pour prévenir tout risque de blessures.

26.         Au titre des prescriptions de sécurité figure également l'art. 3 al. 1 RChant qui prévoit que le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le présent règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.

27.         L'art. 7 al. 1 RChant prévoit également que les devis, soumissions, adjudications, plans d'exécution, installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l'application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé.

28.         La chambre administrative de la Cour de justice accorde généralement une valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 ; ATA/902/2016 du 25 octobre 2016), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par les agents du département, qui sont des fonctionnaires ayant mandat de veiller à l’application de la loi dans l’exercice de leurs activités (cf. art. 8 et 138 LCI) (ATA/537/2017 du 23 mai 2027 consid. 11b).

29.         Selon l’art. 9 OPA, lorsque des travailleurs de plusieurs entreprises sont occupés sur un même lieu de travail, leurs employeurs doivent convenir des arrangements propres à assurer le respect des prescriptions sur la sécurité au travail et ordonner les mesures nécessaires. Les employeurs sont tenus de s’informer réciproquement et d’informer leurs travailleurs respectifs des risques et des mesures prises pour les prévenir (al. 1).

L’employeur doit expressément attirer l’attention d’un tiers sur les exigences de la sécurité au travail au sein de l’entreprise lorsqu’il lui donne mandat, pour son entreprise: a. de concevoir, de construire, de modifier ou d’entretenir des équipements de travail ainsi que des bâtiments et autres constructions; b. de livrer des équipements de travail22 ou des matières dangereuses pour la santé; c. de planifier ou de concevoir des procédés de travail (al. 2).

30.         Les contrôles de l'administration ne libèrent pas les intéressés de leurs obligations et de leur responsabilité (art. 331 aRChant).

31.         En vertu de l’art. 334 aRChant, tout contrevenant aux dispositions du présent règlement est passible des peines prévues par la LCI.

32.         En l’espèce, il ressort du rapport d’enquête dressé par l’inspecteur lors du contrôle effectué sur place le 25 novembre 2022, que le chantier ne se déroulait pas dans le respect des dispositions légales précitées.

En particulier, il a été retenu à l’encontre de la recourante, en qualité de coresponsable, une absence de coordination entre les entreprises présentes (violation de l’art. 9 OPA), une absence de planification des travaux (violation de l’art. 3 al. 1 OTConst), un platelage non résistant aux charges envisageables (violation de l’art. 3 al. 5 OTConst) et des voies de circulation non résistantes à toutes charges envisageables (violation de l’art. 10 al. 1 OTConst).

La recourante conteste les constats de l’inspecteur sans cependant apporter la preuve de ses allégations contraires. Or, comme indiqué ci-dessus, le rapport d’enquête précité a force probante. Le tribunal n’a donc, en l’état du dossier, aucune raison de douter de sa véracité ou de s’en écarter.

33.         Pour le surplus, il ressort clairement des photographies qui figurent au dossier que le platelage en cause n’était pas conforme aux prescriptions légales de sécurité précitées. En particulier, aucune délimitation physique ou visuelle n’avait été mise en place pour signaler sa présence aux personnes circulant sur le chantier. Aucune différence de couleur ne permettait de distinguer ce platelage, affleurant, de la dalle en béton environnante. Sans signalisation adéquate, il était dont impossible de distinguer les deux surfaces. La recourante a en outre reconnu que ce platelage n’avait pas vocation à résister à ce genre de charges. Conformément à l’art. 3 al. 5 OTConst, il aurait donc dû être signalisé ou entouré d’une barrière, ou de toute autre délimitation physique, pour éviter le passage de personnes ou de véhicules aux poids dépassant la charge admissible, de d’autant plus qu’il surplombait un vide de 5 mètres. Enfin, la palette de mortier qui se trouvait au-dessous du platelage aurait dû être enlevée ou recouverte (art. 10 al. 1 OTConst).

Les allégations selon lesquelles l’ouvrier accidenté travaillait pour C______ et n’était pas sensé circuler à cet endroit n’enlève rien à la responsabilité objective de la recourante qui devait assurer - avec D______ - la sécurité de cette partie du chantier (zone A3), pour précisément éviter la survenance de ce genre d’accidents. A cet égard, elle se devait de prendre toutes les mesures de sécurité et de protection requises pour empêcher le passage d’une charge excessive sur ce platelage, constitué de simples planches, qui se trouvait de fait sur une voie de circulation vu l’absence de planification et de coordination des entreprises actives sur cette zone.

Compte tenu de ces lacunes, le tribunal retiendra que la recourante a commis une faute par omission, à tout le moins par négligence, dont elle est responsable.

A ce stade, il convient encore préciser que toutes ces considérations se rattachent uniquement aux obligations de droit public, découlant notamment de l’OTConst, de l’OPA et du aRChant, et qu'elles doivent être clairement distinguées de l'éventuelle responsabilité qui peut être attribuée en responsabilité civile en raison d'un acte illicite. A cet égard, les éventuels litiges relatifs aux responsabilités respectives des entreprises en cause relèvent du droit privé et sortent du cadre de la présente procédure.

34.         Au vu de ce qui précède, le tribunal considère que le département a retenu à juste titre que la recourante avait contrevenu aux art. 1, 3 al. 1 et 7 al. 1 aRChant, à l’art.  9 OPA ainsi qu’aux art. 3 al. 1 et 3 et 10 al. 1 OTConst. Elle doit donc répondre envers les autorités des irrégularités constatées.

35.         Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 334 aRChant).

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI).

36.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 9b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

37.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 ; ATA/71/2012 du 31 janvier 2012). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/824/2021 précité consid. 7c; ATA/74/2013 du 6 février 2013 et la référence citée).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_412/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/824/2021 précité consid. 7c).

Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

38.         L'amende doit également respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/611/2016 précité consid. 10c et les références citées ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

39.         Dans sa jurisprudence relativement récente, la chambre administrative de la Cour de justice a confirmé à plusieurs reprises, dans des situations d'infractions au RChant qui ne révélaient pas d'antécédents, des amendes de CHF 5'000.- tenant compte en particulier du nombre et de la gravité des infractions constatées (ATA/131/2023 du 7 février 2023 ; ATA/142/2022 du 8 février 2022 ; ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

À titre exemplatif, elle a confirmé une amende de CHF 5'000.- infligée à deux MPQ pour des travaux effectués en hauteur par des ouvriers avec des garde-corps manquants, en mauvais état ou incomplets et un risque de chute supérieur à 2 m, ainsi que pour avoir terminé le chantier dans l’irrespect de l’ordre d’arrêt de chantier (ATA/440/2019 du 16 avril 2019). Elle a également confirmé une amende de CHF 6'000.- envers un MPQ présentant déjà cinq antécédents qui avait laissé travailler des ouvriers sur un échafaudage non conforme, présentant un vide supérieur à 30 cm et une hauteur de chute supérieure à 2 m (ATA/559/2021 du 25 mai 2021).

40.         En l’occurrence, la recourante n’a pas satisfait à ses obligations légales et, partant, a commis une faute, ne serait-ce que par négligence, qui justifie d'être sanctionnée, de sorte que l'autorité intimée n'a pas fait preuve de formalisme excessif en lui infligeant une amende. Eu égard à sa position d’entreprise de construction et à ses connaissances professionnelles, cette dernière ne pouvait ignorer la nature et la portée de son obligation, découlant des règles essentielles visant à assurer la sécurité d’ouvriers. Il ressort en outre du dossier du département que la recourante a déjà fait l’objet de nombreuses amendes pour des infractions commises sur des chantiers (cf. liste de seize infractions commises entre 2011 et 2022).

L'amende est ainsi fondée dans son principe.

41.         Reste à examiner si sa quotité, à savoir CHF 9'000.-, respecte le principe de proportionnalité.

42.         En l’occurrence, les manquements qui sont reprochés à la recourante, se rapportent à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement très graves, voire fatals, pour les ouvriers y travaillant, et pour le public, ce qui justifie le prononcé d'une amende élevée. Il faut encore souligner que M. J______ a été victime d'une chute qui l’a blessé mais aurait pu entraîner sa mort ou une atteinte grave et irréversible à son intégrité physique. En outre, dans sa décision querellée, le département a très clairement indiqué à la recourante les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir la gravité objective et subjective du comportement tenu, soit la mise danger du public et des ouvriers, et son caractère récidiviste.

Le montant de l'amende est en outre apte à atteindre le but d'intérêt public poursuivi quant au respect des règles de sécurité établies avant tout en matière de protection de la santé et de la vie des ouvriers. Il est également nécessaire, car il n'y a pas de mesure moins incisive qui permettrait d'atteindre le même but, la recourante persistant par ailleurs à nier sa propre responsabilité.

43.         Le département a visiblement fait application du principe de proportionnalité dans ce cadre, puisqu'il a prononcé une amende somme toute modérée par rapport au maximum prévu par la loi, par rapport à sa pratique en matière d'amendes pour infractions au RChant (dont la jurisprudence du tribunal donne un aperçu) et à la faute sérieuse commise par la recourante. Par ailleurs, cette dernière ne démontre pas ni ne soutient que le paiement de cette amende l'exposerait à des difficultés financières particulières.

44.         Partant, le département n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 9'000.-.

45.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté et l’amende litigieuse confirmée.

46.         Vu cette issue, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), lequel est couvert par l'avance de frais de même montant versée suite au dépôt du recours.

Il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario).

 



PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière